Insider - Caroline MOTHE
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Insider - Caroline MOTHE
Insider : un projet d’innovation de rupture Cas réalisé par Catherine et Dominique Puthod Contexte et objectifs du cas Dramæra est une petite société de pointe dans le secteur du multimédia. Connaissant des difficultés financières (comme nombre de ses concurrents d’ailleurs), elle est à la recherche d’un repreneur qui pourrait investir des fonds et lui redonner l’oxygène nécessaire à la poursuite de son activité. Elle trouve en la personne de François Salomon, fils d’un industriel français renommé, un acheteur potentiel. Ce passionné de cinéma d’animation a en effet déjà investi dans plusieurs entreprises du secteur, notamment dans une société de distribution de films d’animation et dans l’Internet. François Salomon n’est néanmoins pas un philanthrope. Comme tout investisseur, il souhaite être rassuré sur la pertinence de cette opportunité d’achat. Il fait alors appel à vous en tant que conseiller. A ce titre, il vous charge d’étudier les différentes options de développement possibles de la société. Travail suggéré Afin d’appuyer le nouveau Business Plan sur des bases solides, vous envisagez d’effectuer un examen critique du développement passé de l’entreprise. Pour ce faire vous tenterez de comprendre la logique qui a animé le dirigeant et vous analyserez la stratégie d’innovation qui a été mise en œuvre. Puis vous étudierez le secteur du jeu vidéo afin de définir si Dramæra doit se maintenir ou se retirer de cette activité. A partir de là, vous pourrez proposer une stratégie pour Dramæra. Le travail demandé comporte donc les étapes suivantes : 1 1/ Un examen de la logique entrepreneuriale - Analyse du profil du dirigeant. - Etude de l’évolution des objectifs poursuivis. 2/ Une analyse de la stratégie d’innovation - Quelles sont les conditions de réussite du projet « Insider » ? - Quelles influences ce projet a-t-il sur les ressources et compétences de l’entreprise, sur son système d’offre ? - Quelles sont finalement les raisons essentielles de l’échec ? 3/ Une étude du secteur du jeu vidéo - Examen de la conjoncture du jeu vidéo fin 2001 - début 2002. - Analyse des relations de pouvoir au sein de la filière et identification des facteurs clés de succès. - Position concurrentielle d’un studio de développement indépendant comme Dramæra. 4/ Une stratégie pour Dramæra Celle-ci devra répondre à un certain nombre de questions : Faut-il revenir aux activités d’origine ? Quel positionnement central ? Comment valoriser les actifs (Insider) et notamment la technologie AVA ? Pour répondre à ces interrogations, vous étudierez la capacité stratégique de l’entreprise, c’est-à-dire sa capacité à proposer des produits et services que les clients valorisent ou pourraient valoriser dans l’avenir. Pour vous permettre de répondre à ces questions, vous avez à votre disposition différents documents : l’énoncé et les annexes. L’énoncé qui suit retrace l’évolution de la société Dramæra à travers le parcours de son dirigeant. Il est construit à partir d’interviews de ce dernier1 et présente une version chronologique des événements. Les annexes reprennent l’histoire financière et la situation économique de l’entreprise, une présentation de ses principales réalisations, ainsi que des informations sur le marché des jeux vidéos. 1 Les parties en italique correspondent à des citations du dirigeant. 2 I – L’histoire personnelle du dirigeant : Jean-Noël Portugal Jean-Noël Portugal (JNP) est un homme d’une quarantaine d’année qui n’a pas un profil de dirigeant classique. 1.1/ Un littéraire mal orienté Ce dirigeant hors-normes se définit lui même comme étant « un littéraire mal orienté ». Après une préparation au concours d’entrée HEC dans un lycée d’une petite ville de Rhône-Alpes, JNP est admis à l’ESCP (Ecole Supérieure de Commerce de Paris) et à l’EM Lyon (Ecole de Management de Lyon) en 1980. Mais cette formation aux affaires ne correspond pas véritablement à un choix, puisqu’il s’avère qu’il est avant tout attiré par la littérature. Ce n’est donc pas la hiérarchie supposée des écoles de commerce qui va lui permettre de trancher entre les deux grandes écoles. Des critères moins conventionnels lui feront privilégier l’EM Lyon. Pour JNP, ce qui compte ce ne sont pas les techniques de gestion ou les savoir-faire appris sur les bancs de l’école (il rejette les modèles), ce sont avant tout les utopies : « le bonheur, tout de suite2 » et « la relation à autrui ». Ses orientations à la sortie de l’école seront donc influencées par cette « philosophie » et par son attirance profonde pour la littérature : « il n’y a rien au-dessus d’Albert Camus ». Dès lors, à une époque (les années 80) où de nouveaux champs sont en train de s’ouvrir (ex : essor des radios libres), deux secteurs professionnels vont être privilégiés par JNP pour le début de sa carrière : le livre et le cinéma. Pour préparer son entrée dans le mode professionnel, JNP décide donc d’envoyer à tous les éditeurs français une lettre de candidature spontanée. 1.2/ Une attirance pour les médias La revue « Autrement » sera la première à lui donner une réponse positive. En janvier 1984, JNP rejoint donc cette petite maison d’édition parisienne de littérature alternative. Immédiatement, il sera fasciné par la personnalité du directeur, Henry Dougier. Mais la fonction qui lui est confiée, vendre de la publicité, ne correspond pas du tout à ses attentes. « Pour vendre, il faut parler, séduire, demander. A l’époque, je voyais ça comme une activité un peu obscène, humiliante… ». JNP décide alors de rechercher un autre poste, plus en 2 Les expressions en italique sont extraites des interviews réalisés avec le dirigeant. 3 cohérence avec son profil. En 1985, il rejoint ainsi l’agence Octet, créée à l’initiative de Jack Lang, afin de palier une certaine frilosité du Centre National de la Cinématographie (CNC) dans le domaine du dessin animé et des images de synthèse. Il rencontre une deuxième personnalité qui va également le fasciner : Daniel Populus, le patron de l’agence, une homme à la créativité débordante. Dans sa fonction de « chargé de mission », JNP va cette fois-ci prendre beaucoup de plaisir. Il co-produit des dessins animés, s’occupe de vidéo-clips, que ce soit pour les Rita Mitsouko (Marcia Baïla) ou pour Indochine, et finance l’écriture d’Alger la Blanche, premier court métrage de Cyril Collard, le futur réalisateur des « Nuits fauves », film primé aux Césars. Cette agence a un positionnement très artistique et travaille en partenariat avec des personnalités de talent. Mais elle sera dissoute deux mois avant les élections législatives de 1986… JNP est alors recruté par un groupe de la grande distribution qui possède également des activités dans l’édition (des magazines comme « Nous deux » ou « Télé Poche ») et dans l’audiovisuel (Vidéos). JNP va assurer la fonction d’attaché de direction de la filiale de Vidéos, qui doit être redressée (l’entreprise est en perte de vitesse, il va devoir trouver rapidement un équilibre financier). C’est au cours de cette expérience qu’il va apprendre la rigueur de la méthode de travail, auprès d’une femme qui restera pour lui un modèle : MarieChristine Grollemund. Parallèlement à la restructuration, une politique d’achat de films, parfois sur scénario, est mise en œuvre, qui rencontrera de beaux succès avec « Terminator 1 », « La Rose Pourpre du Caire », ou « Le grand chemin »… 1.3/ L’acquisition d’une compétence en ergonomie des interfaces hommes machines Quatre ans plus tard, en 1989, JNP décide pour des raisons personnelles de rejoindre Grenoble et travailler dans une petite entreprise d’audiovisuel. Mais là encore il n’est pas totalement à l’aise. Il s’associe alors avec un consultant indépendant pour prendre le virage des technologies de l’information. C’est à partir de cette période qu’il découvre ce que sera son métier. Il commence à former des salariés d’entreprises à des logiciels de bureautique et à des progiciels de gestion. Ceci l’amène à récolter ou formuler de nombreuses critiques sur les contenus de ces logiciels. Progressivement, JNP développe de nouvelles compétences dans le domaine de l’ergonomie des Interfaces Hommes/Machines (IHM). Il analyse ainsi les différents standards proposés par Microsoft, Apple, IBM…, trouvant de plus en plus de points communs entre l’IHM et la linguistique. Il propose ainsi son expertise aux fabricants de 4 logiciels, afin qu’ils repensent leurs produits. Son nouveau mentor devient l’américaine Brenda Laurel, véritable fondatrice de la culture homme/machine et auteur du célèbre ouvrage « The art of Human Computer Interface Design ». C’est donc autour de ce nouveau domaine de compétences, qui mêle design et ergonomie dans les applications interactives, que JNP exerce le métier de consultant indépendant. Le retour vers les médias se fait avec Canal+ qui devient un client important dans la mesure où ses besoins en matière de conception d’interface seront dans le futur multiples (ergonomie du décodeur, des services interactifs, du site Web…, cf. annexe 4). La vision de JNP est la suivante : « l'ergonomie n'est pas une discipline isolée, maîtrisée seulement par quelques spécialistes détenteurs d'un savoir ex cathedra. Il s'agit au contraire d'une compétence collective, que doit partager toute l'équipe d’un projet (concepteurs, graphistes, développeurs…). Par ailleurs, l'ergonomie n’est pas non plus une discipline figée, au contraire, elle évolue en permanence. Elle est au cœur des nouvelles technologies et des médias, qui sont eux-mêmes en perpétuel mouvement. Elle doit prendre en compte ces changements, mais aussi l'acquisition continue d'expérience par les utilisateurs. Sollicités de plus en plus par des interfaces de toutes sortes, ceux-ci développent des habitudes, des savoirfaire et des modes de représentation toujours nouveaux. Le concept d'interface intuitive (qui est à la fois le Graal et l'Arlésienne des ergonomes) évolue sans cesse, car l'intuition se fonde en grande partie sur la mémoire, la reconnaissance et l'anticipation, donc sur l'expérience. Une interface ne peut donc jamais être conçue hors contexte ». Progressivement cette pratique expérimentale en IHM permet à JNP de développer une méthodologie d’intervention. Celle-ci est schématisée sous la forme d'une "Pyramide ergonomique", « où la conception de l'interface apparaît comme la synthèse des potentiels, objectifs, et contraintes qui caractérisent le projet, son environnement interne (entreprise éditrice) et son environnement externe (utilisateurs, concurrence, état de l'art technique…). L'analyse prend en compte la situation instantanée et les perspectives d'évolution probables ou possibles. Le designer / ergonome joue alors un rôle à la fois pivot et relationnel, qui ne se réduit ni à une technique isolée, ni à quelques recettes ». Fort de cette nouvelle expérience et à la demande d’un de ses gros clients qui lui fournit de plus en plus de travail (Canal Plus), il décide de créer sa propre structure en 1994 : In Visio. 