L`argumentation, du classicisme aux Lumières

Transcription

L`argumentation, du classicisme aux Lumières
chapitre
1
SÉQUENCE
L’argumentation,
du classicisme aux Lumières
7
L
es pouvoirs
du discours
D e l’avocat romain
Cicéron à l’avocat français Robert Badinter, les différents
genres de discours (sermons, plaidoyers…) ont considérablement évolué, tout en visant constamment à susciter l’attention de l’auditoire et à
emporter son adhésion.
S O M M A I R E
O B J E C T I F
Analyser, au fil des siècles,
les thèmes et les moyens
rhétoriques mis en oeuvre
dans différentes sortes de
discours.
RESSOURCE
COMPLÉMENTAIRE
Bossuet, Sermon du mauvais riche (1662).. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 00
Texte 1
D’UN Texte À L’AUTRE
V. Hugo, Discours sur la misère (1849).. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 00
Voltaire, Candide, « Le Nègre de Surinam » (1759).. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 00
Texte 2
D’UN Texte À L’AUTRE
A. Césaire, Discours sur le colonialisme (1950). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 00
ÉTUDE D’ŒUVRE INTÉGRALE
D’UN
Voltaire, Candide (1759). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 00
Beccaria, Des Délits et des peines (1764).. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 00
Texte 3
Texte À L’AUTRE R. Badinter, Discours à l’Assemblée Nationale (1981). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 00
Image W. Ronis, Grève chez Citroën-Javel à Paris (1938). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 00
Analyse d’
SYNTHÈSE
L’art oratoire à travers les siècles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 00
Histoire des arts Les maîtres du discours dans la sculpture. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 00
Exercices d’approfondissement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 00
Notions et activités
legende à venir
000
2
➜ p. 000 : L’ÉNONCIATION, LA COMMUNICATION ET LA MODALISATION
Les connotations
➜ p. 000 : L’HISTOIRE ET LE SENS DES MOTS
Métaphores, antithèses, anaphores…
➜ p. 000 : LES FIGURES DE RHÉTORIQUE
Questions rhétoriques, types de phrase…
➜ p. 000 : LA SYNTAXE
Réécrire en utilisant l’antithèse
➜ p. 000 : RÉÉCRIRE
Prouver à l’aide d’arguments développés
➜ p. 000 : JUSTIFIER À L’AIDE D’ARGUMENTS
Rédiger tout ou partie d’un commentaire
➜ p. 000 : RÉDIGER UN COMMENTAIRE LITTÉRAIRE
Rédiger un discours ou un récit comportant des arguments
➜ p. 000 : INVENTER ET ARGUMENTER
Séquence 5 Fables et paraboles
000
Séquence 6 Contes et romans philosophiques
000
Séquence 7 Les pouvoirs du discours
000
Séquence 8 Textes polémiques des Lumières
Liens avec la partie II
Pronoms personnels, modalisateurs…
Liens avec la partie III
3
Séquence 1 x Les mythes dans la tragédie
Texte 2
LECTURE ANALYTIQUE
VOLTAIRE
Candide (1759)
Biographie p. 000
Premiers pas
Chassé du château allemand du baron Thunder-ten-tronckh en raison de sa liaison
avec la fille du maître, Cunégonde, le jeune Candide voyage et explore le monde. Après
un long périple en Europe puis dans la nouvelle Amérique où il vient de découvrir le
pays d’Eldorado, il pénètre au Surinam où, accompagné de Cacambo, il rencontre un
homme mutilé qui lui expose les raisons de son handicap.
5
1. Nom hollandais
fantaisiste qui signifie
« de la dent dure ».
10
2. Nom générique pour
désigner les populations
noires jusqu’au
XXe siècle.
3. De Patagonie, province
alors sous domination
espagnole (actuellement
en Argentine).
15
4. Pays d’Afrique
occidentale.
5. Terme désignant
normalement un objet
auquel on attribue un
pouvoir surnaturel.
20
– Est-ce M. Vanderdendur1, dit Candide, qui t’a traité ainsi ? – Oui, monsieur, dit
le nègre2, c’est l’usage. On nous donne un caleçon de toile pour tout vêtement
deux fois l’année. Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous
attrape le doigt, on nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on
nous coupe la jambe : je me suis trouvé dans les deux cas. C’est à ce prix que vous
mangez du sucre en Europe. Cependant, lorsque ma mère me vendit dix écus
patagons3 sur la côte de Guinée4, elle me disait : “Mon cher enfant, bénis nos
fétiches5, adore-les toujours, ils te feront vivre heureux ; tu as l’honneur d’être
esclave de nos seigneurs les blancs, et tu fais par là la fortune de ton père et de
ta mère.” Hélas ! je ne sais pas si j’ai fait leur fortune, mais ils n’ont pas fait la
mienne. Les chiens, les singes et les perroquets sont mille fois moins malheureux
que nous ; les fétiches hollandais qui m’ont converti me disent tous les dimanches que nous sommes tous enfants d’Adam, blancs et noirs. Je ne suis pas généalogiste ; mais si ces prêcheurs disent vrai, nous sommes tous cousins issus de
germains. Or vous m’avouerez qu’on ne peut pas en user avec ses parents d’une
manière plus horrible.
– Ô Pangloss ! s’écria Candide, tu n’avais pas deviné cette abomination ; c’en est
fait, il faudra qu’à la fin je renonce à ton optimisme. – Qu’est-ce qu’optimisme ?
disait Cacambo. – Hélas ! dit Candide, c’est la rage de soutenir que tout est bien
quand on est mal » ; et il versait des larmes en regardant son nègre ; et en pleurant, il entra dans Surinam.
