le suffixe –ish en anglais : comparaison par approximation

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le suffixe –ish en anglais : comparaison par approximation
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Albrespit, J., 2005, « Le suffixe –ish en anglais : comparaison par approximation ». In Mérilloux, C.
(dir.) Intensité, comparaison, degré, 2, Travaux linguistiques du CERLICO, n°18, Rennes, P.U.R., pp
81-97.
Jean ALBRESPIT
BORDEAUX-3-TELANCO (JE 2385)
LE SUFFIXE –ISH EN ANGLAIS :
COMPARAISON PAR APPROXIMATION*
1. Introduction
Nous allons tenter de montrer que la suffixation en –ish en anglais n’est pas qu’un simple problème
de morphologie, pas uniquement le résultat d’une concaténation, mais « la combinaison d’opérations
complexes ».1 L’idée directrice est que la construction d’un dérivé en –ish se fait en discours, après un
frayage réalisé dans le texte. Le dérivé, lorsqu’il ne correspond pas à une unité bien stabilisée dans la
langue, c’est-à-dire stabilisée référentiellement, porte avec lui des traces d’une intervention de
l’énonciateur, d’une modalisation de l’énoncé. La forme n’apparaît pas isolée, mais dans un réseau
textuel marqué par la subjectivité du sujet.
Le suffixe –ish affixé à une base nominale établit une relation de type comparant-comparé. C’est le
hiatus entre les deux termes - le comparé est identifié par rapport au comparant mais n’est pas
identique à celui-ci – qui donne la possibilité d’introduire une modulation qualitative et une valeur
d’approximation.
Nous commencerons par examiner l’émergence du suffixe –ish d’un point de vue diachronique. Puis
nous examinerons les deux sens du suffixe : suffixe de relation, formé sur une base nominale, en
observant plus particulièrement les formations nouvelles ; puis suffixe servant à marquer
l’approximation à partir d’une base adjectivale. Nous verrons de quelle manière on passe du sens de
relation au sens d’approximation. Selon Aronoff et Cho (2001 : 70)2, les sens différents d’un suffixe
peuvent être ramenées à un sens unique. La dernière partie sera consacrée au gradient que -ish permet
de construire sur les adjectifs et la modulation appréciative qui en découle.
Le suffixe a une productivité fascinante ; les croisements qui s’opèrent entre français et anglais,
ainsi qu’à l’intérieur de chaque langue sont particulièrement intéressants. En anglais plusieurs suffixes
recouvrent une aire commune et peuvent entrer en concurrence : -ish ; -esque ; -like ; -(i)an ; -ite et
dans une certaine mesure –ly. L’article du Times ci-dessous donne l’étendue des possibilités et le jeu
sur le choix des suffixes :
*
Je remercie vivement Lucie Gournay et Hélène Margerie pour leur relecture attentive et leurs remarques
constructives.
1
AITO, E. (2004)
2
ARONOFF, M. & CHO S. (2001: 170) : « when a morphological operation appears to have many different
senses, they can often be reduced to a single fairly general sense, the meanings of individual words being
determined by a combination of the meaning of the base and the context ».
2
1. We can tell quite a lot about our responses to a composer by the ease with which the surname goes into an
adjectival form. “Stravinskian”, “Scriabinesque” and “Rachmaninov-like”, for instance, all bring
something distinct to mind: a quality of detachment, a rapture of harmony, the breaking wave of a melodic
line. But what on earth is Prokofievish?
Les mots suffixés en -ish peuvent correspondre aux suffixés français en -esque ; -âtre ; -ien ; -ique ;
-iste. Nous allons essayer de donner quelques pistes pour montrer que la distribution n’est évidemment
pas aléatoire.
2. Corpus analysé
Le corpus exploré comprend des romans et des journaux sous forme numérisée, et en particulier
trois années complètes des journaux suivants : The Times, The Guardian et The Observer.
Des recherches limitées ont été faites également sur le BNC, sur d’autres corpus électroniques et à
l’aide du moteur de recherche Google.
Aucune étude quantitative précise n’a été effectuée, étant donnée la difficulté qu’il y a à séparer les
données concernant les deux suffixes -ish. Une constatation s’impose cependant : la sur-représentation
de dérivés en –ish dans les articles de journaux et dans un corpus trouvé sur internet par rapport au
corpus de romans.
3. Origine de -ish
Il existe deux suffixes en –ish. L’un d’eux reproduit la terminaison française –ir dans les verbes tels
que : abolish ; accomplish ; banish ; brandish ; burnish ; demolish ; establish ; cherish ; finish ;
impoverish ; languish ; nourish ; ravish ; punish.
Sur ce modèle certaines autres terminaisons françaises sont réinterprétées par analogie : anguish ;
astonish ; distinguish ; famish ; publish ; relinquish ; skirmish ; lavish [apparu à la fin du moyen-âge,
de l’ancien français lavasse, une pluie diluvienne]. Ce suffixe fossile, non productif, est écarté de la
présente étude.
L’autre suffixe en –ish est d’origine germanique [vieil-anglais -isc correspondant au gotique -isks,
vieux norrois -iskr, ancien haut-allemand, vieux-saxon et frison -isc, allemand –isch / -lich].
