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magsacem n° 88 Le magazine des sociétaires Sacem octobre-décembre 2013 La France créative acdefghijk lmnopqrscd efghijklmno pqrcdefghijkl mnopqrcdefghijklmno pqrcdefghijklmnopqr cdefghijklmnopqrcde fghijklmnopqrcdefgh ijk lmnopqrcdef ghijklmnopq rcdefghijkl mnopqrcdefg hijklmnopqr cdefghijklm nopqrcdefgh ijklmnopqrc defghijklmn opqrcdefghi jklmnopqrcd acdefg hijklm nopqrs cdefgh ijkl mnc pqr acde fghijklmnopqrs cdefghijklmnopqrcde fghijklmnopqrcdefghijk lmnopqrcdefghijklmnopqrc defghijkl mnopqrcdef ghijklmno pqrcdefghi jklmnopqrc defghijklm no pqrcdefghi jklmnopqrcd efghijklmno pqrcdefghij klmnopqrcdef ghijklmnopq rcdefghijklmn opqrcdefghijklmnopqrcdef ghijklmnopqrcdefghijklmno pqrcdefghijklmnopqracdefg hijklmnopqrscdefghijklmno million d’emplois : des industries qui ont du poids Dossier > Page 06 12 > Décryptage Crowdfunding Quand le public finance la création 20 > Coulisses Délégation À Nancy, en passant par la Sacem… 02 Échos | à la une | Décryptage | Portrait | Musique story | Rencontre | coulisses | Agenda L’ édito Échos 03 Copie privée É lu par le Conseil d’administration, le 19 juin, président de notre société, je suis particulièrement heureux de pouvoir vous rappeler quelques bonnes nouvelles récentes. La Cour de justice de l’Union européenne a confirmé, le 11 juillet, la possibilité de financer des actions culturelles par notre prélèvement de 25 % sur la copie privée. Le système français est donc ainsi approuvé, malgré les attaques d’adversaires toujours aussi obstinés ! À cela s’ajoute l’exception culturelle préservée avec l’appui du Gouvernement français, exception que nous avons soutenue activement par une pétition signée par plus de quatre mille créateurs. Belle leçon, qui montre, s’il en était besoin, que « les seuls combats perdus sont ceux que l’on ne mène pas ». D’autre part, malgré la crise économique que subit l’Europe, le premier semestre de collecte de notre Sacem semble maintenir nos droits dans une bonne perspective. La Cour de justice de l’UE dit oui aux 25 % Résidence auprès de l’artiste Sophie Gallet dans le cadre des FrancoSessions de Spa (Belgique). Cinglant revers pour les importateurs d’appareils d’enregistrement (clés USB, disques durs, tablettes, smartphones…), qui mènent une guerre judiciaire dans toute l’Europe contre la copie privée. Le 11 juillet dernier, dans l’affaire opposant la société de gestion collective Austro-Mechana au groupe Amazon, la Cour de justice de l’Union européenne a reconnu qu’une partie des sommes perçues au titre de la rémunération pour copie privée pouvait être affectée à des actions sociales et culturelles. Une décision majeure, qui valide et légitime le système mis en place en France dès 1985. La loi Lang prévoit que 25 % des sommes collectées pour la copie privée doivent être consacrées « à des actions d’aides à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à des actions de formation d’artistes ». Chaque année, la copie privée soutient ainsi cinq mille manifestations culturelles de tous les genres et secteurs culturels, partout en France. Vos droits Formation des créateurs Besoin de vous perfectionner sur des logiciels, envie d’acquérir de nouvelles compétences, de vous reconvertir ou simple désir de découvrir de nouvelles techniques de création ? La formation continue est désormais ouverte aux auteurs et compositeurs. Profitez-en ! Longtemps, les auteurs et les compositeurs sont restés les seuls, en France, à être privés du droit précieux de se former tout au long de la vie par absence de financement. Depuis le 28 décembre 2011, le législateur a changé la donne, en mettant en place un fonds de formation professionnelle pour les artistes auteurs. Malgré ces quelques éclaircies dans un ciel toujours nuageux, le droit d’auteur reste un combat que je mènerai avec vigueur, avec notre directeur général Jean-Noël Tronc et le Conseil d’administration, pendant ce mandat. Permettez-moi aussi de souhaiter une bonne année de « sommeil » à mon ami Laurent Petitgirard, à qui je succède. Son travail et son engagement dans la défense de nos droits et dans l’organisation de notre société sont un exemple que je m’efforcerai de suivre. Enfin, je profite de cette tribune pour saluer amicalement nos salariés, sans lesquels les mots de collecte et de répartition ne seraient que principes, sans réalité. • Jean-Claude Petit, compositeur, président du Conseil d’administration de la Sacem Qui peut en bénéficier ? Pour pouvoir en bénéficier, il convient d’être affilié à l’Agessa ou à la Maison des artistes ou bien être assujetti et justifier d’un montant de recettes cumulées de 9 000 euros minimum sur les trois dernières années. C’est donc un signe fort que la Cour de justice de l’Union européenne a lancé aux auteurs, artistesinterprètes, producteurs et éditeurs des œuvres musicales, de l’audiovisuel, de l’écrit et des arts visuels. Ces derniers suivent de près les négociations autour de la proposition de rapport d’initiative relatif à la copie privée menées par la députée européenne Françoise Castex, qui se doit d’être le relais politique de la jurisprudence récente de la Cour de justice européenne consolidant et renforçant le bien-fondé et la légitimité de ce mécanisme de rémunération et de soutien aux créateurs. • magsacem | | Le magazine des sociétaires Sacem | Directeur de la publication : Jean-Noël Tronc | Directrice de la rédaction : Catherine Boissière | Comité de rédaction : François Besson, Laurence Bony, Olivia Brillaud, Louis Diringer, David El Sayeg, Jean Fauque, Patrick Fontana, Claude Gaillard, Claire Giraudin, Claude Lemesle, Bruno Lion, Karine Mauris, Dominique Pankratoff, Jean-Claude Petit, Cécile Rap Veber, Véronique Sinclair et Christophe Waignier | Signatures : Sandrine Bajos, Philippe Barbot, Romain Bigay, Éléonore Colin, Laurent Coulon et Éloïse Dufour | Ont collaboré à ce numéro : Bernadette Bombardieri, Aline Jelen, Frédéric Kocourec, Sophie N’Guyen, Nicolas Pribile et Bruno Quillet | Direction artistique : Jessica Couty et Marie-Christine Fhrepsiadis | Maquette et mise en pages : Agence 21 x 29,7 | Impression : Corlet Roto – BP 46 – 14110 Condé-sur-Noireau | Magazine imprimé sur du papier recyclé | Le magazine des sociétaires Sacem est publié tous les quatre mois | No ISSN 2108-8802 | Sacem – Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique | Société civile à capital variable immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro D 775 675 739 | Siège social : Sacem – Département relations professionnelles et communication – 225, avenue Charles-deGaulle – 92528 Neuilly-sur-Seine Cedex | Tél. : 01 47 15 47 15 | Couverture : © 21x29,7 et Thinkstock | 4e de couverture : © Philippe Lebruman, Richard Dumas, Luc Valigny, Caroline Doutre, Eric Garrault, Virginie Georges, Hadrien Denoyelle, Yann Orhan, Nathalie Guillermic, Torquato Neto, Julien Cauvin, Gassian, Dati Bendo, DR | magsacem # 88 © Lionel Pagès – Gisselbrecht/Andia \ POUR EN SAVOIR PLUS : WWW.COPIEPRIVEE.ORG. Quel en est le coût ? Depuis le 1er juillet 2012, une cotisation est prélevée directement sur vos droits d’auteur. Elle s’élève à 0,35 % du montant brut des droits reçus par les auteurs et les compositeurs, et apparaît aux côtés des autres cotisations sociales sur vos relevés. La Sacem participe au financement de ce fonds de formation, notamment via les 25 % de la rémunération pour la copie privée. Les diffuseurs contribuent également à ce fonds à hauteur de 0,1 % des sommes qu’ils versent aux auteurs et aux compositeurs. Chaque auteur ou compositeur éligible peut demander le financement d’une Répartition du 4 octobre 2013 Tendance générale Vendredi 4 octobre dernier, la Sacem a réparti 89 M€ à ses auteurs, compositeurs et éditeurs. Un montant qui croît de 16,5 % par rapport à octobre 2012. Cette belle évolution s’explique, notamment, par la plus-value de 7,9 M€ qu’a enregistrée le secteur de l’exploitation en ligne, mais aussi par la mise en répartition des 5 premiers mois d’exploitation 2013 d’iTunes. Les droits en provenance de l’étranger représentent près de 30,3 % de ce montant total. Le secteur des exploitations vidéographiques progresse de 10,5 %. La copie privée enregistre une hausse de 45,4 %, dont 77,4 % pour la copie privée audiovisuelle (régularisations de l’opérateur Free). Les droits phonographiques, en revanche, baissent de 21,1 %, en raison de la diminution des droits en provenance des contrats types producteurs et des autorisations œuvre par œuvre. Enfin, cette répartition comprend les droits des réalisateurs de vidéoclips diffusés sur YouTube de 2010 à 2012, et dont la part musicale a été répartie en juillet 2013. • ou plusieurs formations dans la limite de 7 200 euros par an. Qui assure ces formations ? L’Afdas, fonds d’assurance formation des secteurs de la culture, de la communication et des loisirs, prend en charge le financement de ces nouvelles formations. Plus précisément, un Conseil de gestion des auteurs a été nommé par arrêté du ministère de la Culture et de la Communication. Il est composé d’organisations professionnelles et de sociétés d’auteurs, parmi lesquelles la Sacem, et détermine les budgets, les conditions d’accès et définit les priorités. L’offre de formation et les organismes agréés sont choisis par des commissions professionnelles. Quelle est l’offre de formation ? Toutes les