Coopération énergétique Coopération énergétique
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INSTITUT DE L ÉNERGIE ET DE L ENVIRONNEMENT DE LA FRANCOPHONIE NUMÉRO 53 – 4e TRIMESTRE 2001 O R G A N I S AT I O N INTERNATIONALE DE LA FRANCOPHONIE Coopération énergétique et intégration économique régionale IEPF Sommaire Coopération énergétique et intégration économique régionale Numéro 53 4e trimestre 2001 est publié trimestriellement par l’Institut de l’énergie et de l’environnement de la Francophonie (IEPF). L’IEPF est un organe subsidiaire de l’Agence intergouvernementale de la Francophonie, opérateur principal de l’Organisation internationale de la Francophonie. 56, rue Saint-Pierre, 3e étage Québec G1K 4A1 Canada Téléphone : 1 (418) 692-5727 Télécopie : 1 (418) 692-5644 Courriel : [email protected] Site Internet : www.iepf.org Directeur de la publication : El Habib Benessahraoui Rédacteur en chef invité : René Yvon Brancart Comité éditorial : El Habib Benessahraoui Sibi Bonfils Dibongué A. Kouo Boufeldja Benabdallah Jean-Pierre Ndoutoum Sory I. Diabaté Carole Grass-Ramalingum Édition et réalisation graphique : Caractéra inc. Réalisation de la couverture : Caractéra inc. MOT DU DIRECTEUR ÉDITORIAL 3 4 EXÉCUTIF PROBLÉMATIQUE L’INTÉGRATION ÉNERGÉTIQUE – LEVIER D’INTÉGRATION ÉCONOMIQUE RÉGIONALE ET POSSIBLE FACTEUR D’INSERTION À L’ÉCONOMIE MONDIALE Michel Claude Lokolo LES 6 EXPÉRIENCES RÉGIONALES LA COOPÉRATION ÉNERGÉTIQUE, INSTRUMENT D’INTÉGRATION ÉCONOMIQUE RÉGIONALE QU’EN EST-IL POUR L’EUROPE ? Nicole Jestin-Fleury LA RESTRUCTURATION ET LA PRIVATISATION DE L’INDUSTRIE CHARBONNIÈRE EN EUROPE CENTRALE/ ORIENTALE ET DANS LA CEI Dr. Klaus Brendow TRANSFERT DE TECHNOLOGIE NORD-SUD EN BIOMASSE-ÉNERGIE INDUSTRIELLE : L’EXPÉRIENCE DU PROGRAMME COGEN Yves Shenkel et Jean-François Van Belle DE L’ÉLECTRIFICATION RURALE DÉCENTRALISÉE (ERD) À LA SOCIÉTÉ DE SERVICES POUR LE DÉVELOPPEMENT (SSD) VERS UNE PREMIÈRE APPLICATION DANS LA ZONE OMVS Bernard Klein COOPÉRER POUR RELEVER LE DÉFI DE L’ESSENCE SANS PLOMB EN AFRIQUE LES RÉSULTATS DE LA CONFÉRENCE DE DAKAR SUR L’ÉLIMINATION DE L’ESSENCE SANS PLOMB Christine Copley et Eleodoro Mayorga Alba 12 17 19 23 28 Photographie de la couverture : Getty Images ISSN 0840-7827 Tirage : 3 000 exemplaires Dépôt légal : Bibliothèque nationale du Québec Bibliothèque nationale du Canada Les textes et les opinions n’engagent que leurs auteurs. Les appellations, les limites, figurant sur les cartes de LEF n’impliquent de la part de l’Institut de l’énergie et de l’environnement de la Francophonie aucun jugement quant au statut juridique ou autre d’un territoire quelconque, ni la reconnaissance ou l’acceptation d’une limite particulière. Prix de l’abonnement annuel (4 numéros) : 40 $ CAD ; 28 $ USD ; 30 € EUR ; 16 000 CFA ; 380 000 Dongs vietnamiens Poste-publications – Convention No 155 7440 LES RÉSEAUX MONDIAUX ET RÉGIONAUX DE COOPÉRATION ÉNERGÉTIQUE LES CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS DU 18e CONGRÈS MONDIAL DE L’ÉNERGIE DE 31 COOPÉRATION DANS LE SECTEUR DES HYDROCARBURES EN AFRIQUE ASSOCIATION DES PRODUCTEURS DE PÉTROLE AFRICAINS (APPA) ET LA COOPÉRATION ÉNERGÉTIQUE EN AFRIQUE 37 S.E.M. Maxime Obiang-Nze LES NOUVEAUX DÉFIS DE L’UPDEA Mutima Sakrini Herman 39 POUR UNE COOPÉRATION FRANCOPHONE SUR LES OUTILS DE SUIVI ET D’ÉVALUATION DES POLITIQUES D’EFFICACITÉ ÉNERGÉTIQUE ET D’EFFET DE SERRE Dr. Didier Bossebœuf 41 LA DIMENSION ÉCONOMIQUE DE LA FRANCOPHONIE, INTÉGRATION RÉGIONALE ET MONDIALISATION Taoufiq Boudchiche 2 BUENOS AIRES 45 Liaison Énergie-Francophonie • No 53 Mot du directeur EL HABIB BENESSAHRAOUI Directeur exécutif Institut de l’énergie et de l’environnement de la Francophonie La dernière décennie est résolument marquée par le développement du phénomène régional. La régionalisation, lieu d’intégration ou support de coopération économiques entre États, prend un peu partout dans le monde, et plus que par le passé, une dimension opérationnelle sous l’effet des mutations structurelles que connaît l’environnement géopolitique et économique mondial. L’exemple de l’Union européenne est actuellement le plus abouti avec un marché unique et une monnaie unique. Il était donc normal de consacrer un numéro de LEF à la question de la coopération énergétique dans la dynamique (ou grâce à la dynamique) de l’intégration économique régionale. Cette livraison traite d’abord de la problématique de la coopération énergétique comme levier d’intégration économique régionale ou sous-régionale, respectivement par M. René Yvon Brancart, le rédacteur en chef invité pour ce numéro, et M. Michel Claude Lokolo. Une deuxième partie est consacrée à l’analyse d’expériences régionales de coopération énergétique et à la présentation de quelques cas concrets d’une telle coopération. C’est ainsi l’objet de l’article sur l’Union européenne et la coopération énergétique, de Mme Nicole Jestin-Fleury qui, tout en notant que cette coopération a sûrement participé à l’intégration économique de l’Europe, montre qu’on est encore loin d’une « politique énergétique européenne ». M. Klaus Brendow, en analysant la restructuration de l’industrie charbonnière en Europe centrale et orientale et dans la CEI, trace les perspectives de cette industrie à l’horizon 2010 et en analyse les contraintes économiques, sociales, institutionnelles et environnementales, qu’il importe au plus haut point de lever. Pour leur part, MM. Yves Schenkel et JeanFrançois Van Bell analysent une expérience intéressante de coopération économique entre l’Union européenne et l’ASEAN (Association des nations du sud-est Coopération énergétique et intégration économique régionale asiatique) pour le transfert de technologies en biomasse-énergie industrielle. Dans une interview, M. Bernard Klein éclaire ses diverses expériences de terrain en Afrique de l’Ouest pour l’électrification rurale décentralisée et l’évolution vers des sociétés de services pour le développement communautaire. Mme Christine Copley et M. Eleodoro Mayorga Alba présentent les principales conclusions de la conférence tenue en juin dernier, à Dakar, sur l’élimination du plomb dans l’essence en Afrique subsaharienne grâce à la coopération sous-régionale, notamment par l’harmonisation des spécifications techniques. Une troisième partie de la livraison est consacrée, en plus de la présentation des conclusions et recommandations du 18e congrès du Conseil mondial de l’Énergie, à l’analyse des programmes, des contributions et des défis de réseaux régionaux de coopération énergétique, soit ceux de l’Association des Producteurs de Pétrole Africains par M. Maxime ObiangNzé et ceux de l’UPDEA (Union des Producteurs, Transporteurs et Distributeurs de l’Énergie Électrique d’Afrique) par M. Mutima Sakrini Herman, le nouveau secrétaire général. M. Didier Bossebœuf, à travers l’expertise accumulée dans le cadre de la Coopération européenne pour l’efficacité énergétique, trace les lignes de ce que peut être une coopération renforcée en Francophonie sur les outils de suivi et d’évaluation des politiques d’efficacité énergétique et l’effet de serre. M. Taoufiq Boudchiche, enfin, tirant les conclusions de la Conférence de Monaco des ministres francophones de l’Économie et des Finances sur le développement d’un espace de coopération économique francophone, analyse le rôle et les potentialités de la coopération énergétique pour la consolidation d’un tel espace. À tous et à notre rédacteur en chef invité, Monsieur René Yvon Brancard, j’adresse ici mes vifs remerciements. 3 Éditorial RENÉ YVON BRANCART Consultant, Côte d’Ivoire @ [email protected] 4 La coopération énergétique constitue à n’en pas douter le fer de lance de l’intégration économique régionale, et les réussites qui l’attestent sont légion. Même si certaines régions accusent relativement un retard en termes de réseaux d’énergie efficients, le chemin emprunté par toutes est balisé : coopérer c’est partager, c’est réduire les coûts, c’est éviter des dépenses que commanderait une vision autarcique du développement économique et qui est dépassée, c’est exploiter en commun et aux meilleures fins des ressources physiques, financières et humaines pour accélérer le développement harmonieux des sociétés humaines. Les réseaux électriques d’Europe et d’Amérique du Nord sont depuis fort longtemps interconnectés, ceux d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud sont en pleine mutation dans ce sens, et en Afrique, tant au Sud, qu’à l’Est, au Nord et à l’Ouest, la recherche du développement des réseaux interconnectés est permanente. Toutefois, la nouvelle donne institutionnelle change les cartes quant aux importantes questions du financement et du partage des fruits de ces interconnections : où sont passées les Écoles multinationales ? Que deviennent les engagements des États lorsqu’ils ne sont plus les vrais maîtres de leurs productions électriques ou pétrolières ? Autant de questions auxquelles tentent de répondre des experts d’horizons divers. La mise en réseau des systèmes électriques constitue à n’en pas douter la base d’un renforcement de l’intégration économique régionale : c’est ainsi que les sociétés d’électricité sont parvenues à certains succès en ce qui concerne les interconnections. La coopération énergétique au sens large comporte cependant d’autres aspects fondamentaux, qui sont autant de défis et de stimulants pour une amélioration des performances économiques des États. S’agissant d’hydrocarbures, les réseaux de distribution appartenant pour la plupart aux grandes multinationales, malgré les efforts marqués d’innovation en la matière qui ont vu apparaître des nationaux (création de mini-entreprises de distribution pétrolière, unités spécialisées dans l’industrie pétrolière), le tissu pétrolier mondial est marqué par une empreinte privée et un nombre limité de sociétés, groupées de fait en similicartels (Groupements Professionnels du Pétrole en Afrique de l’Ouest, etc.). Quant à la production et au raffinagetraitement, tant pour les produits pétroliers liquides que pour