Ce qui est notable, c’est que –ish et –esque viennent de la même souche indo-européenne : grec
ancien -iskos, suffixe diminutif, latin –iscus, français –esque, espagnol et italien –esco. Le suffixe
anglais –esque est emprunté au français vers le 16éme siècle, mais la majorité des formations originales
enregistrées par l’OED datent du 19ème siècle et après.
Le suffixe –ish était utilisé en vieil-anglais pour former des adjectifs désignant des noms de
peuples : English, Denisc, Centish. La suffixation entraîne une métaphonie (en vieil-anglais le nom
Franca suffixé donne frencisc puis French)3.
Le suffixe est donc d’abord classifiant, et l’adjectif dérivé relationnel ; le sens général est « en
rapport avec », « dans la nature de », « ayant le caractère de ».
Dès la période vieil-anglaise sont attestés des adjectifs tels que : cildisc ; ceasternisc « urban,
municipal » ; ceorlisc « churlish ; common ; rustic ».
A partir de la période moyen-anglaise4, le suffixe prendrait un sens péjoratif : (foolish ; goutish ;
swinish) bien que l’on trouve des attestations sans ce sens péjoratif : airish avec le sens de « aerial ;
like the air » (14ème siècle) ; bookish « of or pertaining to a book or books », comme livresque en
français (les qualités d’un livre mais aussi les défauts d’un livre quand appliqué à un autre objet).
Il semble que ce soit le passage d’un emploi relationnel à un emploi qualificatif qui soit à l’origine
de l’orientation péjorative. A partir de cette époque, le suffixe devient de plus en plus productif. Le
sens d’approximation émerge très certainement avec les adjectifs de couleur (greenish ; yellowish). A
part smallish, attesté avec le sens d’approximation au 15ème siècle, les autres adjectifs en –ish ne sont
pas attestés avant le 17ème ou 18ème siècle.
3
4
MARCHAND (1969 : 305)
Sources : OED et MARCHAND, H. (1969 : 306). MARCHAND parle de « derogatory nuance ».
3
Ces données sont cependant sujettes à caution : elles ne concernent évidemment que des textes écrits
et la source principale a été l’OED Mais même avec du retard et des distorsions, les textes écrits
reflètent néanmoins les tendances de la langue et l’évolution des utilisations du suffixe.
4. Sélection de la base
Avec la dérivation en –ish, il n’y a pas de limite à la création lexicale. La typographie reflète la
grande souplesse de réalisation. Le trait d’union peut signaler les formations originales, mais n’est pas
systématique. La productivité est très grande, les possibilités d’emploi sans limite. Le suffixe –ish est
particulièrement apte à la formation de nouveaux dérivés car le sens de n’importe quelle formation est
prédictible à condition que le comparant ait des traits typiques suffisamment identifiables.
La seule limite est bien sûr l’interprétabilité du dérivé : le co-énonciateur doit être en mesure
d’inférer le sens soit à partir d’un frayage, soit parce que la base appartient aux connaissances
communes énonciateur/co-énonciateur, le contexte permettant à ce dernier d’isoler le trait
caractéristique de la base servant à qualifier le mot noyau. En cela, on peut dire que la construction
d’un dérivé en –ish est un acte énonciatif.
Une création lexicale peut se fixer (amateurish ; cartoonish) ou rester éphémère, comme c’est le cas
dans l’énoncé (2). Éphémère ne veut pas dire non reproductible, mais fortement lié au contexte et
difficilement interprétable hors contexte :
2. Make your way downstairs to the small cafe, cheerful and comfortable with a studentish air. The food is
straightforward, filling and cheap (GN5).
L’autre restriction est liée à la concurrence d’un autre suffixe. Par exemple, de la base fiend
(démon), on peut dériver fiendish ; mais pas *friendish (en tout cas, nous n’avons aucune occurrence
dans notre corpus) de la base friend, sûrement en raison de la présence concurrente de la suffixation en
–ly (friendly). A partir de animal, on peut former animal-like, et pas *animal-ish. Mais les
impossibilités sont rares ; des bases appartennant à toutes les catégories grammaticales sont candidates
à une affixation en –ish :
- des anthroponymes : a faltering, Prince Charlesish lilt ; Harley Street-ish manners ; that child-like,
Marie-Antoinette-ish enthusiasm for doing things
- des noms communs : trouper-ish ; contralto-ish ; surfer-ish ; des noms argotiques (-ish associé à des
noms insultants ou connotés négativement): oikish ; geezer-ish ; dorkish
- des noms composés, titres de fims : the ordinary-bloke-ish side ; his crucial homecomingish gig ; a
When Harry Met Sally-ish on-off relationship
- des noms derives : sisterhood-ish ; moneyed-ish
- des abréviations et sigles : circa-ish ; WASP-ish schools ; MTV-ish ; pro-ish ; CD-ish ; dot.com-ish
- des verbes (pas de néologismes dans le corpus, les formes attestées sont anciennes) : snappish
(milieu du 16ème siècle) ; moppish (OED début du 17ème siècle) ; peckish (fin du 18ème siècle)
- des adverbes et particules adverbiales : nowish ; uppish (milieu du 18ème siècle) ; [stand-]offish
(milieu du19ème siècle) ; last year-ish
- des pronoms : selfish (milieu du 17ème siècle)
- des déterminants : more-ish (définition du Longman : food or drink that is moreish tastes very good
and makes you want to have more of it)
- tous types d’adjectifs : rare-ish ; steepish ; sweetish ; goodish, et en particulier les adjectifs faisant
référence à la taille (à partir du 16ème siècle) : wideish (milieu du 19ème siècle) ; longish (début du 17ème
siècle) ; smallish (moyen-anglais tardif) ; straightish (fin du 18ème siècle) ; baddish (milieu du 18ème
siècle)
- des adjectifs de couleur (attestations à partir de la 2ème moitié du 14ème siècle) : reddish ; yellowish ;
greenish ; purplish ; bluish
- adjectifs empruntés [film]noir-ish
- adjectifs dérivés : authentic-ish ; rowdyish
- numéraux (à partir du début du 20ème siècle) : 60-ish ; 450-ish
5
Les codes utilisés sont expliqués dans la bibliographie, rubrique « corpus électronique ».