1. a
. Remettez dans l’ordre chronologique les événements vécus par le nègre de Surinam.
b. Commentez leur évolution.
2. En quels termes Candide réagit-il à ce discours ?
Quelle image donne-t-il donc de lui ?
Mise au point
➜ p. 000 : LA SYNTAXE
Question de synthèse
8. Pourquoi peut-on considérer le nègre de Surinam
comme un orateur habile ?
➜ p. 000 : L’ART ORATOIRE
3. Quand il évoque des animaux, quelle figure de rhétorique le supplicié emploie-t-il ? Dans quel but ?
➜ p. 000 : LES FIGURES DE RHÉTORIQUE
Analyse
4. Quels pronoms le personnage emploie-t-il pour
évoquer les mauvais traitements qu’il a subis ? Qui
désignent-ils, et quelle est leur valeur ?
➜ p. 000 : CLASSE ET FONCTION GRAMMATICALES
➜ p. 000 : L’ÉNONCIATION, LA COMMUNICATION ET LA MODALISATION
5. a. Relevez la phrase la plus directement accusatrice ; commentez sa construction.
b. S’agit-il de la seule accusation explicite ? Justifiez.
➜ p. 000 : LA SYNTAXE
6. Comment les représentants religieux sont-ils désignés ? Quelle image en est-il donné ?
Pour aller plus loin
9. Recherche. Relevez dans le texte tous les éléments
rappelant le système du commerce triangulaire, puis
utilisez une encyclopédie ou un livre d’histoire pour
proposer une définition plus précise de cette réalité
économique du XVIIIe siècle.
10. Rédaction argumentée. Le sort du nègre de Surinam peut-il encore nous émouvoir aujourd’hui ?
Répondez dans un développement de deux paragraphes au minimum, en vous fondant sur des faits
d’actualité, des films et des livres abordant la question de l’esclavage.
➜ p. 000 : JUSTIFIER À L’AIDE D’ARGUMENTS
Texte 2 AIMÉ CÉSAIRE
D’UN
À L’AUTRE
Discours sur le colonialisme (1950)
Biographie p. 000
Trois ans après le début de la décolonisation, d’abord en Inde, puis dans la plupart des
pays asiatiques et africains, le poète martiniquais Aimé Césaire rédige un vigoureux
pamphlet qui définit et dénonce le colonialisme. Après avoir étudié les aspects les plus
violents de la conquête espagnole dès la fin du XVe siècle, il attaque violemment la
présence française en Afrique amorcée au milieu du XIXe siècle.
Extrait du chapitre XIX.
1. Partie conquérante la
plus avancée.
4
5
Légende splendida
porro at occulti
7. a. En quoi la référence au généalogiste (l.00) peutelle surprendre ?
b. De qui le nègre devient-il donc le porte-parole ?
2. L’occasion.
10
Colonisation : tête de pont1 dans une civilisation de la barbarie d’où, à n’importe
quel moment, peut déboucher la négation pure et simple de la civilisation.
J’ai relevé dans l’histoire des expéditions coloniales quelques traits que j’ai cités
ailleurs tout à loisir.
Cela n’a pas eu l’heur2 de plaire à tout le monde. Il paraît que c’est tirer de vieux
squelettes du placard. Voire !
Était-il inutile de citer le colonel de Montagnac, un des conquérants de l’Algérie :
« Pour chasser les idées qui m’assiègent quelquefois, je fais couper des têtes, non pas
des têtes d’artichauts, mais bien des têtes d’hommes. »
Convenait-il de refuser la parole au comte d’Hérisson [« actif » aussi en Tunisie] : « Il est vrai que nous rapportons un plein baril d’oreilles récoltées, paire à paire,
sur les prisonniers, amis ou ennemis. »
5
Séquence 1 x Les mythes dans la tragédie
20
25
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3. Envahisseurs du
Moyen Âge.
4. Ville malgache.
5. Plaisirs.
6. Romancier du début
du XXe siècle, friand
d’exotisme, qui a
voyagé dans les pays
nouvellement colonisés
par les Français.
7. Habitants de l’Annam,
actuellement le centre du
Vietnam.
8. Affreuses.
45
50
Fallait-il refuser à Saint-Arnaud [Général Achille le Roy dit Saint-Arnaud qui assura le commandement de la Division de Constantine, en 1837 avec le grade de
capitaine, il dirige le « siège de Constantine »] le droit de faire sa profession de
foi barbare : « On ravage, on brûle, on pille, on détruit les maisons et les arbres. »
Fallait-il empêcher le maréchal Bugeaud [gouverneur général de l’Algérie de 1840
à 1847 ; il dirigea la conquête du Maroc] de systématiser tout cela dans une
théorie audacieuse et de se revendiquer des grands ancêtres : « Il faut une grande
invasion en Afrique qui ressemble à ce que faisaient les Francs3, à ce que faisaient les
Goths3. »
Fallait-il rejeter dans les ténèbres de l’oubli le fait d’armes mémorable du commandant Gérard [qui organisa la répression féroce du soulèvement populaire à
Madagascar] et se taire sur la prise d’Ambike4, une ville qui, à vrai dire, n’avait
jamais songé à se défendre : « Les tirailleurs n’avaient ordre de tuer que les hommes,
mais on ne les retint pas ; enivrés de l’odeur du sang, ils n’épargnèrent pas une femme,
pas un enfant… À la fin de l’après-midi, sous l’action de la chaleur, un petit brouillard
s’éleva : c’était le sang des cinq mille victimes, l’ombre de la ville, qui s’évaporait au
soleil couchant. »
Oui ou non, ces faits sont-ils vrais ? Et les voluptés5 sadiques, les innombrables
jouissances qui vous frisselisent la carcasse de Loti6 quand il tient au bout de sa
lorgnette d’officier un bon massacre d’Annamites7 ? Vrai ou pas vrai ?
