Coopération énergétique Coopération énergétique

Transcription

Coopération énergétique Coopération énergétique
INSTITUT DE L ÉNERGIE ET DE L ENVIRONNEMENT DE LA FRANCOPHONIE
NUMÉRO 53 – 4e TRIMESTRE 2001
O R G A N I S AT I O N
INTERNATIONALE DE
LA FRANCOPHONIE
Coopération énergétique
et intégration
économique régionale
IEPF
Sommaire
Coopération énergétique
et intégration économique régionale
Numéro 53
4e trimestre 2001
est publié trimestriellement par l’Institut de l’énergie et de
l’environnement de la Francophonie (IEPF).
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Directeur de la publication :
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Rédacteur en chef invité :
René Yvon Brancart
Comité éditorial :
El Habib Benessahraoui
Sibi Bonfils
Dibongué A. Kouo
Boufeldja Benabdallah
Jean-Pierre Ndoutoum
Sory I. Diabaté
Carole Grass-Ramalingum
Édition et réalisation graphique :
Caractéra inc.
Réalisation de la couverture :
Caractéra inc.
MOT DU DIRECTEUR
ÉDITORIAL
3
4
EXÉCUTIF
PROBLÉMATIQUE
L’INTÉGRATION ÉNERGÉTIQUE – LEVIER D’INTÉGRATION
ÉCONOMIQUE RÉGIONALE ET POSSIBLE FACTEUR
D’INSERTION À L’ÉCONOMIE MONDIALE
Michel Claude Lokolo
LES
6
EXPÉRIENCES RÉGIONALES
LA
COOPÉRATION ÉNERGÉTIQUE, INSTRUMENT D’INTÉGRATION
ÉCONOMIQUE RÉGIONALE
QU’EN EST-IL POUR L’EUROPE ?
Nicole Jestin-Fleury
LA RESTRUCTURATION ET LA PRIVATISATION
DE L’INDUSTRIE CHARBONNIÈRE EN EUROPE CENTRALE/
ORIENTALE ET DANS LA CEI
Dr. Klaus Brendow
TRANSFERT DE TECHNOLOGIE NORD-SUD EN BIOMASSE-ÉNERGIE
INDUSTRIELLE : L’EXPÉRIENCE DU PROGRAMME COGEN
Yves Shenkel et Jean-François Van Belle
DE L’ÉLECTRIFICATION RURALE DÉCENTRALISÉE (ERD)
À LA SOCIÉTÉ DE SERVICES POUR LE DÉVELOPPEMENT (SSD)
VERS UNE PREMIÈRE APPLICATION DANS LA ZONE OMVS
Bernard Klein
COOPÉRER POUR RELEVER LE DÉFI DE L’ESSENCE
SANS PLOMB EN AFRIQUE
LES RÉSULTATS DE LA CONFÉRENCE DE DAKAR
SUR L’ÉLIMINATION DE L’ESSENCE SANS PLOMB
Christine Copley et Eleodoro Mayorga Alba
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Photographie de la couverture : Getty Images
ISSN 0840-7827
Tirage : 3 000 exemplaires
Dépôt légal :
Bibliothèque nationale du Québec
Bibliothèque nationale du Canada
Les textes et les opinions n’engagent que leurs auteurs.
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Poste-publications – Convention
No 155 7440
LES
RÉSEAUX MONDIAUX ET RÉGIONAUX
DE COOPÉRATION ÉNERGÉTIQUE
LES CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
DU 18e CONGRÈS MONDIAL DE L’ÉNERGIE DE
31
COOPÉRATION DANS LE SECTEUR DES HYDROCARBURES
EN AFRIQUE
ASSOCIATION DES PRODUCTEURS DE PÉTROLE
AFRICAINS (APPA) ET LA COOPÉRATION ÉNERGÉTIQUE
EN AFRIQUE
37
S.E.M. Maxime Obiang-Nze
LES
NOUVEAUX DÉFIS DE L’UPDEA
Mutima Sakrini Herman
39
POUR
UNE COOPÉRATION FRANCOPHONE SUR LES OUTILS
DE SUIVI ET D’ÉVALUATION DES POLITIQUES D’EFFICACITÉ
ÉNERGÉTIQUE ET D’EFFET DE SERRE
Dr. Didier Bossebœuf
41
LA
DIMENSION ÉCONOMIQUE DE LA FRANCOPHONIE,
INTÉGRATION RÉGIONALE ET MONDIALISATION
Taoufiq Boudchiche
2
BUENOS AIRES
45
Liaison Énergie-Francophonie • No 53
Mot du directeur
EL HABIB BENESSAHRAOUI
Directeur exécutif
Institut de l’énergie
et de l’environnement
de la Francophonie
La dernière décennie est résolument
marquée par le développement du
phénomène régional.
La régionalisation, lieu d’intégration ou
support de coopération économiques entre
États, prend un peu partout dans le monde,
et plus que par le passé, une dimension
opérationnelle sous l’effet des mutations
structurelles que connaît l’environnement
géopolitique et économique mondial.
L’exemple de l’Union européenne est actuellement le plus abouti avec un marché unique
et une monnaie unique.
Il était donc normal de consacrer un numéro
de LEF à la question de la coopération
énergétique dans la dynamique (ou grâce à
la dynamique) de l’intégration économique
régionale.
Cette livraison traite d’abord de la problématique de la coopération énergétique
comme levier d’intégration économique
régionale ou sous-régionale, respectivement
par M. René Yvon Brancart, le rédacteur
en chef invité pour ce numéro, et
M. Michel Claude Lokolo.
Une deuxième partie est consacrée à l’analyse
d’expériences régionales de coopération
énergétique et à la présentation de quelques
cas concrets d’une telle coopération.
C’est ainsi l’objet de l’article sur l’Union
européenne et la coopération énergétique,
de Mme Nicole Jestin-Fleury qui, tout en
notant que cette coopération a sûrement
participé à l’intégration économique de
l’Europe, montre qu’on est encore loin
d’une « politique énergétique européenne ».
M. Klaus Brendow, en analysant la restructuration de l’industrie charbonnière en
Europe centrale et orientale et dans la CEI,
trace les perspectives de cette industrie à
l’horizon 2010 et en analyse les contraintes
économiques, sociales, institutionnelles et
environnementales, qu’il importe au plus
haut point de lever.
Pour leur part, MM. Yves Schenkel et JeanFrançois Van Bell analysent une expérience
intéressante de coopération économique
entre l’Union européenne et l’ASEAN
(Association des nations du sud-est
Coopération énergétique et intégration économique régionale
asiatique) pour le transfert de technologies
en biomasse-énergie industrielle.
Dans une interview, M. Bernard Klein
éclaire ses diverses expériences de terrain
en Afrique de l’Ouest pour l’électrification
rurale décentralisée et l’évolution vers des
sociétés de services pour le développement
communautaire.
Mme Christine Copley et M. Eleodoro
Mayorga Alba présentent les principales
conclusions de la conférence tenue en juin
dernier, à Dakar, sur l’élimination du plomb
dans l’essence en Afrique subsaharienne
grâce à la coopération sous-régionale,
notamment par l’harmonisation des spécifications techniques.
Une troisième partie de la livraison est
consacrée, en plus de la présentation
des conclusions et recommandations
du 18e congrès du Conseil mondial de
l’Énergie, à l’analyse des programmes,
des contributions et des défis de réseaux
régionaux de coopération énergétique, soit
ceux de l’Association des Producteurs de
Pétrole Africains par M. Maxime ObiangNzé et ceux de l’UPDEA (Union des
Producteurs, Transporteurs et Distributeurs
de l’Énergie Électrique d’Afrique) par
M. Mutima Sakrini Herman, le nouveau
secrétaire général. M. Didier Bossebœuf,
à travers l’expertise accumulée dans le
cadre de la Coopération européenne pour
l’efficacité énergétique, trace les lignes de
ce que peut être une coopération renforcée
en Francophonie sur les outils de suivi
et d’évaluation des politiques d’efficacité
énergétique et l’effet de serre.
M. Taoufiq Boudchiche, enfin, tirant les
conclusions de la Conférence de Monaco
des ministres francophones de l’Économie
et des Finances sur le développement
d’un espace de coopération économique
francophone, analyse le rôle et les potentialités de la coopération énergétique pour
la consolidation d’un tel espace.
À tous et à notre rédacteur en chef invité,
Monsieur René Yvon Brancard, j’adresse
ici mes vifs remerciements.
3
Éditorial
RENÉ YVON BRANCART
Consultant,
Côte d’Ivoire
@
[email protected]
4
La coopération énergétique constitue
à n’en pas douter le fer de lance de
l’intégration économique régionale,
et les réussites qui l’attestent sont
légion. Même si certaines régions
accusent relativement un retard en
termes de réseaux d’énergie efficients,
le chemin emprunté par toutes est
balisé : coopérer c’est partager, c’est
réduire les coûts, c’est éviter des
dépenses que commanderait une
vision autarcique du développement
économique et qui est dépassée,
c’est exploiter en commun et aux
meilleures fins des ressources
physiques, financières et humaines
pour accélérer le développement
harmonieux des sociétés humaines.
Les réseaux électriques d’Europe et
d’Amérique du Nord sont depuis fort
longtemps interconnectés, ceux
d’Amérique centrale et d’Amérique
du Sud sont en pleine mutation dans
ce sens, et en Afrique, tant au Sud,
qu’à l’Est, au Nord et à l’Ouest, la
recherche du développement des
réseaux interconnectés est permanente.
Toutefois, la nouvelle donne institutionnelle change les cartes quant aux
importantes questions du financement
et du partage des fruits de ces interconnections : où sont passées les Écoles
multinationales ? Que deviennent les
engagements des États lorsqu’ils ne
sont plus les vrais maîtres de leurs
productions électriques ou pétrolières ?
Autant de questions auxquelles
tentent de répondre des experts
d’horizons divers.
La mise en réseau des systèmes
électriques constitue à n’en pas douter
la base d’un renforcement de l’intégration économique régionale : c’est
ainsi que les sociétés d’électricité sont
parvenues à certains succès en ce
qui concerne les interconnections.
La coopération énergétique au sens
large comporte cependant d’autres
aspects fondamentaux, qui sont
autant de défis et de stimulants pour
une amélioration des performances
économiques des États. S’agissant
d’hydrocarbures, les réseaux de
distribution appartenant pour la
plupart aux grandes multinationales,
malgré les efforts marqués d’innovation en la matière qui ont vu
apparaître des nationaux (création
de mini-entreprises de distribution
pétrolière, unités spécialisées dans
l’industrie pétrolière), le tissu pétrolier
mondial est marqué par une empreinte
privée et un nombre limité de sociétés,
groupées de fait en similicartels
(Groupements Professionnels du
Pétrole en Afrique de l’Ouest, etc.).
Quant à la production et au raffinagetraitement, tant pour les produits
pétroliers liquides que pour le gaz
naturel, les compagnies concernées
travaillent bien plus localement (pays)
ou à plus grande échelle (continent) :
là encore, la gestion en multinationales
n’interfère pas au plan de l’intégration
économique des États, sauf pour le
duo électricité – gaz naturel. Le
couple électricité-gaz est de nos jours
celui sur lequel les États fondent le
plus d’espoir, (Power Pools basés sur
l’exploitation des réseaux électriques
des ressources en pétrole et/ou Gaz
naturel visant à mettre en commun
dans une sous-région les ressources
primaires d’énergie et les gisements
marginaux).
L’effet sur les économies des pays
concernés est directement lié à
l’incidence sur les coûts des facteurs,
dont l’électricité est le plus engageant
pour les investissements directs
étrangers, sur les activités industrielles,
et sur le coût de combustibles
de cuisson et chaleur industrielle
Liaison Énergie-Francophonie • No 53
L’intégration énergétique
Levier d’intégration économique
régionale et possible facteur
d’insertion à l’économie mondiale
MICHEL CLAUDE
LOKOLO
Ingénieur des pétroles
et docteur ès sciences
Édifier « les États-Unis d’Europe » est une idée qui a
habité certains esprits dans les années 1920 sur
« le Vieux Continent», au sortir de la Grande Guerre.
Trente ans plus tard, en 1951, une source d’énergie,
le charbon, a été le prélude d’une longue marche vers
l’intégration économique de l’Europe qui est couronnée
par une intégration monétaire au mois de janvier 2002.
Président du Comité de
Pilotage de l’« Étude
sur l’Intégration
Énergétique Africaine »
intégration économique et politique s’est révélée comme un fait majeur
L’
du 20 siècle en étant un moyen privilégié d’intervention pour assurer à la fois
e
le développement économique et social d’une part, et d’autre part, la viabilité
des États et la paix1 entre eux.
La construction de grands ensembles économiques est aussi apparue nécessaire
afin de mettre en œuvre une certaine rationalité économique face à l’étroitesse
des marchés nationaux, mais aussi une certaine solidarité dans l’utilisation des
ressources rares au regard de leur répartition inégale.
Après une brève mise en perspective historique de l’intégration économique,
cette contribution propose un bref rappel de ce concept et de sa mise en œuvre
dans son acception actuelle. Elle examine ensuite comment l’intégration des
marchés nationaux de l’énergie peut servir de levier à l’intégration économique,
à travers une suppression progressive de divers obstacles aux échanges. Elle
élabore enfin sur la possible incidence de l’intégration énergétique sur la
compétitivité des firmes et des économies nationales d’un espace communautaire
dans le cadre de l’économie désormais mondialisée.
@
lokolo.un.org
6
1
Au départ, avec la création de la C.E.C.A., la construction européenne avait non seulement
pour but la création d’un marché commun du charbon et de l’acier, mais aussi la réconciliation entre la France et l’Allemagne. Elle a, peu a peu, renforcé les effets du libre-échange par une
politique d’intégration. Dans quelques cas, il existe un pacte de non-agression entre les États
membres de certaines organisations sous-régionales d’intégration économique.
Liaison Énergie-Francophonie • No 53
L’intégration énergétique
Brève mise en perspective
historique de l’intégration
économique dans les
relations économiques
mondiales : de l’entredeux-guerres au GATT
et à l’OMC
En dehors des politiques d’autarcie
économique qui ont été mises en
œuvre dans l’Allemagne hitlérienne
et dans les ex-pays communistes, les
politiques de croissance ont toujours
eu une dimension internationale.
Le choix entre le protectionnisme et
le libre-échange a, dès le début de
l’ère industrielle, marqué les politiques
de croissance. Il est apparu nécessaire
par la suite, d’accroître la coopération
économique internationale afin
d’amplifier la croissance des économies nationales.
L’ENTRE-DEUX-GUERRES
Dans leur prime mise en œuvre, les
zones d’intégration économique ont
essentiellement associé une métropole
à ses colonies – autrement dit, des pays
industrialisés à des pays producteurs
de produits de base. Une protection
douanière des privilèges de la métropole assurait l’intégration de la zone.
À partir de la crise de 1929, la suppression de la convertibilité des monnaies a amené l’instauration des zones
monétaires à l’intérieur desquelles les
échanges étaient réalisés grâce à une
monnaie dominante, celle de l’économie dominante de la zone. C’est
ainsi que l’on a vu l’apparition d’une
« zone dollar », d’une « zone sterling »,
d’une « zone franc », ou encore d’une
« zone escudos », qui d’une manière
ou d’une autre renforçaient les dépendances de pays producteurs de produits de base avec un pays dominant.
De nos jours, les nouvelles zones
d’intégration ont quelque peu consacré
l’effacement de cette forme de complémentarité décrite ci-dessus ; elles lient
dorénavant les économies sur une
base sous-régionale ou régionale. La
construction européenne est la plus ancienne
et la plus accomplie de ces nouvelles zones
d’intégration économique régionales.
DU GATT À L’OMC
Dans l’entre-deux-guerres, la crise
économique a incité chacun des protagonistes à se barder de protections
douanières ou réglementaires pour
diminuer la concurrence des produits
étrangers. Après la guerre, sous la
pression des États-Unis devenus l’économie dominante, l’Organisation des
Nations Unies a convoqué une conférence mondiale destinée à élaborer les
règles d’une libéralisation du commerce
international. L’accord du GATT 2 qui
est le produit de ses laborieuses délibérations a récemment cédé la place
en 1996 a l’Organisation Mondiale
du Commerce (OMC).132 pays y ont
adhéré, soit la quasi-totalité des nations
de quelque importance économique.
En instaurant la clause dite « de la
nation la plus favorisée », le GATT a
pu négocier la nécessité de l’évolution
du bilatéralisme au multilatéralisme et
à la non-discrimination dans les relations commerciales internationales. Il
en a résulté que – toute réduction, et
toute exception, s’applique à toutes
les parties contractantes du GATT.
Par ailleurs, le GATT a aussi admis
que certains de ses membres s’unissent
dans des regroupements régionaux.
C’est ainsi donc que l’établissement de
la Communauté Européenne en a été
un des principaux exemples.
Le commerce international a donc joué,
au cours des vingt dernières années, un
rôle de «locomotive» dans la croissance
économique. Globalement, la valeur du
commerce mondial (biens et services)
est passée d’environ 600 milliards de
francs français à 34 500 milliards en
1998. Compte tenu de la hausse des
prix, cela correspond à une multiplication par dix des quantités échangées !
Et à elle seule, l’Union Européenne
2
représente 40 % du total ; mais une
grande partie de ce commerce est
interne à l’Union.
Du concept et des formes
d’intégration économique
LE CONCEPT
Dans son acception nouvelle, depuis
la fin de la deuxième guerre mondiale,
l’intégration économique peut être
définie comme étant à la fois une stratégie et une méthode d’action permettant de concevoir et de mettre en œuvre, dans
un cadre institutionnel convenu entre plusieurs
États, des politiques communes et des actions
de développement et de croissance. Elle doit
conduire à terme à l’instauration d’un
marché commun et à la réalisation
progressive d’une union économique
et monétaire, en vue de l’objectif final
qui est l’unité politique, sous une
forme confédérale ou fédérale.
L’intégration économique est donc une
approche alternative rationnelle de
« développement solidaire». Elle apparaît de
plus en plus comme une voie efficace
pour faire ensemble ce qui, à l’échelle d’un seul
État aurait été difficile ou impossible à réaliser, et
qui s’avère plus bénéfique à l’échelle d’un regroupement de plusieurs États. Elle est fondée sur
une synergie des moyens et des capacités pour faire face à des défis et des
besoins analogues de développement.
L’expérience a démontré qu’elle est un
processus pratique qui s’élabore au fur
et à mesure que les États manifestent
et amplifient dans des actes leur
volonté d’avancer dans cette voie. Elle
peut revêtir des formes multiples avec
des modalités d’application variées.
LES FORMES D’INTÉGRATION
ÉCONOMIQUE
C’est à partir des diverses expériences
concrètes, depuis une cinquantaine
d’années, de plusieurs systèmes d’intégration économique et politique, que
la réflexion théorique a pu se faire.
General Agreement on Tariffs and Trade ; en français, Accord Général sur les Tarifs Douaniers
et le Commerce (AGETAC).
➤
Coopération énergétique et intégration économique régionale
7
Partant, il est plutôt admis que dans
le domaine de l’intégration, il n’y a
pas peut-être de schéma définitif
qui s’impose.
L’expérience montre que l’intégration
économique est une élaboration continuelle.
La volonté politique, le pragmatisme, les
réalités et les nécessités de l’heure, ainsi que les
motivations à long terme constituent le terreau
à partir duquel se nourrit et se bâtit cette
ambitieuse entreprise.
La pratique a secrété dans le temps
différents mécanismes et techniques
de mise en œuvre des objectifs de
regroupement des États. L’intégration
économique régionale peut être plus
ou moins importante ; les formes
d’intégration vont de l’union douanière
au marché commun, puis au marché
unique 3 avec ou sans monnaie unique.
L’union économique et monétaire dont
l’achèvement conduit à l’union politique
est la dernière étape de l’intégration
économique. La mise en œuvre progressive de l’intégration énergétique
peut emprunter l’un de ces mécanismes
ou l’une de ces techniques.
La coopération
énergétique – un des
leviers de l’intégration
économique régionale
ou sous-régionale
Dans le cas de l’intégration européenne4, après la création de la CECA
(Communauté Européenne du Charbon
et de l’Acier), s’est aussitôt posée la
question de l’élargissement de la base
économique de l’intégration. Fallait-il
s’engager dans la voie d’une intégration
économique générale ou poursuivre dans la
voie sectorielle ? Les deux voies furent
retenues à la conférence de Messine
en 1953. Les négociations aboutirent
à la signature à Rome, le 25 mars 1957,
des deux traités portant création
respectivement de la Communauté
Économique Européenne (CEE) et
de la Communauté Européenne de
l’Énergie Atomique (EURATOM).
8
Dans la perspective de l’intégration
économique régionale, la «coopération
énergétique» acquiert une dimension
plus large, celle de la réalisation à
terme de l’objectif de décloisonnement et d’intégration progressive
des marchés nationaux de l’énergie.
L’INTÉGRATION DES MARCHÉS –
OUTIL DE DÉVELOPPEMENT
DES ÉCHANGES ÉNERGÉTIQUES
Les avancées progressives, et particulièrement « le triomphe », au cours des
vingt dernières années, de la pensée
économique libérale, ont rendu possible la prise de conscience quant
à la nécessité d’accélérer la levée
des entraves aux échanges, liées à
l’existence d’obstacles divers, d’ordre
technique, fiscal et institutionnel.
La suppression des obstacles internes à la
libre circulation des marchandises
et des services, vise donc la création
d’un véritable marché intérieur – le marché
commun – circonscrit dans les limites
géographiques des États qui composent
cet espace sous-régional ou régional.
L’accroissement des échanges énergétiques à l’échelle sous-régionale ou
régionale est donc l’un des objectifs
recherchés par la levée des divers
obstacles qui contribuent au décloisonnement des divers marchés nationaux de l’énergie.
Comme facteur de production,
l’énergie est un intrant qui concourt
à l’amélioration de la compétitivité
économique. L’intégration progressive
des marchés de l’énergie, à travers
l’objectif d’un accès amélioré et
progressif à une énergie abondante,
propre, accessible, disponible et bon marché,
contribue à renforcer la compétitivité
à même de soutenir la croissance
économique, dans la perspective d’un
développement économique et social
des États membres.
3
4
La mise en œuvre d’une intégration
des marchés de l’énergie conduit à
un développement des échanges et,
in fine à une diminution des coûts
d’accès à l’énergie qui bénéficie autant
au consommateur individuel qu’à
l’industrie, et aux entreprises.
Elle a également des effets bénéfiques
sur l’industrie de l’énergie des pays
membres, car elle permet de tirer parti
des complémentarités, de rationaliser
les activités de production, de transport et de distribution d’énergie.
Elle représente un facteur supplémentaire et significatif de sécurité
d’approvisionnement pour tous les
États membres. Une plus grande
interconnexion des équipements
énergétiques permet d’accroître « la
solidarité des États membres», ainsi que
les moyens de secours en cas de crise.
LES DIVERS OBSTACLES
AU DÉVELOPPEMENT DES
ÉCHANGES ÉNERGÉTIQUES
Ces obstacles ne pourront être supprimés que progressivement. La promotion d’un marché intégré doit aussi
prendre en considération les contraintes
objectives, parfois liées à certaines
réalités spécifiques nationales, qui
peuvent en nuancer la mise en œuvre.
L’expérience de l’intégration des marchés de l’énergie a mis en évidence
trois types d’obstacles : techniques,
fiscaux et institutionnels. Nous n’évoquerons que quelques-uns d’entre eux.
• En ce qui concerne les obstacles techniques,
on peut citer la diversité des normes
techniques (tensions électriques,
spécifications des produits pétroliers, etc.) ; l’insuffisance ou l’inexistence des infrastructures énergétiques
indispensables au développement des
échanges (de réception, de stockage,
de transport, et de distribution).
Dans ce cas, l’objectif est d’évoluer progressivement vers un ensemble économique formant
un tout, et dont les caractéristiques seront proches de celles d’une économie nationale.