4
Les adjectifs en –ish peuvent eux-mêmes être suffixés : cartoonishness ; hippy-ishly. Le figement
peut produire quelques sens spécialisés, par exemple bearish attesté au milieu du 18ème siècle avec le
sens « like a bear, esp. in manner ; rough, surly » et qui au 19ème siècle prend le sens de « pertaining
to, showing, or tending to produce a fall in prices ; gen. pessimistic ».6
Autrement dit, il n’y a pas sélection de la base selon l’origine diachronique7 (un emprunt récent
comme nouvelle cuisine ou fim noir peut servir de base) ni de sélection selon une pertinence
phonologique, une base terminée par une voyelle pouvant être affixée en –ish (Disney-ish ; reggaeish ;operetta-ish). Cette grande souplesse permet entre autres de créer des néologismes à côté des
formes établies.
Il n’y a pas de règle quant à l’écriture des dérivés en –ish : avec trait d’union ou sans trait d’union
pour désambiguïser le dérivé en particulier lorsque la frontière de la base est une voyelle : Santa-ish ;
Madonna-ish ; bimbo-ish ; contralto-ish ; toffee-ish ; sci-fi-ish ; ou pour assurer la transparence des
éléments formatifs : sixties-ish ; posh-ish ; X-Files –ish ; OK-ish ; educated-ish ; hip-ish.
La longueur du mot n’est pas déterminante dans les possibilités d’affixation puisque même des
noms composés longs peuvent être affixés : Upstairs Downstairs-ish ; the more-patriotic-than-thouishness. Des chiffres peuvent également être affixés : 28-ish.
Dans certains cas, la consonne finale est redoublée, il y a alors intégration maximale à la base :
laddish ; fattish ; foppish ; snobbish ou un <e> final effacé : bluish8 ; cliquish ; largish, mais ceci
n’est pas systématique car la base doit pouvoir être reconnue lorsque la dérivation n’est pas
habituelle : star-ish ; bike-ish (cheap machines that merely look mountain bike-ish) ; Pym-ish ; New
Man-ish.
L’affixation en –ish permet un jeu sur la langue : les affixés en – ish apparaissent le plus souvent
dans des articles de journaux ou des romans, dans des textes fortement modalisés, au ton ironique ou
critique.
Une distinction entre formes lexicalisées et formes non lexicalisées peut être faite. Les formes
lexicalisées comprennent :
- des dérivés d’une base qui reste transparente mais n’est plus employée de façon isolée : churlish ;
outlandish ; modish
- des adjectifs relationnels qui restent en relation sémantique étroite avec leur base, le dérivé étant de
type « état » : feverish ; foolish. Le Longman donne pour ce type de dérivé l’explication suivante :
« typical of or like a particular type of person ».
- des qualificatifs, obtenus par métaphorisation, formes bien stabilisées dans la langue, pour
lesquelles un semantic bleaching, ou effacement de la motivation9 a eu lieu : bookish ; ghoulish ;
hellish ; nightmarish ; sheepish ; waspish
- des créations en discours : Emmanuelle-ish Eyes Wide Shut ; Barcelona’s Champs Elysees-ish
shopping avenue
Certaines créations (type : cartoonish ; film-noirish ; deco-ish) tendent à se stabiliser, parfois dans
un registre technique. Cette catégorisation est bien sûr discutable et sujette à appréciation. Pour dire
qu’un dérivé est stable, nous nous basons sur la fréquence d’apparition dans les textes et la
compréhension immédiate du dérivé, sans nécessité de texte explicatif. Il est possible d’associer à
Champs Elysees, par exemple, plusieurs stéréotypes ; le noyau « shopping avenue » vient restreindre
les possibilités et sélectionner l’association choisie.
5. Suffixes en concurrence
5.1. -esque
6
OED
BASSAC, C. (2004 : 262)
8
L’orthographe blueish existe aussi.
9
« Relation consciemment établie par les utilisateurs d'un signe entre sa forme et sa fonction (valeur, sens).