Et si ces faits sont vrais, comme il n’est au pouvoir de personne de le nier, dira-ton, pour les minimiser, que ces cadavres ne prouvent rien ?
Pour ma part, si j’ai rappelé quelques détails de ces hideuses8 boucheries, ce n’est
point par délectation morose, c’est parce que je pense que ces têtes d’hommes,
ces récoltes d’oreilles, ces maisons brûlées, ces invasions gothiques, ce sang qui
fume, ces villes qui s’évaporent au tranchant du glaive, on ne s’en débarrassera
pas à si bon compte. Ils prouvent que la colonisation, je le répète, déshumanise
l’homme même le plus civilisé ; que l’action coloniale, l’entreprise coloniale, la
conquête coloniale, fondée sur le mépris de l’homme indigène et justifiée par ce
mépris, tend inévitablement à modifier celui qui l’entreprend ; que le colonisateur, qui, pour se donner bonne conscience, s’habitue à voir dans l’autre la bête,
s’entraîne à le traiter en bête, tend objectivement à se transformer lui-même en
bête. C’est cette action, ce choc en retour de la colonisation qu’il importait de
signaler.– Ô Pangloss ! s’écria Candide, tu n’avais pas deviné cette abomination ;
c’en est fait, il faudra qu’à la fin je renonce à ton optimisme. – Qu’est-ce qu’optimisme ? disait Cacambo. – Hélas ! dit Candide, c’est la rage de soutenir que tout
est bien quand on est mal » ; et il versait des larmes en regardant son nègre ; et
en pleurant, il entra dans Surinam.
Chapitre « Colonisation et civilisation » (extrait), © Présence africaine.
Légende splendida porro at occulti
QUESTIONS
1. Qu’a de particulièrement original le ton employé par
l’orateur ? Expliquez.
2. À quel genre de texte le premier paragraphe ressemble-t-il ? Justifiez.
3.Comment l’ensemble du texte est-il structuré ?
Qu’est-ce que cela permet, surtout au moment de
proposer des exemples ?
4. a. Quelle figure de construction permet de bien relier
les différents exemples ? Expliquez.
b.Thématiquement, quel est le point commun de ces
faits ? Quel effet ont-ils sur le lecteur ?
6
c. Quel groupe nominal les résume dans le dernier paragraphe ?
5. Comment l’orateur apparaît-il personnellement dans
son discours ? Dans quel but ?
➜ p. 000 : L’ÉNONCIATION, LA COMMUNICATION ET LA MODALISATION
Vis-à-vis : Voltaire et Césaire
6. À la lumière du discours de Césaire, dans quelle
mesure peut-on affirmer que la fiction de Candide
est finalement vraisemblable ?
➜ p. 000 : LES FIGURES DE RHÉTORIQUE
7
O B J E C T I F
ÉTUDE D’ŒUVRE INTÉGRALE
Étudier intégralement un
conte philosophique, un
genre qui allie réflexion et
art du récit.
V OLTAIRE Candide (1759)
Le con tex te
L’Europe est en pleine
Guerre de Sept ans :
avec ses alliés, la France
y est opposée à l’Angleterre et à la Prusse pour
des raisons de rivalité
coloniale.
L’au te u r
En 1758, année de la rédaction du récit, Voltaire
est reconnu pour ses tragédies depuis Œdipe
(1718), a déjà écrit d’autres contes philosophiques,
tel Zadig (1747) ; il siège à l’Académie française
depuis 1746, et il est rentré de son séjour en
Prusse auprès de Frédéric II (1750-1753). Le début
de la rédaction correspond au début de sa vie
à Ferney, près de Genève où il peut fuir rapidement au cas où la censure française deviendrait
pressante.
Séquence 1 x Les mythes dans la tragédie
Analyse
W ILLY RONIS (1910-2009)
d’image Grève chez Citroën-Javel, à Paris (1938)
Le tex te
Le voyage de Candide
autour du monde met
à l’épreuve la leçon
de son précepteur
Pangloss : tout est au
mieux sur terre.
Dès 1936, lors des
mouvements ouvriers
du Front populaire, le
jeune photographe Willy
Ronis devient reporter
pour la revue Regards. Il
couvre en particulier les
différentes phases de la
grève de l’usine Citroën
du quai de Javel, à Paris.
Il a ainsi l’occasion de
saisir l’une des actions
de Rose Zehner, syndicaliste qui a défendu les
droits de ses camarades
ouvrières.
Choix d e le ct u r e s an al yt i q u e s
E X TRA I TS
RESSOURCE
COMPLÉMENTAIRE
PERSPECT IV ES
D ’ ÉT UD E
1. Chapitre 1 intégral : « Comment Candide fut élevé dans un
beau château, et comment il fut chassé d’icelui »
Présentation des personnages : jeu ironique
avec les stéréotypes du conte
2. Début du chapitre 3 : « Comment Candide se sauva d’entre
les Bulgares, et ce qu’il devint », de Rien n’était si beau… à …
pour les beaux yeux de mademoiselle Cunégonde
Narration aussi épique qu’ironique de la guerre
entre les Bulgares et les Abares
3. Chapitre 8 intégral : « Histoire de Cunégonde »
Perspectives satiriques d’un récit rétrospectif
4. Extrait du chapitre 19 : « Ce qui leur arriva à Surinam, et comment Candide fit connaissance avec Martin »
Témoignage subversif d’une victime de l’esclavage
➜ TEXTE 2, P. 000
5. Extrait du chapitre 30 : « Conclusion », de Pendant cette
conversation, la nouvelle s’était répandue… à la fin du récit
Implications morales du conte
Vue s d ’e n s e m b l e
Un récit de voyage.