le gaz naturel, les compagnies concernées travaillent bien plus localement (pays) ou à plus grande échelle (continent) : là encore, la gestion en multinationales n’interfère pas au plan de l’intégration économique des États, sauf pour le duo électricité – gaz naturel. Le couple électricité-gaz est de nos jours celui sur lequel les États fondent le plus d’espoir, (Power Pools basés sur l’exploitation des réseaux électriques des ressources en pétrole et/ou Gaz naturel visant à mettre en commun dans une sous-région les ressources primaires d’énergie et les gisements marginaux). L’effet sur les économies des pays concernés est directement lié à l’incidence sur les coûts des facteurs, dont l’électricité est le plus engageant pour les investissements directs étrangers, sur les activités industrielles, et sur le coût de combustibles de cuisson et chaleur industrielle Liaison Énergie-Francophonie • No 53 L’intégration énergétique Levier d’intégration économique régionale et possible facteur d’insertion à l’économie mondiale MICHEL CLAUDE LOKOLO Ingénieur des pétroles et docteur ès sciences Édifier « les États-Unis d’Europe » est une idée qui a habité certains esprits dans les années 1920 sur « le Vieux Continent», au sortir de la Grande Guerre. Trente ans plus tard, en 1951, une source d’énergie, le charbon, a été le prélude d’une longue marche vers l’intégration économique de l’Europe qui est couronnée par une intégration monétaire au mois de janvier 2002. Président du Comité de Pilotage de l’« Étude sur l’Intégration Énergétique Africaine » intégration économique et politique s’est révélée comme un fait majeur L’ du 20 siècle en étant un moyen privilégié d’intervention pour assurer à la fois e le développement économique et social d’une part, et d’autre part, la viabilité des États et la paix1 entre eux. La construction de grands ensembles économiques est aussi apparue nécessaire afin de mettre en œuvre une certaine rationalité économique face à l’étroitesse des marchés nationaux, mais aussi une certaine solidarité dans l’utilisation des ressources rares au regard de leur répartition inégale. Après une brève mise en perspective historique de l’intégration économique, cette contribution propose un bref rappel de ce concept et de sa mise en œuvre dans son acception actuelle. Elle examine ensuite comment l’intégration des marchés nationaux de l’énergie peut servir de levier à l’intégration économique, à travers une suppression progressive de divers obstacles aux échanges. Elle élabore enfin sur la possible incidence de l’intégration énergétique sur la compétitivité des firmes et des économies nationales d’un espace communautaire dans le cadre de l’économie désormais mondialisée. @ lokolo.un.org 6 1 Au départ, avec la création de la C.E.C.A., la construction européenne avait non seulement pour but la création d’un marché commun du charbon et de l’acier, mais aussi la réconciliation entre la France et l’Allemagne. Elle a, peu a peu, renforcé les effets du libre-échange par une politique d’intégration. Dans quelques cas, il existe un pacte de non-agression entre les États membres de certaines organisations sous-régionales d’intégration économique. Liaison Énergie-Francophonie • No 53 L’intégration énergétique Brève mise en perspective historique de l’intégration économique dans les relations économiques mondiales : de l’entredeux-guerres au GATT et à l’OMC En dehors des politiques d’autarcie économique qui ont été mises en œuvre dans l’Allemagne hitlérienne et dans les ex-pays communistes, les politiques de croissance ont toujours eu une dimension internationale. Le choix entre le protectionnisme et le libre-échange a, dès le début de l’ère industrielle, marqué les politiques de croissance. Il est apparu nécessaire par la suite, d’accroître la coopération économique internationale afin d’amplifier la croissance des économies nationales. L’ENTRE-DEUX-GUERRES Dans leur prime mise en œuvre, les zones d’intégration économique ont essentiellement associé une métropole à ses colonies – autrement dit, des pays industrialisés à des pays producteurs de produits de base. Une protection douanière des privilèges de la métropole assurait l’intégration de la zone. À partir de la crise de 1929, la suppression de la convertibilité des monnaies a amené l’instauration des zones monétaires à l’intérieur desquelles les échanges étaient réalisés grâce à une monnaie dominante, celle de l’économie dominante de la zone. C’est ainsi que l’on a vu l’apparition d’une « zone dollar », d’une « zone sterling », d’une « zone franc », ou encore d’une « zone escudos », qui d’une manière ou d’une autre renforçaient les dépendances de pays producteurs de produits de base avec un pays dominant. De nos jours, les nouvelles zones d’intégration ont quelque peu consacré l’effacement de cette forme de complémentarité décrite ci-dessus ; elles lient dorénavant les économies sur une base sous-régionale ou régionale. La construction européenne est la plus ancienne et la plus accomplie de ces nouvelles zones d’intégration économique régionales. DU GATT À L’OMC Dans l’entre-deux-guerres, la crise économique a incité chacun des protagonistes à se barder de protections douanières ou réglementaires pour diminuer la concurrence des produits étrangers. Après la guerre, sous la pression des États-Unis devenus l’économie dominante, l’Organisation des Nations Unies a convoqué une conférence mondiale destinée à élaborer les règles d’une libéralisation du commerce international. L’accord du GATT 2 qui est le produit de ses laborieuses délibérations a récemment cédé la place en 1996 a l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).132 pays y ont adhéré, soit la quasi-totalité des nations de quelque importance économique. En instaurant la clause dite « de la nation la plus favorisée », le GATT a pu négocier la nécessité de l’évolution du bilatéralisme au multilatéralisme et à la non-discrimination dans les relations commerciales internationales. Il en a résulté que – toute réduction, et toute exception, s’applique à toutes les parties contractantes du GATT. Par ailleurs, le GATT a aussi admis que certains de ses membres s’unissent dans des regroupements régionaux. C’est ainsi donc que l’établissement de la Communauté Européenne en a été un des principaux exemples. Le commerce international a donc joué, au cours des vingt dernières années, un rôle de «locomotive» dans la croissance économique. Globalement, la valeur du commerce mondial (biens et services) est passée d’environ 600 milliards de francs français à 34 500 milliards en 1998. Compte tenu de la hausse des prix, cela correspond à une multiplication par dix des quantités échangées ! Et à elle seule, l’Union Européenne 2 représente 40 % du total ; mais une grande partie de ce commerce est interne à l’Union. Du concept et des formes d’intégration économique LE CONCEPT Dans son acception nouvelle, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, l’intégration économique peut être définie comme étant à la fois une stratégie et une méthode d’action permettant de concevoir et de mettre en œuvre, dans un cadre institutionnel convenu entre plusieurs États, des politiques communes et des actions de développement et de croissance. Elle doit conduire à terme à l’instauration d’un marché commun et à la réalisation progressive d’une union économique et monétaire, en vue de l’objectif final qui est l’unité politique, sous une forme confédérale ou fédérale. L’intégration économique est donc une approche alternative rationnelle de « développement solidaire». Elle apparaît de plus en plus comme une voie efficace pour faire ensemble ce qui, à l’échelle d’un seul État aurait été difficile ou impossible à réaliser, et qui s’avère plus bénéfique à l’échelle d’un regroupement de plusieurs États. Elle est fondée sur une synergie des moyens et des capacités pour faire face à des défis et des besoins analogues de développement. L’expérience a démontré qu’elle est un processus pratique qui s’élabore au fur et à mesure que les États manifestent et amplifient dans des actes leur volonté d’avancer dans cette voie. Elle peut revêtir des formes multiples avec des modalités d’application variées. LES FORMES D’INTÉGRATION ÉCONOMIQUE C’est à partir des diverses expériences concrètes, depuis une cinquantaine d’années, de plusieurs systèmes d’intégration économique et politique, que la réflexion théorique a pu se faire. General Agreement on Tariffs and Trade ; en français, Accord Général sur les Tarifs Douaniers et le Commerce (AGETAC). ➤ Coopération énergétique et intégration économique régionale 7 Partant, il est plutôt admis que dans le domaine de l’intégration, il n’y a pas peut-être de schéma définitif qui s’impose. L’expérience montre que l’intégration économique est une élaboration continuelle. La volonté politique, le pragmatisme, les réalités et les nécessités de l’heure, ainsi que les motivations à long terme constituent le terreau à partir duquel se nourrit et se bâtit cette ambitieuse entreprise. La pratique a secrété dans le temps différents mécanismes et techniques de mise en œuvre des objectifs de regroupement des États. L’intégration économique régionale peut être plus ou moins importante ; les formes d’intégration vont de l’union douanière au marché commun, puis au marché unique 3 avec ou sans monnaie unique. L’union économique et monétaire dont l’achèvement conduit à l’union politique est la dernière étape de l’intégration économique. La mise en œuvre progressive de l’intégration énergétique peut emprunter l’un de ces mécanismes ou l’une de ces techniques. La coopération énergétique – un des leviers de l’intégration économique régionale ou sous-régionale Dans le cas de l’intégration européenne4, après la création de la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier), s’est aussitôt posée la question de l’élargissement de la base économique de l’intégration. Fallait-il s’engager dans la voie d’une intégration économique générale ou poursuivre dans la voie sectorielle ? Les deux voies furent retenues à la conférence de Messine en 1953. Les négociations aboutirent à la signature à Rome, le 25 mars 1957, des deux traités portant création respectivement de la Communauté Économique Européenne (CEE) et de la Communauté Européenne de l’Énergie Atomique (EURATOM). 