Cet exemple est peut-être le cas le mieux connu et le plus avancé à l’heure actuelle ; l’intégration a atteint le stade du marché unique et depuis janvier 2002 celui de la monnaie unique.
Liaison Énergie-Francophonie • No 53
L’intégration énergétique
L’harmonisation des normes et la mise
en œuvre d’une politique concertée
des infrastructures constituent des
moyens d’action pour une suppression
progressive de ces obstacles en vue
d’un développement des échanges
énergétiques.
La politique des infrastructures
concerne l’inventaire de l’existant,
l’optimisation des équipements existants, l’identification des infrastructures à développer, le développement
des interconnexions, une concertation
accrue pour une cohérence des investissements énergétiques.
La suppression progressive des obstacles techniques est donc un des préalables à l’amélioration des échanges
énergétiques ; elle contribue aussi à
une meilleure utilisation des capacités
de production disponibles. A titre
d’exemple, l’adoption de spécifications
communes favorise les échanges de
produits pétroliers, et contribue à
réduire les coûts de raffinage. Par
ailleurs, le développement des interconnexions entre les réseaux d’électricité ou de gaz naturel contribue à
une optimisation du taux d’utilisation
des équipements.
LA
GESTION INTÉGRÉE DES
RESSOURCES EN EAU PAR BASSIN
Au cours de la dernière décennie, l’eau est devenue un sujet d’intérêt prioritaire au
plan politique tant national qu’international. On ne compte plus les conférences intergouvernementales, les manifestations internationales de la société civile, les déclarations, les conventions et autres traités sur l’eau.
Partout l’idée s’impose de la nécessité d’une « politique mondiale de l’eau » face à
l’augmentation vertigineuse des besoins par rapport à des ressources mobilisables
relativement limitées, à la pollution grandissante de ces ressources qu’elles soient
superficielles ou souterraines, aux conflits d’usage à l’intérieur des pays et entre
pays partageant un même bassin. Cette idée s’impose surtout face à la question
lancinante de la démocratisation de l’accès à l’eau potable dont près de 1,5 milliards
de personnes sont actuellement privées.
Face à ces contraintes, il faut d’abord et partout promouvoir et assurer une gestion
intégrée et durable des ressources en eau en tenant compte du caractère spécifique
de l’eau en tant que « bien patrimonial » et « source de vie ».
Le manuel élaboré par M. Jean Burton sur « la gestion intégrée des ressources en
eau par bassin » est édité par l’IEPF. L’ouvrage est fondé justement sur les nouvelles
approches pour une gestion intégrée, durable, solidaire et participative.
Destiné à la formation des formateurs et à celles et ceux qui au quotidien, planifient,
mettent en œuvre des programmes hydrauliques ou contribuent à la gestion pratique
de la ressource eau, ce manuel traite, de manière aussi rigoureuse que pédagogique,
des enjeux globaux de la gestion intégrée d’une part et présente d’autre part les
étapes documentées d’une démarche de formation ou d’auto-formation d’une durée
de deux semaines.
• S’agissant des obstacles fiscaux, les prix
des énergies sont grevés de taxes
diverses, variables d’un pays à
l’autre, qui constituent un important
obstacle aux échanges énergétiques intra
et interrégionaux. Une harmonisation
progressive des fiscalités sur l’énergie
peut également contribuer à un
développement des échanges
énergétiques.
• En ce qui concerne les obstacles institutionnels, l’organisation des divers marchés nationaux, parfois fortement
cloisonnés, constitue une entrave
aux échanges énergétiques sousrégionaux ; il s’agit notamment de
certains règlements nationaux qui
instituent souvent une exclusivité
nationale. A titre d’exemple, on peut
citer les restrictions sur l’importation
des produits pétroliers liées à la
protection des raffineries nationales.
Il est organisé en deux parties. La première, de nature
plus conceptuelle, passe en
revue diverses définitions et
certains enjeux liés à la gestion intégrée par bassin. La
seconde partie du manuel,
résolument axée sur la formation, conduit le lecteur et le
formateur à travers les étapes
d’une démarche de gestion.
L’auteur : Jean Burton est biologiste
de formation. Il dirige le projet
« Gestion des grands fleuves » depuis
1990 et coordonne, depuis sa fondation en 1991, le Réseau francophone
de gestionnaires d’écosystèmes
fluviaux et lacustres. Travaillant
d’abord sur le fleuve Saint-Laurent
(Canada), il a animé des ateliers de
formation et participé à des échanges
d’expériences sur plusieurs grands
fleuves du monde.
➤
Coopération énergétique et intégration économique régionale
9
Au delà de la nécessité d’une politique
concertée des infrastructures, l’absence
d’un cadre réglementaire de développement des échanges et d’un cadre
spécifique de concertation pour l’élaboration d’un environnement institutionnel approprié, constitue aussi
un handicap pour une amorce des
échanges énergétiques.
L’identification et la suppression
progressive de ces divers obstacles
conduisent donc à une ouverture
effective des marchés et à la mise en
œuvre progressive d’un marché intégré
régional ou sous-régional de l’énergie.
En conséquence, il apparaît que la
mise en œuvre de l’intégration énergétique par la suppression progressive
des obstacles divers, nécessite un cadre
d’action commun à tous les États qui
composent l’espace communautaire.
Il est matérialisé par un rapprochement
des politiques nationales de l’énergie, et par
l’élaboration et la mise en uvre progressive
d’une politique énergétique commune.
Cependant, cette politique énergétique
commune se doit de rechercher une
satisfaction des besoins énergétiques
au moindre coût, en étant soucieuse
des exigences de la protection de
l’environnement. Elle devrait contribuer à promouvoir et à assurer aux
États une « sécurité collective » pour
leurs approvisionnements énergétiques.
L’intégration énergétique –
facteur d’insertion a
l’économie mondiale ?
L’INTÉGRATION ÉNERGÉTIQUE –
POSSIBLE CATALYSEUR D’UNE
MEILLEURE COMPÉTITIVITÉ
DES FIRMES ET DES ÉCONOMIES
NATIONALES…
Toutes les économies nationales et les
firmes implantées dans les États membres des ensembles sous-régionaux ou
régionaux sont désormais soumises à
une compétition globale à l’échelle
de l’économie mondiale. Afin de créer
un environnement porteur et attractif
pour de potentiels investissements,
10
les États membres ont donc intérêt à
développer des réseaux d’infrastructures essentielles et de bonne qualité.
L’élimination des obstacles au développement
des échanges énergétiques permet d’accroître
la compétitivité des économies communautaires
en diminuant leur coût d’accès a l’énergie. Le
marché intérieur permet d’avancer dans cette
direction par deux canaux - le rapprochement
des prix des énergies rendues au consommateur
final, des coûts de production en éliminant
les rentes de monopoles ou de localisation ;
et la réduction des coûts de production en
rationalisant l’organisation des industries
de l’énergie, en favorisant les effets de
taille, en contraignant les entreprises
à une gestion plus rigoureuse.
Il en découle une efficience plus élevée
liée à une concurrence accrue entre firmes, qui
implique aussi en conséquence un accroissement
des échanges intracommunautaires.
Au plan macroéconomique, l’impact
d’une baisse des prix rendus de l’énergie,
due à une concurrence accrue, peut
être évaluée par – une réduction du
coût d’approvisionnement en énergie ;
et un gain annuel en points ou fractions
de point de croissance économique
matérialisée dans les chiffres du PIB.
Un coût d’accès de l’énergie attractif
peut ainsi constituer un facteur de
compétitivité supplémentaire pour
une firme implantée dans un espace
communautaire ou même pour une
économie donnée, par rapport à ses
concurrentes de par le monde.
… MALGRÉ DE LÉGITIMES CRAINTES
LIÉES AUX RAVAGES DE LA
MONDIALISATION DU 19e SIÈCLE
Cette approche prospective et
enthousiaste à l’égard de la nouvelle
donne économique internationale,
marquée par « la mondialisation», ne
saurait éluder le fait que cette « expérience » ait plutôt été très douloureuse
dans le passé, ce qui explique qu’elle
5
suscite de légitimes inquiétudes
dans les pays du Sud et au delà.
En effet, la mondialisation qui s’est
produite au 19e siècle dans le commerce entre nations, dans le sillage
de la première révolution industrielle
et en application de la « théorie des
avantages comparatifs » de David
Ricardo, a laissé un goût amer aux pays
du Sud, notamment l’Inde et la Chine.
Conformément à la théorie ricardienne,
l’Inde s’est désindustrialisée5 en « contrepartie » de l’industrialisation anglaise.
A la fin du siècle, les trois quarts de la
consommation textile indienne seront
importés… d’Angleterre ! Par ailleurs,
de par sa spécialisation dans la culture
de produits qui ne garantissaient plus
son alimentation, l’Inde, qui était le
grenier de l’Asie au début du 19e siècle,
a dû par conséquent importer son
alimentation de base.
De son côté, la Chine a subi les ravages
du libre-échange et de la mondialisation, qui a imposé la « guerre de
l’opium » qui s’est conclue, comme
l’on sait, à l’avantage des Anglais ;
le Traité de Nankin signé en 1842
a instauré la libre pénétration de
l’opium en Chine !
Ainsi, du traumatisme qu’avait été,
pour les pays aujourd’hui du Tiers
Monde, la mondialisation au 19e siècle
était née l’idée qu’ils gagneraient à
poursuivre à l’inverse des stratégies
de développement « auto-centrées», à
l’abri du commerce international. Elle
a perdu aujourd’hui de sa pertinence,
au regard des « prouesses économiques » des Dragons d’Asie. Désormais,
les pays pauvres ont découvert et
comprennent qu’ils peuvent prendre
appui sur le commerce mondial pour
s’industrialiser.
À cet effet, on a pu observer, dans un
passé récent, qu’un changement qualitatif fondamental s’est déjà produit : la
L’Inde qui était exportateur net de produits textiles au début du 19e siècle a vu sa base
industrielle se détruire totalement ; les « indiennes » qu’elle produisait étaient des soieries
très recherchées, et l’artisanat local était très développé.
Liaison Énergie-Francophonie • No 53
L’intégration énergétique
part des produits manufacturés dans les
exportations des pays en voie de développement est passée de 20 % en 1970
à 60 % en 1990. L’image d’un Tiers
Monde spécialisé dans l’exportation
de produits primaires laisse de plus
en plus la place à une nouvelle réalité.
Du fait d’une intégration énergétique
[et économique] porteuse, une énergie
abondante, propre, accessible, disponible et
à moindre coût peut donc constituer un
des « avantages comparatifs » susceptibles de permettre, « ceteris paribus », à
des firmes ou à des économies nationales de compétitionner pour leur
insertion dans les marchés mondiaux.
***
L’intégration économique est un processus qui se nourrit de la volonté
politique des États membres, soutenu
et mis en œuvre à travers des outils
appropriés. C’est un projet qui s’inscrit dans une vision de l’avenir, au
delà des générations présentes ; il
constitue et jette les jalons d’un
monde que l’on souhaite meilleur.
Il a été établi qu’il existe bien une corrélation étroite entre l’inaccessibilité
à l’énergie, et notamment aux énergies
modernes, et divers indicateurs de
pauvreté. Même si, à l’échelle des
ménages, l’énergie n’a pas encore été
reconnue «comme un des besoins de base», il
demeure qu’elle est incontestablement
indispensable pour leur satisfaction.
L’inaccessibilité à l’énergie est une
des composantes de la pauvreté ;
accroître sa disponibilité et améliorer
son accès au moindre coût constitue
une des dimensions essentielles de
la lutte contre la pauvreté dans le
monde. La neuvième session de la
Commission des Nations Unies sur
le Développement Durable qui s’est
tenue au mois d’avril 2001 à New York
a proposé un objectif de lutte contre
la pauvreté énergétique dans le monde
– Réduire de moitié à l’horizon 2015
le nombre de personnes dans le
monde, (et ils sont deux milliards à
l’heure actuelle !), qui n’ont accès à
aucune des formes des énergies
modernes, dites « commerciales».
Bibliographie :
Cet objectif a été entériné par la
troisième Conférence des Nations
Unies sur les Pays les Moins Avancés
(PMA), qui s’est déroulée à Bruxelles
au mois de mai 2001 ; il participe des
défis majeurs auxquels ces pays sont
aujourd’hui confrontés – à savoir
devenir compétitifs à l’échelle de
l’économie mondialisée, et réduire la
pauvreté dans laquelle vit la majeure
partie de leurs populations. Cet
objectif de «réduction de la pauvreté
énergétique» apparaît un corollaire
de celui qui a été fixé antérieurement
par la Conférence Mondiale sur le
Développement Social organisée
sous l’égide des Nations Unies en
juin 1995 à Copenhague, à savoir
« Réduire de moitié, à l’horizon 2015,
le nombre de personnes qui vivent
dans l’extrême pauvreté, avec moins
d’un dollar par jour ».
Ramses 2001 – Rapport annuel de l’Institut
Français des Relations Internationales
Si nous plaçons l’Homme au cœur de
toutes nos politiques, comme moteur
et finalité de nos actions, l’intégration
énergétique s’avèrera incontestablement
un outil de plus pour améliorer sa condition, et partant, possiblement aussi,
celui de notre Humanité toute entière.
Et même s’il a parfois sacrifié son
essence et sa raison d’être, les faits historiques ont bien établi que la mise en
œuvre de l’ambition humaniste résulte
bien des « Pouvoirs du Rêve » – celui
d’un avenir et d’un monde meilleurs,
pour le plus grand nombre !
OSCAL/UNDESA – Energy For
Sustainable Development of The Least
Developed Countries in Africa : An Overview
René Rémond – Regard sur le siècle
Jean Marie Albertini – Les rouages
de l’économie nationale
Daniel Cohen – Richesse du monde,
et pauvretés des nations
Denis Clerc – Déchiffrer l’économie
Ibrahim A. Gambari – « Regional integration : the African perpective » ; in Carribean
Affairs, janvier-mars 1991
Guy de Carmoy et Georges Brondel –
L’Europe de l’énergie (Commission des
Communautés Européennes)
Traité instituant la Communauté
Européenne du Charbon et de l’Acier
Traité instituant la Communauté
Européenne de l’Énergie Atomique
Traité instituant la Communauté
Européenne
Nations Unies – Actes de la Conférence
Mondiale sur le Développement Social
Nations Unies – Documents de la troisième Conférence des Nations Unies
sur les Pays les Moins Avances (PMA)
Nations Unies/ECOSOC – Rapport
sur la neuvième session de la Commission des
Nations Unies sur le Développement Durable
Thierry Gaudin – Pouvoirs du rêve
NOUVELLES DU TERRAIN
Appui à un micro-projet jeunesse (Elohim International) de réduction de l’utilisation
de la biomasse énergie aux abords des grandes villes du TOGO par l’utilisation
de réchaud à gaz. Pour plus d’information, s’adresser à : Sylvain K. LOLO,
[email protected].
Coopération énergétique et intégration économique régionale
11
La coopération énergétique,
instrument d’intégration
économique régionale
Qu’en est-il pour l’Europe ?
NICOLE
JESTIN-FLEURY
Économiste
Chargée de mission
au Commissariat
Tout a été dit sur l’Europe : source de bien-être pour les
uns lorsque l’existence de réseaux permet, en développant
les échanges, de réduire la facture énergétique nationale ;
source de « tourments » pour les autres lorsque « l’Europe »
parée de tous les vices devient l’entité supranationale
obligeant (ou permettant) certains pays à instaurer la
concurrence sur leur territoire alors même que l’opinion
publique la rejette !
Général du Plan,
Paris
N
e parlons pas d’une politique énergétique européenne, source d’intégration
économique régionale, source de richesses pour tous – elle n’existe pas. Parlons
plutôt d’un « marché intérieur » qui, en favorisant les échanges, permet un approvisionnement énergétique au moindre coût… pour les pays qui le souhaitent et
ne se cramponnent pas sur leur « indépendance nationale ».
Les vaines tentatives d’une politique
énergétique commune
LA PLACE DE L’ÉNERGIE DANS LES TRAITÉS
L’histoire de la Communauté européenne est fondée sur des préoccupations énergétiques : ainsi dès le 18 avril 1951, le Traité de Paris instituait la Communauté
européenne du charbon et de l’acier (CECA) entre six pays européens (France,
RFA, Italie, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg). Ce traité instaurait la libre circulation intracommunautaire du charbon et de l’acier.
@
[email protected]
12
La CECA créait les prémisses d’un marché commun entre les États membres, susceptible d’aider l’Europe à se reconstruire. La période de l’après-Seconde Guerre
mondiale était en effet dominée par une pénurie d’énergie liée au conflit, et par
la prédominance du charbon qui représentait alors tout à la fois pour l’Europe
l’essentiel de sa consommation énergétique et « SA » ressource énergétique.
La priorité était donc naturellement donnée au développement charbonnier à
travers une concentration et une modernisation de la production, voire à travers
les mesures de nationalisation du secteur lancées en France et au Royaume-Uni.
Liaison Énergie-Francophonie • No 53
La coopération énergétique, instrument d’intégration économique régionale
Cette politique a été une réussite et
la production de charbon européen
culminait à la fin des années 1950.
Toutefois, l’accroissement rapide des
besoins, supérieur à celui de la production, a imposé très vite un recours
croissant aux importations.
Quelques années plus tard, le 25 mars
1957, les six membres fondateurs
de la CECA signaient le Traité de
Rome : celui-ci donnait naissance à
la Communauté économique européenne (CEE) et à la Communauté
européenne de l’énergie atomique
(CEEA) connue sous le nom de Traité
Euratom. Ce dernier Traité participait
à la volonté de relancer très vite
la construction européenne sur des
bases économiques – il s’inspirait de
la théorie dite de l’intégration fonctionnelle selon laquelle, par un effet
d’entraînement, la solidarité instituée
dans des secteurs sensibles s’étendrait
progressivement à l’ensemble de l’activité économique pour déboucher sur
une communauté politique.
Le Traité Euratom avait à l’origine
comme ambition d’organiser sur le territoire de la Communauté européenne
l’ensemble d’une activité économique
nouvelle – la filière électronucléaire.
Plus précisément, il soulignait l’intérêt
de la Communauté pour l’énergie
nucléaire, la coopération européenne
visant exclusivement à promouvoir
l’utilisation pacifique de l’atome.
La Communauté européenne devait,
dans ce cadre :
• développer la recherche et assurer
la diffusion des connaissances
techniques ;
• établir des normes de sécurité uniformes pour la protection sanitaire
de la population et des travailleurs,
et veiller à leur application ;
• faciliter les investissements et
assurer, notamment en encourageant les initiatives des entreprises,
la réalisation des installations fondamentales nécessaires au développement de l’énergie nucléaire dans
la Communauté ;
• veiller à l’approvisionnement régulier et équitable de tous les utilisateurs de la Communauté en minerais
et combustibles nucléaires ;
• garantir par des contrôles appropriés
que les matières nucléaires n’étaient
pas détournées à d’autres fins que
celles auxquelles elles étaient
destinées.
La CEE en revanche ne disposait
pas de compétences particulières
en matière de politique énergétique,
le Traité de Rome ne mentionnant
aucune notion de « politique communautaire de l’énergie ». Les raisons ?
Le charbon, principale source d’énergie
du moment, était couvert par les dispositions de la CECA et le pétrole
importé ne posait aucun problème
car il était abondant et bon marché.
L’Europe était donc dans une situation
où les traités CECA et Euratom
créaient une compétence communautaire dans le secteur du charbon et
celui de l’énergie atomique. Les trois
autres sources d’énergie – le pétrole,
le gaz et l’électricité – ne faisaient pas
l’objet de dispositions spécifiques.
LA COMMUNAUTÉ ET LES QUESTIONS
ÉNERGÉTIQUES JUSQU’EN 1973
L’action de la CECA1
Jusqu’en 1958, la CECA, fondée en
période d’essor charbonnier, participe
à cet essor en organisant le marché
du charbon, notamment par la suppression des mesures discriminatoires
en matière de prix. Mais à peine la
période transitoire conduisant à la
mise en place de l’union douanière
est-elle terminée (janvier 1958) que
la CECA est confrontée à la crise
charbonnière, le charbon européen
ne pouvant rester compétitif face au
charbon importé. Elle doit participer
dès lors à une politique de repli qui
n’est pas celle pour laquelle elle avait
été fondée. Malgré l’existence d’une
Haute autorité supranationale, elle
se révélera impuissante à imposer
un véritable plan communautaire et
1
chaque État organise lui-même le recul
de sa production.
L’action de la CECA se limite alors à
accompagner les programmes nationaux de restructuration en favorisant
la reconversion des industries d’exploitation charbonnière et, au plan social,
la réadaptation des mineurs.
L’action de la CEEA
Celle-ci n’a pas été plus performante :
malgré la réalisation d’une agence
d’approvisionnement commune et
de centres communs de recherche à
Karlsruhe (Allemagne), Mol (Belgique),
Patten (Pays-Bas) et Ispra (Italie), la
collaboration entre les pays membres
de la Communauté est demeurée
relativement discrète. Cette attitude
résultait avant tout du contexte énergétique de l’époque marqué par le bas
prix des hydrocarbures et par la diversité des décisions des États face aux
choix technologiques, particulièrement en ce qui concerne l’atome.
L’énergie nucléaire s’est ainsi développée dans certains États membres
seulement, et sur des bases essentiellement nationales. La France et le
Royaume-Uni ont eu un rôle moteur
dans ce domaine : la France, soucieuse
d’assurer son indépendance, a
développé, par l’intermédiaire du
Commissariat à l’énergie atomique
(CEA) une filière spécifique UNGG
(Uranium Naturel Graphite Gaz)
plutôt que d’adopter des filières américaines fondées sur l’uranium enrichi,
et cela jusqu’en 1969 ; le Royaume-Uni
a adopté une attitude comparable, avec
la création, dès 1954, de l’Atomic
Energy Authority qui a participé à une
progression très rapide de l’équipement
– un premier plan (1955/1956) prévoyait neuf centrales s’ajoutant aux
deux premiers réacteurs expérimentaux
mis en place auparavant.
L’Italie a construit quelques centrales ;
l’Allemagne s’y est mise plus tardivement, l’abondance du charbon national
ayant constitué un frein à toute
volonté de diversification. Quelques
Ce traité, ainsi que ses règles d’application expirent le 23 juillet 2002.
➤
Coopération énergétique et intégration économique régionale
13
rares centrales seront réalisées avec
une participation de la CEEA. Quant
aux centres européens de recherche,
ils seront vite fermés ou réorientés
vers d’autres activités. La recherche
nucléaire deviendra une simple
composante du « Programme cadre
de recherche et de développement
technologique » (PCRD), programme
quinquennal européen (10,2 %
des crédits de ce programme sur
la période 1998-2002).
On peut dire aujourd’hui que le Traité
Euratom contient pour l’essentiel des
dispositions devenues obsolètes. En
particulier, la promotion du nucléaire
par la Commission ne peut plus être
assurée alors même que l’énergie
nucléaire est tombée en discrédit dans
de nombreux pays. L’objectif du Traité
Euratom devient donc un leurre.
D’ailleurs, le dernier « Programme
indicatif nucléaire commun » (PINC),
publié en 1996 précisait « il appartient à
chaque État membre de décider de développer
ou de ne pas développer l’utilisation pacifique
de l’énergie nucléaire […] le choix fait par
chaque État doit être respecté ».
NOUVELLE
Après les Traités de Rome et Euratom,
la Commission cherchera cependant
à ébaucher une politique énergétique
commune : dès 1962, dans un « mémorandum sur la politique énergétique »,
puis en 1968, 1972 et 1973, mais ces
différents projets ne déboucheront sur
aucun résultat tangible.
LES EFFORTS NOUVEAUX
APRÈS LES CHOCS PÉTROLIERS
Le premier choc pétrolier (1973/1974)
a mis en relief l’absence d’une politique communautaire. Chaque État
réagit indépendamment des autres
en choisissant sa propre politique :
par exemple, l’Allemagne met l’accent
sur le charbon alors que la France
s’engage dans une politique de développement nucléaire.