Motivation phonique : ce qui explique la forme acoustique d'un mot par le bruit réel qu'elle désigne
(onomatopée). Motivation intralinguistique : présence de plusieurs monèmes dans un mot complexe (dérivé,
composé), qui expliquent sa forme et parfois son sens ; rattachement à une racine. » (Le Robert)
7
5
Le principal suffixe en concurrence est le suffixe –esque (nombreux dérivés du type : carnivalesque ; a haremesque bar area ; Beckhamesque males) qui cependant ne peut s’appliquer qu’à une
base nominale et n’est pas marqueur d’approximation comme –ish. Seul –ish s’est spécialisé dans la
formation de nouveaux adjectifs sur une base adjectivale. Le suffixe –esque apparaît lui aussi dans des
contextes modalisés et n’est pas seulement suffixe de relation, mais, comme en français, marque une
prise en charge modale. C’est aussi un suffixe très productif. Voici deux exemples parmi des centaines
du corpus :
3. Claudia Schiffer can’t walk. She has a Bardotesque face but she's no good on the catwalk. (TS)
4. Within months the cartoons, competitions and lively Daily Mirroresque presentation was holding an
audience of 1.6m. (TS)
5. There is a time-and-motion precision about men fishing against the clock for bleak; something
windmillesque about the arcing of the rod and rhythmic swings of the arms. (TS)
L’orientation se fait plutôt par rapport à une valeur neutre ou positive, sauf si la base porte des
valeurs intrinsèquement négatives. Le suffixe –esque est essentiellement utilisé avec une base de nom
propre et moins fréquemment avec d’autres noms. Il semble être employé surtout dans des contextes
mélioratifs, comme on peut le voir dans les énoncés ci-dessous avec les adjectifs great, beautiful,
excellent ou l’expression the rigour of its descriptions and carefully observed sympathies :
6. There's the old part of the Palace which has a Deco-esque style to it. It's great because it's abstract, and
beautiful, really beautiful. (INS)
7. Brookner-esque in the rigour of its descriptions and carefully observed sympathies, Tomorrow has all
the sharpness of a Baltic seascape in high summer. (GW)
Il sert aussi à créer un effet pompeux :
8. Style aberrations include the breathtakingly kitsch, Playschool-esque, seaside-themed counter display:
bubblewrap octopus, kids' buckets, doily made into a parasol. (GN)
De cet effet hyperbolique est dérivée une vision de grande quantité hors-norme :
9. A mother figure of Britannia-esque proportions. (GN)
Avec –ish, au contraire, un effet modérateur, glosable par « rather » est mis en place. Même si les
deux suffixes peuvent être en apparence interchangeables :
10. Brooks is writing about America, and very entertaining he is, too, in a Wolfe-ish, O'Rourke-ish,
Buckley-esque sort of way. (GN)
Le fait qu’un suffixe n’ait pas éliminé l’autre atteste de la vitalité de cette suffixation
« modalisatrice » qui permet un jugement directement inséré dans le lexique, de façon économique, en
introduisant un terme comparant et en créant un effet plaisant de « jeu » sur le langage. La dimension
ludique semble être un facteur de motivation très important, en permettant de créer des néologismes
facilement interprétables. On voit donc que le lexique n’a pas un caractère aussi figé que l’on pourrait
croire : la dérivation autorise aussi les ajustements nécessaires à la construction énonciative.
5.2. Certaines bases manifestent une attirance particulière pour l’un des suffixes. Par exemple
Thatcher donne Thatcherite (une seule occurrence de Thatcherish ; deux pour Blair ; 273 pour
Blairite, 183 Thatcherite ; 2 Thatcheresque, 0 Blairesque dans le Guardian année 2000) :
11. “I don't think it's a question of defeating anyone,” he said vaguely, in an emollient phrase lifted straight
from the Blairish lexicon. His eyes constantly roamed round the room looking for agreement. Thatcherish
6
was the language of confrontation, or as your Latin teacher might have put it, “question expecting the answer
‘sod off’”.
De même certains noms propres « attirent » un suffixe plutôt qu’un autre. Kafka est dérivé en
Kafkaesque (aucune forme attestée de Kafka-ish dans le corpus) ; il y a 6 occurrences de Blue Peterish (Blue Peter est une émission destinée aux enfants), aucune de Blue Peter-esque. Jane Austen (pour
prendre un nom cité de multiples fois dans le corpus d’article de journaux) ne donne que des dérivés
en –ish (et un seul dérivé en –y : a good (…) Jane Austeny read ainsi qu’un seul composé en -like).
Il est difficile de trouver des raisons linguistiques à ce choix. Nous nous bornerons à constater que
pour les noms suffixés en –esque (Dali ; Fellini ; Kennedy ; Miro Brando ; Dylan ; Raymond Carver ;
The Beatles ; Goya, pour ne prendre que quelques occurrences relevées), il y a prise en compte d’un
trait saillant présenté comme acquis, alors qu’avec –ish la stabilisation référentielle n’est pas acquise.
6. Traits typiques
L’adjectif en –ish sélectionne certains traits typiques du référent de la base, qui peuvent être
stéréotypés dans un sens qui n’est pas en rapport immédiat à la base (waspish : grincheux, irritable),
ou comme en (12) avoir une fonction métalinguistique, expliquer le nom recteur crevettes :
12. There were three in one short stretch of the Rue de Seine and everything was fresh, not frozen,
including the prawns, from jumbo gambas to the shrimpish crevettes grises. (TS)
La référentiation peut aussi fonctionner « en boucle », de façon circulaire sur un nom recteur pauvre
référentiellement comme thing, par exemple en (13) « les choses typiques que font les lions », sans
définir ce que sont les choses en question :
13. It was lions lyin' around and doin' other lion-ish things. (GN)
La comparaison s’établit par rapport à un gabarit interne, mais le hiatus subsiste. Le fait même de
répéter lion avec lion puis lionish marque une déstabilisation qualitative.