formations sont présentées sur le site internet de l’Afdas. Certaines sont transversales à tous les secteurs d’activité, d’autres sont plus spécifiques au métier d’auteur. Vous pouvez les consulter en ligne et télécharger une demande de prise en charge (à remplir et adresser à l’Afdas). Si, toutefois, la formation dont vous avez besoin n’existe pas, n’hésitez pas à nous faire part de vos attentes en nous adressant un courriel à l’adresse : [email protected]. • \ POUR EN SAVOIR PLUS : WWW.Afdas.com. octobre-décembre 2013 • • • • • • \Prochaines répartitions : lundi 6 janvier 2014, vendredi 4 avril 2014. \\Informations sur les répartitions précédentes : sacem.fr > Mon espace > Ma répartition > Données des répartitions. Télex \ Facebook, Twitter, forums… la Sacem est présente sur les réseaux sociaux. Afin de renforcer encore un peu plus le lien avec les internautes, la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique a recruté un animateur de communautés, Fréderic Neff, qui répond à toutes les questions ou remarques ayant trait au droit d’auteur et à la Sacem. © DR Éclaircies 04 Échos | à la une | Décryptage | Portrait | Musique story | Rencontre | coulisses | Agenda Échos 05 VOS DÉMARCHES Le mot du directeur général Sacem Plus Une palette d’avantages Lancé fin juin, le programme Sacem Plus a déjà séduit plus de trois mille sept cents sociétaires. Il offre un large panel de services et d’avantages, parmi lesquels un kit carrière pour développer son réseau et se faire connaître auprès du public et des professionnels (Ulule 1, DBTH, Irma…) ou encore des promotions chez les fabricants et vendeurs de matériel et d’instruments (Apple, Star Music, Musikia, Paul Beuscher, Buffet-Crampon 2…), des facilités sur les transports (Sixt), l’hébergement et l’accès à des lieux de répétition, des accès privilégiés à des événements de référence (Go & Rec, Francofolies, MaMA, festival de la Fiction TV…). Entièrement gratuit, ce programme est accessible à tous les auteurs, compositeurs et éditeurs membres de la Sacem. Pour en profiter, rendez-vous dans votre espace réservé sur sacem.fr et activez votre programme en quelques clics. • \EN SAVOIR PLUS : SACEM.FR > ACCÈS RÉSERVÉ 1 Voir aussi pages 12 à 14. 2 Voir aussi page 19. Télex Simplifier toujours un peu plus vos démarches : telle est l’ambition du site internet Sacem.fr, qui propose désormais un service de déclaration de programmes en ligne. En vous connectant sur votre espace réservé, vous pouvez ainsi enregistrer la liste des œuvres que vous jouez régulièrement pour vos concerts, galas ou récitals, que vous en soyez l’auteur, le compositeur ou simplement l’interprète. À chaque déclaration de programme-type, un numéro vous sera attribué. Vous pouvez en avoir plusieurs, il suffit de leur donner un titre pour bien les identifier. À chaque fois que vous jouerez l’un de ces programmes, vous n’aurez plus qu’à reporter le numéro correspondant sur votre attestation « programme spectacle ». Cette attestation est ensuite à remettre à l’organisateur du spectacle afin qu’il la signe et l’envoie à l’une des délégations régionales de la Sacem. Une démarche simple et rapide, directement en ligne, qui accélère le traitement des données par la Sacem et permet une répartition au plus juste des droits d’auteur collectés. • Ils ont dit J’ai passé l’été avec Sacem Plus. Première expérience : Sixt ! 30 % de remise sur les locations de voiture parce que je suis éditrice de musique membre de la Sacem. Ça, c’est classe ! Je réserve en ligne, et j’y cours. » Isabelle Dacheux, éditrice. \Un témoignage à retrouver en intégralité sur sacem.fr \ Le 18 juin dernier, c’était l’appel aux urnes : l’Assemblée générale de la Sacem a élu son nouveau Conseil d’administration. Le compositeur Jean-Claude Petit succède à Laurent Petitgirard à la présidence. Jean-Marie Moreau, Bruno Lion et Alain Chamfort ont été nommés à la vice-présidence. Retrouvez toute la composition du nouveau Conseil d’administration sur sacem.fr. \\ Hommage. La Sacem a appris avec une immense tristesse la disparition de Bernard Chérèze, des suites d’une longue maladie. Véritable amoureux de la musique, Bernard Chérèze était un homme généreux, passionné et doté d’une grande clairvoyance. Tout au long de sa vie, il aura mis son énergie au service de la création et des jeunes talents. Pour en savoir plus : sacem.fr > communiqués de presse 2013. \\\ La Sacem et Creative Commons ont reconduit leur accord, signé le 9 janvier 2012. Cet accord permet aux auteurs compositeurs membres de la Sacem de promouvoir leurs œuvres dans un cadre non commercial, notamment sur Internet. Il allie de manière innovante, et dans le cadre d’une expérience pilote, l’utilisation de licences non commerciales proposées par les Creative Commons et les modes de collecte et de répartition des droits d’auteur de la Sacem. \\\\ Le rapport annuel 2012 est sorti. Chiffres de la collecte et de la répartition, stratégie, projets, temps forts de l’année, classement des succès… Retrouvez l’intégralité de ce rapport d’activité sur sacem.fr > la sacem > rapports d’activité. magsacem # 88 La France créative C e Magsacem a pour thème principal le Panorama des industries culturelles et créatives, qui vient de paraître et dont la Sacem est à l’origine. Cette étude offre pour la première fois un chiffrage précis de ce que pèsent les industries culturelles en France : musique, arts graphiques, spectacle vivant, cinéma, presse, édition littéraire, télévision, radio et jeux vidéo, ces neuf secteurs représentent 1,2 million d’emplois et pèsent plus de 74 milliards d’euros, soit plus que l’industrie automobile. Le Panorama révèle que la musique est le troisième employeur du secteur culturel avec plus de 240 000 emplois et un chiffre d’affaires total de plus de 8 milliards d’euros. C’est un secteur dynamique, présent sur tout le territoire, qui attire les jeunes. L’étude identifie quatre pôles pour notre secteur : les métiers de la création (auteurs, compositeurs, éditeurs, artiste interprètes, musiciens, techniciens et fabricant d’instruments) auxquels s’ajoute l’enseignement avec les conservatoires, générant une valeur de 1,5 milliard d’euros ; le pôle de la production et la distribution de musique enregistrée (1,5 milliard d’euros) ; celui du spectacle vivant musical (2,5 milliards d’euros) et un ensemble regroupant la diffusion et l’écoute de musique (les radios musicales, les télévisions musicales, les discothèques, mais aussi les ventes de matériel audio et la presse spécialisée) pour un total de 3 milliards d’euros. L’idée d’une telle étude est née il y a un an du double constat qui m’a frappé au moment de prendre la direction de notre Sacem : d’une part, le rôle important de nos secteurs pour l’emploi et la croissance, mais aussi pour le rayonnement mondial de la France, est largement méconnu ; d’autre part, le soutien politique aux principes qui, comme le droit d’auteur, permettent qu’existent des industries culturelles et des créateurs, s’est fortement affaibli depuis dix ans. Ce Panorama ne pourra bien sûr pas changer, à lui seul, cette situation. Mais il doit contribuer à redonner du sens à ce que nous sommes. En effet, pour que soient défendus les créateurs, le droit d’auteur et la gestion collective, il faut changer le regard sur les secteurs culturels. Ces dix dernières années, ceux-ci ont trop souvent été présentés comme voués à un inexorable déclin, marginalisés par la révolution d’Internet, ou dépendant d’aides publiques de plus en plus contestées. Notre discours, parfois défensif et négatif, de même que nos divisions ont fait le jeu de tous les adversaires du droit d’auteur et de la création. Nous avons donc regroupé nos forces et réuni douze acteurs clés des industries culturelles pour produire ensemble ce Panorama et constituer une plateforme commune baptisée « France Créative ». À ceux qui tirent prétexte des évolutions technologiques pour mettre à bas le droit des auteurs, il faut rappeler que dans l’univers numérique, l’avantage comparatif de la France et de l’Europe est dans les contenus, dans cette créativité mondialement reconnue qui part de nos créateurs. Notre répertoire musical est le plus diffusé au monde après le répertoire anglo-américain et la France compte plusieurs champions mondiaux dans le secteur : la première entreprise de production musicale au monde avec Universal ; la deuxième plus grande société d’auteurs au monde avec la Sacem et un des leaders mondiaux de l’écoute de musique en streaming avec Deezer. Outre le haut patronage du président de la République, nous avons obtenu un engagement de nombreuses personnalités pour illustrer l’importance de la culture. La tribune signée d’anciens ministres de la Culture de gauche et de droite vise à rappeler que, dans notre pays, le combat pour la culture a souvent su transcender les différences politiques. À partir de ce travail d’explication, nous préparons les prochaines étapes avec, pour le premier semestre 2014, le projet d’une initiative européenne des créateurs. Il s’agirait d’appeler à ce que le Parlement européen et la Commission européenne qui sortiront des élections de mai 2014 accordent aux industries culturelles au moins la même importance qu’à d’autres secteurs pourtant presque disparus d’Europe, comme l’industrie informatique ou des télécommunications. Pour cela, il nous faudra aussi faire des