5 II - La création de la société « In Visio » La société In Visio, SARL au capital de 50 000 francs (7622 euros), est fondée en septembre 1994 avec cinq associés3. L’entreprise s’installe à Annecy en Haute-Savoie. A l’origine, elle répond à une opportunité qui vise à accompagner la chaîne Canal+ dans le développement de ses premiers produits interactifs. L’entreprise est donc un prestataire de services qui imagine et réalise, pour le compte de tiers, des produits multimédias. Plusieurs projets vont façonner progressivement un véritable studio de création et de réalisation, intégrant la chaîne de production interactive, de l’idée originale à la livraison du produit final. L’évolution vers la production interactive ne remet pas en cause le conseil en ergonomie interactive4. Bien au contraire, elle facilite une intervention plus globale de l’analyse des besoins à la conception d’application et au design d’interface, pouvant aller jusqu’à la réalisation de maquettes ou de prototypes (cf. en annexe 4 : les réalisations). En effet, « en maîtrisant contenant et contenus, l’entreprise peut créer l’environnement émotionnel permettant à l’utilisateur d’accéder plus facilement aux informations, images et services nouveaux que proposent les objets de la vie courante… ». 2.1/ La production interactive En 1994, une nouvelle tendance monte dans l’industrie du multimédia : la production de Cédérom. Canal+, sollicite In Visio pour sortir un Cédérom à l’occasion de ses 10 ans. Ce premier produit « Les 10 ans de Canal+ » est réalisé à partir de la charte graphique élaborée par le Directeur Artistique de la chaîne, Etienne Robial, In Visio s’occupant de la conception de l'interface, de la création graphique, du traitement des médias, du développement et de la production exécutive. Il présente de façon exhaustive les émissions et animateurs de la chaîne, dans une interface dépouillée proche de l'univers visuel de Canal+. Destiné aux journalistes dans un premier temps, le cédérom a finalement été distribué à tous les abonnés de Canal+ qui en ont fait la demande, soit plus de 67 000 personnes. Il remportera le Milia d'Or (catégorie professionnelle) en 1995. 3 Parmi les associés, quatre ont rejoint JNP pour fonder In Visio (les deux directeurs généraux, le directeur technique et le directeur artistique). Le dernier associé est Marie-Christine Grollemund qui sortira du capital lors de sa première augmentation… 4 Depuis sept ans, cette compétence a été étendue à la réalisation complète de jeux, produits éducatifs et d’apprentissages, sites Web, et toute une gamme de créations interactives. 6 Peu après, c’est pour les « Guignols de l’Info », une émission au sommet de sa gloire, qu’un projet de scénario de jeu interactif est élaboré. Il s’agit en fait de la première adaptation interactive à succès d'un programme phare de la télévision. Plus de 20 000 heures de travail sont effectuées en moins de six mois par une équipe de 15 personnes : scénario original, univers en 3D (trois dimensions), adaptation (esprit, humour et graphisme en parfaite harmonie avec le modèle). Ce produit rencontre un grand succès public avec plus de 250 000 exemplaires vendus. Ce jeu noue une collaboration entre l'équipe des Guignols de l'Info et In Visio. Celle-ci dure maintenant depuis 7 ans. Afin de maîtriser parfaitement l'écriture et le style, une base de données indexée de tous les dialogues écrits par les Guignols de l'Info sur la période est réalisée. 2.2/ Un savoir-faire créatif sur un marché où la qualité n’est pas prédominante Le milieu des années 90 est marqué par le plein essor de la production de cédérom : le marché explose et l’improvisation devient la règle. « Tout marche et la médiocrité est au cœur de cette activité. Le contenu est bâclé, voire absent, quant au graphisme, il est généralement nul… ». On observe « un océan de daubes à 250 francs » déclare JNP. En 1995, la FNAC, consciente de cette pauvreté, n’hésite pas à qualifier ce marché de poubelle. Pour influer sur l’offre standard, elle invente alors les « flèches FNAC », afin d’attirer l’attention des clients sur les produits de qualité. Sur 3 500 produits sortis, la FNAC en référence 700 et seuls trente obtiennent une « flèche ». Dans ce contexte, la période 1994-96 est plutôt positive pour l’entreprise. In Visio, qui mise sur des produits de très grande qualité, sort notamment en coproduction avec les Editions du Seuil et L’école de Voile des Glénans, un cédérom centré sur les fondamentaux pédagogiques de la navigation (« Navigation virtuelle »), bientôt suivi par un deuxième opus : « Croisières Virtuelles ». Un tel projet est ambitieux, dans la mesure où il demande : - la conception d’un scénario pédagogique réalisé en commun avec l'équipe des Glénans (plus d'un an d'écriture au total), - la reconstitution d'un bateau de 9 mètres en 3D, avec tout son accastillage, et 5 équipiers animés, - la reconstitution d'un plan d'eau côtier de 60 miles par 40, avec ses cartes et son modèle physique (vents, courants, marées…), permettant une navigation en 3D temps réel, 7 - l’élaboration d'un système expert (moniteur virtuel) qui observe, commente et critique les décisions prises et les manœuvres accomplies par le joueur. L’équipe d’In Visio s'est investie totalement sur ces projets, allant jusqu’à effectuer plusieurs stages d'apprentissage en mer, afin d'acquérir les compétences nécessaires au dialogue avec les experts de l’école des Glénans. Les deux cédéroms ont été traduits en huit langues. 2.3/ Les compétences maîtrisées Progressivement, l’entreprise va développer des compétences dans trois directions : l’écriture, la création graphique et l’animation, et le développement informatique de produits multimédia. - L’écriture doit permettre d’adapter un contenu, de rechercher la meilleure plus-value interactive, d’imaginer un scénario original… Elle fait partie intégrante du métier et correspond aussi à une passion. Les compétences internes sont multiples : fiction, création d'univers et de personnages, « gameplay »5, mise en scène d'informations, scénarios pédagogiques… L’entreprise sait également mobiliser son réseau pour rechercher et diriger l'auteur le plus adapté au style de la demande. - Pour la création graphique et l’animation, l’équipe graphique polyvalente est formée aux meilleurs outils de création et d'animation en 2D comme en 3D : Photoshop, Illustrator, 3DSMax, CharacterStudio, LightWave, StrataStudio, Effect, AfterEffect… Elle maîtrise la modélisation, la création de décors, la création et l'animation de personnages, la conception d'univers originaux, le design et la déclinaison de composants d'interfaces, les maquettes, gabarits et modèles. - Le développement est assuré par une équipe constituée d'ingénieurs de haut niveau, expérimentés dans les langages C/C++, Java, HTML, Lingo, et les outils NetImmerse (moteur 3D temps réel), Director, Flash, DreamWeaver, FrontPage… en environnements PC et MacIntosh. Elle possède un savoir-faire important en analyse et spécification d'architectures logicielles complexes. A ces compétences nécessaires, il faut ajouter la maîtrise des méthodes de gestion de production, liée à l'expérience de productions importantes (de 3 000 à 5 000 jours/hommes) qui peuvent réunir des équipes internes et parfois plusieurs sous-traitants. La société est ainsi 5 Le « Gameplay » est le mécanisme ludique d’un jeu vidéo couplé à l’interface avec l’utilisateur. Il définit les buts du jeu et les moyens donnés au joueur pour atteindre ses objectifs. 8 en capacité d’assurer la pré-production (phase exploratoire indispensable à la plupart des projets permettant de certifier budget et planning) ; la sélection et le recrutement des équipes et des prestataires techniques en fonction des compétences requises ; l'ingénierie juridique en particulier en matière de droits de Propriété Intellectuelle ; la direction technique, éditoriale et artistique ; la coordination de tous les intervenants ; l'établissement des états intermédiaires de production, le reporting et la livraison des « milestones » (versions successives aux phasesclés du projet) ; l'élaboration des protocoles d'évaluation, les tests techniques et d'usage ; la documentation du projet. 2.4/ L’organisation d’In Visio En juillet 1995, dix mois après sa création, la société compte dix-sept personnes. L’organigramme d’In Visio Jean-Noël Portugal Président Stratégie, Directeur de création, Auteur Nicolas Boutherin Directeur Général Développement commercial Marc Alvarado Directeur Général Management et Organisation Eric Caul Futy Directeur Technique Une équipe de 5 développeurs Marc Limousin Directeur artistique : Une équipe de 5 graphistes La structure d’In Visio est organisée autour de Jean-Noël Portugal. En tant que Président de l’entreprise, il est inévitablement la référence, il incarne la vision de l’entreprise et suscite l’enthousiasme. Au delà de cette fonction, il assume la direction de la création dans la mesure où il intervient sur la conception éditoriale et influe sur les contenus. Souhaitant partager le pouvoir, on trouve autour de JNP deux directeurs généraux associés au capital. NICOLAS BOUTHERIN est un autodidacte qui a fait toute sa carrière dans l’audiovisuel. Son parcours, de la petite entreprise spécialisée à Canal+, lui a permis de côtoyer la plupart des décideurs de l’industrie du multimédia et de l’audiovisuel. En rejoignant In Visio, il fait le 9 choix d’une petite structure agile et mobile et met sa vision à la fois créative et commerciale ainsi que son réseau de relations à la disposition de l’entreprise. MARC ALVARADO, ancien de l’EM Lyon, est un ami personnel de JNP. Musicien, excellent créatif, il partage avec JNP la même sensibilité artistique. Ancien fondateur d’une agence de marketing, il apporte non seulement des compétences en Management (organisation et finance), mais aussi tout un savoir faire dans le domaine de la communication et de la représentation de l’entreprise6. ERIC CAUL FUTY, le directeur technique, est un ingénieur informaticien de haut niveau. Il dirige une équipe de développeurs qui comprendra jusqu’à cinq salariés. Quant à MARC LIMOUSIN, c’est un graphiste de talent que connaît bien JNP. Jusque là, il travaillait de manière indépendante. C’est pourquoi, JNP souhaite qu’il s’associe à son nouveau projet et qu’il accepte de diriger une équipe qui atteindra jusqu’à cinq graphistes. Mais gérer une entreprise qui a une croissance aussi rapide et assumer la responsabilité de 17 salariés, ce n’est pas toujours évident : « C’est en principe là que les ennuis commencent »… III - La recherche d’une nouvelle position dans la filière Les réalisations d’In Visio ont permis à l’entreprise de se construire une image forte dans le domaine du multimédia. Cependant, sa position de prestataire ne lui permet pas d’exploiter pleinement son savoir-faire créatif. Par ailleurs, elle ne perçoit pas ou peu de recettes issues des ventes, mais seulement une rémunération forfaitaire pour la réalisation. C’est pourquoi une ouverture du capital est envisagée, afin de faire naître des concepts originaux dont l’entreprise détiendrait les droits d’exploitation… 3.1/ L’ouverture du capital En 1996, pour financer son développement, In Visio se tourne vers le capital-risque et sollicite trois fonds d’investissement. Ils répondront tous positivement, au grand étonnement du dirigeant : « on est allé courtiser des gens, qui en retour se sont mis à nous courtiser ». JNP se rend compte que les mises de fonds se font de façon relativement aléatoire et que 10 l’objectif des « risqueurs » est d’investir sur un projet à potentiel avant leurs concurrents. Les futures augmentations de capital, à une valorisation plus élevée, doivent en effet leur permettre de rentabiliser rapidement leur investissement. JNP découvre le milieu du capital risque à un moment où les choses s’emballent. Le marché a besoin de success stories et vit dans l’ivresse. « On pouvait lever des sommes qui nous paraissaient folles. On se demandait comment cela pouvait être possible avec un capital de 50 000 F ! ». Sa société est ainsi valorisée à sept millions de francs « pré-monnaie » (plus d’1 million d’euros). En juillet 96, il obtient 2,5 MF (400 000 euros) auprès d’un des fonds. Mais cette somme est engloutie en six mois, entraînant la société dans un engrenage : quand ses responsables cherchent de l’argent, ils ne prospectent pas de nouveaux clients, et les liquidités font à nouveau défaut7. La pression est alors à son maximum : il faut salarier 17 personnes, ce qui représente une très grosse responsabilité. Les charges sont énormes, c’est la course en avant. 