Avec la relation « comme », c’est-à-dire la comparaison, il y aurait alors une « intégration
conceptuelle » (telle que la définit G. Fauconnier)10 de deux espaces initiaux. L’adjectif, en
sélectionnant un trait caractéristique, permet d’associer deux espaces séparés dans un nouvel espace.
Dans la terminologie de la théorie des opérations énonciatives, le nouvel espace, ou domaine
notionnel, comporte un centre organisateur et une frontière, ce que montre l’énoncé (14) avec une
double affixation en – ish. La première marque l’appartenance à la classe, la deuxième la comparaison
par rapport à un type, l’adverbe so marquant le renvoi au haut degré de la notion. Cet exemple permet
de se rendre compte qu’avec –ish, l’énonciateur travaille sur des propriétés filtrées par une vision
subjective.11 En distinguant un trait caractéristique, il y a création d’un effet de focalisation sur ce trait
et d’une composante qualitative inhérente :
14. These mussels are stuffed with a mixture of breadcrumbs, butter and garlic (so far, so French-ish) but
the dish is gingered up, literally, with ginger and coriander leaf. (INS)
10
FAUCONNIER, G. (1997 : 182) « L’intégration est une opération simple dans son principe, mais riche dans
ses effets. Elle met en place un réseau d’espaces mentaux très partiellement structurés. Dans la configuration la
plus typique, ce réseau contient quatre espaces. Deux de ces espaces sont les espaces ‘initiaux’ ou espaces
d’entrée (« inputs »). Ils sont mis en correspondance par une projection partielle. Cette projection dégage une
structure commune généralement plus abstraite, qui est construite dans un troisième espace, l’espace générique.
Enfin, une projection sélective opère à partir des espaces initiaux vers un quatrième espace, l’espace intégrant.
Ces opérations sont dynamiques, et le réseau tout entier peut évoluer. En particulier, l’espace intégrant se
développe avec une structure émergente propre qui peut donner lieu par rétroprojection à des inférences
nouvelles, voire à une reconceptualisation plus radicale.
11
Un parallèle peut être établi avec la suite « very French » analysée par Claude CHARREYRE (1997 : 55)
7
En (15), le marqueur very construit un gradient quantitatif sur une propriété isolée à partir de la base
nominale :
15. Does Woody's physical presence on the set have a Zelig-like effect on everyone? A very Woody-ish
tic, the raising of two index fingers for emphasis, is actually used by Branagh and DiCaprio. (GW)
Avec l’énoncé (16), il s’agit effectivement d’une lettre écrite par le Ministry of Transport, mais
l’adjectif en –ish n’est pas seulement relationnel ; une lettre très administrative n’est pas la même
chose qu’une lettre administrative. L’énonciateur introduit une modalisation en sélectionnant un trait
typique et en maintenant le hiatus de la relation de comparaison :
16. They sent me a very civil-service-ish letter which showed they totally misunderstood what I was on
about. (TS)
7. Valeurs d’approximation
Comment passe-t-on de la valeur de comparaison à la valeur d’approximation ? Il y a passage d’une
valeur de comparaison qui maintient séparées deux entités (il n’y a pas d’identification stricte avec la
comparaison) à une valeur d’approximation avec écart par rapport à une norme qui correspond à la
valeur « vraiment p ». Le suffixe marque une proximité, et donc une distance même minimale
subsistante. Annie Montaut12, dans son analyse du Hindi, a fait les observations suivantes :
La valeur « comme » glisse à une valeur d’approximation et d’atténuation : « pas franchement jaune, pas
franchement sucré » (yellow-ish, sweet-ish) – ce qui est dans la logique de la comparaison du reste ;
« comme si c’était vert » implique « pas vraiment vert »
Nous allons adopter une démarche de présentation qui respecte la diachronie : sens d’approximation
avec les adjectifs de couleur, puis les adjectifs de mesure (à gabarit externe), et enfin les autres
adjectifs à gabarit interne.
7.1. Adjectifs de couleur
La traduction en français des noms de couleurs en –ish fournit une glose éclairante. Le CollinsRobert propose la traduction suivante pour yellowish : « tirant sur le jaune, un peu jaune, jaunâtre ».