propositions nouvelles. Nous en reparlerons dans un prochain Magsacem. Pour le moment, le travail de pédagogie est essentiel et doit viser tous les publics. Je vous invite donc, chères et chers sociétaires, à relayer tous les messages du Panorama autant que possible autour de vous. Pour cela, vous pouvez utiliser le site internet www.francecreative.fr qui s’enrichira d’autres témoignages et études. N’hésitez pas d’ailleurs à nous proposer des idées. • Jean-Noël Tronc, directeur général de la Sacem octobre-décembre 2013 © Jean-Baptiste Millot Déclarez vos programmes en ligne Échos | à la une | Décryptage | Portrait | Musique story | Rencontre | coulisses | AgendA À la une 07 La France créative 1,2 million d’emplois : des industries qui ont du poids Une première. Des experts se sont penchés sur le poids éco nomique des industries culturelles et créatives dans l’Hexagone. Contrairement aux idées trop souvent répandues, la culture française se porte bien et séduit à l’étranger. Forte de ses 1,2 million d’emplois et de ses 74,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires, c’est une filière clé du rayonnement et de la compé titivité de la France. U niversal, Deezer, Vivendi, UbiSoft, TF1, Hachette, Dargaud, le magazine Elle… quel secteur, en France, peut se prévaloir d’avoir à son actif une aussi jolie palette de marques, dont la plupart rayonnent hors de nos frontières ? Pourtant, crise économique oblige, les petites phrases telles que «La musique se meurt du piratage », « Internet a tué la presse » ou encore « Bientôt, il n’y aura plus de livres » fleurissent dans les médias. À croire que le secteur de la culture n’en finit pas de compter ses malades ! Cependant, à y regarder de plus près, le tableau est loin d’être si sombre. Au contraire, les industries culturelles et créatives – musique, spectacle vivant, cinéma, télévision, radio, jeux vidéo, édition, presse, arts graphiques et plastiques – tirent plutôt bien leur épingle du jeu dans un monde bouleversé par une crise économique et financière qui s’éternise. C’est en tout cas ce qui ressort du panorama économique des industries culturelles et créatives réalisé par le cabinet EY (à retrouver sur www.francecreative.fr). ••• magsacem # 88 octobre-décembre 2013 © Simon Dubois/Fastimage 06 08 Échos | à la une | Décryptage | Portrait | Musique story | Rencontre | coulisses | AgendA À la une 09 ••• l’Américain a introduit avec succès l’acte d’achat d’une chanson ou d’un album sur la Toile. Le streaming redonne des couleurs à la musique Combien savent qu’avec 61 milliards d’euros de chiffre d’affaires, les industries culturelles et créatives se placent loin devant le so french secteur du luxe ? Le Français, un « gros » consommateur de biens culturels 8,6 milliards d’euros, c’est le poids économique du secteur de la musique. magsacem # 88 Musique, film, livre, concert, radio, théâtre… en moyenne, le Français « consomme » neuf heures par jour des contenus culturels et il n’hésite pas à consacrer 8,4 % de son budget à des biens culturels et à des loisirs. La réalité économique de ces industries – omniprésentes au quotidien, essentielles au lien social, à la vitalité et à la diversité culturelle de la France – reste paradoxalement méconnue. Et donc sous-estimée. « On oublie trop souvent que leurs productions sont aussi une source considérable d’emplois et de richesses pour notre territoire », écrit en introduction Marc Lhermitte, associé du cabinet EY, en charge de ce panorama. Combien savent qu’avec 61,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires, elles se placent loin devant le so french secteur du luxe (52,5 milliards d’euros) et avoisinent le si « in » secteur des télécommunications (66,2 milliards d’euros) ? Le vaste secteur des arts graphiques et plastiques (voir encadré en page de droite) est celui qui génère le plus gros chiffre d’affaires (19,8 milliards d’euros), loin devant la télévision (14,9 milliards d’euros) et l’édition presse magazines (10,7 milliards d’euros). Mais le monde de la musique n’a pas à rougir. Son poids économique, en France, est estimé à 8,6 milliards d’euros, sans compter les 8,4 milliards du spectacle vivant. Emplois non délocalisables Les industries culturelles et créatives emploient plus de 1,2 million de personnes, soit 5 % de l’emploi intérieur total français. Avec 307 716 emplois « made in France », les arts graphiques et plastiques arrivent logiquement en tête, suivis de près par le spectacle vivant (267 713) et la musique (240 874), qui font pratiquement jeu égal. Emplois qualifiés ou non, de l’ingénieur du son au dessinateur en passant par le webmaster d’un festival, les industries culturelles recrutent beaucoup de jeunes. Situées au carrefour de l’art, du monde de l’entreprise et de la technologie, les industries culturelles et créatives offrent un large spectre de métiers aisément accessibles. Enfin, les emplois proposés irriguent l’ensemble du territoire français. Et prouvent que, contrairement aux idées reçues selon lesquelles tout se passe à Paris, la décentralisation culturelle est bel et bien une réalité. En témoigne le succès du musée le Louvre-Lens, du Centre Pompidou-Metz ou, dans un autre registre, cet enregistrement du dernier album de Thomas Fersen dans le minuscule village breton de Loguivy-Plougras. Nouveaux modèles économiques Avec la révolution numérique en général et Internet en particulier, les industries culturelles se sont retrouvées face à un consommateur « hyperconnecté, hypermobile, hyperexigeant ». 44,4 % des enfants âgés de 11 ans possèdent déjà un smartphone et 18,4 % des foyers français sont désormais équipés en tablette, soit un taux d’équipement des ménages qui a bondi de 132 % en un an (source Mobile Mar- © Marc Chesneau Pour la première fois, chiffres et témoignages à l’appui, une étude dessine les contours économiques de ces industries et montre à quel point elles sont porteuses de croissance, de compétitivité et d’innovation. ••• > Plus de 300 000 artistes « visuels » Designer, marchand d’art, sculpteur, peintre, photographe, conservateur, céramiste, architecte… des professions issues d’univers parfois très différents mais toutes regroupées au sein du vaste secteur des arts graphiques et plastiques. Premier employeur des industries culturelles avec presque 308 000 personnes concernées, ce secteur, dit également « des arts visuels », représente à lui seul 19,8 milliards d’euros. Le marché de l’art français profite lui aussi du fameux « made in France » pour rayonner à l’international : il est quatrième au monde, loin derrière les États-Unis et la Chine, mais devant l’Allemagne et la Suisse. Six Français se retrouvent parmi le top 100 des artistes mondiaux au classement. Artindex 2013, le marché de l’art (vente aux enchères, galeries), s’exporte bien et les entreprises françaises de design réalisent 20 % de leur activité à l’étranger. Sur le terrain, les Français sont attachés à leur patrimoine culturel, comme le prouvent les records de fréquentation enregistrés par les 1 210 musées français, à Paris comme en province, qui ont dépassé les 56 millions de billets en 2010. De même, les foires d’art contemporain, comme la Fiac de Paris ou la Biennale de Lyon, séduisent de plus en plus de fidèles et les 1 144 galeries d’art françaises (dont 52 % sont installées en région) ont dégagé l’an dernier un chiffre d’affaires record de plus de 620 millions d’euros. Le monde de l’entreprise n’est pas en reste, avec un mécénat au profit du secteur de la culture et du patrimoine qui atteint 361 millions d’euros, soit 19 % du mécénat total en France. octobre-décembre 2013 © Francesco Acerbis/Signatures Les ventes de livres numériques ont atteint 81 millions d’euros en 2012 (chiffres SNE). keting Association). Musique, livres, billets d’exposition ou de concert, articles de presse… l’acte d’achat s’effectue de plus en plus sur la Toile et de moins en moins en magasin. Le piratage, d’un côté, et Apple et iTunes, de l’autre, ont mis KO pendant quelques années le secteur du disque. La presse écrite a dû faire face à l’explosion des sites d’information gratuite (rue89, Slate, Atlantico…) et, surtout, à un Google plus puissant que jamais qui pioche sans complexe dans les sites des journaux pour alimenter son moteur de recherche. Bien qu’échaudée par les aventures du disque, l’édition a dû elle aussi batailler face aux géants américains, Amazon en tête, désireux de prendre leur part de gâteau du futur marché du livre numérique. D’abord sonnées, les industries culturelles se sont relevées et ont inventé de nouveaux modèles économiques en intégrant les technologies numériques dans leurs modes de production comme dans leurs offres de services. La production de films, de musiques enregistrées ou encore l’édition sont, depuis des années, entièrement numériques, tout comme la diffusion de films : 88 % des écrans de cinéma français sont aujourd’hui équipés de projecteurs numériques et 75 % des films français sont tournés en numérique. La radio surfe avec succès sur les podcasts, et la télévision s’est lancée avec frénésie dans la « social TV », toujours en quête d’accroître sa communauté de fidèles. Bien que le Français semble plus attaché qu’on ne le pensait au papier (en particulier pour les romans), tous les livres sortent désormais en version numérique et les éditeurs français ont réussi à faire plier les