8 Dans la perspective de l’intégration économique régionale, la «coopération énergétique» acquiert une dimension plus large, celle de la réalisation à terme de l’objectif de décloisonnement et d’intégration progressive des marchés nationaux de l’énergie. L’INTÉGRATION DES MARCHÉS – OUTIL DE DÉVELOPPEMENT DES ÉCHANGES ÉNERGÉTIQUES Les avancées progressives, et particulièrement « le triomphe », au cours des vingt dernières années, de la pensée économique libérale, ont rendu possible la prise de conscience quant à la nécessité d’accélérer la levée des entraves aux échanges, liées à l’existence d’obstacles divers, d’ordre technique, fiscal et institutionnel. La suppression des obstacles internes à la libre circulation des marchandises et des services, vise donc la création d’un véritable marché intérieur – le marché commun – circonscrit dans les limites géographiques des États qui composent cet espace sous-régional ou régional. L’accroissement des échanges énergétiques à l’échelle sous-régionale ou régionale est donc l’un des objectifs recherchés par la levée des divers obstacles qui contribuent au décloisonnement des divers marchés nationaux de l’énergie. Comme facteur de production, l’énergie est un intrant qui concourt à l’amélioration de la compétitivité économique. L’intégration progressive des marchés de l’énergie, à travers l’objectif d’un accès amélioré et progressif à une énergie abondante, propre, accessible, disponible et bon marché, contribue à renforcer la compétitivité à même de soutenir la croissance économique, dans la perspective d’un développement économique et social des États membres. 3 4 La mise en œuvre d’une intégration des marchés de l’énergie conduit à un développement des échanges et, in fine à une diminution des coûts d’accès à l’énergie qui bénéficie autant au consommateur individuel qu’à l’industrie, et aux entreprises. Elle a également des effets bénéfiques sur l’industrie de l’énergie des pays membres, car elle permet de tirer parti des complémentarités, de rationaliser les activités de production, de transport et de distribution d’énergie. Elle représente un facteur supplémentaire et significatif de sécurité d’approvisionnement pour tous les États membres. Une plus grande interconnexion des équipements énergétiques permet d’accroître « la solidarité des États membres», ainsi que les moyens de secours en cas de crise. LES DIVERS OBSTACLES AU DÉVELOPPEMENT DES ÉCHANGES ÉNERGÉTIQUES Ces obstacles ne pourront être supprimés que progressivement. La promotion d’un marché intégré doit aussi prendre en considération les contraintes objectives, parfois liées à certaines réalités spécifiques nationales, qui peuvent en nuancer la mise en œuvre. L’expérience de l’intégration des marchés de l’énergie a mis en évidence trois types d’obstacles : techniques, fiscaux et institutionnels. Nous n’évoquerons que quelques-uns d’entre eux. • En ce qui concerne les obstacles techniques, on peut citer la diversité des normes techniques (tensions électriques, spécifications des produits pétroliers, etc.) ; l’insuffisance ou l’inexistence des infrastructures énergétiques indispensables au développement des échanges (de réception, de stockage, de transport, et de distribution). Dans ce cas, l’objectif est d’évoluer progressivement vers un ensemble économique formant un tout, et dont les caractéristiques seront proches de celles d’une économie nationale. Cet exemple est peut-être le cas le mieux connu et le plus avancé à l’heure actuelle ; l’intégration a atteint le stade du marché unique et depuis janvier 2002 celui de la monnaie unique. Liaison Énergie-Francophonie • No 53 L’intégration énergétique L’harmonisation des normes et la mise en œuvre d’une politique concertée des infrastructures constituent des moyens d’action pour une suppression progressive de ces obstacles en vue d’un développement des échanges énergétiques. La politique des infrastructures concerne l’inventaire de l’existant, l’optimisation des équipements existants, l’identification des infrastructures à développer, le développement des interconnexions, une concertation accrue pour une cohérence des investissements énergétiques. La suppression progressive des obstacles techniques est donc un des préalables à l’amélioration des échanges énergétiques ; elle contribue aussi à une meilleure utilisation des capacités de production disponibles. A titre d’exemple, l’adoption de spécifications communes favorise les échanges de produits pétroliers, et contribue à réduire les coûts de raffinage. Par ailleurs, le développement des interconnexions entre les réseaux d’électricité ou de gaz naturel contribue à une optimisation du taux d’utilisation des équipements. LA GESTION INTÉGRÉE DES RESSOURCES EN EAU PAR BASSIN Au cours de la dernière décennie, l’eau est devenue un sujet d’intérêt prioritaire au plan politique tant national qu’international. On ne compte plus les conférences intergouvernementales, les manifestations internationales de la société civile, les déclarations, les conventions et autres traités sur l’eau. Partout l’idée s’impose de la nécessité d’une « politique mondiale de l’eau » face à l’augmentation vertigineuse des besoins par rapport à des ressources mobilisables relativement limitées, à la pollution grandissante de ces ressources qu’elles soient superficielles ou souterraines, aux conflits d’usage à l’intérieur des pays et entre pays partageant un même bassin. Cette idée s’impose surtout face à la question lancinante de la démocratisation de l’accès à l’eau potable dont près de 1,5 milliards de personnes sont actuellement privées. Face à ces contraintes, il faut d’abord et partout promouvoir et assurer une gestion intégrée et durable des ressources en eau en tenant compte du caractère spécifique de l’eau en tant que « bien patrimonial » et « source de vie ». Le manuel élaboré par M. Jean Burton sur « la gestion intégrée des ressources en eau par bassin » est édité par l’IEPF. L’ouvrage est fondé justement sur les nouvelles approches pour une gestion intégrée, durable, solidaire et participative. Destiné à la formation des formateurs et à celles et ceux qui au quotidien, planifient, mettent en œuvre des programmes hydrauliques ou contribuent à la gestion pratique de la ressource eau, ce manuel traite, de manière aussi rigoureuse que pédagogique, des enjeux globaux de la gestion intégrée d’une part et présente d’autre part les étapes documentées d’une démarche de formation ou d’auto-formation d’une durée de deux semaines. • S’agissant des obstacles fiscaux, les prix des énergies sont grevés de taxes diverses, variables d’un pays à l’autre, qui constituent un important obstacle aux échanges énergétiques intra et interrégionaux. Une harmonisation progressive des fiscalités sur l’énergie peut également contribuer à un développement des échanges énergétiques. • En ce qui concerne les obstacles institutionnels, l’organisation des divers marchés nationaux, parfois fortement cloisonnés, constitue une entrave aux échanges énergétiques sousrégionaux ; il s’agit notamment de certains règlements nationaux qui instituent souvent une exclusivité nationale. A titre d’exemple, on peut citer les restrictions sur l’importation des produits pétroliers liées à la protection des raffineries nationales. Il est organisé en deux parties. La première, de nature plus conceptuelle, passe en revue diverses définitions et certains enjeux liés à la gestion intégrée par bassin. La seconde partie du manuel, résolument axée sur la formation, conduit le lecteur et le formateur à travers les étapes d’une démarche de gestion. L’auteur : Jean Burton est biologiste de formation. Il dirige le projet « Gestion des grands fleuves » depuis 1990 et coordonne, depuis sa fondation en 1991, le Réseau francophone de gestionnaires d’écosystèmes fluviaux et lacustres. Travaillant d’abord sur le fleuve Saint-Laurent (Canada), il a animé des ateliers de formation et participé à des échanges d’expériences sur plusieurs grands fleuves du monde. ➤ Coopération énergétique et intégration économique régionale 9 Au delà de la nécessité d’une politique concertée des infrastructures, l’absence d’un cadre réglementaire de développement des échanges et d’un cadre spécifique de concertation pour l’élaboration d’un environnement institutionnel approprié, constitue aussi un handicap pour une amorce des échanges énergétiques. L’identification et la suppression progressive de ces divers obstacles conduisent donc à une ouverture effective des marchés et à la mise en œuvre progressive d’un marché intégré régional ou sous-régional de l’énergie. En conséquence, il apparaît que la mise en œuvre de l’intégration énergétique par la suppression progressive des obstacles divers, nécessite un cadre d’action commun à tous les États qui composent l’espace communautaire. Il est matérialisé par un rapprochement des politiques nationales de l’énergie, et par l’élaboration et la mise en uvre progressive d’une politique énergétique commune. Cependant, cette politique énergétique commune se doit de rechercher une satisfaction des besoins énergétiques au moindre coût, en étant soucieuse des exigences de la protection de l’environnement. Elle devrait contribuer à promouvoir et à assurer aux États une « sécurité collective » pour leurs approvisionnements énergétiques. L’intégration énergétique – facteur d’insertion a l’économie mondiale ? L’INTÉGRATION ÉNERGÉTIQUE – POSSIBLE CATALYSEUR D’UNE MEILLEURE COMPÉTITIVITÉ DES FIRMES ET DES ÉCONOMIES NATIONALES… Toutes les économies nationales et les firmes implantées dans les États membres des ensembles sous-régionaux ou régionaux sont désormais soumises à une compétition globale à l’échelle de l’économie mondiale. Afin de créer un environnement porteur