3.2/ La volonté d’évoluer vers le métier de producteur et d’éditeur Cette première levée de fonds doit permettre à l’entreprise de devenir producteur de ses propres œuvres (prises de participation en coproduction). Mais pour faire évoluer l’entreprise vers le métier d’éditeur, et donc sortir de la production exécutive (sous-traitance), il faut des moyens de plus en plus importants (cf. annexe 4). « En fait, il aurait fallu 25 millions de francs (3,8 millions d’euros), mais on a sous-estimé le besoin et on n’a reçu aucun conseil des gestionnaires de fonds visant à nous montrer que la somme demandée initialement était insuffisante ». Le premier plan éditorial vise à créer un produit pour les enfants sur la forêt, mais le fond d’investissement n’est pas intéressé, il souhaite un produit plus risqué. JNP est alors torturé entre sa nature interne plutôt réservée et le message du représentant de son fond d’investissement : « Il faut foncer, c’est la logique du capital risque. On ne veut voir que la gagne. Ne travaillez pas dans la prudence ». L’évolution vers le métier d’éditeur est donc plus difficile que prévue. L’entreprise est trop petite, trop provinciale et arrive trop tardivement sur le marché. Seul un co-développement est envisageable, avec des partenaires comme Le Seuil, Ubi Soft, Infogrames... Dès lors, 6 En fait, plus attiré par la dimension créative, ce dernier va très vite délaisser la fonction Management pour écrire des scénarios … 7 Au total, ils feront quatre levées de fond (juillet 1996, mars 1997, mars 1999, avril 2001, cf. annexe 2). 11 beaucoup de temps est perdu en rencontres, négociations et coordination. Une bonne coédition voit le jour avec les éditions du Seuil sur « Les Glénans 2 : croisières virtuelles » En revanche, avec une autre société, la collaboration se passe mal. Le projet porte sur un cédérom pour enfants, où In Visio est à la fois co-producteur et co-éditeur. In Visio doit donc assurer la réalisation, et prendre en charge tous les dépassements de budget. Au final, les ventes ne couvriront jamais les investissements engagés en production. En outre, le rapport de forces défavorable à In Visio se traduit dans le déséquilibre des contrats. L’expertise juridique devient un facteur clé de succès et il apparaît impératif de disposer d’avocats d’affaires spécialisés. « Ce marché s’apparente à un Western où il faut jouer les cowboys ». In Visio est appréciée pour sa capacité à faire rêver. Les acteurs avec lesquels l’entreprise travaille exploitent cette compétence mais se sécurisent sur le marché par l’intermédiaire de contrats. « Ils ont tendance à nous pomper toute notre imagination, tout en nous laissant prendre les risques techniques ». En fait, chaque fois que In Visio sort un nouveau produit, l’entreprise rencontre un succès d’estime, mais les résultats ne suivent pas. Pour tenter de défendre ses titres, In Visio a acheté des publicités dans les catalogues, mais ce type d’investissement n’a jamais pu être rentabilisé. Il semble trop tard pour réussir sur le marché de l’édition ou alors il faut reconfigurer la chaîne de valeur (par exemple s’affranchir de la distribution pour augmenter la marge). En outre, il faut posséder un catalogue bien fourni, ce qui permet de faire du marketing croisé sur l’ensemble des titres. L’idéal serait de sortir un produit par mois, ce qui implique des co-productions, des co-financements, l’adaptation de produits étrangers… Finalement au sein de cette filière (création, édition, distribution, marché), le studio de création de jeux est le premier à engager des ressources et le dernier à être rémunéré… Face à ce constat, de nombreuses entreprises sortent du marché ou sont éliminées. Malgré les difficultés financières, les associés gardent espoir et multiplient les co-productions, avec des réalisations remarquées parues en 1997 ou à paraître en 1998 (Notamment les trois jeux suivants : « Destination Zenith », « Petit Ours Brun » et « Les Trois Petits Cochons »). Puis, ils renoncent à leur ambition d’aller vers l’édition, réalisant que « cela prend un temps fou et que la société cumule les difficultés ». Finalement, les trois dirigeants de l’entreprise vont se séparer. JNP rachète une partie des actions des deux directeurs généraux (Nicolas Boutherin et Marc Alvarado) et reste seul pour définir un nouvelle voie pour l’entreprise. 12 Il souhaite d’une part rompre avec la sous-traitance (production exécutive), où le chiffre d’affaires est directement indexé sur le nombre d’heures travaillées (obligeant l’entreprise à augmenter sans cesse le nombre de salariés si elle veut croître) et, d’autre part, défricher de nouveaux territoires où la concurrence n’est pas présente « stratégie du Polder ». La recherche d’une position originale doit également permettre de limiter la prise de risque dans le financement de la production et de l’édition, où l’intensité capitalistique s’est accrue de manière importante, et où l’intégration verticale des métiers régit la compétition entre les majors. Un changement de raison sociale clôt ce premier âge de la vie de l’entreprise. Attaquée par Visio Corporation, une société américaine dont les avocats préparent au lance-flammes le terrain d’un prochain rachat par Microsoft, In Visio devient Dramæra. IV – L’engagement dans le développement d’un projet innovant très ambitieux : la fiction interactive, ou le mélange de l’art et de la technologie 4.1/ La genèse de l’idée En 1997, JNP assiste à la « Game Developpers Conference » de San-José, ville Californienne située dans la Silicon Valey, à 500 kilomètres au nord de Los Angeles et des studios d’Hollywood. Une grande partie des interventions sur la game design, insistent sur le fait que l’industrie du jeu vidéo, à la différence du cinéma, n’est pas capable de raconter de bonnes histoires. JNP va être particulièrement réceptif à ce message critique qu’il partage sur le fond. A titre personnel, il se sent d’ailleurs plus attiré par l’univers du cinéma que par celui du jeu vidéo. Il est vrai que l’état de l’art de la narration interactive lui semble particulièrement pauvre. La plupart des jeux sont purement linéaires et fonctionnent sur le modèle du « chapelet de saucisses ». Chaque « saucisse » est un niveau où un monde et les « nœuds » sont les passages obligés entre les différents univers, l’accès au niveau supérieur étant toujours limité par une seule porte. C’est seulement quand un joueur réussit à atteindre un niveau supérieur ou nouveau monde du jeu, qu’il a droit à une belle scène graphique. Mais en fait, l’expérience montre que le joueur n’apprécie pas à leur juste valeur ces effets graphiques ou sonores, puisqu’il a tendance à s’échapper rapidement de la scène pour continuer sa partie… Par ailleurs, JNP ajoute une autre critique, le héros du jeu vidéo est conçu 13 « en creux », dans la mesure où, bien qu’immergé dans un univers particulier, il ne possède pas de personnalité. Il n’a pas de passé, ni d’envie, ni d’objectif et n’est pas soumis à des émotions à la différence des personnages de roman ou de cinéma. Il agit comme un robot. « Ainsi Lara Croft, héroïne du jeu Tomb Raider, pourrait être facilement remplacée par une mobylette équipée de deux gros revolvers ». Voilà une déclaration qui sera souvent reprise par JNP lors de ses différentes interventions dans le monde professionnel. Autant dire qu’il ne se fera pas que des amis parmi les acteurs du jeu vidéo... JNP souhaite donc ouvrir une nouvelle voie, entre le jeu vidéo et le cinéma, encouragé par le marché et notamment la presse professionnelle. Toute la communauté créative semble alors persuadée que ce nouveau palier peut être franchi par le jeu vidéo à court terme et qu’il y a la place pour un nouveau genre de produit. C’est donc un modèle de rupture qui va être privilégié par Dramæra, à l’image des frères Miller lorsqu’ils ont sorti « Myst », un des pionniers du jeu d’aventure8 (cf. annexe 1). « Pour valider notre raisonnement, il suffisait de trouver un éditeur partenaire. Lorsqu’on a signé avec Index, on a pensé que notre vision pourrait se concrétiser ». Début 1998, une ambition est donc affichée pour Dramæra : se lancer dans le cinéma « en temps réel », en créant de véritables fictions interactives pour le public du cinéma. Ce nouveau genre de jeux vidéos doit s’appuyer sur un scénario original et le développement d’une technologie « d’acteur intelligent ». Cette dernière, passage obligé pour raconter une histoire non linéaire a priori, consiste en fait à adapter des technologies d’Intelligence Artificielle à l’univers du jeu. Ce nouveau projet prend le nom d’Insider. 4.2/ Le projet « Insider » doit ouvrir un nouveau genre Un marketing d’offre Au niveau marketing, Dramæra se lance donc dans une stratégie d’offre. La cible du projet Insider correspond en effet à un nouveau segment de marché, composé d’une clientèle moins adolescente, plus cultivée, moins soucieuse d’effets techniques et plus féminine que la clientèle des jeux actuels. Le positionnement est clair « un jeu pour le public du cinéma », où les ressorts psychologiques des personnages sont mis en avant, en plus des ingrédients traditionnels tels que l’action, l’aventure, le suspense et le rêve. Tout en conservant les 8 En créant ce nouveau segment sur le marché du jeu vidéo, cette fratrie a en effet réussi à attirer un nouveau public, qui s’est ensuite tourné vers les autres types de jeux (jeux d’action, puis les jeux d’aventure et d’action…). 14 qualités d’un jeu, chères à l’équipe de Dramæra : beauté graphique, performance technique, invention scénaristique et ergonomie de l’interface. Dans ce nouveau genre imaginé par la société, le joueur est immergé dans un univers 3D dans lequel les personnages ont une identité, une personnalité. Tout personnage est donc en capacité de refuser une action demandée par le joueur, d’agir par lui-même et d’interagir avec les autres personnages du jeu. Le joueur devient uniquement un « interacteur » : il ne peut qu’influencer un ou plusieurs personnages, en leur communiquant simplement des intentions, à l’image du théâtre d’improvisation9. En cela, ce projet est complètement innovant. Il doit permettre au joueur de se projeter complètement dans le personnage et d’exploiter tous les ressorts de son caractère (conflits internes par exemple) et au gameplay de se déplacer de l’action vers l’intention. En outre, le projet Insider est conçu comme une série. Chaque titre présentera un nouvel univers avec une nouvelle intrigue, mais le héros sera capable de transposer dans ce nouvel univers les connaissances acquises lors d’un jeu précédent. Une véritable relation doit donc s’instaurer entre le joueur et son héros, relation qui sera entretenue entre deux épisodes par diverses actions marketing : la création d’un « micro-univers » correspondant à l’appartement du héros, stocké sur le disque dur du PC du joueur, lui permettant de rentrer en contact régulièrement avec son personnage, la réalisation d’un site web à partir duquel on pourra télécharger des séquences des jeux à venir, une personnalisation du nom et de la voix du héros, etc. La stratégie marketing s’inspire ainsi des qualités des produits à succès de l’univers du jouet (ex : Tamagoshi) : attachement, relation, projection de soi et affection pour le produit. Le premier épisode d’Insider L’histoire de fond de la première version du jeu est la suivante : au démarrage d’« Insider », le joueur découvre un jeune homme, Simon Blurr, qui reprend connaissance dans un endroit qu’il de connaît pas. Frappé d’amnésie, il ne sait pas qui il est et d’où il vient. C’est au joueur de reconstruire ce qui s’est passé pour comprendre quel doit être l’objectif du jeu : sauver la vie de son personnage central10. C’est donc seulement en partant à la recherche des racines de 9 Dans la plupart des jeux, le joueur dirige le héros : il lui ordonne de marcher, sauter… Le héros est une marionnette. 