mastodontes américains en gardant le contrôle de leurs droits. Mais, surtout, face à une nouvelle génération biberonnée au gratuit, les éditeurs de musique, de jeux ou de presse, veulent changer les règles du jeu. Faire payer ses articles n’est désormais plus un tabou en presse écrite comme en témoignent les offres payantes des journaux. Dans la musique, si Apple, avec iTunes, a assommé plus d’un acteur du secteur, il faut reconnaître que face au piratage, Du côté de la musique, « Les producteurs de musique ont eux aussi accompli leur révolution numérique », estime Stéphane Bourdoiseau, président de l’Union des producteurs phonographiques français indépendants (Upfi), qui donne en exemple la numérisation des catalogues, la construction d’un marché de la musique en ligne avec de nombreux modèles respectueux des consommateurs ou encore des Échos | à la une | Décryptage | Portrait | À la une 11 ••• nouvelles relations contractuelles avec les artistes. En termes de consommation proprement dite, le téléchargement légal, mais surtout le streaming, ont redonné des couleurs à un secteur qui n’en finissait pas de voir ses ventes physiques baisser année après année. Un des leaders mondiaux du streaming n’est autre que le Français Deezer, au coude à coude avec le Suédois Spotify pour la place de numéro 1. « Deezer, c’est l’histoire du réinventeur de la musique (…), le premier à proposer une solution alternative efficace face au piratage : un service gratuit et légal », se félicite son PDG Axel Dauchez. Faut-il voir dans les derniers chiffres du secteur présentés par le Snep, en septembre dernier, un signe sérieux de guérison de la musique ? Après une décennie de crise, elle a dégagé, pour le premier semestre 2013, un chiffre d’affaires en croissance. Si ce bon résultat est certes porté par le succès du dernier album du groupe français Daft Punk, il tend à prouver que la musique a trouvé son modèle économique. Et notamment grâce au streaming par abonnement – donc payant –, qui affiche désormais un million d’abonnés au compteur. Une french touch culturelle reconnue à l’international La french touch se retrouve dans pratiquement tous les pans de l’économie culturelle. Citons, par exemple, Universal Musique (Vivendi), première entreprise de production musicale au monde, ou Hachette Livre (Lagardère), numéro 2 mondial de l’édition, sans parler de TF1, première chaîne privée Focus La musique et son volume Le jeu vidéo français : un champion à l’exportation. Pour en savoir + Retrouvez le panorama dans son intégralité, des infographies et des témoignages sur la plateforme francecreative.fr. C’est l’une des pratiques préférées des Français. Les chiffres sont là pour le prouver : chaque Français écoute en moyenne 53 minutes de musique dans sa journée. Loin de se limiter au marché du disque, la filière musicale fait pour la première fois l’objet d’une étude économique approfondie. Résultat : elle pèse 8,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires et emploie plus de 240 700 de personnes en France. Zoom sur un écosystème dynamique. européenne, ou d’Ubisoft, troisième éditeur de jeux vidéo derrière les Américains Activision et Electronic Arts. C’est ce rayonnement international qui permet à la balance commerciale des biens culturels en France d’afficher, en 2011, un excédent de plus de 300 millions d’euros. À titre d’exemple, avec plus de 80 % de son chiffre d’affaires réalisés à l’étranger, le secteur des jeux vidéo français possède le plus haut taux d’exportations parmi l’ensemble des secteurs culturels marchands. Le septième art français rayonne à l’international, tenant tête à Hollywood, signe que l’exception culturelle défendue avec ardeur par la France produit de réels effets. Elle reste un combat majeur, qui fait partie de l’agenda créatif européen. Enfin, pour la France, l’exportation de produits culturels est l’un des moyens les plus efficaces de poursuivre une politique d’influence au niveau mondial, notamment par le biais de la francophonie. Il ne faut pas oublier que 220 millions de personnes dans le monde parlent le français et parmi eux, 115 millions comme langue maternelle. Création 200 000 Français concourent, par leur métier, à la création musicale. 564 millions d’euros : c’est le chiffre d’affaires généré par les industries de fabrication d’instruments. Production et distribution de musique enregistrée 4 000 emplois permanents dans la production phonographique. 879 millions d’euros de chiffre d’affaires ont été générés grâce aux ventes d’albums (format • physique ou numérique) en 2011. Spectacle vivant musical > Marsatac 2,4 milliards d’euros : c’est le poids économique des concerts de Le festival des musiques nouvelles qui a tout d’un grand magsacem # 88 chaque année, Marsatac remplit parfaitement sa feuille de route. Avec un budget de près de 1,8 million d’euros, le festival est devenu « un acteur important de l’économie culturelle locale », souligne sa directrice. « Il déploie sur l’année près de 15 000 heures de travail, structurées autour d’une équipe de 5 permanents à temps plein et le renfort de plus de 100 salariés ponctuels (dont 80 % d’intermittents du spectacle) et plus de 150 bénévoles. 92 % des salariés sont recrutés sur le territoire régional », détaille-t-elle. L’ économie du spectacle vivant demeure fragile par nature, car ses biens sont non reproductibles et éphémères, mais ses retombées économiques sont loin de se limiter à son seul chiffre d’affaires : elles s’étendent sur tout un territoire. musiques actuelles et de musique classique. 16 000 emplois permanents et 60 000 intermittents du spectacle pour les concerts de musiques actuelles. Diffusion, découverte, écoute 491 millions d’euros et 2 600 emplois : c’est la valeur économique des radios musicales. 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires sont générés par les discothèques, qui emploient 5 400 personnes. 1,3 milliard d’euros générés par les ventes réalisées en équipement audio (baladeurs, casques, autoradios…) en 2011. Un secteur qui compte plus de 5 000 employés. octobre-décembre 2013 © Marc Chesneau Moins connu que ses aînés le Printemps de Bourges ou celui des Vieilles charrues, le festival électro-rap Marsatac a désormais tout d’un grand. « Il s’est progressivement installé comme un rendez-vous clé de la rentrée musicale, et plus globalement comme un moment important de la vivacité des cultures urbaines et électroniques », se félicite sa directrice, Béatrice Desgranges. Le festival qui a fêté ses 15 ans l’an dernier, affiche à son compteur plus de 250 000 festivaliers (dont 35 000 en 2012) et plus de 500 artistes. Et la jeune femme de mettre en avant « une programmation exigeante axée sur la découverte artistique avec près de 80 % des artistes programmés signés sur des labels indépendants ». Quant aux retombées économiques pour la région de Marseille, où il s’installe © Marc Chesneau 010 Échos | à la une | Décryptage | Portrait | Musique story | Rencontre | coulisses | AgendA décryptage 13 Crowdfunding Quand le public finance la création Le financement participatif, ou crowdfunding, est de plus en plus mobilisé par les artistes. À l’heure des réseaux sociaux triomphants, est-ce un simple effet de mode, ou une solution alternative durable à la baisse des financements qui va modifier l’économie de la création ? Eiffel. magsacem # 88 Q uel est le point commun entre la biographie d’Eiffel, le merchandising des Blérots de Ravel, le workshop du label Infiné et le premier disque de nombre d’artistes en démarrage ? Ces projets ont tous eu recours au financement participatif, ou crowdfunding. Un système qui repose sur la mise en relation d’un porteur de projet et d’investisseurs particuliers par le biais d’une plateforme en ligne : KissKissBankBank, MyMajorCompany, TousCoProd, Ulule… Ou comment les petits ruisseaux font les grandes rivières. Le fonctionnement est simple : atteindre un montant fixé en amont en un temps donné. En échange de leur participation, les financeurs reçoivent des contreparties. Si tout type de projet peut être soumis, « La musique est rapidement devenue l’une des catégories les plus importantes. Elle représente environ 600 des 2 900 projets financés », derrière l’audiovisuel et devant le spectacle vivant, confie Alexandre Boucherot, fondateur d’Ulule. Un vieil outil dopé à la modernité des réseaux Avatar 2.0 du mécénat populaire, l’appel au public pour développer un projet n’a rien de nouveau. En leur temps, la Sagrada Familia ou la statue de la Liberté ont été financées par la foule. Mais l’omniprésence des appareils connectés, couplée aux leviers de mobilisation que sont les réseaux sociaux et les communautés en ligne, rend facile et peu coûteux de joindre un grand nombre de personnes désireuses de soutenir des projets, démultipliant les possibilités en la matière. Ainsi, comme le précise Adrien Aumont, fondateur de KissKissBankBank, « Aujourd’hui, on peut créer de la musique, communiquer et lever des fonds depuis son studio, en allant au-delà du cercle des proches et des fans ». 