et attractif pour de potentiels investissements, 10 les États membres ont donc intérêt à développer des réseaux d’infrastructures essentielles et de bonne qualité. L’élimination des obstacles au développement des échanges énergétiques permet d’accroître la compétitivité des économies communautaires en diminuant leur coût d’accès a l’énergie. Le marché intérieur permet d’avancer dans cette direction par deux canaux - le rapprochement des prix des énergies rendues au consommateur final, des coûts de production en éliminant les rentes de monopoles ou de localisation ; et la réduction des coûts de production en rationalisant l’organisation des industries de l’énergie, en favorisant les effets de taille, en contraignant les entreprises à une gestion plus rigoureuse. Il en découle une efficience plus élevée liée à une concurrence accrue entre firmes, qui implique aussi en conséquence un accroissement des échanges intracommunautaires. Au plan macroéconomique, l’impact d’une baisse des prix rendus de l’énergie, due à une concurrence accrue, peut être évaluée par – une réduction du coût d’approvisionnement en énergie ; et un gain annuel en points ou fractions de point de croissance économique matérialisée dans les chiffres du PIB. Un coût d’accès de l’énergie attractif peut ainsi constituer un facteur de compétitivité supplémentaire pour une firme implantée dans un espace communautaire ou même pour une économie donnée, par rapport à ses concurrentes de par le monde. … MALGRÉ DE LÉGITIMES CRAINTES LIÉES AUX RAVAGES DE LA MONDIALISATION DU 19e SIÈCLE Cette approche prospective et enthousiaste à l’égard de la nouvelle donne économique internationale, marquée par « la mondialisation», ne saurait éluder le fait que cette « expérience » ait plutôt été très douloureuse dans le passé, ce qui explique qu’elle 5 suscite de légitimes inquiétudes dans les pays du Sud et au delà. En effet, la mondialisation qui s’est produite au 19e siècle dans le commerce entre nations, dans le sillage de la première révolution industrielle et en application de la « théorie des avantages comparatifs » de David Ricardo, a laissé un goût amer aux pays du Sud, notamment l’Inde et la Chine. Conformément à la théorie ricardienne, l’Inde s’est désindustrialisée5 en « contrepartie » de l’industrialisation anglaise. A la fin du siècle, les trois quarts de la consommation textile indienne seront importés… d’Angleterre ! Par ailleurs, de par sa spécialisation dans la culture de produits qui ne garantissaient plus son alimentation, l’Inde, qui était le grenier de l’Asie au début du 19e siècle, a dû par conséquent importer son alimentation de base. De son côté, la Chine a subi les ravages du libre-échange et de la mondialisation, qui a imposé la « guerre de l’opium » qui s’est conclue, comme l’on sait, à l’avantage des Anglais ; le Traité de Nankin signé en 1842 a instauré la libre pénétration de l’opium en Chine ! Ainsi, du traumatisme qu’avait été, pour les pays aujourd’hui du Tiers Monde, la mondialisation au 19e siècle était née l’idée qu’ils gagneraient à poursuivre à l’inverse des stratégies de développement « auto-centrées», à l’abri du commerce international. Elle a perdu aujourd’hui de sa pertinence, au regard des « prouesses économiques » des Dragons d’Asie. Désormais, les pays pauvres ont découvert et comprennent qu’ils peuvent prendre appui sur le commerce mondial pour s’industrialiser. À cet effet, on a pu observer, dans un passé récent, qu’un changement qualitatif fondamental s’est déjà produit : la L’Inde qui était exportateur net de produits textiles au début du 19e siècle a vu sa base industrielle se détruire totalement ; les « indiennes » qu’elle produisait étaient des soieries très recherchées, et l’artisanat local était très développé. Liaison Énergie-Francophonie • No 53 L’intégration énergétique part des produits manufacturés dans les exportations des pays en voie de développement est passée de 20 % en 1970 à 60 % en 1990. L’image d’un Tiers Monde spécialisé dans l’exportation de produits primaires laisse de plus en plus la place à une nouvelle réalité. Du fait d’une intégration énergétique [et économique] porteuse, une énergie abondante, propre, accessible, disponible et à moindre coût peut donc constituer un des « avantages comparatifs » susceptibles de permettre, « ceteris paribus », à des firmes ou à des économies nationales de compétitionner pour leur insertion dans les marchés mondiaux. *** L’intégration économique est un processus qui se nourrit de la volonté politique des États membres, soutenu et mis en œuvre à travers des outils appropriés. C’est un projet qui s’inscrit dans une vision de l’avenir, au delà des générations présentes ; il constitue et jette les jalons d’un monde que l’on souhaite meilleur. Il a été établi qu’il existe bien une corrélation étroite entre l’inaccessibilité à l’énergie, et notamment aux énergies modernes, et divers indicateurs de pauvreté. Même si, à l’échelle des ménages, l’énergie n’a pas encore été reconnue «comme un des besoins de base», il demeure qu’elle est incontestablement indispensable pour leur satisfaction. L’inaccessibilité à l’énergie est une des composantes de la pauvreté ; accroître sa disponibilité et améliorer son accès au moindre coût constitue une des dimensions essentielles de la lutte contre la pauvreté dans le monde. La neuvième session de la Commission des Nations Unies sur le Développement Durable qui s’est tenue au mois d’avril 2001 à New York a proposé un objectif de lutte contre la pauvreté énergétique dans le monde – Réduire de moitié à l’horizon 2015 le nombre de personnes dans le monde, (et ils sont deux milliards à l’heure actuelle !), qui n’ont accès à aucune des formes des énergies modernes, dites « commerciales». Bibliographie : Cet objectif a été entériné par la troisième Conférence des Nations Unies sur les Pays les Moins Avancés (PMA), qui s’est déroulée à Bruxelles au mois de mai 2001 ; il participe des défis majeurs auxquels ces pays sont aujourd’hui confrontés – à savoir devenir compétitifs à l’échelle de l’économie mondialisée, et réduire la pauvreté dans laquelle vit la majeure partie de leurs populations. Cet objectif de «réduction de la pauvreté énergétique» apparaît un corollaire de celui qui a été fixé antérieurement par la Conférence Mondiale sur le Développement Social organisée sous l’égide des Nations Unies en juin 1995 à Copenhague, à savoir « Réduire de moitié, à l’horizon 2015, le nombre de personnes qui vivent dans l’extrême pauvreté, avec moins d’un dollar par jour ». Ramses 2001 – Rapport annuel de l’Institut Français des Relations Internationales Si nous plaçons l’Homme au cœur de toutes nos politiques, comme moteur et finalité de nos actions, l’intégration énergétique s’avèrera incontestablement un outil de plus pour améliorer sa condition, et partant, possiblement aussi, celui de notre Humanité toute entière. Et même s’il a parfois sacrifié son essence et sa raison d’être, les faits historiques ont bien établi que la mise en œuvre de l’ambition humaniste résulte bien des « Pouvoirs du Rêve » – celui d’un avenir et d’un monde meilleurs, pour le plus grand nombre ! OSCAL/UNDESA – Energy For Sustainable Development of The Least Developed Countries in Africa : An Overview René Rémond – Regard sur le siècle Jean Marie Albertini – Les rouages de l’économie nationale Daniel Cohen – Richesse du monde, et pauvretés des nations Denis Clerc – Déchiffrer l’économie Ibrahim A. Gambari – « Regional integration : the African perpective » ; in Carribean Affairs, janvier-mars 1991 Guy de Carmoy et Georges Brondel – L’Europe de l’énergie (Commission des Communautés Européennes) Traité instituant la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier Traité instituant la Communauté Européenne de l’Énergie Atomique Traité instituant la Communauté Européenne Nations Unies – Actes de la Conférence Mondiale sur le Développement Social Nations Unies – Documents de la troisième Conférence des Nations Unies sur les Pays les Moins Avances (PMA) Nations Unies/ECOSOC – Rapport sur la neuvième session de la Commission des Nations Unies sur le Développement Durable Thierry Gaudin – Pouvoirs du rêve NOUVELLES DU TERRAIN Appui à un micro-projet jeunesse (Elohim International) de réduction de l’utilisation de la biomasse énergie aux abords des grandes villes du TOGO par l’utilisation de réchaud à gaz. Pour plus d’information, s’adresser à : Sylvain K. LOLO, [email protected]. Coopération énergétique et intégration économique régionale 11 La coopération énergétique, instrument d’intégration économique régionale Qu’en est-il pour l’Europe ? NICOLE JESTIN-FLEURY Économiste Chargée de mission au Commissariat Tout a été dit sur l’Europe : source de bien-être pour les uns lorsque l’existence de réseaux permet, en développant les échanges, de réduire la facture énergétique nationale ; source de « tourments » pour les autres lorsque « l’Europe » parée de tous les vices devient l’entité supranationale obligeant (ou permettant) certains pays à instaurer la concurrence sur leur territoire alors même que l’opinion publique la rejette ! Général du Plan, Paris N e parlons pas d’une politique énergétique européenne, source d’intégration économique régionale, source de richesses pour tous – elle n’existe pas. Parlons plutôt d’un « marché intérieur » qui, en favorisant les échanges, permet un approvisionnement énergétique au moindre coût… pour les pays qui le souhaitent et ne se cramponnent pas sur leur « indépendance nationale ». Les vaines tentatives d’une politique énergétique commune LA PLACE DE L’ÉNERGIE DANS LES TRAITÉS L’histoire de la Communauté européenne est fondée sur des préoccupations énergétiques : ainsi dès le 18 avril 1951, le Traité de Paris instituait la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA) entre six pays européens (France, RFA, Italie, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg). Ce traité instaurait la libre circulation intracommunautaire du charbon et de l’acier. @ [email protected] 12 La CECA