10 Dans cet univers situé au début du 20ème siècle et conçu comme une uchronie, un savant cherche à mettre au point une machine qui permettrait de ressusciter les soldats morts au combat, rendant leur armée virtuellement indestructible. Bien que l’inventeur tarde à mettre au point sa machine diabolique, il n’est pas loin de toucher son 15 ce personnage que l’on pourra découvrir son histoire et influencer son futur, puisque l’écriture n’est pas a priori linéaire (plusieurs chemins narratifs peuvent être empruntés) et que les évènements s’imbriquent sans qu’ils puissent être totalement maîtrisés par l’interacteur. L’intérêt peut être prolongé, dans la mesure où aucune « partie » ne ressemble à la précédente. Cependant pour parvenir à ses fins et mettre en œuvre le concept de fiction interactive, il convient, d’une part, de disposer d’un ensemble de technologies très avancées qui semblent pouvoir être pour partie empruntées à des partenaires venant d’autres secteurs, comme celui de la robotique, et, d’autre part de convaincre et de s’associer avec un partenaire solide dans l’édition. 4.3/ Le pari fou des « Acteurs Virtuels Autonomes » Pour créer une fiction interactive, il convient de disposer de ressources technologiques permettant de créer des « Acteurs Virtuels Autonomes » (AVA). Ces acteurs virtuels doivent être intelligents et autonomes et doivent être dotés de comportements et d’émotions (décryptables par une gestuelle et des expressions). Ils sont capables de jouer un rôle et d’interagir avec leur environnement (avec les autres acteurs, le décor ou le joueur), sous le contrôle d’un scénariste et d’un metteur en scène virtuels, à la manière d’acteurs de théâtre. Pour développer cette technologie d’AVA, une architecture composée de trois couches logicielles imbriquées est imaginée par Dramæra (cf. figure 1). Au plus haut niveau, c’est la couche décisionnelle. Chaque acteur essaie d’orienter l’histoire vers l’objectif qu’il cherche à atteindre. Au niveau moyen, c’est la couche théâtrale. Les acteurs jouent la scène qui doit permettre l’accomplissement de l’action. Leur comportement, leur gestuelle, leur expression physique doivent être en adéquation avec l’atmosphère, les dialogues, le décor… Au plus bas niveau, c’est la couche de mouvement. Les acteurs se déplacent, utilisent des objets et interagissent entre eux. but ultime. C’est dans ce contexte que Simon Blurr, espion anglais, a reçu comme mission de son gouvernement de voler les plans d’une éventuelle invasion européenne. Après les avoir dérobés, il doit les remettre à un contact lors d’une soirée à l’Opéra de Paris. Mais Simon, repéré par ses adversaires, est tué d’un coup d’épée dans le dos. La guerre aura lieu et l’Europe sera dévastée. Pendant ce temps le corps de Simon est introduit dans la machine dont il subit les premières expériences et, peu à peu, il revient à la vie. Malheureusement, le protocole scientifique ayant été interrompu, il n’a, au moment où il reprend conscience, qu’une espérance de vie limitée à six mois. Simon doit donc absolument retrouver la machine pour subir un second traitement et prolonger son existence. 16 Cette architecture fait appel à plusieurs sous-domaines de compétences scientifiques et techniques : l’animation qui s’intéresse à la production automatique de mouvements ; les techniques de planification de mouvements, issues de la robotique, qui donnent la capacité aux personnages de calculer les déplacements et mouvements nécessaires pour effectuer une tâche donnée11; les techniques d’animation comportementale qui s’intéressent aux comportements et aux réactions, de manière individuelle ou collective, au sein d’un environnement. 11 Dans un environnement 3D, le logiciel de planification de mouvement calcule automatiquement une trajectoire sans collision… Il peut s’agir d’un robot évitant des obstacles, d’une main articulée saisissant un objet, d’un personnage se déplaçant dans un labyrinthe… 17 Figure 1 - L’architecture du projet Acteurs Virtuels Autonomes Niveau 1 : Couche décisionnelle Gestion de l’histoire Objectifs d’acteur Scénario Action Dramatique Unités Dramatique (récit) Niveau 2 : Couche logique, théâtrale Planification de tâche Scénariste Virtuel (arbitre) Moyen (description de scène) Dramatique ProtoScène Comportement Action Geste La technologie « Motivate » Animation Niveau 3 : Couche géométrique, de mouvement et d’animation Gestionnaire de trajectoires (planification) Décor « topographie » Gestionnaire de d’animations Objet « modèle 3D » Acteur « squelette et modèle 3D » 18 La société estime pouvoir réaliser les deux premières couches du modèle (la partie cognitive : couche décisionnelle et couche logique), c’est-à-dire la brique technologique qui permettra de donner un comportement réaliste aux Acteurs pilotés par le noyau d’Intelligence Artificielle. En ce qui concerne le niveau 3 (le moteur de planification de trajectoires et le moteur d’animation), deux types d’outils, acquis à l’extérieur et intégrés, vont être nécessaires : un moteur de rendu 3D temps réel et un moteur comportemental. Pour ce qui est du moteur rendu 3D (affichage de décors et des personnages animés), c’est la technologie NetImmerse qui va être utilisée. Le moteur NetImmerse apparaît comme le plus performant et le plus complet du marché. Son éditeur, NDL, le maintient en permanence sur la crête de l’innovation. Quant au moteur comportemental, il s’agit d’un outil capable d’intégrer les modèles 3D et leurs animations d’une part et l’intelligence artificielle d’autre part. JNP souhaite utiliser la technologie « Motivate » en achetant une licence d’exploitation. Celle-ci est développée par la société californienne Motion Factory. Cette structure, créée par des chercheurs, est issue du laboratoire de robotique de l’Université de Stanford : « la Mecque de la robotique ». Cette technologie est alors sans équivalent. Le logiciel se charge des aspects robotiques des personnages, comme la planification de trajectoires avec évitement d’obstacles, ou la cinématique inverse (pour prendre des objets quelle que soit leur position). « La technologie américaine semblait très impressionnante et on portait un regard quasi-mystique sur ces chercheurs de Stanford »… Pour Dramæra, l’acquisition de Motivate et de NetImmerse permet de disposer des technologies les plus performantes du marché dans leur domaine. Cela doit donc se concrétiser par un gain de temps par rapport à un développement interne de compétences et permettre à l’entreprise de se concentrer sur l’intégration de capacités d’intelligence dans les acteurs du jeu. Le capital-risque apparaît comme la source naturelle de financement de ce projet de rupture. L’obtention de capitaux auprès de quatre fonds d’investissement (CITA, CDC Innovation, Financière Natexis, SudInnova) confirme les potentialités du projet (cf. annexe 2). De plus, pour sa recherche-développement, Dramæra obtient l’appui de l’ANVAR et du CNC (Centre National de la Cinématographie). Le soutien financier de l’ANVAR est concrétisé par un 19 contrat, sur la base d’un programme prévoyant plusieurs phases de R&D, réparties jusqu’en l’an 2000. Il s’accompagne du label « Technologie clé12 ». 4.4/ La réorganisation de l’entreprise Le départ de deux des co-fondateurs permet de repenser la structure de Dramæra autour de JNP et en fonction de son nouveau projet. Le remplacement de Nicolas Boutherin, DG chargé du développement commercial, n’est pas envisagé ce qui revient à alléger la fonction commerciale. Il est vrai qu’à partir de 1998 et pour au moins deux années encore, l’activité de l’entreprise est censée reposer sur une « économie de la rareté », avec peu de contrats et une approche « business to business ». Quant à Marc Alvarado, DG chargé de l’organisation et du management, il est remplacé par Gilette Deléglise qui prend en main la direction administrative et financière. Son expérience à la direction financière d’un grand éditeur apporte à la structure la crédibilité nécessaire vis-àvis des partenaires financiers. La fonction de Recherche et Développement est renforcée et étendue. Deux docteurs en Sciences Cognitives de l'IMAG (Institut de Mathématiques Appliquées de Grenoble) rejoignent l’entreprise et lui donnent le potentiel pour mener à bien son projet d'innovation et pour trouver les solutions techniques les plus appropriées. Par ailleurs, des accords souples sont passés avec des laboratoires universitaires. Les compétences internes permettent de diriger et d’intégrer leurs travaux. Quant à l’équipe de développement, elle est composée de sept permanents. Dans les phases de développement intense, elle pourra être complétée par trois ingénieurs mis à disposition par une société de services spécialisée. Dans le domaine graphique, tout en maintenant son potentiel, Dramæra n’hésite pas à soustraiter pour différentes raisons. Tout d’abord, la structure de la société ne doit pas être trop lourde (flexibilité) dans les périodes de R&D. Ensuite, Dramæra du fait de sa réputation n’a 12 Au delà des besoins du jeu vidéo, on peut estimer que la technologie AVA ouvre un vaste champ d’applications pour toutes les formes de simulation : visites virtuelles d’entreprises, présentations commerciales, formation interactive avec enseignants virtuels. Dans le contexte de l’entreprise, de nombreuses situations peuvent être simulées : négociation, recrutement, accueil de nouveaux collaborateurs, apprentissage d’une fonction… 20 pas de difficulté à fidéliser des partenaires de talent (indépendants ou entreprises). Enfin d’un point de vue juridique, il est plus facile de gérer des contrats commerciaux librement négociés avec les artistes13. De cette manière, Dramæra assume certes le risque entrepreneurial en créant un actif qui la distingue, mais l’entreprise en garde la propriété pleine et entière. Deux postes sont également créés pour épauler JNP. Le premier est un « responsable projet » qui doit être capable d’assurer le suivi de la conception de produits jusqu’à leur réalisation en passant par la relation avec l’ensemble des partenaires de l’entreprise. Le second vient en soutien de JNP sur son métier d’origine : le conseil en IHM. Ce poste intègre également la fonction de communication de Dramæra. Cette évolution de la structure est effective à partir de septembre 1998. 