Noël Mamère, cocu volontaire et définitif (sur les Verts) / samedi 28

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Noël Mamère, cocu volontaire et définitif (sur les Verts) / samedi 28
Noël Mamère, cocu volontaire et définitif
(sur les Verts) / samedi 28 septembre 2013 / popularité : 82% / Par Fabrice Nicolino
J’ai lu, comme certains d’entre vous, l’entretien accordé par le député-maire de Bègles, Noël Mamère, au journal Le Monde (ici). Il
quitte Europe Écologie-Les Verts, mouvement auquel il a appartenu 15 ans. En dénonçant ce qu’il nomme La Firme, groupe
supposément soudé par l’intérêt politicien autour de Cécile Duflot, ministre en titre du Logement. Mon premier mouvement, je dois le
confesser, est de pure et simple moquerie.
Car tout de même ! Je me dois de rappeler que Mamère a commencé sa carrière politique en 1988, comme suppléant aux élections
législatives du fils Mitterrand, Gilbert. Après avoir beaucoup grenouillé avec les socialistes, il fonde avec Brice Lalonde,en 1990, le
mouvement Génération Écologie. Un groupe politique inventé par l’Élysée de François Mitterrand pour contrecarrer l’influence croissante
des Verts de cette époque. Ce n’est nullement un secret : Mamère lui-même l’a raconté dans l’un de ses livres.
Avec Brice Lalonde, Borloo et Tapie
Est-ce anecdotique ? Je ne crois pas. Génération Écologie a été une invention politicienne de bout en bout, qui a compté dans ses rangs cet
excellent Jean-Louis Borloo. Lequel Borloo copinait de près, depuis le début des années 80 avec un certain Bernard Tapie. Le grand bonheur
des deux hommes, pendant près d’une décennie, fut de racheter les entreprises faillies pour le franc symbolique, directement à la barre des
tribunaux de commerce. Je m’égare ? Mais pas du tout !
Je vous parle d’un monde auquel vous n’aurez jamais accès. On s’y tape sur le ventre. On rit de la dernière pitrerie de tel ou tel, qui a baisé
machin en beauté. On se moque de tel autre, qui n’a décidément rien compris au film des événements. On est entre initiés, pas ? Mitterrand,
Mamère, Lalonde, Borloo, Tapie. Tiens, Tapie. En 1994, Mamère devient député européen sur la liste Énergie Radicale conduite par Tapie,
téléguidé par un Mitterrand agonisant pour empêcher Michel Rocard de s’emparer du Parti Socialiste. Je n’y insiste pas : la manœuvre
réussit à la perfection. Et dans la suite, Mamère entre chez les Verts.
Bon, je ne peux ni ne souhaite tout raconter. Mamère fait carrière, représente les Verts à l’élection présidentielle de 2002, juste après
avoir annoncé son « irrévocable décision » de ne pas accepter le job. Bref. Il se comporte comme un politicien absolument ordinaire. Qu’il
est. J’ajoute pour faire bon poids deux éléments. Le premier : chez les Verts, il s’est toujours entouré de porte-flingues qui, je pense,
pourront se reconnaître. J’ai connu l’un dans une autre vie, et le cynisme avait emporté chez lui toutes les digues il y a déjà trois bonnes
décennies. Quant au second, qui a taillé sa route, je ne saurai rapporter ici toutes les horreurs pures et simples entendues sur son compte.
Et notez bien que je ne fréquente aucun de ces personnages. Aucun ! je le jure bien.
Petit-déjeuner à la brasserie de République
Le seul contact direct que j’ai eu avec Mamère doit se situer vers 2003. Pour une raison que j’ai oubliée, il avait souhaité prendre un petitdéjeuner avec moi dans une brasserie de la place de la République, à Paris. Je suis sorti de ce rendez-vous abasourdi par le bas niveau de
connaissances et de réflexion de Mamère, à qui j’avais eu l’idiotie de dire que la crise écologique était une crise de la vie. Je le revois
mâchouiller cette phrase, et la répéter comme s’il avait eu une quelconque révélation. Et puis plus rien. Jamais plus rien. Je n’ai plus jamais
eu la moindre nouvelle, sans que cela m’ait enlevé, je crois, la moindre chose.