créait les prémisses d’un marché commun entre les États membres, susceptible d’aider l’Europe à se reconstruire. La période de l’après-Seconde Guerre mondiale était en effet dominée par une pénurie d’énergie liée au conflit, et par la prédominance du charbon qui représentait alors tout à la fois pour l’Europe l’essentiel de sa consommation énergétique et « SA » ressource énergétique. La priorité était donc naturellement donnée au développement charbonnier à travers une concentration et une modernisation de la production, voire à travers les mesures de nationalisation du secteur lancées en France et au Royaume-Uni. Liaison Énergie-Francophonie • No 53 La coopération énergétique, instrument d’intégration économique régionale Cette politique a été une réussite et la production de charbon européen culminait à la fin des années 1950. Toutefois, l’accroissement rapide des besoins, supérieur à celui de la production, a imposé très vite un recours croissant aux importations. Quelques années plus tard, le 25 mars 1957, les six membres fondateurs de la CECA signaient le Traité de Rome : celui-ci donnait naissance à la Communauté économique européenne (CEE) et à la Communauté européenne de l’énergie atomique (CEEA) connue sous le nom de Traité Euratom. Ce dernier Traité participait à la volonté de relancer très vite la construction européenne sur des bases économiques – il s’inspirait de la théorie dite de l’intégration fonctionnelle selon laquelle, par un effet d’entraînement, la solidarité instituée dans des secteurs sensibles s’étendrait progressivement à l’ensemble de l’activité économique pour déboucher sur une communauté politique. Le Traité Euratom avait à l’origine comme ambition d’organiser sur le territoire de la Communauté européenne l’ensemble d’une activité économique nouvelle – la filière électronucléaire. Plus précisément, il soulignait l’intérêt de la Communauté pour l’énergie nucléaire, la coopération européenne visant exclusivement à promouvoir l’utilisation pacifique de l’atome. La Communauté européenne devait, dans ce cadre : • développer la recherche et assurer la diffusion des connaissances techniques ; • établir des normes de sécurité uniformes pour la protection sanitaire de la population et des travailleurs, et veiller à leur application ; • faciliter les investissements et assurer, notamment en encourageant les initiatives des entreprises, la réalisation des installations fondamentales nécessaires au développement de l’énergie nucléaire dans la Communauté ; • veiller à l’approvisionnement régulier et équitable de tous les utilisateurs de la Communauté en minerais et combustibles nucléaires ; • garantir par des contrôles appropriés que les matières nucléaires n’étaient pas détournées à d’autres fins que celles auxquelles elles étaient destinées. La CEE en revanche ne disposait pas de compétences particulières en matière de politique énergétique, le Traité de Rome ne mentionnant aucune notion de « politique communautaire de l’énergie ». Les raisons ? Le charbon, principale source d’énergie du moment, était couvert par les dispositions de la CECA et le pétrole importé ne posait aucun problème car il était abondant et bon marché. L’Europe était donc dans une situation où les traités CECA et Euratom créaient une compétence communautaire dans le secteur du charbon et celui de l’énergie atomique. Les trois autres sources d’énergie – le pétrole, le gaz et l’électricité – ne faisaient pas l’objet de dispositions spécifiques. LA COMMUNAUTÉ ET LES QUESTIONS ÉNERGÉTIQUES JUSQU’EN 1973 L’action de la CECA1 Jusqu’en 1958, la CECA, fondée en période d’essor charbonnier, participe à cet essor en organisant le marché du charbon, notamment par la suppression des mesures discriminatoires en matière de prix. Mais à peine la période transitoire conduisant à la mise en place de l’union douanière est-elle terminée (janvier 1958) que la CECA est confrontée à la crise charbonnière, le charbon européen ne pouvant rester compétitif face au charbon importé. Elle doit participer dès lors à une politique de repli qui n’est pas celle pour laquelle elle avait été fondée. Malgré l’existence d’une Haute autorité supranationale, elle se révélera impuissante à imposer un véritable plan communautaire et 1 chaque État organise lui-même le recul de sa production. L’action de la CECA se limite alors à accompagner les programmes nationaux de restructuration en favorisant la reconversion des industries d’exploitation charbonnière et, au plan social, la réadaptation des mineurs. L’action de la CEEA Celle-ci n’a pas été plus performante : malgré la réalisation d’une agence d’approvisionnement commune et de centres communs de recherche à Karlsruhe (Allemagne), Mol (Belgique), Patten (Pays-Bas) et Ispra (Italie), la collaboration entre les pays membres de la Communauté est demeurée relativement discrète. Cette attitude résultait avant tout du contexte énergétique de l’époque marqué par le bas prix des hydrocarbures et par la diversité des décisions des États face aux choix technologiques, particulièrement en ce qui concerne l’atome. L’énergie nucléaire s’est ainsi développée dans certains États membres seulement, et sur des bases essentiellement nationales. La France et le Royaume-Uni ont eu un rôle moteur dans ce domaine : la France, soucieuse d’assurer son indépendance, a développé, par l’intermédiaire du Commissariat à l’énergie atomique (CEA) une filière spécifique UNGG (Uranium Naturel Graphite Gaz) plutôt que d’adopter des filières américaines fondées sur l’uranium enrichi, et cela jusqu’en 1969 ; le Royaume-Uni a adopté une attitude comparable, avec la création, dès 1954, de l’Atomic Energy Authority qui a participé à une progression très rapide de l’équipement – un premier plan (1955/1956) prévoyait neuf centrales s’ajoutant aux deux premiers réacteurs expérimentaux mis en place auparavant. L’Italie a construit quelques centrales ; l’Allemagne s’y est mise plus tardivement, l’abondance du charbon national ayant constitué un frein à toute volonté de diversification. Quelques Ce traité, ainsi que ses règles d’application expirent le 23 juillet 2002. ➤ Coopération énergétique et intégration économique régionale 13 rares centrales seront réalisées avec une participation de la CEEA. Quant aux centres européens de recherche, ils seront vite fermés ou réorientés vers d’autres activités. La recherche nucléaire deviendra une simple composante du « Programme cadre de recherche et de développement technologique » (PCRD), programme quinquennal européen (10,2 % des crédits de ce programme sur la période 1998-2002). On peut dire aujourd’hui que le Traité Euratom contient pour l’essentiel des dispositions devenues obsolètes. En particulier, la promotion du nucléaire par la Commission ne peut plus être assurée alors même que l’énergie nucléaire est tombée en discrédit dans de nombreux pays. L’objectif du Traité Euratom devient donc un leurre. D’ailleurs, le dernier « Programme indicatif nucléaire commun » (PINC), publié en 1996 précisait « il appartient à chaque État membre de décider de développer ou de ne pas développer l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire […] le choix fait par chaque État doit être respecté ». NOUVELLE Après les Traités de Rome et Euratom, la Commission cherchera cependant à ébaucher une politique énergétique commune : dès 1962, dans un « mémorandum sur la politique énergétique », puis en 1968, 1972 et 1973, mais ces différents projets ne déboucheront sur aucun résultat tangible. LES EFFORTS NOUVEAUX APRÈS LES CHOCS PÉTROLIERS Le premier choc pétrolier (1973/1974) a mis en relief l’absence d’une politique communautaire. Chaque État réagit indépendamment des autres en choisissant sa propre politique : par exemple, l’Allemagne met l’accent sur le charbon alors que la France s’engage dans une politique de développement nucléaire. Mais au delà de ces actions nationales menées en fonction de situations propres à chacun des pays, l’absence d’entente communautaire se manifeste dans plusieurs occasions : • les Pays-Bas sont touchés par l’embargo décidé par l’OPEP sans que cela n’entraîne aucune action communautaire ; • en février 1974, les consommateurs de pétrole sous la houlette des États-Unis se regroupent au sein de « l’Agence internationale de l’énergie » avec comme objectif de présenter un front commun des consommateurs face aux exportateurs, la France refuse d’y participer alors que huit membres de la CEE y adhèrent ; • lorsqu’il s’agit pour les pays européens de rechercher leur indépendance pour la production d’uranium enrichi (jusque là acheté aux ÉtatsUnis ou en Russie) deux projets concurrents sont réalisés : la France, l’Italie, la Belgique, l’Espagne et l’Iran se regroupent en 1975 dans Eurodif pour construire en France à Tricastin une usine de séparation isotopique utilisant le procédé de diffusion gazeuse ; le Royaume-Uni, l’Allemagne et les Pays-Bas s’entendent au sein d’URENCO pour construire à Capenhurst en Grande-Bretagne, à Almelo aux Pays-Bas et à Gronau en Allemagne des usines utilisant le procédé d’ultracentrifugation. PUBLICATION Le Guide Efficacité énergétique de la climatisation en région tropicale Dans les bâtiments du secteur tertiaire des pays du sud, le froid et la climatisation constituent les principaux consommateurs d’énergie. On estime que la climatisation représente à elle seule au moins 60 % des gisements exploitables. Il s’agit d’une technologie importée pour laquelle les pays du Sud manquent d’une tradition de formation de techniciens et d’ingénieurs qualifiés. Peu d’informations existent sur une approche adaptée aux Pays du Sud (choix d’un matériel spécifique, dimensionnement propre aux différents climats…) Le Guide Efficacité énergétique de la climatisation en région tropicale vient mettre l’accent sur ce poste de consommation. L’ouvrage est constitué de deux volumes : le tome 1 traite de la conception de nouveaux bâtiments et le tome 2 aborde l’exploitation des installations existantes. Le Guide Efficacité énergétique de la climatisation