4.5/ A la recherche d’un éditeur partenaire Un autre souci est d’ordre économique : il faut trouver un éditeur et un distributeur. Un premier contrat est signé avec Canal+ Multimédia et un grand distributeur européen. Mais très vite, le second partenaire semble rester en retrait ne croyant pas véritablement au projet. Ainsi, Dramæra décide d’arrêter la collaboration avec cette dernière société en mars 2000. Trois mois plus tard, c’est avec la société Index, éditeur de produits remarquables dans le domaine culturel, que JNP va finalement trouver une écoute attentive et signer une coproduction intéressante. Index s’engage à apporter 325 000 euros en cash et à réaliser le portage sur la PlayStation 2 de Sony, estimé à 535 000 euros14. De plus, la société promet un investissement minimum de 93 000 euros en marketing. Aux termes de l’accord signé, Dramæra reste propriétaire de toutes les technologies développées pour Insider. Quant à la distribution internationale, elle est assurée dans de bonnes conditions, puisque le jeu sera édité simultanément en France, Angleterre et Allemagne, puis exploité sous licence dans une cinquantaine de pays, les frais d’édition restant à la charge d’Index. Enfin pour ce qui est des retombées financières, elles restent avantageuses pour Dramæra15. Par ailleurs, la Réunion des 13 En effet, il existe un risque à l’étendue de la rémunération proportionnelle aux artistes salariés ayant une participation déterminante à une œuvre. 14 Passer d’un jeu développé pour PC à un jeu adapté pour une console (ici celle de Sony) représente un coût de transfert important, à cause de la différence technique entre les systèmes. 15 Sur le marché PC, les remontées pour l’éditeur sont d’environ 40 à 43 % du prix net hors taxes en exploitation directe (France, par exemple) et environ 10 % du prix net hors taxes en cession de licence. L’éditeur répartit ces remontées auprès des ayant droits (coéditeurs, coproducteurs,...) au prorata des pourcentages définis 21 Musées Nationaux a confié à Dramæra un nouveau produit : Paris 131316, qui sera lui aussi édité par Index. En fin de compte, ce projet innovant de fiction interactive exige la mise en œuvre d’un véritable modèle économique permettant de réunir en amont les ressources (humaines, financières, techniques, commerciales…) indispensables pour sécuriser le parcours. Ainsi, le projet nécessite un travail créatif sur les contenus avec la naissance d’un nouveau personnage évoluant dans un univers rétro-fantastique. Il implique le recrutement d’une équipe de cogniticiens et de développeurs ainsi que l’acquisition d’outils pour la 3D temps réel (NetImmerse). Il réclame également d’intégrer des technologies en provenance de tiers (Motivate). Enfin, la mise sur le marché du produit exige un partenariat avec un éditeur prêt à porter le projet avec un marketing offensif… V – Les difficultés qui affaiblissent l’entreprise 5.1/ Un positionnement original difficile à défendre Au sein de l’industrie du jeu vidéo, on distingue traditionnellement quatre segments. Les jeux de plates-formes, où le héros doit collecter des objets disséminés à travers les écrans (ex : « Super Mario ») ; les jeux d’action, où le joueur doit tuer tout ce qui bouge (ex : « Doom », « Mortal Kombat ») ; les jeux de simulation dans lesquels on peut trouver des simulations économiques, historiques (ex : « Civilization »), des simulateurs de vol (ex : « Combat Flight »), des jeux de sport…, et les jeux d’aventure et/ou d’action (ex : « Tomb Raider », « Myst »). Un des paris du projet Insider est d’être à l’origine de la création d’un nouveau genre. Cette fiction interactive vise en effet le public du cinéma, donc une cible plus âgée que les jeux traditionnels (à l’image des jeux de simulation ou des jeux d’aventure et d’action). Ce public attend des graphismes soignés ou réalistes, un scénario complexe et long et une bande sonore originale. Mais pour des raisons marketing, Index veut faire figurer Insider dans son catalogue, à l’intérieur de l’un des quatre segments de marché, a priori celui du jeu contractuellement en fonction des actions engagées par chacun. Dans notre cas la rémunération négociée auprès l’éditeur s’établira à 46 % en moyenne. 16 Paris 1313 est un jeu historique dont l’action se déroule au moyen-âge entre le Palais Royal, la Sainte Chapelle et Notre Dame sous le règne de Philippe Le Bel. Ce jeu est produit par la Réunion des Musées Nationaux et Canal+ Multimédia. 22 d’aventure. Dans un univers où la concentration des éditeurs de jeux s’intensifie, ces derniers n’ont en effet plus d’intérêt à prendre des risques qui pourraient « casser la machine qui les nourrit ». Ils préfèrent donc sortir la troisième version d’un jeu en introduisant quelques nouveaux effets spéciaux et des images plus sophistiquées que lancer un produit totalement en rupture avec ce qui existe. « Ce pragmatisme, doublé de mercantilisme, apparaît d’autant plus évident que ces sociétés d’édition rentrent en bourse. Finalement la nouvelle voie qu’Insider souhaite ouvrir avec une fiction interactive, encouragée par les médias spécialisés, commence à se heurter au fait que les éditeurs ne sont pas prêts dans leur grande majorité à défendre un nouveau genre. La signature avec Index a laissé croire que le jeu concurrentiel était ouvert, alors qu’il ne l’était pas ». Par ailleurs si, dans l’optique d’une stratégie mondiale, un des premiers facteurs de vente d’un jeu est qu’il soit attendu (version 2 d’un produit), le second facteur est directement lié à la déclinaison de produits issus du monde de l’entertainment et plus particulièrement du cinéma (produits dérivés de films comme « Top Gun », « Star Wars », « Harry Potter », « James Bond »…). Ceci s’illustre parfaitement avec le film pour adolescents qui n’est plus une œuvre isolée, mais un « produit décliné ». Paul Degarabedian, Président d’une agence de consultants spécialisée dans l’analyse des goûts du public, explique à ce propos: « le public des teenagers est recherché parce qu’il forme une génération multimédia. Il n’hésite pas à dépenser 7 euros pour sa place de cinéma, 15 euros pour la bande originale du film et 50 euros pour le jeu vidéo qui s’en est inspiré. Le film devient alors un moteur qui sert à alimenter la dynamique de la consommation. ». Dés lors, il devient difficile pour les adolescents d’échapper au blitzkrieg commercial. Ainsi, le second volet du Seigneur des Anneaux n’est pas encore sorti dans les cinémas que le nouveau jeu vidéo de la saga, créé par Sony, est déjà dans les bacs des distributeurs. Il en est de même pour le dernier James Bond... Dans un contexte, où près de deux tiers des films sortis dans les multiplexes américains visent en priorité les 11-18 ans, la capacité à obtenir des licences d’exploitation auprès du monde de l’entertainment devient essentielle17. On peut alors s’interroger pour savoir si l’éditeur Index aura un marketing suffisamment fort pour pousser le projet Insider dans la distribution et affirmer sa singularité 17 In Visio a cherché à acquérir une licence notamment « Le nom de la rose » de Umberto Ecco, mais l’écrivain a répondu négativement. Celle d’Arsène Lupin aurait pu être achetée pour à peine 7 500 euros, mais JNP s’est laissé influencer par Canal+ qui souhaitait créer un personnage nouveau. C’est finalement Cryo qui l’a obtenu. En fait, acquérir une licence est une procédure difficile pour une petite structure dans la mesure où les licences ont déjà été négociées par les maisons d’édition. L’ensemble des droits d’un catalogue est en général traité avec une Major comme Warner ou autre… La seule solution pour un petit studio de création est alors de travailler en production exécutive (sous-traitance). 23 (le jeu d’aventure « de nouvelle génération »), alors qu’il s’agit d’une histoire originale non déclinée d’un film à succès… A cette première difficulté de taille, s’en ajoute une deuxième plus grande encore. 5.2/ Une plate-forme logicielle complexe à mettre en œuvre Le développement de l’architecture AVA va s’avérer beaucoup plus long et complexe que prévu, dans la mesure où Dramæra va découvrir progressivement les limites du moteur comportemental (niveau 3 de la figure 1) reposant sur la technologie américaine « Motivate ». La société annécienne avait estimé a priori qu’elle n’aurait à intervenir que sur les deux premières couches, mais malheureusement le test approfondi, d’une durée d’un an et demi, permettra de découvrir que ce moteur possède des limites qui sont rédhibitoires pour une utilisation à des fins de création artistique. Les personnages ont par exemple des comportements d’automates, ils planifient leur trajectoire mais n’arrivent pas à anticiper… Ils se déplacent, se positionnent, mais agissent séquentiellement. Accomplir une tâche est une chose, mais l’accomplir comme le ferait un humain en est une autre. La fluidité du mouvement naturel est simplement absente18. Au fur et à mesure des difficultés rencontrées, Dramæra tente de les surmonter et son équipe de développeurs se met en fait à travailler sur ce niveau 3, même si ce n’était pas prévu au lancement du projet. En développant des compétences informatiques très spécifiques, l’entreprise glisse doucement vers une activité de R&D. Durant cette période, « Motion Factory », la société qui a vendu sous licence la technologie « Motivate », fait faillite et est reprise par une entreprise qui très vite va se désintéresser de cette technologie. Dramæra se retrouve sans interlocuteur et doit réfléchir à développer luimême un planificateur 3D. Pour poursuivre les développements, Dramæra noue des relations avec un laboratoire français et recrute un docteur en robotique. Le projet Insider prend donc du retard, puisque les développeurs19 sont obligés d’aller dans les couches basses au lieu de se concentrer sur les niveaux 1 et 2. Et comme ils finissent 18 « Le problème est encore plus complexe lorsque plusieurs acteurs sont impliqués par exemple s’approcher pour se serrer la main ou pour s’embrasser, avancer de front vers un étranglement qui n’autorise pas de passer à deux… Différentes actions, accélérations et décélérations des acteurs doivent être coordonnées tout au long de leur trajectoire respective ». 