1. Sur un planisphère vierge, tracez l’itinéraire de
Candide. Commentez l’aspect de ce voyage.
2. Déterminez le temps passé dans chaque lieu ;
déduisez-en les effets de pause ou d’accélération
narrative. Que mettent-ils en évidence ?
➜ p. 000 : LE TEMPS ET L’ESPACE DANS UN RÉCIT
Un récit de formation.
3. Relevez cinq passages où Candide juge son propre parcours ; à qui parle-t-il ? En quels termes ?
4. Quels commentaires le narrateur en fait-il ?
Commentez.
➜ p. 000 : LE NARRATEUR
Un récit ironique.
5. Relevez et analysez un passage pointant l’ironie du narrateur au sujet de chacun de ces domaines : la religion, le pouvoir, le bonheur.
➜ p. 000 : LE REGISTRE POLÉMIQUE ET L’IRONIE
6. En quoi le narrateur est-il le double de l’auteur
Voltaire ?
8
QUESTIONS
Premiers pas
1. Énumérez tous les éléments de la photographie qui
évoquent une grève.
2. Sur quoi notre attention se concentre-t-elle ? Pour
quelle raison ?
Analyse
Tra vau x d ’é cr i t u r e
1. Entraînement au commentaire. Chapitre 22,
de À peine Candide fut-il dans son auberge… à
…et Martin ne s’en étonnait pas : commentez cet
extrait en insistant sur l’ironie féroce du narrateur.
Légende splendida
porro at occulti
2. Entraînement à l’art oratoire. À la fin du récit,
Candide s’exclame : il faut cultiver notre jardin. Rédigez un discours d’une vingtaine de lignes sur un
sujet de votre choix, qui se terminera sur la phrase
de Candide et qui en dévoilera votre interprétation
personnelle.
3. a. De quelle manière la composition du cliché montre-t-elle Rose Zehner ? Où apparaît-elle dans le cadre de l’image ?
b. Quelle échelle de plan a été adoptée ? Dans quel
but ?
4. Observez son bras levé : quelles lignes de force permettent de souligner ce geste ?
5. a. Découpez les plans qui permettent d’accéder
jusqu’à Rose Zehner. Observez en particulier ce que
l’on aperçoit au tout premier plan.
b. Quelle impression le photographe cherche-t-il à créer
en disposant ainsi les plans ?
➜ p. 000 : LES FIGURES DE RHÉTORIQUE
Question de synthèse
6. Willy Ronis se rattache au mouvement de la photographie humaniste. Aidez-vous de vos réponses
précédentes afin de justifier l’emploi du qualificatif
humaniste.
9
SYNTHÈSE L’art oratoire à travers les siècles
1 L’art oratoire à Rome
La carrière de Cicéron
À Rome, c’est avec Cicéron (106-43 av. J.- C.) que le discours acquiert ses lettres de noblesse. D’abord avocat, il
fut l’assistant du gouverneur sicilien Verrès dont il critiqua
les malversations dans une harangue, un discours en
forme d‘attaque. Plus tard, en tant que consul, il s’attaqua au conjuré Catilina dans quatre discours énergiques
d’une telle prouesse que le terme catilinaire est devenu
synonyme de réquisitoire violent ➜ EXERCICE 1. Mais il est
aussi l’auteur de plaidoyers, tel le Pro Archia défendant
un poète grec naturalisé attaqué par la noblesse.
Fénelon, élève de Bossuet, subit quant à lui les foudres
de Louis XIV, en raison de ses sermons visant la monarchie absolue.
l
La structure oratoire
Ses discours se caractérisent par leur construction rigoureuse :
– un exorde : introduction vive ;
– une narration : exposé imagé des circonstances de
l’affaire ;
– une réfutation : attaque des arguments adverses ;
– un développement : exposé d’arguments personnels ;
– une péroraison : conclusion énergique.
Même quand ce canevas est bouleversé, comme dans
Les Catilinaires, Cicéron y mêle les trois genres de l’éloquence antique : l’épidictique (blâme ou éloge), le judiciaire (intervention dans une affaire) et le délibératif
(arguments pour et contre, pesés pendant le discours).
l
2 Le sermon au XVIIe siècle
Au Moyen Âge et a fortiori à la Renaissance, le latin, langue savante de référence, fait de Cicéron l’orateur modèle.
l Au XVIIe siècle, le sermon est un exposé oral vif prêchant les vertus catholiques, à l’image du sermon sur la
montagne de Jésus : François de Sales, auteur de l’Introduction à la vie dévote (1608), représente cette puissance
de la parole chrétienne qui s’accommode de la vie mondaine. Mais c’est l’ecclésiastique Bossuet qui l’incarne :
son Sermon du mauvais riche, en 1862 ➜ TEXTE 1, forge sa
réputation de prédicateur emportant l’adhésion de ses
auditeurs. Certes, il défend le gallicanisme, conception
qui vise à faire du Roi de France le représentant de la
religion catholique au détriment du pape, mais ce sermon prononcé en plein carême accuse explicitement les
puissants qui ont oublié les pauvres.
l
au discours politique
Dans son épopée Les Métamorphoses (Ier siècle av. J.-C.), le poète latin Ovide
raconte l’histoire du sculpteur Pygmalion : seul dans son atelier, il se console en modelant le corps d’une femme aux formes sublimes. Vénus, afin de
récompenser sa piété, fait de l’œuvre de cire une femme de chair.