600 projets musicaux sont financés via le crowdfunding sur la plateforme Ulule. Un bouleversement de l’économie de la musique ? Les difficultés du secteur musical, accentuées par la crise économique, entraînent une baisse des sources de financement traditionnel. L’heure est à la mutation. Après la démocratisation des moyens de production (avec les home studios), la multiplication des canaux de communication numériques, ne manquait que la dimension financière pour que les projets artistiques soient potentiellement autosuffisants. Signe des temps, certains vont jusqu’à distribuer leurs albums directement via des sites de vente en ligne, comme Alain Chamfort, sur Venteprivee.com. Pour Alexandre Boucherot, « les outils sociaux et communautaires vont être au cœur des évolutions dans le secteur de la musique dans les prochaines années. En ce qui concerne le financement participatif, le dé ve lop pement actuel est exponentiel et rien n’indique un ralentissement ». De là à se passer des intermédiaires professionnels, il y a un grand pas qui n’est pas non plus près d’être franchi. Un label n’est pas qu’une source financière. De même qu’avoir un home studio ne confère pas automatiquement les compétences d’un ingénieur du son professionnel, disposer d’outils de levée de fonds ne permet pas systèmatiquement de devenir producteur. Ces moyens de financement viendront s’ajouter, sans se substituer, aux sources traditionnelles. Pour Adrien Aumont, l’avenir n’est pas à la disparition des maisons de disques : « Les labels eux-mêmes vont se mettre au crowdfunding pour produire leurs artistes ». Tout le monde dit crowdfunding ? Un balayage des plateformes permet de se faire une idée des projets présentés. Premiers à s’être emparés du système, les artistes autoproduits, en majorité pour l’enregistrement d’un premier disque. Mais Monsieur et Madame Toutlemonde sont aussi sollicités pour l’organisation de concerts ou de festivals, du merchandising, la réalisation d’un clip… Les labels et les artistes indépendants établis s’y mettent, même s’il ne s’agit pas de financer la production à proprement parler. Pour Les Blérots de Ravel, qui, depuis leurs débuts, font appel à la souscription, le recours au crowdfunding s’est imposé pour renouveler, en cours de tournée, le stock de t-shirts à leur effigie. Groupe autoproduit, leur trésorerie ne permettait pas d’avancer les frais. En un mois, 2 626 euros obtenus ont financé la fabrication de 200 t-shirts. Pour le label Infiné, l’organisation de leur workshop annuel a été l’occasion d’une levée de fonds de 20 000 euros. Pour Nicolas Antoine, auteur de la biographie du groupe Eiffel, « Les plateformes offrent un avantage énorme : elles facilitent la gestion. ••• « En ce qui concerne le financement participatif, le développement actuel est exponentiel et rien n’indique un ralentissement. » Alexandre Boucherot, fondateur d’Ulule. octobre-décembre 2013 © Franck Loriou 12 Décryptage | Portrait | Musique story | Rencontre | coulisses | AgendA artistes établis délaissés par leur maison de disques faire appel aux plateformes », prophétise Alexandre Boucherot. Leur notoriété serait un avantage pour la levée de fonds, mais l’impression d’une opération opportuniste pour surfer sur la tendance pourrait entraîner une réaction néfaste des fans. ••• Contrairement aux souscriptions classiques, même si l’on n’atteint pas l’objectif, on ne gère pas les retours et remboursements. Pour les donateurs, c’est simple, rapide et sécurisé ». Les artistes à plus forte notoriété sont peu nombreux à avoir franchi le pas, bénéficiant de moyens suffisants via leurs maisons de disques. « Si le développement est le même que pour l’audiovisuel, cela viendra. On a commencé par n’avoir que des films d’étudiants, des courts-métrages. Aujourd’hui, on trouve aussi du long-métrage. Dans la musique, le crowdfunding a déjà été adopté par des artistes de moyenne notoriété. Nous verrons bientôt des side projects d’artistes connus, ou des Les Blérots de Ravel. Effets secondaires Une campagne de crowdfunding, c’est un outil de communication active. Pour Nicolas Antoine, « Les fans sont en demande. Ils participent à l’aventure du groupe, en échange de contenu ou d’objets exclusifs. Ils entrent ainsi dans une relation privilégiée ». C’est aussi ce qu’explique Johann, 30 ans, passionné de musique et plusieurs fois cofinanceur : « Pourquoi financer ? Pour retrouver la proximité, en cassant le côté star system, avec des artistes lointains et intouchables. Le rapport change : on est partie prenante de leur aventure. Du coup, on va avoir envie de les suivre : liker leur page Facebook, se tenir au courant de leur actualité, aller les voir en concert… Et puis je me dis : depuis quand je n’ai pas acheté un disque ou fais un acte d’achat autre que payer un accès à une plateforme de streaming ? Il y a peut-être là un rachat de conscience… ». Pour un label, a fortiori s’il a construit une identité et une communauté, c’est aussi un moyen de travailler l’image de marque. Échos 15 Trois questions à… Marion Delemazure, qui a mené la campagne pour le workshop Infiné, explique : « On ne s’attendait pas à ce que les retombées soient aussi fortes. C’est presque notre meilleure opération de communication. Nous avons touché une audience large et diversifiée, qu’il aurait été plus difficile d’atteindre via les relais classiques comme la presse spécialisée ou l’achat d’espace publicitaire ». François Besson, directeur de l’Action culturelle de la Sacem Vous avez travaillé pour Universal Music, Sony Music, France Inter et Disney avant de créer votre agence de communication spécialisée dans la musique classique. Pourquoi avoir choisi de rejoindre la Sacem ? Pendant quinze ans dans le disque et les médias, j’ai été au contact direct des créateurs. Dix années dans l’entertainment et le marketing m’ont permis ensuite de cerner la question des publics et les enjeux économiques de la création. Fonder une agence dédiée au développement de carrières était le prolon gement de ce parcours. Rejoindre la Sacem signifiait rejoindre le premier acteur de la musique en France et, ce que l’on sait moins, le premier financeur et mécène de la musique. C’était donc, pour moi, l’opportunité d’œuvrer pour les créateurs à un tout autre niveau. Le crowdfunding, une solution miracle ? On pourrait le penser, mais l’opération nécessite un engagement pas toujours mesuré par les porteurs de projet. « On ne s’attend pas à l’implication que cela demande. Cela doit être construit, s’inclure dans une stratégie, être planifié. C’est un travail à temps plein », explique Marion Delemazure. Et au-delà des projets à petit budget, il faut tout de même bénéficier d’une base de fans déjà constituée. La simple présence sur une plateforme ne la crée pas d’office. Le financement participatif ne peut raisonnablement être envisagé que comme un complément. Le contraire pourrait être problématique, comme l’explique Lisa Belangeon : « Le public ne peut pas tout financer. Et surtout pas choisir seul ce qui mérite ou non d’être produit. À chacun son rôle. Cela ne doit pas remplacer les aides professionnelles ; la diversité pourrait en souffrir ». Et le public se lasser… L’action culturelle de la Sacem est déterminante pour la vitalité de la culture, en France et en Europe. Quelles sont vos priorités ? Déterminante est le mot ! Plus de quinze mille projets soutenus, plus de cent millions d’euros apportés ces dix dernières années. Nous nous appuyons sur une équipe experte dans tous les genres musicaux et une présence unique sur l’ensemble du territoire. Parallèlement aux soutiens à la production, à la diffusion et à la professionnalisation, notre action a un rôle à jouer dans ce que j’appellerai « l’accessibilité » : faciliter l’accès de tous les publics à tous les répertoires, aux concerts via les retransmissions live au cinéma et sur les terminaux mobiles, médiatiser les nouvelles formes de concerts, encourager le déploiement d’initiatives locales sur l’ensemble du territoire. Pouvez-vous déjà lever un coin du voile sur vos intentions pour 2014 ? De nouveaux projets ? Regrouper certains dispositifs d’aide pour en renforcer l’impact, permettre aux porteurs de projet de nous solliciter tout au long de l’année, susciter des synergies et jeter des passerelles entre créateurs et structures, intégrer le digital dans nos programmes de professionnalisation… tout en restant particulièrement attentifs à la pérennité de la copie privée, qui reste le nerf de la guerre. • Le prébooking : le crowdfunding appliqué au spectacle vivant Permettre aux organisateurs de concerts de conditionner la tenue d’un événement à la collecte d’un nombre suffisant de préréservations payantes, c’est ce que propose Plemi, via son service Koalitick. Au carrefour de la billetterie, de l’achat groupé et du financement participatif, c’est, pour Romain Guillot, son fondateur, « Une magsacem # 88 approche radicalement nouvelle de la production, dans laquelle le public peut avoir une influence directe sur la programmation. Elle permet aux producteurs et responsables de lieux de limiter fortement la prise de risque, et les incite à développer les artistes émergents ». Là encore, le principe est simple : les porteurs de projet se présentent sur le site, sont mis en relation avec des salles, et les souscripteurs préréservent leurs places, mais ne sont débités que si le concert a bien lieu. Autre service proposé : avec Beelivers, le public demande à un artiste de venir faire un concert dans sa ville. Les Fatals Picards, François Staal, le label Roy Music ont déjà tenté l’expérience. • \EN SAVOIR PLUS : SACEM.FR > LA SACEM > DERNIERS COMMUNIQUÉS 2013 Télex Les coups de