19 A cette période, l’équipe de développeurs atteint dix personnes. « Il n’y en avait jamais assez »… 24 toujours par trouver une solution à leur problème (ils ne sont jamais vraiment bloqués), Dramæra rentre dans un cercle vicieux : problème identifié, nouveau développement interne qui permet de progresser jusqu’à un nouveau problème… En définitive, la technologie américaine, impérative pour poursuivre une ambition dans le domaine de la fiction interactive, bride le moteur comportemental et devient une faiblesse dans le projet. Par ailleurs, elle est à la source d’une dépendance extérieure20. Parallèlement, ce temps est mis à profit par l’équipe artistique : les personnages qui devaient compter 700 facettes vont en compter 2500, elle multiplie les décors, les sophistique… La sortie de « The Insider », première fiction interactive, est donc décalée, ce qui ne va pas faciliter les relations avec les partenaires… 5.3/ La pression des fonds d’investissement Le projet Insider prenant du retard en raison de sa complexité notamment technologique, les représentants des fonds d’investissement délivrent un message paradoxal. JNP : « Ils avaient un double discours, dans la mesure où ils critiquaient notre compte d’exploitation tout en nous expliquant qu’ils n’étaient pas là pour faire de la gestion de bon père de famille. Or si on avait privilégié exclusivement le projet Insider, cela aurait eu pour conséquence directe un chiffre d’affaires égal à zéro jusqu’à la sortie du produit. Mais j’ai toujours cherché du travail, du premier au dernier jour, que ce soit dans le domaine du conseil ou sur de la production exécutive (Jeu Vidéo Paris 1313). Bien sûr, on était enterré sous Insider et quand il a fallu mobiliser des ressources sur Paris 1313 tout en coordonnant des équipes sur RhôneAlpes, Angoulême (graphisme) et la Belgique (développement informatique), on a pris du retard et perdu beaucoup d’énergie… ». Ainsi JNP tout en étant l’homme orchestre du projet Insider (scénariste, réalisateur, producteur, responsable R&D) continue ses activités de chef d’entreprise. C’est lui qui négocie avec les principaux clients21 ou supervise les activités de conseil. Un sentiment de 20 Progressivement JNP réalise que la technologie Motivate ne peut pas répondre aux besoins du jeu vidéo. Il imagine alors le développement d’un projet R&D, intitulé « AVA Motion », en partenariat avec une PME (Kinéo CAM) et deux équipes de recherche française (le LBEM de Rennes II et l’IRISIA). L’objectif de AVA Motion est de développer son propre moteur de contrôle, de planification et de coordination des mouvements humains. Ce projet sera labellisé par RIAM (Réseau Recherche et Innovation en Audiovisuel et Multimédia) fin 2001 et permettra à Dramæra d’obtenir une subvention de 183 000 euros. Mais à cette date, il est trop tard et le dépôt de bilan est inévitable… Cependant le repreneur pourra toutefois mobiliser ces financements dans la mesure où il choisirait de poursuivre le développement de la technologie AVA. 25 schizophrénie s’empare de lui : « Comment concilier un projet de rupture soutenu par les représentants des fonds d’investissement, mais consommateurs de ressources, avec un équilibre des activités ? » 5.4/ Une coopération avec l’éditeur qui se dégrade Quelques semaines après la signature du contrat entre Index et Dramæra (mi-2000), Index est vendu à Wanadoo Editions, filiale Multimédia d’une grande entreprise nationale, au prix fort. Au même moment, Wanadoo s’introduit en bourse. Mais septembre 2000 est marqué par la fin de la bulle spéculative sur les nouvelles technologies et le cours de Wanadoo s’effondre rapidement dans des proportions alarmantes. Il faut alors donner des signes positifs au marché pour que le cours remonte. La filiale Wanadoo Editions a promis pour la fin de l’année 2000, période particulièrement importante pour les ventes, la mise sur le marché de cinq nouveaux produits. Or trois vont prendre du retard, dont le projet « Insider ». Dans cette conjoncture difficile, les relations entre Wanadoo Editions et Dramæra vont devenir très tendues, d’autant plus que Wanadoo Editions décide de rompre avec le positionnement original et différenciateur d’Index pour adopter une stratégie mainstream dans laquelle un produit aussi innovant que The Insider ne trouve plus sa place. En février 2001 Dramæra est contactée par son éditeur qui souhaite récupérer les actifs artistiques du produit pour faire développer un jeu d’aventure classique par une équipe de game developpeurs classiques. A cette date, Dramæra a investi 900 000 euros dans cette création. L’apport de Wanadoo Editions se monte à 119 000 euros seulement. Mais bien plus, c’est tout le projet stratégique de Dramæra qui est remis en question. JNP refuse cette sortie unilatérale qu’il considère comme un chantage et une mainmise de Wanadoo Editions sur plusieurs années de travail. A ses yeux, l’éditeur doit aller au bout de son engagement, qu’il s’agisse de son investissement en coproduction ou du portage sur Play Station 2. Wanadoo Editions lui oppose les retards dans le calendrier de production et s’arcboute sur sa position agressive. Dramæra est à court de liquidités. Pour continuer le développement de sa fiction interactive, la société a encore besoin d’argent frais. Une dernière levée de fonds va donc être tentée 21 On notera qu’il n’y a plus personne pour épauler JNP au niveau commercial… 26 auprès de ses partenaires financiers, dans des conditions difficiles et alors que les tentatives d’influence négative auprès des investisseurs se multiplient.. Malgré cette pression, la confiance des actionnaires de Dramæra reste intacte. Ils reconnaissent les qualités de JNP, son honnêteté et sa vision prospective, croient toujours en ce produit innovateur que doit être Insider, et font bloc face à la tempête. Les trois responsables de fonds décident alors chacun d’apporter 122 000 euros, c’est-à-dire un sursis d’environ six mois pour dénouer la situation. Conclusion : le dépôt de bilan - L’inévitable dépôt de bilan Dans ce contexte délétère, le contentieux avec Wanadoo Editions va s’exacerber. Les mises en demeure se succèdent, mais les deux partenaires campent sur leur position et Wanadoo Editions joue sur le temps qui passe. La dégradation du climat entre les deux sociétés va aboutir alors au blocage du projet Insider et tous les investissements réalisés, qu’ils soient artistiques ou technologiques, semblent figés. Le dépôt de bilan de Dramæra apparaît inévitable et cela d’autant plus que Wanadoo Editions décide de l’assigner en justice et demande le remboursement de son apport de 119 000 euros ainsi qu’un dédommagement de 610 000 euros pour préjudices subis22 (retard, engagements non tenus, image auprès des distributeurs…) ! JNP : « Il aurait certainement fallu avoir une approche plus pragmatique. On aurait pu sortir d’abord un jeu classique et proposer, dans une version suivante, un produit plus novateur. Avec du recul, on se dit qu’on aurait pu utiliser la dernière levée de fonds pour revenir à de la prestation légère, le temps de se refaire une santé. Mais ça n’aurait pas été honnête vis à vis de nos actionnaires et on aurait dû se séparer d’une partie de l’équipe. Or ce projet de fiction interactive, on l’a porté tous ensemble et des valeurs de solidarité doivent être respectées. Mort pour mort, on a pensé qu’il valait mieux mourir debout. L’équipe a été remarquable, à aucun moment il y a eu d’indignité. On a vécu une belle histoire, mais la colline était bombée et on ne voyait jamais son sommet. C’est clair, je suis exigeant, endurant et je ne sais pas ce que c’est qu’abandonner. J’avais la capacité à fédérer des gens autour d’un projet, je me suis épuisé mais je ne pouvais pas laisser tomber. Il fallait que ce soient les 27 évènements qui m’arrêtent. C’est une question de frontière ; cette frontière ténue entre la ténacité et l’entêtement… Cela paraissait accessible et je pense que cela l’est encore, que d’autres y parviendront bientôt. Le code ADN de la société était la prise de risque parce que le choix du capital-risque est fondamentalement définissant, et parce qu’on avait de l’imagination. A partir de là, beaucoup de choses étaient déterminées. » Le dépôt de bilan de Dramæra est opéré fin 2001 dans un contexte où toutes les entreprises de l’industrie du jeu vidéo connaissent des difficultés. Fin 2002, un grand nombre d’entre elles ont en effet disparu ou sont dans une situation délicate. Après l’effondrement de la bulle Internet, l’industrie du multimédia comme des jeux traverse une période de turbulences. C’est ainsi que Montparnasse Multimédia dépose le bilan, que Nicolas Gaume, à la tête de Kalisto (300 collaborateurs), jeune entrepreneur encensé par les médias, verra son entreprise liquidée. Suivront ensuite In Utero, Game Squad, Chaman, Polygon et même Cryo, un leader français, dont les actifs seront repris par un concurrent. Au total, ce sont dix-sept entreprises de l’industrie du jeu vidéo qui disparaîtront en une année. On peut alors se demander si la « french touch » survivra à cette crise23. - La recherche d’un repreneur Fin 2001, les entreprises susceptibles de proposer une offre au tribunal de commerce ne se bousculent pas pour une éventuelle reprise de Dramæra. Infogrames, le leader européen du secteur, qui aurait pu être intéressé par les compétences R&D développées par l’entreprise, pense plutôt à rationaliser sa structure, dans un environnement chahuté. Dramæra n’a pas de passif dans la mesure où la société, bien qu’ayant mobilisé une majorité de ressources sur le projet Insider, a toujours continué des activités de conseil et de production. Paradoxalement, cette approche prudente qui a pu être reprochée à JNP par les représentants des fonds d’investissement devrait aujourd’hui faciliter une reprise. Il semble au dirigeant qu’il faudrait moins de six mois pour remettre sa société sur les rails… 22 Il s’agit pour Wanadoo Editions d’éviter de passer pour le responsable du dépôt de bilan. A l’automne 2002, le premier ministre , J.P Raffarin, a annoncé la création d’un fonds d’amorçage du CNC de 2 millions d’euros. « Le seul problème, c’est que les projets innovants ont disparu ». 23 28 Mais en décembre 2001, toutes les sociétés du secteur ayant été approchées et n’étant pas été en mesure de faire une offre en raison de leurs propres difficultés, JNP estime que la société a peu de chances d’échapper à la liquidation au premier trimestre 2002. Pourtant, il rencontre François Salomon, un acteur du capitalisme local. Celui-ci reprendra les actifs de l’entreprise début 2002... - La fin du conflit avec Wanadoo Editions Quelques jours avant la reprise (février 2002) suite à une modification d’organigramme du côté de Wanadoo Editions, le conflit entre les anciens partenaires sera résolu en l’espace de quelques jours seulement. Une transaction amiable est acceptée par l’ensemble des parties prenantes. Toutes les procédures judiciaires sont éteintes. Dramæra reste propriétaire de toutes les technologies développées pour le jeu. Les actifs artistiques restent une copropriété des parties prenantes proportionnellement à leurs apports à savoir 62% pour Dramæra, 30% pour Canal+ Multimédia24 et 8% pour Wanadoo Editions. 24 On notera que ce partenaire n’a jamais posé de difficulté. 29 Annexe 1 : Quelques données sur le marché des jeux vidéo Le marché Les jeux constituaient, en 1997, 30% du marché du logiciel aux Etats-Unis, ce qui représente un chiffre d’affaires de plus de 5 milliards de dollars. Les ventes progressaient de 22% en valeur et 38% en volume (baisse du prix de vente moyen). En Europe, la croissance était plus forte, avec une progression de 71% en volume et 62% en valeur. Ce taux de croissance s’expliquait en partie par une progression rapide des ventes de micro-ordinateurs sur la période. Il est à noter que le double équipement des foyers (PC/console de jeu) progressait également. En 2002, le marché total (jeux + consoles) est estimé à 31 milliards d’euros, selon l’IDATE, avec une prévision pour 2003 équivalente à 28 milliards d’euros. Tableau 1 - Décomposition du marché du jeu vidéo (en millions d’euros) 2001 2002 2003 2004 Consoles 8 894 10 356 7 701 5 602 Jeux pour consoles 11 216 13 343 12 478 8 718 Jeux pour PC 6 905 7 355 7 882 8 410 TOTAL 27 015 31 054 28 061 22 730 Source : Idate, 2002 Tableau 2 - Répartition géographique du marché du jeu vidéo (en millions d’euros) 2001 2002 2003 2004 Europe 9 771 10 757 10 879 9 223 Japon 7 038 7 825 6 840 4 945 Etats-Unis 10 206 12 472 10 342 8 562 TOTAL 27 015 31 054 28 061 22 730 Source : Idate, 2002 30 La France représentait, en 2001, un marché équivalent à 700 millions d’euros uniquement pour les jeux (hors consoles). Par rapport aux autres industries culturelles (livre, disque ou cinéma), c’est dans ce secteur que les entreprises françaises ont la meilleure position internationale. Mais en 2001, le secteur a connu une vraie crise notamment en ce qui concerne la création. Le jeu vidéo peut donc être considéré comme un produit de grande consommation qui fait vivre des pans entiers de l’économie : scénaristes de jeux, graphistes (décors), créateurs et animateurs de personnages, programmeurs, musiciens, acteurs (voix), testeurs, éditeurs, distributeurs, traducteurs, juristes spécialisés dans la propriété intellectuelle, fabricants de console et d’accessoires (joysticks), logiciels (3D), médias spécialisés (presse, télévision)… Les fabricants de matériel Le jeu vidéo peut être utilisé sur un PC (via un CD –Rom ou en ligne), sur une console de jeu ou en arcade. • Les PC : ce segment se développe avec l’accroissement du taux d’équipement des ménages en ordinateur. Le PC est en effet pour beaucoup considéré avant tout comme une machine ludique. A partir d’un PC, on peut jouer à deux types de jeux : ceux sur Cédérom, ceux en ligne. • Les jeux sous forme de Cédérom : ils ont l’avantage de pouvoir être utilisés sur n’importe quel micro-ordinateur (le Cd est standard) et représentent l’essentiel des ventes de jeu pour P.C. • Le jeu on line : les éditeurs de jeu restent relativement prudents et seuls les gros opérateurs investissent massivement dans le web, proposant des jeux spécifiques (Electronic Arts, Sony Online Entertainement et Microsoft). Toutefois la possibilité de parties multi-joueurs attirent de plus en plus les jeunes vers le jeu en réseau (les jeunes préférant affronter un adversaire en chair et en os plutôt que l’ordinateur), même si ce dernier réclame d’être équipé en haut débit. Sony a ainsi développé un site « The Station » qui enregistre, en 2002, 13 millions d’utilisateurs. Les ressources financières d’un site de jeux proviennent des revenus publicitaires, de l’achat du jeu dans le commerce (35 dollars environ) et/ou des abonnements mensuels. 