On croira après cela que j’en veux à ce grand garçon, et ce n’est pas vrai. Le pire que je puisse dire de son - désormais - ancien mouvement,
c’est qu’à mon sens, Mamère était un de ses membres les moins dégénérés. L’un des plus sincères. L’un des plus sympathiques. Cela ressemble
à un grand écart, mais c’est comme ça. Seulement, il se barre comme un nigaud, qui sera aspiré par le vide, sauf s’il se rallie à Mélenchon peu probable - ou au Parti Socialiste, éventuellement après un détour. Il est simplement lamentable que Mamère sorte de son mouvement
sans seulement oser citer le nom du grand ordonnateur de toute ligne politique, à savoir Jean-Vincent Placé. Par peur ? Moi, j’ai réalisé ce
printemps un long entretien avec Jean-Paul Besset (JPB) et Daniel Cohn-Bendit (DCB) , paru dans Charlie Hebdo (ici), qui n’aura intéressé
personne, alors qu’il est d’une rare clarté. En voici un bout :
Charlie : Vous étiez donc refaits. Mais par qui, dites-moi ?
DCB : Par le bureau exécutif des Verts. L’appareil.
Charlie : Mais encore ? En dehors de Jean-Vincent Placé et de Cécile Duflot, on ne connaît personne.
DCB : Ce n’est pas parce que personne ne les connaît qu’ils n’existent pas. Ils ont la mainmise sur les Verts. Disons que Placé et quelques
autres avaient la mainmise sur l’appareil national, mais aussi régional, par l’intermédiaire des bureaux exécutifs régionaux.
JPB : Qui ? Le bureau exécutif, avec à sa tête Cécile Duflot, dont le bras droit s’appelle aujourd’hui encore Jean-Vincent Placé. Au total,
cela doit représenter moins de cinquante personnes.
Charlie : Mais qui est donc Jean-Vincent Placé ?
DCB : Je dirais volontiers qu’il est l’apparatchik qui nous a manqué. Personne, parmi nous, ne pouvait jouer ce rôle-là, car il est d’un cynisme
absolu. Il se dit de gauche, mais tous ses comportements sociaux font penser qu’il est tout sauf de gauche. Par exemple, la manière dont il
se comporte avec les autres. Dont il s’habille. Dont il va au restaurant. Et son cynisme est à l’œuvre jusque dans le contenu politique. Il
voulait aller au gouvernement, bien sûr, mais s’il avait été ministre, il aurait tout défendu sans état d’âme, y compris le pacte budgétaire
européen. Mais comme il n’a pas réussi, son message aux socialistes est aujourd’hui de dire : « Vous allez me le payer ». Placé peut vendre
n’importe quel positionnement d’Europe Écologie-Les Verts.
Charlie : Distribue-t-il, comme on le dit, des postes ?
JPB : Oui. Des postes de sénateurs, de députés, de conseillers régionaux. Bien sûr ! Nous avons autour de 250 conseillers régionaux, plus de
50 conseillers généraux. Mais bien au-delà de sa personne, Placé représente une face de l’engagement politique. Il ne s’agit plus pour lui et
ses proches d’aider à la transformation sociale. Il s’agit d’une affaire de gestion des élus et des postes. Ces gens-là, qui ont construit un
univers clos, ne vivent plus que de la politique politicienne depuis des années. Comme ils sont toujours là, à la différence des simples
militants, ils finissent par l’emporter. L’objectif final n’existe pas. Il faut conquérir toujours plus de parts de marché, ou en tout cas ne pas
en perdre. Un type comme Dany n’a pas sa place là-dedans, car cela lui arrive de lire un livre, de s’occuper de son fils, d’aller au stade voir un
match de foot (rires). Placé y va aussi, au stade, mais dans la tribune des VIP. Pour s’y faire voir, pour nouer des contacts, pour activer des
liens. L’écologie n’est pas davantage leur problème. La grande affaire, c’est de gérer la boutique, de négocier des places, d’avoir du pouvoir.