cœur de… Thierry Lecamp journaliste et animateur radio (On connaît la musique, Europe 1). Album La femme mangeuse des nuages du ciel Anouk Aïata Il est rare de se retrouver face à un tel charisme. On sent poindre au fil des titres une sensibilité, une poésie et une douce folie salvatrice. Anouk Aïata a du chien, un répertoire qui raconte des histoires, met en scène des personnages colorés, entre hargne et tendresse exacerbées. Concert Saint Michel au Nouveau Casino Voilà un duo prometteur capable de transposer ses bidouillages studio sur scène en réinventant le son électro cristallin. Planant et énergique, il mélange sur scène machines et instruments acoustiques ou électriques avec puissance et élégance. Pas besoin d’être clubber pour apprécier : les mélodies prennent le dessus face à deux artistes sans artifices. Découverte Yucca Velux Ce jeune groupe français a le chic pour trouver des mélodies entêtantes. Entre pop anglaise et chanson française, Mélo, la chanteuse, à la voix imparable, distille des textes vénéneux et ironiques avec un aplomb saisissant ! Et c’est valable aussi bien dans leur premier EP que sur scène. • \ Le Prix du documentaire musical 2013 de la Sacem a été décerné à Thierry Augé pour son film Quand les mains murmurent (La Huit Productions). Il a été remis par Jean-Louis Agobet, compositeur membre de la Commission de la musique symphonique, lors des États généraux du film documentaire de Lussas. L’œuvre de Thierry Augé est également sélectionnée pour la compétition internationale du festival Jean-Rouch et sera projetée le 14 novembre à la Maison des cultures du monde, à Paris. \\ Le dernier numéro du MagSacem consacrait son dossier aux réseaux sociaux. Petit clin d’œil à un sociétaire de renom : David Guetta, qui est l’artiste le plus suivi sur Spotify, avec plus de 4,6 millions de fans. \\\ Une commission Mémoire a été créée par le Conseil d’administration de la Sacem en juin dernier. Composée de neuf administrateurs issus des trois collèges (auteurs, compositeurs, éditeurs), elle vise à mettre en place une véritable politique patrimoniale au sein de la Sacem. octobre-décembre 2013 © Marc Chesneau – Julien LUtt/StorYBox-photo Échos | à la une | © Adeline Poulain 14 Portrait | Musique story | Rencontre | coulisses | AgendA portrait 17 « Je n’ai pas la prétention de changer le monde, mais j’essaie de faire avancer les choses. » 1983 Exil à Paris, découverte du jazz, rencontre avec Jean Hebrail. 1996 Sortie de l’album Fifa, ses rythmiques béninoises et son duo Naïma avec Carlos Santana. Première mission à l’Unesco, concert au Prix Nobel de la Paix. 2007 et 2008 Deux Grammy Awards du Meilleur album de musique contemporaine. Angélique Kidjo Flamme de l’Afrique Ambassadrice de l’Unicef et vice-présidente de la Cisac, la diva béninoise fera son retour en grâce début 2014 avec un nouvel album, Ève, et une biographie, Spirit Rising. Portrait d’une femme accomplie. D ame de cœur, vocaliste virtuose, artiste engagée… AngéliqueKidjo a déjà connu mille vies. Depuis cinq décennies, la chanteuse béninoise aux deux Grammy Awards rayonne d’un continent à l’autre dans toutes les langues. Fon, français, yoruba, anglais, brésilien, swahili… Si le Time Magazine l’a consacrée « Première Diva d’Afrique » en 2011, l’ambassadrice de bonne volonté de l’Unicef culminait l’an passé au top 100 des personnalités les plus influentes du continent selon Forbes. Son aura semble infinie. « Je n’ai pas la prétention de changer le monde, mais j’essaie de faire avancer les choses. Mon père m’a toujours répété “Tant que tu rêves grand, tout est possible” », précise cette conteuse née doublée d’une forte tête, qui dirige également la Fondation Batonga pour soutenir l’éducation des filles africaines. Œuvre cosmopolite Au fond, sa musique reflète son âme : universaliste, mais fière de ses racines, transgenres, explosive, ardente. Soit l’alchimie parfaite entre afro-pop, funk, salsa, jazz, rumba congolaise, souk, makossa ou gospel. « Tous ces courants viennent d’Afrique ! Un jour, j’ai convaincu mon oncle qu’on pouvait tout jouer sur du James Brown. Il a appelé des percussionnistes, je me suis mise à chanter et ça collait parfaitement ! » De fait, son œuvre cosmopolite fourmille de collaborations fertiles avec Herbie Hancock, Carlos Santana , Manu Dibango, Quincy Jones, Toumani Diabate… Ses hymnes Agolo et We We ont même été remixés par Tricky et le producteur électro Norman Cook, alias Fatboy Slim, gage de leur profonde moder- magsacem # 88 2002 nité. Deux ans après le lumineux Spirit Rising, Angélique Kidjo s’apprête à livrer Ève. « Ève », comme le surnom de sa maman Yvonne, qui l’accompagne sur le duo Bana. « Ma mère et mes deux grands-mères m’ont transmis la force et l’indépendance qui m’habitent aujourd’hui. Ève rend hommage à toutes les femmes africaines, à leur beauté, leur courage et leur résilience. Elles sont la colonne vertébrale de l’Afrique. Sans elles, le continent serait à genoux. » C’est à Merti, un village massaï du Kenya, que son dixième album a vu le jour. « J’étais en mission avec l’Unicef, car il y a un taux très élevé de malnutrition ri sévère de l’enfant. Ce fléau menace ter blement le développement du cerveau de zéro à deux ans. Hélas, personne n’en parle. » L’année 2014 marque, encore, la publication des mémoires d’Angélique Kidjo : un gros pavé intitulé Spirit Rising. Il n’en fallait pas moins pour dérouler le fil de son existence foisonnante. Cheveux peroxydés, sourire inaltérable, la pétulante quinquagénaire a fait ses premières gammes à l’âge de 6 ans… Née un 14 juillet à Ouidah, petite ville portuaire du sud du Bénin, Angélique KidjoKpasseloko Hinto Hounsino Kandjo Manta Zogbin (traduire « Le sang d’une lanterne ne peut allumer une flammèche ») grandit à Cotonou au sein d’une famille de dix enfants. Chorégraphe, sa mère dirige une troupe de théâtre et son père, fonctionnaire des postes, joue du banjo. La fillette rejoint très tôt l’ensemble familial, puis découvre la soul et le rythm’n’blues avec ses frères – le Kidjo Brothers Band – et les textes engagés de la chanteuse sud-africaine Miriam Makeba, son idole absolue. Révoltée dans l’âme, elle écrira une chanson sur Winnie Mandela en 1979, avant d’enregistrer le disque Pretty, à Paris. Angélique a 20 ans. Mais de octobre-décembre 2013 retour au Bénin, la petite étoile africaine déchante. Depuis le coup d’État militaire de 1974 qui a installé au pouvoir Mathieu Kérékou, l’oppression gangrène le pays et les artistes sont priés d’exalter le régime marxiste-léniniste en place. « Soit je partais d’ici, soit je finissais en prison, car je ne comptais pas la fermer. En 1983, j’ai profité du mariage d’une cousine qui vivait près de l’aéroport pour embarquer en douce dans un avion ». Une extraction rocambolesque qui la mène à nouveau à Paris. Étudiante au Cim, prestigieuse école de jazz, Angélique Kidjo fera la connaissance de son futur époux, le bassiste Jean Hebrail. En 1989, après quelques albums enregistrés au sein du groupe Pili Pili, elle va synthétiser en solo ses influences sur Parakou. Femme du monde Les décennies suivantes seront couronnées par le prix RFI-Sacem (Logozo), un retour aux sources béninoises (Fifa), la naissance de sa fille Naïma, un dé mé na gement à New York et une trilogie d’albums qui retrace les routes de l’esclavage (Oremi, Black Ivory Soul, Oyaya !). Décidément sur tous les fronts, Angélique Kidjo vient d’être élue vice-présidente de la Cisac (Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs) pour représenter l’Afrique. « La plupart des jeunes artistes ne sont pas rétribués. Je défends leur droit à la propriété intellectuelle, assène-t-elle. À l’heure du téléchargement illégal, il faudrait que tous les pays du monde signent une charte pour que toute œuvre d’art soit rémunérée. » Femme du monde, femme à poigne, AngéliqueKidjo se veut surtout une femme libre. Ses chansons s’érigent en modèle d’émancipation et d’ouverture culturelle. Humanistes, profondément engagées. • © Alexei Hay/Jed Root Échos | à la une | Décryptage | Bio 16 Musique story | Rencontre | coulisses | Agenda Rencontre 19 Buffet-Crampon, le souffle du vent Un homme heureux « J’ai tiré le fil et le texte est né. » Un grand bâtiment blanc niché en périphérie de Mantes-la-Ville, dans le département des Yvelines, à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de Paris. C’est là que Buffet-Crampon, l’un des plus prestigieux fabricants d’instruments à vent, a installé son siège social dès 1850. C’est là aussi, au milieu des deux cent cinquante techniciens qui s’affairent dans cette gigantesque usine, qu’officie depuis trente-quatre ans Sylvain Benoist. Si les gens qui s’aiment sont toujours un peu les mêmes, ils sont nombreux, les gens qui aiment la chanson de William Sheller : Un homme heureux, enregistrée presque à la sauvette, tout au bout d’un album live piano-voix en 1991, et couronnée d’une Victoire de la musique l’année suivante, fait partie des fleurons du répertoire de M. William. À l’heure où son créateur prépare un nouvel album, retour sur la genèse d’un chef-d’œuvre. Magsacem : Un homme heureux est sans doute votre chanson la plus populaire. Comment est-elle née ? William Sheller : C’est toujours un peu mystérieux, la façon dont viennent les chansons. Parfois, elles naissent de situations très banales. Pour celle-là, je me souviens qu’au tout début, je suis parti un matin manger des huîtres à Deauville, avec une amie. Quand je suis revenu dans l’après-midi, un peu pompette, j’avais en tête un vague petit bout de mélodie, je me suis mis au piano et petit à petit, toute la mélodie est venue. Je l’ai gardée pendant deux ans, en y revenant régulièrement. Et le texte ? Les textes, c’est mon éternel problème. Depuis quarante ans que j’écris des chansons, j’ai toujours l’impression que j’ai déjà tout dit, ou que quelqu’un magsacem # 88 Ci-dessus : Extrait de la partition originale déposée à la Sacem ; William Sheller. 