La glose « tirant sur » permet de visualiser le processus qui se met en place. Un domaine notionnel est
construit avec un centre attracteur (la notion « être jaune » par excellence). Avec l’adjectif en –ish, on
tend vers ce centre sans l’atteindre. Un gradient est construit sans point d’aboutissement et donc sans
stabilisation référentielle possible. Toute quantification est impossible et seul un jeu sur le domaine
qualifié devient envisageable ; l’altérité n’est pas éliminée et il y a mise en place d’une évaluation de
la part de l’énonciateur avec une connotation péjorative comme c’est souvent le cas :
17. During the day a misty yellowish cloud sometimes hangs over the region. (GN)
Lorsque deux adjectifs de couleur sont combinés, le point de départ du gradient se situe dans le
domaine de l’adjectif 2, à l’extérieur du domaine de l’adjectif 1, la frontière du domaine notionnel
“white” étant prise en compte :
18. ivory : the yellowish-white bone that an elephant’s tusks are made of. (Macmillan English Dictionary)
Toutes les combinaisons sont possibles :
19. Darkness, the rain, and then flash! her face was there, close at hand. A pale mask, greenish white; the
large eyes, the narrow barrel of the mouth, the heavy eyebrows. (A. Huxley, The Gioconda Smile)
12
MONTAUT, A. (1995 : 161)
8
L’énonciateur peut construire une frontière avec n’importe quel domaine notionnel, sans éliminer
l’altérité et donc en provoquant une déstabilisation qualitative de la notion, ce que Wittgenstein
appelle des « jeux de langage » lorsqu’il évoque un « chemin » entre deux notions, c’est-à-dire un
mouvement qui va d’un point à un autre sans atteindre un degré ultime :
Was hätte Einer vor mir voraus, der einen direkten Farbenweg zwischen Blau und Gelb Kennte? Und wie
zeigt es sich, daßich so einen Weg nicht kenne? – Liegt alles an den mir möglichen Sprachspielen mit der
Form « …lich? »
Quel avantage aurait sur moi quelqu’un qui connaîtrait un chemin de couleur direct entre le bleu et le
jaune ? Et comment devient-il manifeste que je ne connais pas, moi, un tel chemin ? – Tout se ramène ici aux
jeux de langage possibles pour moi avec la forme « …-âtre ?13
En français, la possibilité d’employer –âtre est plus limitée que dans les langues germaniques. Le
traducteur de Wittgenstein n’a d’ailleurs que peu souvent recours à un adjectif dérivé en -âtre. Le plus
souvent, des expressions telles que « tirant sur » sont utilisées, par exemple : « Wem ein Rötlichgrün
bekannt wäre (…) » traduit par « quelqu’un pour qui un vert tirant sur le rouge serait quelque chose de
bien connu (…) »14. La mise en place du gradient permet de construire une zone d’approximation qui
va prendre des valeurs différentes en fonction du type d’adjectif, même si celui-ci, comme blanc, par
exemple, n’est normalement pas gradable.
7.2. Base adjectivale avec gabarit externe (objectif)
Ce sont des chiffres, des adjectifs se rapportant à l’âge, à l’heure, aux prix, aux poids, à la
datation… :
20. Personality: You're a bloke, very probably overweight, and aged 25-35-ish. (GN)
21. 3.45(ish): Queen's Speech. (GN)
22. I mumbled something I hoped was indistinct. "Sometime next year spring March-ish" as though it
were an insignificant fact that I hadn't got around to checking up on. (GN)
23. Famous Grouse is claimed to be the best of the blended whiskies. As such it is slightly cheaper than the
top-notch single malts, and is priced head to head with rival blends such as Bell's and Teachers at an
affordable pounds 16-ish. (GN)
Nous parlons de gabarit extérieur en référence à une norme pré-définie qui ne dépend pas d’une
appréciation de l’énonciateur. Il ne peut y avoir alors que construction d’un gradient quantitatif et
d’une valeur d’approximation. Cette valeur d’approximation est liée à l’évaluation de l’énonciateur ;
un jeu sur le domaine qualifié accompagne de fait toute approximation. Mais comme il ne peut y avoir
de stabilisation référentielle, toute opération supplémentaire sur la notion est impossible. Une
stabilisation peut cependant être faite par le biais de la construction d’un nouvel objet, d’un nouveau
référent. Ainsi dans cette publicité pour des tables, inscrite sous les modèles présentés :
24. Squarish Dining Room Tables (round ; oval ; Squarish ; Rectangularish ; Rectangular)
(www.windsorchair.com/dining.htm)
l’énonciateur construit un domaine notionnel à partir d’une approximation ; ce nouveau domaine
notionnel n’est plus ressenti comme étant celui de la base. Une fois admis qu’une nouvelle notion était
définie à partir d’une approximation, d’un à peu près, il est possible de reconstituer un attracteur et
construire un dernier point imaginaire avec le marqueur de degré absolu very car l’objet représenté
13
14
WITTGENSTEIN, L. (1977, 1984 : 31)
WITTGENSTEIN, L. (1977, 1984 : 10)
9
n’est plus rapporté à son gabarit extérieur. Claude Charreyre15 fait remarquer que « a square table a
peu de chances d’être qualifiée de very square ». Dans son article, cet auteur étudie les cas pour
lesquels il y a non coïncidence entre perception et représentation (square et face par exemple). La
suffixation en –ish permet justement de signaler que l’objet représenté ne correspond pas au gabarittype :
25. With a very squarish look, both inside and outside, the S 700 has squares as its theme, or so it seems.
26. The sharps and flats are just that; sharp around the edges and very very flat on all sides. I mean they are
very very squarish and seem TOO WIDE?!? (www.harmony-central.com/Synth/Data/Evolution/MK26101.html)
7.3. Base adjectivale avec gabarit interne
Ces adjectifs n’ont pas de gabarit externe, c’est-à-dire pas de norme « objective »,
quantifiable :
27. 'I'm sorry, but you're going to have to move, you're sitting in Jacko's seat.' I turned around and saw a
small-ish, old-ish man holding a paperback book. (GN)
28. Of course, you might justifiably ask why anyone should want to surf the cold, grey waters of the
British Isles, but the surf isn't always that unwelcoming: from May to October, it's just as likely to be bright
and blue and, with a good wetsuit, it'll even feel warm(ish). (GN)
29. Lynne - she was the youngish, slimmish, blondish woman with the big breasts - was knocked out of
the competition two-thirds of the way through the show, leaving distressingly ordinary-looking women with
quite shockingly real bodies to battle it out for a place in the final. (GN)
30. In America tells the true-ish adventures of a celebrated Polish stage actress of the 1870s, Maryna
Zalezowska, who travels to the west of America with a retinue of friends and admirers, in search of
emancipation, even Utopia. (GN)
L’emploi de la base est au départ liée à une évaluation de l’énonciateur. Le dérivé en –ish ne
déstabilise pas qualitativement une propriété ; la valeur est donc celle d’une approximation qualitative.