31 Dans le même esprit se développent les LAN parties : compétitions de jeux vidéo qui rassemblent plusieurs joueurs dans un même lieu, connectés entre eux par un réseau local. • Les consoles sont de deux types : de salon ou portables (comme la Gameboy). Elles sont fabriquées par des industriels de l’électronique. Dans les consoles de salon, qui représentent 43% du marché total, la Playstation de Sony (version 1 lancée en 1995) est en 1997 le leader du marché (30 millions de consoles vendues de cette première version), devant l’Ultra 64 de Nintendo et la Dreamcast de Sega25. En 2002, trois fabricants se partagent le marché : Sony et sa PlayStation 2 (malgré son prix élevé de 450 euros, 24 millions de consoles ont été vendues), la GameCube de Nintendo et la X-Box de Microsoft. La domination d’une console provient directement de la qualité et du nombre des jeux disponibles. Les ventes de consoles et de jeux sont donc intimement liées. Les fabricants ont souhaité conservé une forte activité éditoriale (cf. tableau 4 plus loin), à la fois pour se différencier et pour compenser les faibles marges récupérées sur la vente de consoles. Les alliances fabricants de consoles et éditeurs de jeux se multiplient également (à la différence des jeux pour PC, un éditeur ne peut mettre en vente un jeu destiné à une console sans passer par le fabricant, qui touchera des royalties de l’ordre de 20% du prix de vente). Les consoles sont en moyenne renouvelées tous les six ans, rendant obsolètes les jeux développés pour l’ancienne version. Les studios de développement de jeux Il s’agit essentiellement de petites et moyennes entreprises (entre 5 et 250 personnes) qui conçoivent les jeux. Leur activité est donc à la fois artistique (graphique) et technologique (développement de solutions techniques nouvelles pour améliorer le jeu). Dans l’ensemble, ces studios emploient pour moitié des graphistes, des musiciens, des scénaristes et pour une autre moitié des informaticiens. Généralement, vu leur taille et les ressources disponibles, ces studios ne travaillent que sur un ou deux projets de jeu à la fois. Une fois conçu, le jeu sera confié à un éditeur qui le commercialisera (le prix de vente finale moyen d’un jeu est de 29 25 Devant la concurrence agressive de Sony et de Nintendo, Sega a décidé de se retirer du marché des consoles pour se concentrer sur l’édition de jeux. 32 euros en France). Le marché de ces studios est souvent national (le jeu peut être considéré comme un produit culturel). En termes de produits, on assiste à une uniformisation de la production. La réalisation est aujourd’hui impeccable, mais l’originalité fait souvent défaut. Les coûts de plus en plus prohibitifs de développement et de commercialisation incitent à limiter les risques et l’exploitation généralisée des cartes accélératrices 3D permettent d’obtenir le même rendu graphique pour tous les jeux. Dans les années 90, les principales évolutions du marché ont toujours été le fait de petites entreprises indépendantes ayant su saisir un progrès technologique ou créer un game-play innovant. Exemples : • La petite entreprise Bulfrog lance « Populous » en 1987, une simulation permettant au joueur de prendre la place de Dieu et de guider son peuple à travers les âges. Ce concept innovant en genre et en technologie effraie tous les éditeurs. L’entreprise finit par en trouver un qui accepte de prendre le risque et, en 1996, les ventes dépassent les 3 millions d’exemplaires. La société et ses 60 salariés sera finalement rachetée par son éditeur. • Cyan Software, créée par les frères Miller, lance « Myst » en 1993, un jeu non violent avec un univers à explorer, où l’émotion remplace l’action : 5 millions d’unités vendues. La société sera rachetée par un groupe du multimédia. • ID Software crée l’événement en 1993 avec « Doom » : choc technologique pour un jeu d’action d’un nouveau genre. Ce jeu deviendra un classique et donnera lieu à de multiples versions, ID Software devenant le leader de ce nouveau segment. • Core Design produit le premier jeu d’action en Full 3D au game-play original (mélange de jeu d’aventure et d’action où le héros est une femme séduisante) : « Tomb Raider ». Ce sera le plus gros succès de l’histoire du jeu vidéo. Core Design a été rachetée en 1995. Mais aujourd’hui les petites structures et donc les studios indépendants souffrent de difficultés financières, car le développement d’un jeu nécessite de plus en plus d’argent : acquisition d’une licence, réalisation du contenu, complexité technologique croissante … Ainsi, les spécificités et les fragilités de ces métiers apparaissent d’autant plus nettement que ces studios sont autonomes par rapport aux éditeurs. Dans un contexte de crise, les équipes de création intégrées aux sociétés d’édition semblent donc moins exposées aux aléas conjoncturels. 33 Les éditeurs-distributeurs de jeu Les éditeurs assurent généralement la production, au sens du cinéma, c’est-à-dire l’initiative et le financement d’un projet de jeu (une fois développé par le studio, ils en détiennent les droits exclusifs), sa fabrication (pressage, emballage) et sa commercialisation (marketing, promotion, commerce de gros). A l’instar des coûts de développement, les coûts de lancement d’un jeu enflent à vue d’œil : il faut diffuser le jeu à grande échelle (convaincre les grands distributeurs tels la Fnac), conquérir la clientèle (promotion, publicité dans la presse spécialisée ou à la télévision) et la fidéliser (événements spéciaux, marketing direct, site web…)… Ces investissements poussent les éditeurs à se concentrer pour avoir une taille critique mondiale (ex : Electronic Arts26, Acclaim, Activision… qui emploient souvent plusieurs centaines de salariés). Les 10 premiers éditeurs de jeux maîtrisent plus des 2/3 du marché. Leur taille et les barrières à l’entrée sont telles que les nouveaux entrants sont rares. Seuls les grands groupes de communication peuvent encore percer le marché (tel Vivendi Universal). Les stratégies marketing dans le domaine du jeu sont en effet de plus en plus proches de celles du cinéma ou de la musique, avec notamment une valorisation des licences. Ainsi le budget de lancement d’un jeu doit en Europe au minimum être équivalent à celui de sa production (le double aux Etats-Unis). Dans ce contexte, les éditeurs ne peuvent pas être indifférents à leurs cours de bourse. En effet, à leur niveau de taille, le simple maintien de leur part de marché implique d’importants besoins de financement, qui supposent des cours boursiers à peu près stables. La dépression boursière, qui affecte l’ensemble du domaine, finit par faire peser des menaces sur l’ensemble du marché (cf. Les Echos du 16 décembre 2002). 26 Electronic Art, 1er éditeur mondial de jeux vidéos, possède de très fortes licences, par exemple celles du « Seigneur des Anneaux », de « Harry Potter » ou de « James Bond ». 34 Tableau 3 - Poids des éditeurs dans les ventes en France, en 2001 Editeurs français Nb d’unités (en milliers) CA en KE Infogrames Ubi Soft Vivendi Universal Cryo Microids Delphine Wanadoo Editions Edition Titus … Total 1 900 1 300 750 350 200 150 110 90 52 000 41 000 24 300 9 100 4 700 4 250 3 400 1 670 5 700 163 000 Editeurs étrangers Nb d’unités (en milliers) CA en KE Electronic Arts Nintendo Sony Microsoft … 2 350 2 300 1 200 500 87 000 97 000 50 000 21 600 Source : GFK Tableau 4 - Les principaux éditeurs de jeux vidéos dans le monde (Chiffre d’affaires en millions d’euros) Entreprise Pays 1999 2000 2001 Sony (1) Nintendo (1) Microsoft (1) Electronic arts Sega Activision Infogrames Square Soft Take Two Interactive Konami Vivendi Universal Publishing THQ Capcom Ubi Soft Eidos Japon Japon EU EU Japon EU France Japon EU Japon France EU Japon France R Uni 6 451 4 711 1 076 1 145 697 409 306 591 286 516 265 284 185 133 338 6 575 5 326 1 760 1 538 1 870 619 522 732 394 615 361 375 359 186 313 5 610 3 926 2 181 1 476 983 692 674 641 504 502 444 423 269 260 226 Source : Idate, septembre 2002 (1) : Le chiffre d’affaires des trois premiers du classement est à relativiser car il comprend, pour Sony et Nintendo, l’activité consoles de jeux (=pas uniquement l’édition de jeux) et, pour Microsoft, les activités Internet, les accessoires informatiques et les logiciels ludo-éducatifs. 35 Les joueurs 70% sont des hommes. L’âge des joueurs figure dans le tableau 5. Tableau 5 – Répartition des joueurs par tranches d’âge - 18 ans 18-35 ans + 36 ans PC 30.4% 31.1% 38.5% Console 43.9% 36.4% 17.9% Source : IDSA Les joueurs sont avant tout sensible à la nouveauté du jeu, à sa qualité et à son prix. Les distributeurs En France, les jeux vidéos sont principalement vendus dans les hypermarchés ou les grandes surfaces spécialisées comme la Fnac ou Micromania…. Mais il existe de fortes disparités selon les pays. Ainsi en Europe du Sud ou aux Etats-Unis, il existe de nombreuses boutiques spécialisées, où ce sont les vendeurs qui conseillent leurs clients sur l’achat d’un jeu. Leur avis est d’autant plus important que la critique issue de la presse spécialisée ne joue pas son rôle puisque trop dépendante des revenus publicitaires. Chez les distributeurs, le linéaire accordé aux jeux pour consoles est trois fois plus important que celui destiné aux jeux pour PC, les ventes d’un jeu pour console étant plus élevées (le top 10 des ventes de jeux pour console dépasse les 80 000 unités vendues, ce chiffre s’abaissant à 30 000 unités pour les versions PC). Par ailleurs, les distributeurs sont très sélectifs et se concentrent sur les titres promis à un fort succès. 