en région tropicale sera bientôt disponible sur le site Internet de l’Institut, www.iepf.org. 14 Liaison Énergie-Francophonie • No 53 La coopération énergétique, instrument d’intégration économique régionale Seul un programme d’économie d’énergie à l’échelle européenne est mis en place par la CEE en mai 1974… mais il aura peu d’effets. Plus tard, au lendemain du second choc pétrolier, d’autres initiatives communautaires seront prises pour tenter de réduire les importations de pétrole, diversifier les sources d’approvisionnement, et réduire la part du pétrole dans le bilan énergétique communautaire. Ces efforts seront poursuivis tout au long des années quatre-vingts : au printemps 1988, la Commission présentait « les objectifs énergétiques communautaires de 1995 », objectifs qui ne pourront être atteints qu’en partie. Et pourtant, elle avait présenté en mars 1989 le programme Thermie, prévoyant en particulier une aide financière communautaire et la diffusion du savoir-faire technologique dans de nombreux domaines (efficacité énergétique, énergies renouvelables, utilisations propres du charbon, exploitation et développement des hydrocarbures). Vers la création d’un marché intérieur européen L’émergence d’une politique commune dans le domaine énergétique, secteur stratégique par excellence, s’est donc heurtée à de fortes divergences d’appréciations des États Membres quant aux orientations à imprimer à la politique énergétique – divergences touchant de nombreux domaines comme le choix entre sources d’énergie, l’attitude à l’égard du nucléaire, le rôle de la puissance publique dans l’organisation du marché, etc., sur lesquelles le Traité de Rome n’essayait pas de mettre bon ordre. Si, parmi les objectifs qu’il énumère, le Traité de Rome ne mentionne pas les éléments qui formeraient le contenu d’une politique de sécurité d’approvisionnement (comme les priorités à établir entre les différentes sources d’énergie, des dispositifs d’économie d’énergie à mettre en place, des dispositifs de stockage en cas de crise, etc.), il est important de souligner qu’il énumère un arsenal normatif axé sur la libre circulation des biens et des services. Et c’est cet axe qui constituera très vite l’essentiel des actions communautaires. Un premier Livre blanc sur l’achèvement du marché intérieur était adopté par le Conseil européen de Milan en juin 1985. Parmi les principaux objectifs retenus, on peut citer : l’application du droit communautaire en matière d’entraves aux échanges, de concurrence, d’aides des États ; l’élimination des frontières techniques ; l’ouverture des marchés publics ; l’élimination des frontières fiscales ; le développement de nouvelles infrastructures d’intérêt communautaire (au delà des infrastructures nationales existant pour le gaz naturel, les produits pétroliers, le pétrole brut et l’électricité). Aujourd’hui, c’est à travers la réalisation de ce « marché intérieur de l’énergie » qu’on assiste à l’accélération du processus d’intégration du marché européen de l’énergie, les échanges de gaz et d’électricité entre pays ayant pu se développer car ils bénéficiaient d’un cadre juridique harmonisé. Ce fut d’abord la « directive transparence » qui imposait la publication « des prix de vente aux consommateurs industriels » (1990), suivie des « directives transit » de l’électricité et du gaz en 1990-1991 qui mettaient les grands réseaux de transport à la disposition des opérateurs européens. Les directives « marché intérieur de l’électricité » (1996) et « marché intérieur du gaz » (1998) viendront plus tard organiser la concurrence au sein de chaque pays membre pour la fourniture d’électricité et de gaz naturel avec comme objectif, la réduction des coûts pour le consommateur européen. PROBLÈMES SOULEVÉS PAR LA RÉALISATION DE CE « MARCHÉ INTÉRIEUR » En première ligne, il faut souligner le maintien de fortes distorsions fiscales à l’intérieur de la communauté européenne : celles-ci constituent un frein à une réelle intégration économique régionale, les consommateurs industriels, en particulier, n’étant pas traités de la même façon dans les différents pays européens. Les premières propositions d’harmonisation fiscale remontent au mois d’août 1987 et n’ont jamais pu déboucher sur quoi que ce soit de concret : harmoniser conduirait, pour les pays ayant une fiscalité faible, à une hausse des prix incompatible avec leur politique anti-inflationniste, et pour les pays ayant une fiscalité élevée, à une perte de recettes fiscales souvent insupportable par ces pays. Pour surmonter cet échec, les promoteurs du marché intérieur ont tenté de contourner la difficulté en mettant en cohérence une politique de l’énergie avec une politique de l’environnement et une politique des transports. Cela s’est traduit par le projet d’une « écotaxe » (présenté par le Conseil de l’énergie du 29 octobre 1991) qui serait imposée, d’abord sur les émissions de CO2 exclusivement, puis à 50/50 sur le CO2 et sur l’énergie. Le premier projet alourdissait particulièrement la facture énergétique des consommateurs des pays gros émetteurs de CO2 et n’encourageait pas la maîtrise de la demande lorsque celle-ci portait sur de l’électricité nucléaire ou hydraulique. Le second projet heurtait les pays qui par exemple avaient fait de gros efforts d’investissement dans le passé pour promouvoir l’électricité nucléaire. Ici encore, ce sont les fortes différences existant dans la structure des bilans énergétiques nationaux qui ont conduit à l’échec du projet d’écotaxe. Par ailleurs, loin de coopérer « au nom de l’Europe » pour aider les pays en développement à choisir les technologies les plus efficaces, les pays européens se retrouvent souvent en concurrence sur les marchés extérieurs. Il s’agit en priorité pour les industriels nationaux de développer, dans une première étape, de nouvelles technologies sur leur territoire ➤ Coopération énergétique et intégration économique régionale 15 national avant de les utiliser comme une vitrine pour leur développement international. Certes, il y a parfois des tentatives de coopération industrielle au sein de l’Europe : ce fut le cas de l’association SIEMENS/FRAMATOME pour la promotion d’un nouveau réacteur nucléaire EPR. Les difficultés sont venues après, devant l’absence de marché. C’est aussi le cas du programme européen de recherche Thermie lancé en juin 1989, dont l’objectif était le soutien à l’innovation et à la dissémination de technologies efficaces… orientations ayant abouti au programme SAVE (programme dont les résultats se font attendre). Si l’on rajoute, par exemple, à ces difficultés l’existence d’interventions publiques sous la forme d’aides d’État à certaines entreprises nationales, ces problèmes sont tous révélateurs de l’absence d’un consensus communautaire sur une politique globale de l’énergie. Le meilleur exemple est peutêtre l’existence simultanée de subventions à l’utilisation de certains charbons nationaux et d’une fiscalité pour lutter contre les émissions de CO2. L’INTERCONNEXION DES RÉSEAUX FAVORISE UNE CERTAINE INTÉGRATION Ces échecs ne doivent pas masquer l’intérêt d’une progressive intégration des marchés nationaux du gaz et de l’électricité. La mise en place d’un cadre juridique harmonisé à l’échelle européenne pour les échanges a encouragé le développement rapide d’un réseau interconnecté pour le gaz et pour l’électricité. Ces réseaux européens sont sans doute le premier réel instrument d’intégration économique régionale efficace : un pays peut, par exemple, envisager de couvrir les pointes de demande électrique sur son territoire par des livraisons à partir de pays voisins, plutôt qu’en réalisant de nouveaux investissements sur son propre territoire – les pointes n’apparaissant pas au même moment dans 16 tous les pays. Pour le gaz, l’existence d’un réseau maillé accessible par des fournisseurs différents (gaz naturel ou gaz liquéfié) permet à la plupart des pays importateurs de diminuer le coût de leur approvisionnement en réduisant les distances le séparant de leurs fournisseurs – ceci est particulièrement le cas lorsque se développent des SWAPS (crédits croisés) entre pays. Ces interconnexions permettent-elles une réelle intégration de marchés nationaux différents ? Les directives « marché intérieur » ont été préparées avec le souci de ménager les pays membres afin qu’ils puissent les accepter. Cela a conduit par exemple la Commission, d’une part à permettre aux pays membres d’utiliser la clause de subsidiarité pour choisir entre différentes possibilités proposées dans les directives et, d’autre part, à proposer des fourchettes d’ouverture très larges afin que celle-ci soit acceptable par tous. Chaque pays peut aujourd’hui fixer le tarif d’accès à ses réseaux et ceci conduit, par exemple, les partenaires de l’Allemagne à parler de l’ouverture « virtuelle » des marchés électriques ou gaziers de ce pays – des tarifs d’accès aux réseaux trop élevés décourageant les opérateurs qui voudraient accéder à ce marché. Par contre, les pays membres ayant des difficultés de politique intérieure pour libéraliser leur marché national attendent de l’Europe une stimulation ou une capacité à agir. Il est facile de se cacher derrière l’Europe pour faire passer des réformes mal acceptées par l’opinion publique nationale ! Ce fut le cas de la France lorsqu’il s’est agi de relever la fiscalité sur le gazole ou d’ouvrir à la concurrence le marché de l’électricité. Ce fut le cas de l’Allemagne lorsqu’il s’est agi de libéraliser (théoriquement) l’ensemble de ses réseaux de Service public. On pourra aussi parler d’intégration économique régionale face à la directive « énergies renouvelables » où à l’émergence de la « bulle européenne » face au protocole de Kyoto : dans le premier cas, la Commission européenne stimule une politique régionale de promotion des énergies renouvelables en proposant des objectifs nationaux ambitieux que chacun des pays essaie d’atteindre ; dans le second cas, cette promotion des énergies renouvelables participe à une politique de réduction européenne