Ce mythe fait du sculpteur l’artiste plasticien par excellence : il modèle,
taille, polit ou soude en trois dimensions une représentation d’être
ou d’objet qui peut devenir visible dans l’espace public, associée à
l’idée de monument ou de commémoration ; c’est ce que prouve la
représentation des grands orateurs.
L'art oratoire des Lumières
Au XVIIIe siècle, le débat philosophique engendre des
discours critiques à l’égard du pouvoir royal, du fanatisme
religieux, ou des réalités socio-économiques injustes.
En Italie, la liberté de ton du traité de Beccaria, Des Délits
et des peines (1764) ➜ TEXTE 3, emprunte beaucoup aux
techniques oratoires en dénonçant l’arbitraire, influençant
durablement les philosophes français.
En France, en raison de la censure, le discours subversif
rejoint la fiction : les personnages des contes philosophiques, tel le nègre de Surinam dans Candide ➜ TEXTE 2, sont
les porte-parole de Voltaire. Diderot, dans ses dialogues
fictifs, comme Le Supplément au voyage de Bougainville,
glisse des discours enflammés, tel celui du vieux Tahitien
visant l’esprit de conquête des Européens ➜ SÉQUENCE 8,
TEXTE 3.
l
Des discours révolutionnaires à nos jours
Pendant la Révolution, l’ardeur du discours s’exprime
plus ouvertement, même si des orateurs violents comme
Saint-Just ➜ EXERCICE 2 subissent les conséquences de
leurs propos extrémistes.
l Sous la République, l’écrivain engagé Victor Hugo,
dans son Discours sur la misère à l’Assemblée, en 1851
➜ D’UN TEXTE À L’AUTRE 1, met son talent d’orateur au service
des plus faibles.
l Au XXe siècle, le poète Aimé Césaire, dans le Discours
sur le colonialisme (1950) ➜ D’UN TEXTE À L’AUTRE 2, participe
aux débats les plus virulents de son époque. D’autres,
comme l’avocat Robert Badinter, auteur du projet de loi
abolissant la peine de mort, font évoluer la société française dans des discours attentifs à la thèse adverse, sans
se départir de leur idéal ➜ D’UN TEXTE À L’AUTRE 3.
Sans avoir cette fougue, des romanciers actuels pointent
les contradictions du monde intellectuel occidental qui
s’adresse aux plus forts sans pouvoir se faire écouter des
plus humbles, comme le souligne le discours de Stockholm de Le Clézio en 2008 ➜ EXERCICE 3.
l
➜ p. 000
arts
Les maîtres du discours
en sculpture
3 Du dialogue philosophique
Biographies des auteurs
10
Histoire
des
1 Polyeuctos, Herma de Démosthène(partie supérieure),
IIIe siècle av. J.-C.,Glypthotekh, Munich
1 Les orateurs de l’Antiquité
Au IVe siècle av. J.C., l’orateur grec
Démosthène s’opposa aux visées
expansionnistes de Philippe II de Macédoine ; les sculpteurs immortalisèrent
cet homme audacieux, véritable mythe
vivant de la parole politique, auréolé de
légendes, telle celle de combattre ses
difficultés d’élocution en parlant avec du
gravier dans la bouche.
Au IIIe siècle av. J.-C., la place du marché
d’Athènes était significativement ornée
d’une herma de Démosthène 1 : ce
buste en marbre du sculpteur Polyeuctos surmonte un pilier, honorant
le modèle à la façon du dieu Hermès,
patron du commerce. Ainsi célébré, le
grand homme n’apparaît pas vraiment
comme un orateur : le front soucieux et
ridé, les yeux concentrés, la barbe et le
cheveu ondulés, il a plutôt l’allure d’un
philosophe.
C’est à Rome que l’art oratoire
trouve en sculpture des représentations explicites. À Florence, la sculpture
en ronde-bosse et en bronze d’un
orateur romain donne une image précise
de la façon dont on percevait l’art du
discours à l’époque d’Auguste. Certes, de
nombreux bustes avaient représenté la
figure de Cicéron aux traits soucieux et
concentrés, telle l’herma de Démosthène
à Athènes, mais cette œuvre innove en
montrant un orateur en pied, le bras
droit levé, et la tête volontaire, dans un
souci de représentation dynamique et
réaliste 2 .
2
Artiste inconnu, Orateur,
bronze, Ier siècle av. J.-C.,
Musée archéologique,
Florence
11
Histoire
des
3
Honoré Daumier, Buste
d’Auguste Hilarion de
Kératry, député (1832),
terre crue peinte à
l’huile, Musée d’Orsay,
Paris
arts
Un mouvement artistique :
l’impressionnisme
LEXIQUE
Ronde-bosse : autour de laquelle on peut
se déplacer, à la différence du haut-relief ou
du bas-relief, sculptés sur un fond.
L’impressionnisme est un mouvement pictural figuratif du xixe siècle qui
prolonge le réalisme. Comme le réalisme, il rompt avec la peinture
académique, mais en accordant la primauté à la couleur et aux impressions ressenties, ce qui donne un aspect « non fini », choquant
pour l’époque.
En pied : représenté entièrement, de la tête
au pied, contrairement au portrait en buste.
Allégoriques : représentatifs d’une institution,
d’une réalité supérieure. Par exemple, Marianne est l’allégorie de la République française.
Art officiel : art de commande au service
des gouvernants, des États.
1 L’impressionnisme, une rupture avec
la peinture académique
2 La statuaire des grands orateurs
au XIXe siècle
Au XVIIe siècle, l’importance du sermon
se traduit surtout en peinture : Bossuet
est peint en pied dans des tableaux essentiellement allégoriques, tradition qui
se poursuit jusqu’au XIXe siècle. C’est
seulement en 1904 que l’évêque sera
représenté au sommet d’un immense
monument d’Ernest Dubois, placé dans
la cathédrale de Meaux.