3 reprises en langues étrangères (anglais, espagnol et italien). Plus de 500 000 albums Sheller en solitaire vendus. 24 000 visionnages en streaming. d’autre l’a déjà dit mieux que moi… Je ne trouvais pas d’idée, j’avais juste la phrase « je veux être un homme heureux ». Et puis je suis tombé sur un article de journal qui disait que les vieux couples, ceux qui arrivaient à vivre ensemble jusqu’à la vieillesse, finissaient par se ressembler physiquement. Moi, je vivais une période de solitude, je me demandais pourquoi ce qu’il y a de bon n’arrivait qu’aux autres… J’ai tiré le fil et le texte est né. Après, on compte sur ses doigts pour les syllabes et on essaie de faire un truc qui se tienne, c’est un travail d’horlogerie. À l’époque, la chanson figurait sur l’album Sheller en solitaire. C’était même le tout dernier titre du disque. Vous cherchiez à ce qu’elle passe inaperçue ? Je l’ai placée en dernier parce que le disque était en public et que les gens ne la connaissaient pas. Je ne pensais pas qu’une chanson sur un album enregistré seul au piano aurait un tel impact. D’ailleurs, personne n’y croyait ; ma maison de disques pensait que ça ne marcherait jamais parce que c’était une chanson triste. Mais au contraire, c’est une chanson pleine d’espoir. E ntré dans l’entreprise à l’âge de 16 ans, Sylvain a vécu toutes les étapes d’un métier aussi complexe que passionnant : fabriquer, au rythme d’une centaine par jour, les clarinettes et bassons qui enchanteront les musiciens du monde entier. Du traitement du bois d’ébène venu d’Afrique à l’assemblage de l’instrument final, en passant par la fabrication des touches et des clés métalliques, c’est toute une chaîne qui exige minutie et précision. Aviez-vous conscience que vous teniez là quelque chose d’exceptionnel ? Quand, à chaque concert, les gens se lèvent à la fin de la chanson et la redemandent, on se dit qu’il se passe quelque chose. Mais je ne pensais pas qu’elle allait devenir l’arbre qui cache le jardin… Justement, aujourd’hui, comment la considérez-vous ? C’est parfois gênant parce qu’elle est devenue une sorte de référence ; on peut avoir l’impression que j’ai commencé ma carrière avec cette chanson. Sur scène, je suis évidemment obligé de la chanter. Mais je sais qu’elle fait désormais partie de la vie des gens, de leurs souvenirs. C’est ce qu’il y a de plus émouvant pour un auteur de chansons. • Facteur plutôt que luthier Quand on lui demande de définir son métier, Sylvain dit qu’il préfère la dénomination de facteur à celle de luthier. Lui qui a débuté sa carrière avec un CAP de chaudronnier, a vite été tenté par l’univers de l’atelier dans lequel travaillait déjà une partie de sa famille : « Ils en parlaient avec tant d’enthousiasme que je me suis dit que c’était fait pour moi aussi. Même si je n’ai bénéficié d’aucune éducation musicale, j’ai appris sur le tas comment régler les instruments, ce qu’étaient les doigtés, comment fonctionnaient les clés. Aujourd’hui, c’est une véritable passion, je n’imaginerais pas faire un autre métier ». Engagé en février 1980, Sylvain a suivi deux années d’apprentissage et a travaillé une quinzaine d’années en atelier de production avant d’être nommé responsable de la clarinette Prestige (l’un des fleurons du catalogue BuffetCrampon), puis chef de l’équipe de finissage : « Chez nous, à chaque étape, les gens sont conscients de l’importance et de la qualité de ce qu’ils fabriquent. Le produit final doit être irréprochable, et c’est la raison pour laquelle nous sommes connus mondialement ». Aujourd’hui, la société Buffet Group, leader dans le monde de la clarinette professionnelle, a diversifié ses activités avec la fabrication de hautbois, de cors anglais et de saxophones, et multiplié les showrooms entre New York et Tokyo. Quant à Sylvain, depuis le printemps dernier, il œuvre dans l’atelier de réparation : « Je reçois les clients qui veulent faire réviser ou régler leur instrument. C’est un travail relationnel ; il faut prendre le temps de discuter avec eux pour comprendrece qu’ils désirent. Récemment, octobre-décembre 2013 j’ai dû adapter les clés d’une clarinette pour un soliste dont le doigté était très spécifique. Les musiciens sont amoureux de leur instrument, et nous sommes là pour leur faire plaisir ». L’une des tâches de Sylvain, et non la moindre, est aussi de former les apprentis, qui deviendront les luthiers de demain. « La transmission du savoir, c’est quelque chose de très important dans notre métier : apprendre aux nouveaux ce que les anciens nous ont enseigné, pour que la vie continue. » • « Récemment, j’ai dû adapter les clés d’une clarinette pour un soliste dont le doigté était très spécifique. » Sylvain Benoist. © Marc Chesneau Échos | à la une | Décryptage | Portrait | © Lisa Roze 18 Échos | à la une | Décryptage | Portrait | Musique story | Rencontre | coulisses | Agenda Délégation. Défendre les droits des auteurs, compositeurs et éditeurs, membres de la Sacem, est un travail de chaque instant. Dans toutes les régions de France, les délégués et leurs équipes s’attachent à collecter ces droits. Des métiers de terrain au service de la création. Coulisses 21 70 délégations de la Sacem partout en France. À Nancy, en passant par la Sacem… — Nancy, sa néoclassique place Stanislas dite « la place Stan », ses saveurs lorraines, son dynamisme culturel… ici comme dans soixante-dix communes françaises, la Sacem est implantée depuis des décennies. Au cœur d’un quartier en plein renouveau, dans un immeuble récent, les locaux de la délégation sont flambant neufs, tout en élégance et modernité. Les visages des lauréats des Grands prix Sacem ornent les murs immaculés, aux côtés d’affiches qui rappellent les chiffres clés et l’histoire de cette société qui a plus de 150 ans. « L’espace est ouvert, en transparence. Il favorise les échanges et le travail collectif. À l’image de ce que nous voulons faire », précise d’emblée Bruno Quillet, délégué de la région de Nancy. Aujourd’hui, comme tous les jours, ce juriste de formation est arrivé au bureau à l’aube. Il consacre ses premiers gestes à la lecture rapide de la presse locale, avant d’ouvrir un à un tous les courriers reçus pendant le week-end. « J’en ai cent cinquante, ce matin ! Bordereau de recette, an- magsacem # 88 nonce d’une manifestation, résiliation d’un contrat, fermeture d’une boutique, attestations de sociétaires… Je les lis tous attentivement. Ils reflètent la diversité de nos missions », commente Bruno Quillet. Ces courriers seront traités dans la journée par ses collaboratrices. Les dossiers plus sensibles restent sur son bureau. Il les étudiera seul ou avec son adjoint, Sébastien. À Nancy, ils sont huit à faire vivre la Sacem sur le terrain. Deux chargés de clientèle, Julien et Jean-Marc, arpentent les rues nancéiennes et se rendent dans les différentes communes de la région à la recherche de nouveaux clients ou à la rencontre de celles et ceux dont la situation doit être régularisée. « Nous préparons notre feuille de route le lundi matin, nous faisons le bilan le vendredi après-midi. Le reste du temps, et parfois le week-end, nous sommes à l’extérieur. Cafés, magasins, restaurants, discothèques, salles des fêtes… Nous allons partout, sans a priori, et nous sommes presque toujours bien accueillis. C’est parfois difficile, mais il suffit d’être courtois et pédagogue », confie Julien, particulièrement vigilant sur l’image de la Sacem qu’il véhicule quotidiennement. Au bureau, trois chargées de clientèle assurent la gestion des dossiers, le conseil aux clients, les contrats… « Nous sommes dans une démarche de mutualisation des missions. La recherche de manifestations dans les journaux, le traitement des courriers, les appels… Tout le monde touche à tout », explique Bruno Quillet avant de nuancer : « Certains de nos clients ont leurs interlocutrices privilégiées. Sylvie est bien identifiée par la mairie de Nancy, Virginie par les compagnies de théâtre, par exemple ». Toutes et tous ont en commun leur engagement et leur attachement viscéral au droit d’auteur. L’atout proximité — Être délégué de la Sacem, c’est aussi tenir une place particulière dans le paysage institutionnel local. Bruno Quillet ne fait pas exception. « Je rencontre souvent les élus du territoire, nous avons de très bons rap- 700 employés de la Sacem travaillent dans les délégations régionales. 