des gaz à effet de serre. *** En conclusion, on pourrait ainsi développer de nombreux exemples : la coopération énergétique a sûrement participé à l’intégration économique de l’Europe en encourageant, par la mise en place d’interconnexions, le développement de solidarités entre pays. Mais, attention, on est loin d’une politique énergétique européenne… ce n’est pas parce que l’électricité nucléaire est moins chère « en base » que la France va fournir l’électricité de base à toute l’Europe ! Plus généralement, les divergences entre États membres se maintiendront encore longtemps, que ce soit sur le sens d’une politique commune de l’énergie, sur le choix entre sources d’énergie et sur le rôle de la puissance publique dans l’organisation du marché. Et c’est sans doute face à cette réalité qu’on n’a pas introduit dans le Traité de Rome un titre consacré à l’énergie alors même que seul un tel titre donnerait à certains membres la possibilité de contrarier les droits nationaux. Il ne faut jamais oublier l’impact du politique sur les choix énergétiques, et nous sommes loin d’un État européen ! Certes, en publiant le 29 novembre 2000 le Livre vert « Vers une stratégie européenne de sécurité d’approvisionnement énergétique », la Commission européenne tentait une nouvelle fois de lancer une réflexion sur l’approvisionnement à long terme de la Communauté, mais seules des préconisations seront possibles, il ne pourra y avoir de définition d’UNE politique intégrée. Liaison Énergie-Francophonie • No 53 La restructuration et la privatisation de l’industrie charbonnière en Europe centrale/orientale et dans la CEI DR KLAUS BRENDOW « Le pire est derrière nous » : dès à présent, en Europe centrale et orientale (ECO) et dans la Communauté des États Indépendants (CEI), à peu près 95 % de la production de lignite et 75 % de la production de houille sont « viables » au niveau local ou national, tout en n’étant pas « rentables » sur le plan international. L’approche consistant à « dissocier les mines viables de celles qui ne le sont pas, à associer ces mines avec leurs clients (centrales électriques, sidérurgie) et à privatiser l’ensemble » s’est avérée supérieure au « regroupement de toutes les mines, maintien du contrôle de l’État, et privatisation de masse ». Coordinateur régional du Conseil Mondial de l’Énergie (CME), Genève À présent E ntre 1990 et 1998, le déclin de l’industrie charbonnière a été significatif : • production : − 40% ; • main d’œuvre : − 50% ; • nombre de mines : − 30 %. Cependant, le charbon reste une source d’énergie essentielle : en 1998, il a : • • • • satisfait 25 % de la demande d’énergie primaire ; contribué à 35 % de la production d’électricité ; enregistré une production de 760 Mt ; employé 1,2 million de personnes. Le progrès dans la mise en œuvre des réformes a été significatif. Les aides directes des États aux investissements et à l’exploitation se sont pratiquement arrêtées. Les investisseurs privés ont commencé à s’impliquer : déjà 20 % des capacités de production sont la propriété des investisseurs. Le potentiel de Coopération énergétique et intégration économique régionale @ [email protected] 17 productivité – condition préalable pour de nouveaux progrès – est important : + 30 %. Beaucoup d’opportunités commerciales sont déjà exploitées : • associations/fusions entre mines et centrales électriques ; • production indépendante d’électricité sur la base de charbon domestique et importé ; • drainage du méthane ; • certification et assainissement écologiques ; • production d’équipements miniers et de techniques de combustion propre du charbon, gestion minière. À l’horizon 2005 La restructuration aura été menée à son terme, accompagnée d’une montée en puissance de la privatisation : • la production de charbon réalisée aux conditions du marché s’élèvera alors à 50 % de celle réalisée à l’ère de la planification centralisée ; • la part de la production de charbon fournie aux centrales électriques, qui a atteint 59 % en 1998, continuera à croître jusqu’à 66 % en 2005 ; • la part de l’électricité produite à partir du charbon décroîtra en ECO, mais augmentera dans la CEI (conséquence d’une réévaluation du rôle du charbon par rapport au gaz dans la production d’électricité). Les perspectives pour 2010 Ces perspectives comprennent (en comparaison avec 1997) : • en ce qui concerne la production charbonnière : 18 – une augmentation dans la CEI : + 23 à 45% ; – une réduction en ECO : −20% ; – une augmentation en ECO/CEI de 10 % entre 1997 et 2010 et de 15 % entre 1997 et 2020 ; • en ce qui concerne le commerce extérieur : – ECO doublera ses importations, – ECO/CEI deviendra un importateur net à partir de 2010, avec des exportations à 30 Mt et des importations à 30 Mt. Les problèmes politiques et commerciaux suivants demandent une attention continue : • l’achèvement de la restructuration, qui dépend de la disponibilité des moyens financiers des gouvernements en faveur des programmes de réduction de main-d’œuvre et de reconversion régionale ; • la couverture des besoins d’investissement estimés à 12-14 milliards pour l’exploitation minière, à 35-40 *billions de dollars pour la génération d’électricité et à LE MESSAGE DU 38 *milliards de dollars pour l’assainissement écologique ; • la privatisation, qui doit s’accompagner de l’exemption des charges financières et écologiques du passé, qui sont considérables ; • dans la CEI, la maîtrise de la crise de paiements et des trocs, qui favorise l’intégration verticale et horizontale plutôt qu’une privatisation à l’initiative des investisseurs ; • la poursuite et le financement de la désulfuration des gaz de combustion, qui sera mise en œuvre sur (seulement) 20 % de la capacité des centrales électriques au charbon d’ici à 2003 ; • la pollution provoquée par les petites chaudières de moins de 50 MW, qui n’est pas abordée du tout ; • l’adhésion des pays de l’ECO à l’Union Européenne, qui impose l’adoption de l’acquis communautaire principalement en matière de subventions (indirectes et croisées), afin de ne pas fausser les échanges. CME L’image du charbon de l’ECO/CEI a été déterminée par une décennie de difficultés. Comme l’industrie du charbon s’approche de la fin du tunnel, il est temps de réévaluer la viabilité et le rôle du charbon dans le panorama énergétique et électrique de l’Europe centrale et orientale. Le potentiel de productivité de l’industrie du charbon est important comme le sontsles perspectives commerciales. En faisant appel à ces potentiels, la viabilité du charbon ira au delà de ce qui a été réalisé à ce jour. Toutefois, les réformes devraient progresser et aborder les problèmes identifiés : financement de programmes sociaux et d’investissements, assainissement de l’héritage environnemental, privatisation, réduction de la pollution provenant des grandes – et, de plus en plu,s petites et moyennes chaudières, et finalement, intégration européenne. Dans la mesure où les réformes progressent, davantage d’investisseurs jugeront que la situation a changé et qu’il faudrait réévaluer les opportunités commerciales dans la région. Liaison Énergie-Francophonie • No 53 Transfert de technologie Nord-Sud en biomasseénergie industrielle : l’expérience du programme COGEN YVES SCHENKEL Quand on parle « Énergies Renouvelables » dans les pays en voie de développement, les expériences qui viennent rapidement à l’esprit sont : la mise en place de boisement pour la production de charbon de bois, la mise au point de foyer améliorés, l’électrification villageoise par panneaux solaires ou hydrauliennes… Chef du Département Génie Rural Centre de Recherches Agronomiques de Gembloux, Belgique a majorité de ces projets sont souvent subventionnés en quasi-totalité L car s’insérant dans un environnement peu solvable. Ceci fragilise en outre leur longévité quand vient l’heure des entretiens et maintenance. D’où la difficulté de mettre en place et surtout pérenniser des installations faisant appel à l’économie de marché dans un milieu structuré différemment. Le programme COGEN, initié en 1991 par le CRA (Centre de Recherches Agronomiques de Gembloux) et financé par la commission européenne, est parti de ces constatations pour répondre à la question suivante : quel est le meilleur moyen de promouvoir la production d’énergie propre et renouvelable de manière significative, rapide et durable dans les pays en développement ? Il faut pour cela qu’il y ait une ressource facilement mobilisable, une technologie de transformation de fiabilité prouvée, un besoin en énergie ainsi qu’une volonté des acteurs économiques locaux. Sur base de ces constatations et dans le cadre de la coopération économique entre l’Union Européenne et l’ASEAN (Association des Nations d’Asie du SudEst – Indonésie, Philippines, Malaisie, Singapour, Brunei, Thaïlande, et, depuis 1997, Vietnam, Laos et Cambodge), le programme COGEN s’est fixé pour but de transférer les technologies européennes éprouvées de production de chaleur et/ou d’électricité à partir de biomasse dans les secteurs de l’agro-industrie (riz, sucre, palme, coco) et de l’industrie du bois par la création de partenariats entre les entreprises asiatiques et européennes. Coopération énergétique et intégration économique régionale @ [email protected] JEAN-FRANÇOIS VAN BELLE Expert technique – COGEN III @ [email protected] 19 Au cours de la première moitié des années 90, les pays de l’ASEAN ont bénéficié d’un des taux de croissance économique les plus élevés au monde. Les taux de croissance annuels du produit intérieur brut dépassaient souvent les 5 % et même parfois 10 %. Cela a pris seulement deux à trois décennies aux « tigres asiatiques » pour s’industrialiser et créer un niveau de richesses que l’Europe a mis des siècles à construire. Parallèlement à cette croissance économique, on a observé une demande croissante en énergie, qui progresse à un taux d’environ 7 % par an depuis 1985. Face à cela, les compagnies nationales de production d’électricité de l’ASEAN, hormis le Brunei et peutêtre Singapour, rencontrent des difficultés à fournir ces nouveaux besoins énergétiques. De plus, ni la Banque Mondiale, ni la Banque Asiatique de Développement, ni aucune autre institution financière n’a de ressources suffisantes pour supporter tous ces investissements énergétiques. Pour combler ces besoins, les autorités nationales changent leurs politiques pour favoriser la participation de l’industrie privée dans la production d’énergie et optimiser l’utilisation de ressources locales. Les ressources en biomasse dans les pays de l’ASEAN En dépit de la croissance d’autres secteurs manufacturiers, les économies de la plupart des pays de l’ASEAN sont encore largement basées sur le bois, l’alimentation et les agroindustries. En fait, plusieurs pays de l’ASEAN se trouvent parmi les plus gros producteurs mondiaux de produits agricoles, tels que le riz, le sucre de canne, l’huile de palme, la noix de coco et le caoutchouc naturel. 