1 ÉPARPILLÉ

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ÉPARPILLÉ
GÉNÉRIQUE TATOUÉ
- Billet -
Suite à un bref prologue téléphonique,
un générique hallucinant ouvre et propulse The
Girl with the Dragon Tattoo. David Fincher lâche
les chiens d’entrée de jeu avec une espèce de clip
bouillant et bondien, comme un songe noir et excité.
Le préambule ultra-stylisé rappelle vivement le
clippeur-Fincher qui œuvrait encore il y a quelques
années : des mannequins statufiés chez Madonna
(Vogue, 1990) au métal vrombissant et personnifié
chez Nine Inch Nails (Only, 2005). L’opening
agressif laisse éclater la reprise d’Immigrant Song
de Led Zeppelin par Trent Reznor et Atticus Ross
(à nouveau aux commandes d’une B.O. hypnotique
pour leur deuxième collaboration avec Fincher après
The Social Network– 39 pistes et 3 heures de sons
graves et torturés) accompagnés par la divine
hurlante Karen O (leader des Yeah Yeah Yeahs et
récemment en featuring avec David Lynch sur le
morceau délirant Pinky’s Dream). Au-delà de la pure
jouissance provoquée par une archi-numérisation
électrisante, le générique goûte à l’essence du film
à venir. Si le corps est métallisé et glacial, il est
aussi en fusion, fondu, percuté, bref malmené. Se
dresse alors l’empire mental et physique de Lisbeth
Salander (étourdissante fascination qu’elle exerce
sur Fincher), mêlant son royaume geek sur-connecté,
sa rage animale (enclenchement d’un flirt avec la
mythologie : le dragon), l’infection de son propre
passé et son bouillonnement autodestructeur qui la
télescope immédiatement en phénix – le film tout
entier fera la peinture poisseuse et captivante d’une
course-poursuite intime : renaître de ses cendres
impose du sang, de la vitesse et de la crasse, le tout
drapé d’une mélancolie résolument contemporaine.
L’icône geek, anarchiste et solitaire dessine en effet
une nouvelle amplitude du personnage fincherien
type. Une intro effrayante de beauté donc, où se
bousculent et se condensent les signes du thriller
(en général) et de Lisbeth (en particulier) : choc de
la romance contrariée, contact charnel mis à mal,
visages abîmés, mains masculines menaçantes,
journaux étrangleurs, fleurs noires inquiétantes,
tatouage de guêpe (qui prend vie) et câbles agressifs
sont autant de codes qui s’entremêlent à travers des
modulations numériques fulgurantes, érigeant un
maelstrom halluciné, procréateur d’extase. Ce grand
cauchemar inaugural a capturé le givre et la fureur
: bienvenue dans la terre froide. Comme l’annonce
Immigrant song : « we come from the land of the ice
and snow ».
Pour ceux qui ont assez de volonté, il est
évidemment préférable de ne pas visionner le
générique ci-dessous au profit d’une défloration en
bonne et due forme dans les salles le 18 janvier.
Pour ceux qui ont cédé ou déjà vu le film, vous
trouverez une galerie de photogrammes sous forme
de mosaïque figée, puisée d’un flux de sang bleui et
métallisé. Feel bad / Enjoy.
---- cf page 2 ---
Outre David Fincher, Tim Miller et Onur
Senturk sont aux manettes du générique. Les
anciennes productions de Senturk offrent un premier
aperçu du travail effectué sur Millenium : comme les
prémices du broyage numérique de Lisbeth Salander
et Mikael Blomkvist, on peut déjà constater ce
goût prononcé pour les inépuisables changements
de formes et de textures. L’ambiance sonore est
d’ailleurs parfois assez proche de celle du film :
http://vimeo.com/13216490
http://vimeo.com/9856705
ARNAUD HALLET
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