L’énonciateur calcule une valeur moyenne, en plus ou moins. Le recours à un autre marqueur
d’approximation peut bloquer l’évaluation à un degré supérieur, au lieu de marquer une approximation
“concentrique”:
31. As another ordinary-ish 40-something who doesn't give a stuff for logos and labels, I see a major
flaw in Anne Sweeney's comments. (Dear Weekend, September 30) (GN)
Avec un adjectif « subjectif » comme good, bad, small, tall, l’adjonction du suffixe – ish peut
orienter soit vers un degré « moyen », soit vers un degré supérieur (smallish = very small).
L’atténuatif renvoie en réalité à une maximalisation. L’orientation vers le degré supérieur correspond à
un travail de redéfinition, de requalification de la notion. En employant ce qui semble être un
atténuatif, l’énonciateur livre en fait l’idée qu’il se fait du haut-degré de la notion (comme en français
avec un peu, une personne interrogée à la radio après avoir raconté un meurtre disait : “Je sais, c’est un
peu sanglant”). Dans les énoncés suivants la valeur est celle de “quite”:
32. Throughout the Christmas period, there were five- and ten-minute segments on Channel 4 of Pallas, in
which exceptionally accurate impersonators added good-ish dialogue to genuine royal footage. (TS)
33. I have only one room up and one room down, although they are quite biggish, but I love my cottage
the way it is. (TS)
15
CHARREYRE, C. (1997 : 57)
10
Dans l’énoncé (32), le contexte avant « exceptionally accurate » oriente vers le centre du domaine
notionnel ; –ish permet un jeu sur la notion good en construisant un degré. Biggish renseigne sur une
quantité en plus ou moins à l’intérieur du domaine notionnel ; quite s’appliquant à une valeur déjà
construite comme moyenne, le centre attracteur n’est pas une valeur moyenne mais un degré élevé
(comme avec les adjectifs non gradables16). Il semble donc y avoir deux opérations contradictoires : le
calcul d’une valeur moyenne avec –ish et la prise en compte un degré élevé de cette valeur moyenne,
avec sortie de la valeur moyenne pour recréer un gradient.
La valeur d’approximation reste liée à une interprétation subjective, sans référence à un gabarit
extérieur. Il n’est pas étonnant que les occurrences de dérivés en – ish soient inexistantes dans des
textes au ton « objectif ». Dans les recettes de cuisine, où le recours aux dérivés en –ish n’est pas rare,
l’énonciateur laisse le co-énonciateur libre d’interpréter la quantité et de fixer sa propre norme, en
donnant une échelle de grandeur approximative :
34. Preheat the oven to 175C/350F/gas mark 4. Break the chocolate into smallish pieces, place in a bowl
with the butter (and the alcohol, if using) and cover.
Même un adjectif comme « average » peut être modulé qualitativement. Tous les termes de l’énoncé
(35) (swift straw poll ; average ; 30-somethings) construisent un contexte d’imprécision et
d’approximation :
35. Indeed, a swift straw poll of one particular average-ish social group of early 30-somethings revealed
that equal numbers of men and women had concocted lists of resolutions. (GN)
9. Rôle modal du suffixe et valuation
Les énoncés examinés jusqu’à présent ont une forte coloration subjective. L’énoncé (36) montre que
l’énonciateur est conscient du rôle modal joué par le suffixe :
36. Clear out all the obscuring fluff from your sentences. Drop words such as "just", "maybe", "perhaps",
and never put "-y" or "-ish" on the end of your words. Why? Because they just make you sound sort of
uncertain-ish, which doesn't go down well in business-y circles. (See what I mean?) (GN)
La valuation est liée à une subjectivité. Le paramètre quantitatif (une quantité plus ou moins grande
de la notion désignée), n’étant pas mesurée par rapport à un gabarit objectif laisse de la place pour
l’introduction d’un paramètre qualitatif introduit par la valuation.
Les gloses proposées par les dictionnaires consultés pour –ish font d’ailleurs toutes appel à des
adverbes modaux : « quite, rather, approximately, the ending of some adjectives that show
disapproval (Longman) ; suffix used to form adjectives to give the meaning of some degree, partly,
quite (Cambridge) ; fairly (Oxford) ; slightly (Macmillan) ».
Le suffixe – ish peut transformer une base non gradable en adjectif gradable et ainsi introduire un
gradient, ouvrir une possibilité de remise en question d’une notion normalement non sécable,
appréhendable en tout ou rien :
37. "I hear that's OK-ish." (GN)
38. Westminster council said the scheme was a recipe for more confusion. A spokeswoman said: "We
don't want to be too mean and council-ish about this idea but really." (GN)
En (38) le suffixé permet même à la porte-parole de la municipalité de mettre sur le même plan
mean et councilish et ainsi de donner une coloration négative à un adjectif formé sur la base désignant
16
GILBERT, E. (1989 : 19)
11
l’institution même de laquelle elle est porte-parole. Le dérivé en –ish est un « construit énonciatif »17
rendu possible par les propriétés qui y sont associables.