C’est sous la Troisième République que
se développe l’art de la statuaire dédiée
aux grands hommes, en particulier les
orateurs de la Révolution. La statue
de Danton au Carrefour de l’Odéon à
Paris 4 en est l’illustration ; fondue par
Auguste Paris, élève du grand sculpteur
Falguière, elle s’élève depuis 1889 à
Histoire
des arts
p.000
En 1863, Edouard Manet fait scandale
avec son Déjeuner sur l’herbe, une toile
qui représente deux femmes nues au
milieu d’un groupe d’hommes habillés.
La luminosité et le sujet audacieux
ouvrent la voie à une nouvelle génération de peintres.
En 1873 se constitue un groupe de
peintres dont les œuvres sont systématiquement refusées au Salon officiel :
Claude Monet, Paul Cézanne, Alfred Sisley, Camille Pissarro, Auguste Renoir et
Berthe Morisot, seule femme du groupe.
En 1874, ils exposent dans l’atelier
du photographe Nadar. Cette première
exposition est perçue comme une déclaration de guerre à la beauté, tant les
tableaux apparaissent comme confus et
inachevés. D’abord qualifiés de naturalistes, parce qu’ils installaient leur chevalet
en pleine nature, ils sont alors rebaptisés impressionnistes par un journaliste
ironique, en référence à une toile de
Monet : Impression, Soleil levant.
Les impressionnistes remettent en cause
la primauté du dessin sur la couleur.
Ils rejettent le beau idéal et intemporel
défini par les classiques ➜ LE CLASSICISME,
P. 000. Monet, avec ses trente toiles peintes de la cathédrale de Rouen 1 ,
2 et 3 , à différents moments de la
journée, s’attaque à un symbole de
permanence, pour affirmer la relativité
des perceptions.
l’endroit où résidait Danton. Il s’agit
d’un groupe sculpté où l’homme de
la Terreur apparaît comme
un orateur fougueux,
ralliant deux citoyens
volontaires à ses pieds.
Si l’allure générale, avec le
bras droit levé, rappelle la
statuaire romaine, la bouche
ouverte, le mouvement du
vêtement et le dynamisme des
figures d’hommes qui l’accompagnent, donnent à Danton un élan
tout révolutionnaire, peu prisé
des historiens de l’art qui y
voient avant tout de l’art
officiel.
1 , 2 et 3 , Claude Monet, trois vues de la cathédrale de Rouen entre 1892 et 1894 (Paris, musée d’Orsay).
4
12
Auguste Paris, Monument
à Danton (1889), bronze,
Carrefour de l’Odéon, Paris VIe
13
2 Thèmes et techniques impressionnistes
◗ Les thèmes impressionnistes
Les impressionnistes sont les peintres
de la vie moderne qu’ils embellissent et
poétisent. Le monde urbain occupe une
place privilégiée dans leurs œuvres, tel
le tableau de Monet, Les Déchargeurs
de charbon, qui représente le pont en
fer d’Asnières ➜ P. 000. Le travail et la
vie quotidienne, les gares, les cafés, les
bals, les loisirs nautiques du dimanche
les inspirent tout particulièrement. La
Grenouillère, lieu emblématique des
bords de Seine, est célébrée par Monet,
mais aussi par Renoir.
Ces artistes quittent leur atelier pour
peindre en extérieur, profitant de l’invention des tubes souples de peinture.
Ils travaillent sur la lumière et ses effets
sur les objets et la nature, à différentes
heures, par temps de pluie ou de neige,
sur les phénomènes mouvants : fumée,
brume, nuage, reflets dans l’eau…
Dans La Grenouillère de Renoir 4 , les
robes sont des taches claires qui se mêlent au paysage, et l’on ne distingue plus
l’eau de la verdure ; même les baigneurs
se fondent dans les reflets de l’eau.
Les peintres procèdent par touches de
couleur fragmentées ; par exemple, un
orange est obtenu par la juxtaposition
de deux couleurs primaires : le jaune
et le rouge. Les touches de couleur
permettent d’obtenir des effets de forme
et de volume, et la matière picturale est
mise en évidence par le travail marqué
de l’épaisseur du trait.
◗ La technique impressionniste
Perspective et traitement rationnel des
sujets sont refusés, au profit de la dissolution des formes et de la représentation subtile des couleurs. Les réalités de
la perception optique l’emportent : les
silhouettes s’estompent, le flou s’impose.
4 Auguste Renoir, La Grenouillère, 1869 (Stockholm, Musée national).
3 L’influence des impressionnistes sur la littérature et la musique
Les peintres impressionnistes trouvent le
soutien de quelques écrivains naturalistes. Certes, Manet, en 1868, peint
un portrait d’Émile Zola qui consacre l’union entre le naturalisme et la
nouvelle peinture, mais Manet est dans
une voie médiane qui mêle réalisme et
impressionnisme. Son ami Zola n’a eu
de cesse d’encenser Manet, mais de
considérer Monet ou Renoir comme des
peintres de l’inachevé, ayant encore bien
14
des progrès à effectuer.
Il n’en demeure pas moins que les
personnages de peintres occupent
une place importante dans les romans
de Zola : Laurent dans Thérèse Raquin
➜ ŒUVRE INTÉGRALE, P. 000 ou Claude Lantier (transposition littéraire de Cézanne et
de Manet) dans L’Œuvre.