Mais au delà de ces actions nationales
menées en fonction de situations
propres à chacun des pays, l’absence
d’entente communautaire se manifeste
dans plusieurs occasions :
• les Pays-Bas sont touchés par
l’embargo décidé par l’OPEP sans
que cela n’entraîne aucune action
communautaire ;
• en février 1974, les consommateurs
de pétrole sous la houlette des
États-Unis se regroupent au sein
de « l’Agence internationale de
l’énergie » avec comme objectif de
présenter un front commun des
consommateurs face aux exportateurs, la France refuse d’y participer
alors que huit membres de la CEE
y adhèrent ;
• lorsqu’il s’agit pour les pays européens de rechercher leur indépendance pour la production d’uranium
enrichi (jusque là acheté aux ÉtatsUnis ou en Russie) deux projets
concurrents sont réalisés : la France,
l’Italie, la Belgique, l’Espagne et
l’Iran se regroupent en 1975 dans
Eurodif pour construire en France
à Tricastin une usine de séparation
isotopique utilisant le procédé de
diffusion gazeuse ; le Royaume-Uni,
l’Allemagne et les Pays-Bas
s’entendent au sein d’URENCO
pour construire à Capenhurst en
Grande-Bretagne, à Almelo aux
Pays-Bas et à Gronau en Allemagne
des usines utilisant le procédé
d’ultracentrifugation.
PUBLICATION
Le Guide Efficacité énergétique de la climatisation en région tropicale
Dans les bâtiments du secteur tertiaire des pays du sud, le froid et la climatisation
constituent les principaux consommateurs d’énergie. On estime que la climatisation
représente à elle seule au moins 60 % des gisements exploitables.
Il s’agit d’une technologie importée pour laquelle les pays du Sud manquent d’une
tradition de formation de techniciens et d’ingénieurs qualifiés. Peu d’informations
existent sur une approche adaptée aux Pays du Sud (choix d’un matériel spécifique,
dimensionnement propre aux différents climats…)
Le Guide Efficacité énergétique de la climatisation en région tropicale vient mettre
l’accent sur ce poste de consommation. L’ouvrage est constitué de deux volumes :
le tome 1 traite de la conception de nouveaux bâtiments et le tome 2 aborde
l’exploitation des installations existantes.
Le Guide Efficacité énergétique de la climatisation en région tropicale sera bientôt
disponible sur le site Internet de l’Institut, www.iepf.org.
14
Liaison Énergie-Francophonie • No 53
La coopération énergétique, instrument d’intégration économique régionale
Seul un programme d’économie
d’énergie à l’échelle européenne est
mis en place par la CEE en mai
1974… mais il aura peu d’effets. Plus
tard, au lendemain du second choc
pétrolier, d’autres initiatives communautaires seront prises pour tenter de
réduire les importations de pétrole,
diversifier les sources d’approvisionnement, et réduire la part du pétrole dans
le bilan énergétique communautaire.
Ces efforts seront poursuivis tout au
long des années quatre-vingts : au printemps 1988, la Commission présentait
« les objectifs énergétiques communautaires
de 1995 », objectifs qui ne pourront
être atteints qu’en partie. Et pourtant,
elle avait présenté en mars 1989 le programme Thermie, prévoyant en particulier une aide financière communautaire
et la diffusion du savoir-faire technologique dans de nombreux domaines
(efficacité énergétique, énergies
renouvelables, utilisations propres
du charbon, exploitation et développement des hydrocarbures).
Vers la création d’un
marché intérieur européen
L’émergence d’une politique commune
dans le domaine énergétique, secteur
stratégique par excellence, s’est donc
heurtée à de fortes divergences
d’appréciations des États Membres
quant aux orientations à imprimer à
la politique énergétique – divergences
touchant de nombreux domaines
comme le choix entre sources
d’énergie, l’attitude à l’égard du
nucléaire, le rôle de la puissance
publique dans l’organisation du
marché, etc., sur lesquelles le Traité
de Rome n’essayait pas de mettre
bon ordre.
Si, parmi les objectifs qu’il énumère,
le Traité de Rome ne mentionne
pas les éléments qui formeraient le
contenu d’une politique de sécurité
d’approvisionnement (comme les
priorités à établir entre les différentes
sources d’énergie, des dispositifs
d’économie d’énergie à mettre en
place, des dispositifs de stockage en
cas de crise, etc.), il est important de
souligner qu’il énumère un arsenal
normatif axé sur la libre circulation
des biens et des services. Et c’est cet
axe qui constituera très vite l’essentiel
des actions communautaires.
Un premier Livre blanc sur l’achèvement du marché intérieur était adopté
par le Conseil européen de Milan
en juin 1985. Parmi les principaux
objectifs retenus, on peut citer :
l’application du droit communautaire
en matière d’entraves aux échanges,
de concurrence, d’aides des États ;
l’élimination des frontières techniques ; l’ouverture des marchés publics ;
l’élimination des frontières fiscales ;
le développement de nouvelles infrastructures d’intérêt communautaire
(au delà des infrastructures nationales
existant pour le gaz naturel, les produits pétroliers, le pétrole brut et
l’électricité).
Aujourd’hui, c’est à travers la réalisation de ce « marché intérieur de
l’énergie » qu’on assiste à l’accélération
du processus d’intégration du marché
européen de l’énergie, les échanges de
gaz et d’électricité entre pays ayant
pu se développer car ils bénéficiaient
d’un cadre juridique harmonisé.
Ce fut d’abord la « directive transparence » qui imposait la publication
« des prix de vente aux consommateurs industriels » (1990), suivie des
« directives transit » de l’électricité et
du gaz en 1990-1991 qui mettaient les
grands réseaux de transport à la disposition des opérateurs européens. Les
directives « marché intérieur de l’électricité » (1996) et « marché intérieur
du gaz » (1998) viendront plus tard
organiser la concurrence au sein de
chaque pays membre pour la fourniture d’électricité et de gaz naturel avec
comme objectif, la réduction des coûts
pour le consommateur européen.
PROBLÈMES SOULEVÉS
PAR LA RÉALISATION DE
CE « MARCHÉ INTÉRIEUR »
En première ligne, il faut souligner
le maintien de fortes distorsions fiscales à l’intérieur de la communauté
européenne : celles-ci constituent un
frein à une réelle intégration économique régionale, les consommateurs
industriels, en particulier, n’étant pas
traités de la même façon dans les différents pays européens.
Les premières propositions d’harmonisation fiscale remontent au mois
d’août 1987 et n’ont jamais pu déboucher sur quoi que ce soit de concret :
harmoniser conduirait, pour les pays
ayant une fiscalité faible, à une hausse
des prix incompatible avec leur politique anti-inflationniste, et pour les
pays ayant une fiscalité élevée, à une
perte de recettes fiscales souvent
insupportable par ces pays.
Pour surmonter cet échec, les promoteurs du marché intérieur ont tenté de
contourner la difficulté en mettant en
cohérence une politique de l’énergie
avec une politique de l’environnement
et une politique des transports.
Cela s’est traduit par le projet d’une
« écotaxe » (présenté par le Conseil de
l’énergie du 29 octobre 1991) qui serait
imposée, d’abord sur les émissions de
CO2 exclusivement, puis à 50/50 sur
le CO2 et sur l’énergie. Le premier
projet alourdissait particulièrement la
facture énergétique des consommateurs
des pays gros émetteurs de CO2 et
n’encourageait pas la maîtrise de la
demande lorsque celle-ci portait sur de
l’électricité nucléaire ou hydraulique.
Le second projet heurtait les pays qui
par exemple avaient fait de gros efforts
d’investissement dans le passé pour
promouvoir l’électricité nucléaire.
Ici encore, ce sont les fortes différences existant dans la structure des
bilans énergétiques nationaux qui ont
conduit à l’échec du projet d’écotaxe.
Par ailleurs, loin de coopérer « au
nom de l’Europe » pour aider les
pays en développement à choisir les
technologies les plus efficaces, les
pays européens se retrouvent souvent
en concurrence sur les marchés extérieurs. Il s’agit en priorité pour les
industriels nationaux de développer,
dans une première étape, de nouvelles
technologies sur leur territoire
➤
Coopération énergétique et intégration économique régionale
15
national avant de les utiliser comme
une vitrine pour leur développement
international.
Certes, il y a parfois des tentatives
de coopération industrielle au sein de
l’Europe : ce fut le cas de l’association
SIEMENS/FRAMATOME pour la promotion d’un nouveau réacteur nucléaire
EPR. Les difficultés sont venues après,
devant l’absence de marché. C’est
aussi le cas du programme européen
de recherche Thermie lancé en juin
1989, dont l’objectif était le soutien
à l’innovation et à la dissémination de
technologies efficaces… orientations
ayant abouti au programme SAVE
(programme dont les résultats se
font attendre).
Si l’on rajoute, par exemple, à ces
difficultés l’existence d’interventions
publiques sous la forme d’aides d’État
à certaines entreprises nationales,
ces problèmes sont tous révélateurs
de l’absence d’un consensus communautaire sur une politique globale de
l’énergie. Le meilleur exemple est peutêtre l’existence simultanée de subventions à l’utilisation de certains charbons
nationaux et d’une fiscalité pour lutter
contre les émissions de CO2.
L’INTERCONNEXION
DES RÉSEAUX FAVORISE
UNE CERTAINE INTÉGRATION
Ces échecs ne doivent pas masquer
l’intérêt d’une progressive intégration
des marchés nationaux du gaz et de
l’électricité. La mise en place d’un
cadre juridique harmonisé à l’échelle
européenne pour les échanges a
encouragé le développement rapide
d’un réseau interconnecté pour le gaz
et pour l’électricité. Ces réseaux européens sont sans doute le premier réel
instrument d’intégration économique
régionale efficace : un pays peut, par
exemple, envisager de couvrir les
pointes de demande électrique sur son
territoire par des livraisons à partir
de pays voisins, plutôt qu’en réalisant
de nouveaux investissements sur son
propre territoire – les pointes n’apparaissant pas au même moment dans
16
tous les pays. Pour le gaz, l’existence
d’un réseau maillé accessible par des
fournisseurs différents (gaz naturel ou
gaz liquéfié) permet à la plupart des
pays importateurs de diminuer le coût
de leur approvisionnement en réduisant les distances le séparant de leurs
fournisseurs – ceci est particulièrement
le cas lorsque se développent des
SWAPS (crédits croisés) entre pays.
Ces interconnexions permettent-elles
une réelle intégration de marchés
nationaux différents ?
Les directives « marché intérieur » ont
été préparées avec le souci de ménager
les pays membres afin qu’ils puissent
les accepter. Cela a conduit par
exemple la Commission, d’une part à
permettre aux pays membres d’utiliser
la clause de subsidiarité pour choisir
entre différentes possibilités proposées
dans les directives et, d’autre part, à
proposer des fourchettes d’ouverture
très larges afin que celle-ci soit acceptable par tous. Chaque pays peut
aujourd’hui fixer le tarif d’accès à ses
réseaux et ceci conduit, par exemple,
les partenaires de l’Allemagne à parler
de l’ouverture « virtuelle » des marchés
électriques ou gaziers de ce pays –
des tarifs d’accès aux réseaux trop
élevés décourageant les opérateurs
qui voudraient accéder à ce marché.
Par contre, les pays membres ayant
des difficultés de politique intérieure
pour libéraliser leur marché national
attendent de l’Europe une stimulation
ou une capacité à agir. Il est facile de
se cacher derrière l’Europe pour faire
passer des réformes mal acceptées par
l’opinion publique nationale ! Ce fut
le cas de la France lorsqu’il s’est agi
de relever la fiscalité sur le gazole ou
d’ouvrir à la concurrence le marché de
l’électricité. Ce fut le cas de l’Allemagne
lorsqu’il s’est agi de libéraliser (théoriquement) l’ensemble de ses réseaux
de Service public.
On pourra aussi parler d’intégration
économique régionale face à la directive « énergies renouvelables » où à
l’émergence de la « bulle européenne »
face au protocole de Kyoto : dans le
premier cas, la Commission européenne stimule une politique régionale
de promotion des énergies renouvelables en proposant des objectifs nationaux ambitieux que chacun des pays
essaie d’atteindre ; dans le second cas,
cette promotion des énergies renouvelables participe à une politique de
réduction européenne des gaz à effet
de serre.
***
En conclusion, on pourrait ainsi développer de nombreux exemples : la
coopération énergétique a sûrement
participé à l’intégration économique
de l’Europe en encourageant, par la
mise en place d’interconnexions, le
développement de solidarités entre
pays. Mais, attention, on est loin
d’une politique énergétique européenne… ce n’est pas parce que
l’électricité nucléaire est moins chère
« en base » que la France va fournir
l’électricité de base à toute l’Europe !
Plus généralement, les divergences
entre États membres se maintiendront
encore longtemps, que ce soit sur
le sens d’une politique commune de
l’énergie, sur le choix entre sources
d’énergie et sur le rôle de la puissance
publique dans l’organisation du marché.
Et c’est sans doute face à cette réalité
qu’on n’a pas introduit dans le Traité
de Rome un titre consacré à l’énergie
alors même que seul un tel titre donnerait à certains membres la possibilité de contrarier les droits nationaux.
Il ne faut jamais oublier l’impact du
politique sur les choix énergétiques,
et nous sommes loin d’un État
européen !
Certes, en publiant le 29 novembre
2000 le Livre vert « Vers une stratégie
européenne de sécurité d’approvisionnement énergétique », la Commission
européenne tentait une nouvelle
fois de lancer une réflexion sur
l’approvisionnement à long terme
de la Communauté, mais seules des
préconisations seront possibles, il ne
pourra y avoir de définition d’UNE
politique intégrée.
Liaison Énergie-Francophonie • No 53
La restructuration et la
privatisation de l’industrie
charbonnière en Europe
centrale/orientale
et dans la CEI
DR KLAUS BRENDOW
« Le pire est derrière nous » : dès à présent, en Europe
centrale et orientale (ECO) et dans la Communauté
des États Indépendants (CEI), à peu près 95 % de la
production de lignite et 75 % de la production de
houille sont « viables » au niveau local ou national, tout
en n’étant pas « rentables » sur le plan international.
L’approche consistant à « dissocier les mines viables de
celles qui ne le sont pas, à associer ces mines avec leurs
clients (centrales électriques, sidérurgie) et à privatiser
l’ensemble » s’est avérée supérieure au « regroupement
de toutes les mines, maintien du contrôle de l’État,
et privatisation de masse ».
Coordinateur régional
du Conseil Mondial
de l’Énergie (CME),
Genève
À présent
E ntre 1990 et 1998, le déclin de l’industrie charbonnière a été significatif :
• production : − 40% ;
• main d’œuvre : − 50% ;
• nombre de mines : − 30 %.
Cependant, le charbon reste une source d’énergie essentielle : en 1998, il a :
•
•
•
•
satisfait 25 % de la demande d’énergie primaire ;
contribué à 35 % de la production d’électricité ;
enregistré une production de 760 Mt ;
employé 1,2 million de personnes.
Le progrès dans la mise en œuvre des réformes a été significatif. Les aides
directes des États aux investissements et à l’exploitation se sont pratiquement
arrêtées. Les investisseurs privés ont commencé à s’impliquer : déjà 20 % des
capacités de production sont la propriété des investisseurs. Le potentiel de
Coopération énergétique et intégration économique régionale
@
[email protected]
17
productivité – condition préalable
pour de nouveaux progrès – est
important : + 30 %. Beaucoup
d’opportunités commerciales sont
déjà exploitées :
• associations/fusions entre mines
et centrales électriques ;
• production indépendante d’électricité
sur la base de charbon domestique
et importé ;
• drainage du méthane ;
• certification et assainissement
écologiques ;
• production d’équipements miniers
et de techniques de combustion
propre du charbon, gestion minière.
À l’horizon 2005
La restructuration aura été menée à
son terme, accompagnée d’une montée
en puissance de la privatisation :
• la production de charbon réalisée
aux conditions du marché s’élèvera
alors à 50 % de celle réalisée à l’ère
de la planification centralisée ;
• la part de la production de charbon
fournie aux centrales électriques, qui
a atteint 59 % en 1998, continuera
à croître jusqu’à 66 % en 2005 ;
• la part de l’électricité produite à
partir du charbon décroîtra en
ECO, mais augmentera dans la
CEI (conséquence d’une réévaluation du rôle du charbon par rapport au gaz dans la production
d’électricité).
Les perspectives
pour 2010
Ces perspectives comprennent
(en comparaison avec 1997) :
• en ce qui concerne la production
charbonnière :
18
– une augmentation dans la CEI :
+ 23 à 45% ;
– une réduction en ECO : −20% ;
– une augmentation en ECO/CEI
de 10 % entre 1997 et 2010 et
de 15 % entre 1997 et 2020 ;
• en ce qui concerne le commerce
extérieur :
– ECO doublera ses importations,
– ECO/CEI deviendra un importateur net à partir de 2010, avec
des exportations à 30 Mt et des
importations à 30 Mt.
Les problèmes politiques et commerciaux suivants demandent une attention continue :
• l’achèvement de la restructuration,
qui dépend de la disponibilité des
moyens financiers des gouvernements en faveur des programmes
de réduction de main-d’œuvre et
de reconversion régionale ;
• la couverture des besoins d’investissement estimés à 12-14 milliards
pour l’exploitation minière, à
35-40 *billions de dollars pour
la génération d’électricité et à
LE
MESSAGE DU
38 *milliards de dollars pour
l’assainissement écologique ;
• la privatisation, qui doit s’accompagner de l’exemption des charges
financières et écologiques du passé,
qui sont considérables ;
• dans la CEI, la maîtrise de la crise
de paiements et des trocs, qui favorise l’intégration verticale et horizontale plutôt qu’une privatisation
à l’initiative des investisseurs ;
• la poursuite et le financement de
la désulfuration des gaz de combustion, qui sera mise en œuvre sur
(seulement) 20 % de la capacité
des centrales électriques au charbon
d’ici à 2003 ;
• la pollution provoquée par les
petites chaudières de moins de
50 MW, qui n’est pas abordée
du tout ;
• l’adhésion des pays de l’ECO à
l’Union Européenne, qui impose
l’adoption de l’acquis communautaire
principalement en matière de subventions (indirectes et croisées), afin
de ne pas fausser les échanges.
CME
L’image du charbon de l’ECO/CEI a été déterminée par une décennie de difficultés. Comme l’industrie du charbon s’approche de la fin du tunnel, il est temps
de réévaluer la viabilité et le rôle du charbon dans le panorama énergétique et
électrique de l’Europe centrale et orientale. Le potentiel de productivité de l’industrie du charbon est important comme le sontsles perspectives commerciales. En
faisant appel à ces potentiels, la viabilité du charbon ira au delà de ce qui a été
réalisé à ce jour. Toutefois, les réformes devraient progresser et aborder les problèmes identifiés : financement de programmes sociaux et d’investissements,
assainissement de l’héritage environnemental, privatisation, réduction de la pollution provenant des grandes – et, de plus en plu,s petites et moyennes chaudières, et finalement, intégration européenne. Dans la mesure où les réformes
progressent, davantage d’investisseurs jugeront que la situation a changé et qu’il
faudrait réévaluer les opportunités commerciales dans la région.
Liaison Énergie-Francophonie • No 53
Transfert de technologie
Nord-Sud en biomasseénergie industrielle :
l’expérience du
programme COGEN
YVES SCHENKEL
Quand on parle « Énergies Renouvelables » dans les pays
en voie de développement, les expériences qui viennent
rapidement à l’esprit sont : la mise en place de boisement
pour la production de charbon de bois, la mise au point
de foyer améliorés, l’électrification villageoise par
panneaux solaires ou hydrauliennes…
Chef du Département
Génie Rural
Centre de Recherches
Agronomiques
de Gembloux, Belgique
a majorité de ces projets sont souvent subventionnés en quasi-totalité
L
car s’insérant dans un environnement peu solvable. Ceci fragilise en outre leur
longévité quand vient l’heure des entretiens et maintenance. D’où la difficulté
de mettre en place et surtout pérenniser des installations faisant appel à l’économie de marché dans un milieu structuré différemment.
Le programme COGEN, initié en 1991 par le CRA (Centre de Recherches
Agronomiques de Gembloux) et financé par la commission européenne, est
parti de ces constatations pour répondre à la question suivante : quel est le
meilleur moyen de promouvoir la production d’énergie propre et renouvelable
de manière significative, rapide et durable dans les pays en développement ?
Il faut pour cela qu’il y ait une ressource facilement mobilisable, une technologie
de transformation de fiabilité prouvée, un besoin en énergie ainsi qu’une
volonté des acteurs économiques locaux.
Sur base de ces constatations et dans le cadre de la coopération économique
entre l’Union Européenne et l’ASEAN (Association des Nations d’Asie du SudEst – Indonésie, Philippines, Malaisie, Singapour, Brunei, Thaïlande, et, depuis
1997, Vietnam, Laos et Cambodge), le programme COGEN s’est fixé pour but
de transférer les technologies européennes éprouvées de production de chaleur
et/ou d’électricité à partir de biomasse dans les secteurs de l’agro-industrie (riz,
sucre, palme, coco) et de l’industrie du bois par la création de partenariats entre
les entreprises asiatiques et européennes.
Coopération énergétique et intégration économique régionale
@
[email protected]
JEAN-FRANÇOIS
VAN BELLE
Expert technique –
COGEN III
@
[email protected]
19
Au cours de la première moitié des
années 90, les pays de l’ASEAN ont
bénéficié d’un des taux de croissance
économique les plus élevés au monde.
Les taux de croissance annuels du produit intérieur brut dépassaient souvent
les 5 % et même parfois 10 %. Cela a
pris seulement deux à trois décennies
aux « tigres asiatiques » pour s’industrialiser et créer un niveau de richesses
que l’Europe a mis des siècles à
construire.
Parallèlement à cette croissance économique, on a observé une demande
croissante en énergie, qui progresse à
un taux d’environ 7 % par an depuis
1985. Face à cela, les compagnies
nationales de production d’électricité
de l’ASEAN, hormis le Brunei et peutêtre Singapour, rencontrent des difficultés à fournir ces nouveaux besoins
énergétiques. De plus, ni la Banque
Mondiale, ni la Banque Asiatique
de Développement, ni aucune autre
institution financière n’a de ressources
suffisantes pour supporter tous ces
investissements énergétiques.
Pour combler ces besoins, les autorités
nationales changent leurs politiques
pour favoriser la participation de
l’industrie privée dans la production
d’énergie et optimiser l’utilisation
de ressources locales.
Les ressources en
biomasse dans les pays
de l’ASEAN
En dépit de la croissance d’autres secteurs manufacturiers, les économies
de la plupart des pays de l’ASEAN
sont encore largement basées sur
le bois, l’alimentation et les agroindustries. En fait, plusieurs pays de
l’ASEAN se trouvent parmi les plus
gros producteurs mondiaux de produits agricoles, tels que le riz, le sucre
de canne, l’huile de palme, la noix
de coco et le caoutchouc naturel.
20
Figure 1
Ressources annuelles en biomasse (Gwh/an) dans les pays d’Asie du Sud-Est
Noix de coco
Bois
Huile de palme
Sucre
Riz
16 000
14 000
12 000
10 000
GWh/an
Les besoins énergétiques
en ASEAN
8 000
6 000
4 000
2000
0
Indonésie
Malaisie
En 1995, la Malaisie représentait 64 %
de la production mondiale d’huile de
palme. La Thaïlande est un des producteurs majeurs de riz avec, en 1997, une
part de marché approchant les 30 %.
De plus, la Malaisie et l’Indonésie sont
des producteurs et exportateurs de bois
majeurs au niveau mondial.
Toutes ces productions agricoles et
forestières génèrent de grandes quantités de résidus organiques lorsqu’elles
sont conditionnées. Le taux de résidus
par rapport à la matière récoltée varie
entre 20 et 70 %. Le programme
COGEN a ainsi estimé que 130 millions de tonnes de résidus solides
étaient ainsi produites annuellement.