La valuation prend souvent une coloration négative, qui résulte peut-être en partie de l’interférence
avec le sens d’approximation du suffixe. En (39), postmodern fashion (ou post-modernist) rend
compte d’une représentation objective ; il s’agit de la description d’un N (fashion), d’une
catégorisation. Avec – ish, en plus de la catégorisation apportée par post-modern, se crée une
évaluation qui donne une impression d’approximation, d’à-peu-près traduisant un jugement négatif de
la part de l’énonciateur :
39. Either we are always more incredulous than tourist boards would have us - knowing in our
postmodernish fashion that nothing is quite as the forces of hard sell make it seem. (GN)
Le suffixe – ish permet de réintroduire une altérité notionnelle là où la base adjectivale élimine au
contraire l’altérité.18 Avec real en (40), l’énonciateur construit la notion associable à real pour en
même temps introduire une altérité : real et autre chose que real. De même avec newish en (41). Il y a
entrée dans le domaine notionnel, mais en construisant une frontière, c’est-à-dire un extérieur :
40. But even aside from the Big Brother phenomenon, it was still the numerous incarnations of reality TV
featuring real(ish) people. (OBS)
41. […] but now with a new(ish) wife and a new baby he has a broader perspective. (OBS)
Enfin, comme cela a été montré,19 la distinction relationnel/qualificatif n’est pas toujours opératoire.
Des termes tels que childish, girlish peuvent être employés comme adjectifs relationnels :
42. His curious eyes rested long upon her face and on her hair: and, as he thought of what she must have
been then, in that time of her first girlish beauty, a strange, friendly pity for her entered his soul. (James
Joyce, The Dead)
ou, comme c’est le cas le plus souvent, comme qualificatifs. Dans l’énoncé ci-dessous, le génitif
children’s voices et le dérivé childish ne renvoient pas au même univers référentiel. Children au
génitif est purement descriptif alors que le dérivé est appréciatif :
43. There was a sound of children’s voices calling and talking: high, childish, girlish voices, slightly
didactic and tinged with domineering. (D.H. Lawrence, England, My England)
9. Autonomie du suffixe
Le suffixe –ish peut être utilisé de façon autonome ; cette autonomie est marquée dans les textes par
des parenthèses :
44. But they, I'm sure, will soon(ish) become a supreme court unlinked to the second chamber. (GN)
Le suffixe a la fonction d’un lexème et le procédé de formation s’apparente à celui d’un mot
composé. « Ish » peut même être employé comme adverbe, de façon isolée avec le sens de « oui, plus
ou moins » (Macmillan : « spoken slightly : used in answer to a question : ‘Weren’t you nervous ?’
‘Ish’ » ; Oxford : « used after a statement to make it less definite : I’ve finished preparing the food.
Ish. I just need to make the sauce).
17
CHARREYRE, C. (1997 : 53)
CHARREYRE, C. (1997 : 55) « La valeur de la propriété envisagée dans la situation où l’énoncé est produit
exclut tout autre valeur possible dans la même classe. Ainsi, pour l’âge, si c’est young qui vaut, elderly,
old…deviennent non pertinents. En d’autres termes, il y a élimination de l’altérité notionnelle. »
19
BARTNING I. et NOAILLY M. (1993)
18
12
45. Frankly, I can't really see what all the fuss is about with the Dome. There were absolutely no queues.
And the zones were memorable and interesting. Sort of. Ish. (OBS)
Le suffixe, dans ce cas, a une fonction de particule énonciative. Le suffixe n’est plus alors
relationnel et acquiert un fonctionnement indépendant. L’analyse morphologique est indissociable de
l’analyse sémantique et de la prise en compte de la subjectivité de l’énonciateur : les valeurs
d’approximation et d’affectivité, de valuation, de subjectivité semblent se recouvrir dans de
nombreuses langues20 : langues germaniques21, langues romanes, langues indiennes22 par exemple.
Conclusion
Les deux valeurs « appartenance » et « appréciation » se recouvrent et permettent à l’énonciateur de
procéder à une construction énonciative, de déstabiliser qualitativement une occurrence, d’introduire
un gradient par approximation. Le suffixe – ish est essentiellement la marque d’un travail sur la
frontière. Deux types de contraintes existent pour la production d’un dérivé : des contraintes morphophonologiques et des contraintes interprétatives : la combinaison des éléments constitutifs (base +
suffixe) doit être interprétable pour un co-énonciateur. Or la suffixation en –ish échappe aux
contraintes morpho-phonologiques, ce qui autorise une très grande souplesse de formation et garantit
une grande productivité. Le statut autonome du suffixe permet de créer des dérivés nouveaux qui sont
interprétables à condition que le réseau textuel mette en place la référentiation.
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20
MONTAUT A. (1995)
En allemand, il y a opposition entre –lich et –isch, le suffixe « apporte alors une nuance péjorative »
(SCHANEN, F.et CONFAIS, J.-P. 1989 : 373)
22
MONTAUT A. (1995)
21
13
WITTGENSTEIN, L., 1977, 1984 : Remarques sur les couleurs (Bemerkungen Über Die Farben),
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Dictionnaires électroniques : Le Petit Robert, The New Shorter Oxford English Dictionary.
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