Mais l’influence des impressionnistes
se fait surtout ressentir dans le style
d’écriture : les romanciers naturalistes
privilégient une écriture visuelle par impressions juxtaposées appelée écriture
artiste.
À partir de 1887, des musiciens préoccupés par la perception subjective
des couleurs sonores et des rythmes,
comme Claude Debussy, Maurice Ravel
et Erik Satie, sont qualifiés d’impressionnistes.
Séquence 2 x Comédie antique, comédie classique
Exercices d’approfondissement
Revoir
1
30
Rhétorique et accusation
1. Comment repérez-vous le destinataire de ce discours ?
Enumérez les procédés grammaticaux qui permettent de
l’identifier.
35
2. Quels termes Cicéron utilise-t-il pour désigner ce dont
il l’accuse ? Quelles sont les connotations de ce vocabulaire ?
3. Quel type de phrase est majoritairement employé ?
Dans quel but ?
➜ p. 000 : L’ART ORATOIRE
5. a. Cherchez le sens du mot harangue.
b. En quoi ce discours correspond-il à cette définition ?
En 63 avant J.-C., le consul romain Cicéron prononça quatre discours à l’encontre de Catilina, un noble
ruiné qui avait tenté deux ans plus tôt d’assassiner les
consuls dont il briguait le poste.
Que peux-tu donc, Catilina, espérer encore, si
les ténèbres de la nuit n’ont pas caché à nos yeux
tes assemblées criminelles, si les murs d’une maison n’ont pas étouffé la voix de ta conjuration1 ?
5 si tout est mis au jour, si tout éclate ? Renonce à
tes desseins, crois-moi ; ne songe plus au meurtre
et à l’incendie. Tu es enveloppé de toutes parts ;
tous tes projets sont pour nous plus clairs que le
jour ; tu peux même les rappeler avec moi à ton
10 souvenir.
Te souvient-il que, le douzième jour avant les calendes de novembre2, je dis dans le sénat qu’à jour
fixe, dans six jours, Mallius prendrait les armes,
Mallius le satellite et le ministre3 de ton audace ?
15 Me suis-je trompé, Catilina, non seulement sur un
fait si important, si criminel, si incroyable, mais,
ce qui est plus étonnant, me suis-je trompé sur le
jour ? J’annonçai de plus au sénat que tu avais fixé
le massacre des principaux citoyens au cinquième
4
20 jour avant les mêmes calendes , jour où plusieurs
d’entre eux sortirent de Rome, moins pour sauver
leur vie que pour faire échouer tes complots. Peuxtu nier que ce jour même, environné de gardes placés par ma vigilance, il te fut impossible de rien
25 tenter contre la république, et que tu dis, pour te
consoler du départ des autres, que, puisque j’étais
resté, ma mort te suffisait ?
Eh quoi ! lorsque, le 1er novembre, tu comp-
16
20
25
1. Ton complot. 2. Douze jours avant le début du mois de novembre,
les Romains partageant le mois en calendes, nones et ides (début,
milieu et fin du mois). 3. Le plus proche et l’exécutant. 4. Cinq jours
avant novembre. 5. Ville de Latium, non loin de Rome.
➜ p. 000 : L’HISTOIRE ET LE SENS DES MOTS
4. Relevez toutes les énumérations : quelle est leur fonction oratoire ?
tais t’emparer de Préneste5 à la faveur de la nuit,
ne t’es-tu pas aperçu que cette colonie se trouvait
sous la protection de postes et de gardes que mes
ordres y avaient placés ? Il n’est pas une de tes
actions, pas un de tes projets, pas une de tes pensées, non seulement dont on ne m’instruise, mais
encore que je ne voie, que je ne connaisse à fond.
Cicéron, Première Catilinaire, III, traduction de Thibault,
© Hachette (1863).
➜ p. 000 : L’ÉNONCIATION, LA COMMUNICATION ET LA MODALISATION
➜ p. 000 : LA SYNTAXE
15
Approfondir
2
Rhétorique et Révolution
1. De quelle manière le roi est-il évoqué ? Comment l’orateur considère-t-il donc cette autorité ?
2. Quelle notion Saint-Just fait-il valoir dans le premier
paragraphe ? Quelle figure de rhétorique permet de la valoriser ?
➜ p. 000 : LES FIGURES DE RHÉTORIQUE
3. a. Quels sont les pronoms personnels utilisés dans le
deuxième paragraphe ? Qui désignent-ils ?
b. Quelle est leur fonction oratoire ?
➜ p. 000 : CLASSE ET FONCTION GRAMMATICALES
Saint-Just, Discours à la Convention, 13 novembre 1792 (extrait).
3
2. a. Quel exemple l’auteur développe-t-il le plus longuement ?
b. Quel paradoxe permet-il de souligner ?
3. Quel usage l’orateur fait-il ici des questions rhétoriques ? Commentez deux exemples significatifs.
➜ p. 000 : L’ART ORATOIRE
4. En quoi ce discours illustre-t-il le sentiment de crise du
monde intellectuel ?
Lors de sa réception à l’Académie suédoise pour la remise du Prix Nobel de littérature, l’écrivain Le Clézio
cita le romancier Stig Dagerman qui avait mis l’accent
sur un paradoxe : les écrivains abordent la vie des exclus, de ceux qui ne pourront jamais les lire.
5. Quelle phrase rappelle les prises de position extrêmes
de Saint-Just ? Comment est-elle construite ?
➜ p. 000 : LA SYNTAXE
10
Jean-Marie Gustave Le Clézio, « Dans la forêt des paradoxes »,
discours du Prix Nobel, Stockholm, novembre 2008,
© Fondation Nobel (2008).