Le producteur principal est l’Indonésie
avec 40 millions de tonnes, suivi par
la Malaisie et la Thaïlande (30 millions
de tonnes). Les Philippines génèrent
autour de 16 millions de tonnes alors
que le Vietnam en produit environ
10 millions. La quantité totale
d’énergie contenue dans ces résidus
se chiffre à 45 000 GWh par an.
Ces résidus sont souvent considérés
comme ayant une très faible valeur économique. Dans certains cas, ils peuvent
représenter un coût important pour les
sociétés en raison des problèmes de
pollution qu’ils peuvent générer .
Philippines
Vietnam
Thaïlande
Au début du programme, la moitié
des résidus étaient utilisés de manière
inefficiente pour la production
d’énergie. Ils généraient ainsi 20 %
de la demande primaire de l’industrie
alors que l’utilisation optimale et totale
de ceux-ci pourrait couvrir 100 % des
besoins. Cela était principalement dû
au manque de connaissance des industriels face à ces nouvelles opportunités
ainsi que, jusque dans un passé récent,
à la faible efficience des techniques
de conversion.
L’industrie européenne
en biomasse-énergie
Afin d’optimiser au mieux le transfert
de technologie entre l’Europe et
l’Asie, le programme COGEN s’est
attaché à identifier l’ensemble des
industriels susceptibles de fournir tout
ou partie des unités de cogénération
biomasse. Un système informatisé a
été mis au point pour optimiser les
projets de transfert de technologie,
en permettant notamment d’identifier
rapidement et de manière optimale
les acteurs européens ayant la volonté,
la capacité et le niveau technique
requis pour réaliser de tels projets.
Globalement, 1300 entreprises étaient
Liaison Énergie-Francophonie • No 53
Transfert de technologie Nord-Sud en biomasse-énergie industrielle
des compagnies européennes
(innovation de marché) ;
Figure 2
Entreprises actives dans le programme COGEN par pays et niveau d’activité
250
• technologie disposant de qualités
techniques, économiques et environnementales : la technologie
mise en place devait être innovante
pour le Sud-Est asiatique d’un point
de vue soit technique (procédé
encore inutilisé dans cette région),
soit économique (meilleur rendement d’une turbine), soit et surtout
environnementale (qualité de l’épuration de l’air, propreté de la combustion, etc.) ;
Non Core*
Soft Core
Hard Core
200
150
100
e
Ukrain
e
ge
Suèd
Espa
POR
NLD
Italie
bour g
Luxem
e
agne
Grand
Br eta egne
Irland
e
Allem
de
Franc
Finlan
mark
Dane
ue
Belgiq
Austr
0
alie
50
* core : noyau ou groupe d’entreprises
reprises dont 400 prioritaires, et parmi
ces dernières une centaine montrait
une grande motivation à la mise en
place d’unités de démonstration dans
le Sud-Est asiatique. Les pays majeurs
sont le Royaume-Uni et l’Allemagne,
suivi par l’Italie, la Belgique, la France
et le Danemark.
Les projets vitrine du
programme COGEN
Après une étude approfondie des
besoins en énergie des différentes
industries disposant de ressources en
biomasse significatives et inutilisées,
voire gênantes (industries du bois,
production d’huile de palme, conditionnement du riz, etc.) ainsi que
d’un inventaire des technologies européennes éprouvées, le programme
s’est attaché à la mise en place de
projets vitrine.
Ces projets vitrine peuvent être
définis comme la mise en place à
échelle réelle et sur site, de technologies éprouvées dans le but de démontrer leur fiabilité technique ainsi que
leur viabilité économique aux utilisateurs potentiels du Sud-Est asiatique.
Les critères principaux pour l’élection
d’un projet vitrine étaient les suivants :
• source d’énergie : le combustible
doit être de la biomasse, c’est-à-dire
des matières végétales ou animales
telles que bois, paille, balle de riz ;
• taille : les projets sélectionnés
avaient de préférence entre 1 et
5 Mwe de puissance électrique. Plus
petits, leur rentabilité est peu probable en milieu industriel en raison
de rendements de conversion extrêmement faibles et d’un coût d’investissement au kWe très élevé. Plus
grand, nous avons en général affaire
à des multinationales possédant déjà
la capacité financière et technique
pour les réaliser, et achetant directement la technologie optimale au
niveau mondial ;
• utilisation d’une technologie déjà
éprouvée en Europe : la technologie
doit être nouvelle dans les conditions asiatiques mais il faut qu’elle
ait déjà largement fait ses preuves
en Europe dans des conditions industrielles. La volonté était d’apporter
des éléments innovants pour l’Asie
mais de limiter les risques de faire
des contre-références et de ne
pas utiliser le Sud-Est asiatique
comme terrain d’essai pour
Coopération énergétique et intégration économique régionale
• rentabilité économique du projet :
une prime allant jusqu’à 15 % de la
valeur de l’investissement, et plafonnée à 400 000 euros était attribuée aux projets. Cette prime est
largement en dessous de celles que
l’on attribue en général aux projets
en énergies renouvelables. De plus,
elle n’était pas prise en compte lors
de l’évaluation économique du projet.
Elle venait simplement en coup de
pouce pour la réalisation de l’étude
de faisabilité et la prise en charge
du surcoût de l’innovation. Les
temps de retour des projets étaient
souvent compris entre 2 et 4 ans ;
• haut potentiel de réplicabilité : afin
de bénéficier du statut de « projet
vitrine », le projet devait avoir de
bonnes chances de servir d’exemple
à la construction d’autres installations similaires en ASEAN, soit du
point de vue de la technologie
utilisée, du type de combustible,
ou encore de la région.
Quatorze projets vitrine ont ainsi été
mis en place. Ces unités sont réparties
dans les différents pays de l’ASEAN
et dans différents secteurs.
À titre d’exemple, nous pouvons citer
la rizerie Bang Heng Bee située dans
le nord de la Malaisie péninsulaire
dans la région de Kedah, grenier à riz
de l’état. Elle a une capacité de traitement de 10 tonnes de riz paddy par
heure et produit dans le même temps
2 tonnes de résidus sous forme de
balles de riz. Les motivations qui
ont amené le directeur de cette usine
➤
21
à investir dans une installation de
cogénération à la biomasse relèvent
à la fois d’une possibilité de se débarrasser de résidus qui devenaient
encombrants mais également la perspective d’économies substantielles
sur les frais énergétiques.
L’unité de cogénération est composée
d’une chaudière à vapeur de 8 tonnes
horaires de capacité. La vapeur saturée
sort à 32 bar de pression. Elle est
libérée dans une turbine à contrepression de 450 kWe. Trois millions
de kcal/h sont prélevées par l’intermédiaire d’un échangeur de chaleur pour
le séchage du riz. La fumée est purifiée au travers d’un multicyclone.
Le coût total d’investissement de
l’installation hors génie civil s’élève
à 1 055 046 euros. Les économies
réalisées annuellement sur l’achat
de carburant s’élevaient en 1997 à
229 358 euros. Quant aux gains sur
la mise en décharge des résidus, ils
étaient estimés à 11 927 euros. De
plus, la compagnie a la possibilité
d’engranger un revenu supplémentaire
au travers de la vente des cendres de
combustion, riches en silice, qui intéressent particulièrement l’industrie
de l’électronique. Le montant annuel
de cette vente est de 164 220 euros.
Le temps de retour sur investissement
de l’unité de cogénération était de
trois ans après mise en route.
À l’autre bout de l’échelle, on trouve
l’unité de cogénération de Keningau,
dans le Sabah, au nord de l’île de
Bornéo. Elle est située au sein d’un
complexe industriel du bois comme
on en rencontre régulièrement le long
des cours d’eau au sein des forêts
denses humides du Sud-Est asiatique.
En effet, les unités de transformation
du bois qui étaient au départ de petites
unités de sciage ou de déroulage peuvent regrouper maintenant outre ces
deux activités, la fabrication de meubles et de MDF, le tout loin de toute
zone urbaine. Cela augmente significativement les besoins en énergie et
la nécessité de gérer la production
de résidus. Cette situation rendait
intéressante l’installation d’une unité
22
de cogénération de 10 MW de puissance électrique. Cette dernière est
composée d’une unité de conditionnement des résidus d’une capacité de
20 tonnes par heure, suivie d’un silo
d’un volume de 630 m3. La chaudière
à double tambour et tubes d’eau fournit
52 tonnes de vapeur surchauffée à
435 degrés et 43 bar de pression à un
groupe turbo-générateur à condensation complète. Les 5 338 000 euros
d’investissements de cette unité furent
récupérés en deux ans grâce aux économies substantielles sur l’achat des
carburants fossiles et la non-mise en
décharge des résidus.
Comme vitrine dans la filière biomasse humide, le programme COGEN
a installé une unité de biométhanisation dans une usine de production
de caoutchouc. Les déchets humides
provenant de la production du caoutchouc naturel sont digérés, après
un traitement physico-chimique au
travers d’un digesteur anaérobique.
Celui-ci dispose d’une capacité de
production de 326 m3 de biogaz par
heure. Ce gaz est transformé en chaleur au travers de deux brûleurs de
1 et 2 millions de kcal alimentant les
besoins en énergie thermique et électrique de l’usine. Les boues résiduelles
sont ensuite traitées de manière
aérobique.
***
Grâce au programme COGEN, la
démonstration a été faite qu’une
coopération qui lie à la fois les secteurs privé et public, d’une part, et
entre différentes régions, d’autre part,
était possible et bénéfique pour le
développement des projets en biomasse-énergie. Grâce aux actions
du programme, des investissements
pour plus de 100 millions de dollars
ont été générés en Asie du Sud-Est en
cogénération biomasse, participant à
la fois au développement économique
ainsi qu’à un environnement plus
propre.
EN COURS DE DIFFUSION
Actes de l’Atelier régional sur l’acquisition des données
en biomasse énergie (Togo juin 2001)
Atelier organisé par la FAO et le Ministère de l’Environnement du Togo, et leurs partenaires (RPTES-Banque mondiale, IEPF). Cet évènement FAO a vu la participation d’une
centaine d’experts en provenance de 19 pays francophones et de 16 organismes
régionaux et internationaux impliqués dans le secteurs.
Pour obtenir une copie, visiter le site FAO : www.fao.org/forestry/FOP/FOPW/
ENERGY/public-e.stm ou contacter : Miguel Trossero, [email protected],
Rudi Drigo, [email protected], Boufeldja Benabdallah, [email protected].
Guide technique sur l’électrification rurale décentralisée.
Cet ouvrage majeur, rédigé en français, sur ce secteur en pleine expansion est le fruit
de la collaboration des partenaires suivants : ADEME, CIRED-CNRS, FONDEM et IEPF.
Quelques 27 auteurs ont contribué à cet ouvrage.
Pour commande, s’adresser à : Yves-Bruno Civel, [email protected] ou Boufeldja
Benabdallah, [email protected].
Liaison Énergie-Francophonie • No 53
De l’Électrification Rurale
Décentralisée (ERD) à la
Société de Services pour
le Développement (SSD)
Vers une première application
dans la zone OMVS
Deux à trois milliards d’êtres humains n’ont pas accès
à l’électricité. Concentrées dans des zones rurales et
périurbaines, ces populations font l’objet d’une attention
particulière de la part d’un homme passionné et engagé,
Bernard Klein.
BERNARD KLEIN
Président du
GIE SYNERDEV
Polytechnicien –
économiste
B
ernard Klein revendique depuis neuf ans une approche industrielle et
partenariale pour créer les conditions d’un développement à long terme, lequel
INSEE (ENSAE)
apparaît possible dès maintenant :
• dans les zones d’immigration en mobilisant utilement les ressources de la
diaspora ;
• dans les zones disposant de ressources propres par la vente de produits
(coton, riz, thé, poissons) commercialisables sur le marché international
qui reste à rendre un peu plus équitable.
Il préconise aujourd’hui la création de sociétés d’un type nouveau, les Sociétés
de Services pour le Développement (SSD), dont l’action, dynamisée et
ordonnée à la fois par l’identification et le montage de projets concrets de
développement et par la fourniture pérenne des services de base (électricité,
eau, téléphone), nécessaires aux porteurs locaux de ces projets, viserait à faire
émerger un véritable processus de développement économique et social durable
dans les zones d’intervention.
Interview
LEF : Que pensez-vous du thème « Coopération énergétique et intégration régionale » ?
Il convient de féliciter la rédaction de « Liaison Énergie – Francophonie »
d’avoir retenu les thèmes croisés de coopération énergétique et d’intégration
régionale. Je suis d’origine lorraine : l’Alsace et la Lorraine ayant été annexées
à l’Allemagne entre 1871 et 1918, puis entre 1940 et 1945, je suis bien placé
pour apprécier le fait que la France et l’Allemagne aient pu enfin dépasser
leur antagonisme ancestral dans la revendication territoriale sur l’Alsace et la
Coopération énergétique et intégration économique régionale
@
[email protected]
23
Lorraine – sur la base du Traité
Charbon Acier, c’est-à-dire d’une coopération industrielle comportant un volet
énergétique essentiel et ouvrant la voie
à une intégration régionale européenne
à six à l’origine, à 15 aujourd’hui,
demain à 20 ou 25 peut-être.
Je suis certain qu’un même type
de coopération énergétique, mutatis
mutandis, s’appliquant à un projet
industriel de développement économique et social durable, aurait
aujourd’hui et demain, ici et ailleurs,
les mêmes effets pacificateurs et unificateurs dans le respect de la différence des partenaires concernés.
Quant à E.D.F., où mes pas m’ont
conduit, elle a toujours manifesté un
intérêt fort pour les actions de coopération énergétique en se dotant, dès
son origine en 1946, d’une Inspection
Générale pour la Coopération
(IGECO), devenue Direction
des Affaires Extérieures et de la
Coopération (DAFECO). Il est vrai
qu’avec le temps, DAFECO devenant
Direction des Affaires Internationales
(DAI), les ventes de services l’ont
finalement emporté sur les actions de
coopération (soutien aux nouvelles
sociétés d’électricité après les indépendances et actions de formation).
Puis vinrent les années 1990 et le
véritable tournant international pour
EDF comme pour les autres sociétés
d’électricité, avec l’ouverture d’un
nouveau marché, celui des entreprises
d’électricité elles-mêmes, à travers prises
de participation dans les sociétés existantes et construction de centrales
électriques ou de réseaux neufs donnant naissance à des sociétés titulaires
de BOT (Built, Operate and Transfer)
de production ou de transport.
Pendant les trois premières années
(1990/1992) de cette nouvelle
période, EDF a abordé le domaine
de la coopération à travers trois organismes indépendants de type ONG :
• la Fondation Energie pour le Monde
avec Gaz de France et TOTAL,
• les Clubs CODEV du personnel,
• le réseau E7 des grandes entreprises
d’électricité appartenant aux pays
du G7.
En 1993, à travers différents accords
de coopération avec l’ADEME (qui
ont toujours été reconduits), EDF
était amenée à s’impliquer aussi dans
le domaine de l’électrification rurale
décentralisée (catégorie qui avait
remplacé celle de pré-électrification)
pour satisfaire en France aux besoins
d’électricité de consommateurs isolés
et pour développer à l’international et
dans les pays en développement des
solutions d’équipement énergétique
spécifiques pour les zones rurales non
desservies en électricité par réseau. Un
UNE
MINICENTRALE HYDROÉLECTRIQUE PILOTE À MADAGASCAR
Le micro réseau pour utilisation de l’électricité produite par la minicentrale
hydroélectrique de Tsarasoatra-Ambositra, Madagascar est en voie de terminaison. Il
permettra d’une part l’électrification d’environ 120 habitations dans un rayon de
1,5 km autour de la minicentrale de Tsarasoatra, et d’autre part l’alimentation des
installations de production de l’ONG Amontana (mini scierie, menuiserie,
décortiqueuse de riz, couveuse). Les modalités de gestion sont également en voie
de mise en place conformément au Décret d’application de la Loi régissant ce secteur.
Pour plus d’information, s’adresser à : Rodolphe Ramanantsoa, [email protected]
ou Rakoto Arizoa Eloi, [email protected] ou Boufeldja Benabdallah,
[email protected].
24
domaine Assistance coopération était
ainsi créé à la Direction Internationale,
dont j’ai eu la charge jusqu’à mon
départ en inactivité en juillet 2000.
Bien évidemment, les actions de
coopération énergétique, c’est-à-dire
d’aide au développement par l’énergie
et l’électricité, doivent être distinguées
des actions humanitaires, destinées aux
régions du monde où l’aide alimentaire
incluant la fourniture d’eau potable et
la santé publique constituent malheureusement la priorité absolue.
LEF : Quelles zones et villages avez-vous
retenus pour les expériences pilotes menées
par EDF ?
Au démarrage de l’accord ADEME /
EDF de coopération en pays tiers
(1993), le programme phare était le
Programme Régional Solaire (PRS) qui
a permis l’installation, au double titre
de la coopération européenne au Sud
et du soutien à l’industrie photovoltaïque du Nord, de pompes solaires
dans plus de 700 villages des neufs
pays du Comité Inter-États de Lutte
contre la Sécheresse au Sahel (CILSS),
première forme d’intégration régionale
ici identifiée liée à la nature du climat
sahélien entre désert et tropique.
C’est donc naturellement parmi ces
neuf pays – dont deux, le Burkina Faso
et le Niger, appartiennent aussi au
Conseil de l’Entente, deuxième forme
d’intégration régionale autour d’un
pays plus riche et d’immigration,
la Côte d’Ivoire – que nous avons
sélectionné avec TOTAL et FRANCE
TELECOM, trois pays (Burkina Faso,
Mali, Tchad), puis trois villages par
pays après études de terrain, pour y
développer sur des sites PRS jugés
performants et à potentiel, le premier
concept multi-services mais monoénergie (photovoltaïque) de Centre de
Communication et d’Activités (CCA).
Par la suite, le Tchad a dû être remplacé par le Bénin qui ne fait pas partie
du CILSS mais du Conseil de l’Entente.
Les CCA ont pour but d’offrir aux
populations disposant d’un service
de distribution d’eau potable correct
Liaison Énergie-Francophonie • No 53
De l’Électrification Rurale Décentralisée (ERD) à la Société de Services
(en l’occurrence PRS-FED ou AFD
pour le Bénin) et d’un intervenant
technique photovoltaïque compétent,
en l’occurrence l’installateur assurant
la maintenance des équipements
solaires de pompage PRS :
• des services marchands (téléphone,
séances de magnétoscope – télé,
location de kits photovoltaïques
mobiles, de lampes solaires portatives, recharge de batteries, ventes
de boissons fraîches) ;
• des services non marchands
d’intérêt local dans les locaux communautaires (maternité, dispensaire,
école, etc.) et d’éclairage public.
Les bureaux d’études concernés ont été :
• SEMIS pour le Burkina Faso
• TRANSENERGIE – AFRITEC
pour le Mali
• BURGEAP pour le Bénin
et les installateurs PRS / CCA :
• Sahel Energie Solaire pour le
Burkina Faso
• SOMIMAD pour le Mali
• ENERDAS pour le Bénin
soit une majorité d’intervenants
africains.
Au Burkina Faso, l’option prise à l’origine, calquée sur le modèle PRS, a été
de transférer la propriété et la gestion
des CCA aux trois villages considérés –
du moins sur une période expérimentale de trois ans. Après ces trois ans
de pratique et en raison des difficultés
rencontrées, il est apparu nécessaire
à EDF en 1998 de reprendre la propriété des installations et d’en confier
l’exploitation à l’installateur Sahel
Énergie Solaire, chargé par ailleurs de
la maintenance des équipements PRS.
Au Bénin, l’option prise a été de transférer la propriété des installations
CCA à l’État à travers le ministère
en charge de l’énergie et de confier
l’exploitation au chargé d’étude du
bureau qui avait effectué les études de
faisabilité (BURGEAP) et qui a constitué sa propre société locale (BHVE).
Au Mali, l’option prise a été de conserver la propriété des installations et
d’en confier l’exploitation à l’installateur SOMIMAD, chargé également de
la maintenance des équipements PRS.
Ainsi, EDF et ses partenaires ont
recherché dans cette première phase
de Recherche et Développement,
pour ce type d’expériences pilotes
qui ne portent d’ailleurs que sur un
nombre limité de villages,
• un propriétaire existant : eux-mêmes,
l’État, les « villages » ;
• un gestionnaire existant : les
« villages », l’installateur, le bureau
d’études.
Des études sociologiques de terrain,
en particulier celles menées part
Thomas Gaudin (CNRS – Gestion
et société, actuellement CODEV),
ont montré que l’on ne pouvait pas
échapper « simplement » à l’emprise
du village :
• sur la propriété des installations,
en transférant celles-ci à l’Etat
ou en les conservant en tant
qu’investisseur ;
• sur la gestion, en la confiant au
bureau d’études ou à l’installateur
devenu exploitant.
En effet,
1. Le « village » se définit comme
propriétaire et responsable des
installations dans la mesure où il
considère tous les apports extérieurs (ici EDF, ADEME, TOTAL)
comme des dons, a fortiori s’il a
financé une partie des investissements (par exemple le génie civil).
2. Le « village » se positionne comme
gestionnaire de fait des installations, dans la mesure où il exerce
des moyens de pression directs
ou indirects sur l’exploitant :
– à travers l’attribution du contrat
de maintenance pour les pompes
PRS (cas de l’installateur PRS),
– à travers la nomination des
personnels,
– à travers l’affectation des kits
solaires quand la demande
dépasse l’offre,
– etc.
LEF : Comment sortir de cette situation
qui a partout montré ses limites ? À travers
quel concept ?
Pour sortir de cette situation – et
contrairement aux idées reçues :
• Le « village » ne devrait pas
contribuer directement – comme
investisseur – au financement
des installations.
• Le « village » ne devrait pas contribuer directement ou indirectement
à la gestion.
C’est selon ces principes novateurs
qu’EDF, ADEME et FONDEM,
d’une part, les États membres de
l’OMVS(*), le CILSS et le Conseil
de l’Entente, d’autre part, ont lancé
en 1996 à Vienne, sous les auspices
de l’ONUDI, quelques mois après le
séminaire de Marrakech, le concept
de Société de Services Décentralisés.
Les SSD ont été définies à l’origine, et
se sont effectivement révélées, comme
des sociétés commerciales (de forme
anonyme) assurant la fourniture de
services énergétiques dans la durée :
• le service de l’éclairage et la
fourniture de courant pour
l’audiovisuel dans la phase de
démarrage ;
• d’autres services (eau, téléphone,
chaud, froid, puissance pour les
besoins productifs) dans une phase
ultérieure.
C’est ainsi que deux SSD ont été
créées au Mali :
• SSD E.N. avec NUON dans la
zone cotonnière,
• SSD S.A. avec E.D.F. et
TOTALFINAELF dans la zone
du fleuve Sénégal,
dont j’ai été président de décembre
1999 à novembre 2001, avec cette
particularité d’avoir exercé cette
fonction en inactivité de service
(retraite) à partir de juillet 2000.
➤
Coopération énergétique et intégration économique régionale
25
LEF : Quels enseignements tirez-vous de cette
première expérimentation du concept de SSD ?
a) Services de confort
Les services électriques de confort
devraient être réservés à la clientèle
locale solvable et ne pas constituer
une composante essentielle, sinon
exclusive, de la stratégie de développement des SSD dans l’avenir.
Ainsi donc, dans un pays comme
le Mali où le taux d’électrification
ne dépasse pas 10 %, une couverture
de 10 % de services de confort
par rapport à l’ensemble de la
population des villages paraît
justifiée, et non pas de 50 ou 60 %
comme dans la capitale du Mali,
Bamako, où le prix de l’électricité est plus bas, du fait de
l’interconnexion, et où le niveau
de vie des habitants est plus élevé.
b) Services à caractère social
Les SSD devraient pouvoir
conforter ou initier la création de
services à caractère social comme
la distribution d’eau potable ou
la conservation des vaccins et
médicaments, en partenariat avec
des ONG telles que FONDEM
ou Action Sahel ou toute autre,
moyennant les financements nécessaires y compris ceux émanant
des ministères de l’Hydraulique,
de la Santé ou de l’Éducation.