La chute des maisons Besset, Cohn-Bendit, Durand et Mamère
Reprenons. Mamère omet de désigner le vrai chef du parti, dont chacun sait qu’il ne s’intéresse aucunement à l’écologie. Pourquoi ? Outre la
peur déjà évoquée, il n’est pas impossible que quelques cadavres communs se trouvent dans les placards. En tout cas, c’est un désastre total.
Les deux « inventeurs » d’Europe Écologie, Besset et Durand, sont sur la touche. Besset finit son mandat de député européen, et ne
rempilera pas. Durand est viré comme un domestique de son poste de secrétaire national. Mamère est out, comme l’est Cohn-Bendit. La route
est dégagée comme jamais pour Placé et sa camarilla. On ne peut nier l’évidence : c’est bien joué. Et les autres, tous les autres, se seront
comportés comme les couillons qu’ils sont.
L’histoire du mouvement Vert, désolante depuis les origines, est à faire. Si je croyais davantage à cette politique-là, je l’aurais écrite. Mais
n’y croyant pas même une seconde, je ne m’y collerai pas. Mr Placé peut dormir sur ses deux oreilles. Je puis simplement dire, pour l’avoir
observé en son temps, que le pouvoir démesuré d’un Placé et de son clan n’est jamais que répétition. Il y a vingt-cinq ans, lorsque Dominique
Voynet affrontait Antoine Waechter en un combat dérisoire, la pièce était de même contour. Un groupe pour le moins étrange cornaquait
Waechter et lui assurait de confortables victoires électorales au cours d’Assemblées générales du mouvement, soigneusement préparées.
Des départements entiers - le Var, les Hauts-de-Seine - acquittaient rubis sur l’ongle des centaines de cartes d’adhérents fantômes, qui
changeaient la donne. Et personne ne s’en souciait pourtant. Les amis d’Antoine Waechter s’appelaient entre eux La Famille, mot qui a la
sympathique résonance que l’on sait, à peine moins sympathique que La Firme des proches de Duflot, évoquée par Mamère.
Au service de la bureaucratie
Certes, il y a eu de nombreux changements de personnes. Certains sont morts, d’autres ont abandonné la politique ou gagné d’autres rives.
Mais fondamentalement, la pourriture morale a perduré. Une bureaucratie impayable - indifférente à la crise écologique, ô combien !
obsédée par les nombreux postes mis à disposition et la combinazione, ô combien ! - a fait son trou, profitant de statuts et règlements
rendus volontairement abscons pour mieux contrôler l’appareil. Tous les chefs verts, de Bennahmias à Cochet, de Voynet à Blandin, de
Hascoët à Buchmann, de Lipietz à Dessessard, et plus tard, de Contassot à De Rugy, de Coronado à Joly ont eu à connaître de ces mœurs,
sans jamais oser moufter de peur de perdre pied, et de bientôt disparaître.
Je sais, pour en avoir discuté, de loin en loin, avec certains des acteurs de cette tragicomédie, combien la conscience de cette
mascarade est partagée. Mais vu qu’aucun ne bouge ni ne bougera. Mais vu qu’aucun n’a fait ni ne fera l’histoire de cette longue
descente aux enfers, j’en arrive à penser que Mr Placé et Mme Duflot auraient grand tort de se gêner. Faut-il conclure que je
n’attends rien d’un mouvement de cette sorte, dévoré de l’intérieur par des feux qui n’ont rien à voir avec l’écologie et la morale
élémentaire ? C’est si évident que c’en est inutile. Je me situe aux antipodes mêmes de cette démission de tous pour le service de
quelques-uns.
fabrice-nicolino.com

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