➜ p. 000 : L’HISTOIRE ET LE SENS DES MOTS
➜ p. 000 : LA SYNTAXE
5
pas d’hier. François Rabelais, le plus grand écrivain
de langue française, partit jadis en guerre contre
le pédantisme3 des gens de la Sorbonne en jetant
à leur face les mots saisis dans la langue populaire. Parlait-il pour ceux qui ont faim ? Déborde4
25 ments, ivresses, ripailles . Il mettait en mots l’extraordinaire appétit de ceux qui se nourrissaient
de la maigreur des paysans et des ouvriers, pour le
temps d’une mascarade5, d’un monde à l’envers.
Le paradoxe de la révolution, comme l’épique che30 vauchée du chevalier à la triste figure, vit dans la
conscience de l’écrivain. S’il y a une vertu indispensable à sa plume, c’est qu’elle ne doive jamais
servir à la louange des puissants, fût-ce du plus
léger chatouillis. Et pourtant, même dans la pra35 tique de cette vertu, l’artiste ne doit pas se sentir
lavé de tout soupçon. Sa révolte, son refus, ses imprécations restent d’un certain côté de la barrière,
du côté de la langue des puissants.
20
➜ p. 000 : LES FIGURES DE RHÉTORIQUE
4. Par quel argument l’orateur fait-il valoir la nécessité de
condamner l’accusé ?
Le pacte est un contrat entre les citoyens, et non
point avec le gouvernement : on n’est pour rien
dans un contrat où l’on ne s’est point obligé. Conséquemment, Louis, qui ne s’était pas obligé, ne peut
pas être jugé civilement. Ce contrat était tellement
oppressif, qu’il obligeait les citoyens, et non le roi :
un tel contrat était nécessairement nul, car rien
n’est légitime de ce qui manque de sanction dans la
morale et dans la nature.
Outre ces motifs, qui tous vous portent à ne pas
juger Louis comme citoyen, mais à le juger comme
rebelle, de quel droit réclamerait-il, pour être jugé
civilement, l’engagement que nous avons pris avec
Rhétorique et prix littéraires
1. Quelle métaphore l’auteur utilise-t-il pour évoquer le
partage des références littéraires ? Quelle est sa connotation ?
➜ p. 000 : L’ART ORATOIRE
Le discours du député montagnard Saint-Just est une
condamnation sans appel de Louis XVI. Cette adresse
aux représentants du peuple français relève d’une rhétorique révolutionnaire violente.
lui, lorsqu’il est clair qu’il a violé le seul qu’il avait
pris envers nous, celui de nous conserver ? Quel serait cet acte dernier de la tyrannie que de prétendre
être jugé par des lois qu’il a détruites ? Et, Citoyens,
si nous lui accordions de le juger civilement, c’est-àdire suivant les lois, c’est-à-dire en citoyen, à ce titre
il nous jugerait, il jugerait le peuple même. Pour moi,
je ne vois point de milieu : cet homme doit régner ou
mourir. Il vous prouvera que tout ce qu’il a fait, il l’a
fait pour soutenir le dépôt qui lui était confié ; car,
en engageant avec lui cette discussion, vous ne lui
pouvez demander compte de sa malignité cachée ;
il vous perdra dans le cercle vicieux que vous tracez
vous-mêmes pour l’accuser.
5
10
15
[…] Que la littérature soit le luxe d’une classe dominante, qu’elle se nourrisse d’idées et d’images
étrangères au plus grand nombre, cela est à l’origine du malaise que chacun de nous éprouve – je
m’adresse à ceux qui lisent et écrivent. L’on pourrait être tenté de porter cette parole à ceux qui en
sont exclus, les inviter généreusement au banquet
de la culture. Pourquoi est-ce si difficile ? Les peuples sans écriture, comme les anthropologues se
sont plu à les nommer, sont parvenus à inventer
une communication totale, au moyen des chants
et des mythes. Pourquoi est-ce devenu aujourd’hui
impossible dans notre société industrialisée ? Fautil réinventer la culture ? Faut-il revenir à une communication immédiate, directe ? On serait tenté
de croire que le cinéma joue ce rôle aujourd’hui,
ou bien la chanson populaire, rythmée, rimée,
dansée. Le jazz peut-être, ou sous d’autres cieux,
le calypso1, le maloya, le sega2. Le paradoxe ne date
1. Danse jamaïcaine. 2. Musiques réunionnaises. 3. L’étalage culturel. 4. Excès de nourriture. 5. D’un carnaval.
Écrire
4
Rhétorique et poésie
1. À partir de quel vers le lecteur est-il plongé dans un
univers qui sort de la logique rationnelle ? Grâce à quelle
image ? Expliquez.
➜ p. 000 : LES FIGURES DE RHÉTORIQUE
2. Relevez l’antithèse des tout derniers vers : quelle image
donne-t-elle du « discours sur la paix » ?
➜ p. 000 : LES FIGURES DE RHÉTORIQUE
3. a. Pourquoi pourrait-on parler d’une pointe (comme
dans un sonnet) au sujet du vers final ?
➜ p. 000 : LES FORMES POÉTIQUES TRADITIONNELLES
b. Quel est le sens critique de ce texte ?
Écriture d’invention
2. Dans un récit maniant le discours direct, imaginez les
arguments formulés par l’orateur, tout en respectant le ton
du poème de Prévert.
➜ p. 000 : INVENTER ET ARGUMENTER
Le poète Jacques Prévert est connu pour ses textes
audacieux. Antimilitariste et tenté par l’anarchisme,
il a imaginé une mise en scène de discours.
« Le Discours sur la paix »
Vers la fin d’un discours extrêmement important
Le grand homme d’État trébuchant
sur une belle phrase creuse
tombe dedans
17

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