Bien évidemment, c’est dans le
domaine du développement social
que des partenariats avec les
associations de villages pourraient
être maintenus, sous réserve d’avoir
résolu la question du financement
desdits services.
c) Services permettant le développement
économique
Là est le cœur du problème.
La fourniture pérenne de services
de base et en particulier de
l’électricité, y compris celle
qualifiée de puissance, ne constitue
qu’une condition nécessaire mais
non suffisante du développement
économique local.
Celui-ci suppose aussi et surtout
l’identification et la validation sans
26
complaisance de projets permettant
la modernisation d’organisations
existantes et la création d’entreprises
fournissant des produits commercialisables de façon rentable :
– dans le village considéré ou à
son voisinage,
– à la ville ou à l’étranger sur
d’autres marchés, moyennant
stockage, conservation et
transport.
L’opérateur SSD de la deuxième
génération, après l’épreuve de la
réalité au Mali, devenu Société de
Services pour le Développement,
sera non seulement en mesure
d’assurer le service de l’énergie
dans la durée mais encore et
surtout de créer directement ou
indirectement, après études de
marché et plan d’affaires, des entreprises économiquement saines,
socialement utiles, futures clientes.
LEF : Quels partenaires pour constituer
le nouvel opérateur SSD ?
Comme cela vient d’être montré, les
opérateurs SSD relèveraient de deux
types aujourd’hui séparés et qu’il
conviendrait donc de réunir :
• opérateurs de services d’une part,
• bureaux d’études auxquels pourraient
être associés des banques de développement ou organismes de crédit,
d’autre part.
Les opérateurs de service
Le constat doit être fait que seuls
les grands groupes développant leurs
activités au plan mondial sont en
mesure de s’impliquer dans la durée, de
réaliser des programmes multiservices à
grande échelle dont le monde rural a
besoin et d’entraîner des partenaires
locaux – dès lors que la rentabilité des
apports en capital est assurée.
Ces opérateurs de services existent.
d) L’analyse du processus que nous
avons nous-même initié en 1993
montre qu’EDF, malgré l’entrée de
l’électricité dans l’univers concurrentiel, devrait rester un partenaire
important sur le champ de
l’électrification rurale décentralisée
au service du développement rural.
e) Les repreneurs des sociétés d’électricité du Sud, sociétés d’électricité
du Nord ou sociétés de distribution
d’eau potable (SAUR au Mali),
sinon les sociétés nationales ellesmêmes, peuvent être chargés par
les États de mission d’électrification
rurale dans une perspective de
développement économique et
social durable.
f) Des entreprises d’électricité et multiservices en mode réseau et qui ont
une stratégie de développement des
énergies renouvelables peuvent
aussi, comme NUON, avoir intérêt
à s’associer à un tel processus pour
savoir et pouvoir couvrir l’ensemble
du champ multiservices et énergies
renouvelables en mode réseau et en
mode décentralisé.
g) SHELL, BP, tout comme
TOTALFINAELF, qui ont créé
des filiales spécialisées dans les
énergies renouvelables (photovoltaïque, plus particulièrement),
peuvent, en s’engageant dans un tel
projet, développer leurs ventes à la
fois dans le domaine des énergies
conventionnelles (carburants pour
les groupes électrogènes, pétrole
ou butane pour les applications
thermiques) et dans celui des
systèmes solaires ou autres.
Les bureaux d’études et consultants
compétents existent…
Nous les avons identifiés et mobilisés
depuis 1993 :
• pour que les trois grands groupes de
services (EDF en 1993, puis NUON
en 1997, enfin TOTALFINAELF
en 1999) inscrivent, au niveau de
leurs comités stratégiques, le thème
de l’ERD comme thème prioritaire
avec les actions Recherche et
Développement et expérimentations nécessaires ;
• pour que le Mali accepte d’initier
un projet industriel de développement en zone du fleuve Sénégal
(1999) et en zone cotonnière (1998),
la Mauritanie et le Sénégal donnant
leur accord de principe pour
conduire également de tels projets ;
Liaison Énergie-Francophonie • No 53
De l’Électrification Rurale Décentralisée (ERD) à la Société de Services
• pour que les projets ERD/SSD avec
plan d’affaire soient validés par les
grands groupes au niveau de leurs
comités des investissements ;
• pour que puissent être créées (1999)
et lancées au Mali deux sociétés
de services décentralisées, dont la
première (SSD S.A.) pour la zone
du fleuve Sénégal ;
• pour que cette société SSD S.A.
dispose de personnel qualifié,
formé à l’atelier électromécanique
de KAYES (ANPE/IDS) ;
• pour que cette société dispose
de l’accompagnement nécessaire
pendant sa période de démarrage.
Nous les avons également mobilisés
sur la sélection de villages et des études
de projet au Burkina Faso, au Mali,
au Bénin, au Tchad ; mais aussi au
Maroc, en Mauritanie, au Cambodge,
et nous avons pu constater que les
compétences existaient localement,
à l’exception de celles relatives au
montage financier d’entreprises
nouvelles – domaine d’expertise qui
pourrait faire l’objet d’un séminaire de
formation sur la base d’études de cas
présentés par les bureaux d’études et
consultants reconnus dans le milieu
des affaires.
LEF : Quelles zones d’interventions ?
Quels soutiens ?
Le Mali et l’OMVS – dont le haut
responsable actuel est le ministre
malien chargé de l’énergie en 1966 qui
a retenu, avec ses collègues des pays de
l’OMVS, les représentants du CILSS
et du Conseil de l’Entente, le concept
de SSD première formule – se sont
déclarés intéressés par l’application d’un
nouveau concept de SSD intégrant le
retour d’expérience du Mali.
Ce sont donc les territoires traversés
par les réseaux de transport de
l’électricité produite par la centrale
de MANANTALI (mise en service
au début de 2002) qui pourraient
connaître le développement à travers
le lancement d’un premier programme
d’électrification à grande échelle
en mode réseau comme en mode
décentralisé.
Il faut savoir qu’une grande partie des
villages de la zone du fleuve Sénégal
ne sera pas raccordée au réseau HT de
l’OMVS et aux réseaux MT nationaux
pour des raisons économiques (niveau
faible des consommations et grande
dispersion des villages).
Il est donc justifié de prévoir, à côté
d’un programme d’électrification rurale
classique en mode réseau à partir
du réseau HT de MANANTALI,
un programme complémentaire
d’électrification rurale décentralisée
où l’électricité sera produite au
moindre coût.
L’intérêt de développer un tel projet
d’intégration régionale est également
à situer au plan de la coopération
énergétique Nord-Sud.
Il est juste que l’aide publique au
développement (APD), du fait de la
volonté des États concernés, ne soit
pas réservée aux seules grandes villes
et grandes entreprises des pays
du Sud, mais prenne en compte les
besoins des populations, artisans
et commerçants des zones rurales.
Il est également juste que les pays du
Nord comme du Sud, en premier lieu
ceux réunis au sein de la Communauté
Francophone, s’intéressent aux zones
d’émigration en créant les conditions
d’un développement durable
rééquilibré et solidaire, de nature
À
à limiter l’exode rural et les flux
migratoires.
Un tel changement de perspective, où
l’activité d’études et/ou celle visant à
fournir des services de base n’est plus
une fin en soi, mais devient un moyen
du développement économique et
social durable – donc aussi de la
promotion des femmes et enfants,
de la lutte contre la pauvreté, de la
défense de l’environnement, etc.,
suppose le soutien d’organismes
porteurs de telles missions d’intérêt
général, comme les PNUD,
UNESCO, ADEME et bien sûr l’IEPF
à travers des partenariats opérationnels. Demain, ils se lieront avec
les Sociétés de Services pour le
Développement, et elles-mêmes
aujourd’hui avec les bureaux d’études
et les opérateurs de service, du moins
les plus conscients d’entre eux. Ces
soutiens sont acquis – celui de l’IEPF
en particulier.
Les auteurs de cette interview tiennent à
exprimer leur gratitude à l’IEPF dont le
soutien n’a pas manqué, malgré les difficultés
tout au long de l’année 2001, pour leur
permettre de préciser contours, contenus et
conditions d’existence de cette nouvelle voie
SSD en vue d’une première concrétisation et
intégration dans le projet de développement
rural de l’OMVS – après reformulation
en 2002 et du projet et de la voie SSD
par les États concernés.
SURVEILLER
Symposium international sur l’énergie éolienne 2002
Nouakchott, Mauritanie
Le comité de pilotage composé des représentants de Acces-EDF, ADEME, ADERMauritanie, ANER-Tunise, APRUE Algérie, ASER-Sénégal, CDER-Maroc, DGTR-Région
Wallonne, MAE-France, RPTES-Banque mondiale, MNR-Québec, UEMOA, UNESCO,
s’est réuni à Bruxelles (DGTI-RW) pour fixer les grandes lignes thématiques de
l’évènement ainsi que son organisation prévu pour novembre 2002. Pour plus
d’information, s’adresser à : Boufeldja Benabdallah, [email protected].
Réédition du Guide technique photovoltaïque
Diffusion prévue en 2002. Pour plus d’information, s’adresser à : Yves-Bruno Civel,
[email protected] ou Boufeldja Benabdallah, [email protected].
Coopération énergétique et intégration économique régionale
27
Coopérer pour relever
le défi de l’essence
sans plomb en Afrique
CHRISTINE COPLEY
Les résultats de la Conférence
de Dakar sur l’élimination
de l’essence sans plomb
L’Afrique Sub-Saharienne est l’une des rares régions de
notre planète qui utilise encore de l’essence contenant
du plomb, ce qui cause d’importantes concentrations de
cet élément dans l’atmosphère, lesquelles ont, à leur
Banque Mondiale
tour, un impact significatif sur la santé humaine, les
enfants étant les plus affectés. L’élimination progressive
@
du plomb de l’essence est une première étape, vitale,
[email protected]
l’air urbain, qui produit en outre des bénéfices immédiats
sur la population.
ELEODORO
MAYORGA ALBA
Banque Mondiale
@
[email protected]
28
vers une stratégie globale de gestion de la qualité de
essence contenant du plomb constitue la plus grande source d’exposition
L’
au plomb que connaisse l’homme. Les conséquences sur la santé d’une telle
exposition au plomb sont sérieuses Elles affectent le développement mental et
physique des enfants et sont la cause de l’élévation de la tension artérielle, de
maladies cardio-vasculaires, neurologiques et rénales chez les adultes. Alors que
80 % de l’essence vendue dans le monde est maintenant sans plomb, l’Afrique
demeure l’exception. Le passage rapide à l’essence sans plomb est considéré
comme le premier pas vers la réduction de la pollution atmosphérique en
Afrique, améliorant par là même la santé et la qualité de vie de millions d’individus, notamment les populations défavorisées en milieu urbain, qui sont celles
qui souffrent de manière disproportionnée d’une telle exposition aux polluants
atmosphériques.
Dans le cadre de l’Initiative sur la qualité de l’air dans les villes d’Afrique subsaharienne, une Conférence sur l’élimination du plomb dans l’essence en Afrique subsaharienne
a été organisée par la Banque Mondiale et s’est tenue à l’Hôtel Méridien
Président, à Dakar, Sénégal, du 26 juin au 28 juin 2001.
Liaison Énergie-Francophonie • No 53
Coopérer pour relever le défi de l’essence sans plomb en Afrique
Les objectifs spécifiques de cette conférence régionale étaient les suivants :
1) Relever le degré de sensibilisation
relatif aux effets dommageables du
plomb sur la santé et établir un
consensus entre les principales parties prenantes sur les problèmes et
les priorités techniques, réglementaires, institutionnels et économiques liés au passage à l’essence
sans plomb.
2) Formuler des plans d’action pour
le passage à l’essence sans plomb,
avec un échéancier et des indicateurs de suivi.
La Conférence a rassemblé environ
200 participants en provenance de
25 pays et représentant un éventail
varié de corps gouvernementaux
nationaux et locaux, d’institutions
académiques et de recherche, d’organisations internationales et d’ONG.
L’approvisionnement en essence en
Afrique subsaharienne est assuré par
des raffineries locales, le complément
étant fourni par les importations. Ce
modèle d’approvisionnement peut
être subdivisé en cinq sous-régions
géographiques, chacune d’entre elles
étant dominée par des centres clés de
raffinage. Un groupe de travail a été
formé pour chacune des cinq sousrégions, et un temps de discussion a
été alloué, dans le but de formuler des
plans d’actions pour passer à l’essence
sans plomb dans la région considérée.
Un consensus est apparu sur :
• l’impact négatif du plomb, les
enfants étant les plus affectés ;
• l’urgent besoin de passer à l’essence
sans plomb ;
• une nécessaire coopération au plan
sous-régional, portant notamment
sur l’harmonisation des spécifications techniques ;
• l’absence de contraintes techniques
additionnelles concernant le passage à l’essence sans plomb des
véhicules existants ;
• le besoin d’une stratégie de mise
en œuvre d’ensemble (information
technique, institutionnelle, financière et du public).
Le résultat le plus important de la
conférence fut la formulation d’une
Déclaration, acceptée par toutes les
parties (voir page 30), qui affirme que
le plomb sera complètement éliminé
de l’essence dans tous les pays de
l’Afrique Subsaharienne le plus tôt
possible, et au plus tard en 2005.
La déclaration commune n’a pas
seulement souligné la résolution des
décideurs d’aborder le problème de
l’essence à plomb. Elle a aussi été
entièrement sanctionnée par l’industrie pétrolière. Le vice-président pour
la Sécurité, la santé et l’environnement de la compagnie ExxonMobil,
Dr Frank Sprow, représentait
l’Association Internationale de
l’Industrie Pétrolière pour la
Préservation de l’Environnement
(AIIPPE /IPIECA) à la Conférence
de juin et a promis le soutien de
l’industrie pétrolière internationale.
« IPIECA veut voir éliminé le carburant à plomb dans tous les pays du
monde, et nous sommes prêts à faire
de notre mieux pour que cela ait
lieu », a-t-il dit. L’industrie, à travers
IPIECA, travaille avec les gouvernements africains à rationaliser le processus d’élimination, à éviter les
interruptions d’approvisionnement,
à réduire les coûts et à améliorer la
qualité de l’air.
La conférence a produit cinq plans
d’action sous-régionaux en vue de
procéder à l’élimination progressive
de l’essence à plomb. Chaque sousrégion a soumis des étapes techniques
et des échéanciers spécifiques pour
cette élimination. Un autre développement important a été la création
d’un réseau de quatre-vingts spécialistes africains ou « AFRIQUEPROPRE/
AFRICACLEAN » (et le nombre
Tableau 1
L’approvisionnement en essence en Afrique subsaharienne
Sous-régions
Pays
Centres de
raffinage clés
Afrique occidentale
Burkina Faso, Cap Vert, Côte d’Ivoire, Gambie,
Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Mali,
Mauritanie, Sénégal, Sierra Leone
Côte d’Ivoire, Ghana,
Sénégal
Nigéria et Pays Voisins
Bénin, Niger, Nigéria, Togo
Nigéria
Afrique centrale
occidentale
Cameroun, République centrafricaine, Tchad,
Congo (Brazzaville), République démocratique du
Congo (Kinshasa), Guinée équatoriale, Gabon,
Sao Tome et Principe
Cameroun,
République démocratique du Congo
(Kinshasa), Gabon
Afrique australe
Angola, Botswana, Comores, Lesotho,
Madagascar, Maurice, Mozambique, Namibie,
Seychelles, Afrique du Sud, Swaziland, Zambie,
Zimbabwe
Angola, Afrique du Sud
Afrique orientale
Burundi, Érythrée, Éthiopie, Djibouti, Kenya,
Malawi, Rwanda, Somalie, Soudan, Tanzanie,
Ouganda
Kenya
• une nécessaire collaboration avec les
industries automobiles et pétrolières ;
➤
Coopération énergétique et intégration économique régionale
29
ne cesse de s’accroître) chargé de
développer une certaine expertise
régionale sur la pollution aérienne et
de superviser les progrès en matière
de diminution de cette pollution
aérienne, tout en donnant la priorité,
dans ce but, à l’élimination de
l’essence à plomb. Une banque de
données a été préparée en ce qui concerne les spécificités de l’approvisionnement en essence à travers chaque
région, ainsi qu’une bibliographie à
jour sur l’élimination du plomb. Un
certain nombre d’initiatives régionales
sont aussi en cours de réalisation pour
accélérer cette élimination, y compris
une convention régionale sur la pollution aérienne, une présentation de
ce programme d’élimination à la
Conférence de Rio+10 prévue en
2002 à Johannesburg ainsi qu’à une
réunion du Conseil des Ministres
africains de l’Environnement.
Les coûts d’élimination de l’essence à
plomb sont relativement bas. Dans
beaucoup de pays, il y a encore une
certaine incompréhension des risques
de l’exposition au plomb ; une certaine
confusion apparaît souvent en ce qui
concerne les difficultés techniques
d’élimination de l’essence à plomb.
Contrairement à l’idée fausse ordinaire, il n’y a aucune contre-indication à l’utilisation de l’essence sans
plomb dans les moteurs âgés. En
Afrique subsaharienne, une grande
partie du succès de l’élimination
dépendra du degré de prise de conscience du public en la matière. La
Banque Mondiale a produit une vidéo
informative de 15 minutes sur le problème, qui sera largement diffusée par
les stations de télévision à travers la
région pour assurer une diffusion
maximale vers les décideurs et la
population générale en Afrique.
Pour plus d’information relative à
la Conférence et sur le travail de
l’Initiative Air Propre, contacter
www.worldbank.org/cleanair.
30
CONFÉRENCE
RÉGIONALE SUR L’ÉLIMINATION DU
PLOMB DANS L’ESSENCE EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE
Déclaration de Dakar
Les participants de 25 pays d’Afrique subsaharienne, représentant les
gouvernements, l’industrie et la société civile et des organismes internationaux qui ont pris part à la Conférence régionale sur l’élimination
du plomb dans l’essence (Dakar, 26-28 juin 2001), ayant considéré :
• Les recommandations et les résolutions de l’OMS, la BM et du PNUE déclarant le caractère prioritaire de l’élimination du plomb à travers le monde ;
• Que les enquêtes sur les niveaux de plombémie dans les villes de l’ASS démontrent souvent que les paramètres de l’OMS sont dépassés, mettant surtout en
danger le développement et la performance intellectuelle chez l’enfant ;
• Que les retards apportés à l’utilisation de l’essence sans plomb empêchent
l’introduction de véhicules équipés de pots catalytiques et donc le développement des politiques de qualité de l’air dans les villes en expansion de l’ASS ;
• Le soutien exprimé par l’industrie pétrolière et les ONG en faveur d’une action
gouvernementale rapide relative à l’élimination du plomb dans l’essence ;
Sont convenus de :
1) Joindre leurs efforts afin d’accélérer la formulation et la mise en œuvre de
programmes destinés à totalement éliminer l’essence à plomb dans tous les
pays de l’ASS le plus tôt possible, et au plus tard d’ici 2005.
2) Recommander aux gouvernements de réduire le contenu en plomb dans
l’essence – actuellement 0,8g/litre dans la plupart des pays de l’ASS – à une
moyenne au plus de 0,4g/litre en 2002 et à une moyenne au plus de 0,2g/litre
en 2003.
3) Encourager les pays ayant des installations d’importation indépendantes
d’accélérer leurs programmes respectifs d’élimination du plomb.
4) Harmoniser les valeurs normatives de l’essence sur les marchés sousrégionaux afin de promouvoir le commerce et le trafic interrégional ; et demander
à l’IPIECA, en collaboration avec les compagnies pétrolières nationales et internationales et les représentants de l’industrie automobile, d’assister à la formulation d’une gamme complète de spécifications techniques des carburants.
5) Finaliser dans les 12 mois à venir les plans d’action sous-régionaux encadrant les programmes nationaux de qualité de l’air.
6) Demander aux opérateurs de la chaîne d’approvisionnement pétrolier d’améliorer leurs installations de production, stockage et distribution en accord
avec les objectifs d’élimination du plomb visés.
7) Demander à l’OMS, BM et PNUE et aux agences environnementales bilatérales telles que l’USEPA de soutenir l’ASS dans le développement des capacités de mise en œuvre des programmes d’élimination du plomb dans le
cadre de la gestion de la qualité de l’air.
8) Développer une campagne d’information du public adéquate, avec la participation active des ONG.
9) Demander à la BM et autres agences internationales d’accorder une haute
priorité à l’élimination du plomb dans leurs dialogues sur les politiques économiques avec les gouvernements de l’ASS et de continuer à soutenir les
programmes d’assistance technique et de contribuer au financement d’investissements viables.
10) Solliciter auprès de l’OUA et d’autres organisations régionales (CEDEAO,
UEMOA, SADCC, CEMAC, etc.) l’inscription de l’élimination du plomb dans
l’essence dans leurs programmes prioritaires ainsi que leur contribution à
l’harmonisation des normes et spécifications techniques.
Liaison Énergie-Francophonie • No 53
18e Congrès mondial de l’énergie
Le Conseil Mondial de l’Énergie (CME) est une organisation
internationale, non gouvernementale, dont l’objectif est
de promouvoir une alimentation et une utilisation durables
de l’énergie pour le bien-être de tous. Créé en 1923, il
regroupe aujourd’hui 90 comités membres dans 90 pays,
dont les plus gros consommateurs et producteurs d’énergie.
Organisation multi-énergie, il traite de toutes les formes
d’énergies, fossiles, renouvelables, nucléaires. Ses congrès,
qui se tiennent tous les 3 ans, sont l’événement mondial
sans doute le plus important en matière d’énergie. Ce
sont des occasions exceptionnelles d’échanges et de
partage d’expériences entre tous ceux que le monde
compte d’intervenants dans le secteur de l’énergie, dans
les gouvernements, les entreprises, les universités, les
organisations non-gouvernementales. Le CME a tenu son
18e Congrès du 21 au 25 octobre 2001 à Buenos Aires,
en Argentine, quelques mois avant les difficiles moments
que vit ce pays. Nous publions ci-dessous les conclusions
et recommandations de ce Congrès avec l’aimable
autorisation du Conseil français de l’Énergie, qui en
a assuré la traduction.
« Marchés de l’énergie :
les défis du nouveau
millénaire »
« De l’énergie pour
les gens, de l’énergie
pour la paix »
e 18 congrès mondial de l’énergie a été à la fois le premier événement
L
majeur du XXI siècle dans le domaine de l’énergie et le premier congrès jamais
e
e
tenu dans la région de l’Amérique Latine et des Caraïbes. Lors de l’ouverture du
congrès, le Président de l’Argentine, M. de La Rua, a déclaré que des services
énergétiques modernes pour tous sont un élément essentiel pour parvenir au
développement durable, à l’harmonie et à la paix sur l’ensemble du globe.
Trois chefs d’état sud-américains en exercice et l’ancien Président de la
Roumanie, 25 ministres et de nombreux dirigeants de sociétés énergétiques
mondiales et locales ont pris part aux conférences stratégiques et aux tables
rondes. Ils ont discuté des principaux défis et des questions émergentes avec
plus de 3000 délégués venus de 99 pays. 241 rapports techniques ont été
publiés pour le congrès, et 137 ont été présentés par leurs auteurs lors de
séances de discussion ou de séances « d’affichage ».
La déclaration du millénaire du Conseil Mondial de l’Energie (CME) « L’Énergie
pour le monde de demain : le temps de l’action » a fixé les objectifs d’accessibilité, de
disponibilité et d’acceptabilité énergétiques, sur lesquels le congrès a concentré
son attention. Le CME a rendu publics son enquête triennale sur les ressources
énergétiques et six nouveaux rapports sur : les technologies de l’énergie au XXIe siècle ; les
marchés de l’énergie en transition en Amérique Latine et Caraïbes ; la dimension éthique de l’activité
Coopération énergétique et intégration économique régionale
31
énergétique ; les performances des centrales
électriques ; les politiques d’efficacité énergétique ;
et « Une seule planète pour tous ». Ces
rapports peuvent être obtenus sur le
site : www.worldenergy.org. On a
également discuté de son récent travail
sur la fixation des prix de l’énergie dans
les pays en développement et sur la
création du marché de l’électricité en
Asie – Pacifique.