36 Annexe 2 : Histoire financière de l’entreprise Fondation SARL au capital de 50 000 F (7 622 euros), créée en septembre 1994 par 7 personnes physiques dont l’actuel Président-Directeur Général : Jean-Noël Portugal. Première augmentation de capital : juillet 1996 Transformation de la SARL en SA, augmentation du capital par les fondateurs à 38 000 euros. Entrée d’un investisseur financier, CDC Innovation : • émission de 893 actions, • prix d’émission : 427 euros, • apport : 381 311 euros. • Le capital est porté à 380 000 euros. Création de la holding des fondateurs, IVCH27, par apport d’actions de la S.A. Répartition du capital à l’issue de la première augmentation Fondateurs 6,9 % IVCH 66,8 % CDC Innovation 26,3 % Deuxième augmentation de capital : mars 1997 Ouverture du capital à deux nouveaux investisseurs, SIT et Innovaction : • émission de 1 576 actions, • prix d’émission : 630 euros, • apport : 1 million d’euros. • le capital est porté à 448 413 euros. • Répartition du capital à l’issue de la deuxième augmentation IVCH 50,3 % CITA 21,9 % CDC Innovation 18,0 % SudInnova 9,8 % 27 A la suite de la deuxième augmentation de capital, les fondateurs regroupent leurs actions à l’intérieur d’une holding In Visio Canal Historique (IVCH). A l’intérieur de cette holding, JNP détient la majorité (51%) ce qui permet de parler d’une seule voie au sein du conseil d’administration. 37 Troisième augmentation de capital Ouverture du capital à un nouvel investisseur, Natexis (Groupe Banques Populaires) : • émission de 2 236 actions, • prix d’émission : 429,45 euros, • apport : 960 000 d’euros. • le capital est porté à 659 037 euros. Répartition du capital à l’issue de la troisième augmentation IVCH 34,7 % CITA 21,5 % CDC Innovation 17,3 % Natexis 14,8 % SudInnova 11,7 % Emission d’un emprunt – Obligations Convertibles En avril 2001, Dramæraa émis des Obligations Convertibles - Montant de l’emprunt obligataire : 487 854 euros - CITA, CDC Innovation, Natexis et SudInnova ont chacun souscrit à cet emprunt pour ¼ - Durée de l’emprunt : 2 ans 38 Annexe 3 : La situation financière de Dramæra Comptes d’exploitation de Dramæra S.A. (KE) 1998 753,81 € Chiffre d’affaires Coûts externes 310,82 € 442,99 € Marge Brute Salaires imputés 257,01 € Amortissement des productions 74,85 € 111,13 € Marge nette Crédit Impôts Recherche 16,77 € Subvention 61,89 € Frais commerciaux (Salons…) - 67,07 € 122,71 € Marge après frais commerciaux et subventions Salaires improductifs 318,60 € Loyers + charges 89,79 € Crédit bail et réseau 58,54 € Comptabilité 22,10 € Conseil juridique / Avocats 38,87 € Déplacements / rp 60,21 € Impôts et taxes 16,31 € Divers 16,16 € Frais de fonctionnement 620,58 € Amortissement 83,08 € - 580,95 € Résultat d’exploitation Net financier 14,94 € Exceptionnel - 21,95 € - 587,96 € Résultat net 1999 752,44 335,82 416,62 97,87 10,67 308,08 27,74 5,95 329,88 2000 845,58 231,55 614,02 104,42 509,60 51,68 1,68 559,60 229,42 55,34 37,65 27,74 24,85 21,65 26,22 7,01 429,88 98,93 - 198,93 2,44 3,05 - 199,54 185,98 55,34 49,39 23,48 8,38 25,00 30,18 10,82 388,57 25,15 145,88 6,40 152,29 39 BILAN ACTIF (KE) ACTIF Immobilisations incorporelles Immobilisations corporelles Immobilisations financières Total de l’actif immobilisé Stocks et en-cours Créances clients et comptes rattachés Autres créances Valeurs mobilières de placement Disponibilités Charges constatées d’avance Total de l’actif circulant Total de l’actif Brut Amortissements au 31/12/2000 et provisions 482 102,22 373 328 1 424 517,04 60 295 3734,75 0 1 709 723 433 623 12 796,73 0 221 653,78 0 78 266,95 0 233 798,16 0 10 303,90 0 13 445,46 0 0 0 570 302 0 2 280 025 433 623 Net au 31/12/2000 60 036,76 1 211 787,5 3 734,75 1 276 100 12 796,73 221 653,78 78 266,95 233 798,16 10 303,90 13 445,46 0 570 302 1 846 402 Net au 31/12/1999 54 567,59 540 980,18 3 734,75 599 322 0 296 642,95 95 635,93 393 414,97 63 545,46 8 369,58 0 857 665 1 456 887 BILAN PASSIF PASSIF Capital (Dont versé : 4 323 000) Primes d’émission, de fusion, d’apport Réserve légale Report à nouveau Résultat de l’exercice Avances conditionnées Total des capitaux propres Provisions pour risques et charges Emprunts et dettes auprès des établissements de crédit Emprunts et dettes financières diverses Dettes fournisseurs et comptes rattachés Dettes fiscales et sociales Autres dettes Total des dettes d’exploitation et financières Total du passif Dettes à moins d’un an Net au 31/12/2000 659 037 225 045 65 904 (199 656) 152 282 110 525 Net Au 31/12/1999 659 037 225 045 65 904 1 013 137 860 855 70 180 400 924 230 520 127 881 3759 4 552 219 526 152 334 128 405 91 314 833 265 1 486 402 596 131 1 456 987 378 983 596 131 -199 656 110 525 40 Annexe 4 : les principales réalisations de In Visio / Dramæra Dramæra est au service de groupes ou d’entreprises majeurs dans le domaine de la télévision, l’édition, Internet, la téléphonie, le design, la domotique, le jouet, le jeu vidéo… 3.a/ Sept années d’expérience dans le domaine de l’ergonomie des interfaces Citons en exemple trois projets que Dramæra a réalisés. – L’ergonomie du décodeur Pilotime de CanalSatellite Question posée par CanalSatellite « Comment faire de la télévision, objet domestique par excellence, pivot de l'univers des loisirs et de l'information, un objet "augmenté" de multiples fonctions interactives, sans perdre la simplicité, l'évidence, et la hiérarchie fonctionnelle qui ont fait son succès ? ». Méthode de travail Au sein d'une équipe pluridisciplinaire, supervisée par la Direction des Opérations du groupe Canal+, Dramæra a : - défini le périmètre des nouveaux services, - unifié les modes manipulatoires, comportements d'interfaces et règles de navigation, - adapté les périphériques (télécommande, clavier infrarouge) à ces exigences (design physique réalisé ensuite par l'agence Kréo). - développé une maquette interactive complète, enrichie et modifiée tout au long du processus et soumise en permanence à l'évaluation de groupes d'utilisateurs. Durée d'intervention : 2 ans. – L’ergonomie des services interactifs de CanalSatellite Le développement de services interactifs de plus en plus nombreux et sophistiqués sur le bouquet actuel, a nécessité la publication d'une charte de design et d'ergonomie, afin d'unifier les interfaces et les modes manipulatoires proposés aux utilisateurs. 41 Méthode de travail - Analyse de l'existant, des contraintes techniques, et des habitudes prises par les différents concepteurs, - Expression des principes fondamentaux, des similitudes et des ruptures, - Définition d'un protocole d'évaluation permettant aux éditeurs et concepteurs de services d'évaluer la performance et la qualité de leurs créations au regard de critères communs, - Conception de la base de règles pouvant être appliquées à toute nouvelle création, et des composants élémentaires avec leur attributs physiques et comportementaux, - Hiérarchisation des règles et des tolérances s'appliquant principalement à la mise à jour de l'existant ("la jurisprudence"), - Elaboration de modèles et gabarits permettant de progresser facilement dans les compositions. Durée d'intervention : 5 mois. – L’ergonomie du site Web de Canalsatellite Question posée « Faire évoluer le site de Canalsatellite, en restant cohérent avec la formule expérimentée pendant 3 ans pour sa première version, tout en se rapprochant de l'univers télévisuel, dont la principale caractéristique est la qualité de l'offre : "Le meilleur du numérique" ! Permettre aux abonnés de trouver sur le site un prolongement de leur de relation avec le bouquet satellite, une continuité de ton, d'image, d'atmosphère, et de sensation ». Méthode de travail - Assistance à la définition d'un nouveau concept : animation de réunions et définition d'un planning de travail qui ont permis de formaliser une structure éditoriale, des modes de présentation et de navigation, des règles et fréquences de mises à jour, des équilibres de contenu… en un mot les principaux termes du "contrat" entre Canalsatellite et les internautes. - Analyse des différents supports édités : le bouquet lui-même, le magazine des abonnés, la communication corporate, afin d'identifier les fondamentaux de la marque. Prise en compte de la charte graphique réalisée pour l'antenne par Gédéon. 42 - Définition d'une Charte d'Ergonomie et de Design, incluant tous les composants de base (icônes, boutons, menus, objets typographiques, etc.), les gabarits et les pages types. Refonte des outils d'aide à la consommation de programmes (Grille, GuideTV), afin de faire du site de Canal satellite la référence en la matière. Cette mission a été réalisée en collaboration avec une « web agency » qui assure la réalisation technique du site. 3b/ Sept années dans la production interactive Ces sept années ont permis de réaliser plusieurs produits parmi lesquels se trouvent les cinq qui suivent… - Mémoires vives Infogrames grave ses mémoires sur cédérom à l'occasion de ses 10 ans. Dramæra effectue un véritable travail journalistique en rassemblant une multitude d'informations sur les très nombreux produits réalisés par Infogrames. Véritable encyclopédie du jeu vidéo, ce cédérom retrace la vie de l'entreprise à travers son catalogue et les interviews de ses fondateurs. A cette occasion, Dramæra emploie pour la première fois le concept de chemin narratif, accompagnement sonore des liens parcourus par l'utilisateur. Missions : scénarisation, recherche documentaire, création graphique, développement. Sortie : 1996 - Petit ours brun Des dessins animés racontent tous les moments de la journée de Petit Ours Brun: Petit Ours Brun se réveille, Petit Ours Brun prend son petit-déjeuner, aide sa maman, joue, prend son bain, se couche… A la fin de chaque histoire, l'enfant est invité à jouer avec son héros préféré : des jeux amusants, inventifs et très variés, en relation avec l'histoire et adaptés aux petits. Le cédérom est réalisé entièrement en 2D, dans le style graphique original des histoires de Petit Ours Brun de Bayard Presse. Missions : scénarisation, création graphique et animations, développement, production exécutive. Sortie : 1997 43 - Paris 1313 Paris 1313" a été initié par la Réunion des Musées Nationaux, dans la lignée des produits ludo-culturels qu'elle avait précédemment édités. L'action se déroule dans le Paris du MoyenAge, sous le règne de Philippe le Bel et de son conseiller Guillaume de Nogaret. Une mystérieuse machine est sur le point d'être inventée, mais certains sont prêts à tout pour empêcher sa découverte. Le joueur incarne tour à tour trois personnages, dont les histoires se croisent à de multiples reprises. La reconstitution historique est minutieuse. Sous la direction du Musée National du Moyen-Age, chaque décor ou personnage est d'abord dessiné à la main dans le détail, puis modélisé. Le moindre détail fait l'objet d'une étude, pour parvenir à un résultat final d'un grand degré de réalisme. Missions : suivi de l'écriture, conception du game-play, création graphique et animations, développement, production exécutive. Sortie : 1999 - Chirurgie ORL Outil de démonstration pour la préparation d'interventions chirurgicales complexe sen O.R.L. - Tournage de 8 opérations (caméra, endoscope), réalisées par le Professeur Christian Debry, - Découpage et insertion d'hyperliens dans le flux vidéo, - Synchronisation avec une base de données multimédia permettant l'approfondissement. - Lilou Story Smoby crée son premier cédérom en 2000, autour de son poupon star Lilou. Destiné aux fillettes de 3 ans et plus, "Lilou's story" leur propose de s'occuper de Lilou, comme une vrai maman. Le repas, le bain, le coucher et la promenade ponctuent la journée du bébé. Les fillettes retrouvent à l'écran la reproduction exacte et animée de leur poupon de plastique. Elles jouent avec lui via l'interface du cédérom, ou grâce au "surclavier" jouet, qui s'adapte aux enfants moins habitués à la souris. Missions : scénarisation, création graphique et animations, développement, production exécutive. Sortie : 2001 - 10 000 exemplaires vendus. 44