14 délégations sont implantées dans le Nord-Est de la France. De gauche à droite : réunion d’équipe ; Marie-José Paquatte et Julien Elfassy, chargés de clientèle ; Sylvie Isabelle-Monod, chargée de clientèle ; Luna Gritt sur scène en première partie de Jacques Higelin, à Nancy. « Je ne suis pas producteur, ni un révélateur de talents, mais je peux Braquer un coup de projecteur sur un créateur lorsque je suis sensible à son professionnalisme. » — Bruno Quillet, délégué de la région de Nancy ports », assure-t-il. Détail amusant : un des députés de Meurthe-et-Moselle est luimême sociétaire. S’il en avait le temps, Bruno Quillet pourrait être toutes les semaines aux rendez-vous municipaux. Il fait partie de ceux que l’on n’oublie jamais d’inviter. « Je suis présent aux ouvertures de saison ou de festival. Mais mon métier est surtout fait de nombreuses rencontres informelles », explique-t-il en souriant. Régulièrement, Bruno Quillet fait des présentations sur la Sacem et le droit d’auteur : « J’interviens à l’Opéra de Nancy, à L’autre Canal – une salle de musiques actuelles –, à Music Academy International… Je participe aussi à des tables rondes ou colloques ». Un lien précieux qu’il tisse au jour le jour et qui serait impossible sans ce maillage territorial, qui fait de la Sacem la société d’auteurs la plus performante au monde. La Maison des créateurs — La région de Nancy compte près de neuf cents sociétaires. La délégation est leur maison commune : l’endroit où ils peuvent venir se renseigner sur leurs droits ou obtenir des conseils pour leur carrière. Un jour, SEdd, auteur et compo siteur, a poussé la porte. Il a discuté avec Bruno, qu’il avait déjà souvent croisé, et octobre-décembre 2013 lui a laissé son album. « Je ne suis pas producteur, ni un révélateur de talents, mais je peux braquer un coup de projecteur sur un créateur lorsque je suis sensible à son professionnalisme », explique le délégué, qui n’a pas hésité à parler du groupe de SEdd et Claire V., Luna Gritt, lors d’une réunion à la mairie de Nancy. Un coup de pouce qui leur a permis de se produire devant plus de mille cinq cents personnes en première partie de Jacques Higelin, cet été. Un moment magique. « Sans ce concert, sans l’aide de la Sacem, nous n’aurions jamais été repérés pour participer au Nancy Jazz Pulsation. Cela nous a apporté visibilité et crédibilité », confie avec modestie SEdd, qui vient de décrocher une bourse d’écriture de la Sacem. Il ajoute : « Nous nous sentons ici chez nous. Il faut d’ailleurs que je revienne voir Bruno au sujet de mes droits et au sujet du nouveau programme Sacem Plus. J’ai quelques questions ! ». Bruno lui rappelle alors que les portes sont ici toujours ouvertes. • © Éloïse Dufour – Jean-Claude Fourez 20 Agenda agenda 23 de jeunes cinéastes venus des quatre coins de la planète. Parallèlement à la compétition, la Sacem et le CNC organisent un atelier musique du 26 au 30 novembre, au cours duquel les compositeurs David Reyes, Julie Roué, Fabien Cali et Nigji Sanges iront à la rencontre de jeunes réalisateurs travaillant sur leur premier film post-école. FESTIVALs > Concerts \ Musique d’aujourd’hui Hommage > d’une collaboration artistique avec Ibrahim Maalouf, qui l’avait repérée dans un club de jazz parisien. La chanteuse, qui rafle des prix de jazz un peu partout dans le monde avec son groupe Isabelsörlingfarvel, sera en concert le 10 décembre prochain au New Morning à Paris. > Paris, 10 décembre Cinéma > Cinémathèque \ Toute la mémoire du monde Du récital intimiste au grand concert d’orchestre, le festival de Musique actuelle Nice Côte d’Azur (Manca) offre chaque année une programmation d’une belle diversité. L’édition 2013 ne déroge pas à la règle avec, notamment, un concert de l’ensemble Plural en présence des compositeurs F. Tanada, Y. Robin, F. Panisello et V. Tarnopolski (le 24 novembre) ou encore l’opéra de chambre dédié au jeune public, La maison qui chante, de Betsy Jolas, par l’ensemble instrumental Ars Nova et le Carosse d’Or (le 30 novembre). De nombreux temps d’échange seront également proposés : rencontres avec les professionnels de la musique contemporaine, ateliers d’initiation, master-class d’instruments, rendez-vous interdisciplinaires… > Nice, 19 novembre-1er décembre www.cirm-manca.org Rencontres \ Compositeurs et réalisateurs Les rencontres internationales Henri-Langlois accueillent chaque année depuis déjà trente-six ans, à Poitiers, le meilleur du jeune cinéma. Le festival y sélectionne une quarantaine d’œuvres réalisées par magsacem # 88 Ils aborderont concrètement avec eux la composante musicale de leurs projets. À l’issue de cet atelier, le film Les Chiens, d’Angèle Chiodo, dont la musique a été composée par Julie Roué, sera projeté : une collaboration née lors de la première édition de l’atelier musique, en 2012. Histoire d’un explorateur > 29 novembre-8 décembre Éclectique, décalé, parfois mordant… Nino Ferrer fait chanter la France depuis le début des années 60 avec des compositions aux accents jazz, swing, blues et Rythm and Blues. Quinze ans après sa disparition, la Sacem lui rend hommage. Le 23 septembre dernier, l’auditorium Debussy-Ravel (Sacem) était bondé pour la soirée hommage à Nino Ferrer, en présence de son épouse, Kinou, et de ses deux fils, Pierre et Arthur Ferrari. Auteur, compositeur, interprète, musicien, peintre… Nino Ferrer était un homme accompli, aux centres d’intérêt multiples : diplômé d’ethnologie et d’archéologie préhistorique, il aurait voulu être explorateur. Cet amoureux des voyages, né à Gênes et ayant grandi en Nouvelle-Calédonie, est ainsi parti à la découverte du monde à bord d’un cargo. Très rapidement, la musique devient son champ d’exploration privilégié. Il écrit et compose près de deux cents chansons, parmi lesquelles Mirza, Les cornichons, Le téléfon ou encore Le Sud, qui ont connu un véritable succès. Le titre C’est irréparable, devenu Un año de amor, sera utilisé par Pedro Almodovar dans son film Talons aiguilles. Nino Ferrer est célèbre pour son allure de dandy et son ton plein d’humour. Mais trop peu nombreux sont ceux qui connaissent l’homme discret, profond et cultivé, qui n’a jamais cédé aux sirènes du show-business parisien. À l’occasion du quinzième anniversaire de sa disparition, plusieurs événements vous permettront de mieux connaître l’homme et l’œuvre de Nino Ferrer : la sortie de trois albums (l’Intégrale, Nino Swingue et Nino Kids) et la très riche exposition « Nino Ferrer, il était une fois l’homme… » à la Médiathèque JoséCabanis, à Toulouse. > Toulouse, 14 novembre 2013-14 février 2014 > www.nino-ferrer.com www.rihl.org Créations > Talent Jazz \ Isabelle Sörling Elle fait partie de ces rares chanteuses que l’on reconnaît dès les premières notes. Ces virtuoses à la voix inimitable. Isabelle Sörling, jeune talent jazz soutenu par la Sacem, sort son premier album, Something came with the sun, début novembre. Teinté d’influences diverses, cet album au folk fragile et nordique est le fruit Dédié à la découverte des films du passé, le festival « Toute la mémoire du monde » repousse les limites de notre connaissance du cinéma et permet de renouveler le regard que nous portons sur lui. Ce festival est né du désir de montrer des films récemment restaurés à travers le monde et de faire comprendre les enjeux historiques, techniques et esthétiques de la restauration grâce à un accompagnement scientifique original. Ainsi devient-il possible de susciter un nouveau rapport à des œuvres anciennes, classiques ou incunables. Partenaire privilégié de cet événement, le Fonds culturel franco-américain renouvelle son soutien à cette deuxième édition, qui rendra hommage à la cinémathèque de Bologne. Tournée > Scène Sacem \ Les jeunes talents taillent la route Maillage inédit et original entre formation et diffusion, la tournée du Chantier des Francos est née d’une collaboration étroite entre la Sacem, les Francofolies et les salles de musiques actuelles. Objectif : valoriser les créations de jeunes artistes qui bénéficient d’une formation au sein du Chantier des Francos, à La Rochelle, pendant plusieurs mois. La tournée est un prolongement nécessaire pour leur insertion professionnelle, puisque la scène est l’endroit idéal pour progresser. Forte de son succès, la tournée est accueillie chaque année par six prestigieuses scènes, partout en France. Les 2 et 3 octobre derniers, c’est à La Maroquinerie, à Paris, que la 4e édition de la Tournée du Chantier des Francos a commencé. Le principe est toujours le même : au programme du premier soir, showcase de trois artistes régionaux. Le lendemain matin, coaching artistique par l’équipe pédagogique du Chantier des Francos et des professionnels de la filière musicale, permettant un retour sur le concert de la veille. Enfin, le deuxième soir, le concert public de trois artistes du Chantier des Francos. Des moments forts de création et de partage. L’occasion, aussi, pour ce Fonds d’organiser une projection du célèbre film de Renoir, Une partie de campagne, dans sa dernière version, restaurée cette année. > Prochaines dates : 13-14 novembre au Théâtre Luc Donat, > Paris, Cinémathèque française, 13-14 décembre au VIP, à Saint-Nazaire. 3-8 décembre > En savoir plus : sacem.fr > actions culturelles sur L’île de la Réunion, 21-22 novembre au Rocher de Palmer, à Cenon, 28-29 novembre au Fil, à Saint-Étienne, Les manifestations culturelles soutenues par la Sacem sont réalisées, notamment, grâce au financement issu des ressources de la copie privée. Consultez toutes les informations dans l’espace Actions culturelles sur sacem.fr. octobre-décembre 2013 © Juju Music – Walker EP – Stephany Dray – Magali Boyer – Sarah Bastin – Polas – Emma Picq – Maxime Raimond Échos | à la une | Décryptage | Portrait | Musique story | Rencontre | © P. Pascuttini 22