Un programme pour étudiants, qui
s’est avéré être une réussite, était
associé au congrès. 52 étudiants en
provenance de 26 pays ont participé à
des séminaires spéciaux et à des
réunions d’information impliquant des
experts issus des comités membres du
CME, et ils ont fait part de leurs
conclusions à la cérémonie de clôture.
Le congrès s’est tenu avec pour toile
de fond les terrifiants événements
survenus aux Etats-Unis en septembre
dernier. Les délégués sont cependant
restés déterminés à promouvoir le
développement durable pour le
plus grand bien de tous et ont déclaré
attendre avec impatience le sommet
mondial des Nations Unies sur le
développement durable qui doit
se tenir en Afrique du Sud en
septembre 2002.
Les défis stratégiques
de l’énergie
L’amélioration de la sécurité énergétique sur l’ensemble du globe est
confrontée à quatre défis majeurs :
l’accès commercial à l’énergie des
deux milliards de personnes de par
le monde qui n’en sont pas encore
dotées ; la stabilité politique et
juridique aux niveaux mondial et
régional ; l’exploitation sans danger
de l’énergie nucléaire et la promotion
des énergies renouvelables ; et la
nécessité d’accroître l’efficacité
par la concurrence et la diffusion
de la technologie. Ces défis sont
étroitement liés.
Les délégués du congrès ont reconnu
que le commerce et la technologie
sont les moteurs de la croissance
économique, laquelle est la condition
32
préalable pour traiter la pauvreté
et l’accessibilité énergétique, qui
est elle-même étroitement liée à
la disponibilité et à l’acceptabilité
énergétiques. Si des mesures sont
prises dès à présent pour atteindre ces
objectifs, elles contribueront à réduire
les tensions et à favoriser une plus
grande harmonie dans le monde.
Voici les principaux défis énergétiques
abordés par le congrès :
• Réforme du marché comprenant
l’intégration commerciale et
régionale : L’expérience liée à la
réforme des marchés de l’énergie
s’est révélée bénéfique dans la plupart
des pays en termes d’acceptabilité
et de disponibilité énergétiques.
La situation des pays développés
diffère de celle des pays en développement en termes de recours aux
subventions à l’énergie, de structure
politique ou de base de ressources.
Toutefois, toutes les régions ressentent la nécessité d’accélérer
l’ouverture des marchés et la coordination intra-régionale et de prévoir
des programmes énergétiques non
sur la base de frontières politiques,
mais en termes de ce qui a un sens
sur le plan économique. La réforme
du marché et une réglementation
impartiale sont bel et bien les
pierres angulaires permettant
d’attirer des capitaux privés vers
des projets énergétiques spécifiques.
Dans chaque pays, les clients et les
consommateurs d’énergie devraient
soutenir de telles réformes qui
améliorent le choix du consommateur, la qualité du service et
le prix de l’énergie.
• Une réglementation et des institutions adaptées, notamment pour
traiter les goulots d’étranglement
des capacités de production et de
transport : le nombre d’organismes
de réglementation indépendants est
actuellement en augmentation dans
le monde, et on les trouve dans des
pays affichant de solides politiques
de dé-intégration.
Les organes de réglementation
doivent avoir conscience des
nouveaux défis auxquels des marchés
de l’énergie intégrés se trouvent
confrontés, tels que la planification
à long terme et l’exploitation des
réseaux ; des infrastructures transfrontalières et la résolution des
conflits, et des mesures d’harmonisation. L’expérience récente enregistrée dans certaines régions telles
que la Californie suggère qu’il
n’existe aucun mécanisme permettant au marché de traiter les capacités de production. Dans la mesure
où l’électricité ne peut pas être
stockée, il faut créer un marché
pour les capacités de production qui
remplacerait celui pour le stockage.
Un problème semblable existe pour
les infrastructures de transport tant
pour l’électricité que pour le gaz,
pour lesquels les contraintes
imposées à l’accès au transport et
aux capacités de production sont
susceptibles de ralentir ou de porter
atteinte à la célérité et au succès
de la réforme du marché.
Des interconnexions et des
transports nouveaux (tant pour
l’électricité que pour le gaz naturel)
sont cruciaux. Il est essentiel que
l’on prenne rapidement des décisions efficaces sur la conception
du marché et la dé-intégration du
secteur, afin d’encourager la mise
en place de nouvelles capacités
de production et de transport dans
toutes les régions du monde. Il
est nécessaire de reconnaître et de
couvrir les coûts de ces nouvelles
capacités, notamment de production et de transport, pour parvenir
à un plus haut degré de fiabilité.
Il semble relativement avéré que
la réglementation de la rentabilité
financière des infrastructures de
transport constitue une mesure
incitative inadaptée à la mise en
place de nouvelles capacités. Les
organes de réglementation devront
mettre en place des politiques
d’investissement incitatives afin
d’encourager de nouvelles capacités.
La transparence des coûts et la
suppression des subventions à la
production sont importantes, mais
des subventions à la consommation
Liaison Énergie-Francophonie • No 53
18 e Congrès mondial de l’énergie
bien ciblées pourraient être justifiées,
à titre temporaire, pour traiter
les questions d’accessibilité
et de capacité financière liées
à la réforme du marché.
• Garder ouvertes les options énergétiques pour traiter les questions de
sécurité et de fiabilité : les menaces
criminelles ou autres portant sur
des infrastructures énergétiques
exigent une gestion des risques à
long terme et la mise en place de
plans d’urgence, mais il incombe
aux gouvernements de coopérer
pour combattre de telles menaces.
Le meilleur moyen de renforcer la
fiabilité des services énergétiques
réside dans la diversification énergétique et les échanges commerciaux régionaux de prestations
énergétiques.
• La technologie et le rôle des
gouvernements dans la recherche
fondamentale, la mise en place des
capacités et la protection des droits
de propriété intellectuelle : à court
ou à moyen terme, il n’existe aucune
nouvelle technologie importante
susceptible de modifier le rôle
majeur joué par les combustibles
fossiles dans la structure des
énergies primaires. Toutefois, de
nouvelles technologies pour les
centrales électriques, la gestion des
installations, l’utilisation domestique
dans les zones urbaines et rurales
aideront à mettre en place un
processus permanent d’amélioration
de l’efficacité qui, si ces nouvelles
technologies sont rapidement
diffusées grâce à une réforme du
marché et à des échanges commerciaux en direction des pays en
développement, contribuera
également à traiter sur une base
mondiale les préoccupations en
matière de protection de l’environnement. C’est l’ouverture de marchés,
leur intégration régionale et les
échanges commerciaux mondiaux
qui accélèreront la diffusion des
technologies visant à atteindre
les objectifs d’accès à l’énergie commerciale, de qualité et de continuité
des approvisionnements énergétiques,
et d’acceptabilité environnementale
de la production, de la distribution
et de l’exploitation de l’énergie.
• Objectifs environnementaux locaux,
régionaux et mondiaux : Une
diffusion technologique accélérée et
les mesures de réforme du marché
contribuent à réduire la pollution
locale et régionale provenant de
la production, de la distribution
et de l’utilisation des services énergétiques. Le maintien des options
énergétiques ouvertes de manière à
ce que l’énergie nucléaire, l’énergie
hydraulique et les énergies renouvelables conservent ou augmentent
leur part dans la structure énergétique mondiale est la meilleure
façon de traiter du court au moyen
terme les émissions de gaz à effet
de serre. La gestion mondiale
des réductions d’émissions devra
toutefois être mise en œuvre par
les gouvernements, en consultation
avec l’industrie, de sorte que des
règles claires pour le commerce
des émissions et les mécanismes
de développement propre (MDP)
puissent être dégagées aussi vite
que possible, sans bouleverser les
économies nationales, ni exclure
aucune option énergétique. Les
mécanismes de développement
propre devront faire partie de la
planification énergétique dans les
pays en développement et devraient
permettre la croissance des investissements dans de nouveaux projets
énergétiques liant l’accès commercial à l’énergie aux réductions des
émissions. Il importe de reconnaître
que la responsabilité de l’atténuation effective du réchauffement de la
planète incombe à tous les citoyens
au même titre qu’aux compagnies
énergétiques et aux gouvernements.
• L’éthique et la promotion de la
dignité humaine : la meilleure façon
de traiter à l’échelle planétaire la
corruption et d’autres questions
d’ordre éthique consiste à favoriser
la transparence et l’autorité de la
loi par une réforme du marché et
une régulation adaptée. Les entreprises énergétiques se soucient de
responsabilité sociale car, de plus en
plus, leurs actionnaires, employés et
clients s’en préoccupent. La science
et la technologie ne sauraient être
« au-dessus » de l’éthique. La
réforme du marché et l’intégration
régionale sont les moyens les plus
sûrs d’obtenir une diffusion de la
technologie qui permettra de traiter
les souffrances humaines.
Les principales
connexions energétiques
L’enquête du CME sur les ressources
énergétiques 2001 confirme que chaque
région du monde dispose d’abondantes
ressources énergétiques permettant
de répondre à la demande mondiale
croissante pendant une bonne partie
du XXIe siècle. Même s’il est essentiel
que toutes les régions et tous les pays
diversifient leurs portefeuilles énergétiques en gardant toutes les options
ouvertes en matière d’énergie, les
combustibles fossiles demeureront
néanmoins, pendant plusieurs
décennies à venir, la composante la
plus importante et la plus stable de
la structure des énergies primaires.
Une nouvelle industrie de production
d’électricité est en train de naître
pour faire face aux vastes et profonds
changements qui se font jour actuellement tant dans la façon dont
l’activité énergétique commerciale
est à présent conduite que dans les
exigences requises en matière de
compétitivité et de responsabilité
environnementale. La centrale électrique classique se transforme progressivement en une exploitation
plus complexe, commercialisant
non seulement de l’énergie et de
la puissance comme des « matières
premières », mais aussi des crédits
écologiques et des produits financiers.
Voici les principales connexions
abordées par le congrès :
• Volatilité et découplage du prix
du pétrole et du gaz : la sécurité de
l’approvisionnement et la stabilité
des prix constituent des préoccupations majeures de tous les pays.
➤
Coopération énergétique et intégration économique régionale
33
Les revenus des pays producteurs
dépendent de leur faculté de fournir
du pétrole et du gaz naturel aux
principaux marchés, tandis que la
croissance et la prospérité des pays
consommateurs dépendent d’approvisionnements fiables et abordables.
Grâce à la pénétration rapide du
gaz naturel liquéfié, un marché
mondial du gaz naturel sera bientôt
mis en place, avec des prix en partie
découplés de ceux du pétrole.
• Des technologies de combustion
plus propres pour le pétrole, le gaz
naturel et le charbon. Un moyen
économique de produire de
l’énergie à partir de combustibles
fossiles avec des émissions de CO2
plus faibles ou gérables réside dans
la diffusion large et rapide de
technologies plus propres. Les
combustibles fossiles ont un avenir
durable si on les combine à de telles
NOUVELLES
technologies et/ou à la séquestration du carbone. Une technologie
actuellement développée, la gazéification souterraine du charbon,
pourrait permettre de répondre
à la demande énergétique totale
pendant plusieurs siècles avec des
émissions relativement faibles.
• Convergence gaz / électricité et
services multi-énergétiques : le
transport d’électricité et celui du
gaz sont complémentaires dans les
systèmes énergétiques régionaux,
et leurs besoins de réglementation
doivent être traités ensemble pour
favoriser la fluidité et la livraison
de services énergétiques efficaces.
Si un tiers des centrales électriques
mondiales existantes fonctionnant
à l’aide d’une turbine à gaz à cycle
simple était transformé en centrales
à cycle combiné, l’augmentation
de la production d’électricité
DU TERRAIN
Une ligne Microcrédit pour kits énergétiques individuels est disponible pour les
habitants de la zone pilote du Kouritinga au Burkina Faso
L’objectif général du projet
Améliorer les conditions de vie des villageois de la province du Kourittenga au Burkina
Faso par la mise en place de modalités financières appropriées pour l’acquisition
de systèmes énergétiques individuels.
L’objectif quantitatif
Octroyer environ 2 000 prêts sur une période de 3 ans, permettant l’accès au service
de l’électricité à plus de 20 000 personnes dans la région cible.
Partenaires
Fédération des Caisses Populaires du Burkina du Centre Est
Groupement PPI/SES : fournisseur burkinabé d’équipements, installateur
et maintenancier
Association ALZ, animateur auprès des populations
Fondation Énergies pour le Monde, coordinateur
Direction de l’Énergie du Ministère de l’Énergie et des Mines du Burkina Faso
Haut Commissariat de collectivité locale de la Province du Kourittenga
Institut de l’énergie et de l’environnement de la Francophonie
Région Wallonne
Caisse française des Dépôts et Consignations
Pour plus d’information, s’adresser à : Direction de l’Énergie, (226) 30 79 78, 32
47 86/89 ou Yves Maigne, [email protected] ou Boufeldja Benabdallah,
[email protected].
34
correspondrait exactement au
besoin d’augmentation de la capacité
de production pour les 4-6 années
à venir, sans émissions supplémentaires de gaz à effet de serre.
• Gaz et eau potable : il existe un lien
potentiel entre le développement
du gaz naturel et celui d’autres
ressources vitales, telles que l’eau
potable. Ainsi au Moyen-Orient par
exemple, une bonne partie de l’eau
potable domestique est fournie par
des usines de dessalement de l’eau
de mer fonctionnant au gaz qui produisent également de l’électricité. Le
besoin de ces méthodes de production combinée se fera sentir ailleurs
à mesure que se développeront des
pénuries d’eau potable.
• Énergie nucléaire, énergie
hydraulique à grande échelle et
émissions de gaz à effet de serre :
pour la production électrique de
base, les moyens les plus utilisés
à l’heure actuelle pour réduire les
émissions de CO2 sont l’énergie
nucléaire et l’énergie hydraulique.
Les pays qui ont la plus forte
proportion d’énergie nucléaire et/ou
hydraulique sont ceux qui ont les
plus faibles émissions de CO2
par kWh. L’énergie nucléaire et
l’énergie hydraulique à grande
échelle présentent des avantages
en termes de réchauffement de la
planète, de stabilité des coûts et
de facteurs de disponibilité élevés,
qui les rendent compatibles avec
les objectifs de développement
durable pour le monde de demain.
Elles devraient continuer à jouer
un rôle important dans la production d’électricité.
En particulier :
Dans le cas de l’énergie nucléaire
existe un éventail d’options comprenant les prolongations de la durée
de vie de certaines centrales, de
nouvelles centrales, le retraitement
du combustible usé pour maximiser
son exploitation (chaque fois que ce
sera viable sur le plan économique), et
des technologies innovantes portant
sur la conception, l’octroi de licences,
la fabrication, la construction, les
Liaison Énergie-Francophonie • No 53
18 e Congrès mondial de l’énergie
performances, la sécurité et une
gestion efficace des déchets. Mais le
secteur du nucléaire reconnaît toutefois
qu’avec l’aide des gouvernements il
doit toutefois poursuivre ses efforts
pour mieux faire accepter cette importante source d’énergie par le public.
De nouveaux projets de grand
hydraulique pourraient représenter
une proportion significative des besoins
en énergie renouvelable nécessaires
dans un monde plus vivable. Avec le
soutien de l’Association Hydraulique
Internationale et la Commission
Internationale des Grands Barrages,
la planification, la conception,
la construction, l’exploitation et
l’entretien des ouvrages hydrauliques
ont été et seront améliorés en respectant les meilleures pratiques
environnementales.
• Énergies renouvelables et production distribuée sur la base de ressources locales : les délais requis
pour une pénétration substantielle
de nouvelles technologies d’énergies
renouvelables dans la structure énergétique d’ensemble sont aujourd’hui
de 30 à 40 ans. A court terme,
certaines énergies renouvelables
telles que les énergies éolienne et
géothermique constituent, pour la
production d’électricité à grande
échelle, un complément très approprié plutôt qu’un remplacement.
Le rythme de la mise au point et
de l’exploitation des énergies renouvelables et de la production distribuée devrait s’accélérer grâce à
une R&D accrue et à un soutien
gouvernemental à leur déploiement,
en particulier dans les pays en
développement.
• Concurrence et efficacité. Les
nouvelles technologies modernes
comptent pour environ 25 % dans
l’amélioration potentielle des performances d’une centrale électrique,
75 % provenant d’une meilleure
gestion et d’une amélioration
des prises de décisions relatives
à l’exploitation. S’il était possible
en recourant à de meilleures
méthodes, de combler le fossé
existant entre les performances
moyennes enregistrées de par
le monde et celles des centrales
affichant les meilleurs résultats, on
aboutirait à des économies pouvant,
selon les estimations, atteindre
jusqu’à 80 milliards $ par an des
capacités de production et d’exploitation et à une réduction des émissions de CO2 d’une gigatonne par
an, de même qu’à une réduction
des autres polluants. Même si, dans
l’utilisation finale de l’énergie, les
prix influent sur les modèles de
consommation d’électricité, ils ne
peuvent néanmoins expliquer tous
les écarts de performances entre
les différents pays. La concurrence
et les transactions commerciales
induisent des progrès dans l’efficacité des appareils électriques
destinés à l’utilisateur final. Les
conditions standards s’améliorent,
ce qui pourrait favoriser des gains
de 20 à 30 % en matière d’efficacité.
Quelques conclusions
et recommandations
Il importe de se rappeler que l’humanité a dû faire face à bien des défis à
travers les âges mais que, chaque fois,
elle a trouvé pour chacun d’eux une
solution innovante. Une approche
holistique et exhaustive de l’énergie
incluant ses dimensions sociales et
culturelles est exigée, par exemple en
prenant en compte ses liens avec les
besoins humains de base et l’accès à
des approvisionnements en eau sûrs
et adaptés.
Il faut que l’industrie réduise les coûts,
augmente l’efficacité et respecte
l’environnement. Les gouvernements
peuvent l’y aider en complétant
les investissements privés dans la
R&D par un soutien à la recherche
fondamentale et aux expériences sur
de nouvelles technologies, en offrant
une protection convenable à la propriété intellectuelle; en développant
la coopération mondiale et l’intégration régionale des marchés ; et en renforçant la concurrence et les échanges
commerciaux.
La croissance économique, le progrès
social et la protection de l’environnement sont les trois piliers du développement durable. Ces données sont
étroitement liées. Il importe de placer
l’homme au centre de la réforme du
marché, de la régulation et de la diffusion de la technologie. Dans ces
domaines, les entreprises énergétiques
ont fait des progrès, mais il faut faire
plus pour traiter la pauvreté, les
conditions de travail et d’acquisition
des compétences ainsi que la pollution. Il est essentiel que les entreprises
et les gouvernements continuent de
travailler de concert pour trouver des
solutions réalistes et « orientées vers le
marché » à des problèmes spécifiques.
Accroître la prise de conscience par
le public des questions énergétiques,
en commençant par des cours à
l’école et dans les universités, reste
une responsabilité partagée entre
les gouvernements et l’industrie.
Une meilleure compréhension des
comportements des consommateurs et
de leurs besoins est un préalable à une
maîtrise plus effective de la demande.
Les gouvernements ont un rôle
légitime et essentiel à jouer dans la
politique énergétique et la mise en
œuvre de la régulation, notamment
dans la mesure ou la réforme du
marché conduit à des solutions énergétiques régionales voire mondiales.
Il importe qu’ils continuent à centrer
leur politique sur la réforme du marché,
même quand ils sont confrontés à
des difficultés économiques, et à bien
concevoir et mettre en place des
politiques s’attachant à résoudre les
problèmes de qualification de la main
d’œuvre, de transparence et de droit.
Dans le cadre d’un développement
durable, ils devraient réitérer leur
engagement en faveur de la recherche
fondamentale ainsi que le développement et la démonstration de technologies avancées (par exemple,
séquestration du carbone, renouvelables ou hydrogène). Ceci doit
être accompli dans le contexte, d’un
ordre du jour intergouvernemental
visant à fournir des services énergétiques fiables, abordables et durables
➤
Coopération énergétique et intégration économique régionale
35
à tous les habitants du monde, avec
les objectifs spécifiques suivants :
l’industrie est fondamentale et doit
être respectée.
• apporter des services énergétiques
commerciaux au tiers de l’humanité
qui en est dépourvue, en impliquant
les pays en développement dans
l’élaboration de ce programme
de R&D ;
Même avec les pressions du court
terme qui pèsent sur leurs performances, les entreprises énergétiques
doivent réitérer leur engagement en
faveur de solutions mondiales et à
long terme. L’internationalisation des
services énergétiques devra et va se
poursuivre, et l’innovation de la R&D
privée connaîtra une accélération si
les prix de l’énergie traduisent la
totalité des coûts réels de fourniture,
de distribution et d’exploitation
énergétiques. Une approche englobant l’intégralité du cycle du combustible permettra de prendre en compte
les coûts externes, tels que ceux liés
à la protection de l’environnement.
• protéger l’environnement local,
régional et global ;
• conserver une vue à long terme
qui tient compte des inerties des
infrastructures énergétiques et de
l’impact de la concurrence sur les
horizons de l’industrie ; et,
• diversifier le portefeuille de technologies « robustes » qui sont la seule
protection contre les incertitudes
de l’avenir.
Les régulateurs ont un rôle central à
jouer pour assurer un fonctionnement
souple des marchés énergétiques
locaux, régionaux ou globaux. Bien
que le congrès ait affirmé la primauté
des mécanismes de marché pour
promouvoir une allocation efficace
des ressources énergétiques, dans
certains cas, ces mécanismes ne sont
pas à eux seuls suffisants et une
régulation adaptée s’impose, par
exemple pour traiter les questions
de transport, de capacité financière
et de protection de l’environnement.
Il existe au niveau régional des
différences importantes qui doivent
être prises en compte, en particulier
dans les questions relatives à la
régulation et aux institutions.
Le besoin se fait sentir, pour les infrastructures énergétiques mondiales, de
lier les marchés de l’électricité et du
gaz naturel sur la base de régulations
harmonisées traitant les questions
de choix du client, de concurrence
loyale, de transport et d’échanges
commerciaux, ainsi que d’investissements dans les capacités nouvelles.
Une fois que les gouvernements ont
établi des règles claires de politique
énergétique, l’indépendance quotidienne des régulateurs par rapport aux
interférences du gouvernement et de
36
Le CME occupe une position unique
pour semer les graines d’un travail en
commun sur une base multi-énergétique
mondiale. Il va de ce fait :
• procéder à une actualisation et à
une réévaluation de son travail de
prospective sur les moteurs du
développement énergétique ;
• dans le travail ultérieur sur la réforme
du marché, prendre position en
préconisant une mise en place
appropriée des marchés englobant
des transactions commerciales pas
seulement en termes de kWh mais
également de capacité, les détaillants étant tenus de fournir la
capacité requise pour une marge
fixée et un lien entre les prix au
détail et les prix de gros. Ce travail
devra favoriser un mécanisme permettant d’ajuster les infrastructures
de l’électricité et du gaz aux besoins ;
• procéder à une analyse complémentaire des technologies relatives
à l’utilisation finale, à la production
distribuée et à la séquestration
du carbone ;
• traiter l’impact des règles relatives
aux transactions commerciales
d’émissions, aux mécanismes de
développement propre et à d’autres
aspects de la gestion mondiale
des émissions dans le cadre du
programme pilote sur la réduction
des effets des GES et des objectifs
de développement durable du CME ;
• identifier, harmoniser, synthétiser
et publier les données essentielles
portant sur les aspects économiques, environnementaux et
sociaux des combustibles fossiles,
de l’énergie nucléaire et des énergies renouvelables, qui permettraient de faire des comparaisons
réalistes ;
• continuer à progresser dans l’élargissement et l’approfondissement
des meilleures méthodes et dans
le sens d’une efficacité accrue de la
production, de la distribution et de
l’utilisation énergétiques, en mettant
tout particulièrement l’accent sur
des technologies plus propres et
une diffusion plus rapide de la
technologie auprès des pays en
développement ;
• renforcer ses efforts régionaux dans
les pays en développement pour
faciliter les réformes du marché
et les régulations adaptées conçues
pour attirer les investissements
appropriés (y compris pour les
MDP) pour se rapprocher des buts
d’accessibilité, de disponibilité et
d’acceptabilité énergétiques ; et
• mettre en place un programme de
promotion et de diffusion de la
dimension éthique de l’activité
énergétique, à partir d’études de
cas spécifiques couvrant les aspects
comportementaux, sociaux et environnementaux.
L’éducation sur le rôle de l’énergie
dans le développement durable, la mise
en place de capacités danùs les pays
en développement et une meilleure
communication avec le grand public
sont des objectifs importants de ce
programme. Grâce au travail mené
de concert par les gouvernements,
les organismes de régulation, les
entreprises énergétiques et les
consommateurs, le développement
énergétique servira à tous les habitants
de la planète et sera pour la paix
un véritable catalyseur.
Liaison Énergie-Francophonie • No 53
Association des producteurs
de pétrole africains (APPA)
et la coopération
énergétique en Afrique
S.E.M. MAXIME
OBIANG-NZE
La nécessité de développer la coopération dans le secteur
des hydrocarbures, à travers une association telle que
l’APPA, peut être un atout précieux dans les conceptions
de politique pour une intégration régionale. Cette
intégration est une condition vitale pour conférer
à l’Afrique la dimension qu’il faudrait à ses activités
économiques.
Secrétaire exécutif
de l’APPA
réée le 27 janvier 1987, l’Association des producteurs de pétrole africains
C
(APPA) a pour objectifs fondamentaux la mise en commun des expériences et
des moyens, pour bâtir une plate-forme de coopération et de solidarité africaine.
Dans le cadre de ses activités, l’APPA n’a jamais voulu manquer à l’un de ses
objectifs de solidarité et de coopération régionale. Elle s’est, à cet effet, dotée
d’instruments spécialisés, dont certains sont destinés à aider les pays africains
importateurs d’hydrocarbures, pour satisfaire leurs besoins. Les plus importants
de ces instruments sont :
Le Fonds APPA pour la coopération technique
L’Association, pour la mise en œuvre d’une coopération efficace, a dû se rendre
à l’évidence qu’une telle entreprise nécessitait des moyens financiers qui lui
faisaient défaut. Aussi, a-t-elle décidé de la création du Fonds APPA pour la
coopération technique.
L’objet du Fonds est :
• d’apporter toute assistance financière en vue de la réalisation des buts et
objectifs de l’APPA ;
• de contribuer au financement des études et des projets spécifiques au secteur
des hydrocarbures et de l’énergie.
Coopération énergétique et intégration économique régionale
@
[email protected]
37
Le capital initial, fixé à 2,5 millions de
dollars US, est constitué des contributions égalitaires. Mais pour tenir
compte de certaines réalités, l’association a décidé de réaliser une étude
complémentaire sur ce Fonds, afin de
mieux définir la nature, le mode de
fonctionnement, la gestion et les ressources financières nécessaires pour
des opérations plus diversifiées du
Fonds.
Le siège du Fonds APPA se trouve
à Cotonou (Bénin). En attendant le
démarrage effectif de ses activités et
la nomination du Directeur du Fonds,
qui ne saurait tarder, c’est le Secrétaire
exécutif de l’APPA qui en assure
la direction.
Le Comité Marketing
Permanent
Les importateurs africains d’hydrocarbures ont, pour résoudre leurs
problèmes énergétiques, à faire face
à deux problèmes :
• la garantie de leur
approvisionnement ;
• la réduction de leur facture
pétrolière.
À ces préoccupations des importateurs
africains, il conviendrait d’opposer
les intérêts légitimes des producteurs
qui est de maximiser leurs revenus
pétroliers.
Sans préjuger des accords particuliers
qui peuvent exister entre un producteur et un importateur africain, l’APPA
aborde avec un certain recul la question des échanges commerciaux dans
la région.
Pour la garantie des approvisionnements, il faut d’abord noter qu’avec
les importantes nouvelles découvertes,
tant au niveau du pétrole que du gaz,
le continent africain regorge d’énormes
ressources d’hydrocarbures liquide
et gazeux qui peuvent garantir l’offre
régionale face à une évolution de la
38
consommation. Il convient toutefois
d’indiquer qu’en ce qui concerne le
gaz, cette forme d’énergie est très peu
consommée par la majeure partie de
la population. Elle est en outre inégalement répartie. Sa promotion sur
le continent s’impose par conséquent.
Certains pays d’Afrique du Nord disposant de beaucoup de réserves en
gaz ont développé des circuits commerciaux extra-africains afin de commercialiser leurs produits. Il paraît
opportun de signaler les démarches
qu’entreprend actuellement l’APPA
pour apprécier un éventuel marché
africain du gaz.
pour l’analyse du marché pétrolier, la
promotion des échanges commerciaux
des hydrocarbures et des produits
pétroliers en Afrique. Il conduit également, à la demande du Conseil, des
études spécifiques concernant divers
aspects du secteur énergétique africain.
S’agissant de la réduction de la facture
pétrolière, la structuration des marchés régionaux du pétrole pourrait
apporter la solution à ce problème.
En effet, les échanges commerciaux
directs entre les producteurs et importateurs africains pourraient entraîner
la suppression d’un certain nombre
de charges liées au transport et à la
rémunération des intermédiaires.
Le prix de vente qui en résulterait
permettrait aux importateurs de faire
des économies appréciables sur leur
facture pétrolière.
• l’établissement des contacts
nécessaires
Il convient par ailleurs d’indiquer que
la structuration d’un marché africain
des hydrocarbures serait confrontée
à d’énormes difficultés liées au transport. En effet, l’absence d’infrastructures transrégionales (route, pipeline,
chemin de fer) constitue un handicap
pour le développement des échanges
commerciaux en Afrique. Il serait par
conséquent nécessaire que ce problème réel soit examiné avec la plus
grande attention possible. Il est vrai
que cet aspect est connu, et certaines
régions (Afrique du Nord, du Sud, de
l’Ouest) ont commencé à y apporter
des solutions.
Par ailleurs, le premier plan d’action
de cet instrument est en cours d’exécution. Il porte entre autres sur :
Que fait l’APPA pour la promotion
des échanges commerciaux des
hydrocarbures en Afrique ?
Ces considérations constituent les
axes de réflexion de l’APPA pour
apporter sa contribution à la résolution
des problèmes énergétiques du continent et, partant, de son intégration
économique.
Le Comité Marketing Permanent est
un instrument mis en place par l’APPA
Pour les besoins de couverture de
l’ensemble du marché pétrolier africain,
cinq zones ont été définies. Parmi les
pays membres de l’APPA pour chaque
zone, un rapporteur a été désigné, qui
couvre et coordonne les activités de
cette zone. Il s’agit notamment de :
• la collecte des données
• la coordination des activités définies
dans le cadre d’un plan d’actions
Étant donné qu’il n’existe, entre
les pays africains, que des échanges
ponctuels dans le domaine des hydrocarbures, une identification des offres
et des demandes de chaque zone
se fera afin de connaître les pôles
d’actions autour desquels doivent
se développer des échanges
commerciaux.
• Les campagnes de sensibilisation
des pays africains importateurs
d’hydrocarbures pour les informer
de la volonté de l’APPA de promouvoir les échanges commerciaux
intra-africains des hydrocarbures ;
• La réalisation d’études sur les flux
pétroliers, sur le raffinage en
Afrique, et sur le marché du gaz.
• L’élaboration d’un plan d’urgence
en cas de crise.
Liaison Énergie-Francophonie • No 53
Les nouveaux défis
de l’UPDEA
IR MUTIMA
SAKRINI HERMAN
L’UPDEA, Union des Producteurs, Transporteurs et
Distributeurs de l’Energie Electrique d’Afrique a été créée en
1970 avec pour objectif de promouvoir le développement
et l’intégration du secteur électrique africain à travers
une coopération active entre ses membres.
Secrétaire Général
de l’UPDEA
A
ctuellement, l’UPDEA compte 34 Sociétés d’électricité membres présentes
dans les différentes sous-régions de l’Afrique.
En 31 ans d’existence, on peut mentionner à l’actif de l’UPDEA, la création des
conditions de partenariat et de solidarité qui ont permis aux sociétés africaines
d’électricité d’échanger des expériences dans tous les domaines d’activités et
de construire des ouvrages électriques communs, notamment les centrales
hydroélectriques et les lignes d’interconnexion des réseaux entre pays.
Créée dans un environnement où le secteur d’électricité en Afrique était entièrement dominé par des sociétés para-étatiques, l’UPDEA doit maintenant faire la
dure expérience de la cohabitation entre sociétés d’Etat et sociétés privées dans
un contexte de mondialisation de l’économie qui oblige les opérateurs économiques à rechercher l’excellence, l’efficacité, l’amélioration sans cesse du rapport
qualité-prix de leurs produits, aux risques de disparaître.
Ce qui est vrai pour les sociétés, l’est aussi pour des organismes tels que l’UPDEA.
C’est fort de cette réalité que l’UPDEA, qui vient de nommer un nouveau
Secrétaire Général, a entrepris de revoir ses lignes directrices historiques et
sa vision du futur.
Dans l’optique du Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique,
récemment adopté par les Chefs d’Etat, l’UPDEA doit repenser son organisation, ses moyens de fonctionnement et sa politique de coopération avec les partenaires au développement, en vue d’accélérer l’électrification du continent.
Pour ce faire, un certain nombre d’initiatives et de nouvelles approches sont définies:
1) Concentrer l’essentiel des activités de l’Union sur la réalisation des projets
multilatéraux concrets, tout en optimisant les réunions d’échanges d’expériences à travers les Comités d’Etudes ; en d’autres termes, les travaux des
Comités d’Etudes devront désormais avoir une finalité exploitable ;
2) Promouvoir un nouvel esprit de partenariat entre tous les membres de
l’Union en vue d’une coopération plus effective dans tous les secteurs d’activités (exploitation, maintenance, études, gestion, formation, planification et
Coopération énergétique et intégration économique régionale
@
[email protected]
39
même prises de participation et
joint-ventures…). Dans cette perspective, les Membres Affiliés
(Fabricants/distributeurs de matériels électriques et bureaux d’études)
sont appelés à jouer un rôle de premier plan, étant entendu qu’au
même titre que les sociétés d’électricité (Membres Actifs), ils ont
comme préoccupation le développement du secteur électrique africain.
3) Promouvoir avec les bailleurs de
fonds, un nouveau type de relations pour drainer davantage de
ressources de financement vers des
projets d’études et d’électrification
impliquant deux ou plusieurs pays
africains.
Dans le cadre de ces nouvelles orientations qui devraient faire de l’UPDEA
le moteur principal du développement
et de l’intégration des réseaux électriques africains, quelques projets conçus
SOMMET
par l’Union sont en phase de lancement. Il s’agit notamment de :
1) La mise en place d’une Banque
de données multifonctionnelle
du secteur électrique africain
(potentialités, production, transport, distribution, organisations
institutionnelles, …)
2) La création des Power-Pools (marchés
électriques) dans toutes les sousrégions du continent, avec l’appui
des autorités politiques des pays
concernés et la coopération des
organismes sous-régionaux de développement, à caractère économique.
Il s’agira à terme, de relier les différents power-pools par des «autoroutes
de l’énergie électrique» pour constituer par étapes, l’intégration des
réseaux électriques africains.
3) La création d’une Commission
Electro-Technique Africaine (CETA)
dont le but est de promouvoir le
développement de l’industrie africaine de matériels électriques
adaptés aux conditions africaines,
tout en préservant l’environnement.
4) La réalisation d’un programmepilote d’électrification des villages
frontaliers africains dans les cinq
sous-régions africaines.
Un tel programme relève d’un défi qui
est lancé aux électriciens africains à
travers l’UPDEA.
Comme une main ne peut laver seule
le visage ainsi que nous le rappelle la
sagesse africaine, l’UPDEA s’ouvre au
partenariat avec toutes les institutions
susceptibles de l’appuyer dans cette
démarche pour que, dans les dix
années à venir, l’électricité ne soit plus
considérée comme un luxe en Afrique
mais qu’elle soit disponible et accessible à tous les ménages où que l’on
habite, dans les centres urbains ou
en milieu rural.
MONDIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE
Participation de la Francophonie au processus préparatoire
Du 26 août au 4 septembre de cette année se tient à Johannesburg
(Afrique du Sud), un Sommet mondial sur le Développement durable.
L’objectif général du Sommet est de relancer, au plus haut niveau
politique, l’engagement mondial en faveur du développement durable,
un partenariat Nord-Sud et d’accélérer la mise en œuvre d’Action 21, le
plan d’action adopte a Rio. Le Sommet se propose notamment:
• d’évaluer les progrès accomplis dans la mise en œuvre d’Action 21,
la définition des principales réalisations, des obstacles et des
enseignements tirés ;
• de relever les nouveaux défis et de saisir les possibilités qui se
sont fait jour depuis la Conférence des Nations Unies sur
l’environnement et le développement et qui ont des incidences sur
le développement durable ;
• de proposer des mesures concrètes a mettre en place, ainsi que
les besoins institutionnels et financiers y relatifs, et les sources
requises pour cet appui ;
• de rechercher des moyens de renforcer le cadre institutionnel pour
la mise en œuvre du développement durable.
Le processus préparatoire du Sommet lancé depuis l’année dernière
se poursuit activement et mobilise la communauté internationale
dans ses différentes composantes.
La Francophonie participera à cette dynamique de relance de la
coopération internationale sur le développement durable avec une
série d’initiatives dont les plus importantes sont :
40
1. La préparation d’un dossier sur les contributions de la Francophonie
institutionnelle et de ses pays membres à la réalisation de
l’Agenda 21 ;
2. l’élaboration d’un dossier des initiatives réussies de la communauté francophone pour les faire connaître dans le cadre du
Sommet à l’ensemble de la communauté internationale ;
3. l’animation d’un site portail internet (www.sommetjohannesburg.org)
à vocation multiple qui servira de:
– lieu d’accès aux informations en français sur le Sommet, ainsi
qu’aux initiatives et sites le concernant ;
– lieu de diffusion des réalisations de la communauté francophone;
– lieu de débats à travers des fora dédiés aux différents points
à l’ordre du jour du Sommet.
4. la mise en œuvre d’actions de sensibilisation et d’implication en
direction des medias francophones
5. l’organisation à Dakar, du 11 au 13 mars 2002, d’un colloque
international destiné aux acteurs du développement durable de la
communauté francophone et qui sera l'occasion d'échanges sur
les enjeux du Sommet, et d’élaboration de pistes d'action
communautaire pour le futur (voir note 1).
6. l’organisation à Tunis, en Tunisie, du 6 au 8 mai 2002, d’une
concertation au niveau des experts dans une perspective visant
la redynamisation du plan d’action de Tunis avec contribution à
l’élaboration d’une déclaration francophone pour le Sommet.
Pour plus d’information : [email protected]
Liaison Énergie-Francophonie • No 53
Pour une coopération
francophone sur les outils
de suivi et d’évaluation
des politiques d’efficacité
énergétique et d’effet
de serre
DIDIER
BOSSEBŒUF
Lors des négociations du protocole de Kyoto sur les
changements climatiques, les discussions du groupe P&M
(politiques et mesures relatives aux articles 4.2 de la
convention et 2 du protocole) ont porté notamment sur
la nécessité d’échanger des informations sur les bonnes
pratiques des P&M pour limiter les émissions de gaz à
effet de serre (GES) et la nécessité d’organiser une
action coordonnée des P&M. Cette dernière proposition
était particulièrement défendue par l’Europe et apparaît
très fortement édulcorée dans la décision récemment
adoptée par les Parties à Marrakech, en partie à cause
de l’opposition des pays du Groupe parapluie (groupe
de négociation comprenant le les États Unis d’Amérique,
le Canada, le Japon, l’Australie, la Nouvelle Zélande).
Dans ce cadre, deux séminaires sous l’égide de Convention
Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique
ont été organisés en 2000 et 2001 à Copenhague
qui avaient pour objectif principal d’échanger de
l’information entre Parties sur les « bonnes pratiques des
P&M en matière de réductions des GES », y compris sur
l’aspect méthodologique de l’évaluation. Les participants
ont de nouveau réitéré tout l’intérêt que cet échange
d’information revêtait pour une meilleure compréhension
mutuelle, en particulier en évoquant les « circonstances
nationales » qui façonnent chacune des pratiques.
et article s’inscrit dans cette démarche et milite pour une coopération
C
renforcée entre pays dans le domaine de l’évaluation des pratiques d’efficacité
énergétique (EE) et d’effet de serre. Pour cela nous illustrerons notre démarche
par trois initiatives de coopération internationale dans le domaine de l’évaluation des politiques de maîtrise de l’énergie (ME). Nous en dégagerons quelques
enseignements communs qui peuvent alimenter une coopération nécessaire
entre pays francophones dans le domaine de l’évaluation des P&M.
Coopération énergétique et intégration économique régionale
Économiste senior,
ADEME
@
[email protected]
41
Un exemple de politique
en partie coordonnée
en Europe : la politique
d’efficacité énergétique
De nombreuses initiatives au niveau
européen montrent tout l’intérêt,
et une certaine volonté politique,
d’organiser une coopération internationale dans le domaine de l’EE. Cela
peut se traduire par des programmes
d’action de politiques concertées et
coordonnées de ME.
Il est de plus en plus impensable
qu’un gouvernement européen
puisse définir une politique d’EE ou
d’effet de serre sans tenir compte de la
politique européenne mise en place.
Tout récemment, la Commission
Européenne et le Parlement Européen
ont mené trois initiatives qui motivent
la mise en place de politiques coordonnées entre les États-membres : le
plan d’action pour l’amélioration de
l’efficacité énergétique (DG-TREN) ;
le plan européen sur le changement
climatique (DG-Environnement) ;
l’initiative du parlement européen pour
une « Europe intelligente en énergie ».
Les pays européens doivent également
traduire dans leur droit national les
directives européennes. Certaines
concernent peu ou prou le domaine de
l’EE. On peut citer les directives sur les
labels des équipements électroménagers,
le rendement des chaudières, la réglementation thermique des bâtiments
neufs et plus généralement la directive
sur les EnR, celle sur la libéralisation
du marché de l’électricité et du gaz,
celles à venir sur les services énergétiques ou les permis négociables.
Un autre exemple concerne les
réflexions actuelles sur la création
d’une agence européenne de l’efficacité énergétique.
Il existe déjà des P&M coordonnées.
Le meilleur exemple est l’accord
volontaire signé entre la Commission
et les constructeurs européens d’automobiles (Accord AEA) qui fixe des
objectifs de niveau d’émission de CO2
à l’horizon 2008 et 2012 (respectivement 140 g de CO2 et 120 g de CO2
par km). Cette coopération régionale
42
s’est étendue aux constructeurs japonais et coréens.
On peut également citer de nombreux
réseaux d’acteurs qui procèdent à la
réflexion sur ces politiques coordonnées, comme le réseau EnR des agences
européennes de ME, le réseau Medener
des agences méditerranéennes et
l’ECEEE (European Council for an
Energy Efficient Economy) qui
regroupent des experts en ME.
La Commission participe au financement de cette coopération par les
programmes SAVE et ALTENER.
Les indicateurs d’efficacité
énergétique et de CO2 :
de la recherche à
l’officialisation
Depuis dix ans, à l’initiative de
l’ADEME, 15 pays européens établissent une méthodologie commune
d’évaluation ex-post des évolutions
de l’EE à partir d’indicateurs macrosectoriels. Cette base de donnée
« ODYSSÉE», déjà présentée dans un
numéro antérieur, contient environ
300 indicateurs d’EE et de CO2.
Cofinancé à 1/3 par le programme
européen SAVE et par les agences de
ME européenne et l’ADEME, ce projet
tire sa légitimité de la décentralisation
de la collecte des données et de son
interprétation, réalisées par les équipes
nationales responsabilisées. Le consensus méthodologique a été obtenu par
une coopération régionale très dense,
puisque trois ateliers annuels sont
dévolus à l’élaboration de cette méthodologie et à sa dissémination.
Tout récemment, le projet est passé à
une vitesse supérieure grâce à l’initiative d’Eurostat, rendant officielle une
partie de ces indicateurs. Un groupe
de travail du comité statistique
énergie d’Eurostat (Roubanis 2001)
a défini à partir du savoir-faire
« ODYSSÉE » une liste d’indicateurs
clé d’EE. Les informations nécessaires
sont issues pour partie des données
Eurostat existantes, mais surtout de
la base de données ODYSSÉE. Elles
sont soumises ensuite à l’approbation
des États-membres qui peuvent bien
entendu apporter des alternatives aux
informations proposées. Cette coopération va du reste s’élargir à l’ensemble
des Pays-membres de l’Agence
Internationale de l’Énergie (AIE),
puisqu’un exercice commun EurostatAIE va démarrer à partir de l’expérience
précédente, basée sur un questionnaire
supplémentaire aux questionnaires
énergie du programme conjoint de
statistiques. L’audience de cet effort va
également s’élargir à la problématique
« effet de serre», puisque la direction
du changement climatique de la DG
Environnement va également publier,
comme Eurostat et l’AIE, ces indicateurs, transcrits en terme de CO2.
Cette «officialisation» des indicateurs
récompense l’effort de coopération
des 15 équipes européennes.
Stratégiquement, ces indicateurs
préfigurent ce que pourraient être
les «progrès démontrables» des P&M
dans le cadre des communications
nationales sur le changement climatique
à soumettre à l’UNFCCC (MIES 2002).
La figure 1 illustre un exemple d’indicateur de progrès démontrable dans le cas
des voitures neuves. On constate une
certaine convergence des performances
des voitures en Europe, qui devrait
s’accentuer avec les contraintes de
l’accord volontaire cité précédemment.
Nous encourageons tous les pays à se
doter de tels outils de suivi des P&M.
L’étude du CME sur
l’évaluation des politiques
d’efficacité énergétique
dans le monde
Le CME (Conseil Mondial de
l’Énergie) a confié pour la troisième
fois à l’ADEME, la réalisation d’une
étude (en fait, « un service » dans le
langage CME) sur le suivi des P&M
d’EE dans les pays membres du CME.
Pour cette édition présentée à la conférence mondiale de l’énergie à Buenos
Aires en Octobre 2001, nous avons
établi une collaboration avec l’APERC
(Asian Pacific Energy Research
Center), basé à Tokyo, et qui représente 21 économies liées à l’APEC (soit
les 2/3 de la consommation d’énergie
mondiale) et l’OLADE (Organisation
Latino-Américaine de l’Énergie).
Liaison Énergie-Francophonie • No 53
Pour une coopération francophone
Figure 1
Un exemple de progès démontrable : les émissions unitaires des voitures neuves en Europe
250
200
gCO2/km
L’objectif de cette étude était triple :
1) faire un diagnostic le plus actuel des
pratiques d’EE dans le Monde ; 2) évaluer à partir d’études de cas, judicieusement choisies et fournies par les pays,
cinq bonnes pratiques d’EE (réglementation thermique des bâtiments, étiquetage des appareils électroménagers,
fiscalité automobile, audits énergétiques
et subventions directes) ; 3) interpréter
les tendances d’évolution de l’EE à
partir d’indicateurs détaillés tels que les
intensités énergétiques ou les consommations unitaires. L’information a été
collectée par un questionnaire, et complétée par la base de données Enerdata.
Les synthèses des évaluations ont été
confiées à des experts. L’originalité de
ce travail repose sur la couverture géographique très large car plus de 50 pays
ont participé à ce travail qui met en évidence l’émergence de pratiques d’envergure d’EE dans les PVD (pays en voie
de développement). Il permet également
de faire le point sur l’état de l’EE depuis
la mise en place des réflexions sur le
protocole de Kyoto. La figure 2 montre
le cas de l’étiquetage des réfrigérateurs
dans différents pays. Dans le cas européen, une directive communautaire
sous-tend les pratiques nationales. On
peut constater que le taux de pénétration des réfrigérateurs les plus performants progresse bien depuis la mise
en place de la directive, et donc d’une
politique régionale coordonnée, mais
les circonstances nationales entraînent
des écarts importants sur les taux de
pénétration de ces matériels performants (de 5 à 50 %, ADEME 2001).
Cette politique de labellisation s’avère
une bonne pratique, préfigure l’adoption
de standards et commence à trouver
des terrains d’application dans les PVD.
Parmi les conclusions et recommandations de l’étude du Conseil Mondial
de l’Énergie (CME), je sélectionnerai,
par rapport au sujet qui nous importe
ici, la nécessité de poursuivre l’échange
d’informations sur les pratiques d’EE.
En particulier, nous avons constaté un
manque flagrant d’évaluation ex-post
des P&M mises en œuvre. Nous avons
donc recommandé de poursuivre ce
travail de comparaison des pratiques
d’évaluations. Le CME nous est apparu
comme une bonne plate-forme de
réflexion et d’échange d’information.
150
100
50
0
73 75 77 79 81 83 85 87 89 91 93 95 97 99
Italie
France
Le projet MURE : Une base
de données européenne
sur les mesures
d’efficacité énergétique.
Le projet MURE (Modèle
d’Utilisation Rationnelle de l’énergie)
est également un outil d’évaluation
des politiques d’EE. Financé par le
programme SAVE, il est géré par un
consortium franco-italien-allemand
(ADEME-ISIS-FHG) et cumule plusieurs années d’existence. Il a deux
fonctions principales : une base de
données sur les P&M d’EE en Europe ;
un outil de simulation de l’URE qui
permet par exemple d’évaluer les
potentiels d’URE ou de pratiquer des
évaluations de l’impact des mesures de
type « backcasting ». Ici encore, il s’agit
d’un projet décentralisé, où les équipes
nationales, en général appartenant aux
agences de ME européennes, fournissent à partir d’un cadre bien défini et
homogène les informations techniques
requises. Chacune des mesures fait
l’objet d’une description précise et
d’une évaluation, si elle est disponible.
La base de données étant gérée sous
« access », un grand nombre de tris opérationnels est disponible (par types de
mesure, par secteurs, par usages, par
acteurs, etc.) à l’aide de paramètres discutés par l’ensemble du groupe (FHG
2002). La figure 3 illustre un exemple
de tri par pays et mesure. Toute la
Coopération énergétique et intégration économique régionale
Autriche
Allemagne
Norvège
Pays-Bas
difficulté du travail est de rendre
homogènes, crédibles et transparentes
les informations pour les participants.
Une coordination technique joue un
rôle primordial en assurant un service
en ligne avec les utilisateurs, et le
contrôle de qualité. La plus-value de
ce projet, pour les participants, est de
disposer d’informations de « première
main », homogènes et comparables
sur les pratiques dans les autres pays,
ceci dans un délai court et fourni par
des experts. Notons que l’Agence
Internationale de l’Énergie (AIE)
dispose d’un outil un peu similaire
(EE et effet de serre, AIE 2001).
Quels enseignements
pour une coopération
entre francophones ?
Plusieurs initiatives de coopération
européenne dans le domaine de l’évaluation des politiques d’EE perdurent
depuis près de dix ans. C’est donc que
chacun des pays y trouve un intérêt,
en particulier pour acquérir une
méthodologie dont il ne disposait pas
ou pour détenir des informations
d’autres partenaires. Même si l’on
croit que les « circonstances nationales » l’emportent sur les convergences entre pays pour le montage
des politiques nationales d’EE, il y a
bien une sensibilisation à l’échange
d’information. Sans doute l’incertitude
et la nouveauté de la problématique
➤
43
Figure 2
Répartition des mesures d’efficacité énergétique selon les pays
40
Autres
Normes de construction
Systèmes à eau chaude
Appareils électriques
Édifices existants
35
30
25
20
15
10
d’évaluer peuvent différer des autres
modèles existants. Ces évaluations
pourraient sans conteste alimenter le
réseau francophone constitué pour
les négociations internationales sur
le changement climatique. La définition, l’élaboration méthodologique
et la dissémination des « progrès
démontrables » basés sur des évaluations sectorielles détaillées ex post et
ex ante pourraient faire l’objet d’une
coopération régionale fructueuse.
5
Suèd
e
Ukrain
e
POR
Espa
ge
N LD
Italie
bour g
Luxem
de
Franc
e
Allem
a gn e
Grand
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e
Finlan
ue
mark
Dane
Belgiq
Austr
a
lie
0
Source : ADEME-MURE
(quelle nouvelle politique publique
d’EE dans un contexte de bas prix de
l’énergie ?), les contingences du protocole de Kyoto et la globalisation des
marchés expliquent ce regain d’intérêt
pour l’échange d’information des
P&M. Je crois également que chaque
participant admet que les informations provenant d’analyses transversales (entre pays) apportent un plus
aux analyses longitudinales (sur un
même pays), car les écarts de contextes sont beaucoup plus importants
entre pays que dans son propre pays.
Il y a également des considérations
de productivité qui rendent le partage
des coûts indispensables dans une
activité pour laquelle la légitimité ne
coule pas de source. Dans ce contexte
stratégique, les conditions de réussite
de ce type de coopération reposent
sur les principes suivants :
• L’existence d’un réseau de partenaires homogènes, c’est-à-dire partageant les mêmes motivations et
préoccupations, en l’occurrence ici
les agences de ME. Cette nécessaire
condition de décentralisation rend
plus légitime, plus flexible et plus
transparent l’échange d’informations, mais rend la gestion du projet
plus difficile ;
• La nécessité de perspectives futures,
dans la mesure où les investissements d’ordre méthodologique de
ce type sont assez particuliers et
44
lourds. Toutes recommandations
d’organismes officiels internationaux
ou nationaux dans ce domaine sont
les bienvenues.
• De bonnes conditions de mise en
œuvre des projets : une bonne coordination technique capable de faire
des propositions méthodologiques,
de centraliser l’information et de la
gérer, de la dynamiser et de la restituer dans un langage commun. En
ce sens, sa disponibilité (un service
en ligne) est un gage de réussite
pour les participants.
• La pérennisation d’un financement
commun d’un organisme international qui fédère, motive et crédibilise le système, même si ce
financement n’est pas majoritaire.
• Une confiance dans les partenaires,
qui ne s’acquiert qu’au fil du temps ;
ce qui est loin d’être acquis car les
dispositions initiales en termes de
collecte de données et d’expérience
sont bien différentes.
La coopération entre pays peut aider
à améliorer l’efficacité des mesures
et prévenir des distorsions économiques. Des expériences futures
d’échanges d’informations sont nécessaires pour l’évaluation des impacts
des P&M. Le réseau francophone est
un bon tremplin car dans le domaine
de l’évaluation des politiques publiques,
la perception de l’intérêt et la façon
Bibliographie :
ADEME-SAVE (2001) : « Cross Country
Comparison on Energy Efficiency
Indicators ; the ODYSSEE Project,
Phase 6 », rapport final en quatre volumes,
Paris, 2001.
ADEME-APERC (Moisan, Yokoburi,
Bossebœuf and al. (2001) : « Energy
Efficiency Policies and Indicators »,
rapport pour le CME, Londres, 2001.
AIE (2001) : « Energy Efficiency Update »,
Paris
APERC(2001) : « Energy Efficiency
Indicators, a Study of Energy Efficiency
Indicators in APEC Economies », Tokyo,
161 p.
CCE-DG TREN (2001) : « Plan d’action
pour l’amélioration de l’efficacité énergétique », Bruxelles.
CCE-DG Environnement (2000) :
« Plan européen pour le changement
climatique », Bruxelles.
ECEEE (2001) : « Further than ever from
Kyoto ? Rethinking Energy Efficiency Can
Get Us There », proceedings de l’École
d’été 2001, 2 volumes, Paris, 2001.
EUROSTAT (C Roubanis) (2001) :
« Indicateur clef d’efficacité énergétique » ;
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FHG (B Schlomann, W. Eichhammer)
(2002) : « Guideline for the MURE Data
Base on Policy and Measures », Rapport
final ODYSSEE-MURE, Paris.
G8 (2000) : « Environmental Futures
Forum 2000 on Domestic Best Practices
adressing climate change », 14-15 Février
2000, kanagawa, Japon, 2 volumes.
MIES (2001) : Troisième communication
nationale sur le changement climatique,
Paris UNFCCC (2000) : « Best Practices in
Policies and Measures », proceedings de l’atelier de Copenhague 11-13 avril 2001, Boon.
UNFCCC (2001) : « Bonnes practiques
et méthodologies d’évaluation » ; proceeding
de l’atelier de Copenhague, 2001, Boon.
Liaison Énergie-Francophonie • No 53
La dimension économique
de la Francophonie,
intégration régionale
et mondialisation
TAOUFIQ
BOUDCHICHE
La réflexion sur la dimension économique de la
Francophonie a connu une avancée décisive avec
l’organisation de la première conférence des ministres
de l’Économie et des Finances de la Francophonie,
tenue à Monaco les 14 et 15 avril 1999 sur le thème
«Investissement et Commerce».
Responsable du suivi
budgétaire et financier
des projets de
C
es deux thèmes ont été choisis vu le rôle important qu’ils jouent dans
l’intégration économique régionale et mondiale.
La préparation de cette conférence a représenté néanmoins un défi important lié
d’une part, à la diversité géographique et économique des pays de la francophonie
et d’autre part aux interrogations quant à la capacité du « multilatéral » francophone
à intégrer les enjeux économiques et financiers internationaux dans l’approche de
la coopération multilatérale francophone. En effet, quelle contribution spécifique
pourrait avoir la Francophonie sur les questions traitées à l’OMC, à la Banque
Mondiale ou au Fonds Monétaire International ? Ou encore, comment concilier la
vocation culturelle et éducative de la Francophonie avec les enjeux de la coopération économique et commerciale au niveau international ? Ces questions ont été
récurrentes tout au long de la réflexion sur «l’espace de coopération économique
francophone » et pendant la préparation de la Conférence de Monaco.
Les réponses apportées progressivement à ces interrogations ont finalement montré
que la Francophonie multilatérale tout en restant fidèle à ses missions traditionnelles
de concertation, de formation et d’information, peut avoir un rôle précieux en
matière de partage d’informations, de savoir-faire et d’expertises économique et
financière dans le contexte de la mondialisation. Ceux-ci sont d’ailleurs, selon les
économistes, devenus des facteurs dominants de l’amélioration de la productivité
des acteurs économiques au sein de la nouvelle économie internationale.
À cet égard, le Secrétaire général de la CNUCED, Monsieur Rubens Ricupéro,
déclare lors de la cérémonie d’ouverture de la conférence ministérielle de
Monaco ce qui suit :
« Avec la mondialisation et l’exacerbation de la concurrence, nous sommes entrés dans une économie
plus intensive en matière de connaissances. Or, la langue est le véhicule des connaissances. Il y a donc
un lien fondamental entre langue et économie. La Francophonie a un rôle important à jouer dans
le processus de développement des économies les plus faibles en prouvant, notamment, qu’une grande
langue internationale peut ouvrir des voies de communications essentielles pour l’échange de biens
et services. Il est établi, poursuit-il, que le développement sera atteint par ceux qui maîtrisent la
connaissance, l’information et les connaissances technologiques.
Coopération énergétique et intégration économique régionale
coopération à l’Agence
Intergouvernementale
de la Francophonie
@
[email protected]
45
La mondialisation se manifeste d’abord par
l’exacerbation de la concurrence. Pour cela
il y a des règles et un arbitre (en référence
à l’Organisation Mondiale du Commerce).
Mais il faut également de l’entraînement et de
la préparation. La langue française peut aider
les pays à se préparer aux nouvelles règles
du commerce international, elle peut aider
à apprendre « à apprendre ».
Plusieurs ministres ont également
souligné la relation qui existe entre
langue, proximité culturelle et échanges
commerciaux. À cet égard, Monsieur
Dominique Strauss-Kahn, ministre
français de l’Économie et des Finances,
a indiqué dans l’une de ses interventions que le rapport entre les parts de
marché des entreprises françaises est
de 1 à 2 voire de 1 à 3 en faveur des
pays ou des régions francophones. Par
exemple, en Afrique de l’Ouest, au
Ghana, affirme-t-il, la France compte
pour 5 % des importations, mais en
Côte d’Ivoire pour près de 27 %, soit
un montant 5 à 6 fois supérieur. En
Asie du Sud-Est, les entreprises françaises n’ont qu’un peu plus que 5 % de
parts de marchés mais sur l’ensemble
des autres pays de l’ASEAN (Association
of South East Asian Nations), la part
chute à environ 2 %.
Cette conférence a finalement permis,
grâce à l’adoption de la déclaration de
Monaco, de clarifier les orientations
pour développer « l’espace de coopération économique francophone » et
de préciser les actions de coopération
possibles en la matière. De ce point
de vue, la déclaration ministérielle
confirme l’orientation socioéconomique suivante :
« La francophonie trouve son unité dans
la complémentarité de ses membres et dans
le partage d’un patrimoine de valeurs et de
conceptions, reconnaissant notamment :
– l’importance de la diversité linguistique et
culturelle face aux défis de la mondialisation
et la nécessité de prendre en compte cet objectif
dans la définition de règles multilatérales dans
le domaine du commerce et l’investissement ;
– le lien essentiel entre le développement économique, la démocratie et la bonne gouvernance ;
– la responsabilité de l’État dans la promotion
d’un modèle de développement qui ne dissocie
pas l’économique du social et sa vocation à
assurer à tous la satisfaction de leurs besoins
fondamentaux ;
46
– le rôle de l’entreprise, particulièrement du secteur
privé, comme principal moteur du développement
économique destiné au service de la personne;
– l’instauration d’un cadre privilégiant
l’économie et la solidarité réelle en vue d’aider
ceux des pays membres en développement et
notamment les pays les moins avancés, les
pays enclavés et les petits Etats insulaires,
à se doter de moyens à créer les conditions
favorables à leur développement » (extrait de
la Déclaration de Monaco ; point 4).
En termes d’actions, trois niveaux
de coopération ont été identifiés :
des actions de concertation accrue entre
les gouvernements, des actions en direction des entreprises et le développement
des ressources humaines.
Par ailleurs, lors de la Conférence de
Monaco, la relation dynamique entre
intégration régionale et insertion dans
l’économie mondialisée a été mise en
évidence à plusieurs reprises. Selon les
ministres, une intégration régionale
réussie est un pas essentiel pour tirer
avantage des nouvelles conditions
du commerce et de l’investissement
engendrées par la mondialisation et
constitue la meilleure réponse au risque
de marginalisation qui pèse en particulier sur les pays les plus fragiles.
Les multiples avantages d’une intégration régionale bien conçue pour les
pays en développement ont notamment
été soulignés. Cette intégration permet,
tout d’abord, de surmonter les obstacles
que représente la relative exiguïté des
marchés nationaux. De plus, elle crée
des économies d’échelle et favorise la
mise en place d’infrastructures régionales. Par ailleurs, une harmonisation
touchant les domaines juridique, fiscal
et financier permet d’additionner les
ressources nationales et de faire valoir
une approche régionale avec plus
d’assurance et de force.
L’ensemble francophone ne se définissant ni comme un regroupement
régional, ni comme un bloc économique
homogène, est plutôt caractérisé par une
double transversalité : géographique,
d’une part, car ses membres appartiennent aux différentes régions du monde
(Afrique, Amériques, Asie et Europe),
et économique, d’autre part, car ses
économies sont réparties sur le large
éventail du développement du plus
industrialisé au moins avancé.
Les membres de la Francophonie
sont pour chacun d’eux intégrés
dans plusieurs blocs économiques
régionaux (Union Européenne,
ALENA, ASEAN, UMA, CDEAO,
CEMAC, etc.), voire intégrés à des
blocs géopolitiques (G7, OCDE.).
Selon certains ministres, la
Francophonie doit servir de pont entre
mondialisation et régionalisation,
entre unions régionales, entre pays
pauvres et moins pauvres. Dans le
contexte de mondialisation économique qui implique une concurrence
plus exacerbée, la Francophonie
pourrait veiller à maintenir un lien fort
entre les différentes entités et enrichir
les enjeux économiques et commerciaux internationaux à travers une
approche favorisant le dialogue NordSud et le dialogue interrégional.
Depuis, il y eu la mise en place du
fonds d’intégration des PMA à la mondialisation et le développement d’un
vaste programme de formations en
commerce international, en coopération étroite avec la Commission des
Nations-Unies pour le Commerce et le
Développement (Cnuced) et le Centre
du Commerce international (CCI).
Ce dialogue s’est également renforcé
à l’occasion des débats sur la diversité
culturelle au sein des enceintes internationales (UNESCO, OMC, etc.) qui
visent à mettre en place « un instrument international » pour protéger les
industries culturelles des risques d’une
libéralisation commerciale trop poussée
qui mettrait en péril la création et
l’identité culturelles des pays membres.
Plusieurs concertations d’experts et de
représentants gouvernementaux ont
été organisées par l’Agence de la
Francophonie, sur le thème de la
promotion de la diversité culturelle.
ESPACE DE COOPÉRATION
ÉCONOMIQUE FRANCOPHONE
ET ÉNERGIE
Concertations intergouvernementales,
partenariats d’entreprises et développement des ressources humaines
résument en quelque sorte la mission
confiée à la Francophonie multilatérale
pour développer « un espace de coopération économique francophone »,
dans le contexte des enjeux de la
mondialisation.
Liaison Énergie-Francophonie • No 53
La dimension économique de la Francophonie, intégration régionale et mondialisation
Appliquées au secteur de l’énergie, les
orientations et les actions telles que
définies ci-haut pour la construction
d’un espace de coopération économique
francophone trouvent tout leur sens. En
effet, tous les vecteurs d’une coopération
fondée sur le partage d’une langue et
d’une approche économique francophone communes y sont représentés.
Je cite ci-après les plus importantes :
– Son importance dans le développement ainsi que le caractère
transfrontalier de ce secteur au
plan économique ne sont plus à
démontrer. Il est souvent à l’origine
d’échanges régionaux importants
(gazoducs, hydraulique régionale,
interconnexions électriques, etc.)
qui en font un secteur stratégique
en matière de coopération régionale
et internationale.
– Il s’agit d’un secteur à fort contenu
technologique où la nécessité de partage des connaissances et de transferts
de technologies Nord-Sud et Sud-Sud
sont déterminants pour les pays qui
n’en disposent pas. C’est là, la vocation
traditionnelle et naturelle de la coopération multilatérale francophone. Elle
reflète la solidarité de la francophonie
à travers le partage d’une langue
commune. Cet objectif a présidé
notamment à la création de l’Institut
de l’Énergie des Pays Francophones.
– Il s’agit d’un secteur hautement capitalistique et stratégique où le partenariat entre secteur privé et pouvoirs
publics est primordial. Il est donc
traversé au premier plan par les
débats qui concernent la libéralisation
économique dans le contexte de la
mondialisation. Le partenariat entre
secteur privé et Etat fut un point
important de l’approche économique
francophone développée à Monaco.
La vision francophone dans ces
débats se distingue, par exemple, par
la volonté de ne pas laisser au seul
marché la définition des règles du jeu.
– Il s’agit d’un secteur où les concepts de
service universel et d’intérêt général –
autrement dit un service de base fourni
à chacun à un prix raisonnable, et ce
quelle que soit sa situation sociale,
culturelle ou géographique – sont
particulièrement importants pour
assurer un développement économique
qui ne se dissocie pas du social,
–
–
–
–
comme affirmé dans la déclaration
de Monaco.
II s’agit d’un secteur assez souvent
tourné sur l’économie internationale
qui, selon les pays, se traduit par
l’importation massive d’énergie
(pétrole, charbon, gaz, etc.) ou son
exportation, voire les deux à la fois.
Par conséquent, le dialogue Nord-Sud
et Sud-Sud concerne au premier chef
le secteur notamment sur les question
liées aux grands enjeux environnementaux (réchauffement de la planète,
émissions de CO2, etc.). Dans ce
contexte, la francophonie a développé
un cadre de concertations pour
préparer les pays membres aux
grandes échéances internationales
(conférence de Rio, conférence des
parties aux conventions d’environnement, dont la convention cadre
sur les changements climatiques, etc.)
Le secteur énergétique, de par les
spécificités décrites ci-haut, peut
constituer le fer de lance d’une
intégration régionale bien conçue.
Il peut contribuer à la mise en place
d’infrastructures orientées vers le
développement et la mise en valeur
conjoints des ressources naturelles au
niveau régional (barrages, centrales
hydro-électriques, etc.). C’est par
exemple le cas de L’OMVS en Afrique
de l’Ouest, ou encore de l’Energie
des grands lacs en Afrique centrale.
Ces infrastructures peuvent à leur
tour générer des économies d’échelle
en investissements nationaux (par
exemple à travers les interconnexions électriques), voire générer
des revenus financiers grâce à la
coopération régionale (taxes prélevées par les pays traversés par les
gazoducs, les pipelines, etc.). C’est
le cas du gazoduc entre l’Algérie et
l’Espagne ou entre l’Algérie et l’Italie;
les pays traversés par les gazoducs,
respectivement le Maroc et la Tunisie,
ont négocié des droits de transit à
cet effet. C’est le cas plus récent du
projet régional gazier en Afrique de
l’Ouest intégrant le Ghana, la Côte
d’Ivoire, le Bénin et le Togo.
Le secteur énergétique, parce qu’il
regroupe souvent de grandes entreprises publiques au poids économique
et financier important au niveau
national (sociétés d’électricité, sociétés
Coopération énergétique et intégration économique régionale
de production et de distribution
d’hydrocarbures, raffineries, etc.),
constitue un secteur particulièrement
visé et sensible à l’articulation entre
intérêt stratégique national, intégration régionale versus cadre juridique et
cadre commercial multilatéral. De ce
point de vue, les expériences acquises
par ce secteur en matière d’ouverture
régionale et internationale ont une
valeur pédagogique précieuse pour
les pouvoirs publics en matière
d’adaptation progressive des économies nationales à l’environnement
juridique et commercial multilatéral
tel qu’il se dessine maintenant au
plan régional et au plan mondial.
– Enfin, il s’agit d’un secteur où les
proximités linguistique et culturelle
jouent un rôle déterminant dans le
partenariat d’entreprises Nord-Sud
et Sud-Sud. En effet, au cours de ces
dernières années, dans les secteurs
électrique, pétrolier et aussi dans le
domaine des énergies renouvelables,
ce partenariat s’est développé au sein
de l’espace francophone, favorisé par
une approche économique commune
et le partage de la langue française.
De fait, la Francophonie est également
un facteur facilitateur pour l’adoption
de normes juridiques et techniques
communes favorisant la coopération
énergétique au sein de l’espace francophone. Ainsi, parallèlement aux
restructurations en cours (concessions,
systèmes BOOT, etc.) et à la libéralisation du secteur électrique, les
projets de production indépendante
d’électricité constituent actuellement
un champ concret de coopération
francophone Nord-Sud et Sud-Sud.
Des exemples sont en cours ou en
projet entre différentes entreprises
électriques francophones (France,
Québec, Côte d’Ivoire, Maroc,
Sénégal, Mali, Togo, Bénin, Gabon,
etc.).
Documents de référence :
Déclaration de Monaco adoptée par
les ministres de l’Économie et des
Finances de la Francophonie à Monaco
le 15 avril 1999
Actes de la Conférence des ministres
de l’Économie et des Finances de la
Francophonie
47
INSTITUT DE L’ÉNERGIE ET DE L’ENVIRONNEMENT DE LA FRANCOPHONIE (IEPF)
56, RUE SAINT-PIERRE, 3e ÉTAGE, QUÉBEC (QUÉBEC) G1K 4A1 CANADA
L’IEPF est un organe subsidiaire de l’Agence intergouvernementale de la Francophonie
opérateur principal de l’Organisation internationale de la Francophonie

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