20 Figure 1 Ressources annuelles en biomasse (Gwh/an) dans les pays d’Asie du Sud-Est Noix de coco Bois Huile de palme Sucre Riz 16 000 14 000 12 000 10 000 GWh/an Les besoins énergétiques en ASEAN 8 000 6 000 4 000 2000 0 Indonésie Malaisie En 1995, la Malaisie représentait 64 % de la production mondiale d’huile de palme. La Thaïlande est un des producteurs majeurs de riz avec, en 1997, une part de marché approchant les 30 %. De plus, la Malaisie et l’Indonésie sont des producteurs et exportateurs de bois majeurs au niveau mondial. Toutes ces productions agricoles et forestières génèrent de grandes quantités de résidus organiques lorsqu’elles sont conditionnées. Le taux de résidus par rapport à la matière récoltée varie entre 20 et 70 %. Le programme COGEN a ainsi estimé que 130 millions de tonnes de résidus solides étaient ainsi produites annuellement. Le producteur principal est l’Indonésie avec 40 millions de tonnes, suivi par la Malaisie et la Thaïlande (30 millions de tonnes). Les Philippines génèrent autour de 16 millions de tonnes alors que le Vietnam en produit environ 10 millions. La quantité totale d’énergie contenue dans ces résidus se chiffre à 45 000 GWh par an. Ces résidus sont souvent considérés comme ayant une très faible valeur économique. Dans certains cas, ils peuvent représenter un coût important pour les sociétés en raison des problèmes de pollution qu’ils peuvent générer . Philippines Vietnam Thaïlande Au début du programme, la moitié des résidus étaient utilisés de manière inefficiente pour la production d’énergie. Ils généraient ainsi 20 % de la demande primaire de l’industrie alors que l’utilisation optimale et totale de ceux-ci pourrait couvrir 100 % des besoins. Cela était principalement dû au manque de connaissance des industriels face à ces nouvelles opportunités ainsi que, jusque dans un passé récent, à la faible efficience des techniques de conversion. L’industrie européenne en biomasse-énergie Afin d’optimiser au mieux le transfert de technologie entre l’Europe et l’Asie, le programme COGEN s’est attaché à identifier l’ensemble des industriels susceptibles de fournir tout ou partie des unités de cogénération biomasse. Un système informatisé a été mis au point pour optimiser les projets de transfert de technologie, en permettant notamment d’identifier rapidement et de manière optimale les acteurs européens ayant la volonté, la capacité et le niveau technique requis pour réaliser de tels projets. Globalement, 1300 entreprises étaient Liaison Énergie-Francophonie • No 53 Transfert de technologie Nord-Sud en biomasse-énergie industrielle des compagnies européennes (innovation de marché) ; Figure 2 Entreprises actives dans le programme COGEN par pays et niveau d’activité 250 • technologie disposant de qualités techniques, économiques et environnementales : la technologie mise en place devait être innovante pour le Sud-Est asiatique d’un point de vue soit technique (procédé encore inutilisé dans cette région), soit économique (meilleur rendement d’une turbine), soit et surtout environnementale (qualité de l’épuration de l’air, propreté de la combustion, etc.) ; Non Core* Soft Core Hard Core 200 150 100 e Ukrain e ge Suèd Espa POR NLD Italie bour g Luxem e agne Grand Br eta egne Irland e Allem de Franc Finlan mark Dane ue Belgiq Austr 0 alie 50 * core : noyau ou groupe d’entreprises reprises dont 400 prioritaires, et parmi ces dernières une centaine montrait une grande motivation à la mise en place d’unités de démonstration dans le Sud-Est asiatique. Les pays majeurs sont le Royaume-Uni et l’Allemagne, suivi par l’Italie, la Belgique, la France et le Danemark. Les projets vitrine du programme COGEN Après une étude approfondie des besoins en énergie des différentes industries disposant de ressources en biomasse significatives et inutilisées, voire gênantes (industries du bois, production d’huile de palme, conditionnement du riz, etc.) ainsi que d’un inventaire des technologies européennes éprouvées, le programme s’est attaché à la mise en place de projets vitrine. Ces projets vitrine peuvent être définis comme la mise en place à échelle réelle et sur site, de technologies éprouvées dans le but de démontrer leur fiabilité technique ainsi que leur viabilité économique aux utilisateurs potentiels du Sud-Est asiatique. Les critères principaux pour l’élection d’un projet vitrine étaient les suivants : • source d’énergie : le combustible doit être de la biomasse, c’est-à-dire des matières végétales ou animales telles que bois, paille, balle de riz ; • taille : les projets sélectionnés avaient de préférence entre 1 et 5 Mwe de puissance électrique. Plus petits, leur rentabilité est peu probable en milieu industriel en raison de rendements de conversion extrêmement faibles et d’un coût d’investissement au kWe très élevé. Plus grand, nous avons en général affaire à des multinationales possédant déjà la capacité financière et technique pour les réaliser, et achetant directement la technologie optimale au niveau mondial ; • utilisation d’une technologie déjà éprouvée en Europe : la technologie doit être nouvelle dans les conditions asiatiques mais il faut qu’elle ait déjà largement fait ses preuves en Europe dans des conditions industrielles. La volonté était d’apporter des éléments innovants pour l’Asie mais de limiter les risques de faire des contre-références et de ne pas utiliser le Sud-Est asiatique comme terrain d’essai pour Coopération énergétique et intégration économique régionale • rentabilité économique du projet : une prime allant jusqu’à 15 % de la valeur de l’investissement, et plafonnée à 400 000 euros était attribuée aux projets. Cette prime est largement en dessous de celles que l’on attribue en général aux projets en énergies renouvelables. De plus, elle n’était pas prise en compte lors de l’évaluation économique du projet. Elle venait simplement en coup de pouce pour la réalisation de l’étude de faisabilité et la prise en charge du surcoût de l’innovation. Les temps de retour des projets étaient souvent compris entre 2 et 4 ans ; • haut potentiel de réplicabilité : afin de bénéficier du statut de « projet vitrine », le projet devait avoir de bonnes chances de servir d’exemple à la construction d’autres installations similaires en ASEAN, soit du point de vue de la technologie utilisée, du type de combustible, ou encore de la région. Quatorze projets vitrine ont ainsi été mis en place. Ces unités sont réparties dans les différents pays de l’ASEAN et dans différents secteurs. À titre d’exemple, nous pouvons citer la rizerie Bang Heng Bee située dans le nord de la Malaisie péninsulaire dans la région de Kedah, grenier à riz de l’état. Elle a une capacité de traitement de 10 tonnes de riz paddy par heure et produit dans le même temps 2 tonnes de résidus sous forme de balles de riz. Les motivations qui ont amené le directeur de cette usine ➤ 21 à investir dans une installation de cogénération à la biomasse relèvent à la fois d’une possibilité de se débarrasser de résidus qui devenaient encombrants mais également la perspective d’économies substantielles sur les frais énergétiques. L’unité de cogénération est composée d’une chaudière à vapeur de 8 tonnes horaires de capacité. La vapeur saturée sort à 32 bar de pression. Elle est libérée dans une turbine à contrepression de 450 kWe. Trois millions de kcal/h sont prélevées par l’intermédiaire d’un échangeur de chaleur pour le séchage du riz. La fumée est purifiée au travers d’un multicyclone. Le coût total d’investissement de l’installation hors génie civil s’élève à 1 055 046 euros. Les économies réalisées annuellement sur l’achat de carburant s’élevaient en 1997 à 229 358 euros. Quant aux gains sur la mise en décharge des résidus, ils étaient estimés à 11 927 euros. De plus, la compagnie a la possibilité d’engranger un revenu supplémentaire au travers de la vente des cendres de combustion, riches en silice, qui intéressent particulièrement l’industrie de l’électronique. Le montant annuel de cette vente est de 164 220 euros. Le temps de retour sur investissement de l’unité de cogénération était de trois ans après mise en route. À l’autre bout de l’échelle, on trouve l’unité de cogénération de Keningau, dans le Sabah, au nord de l’île de Bornéo. Elle est située au sein d’un complexe industriel du bois comme on en rencontre régulièrement le long des cours d’eau au sein des forêts denses humides du Sud-Est asiatique. En effet, les unités de transformation du bois qui étaient au départ de petites unités de sciage ou de déroulage peuvent regrouper maintenant outre ces deux activités, la fabrication de meubles et de MDF, le tout loin de toute zone urbaine. Cela augmente significativement les besoins en énergie et la nécessité de gérer la production de résidus. Cette situation rendait intéressante l’installation d’une unité 22 de cogénération de 10 MW de puissance électrique. Cette dernière est composée d’une unité de conditionnement des résidus d’une capacité de 20 tonnes par heure, suivie d’un silo d’un volume de 630 m3. La chaudière à double tambour et tubes d’eau fournit 52 tonnes de vapeur surchauffée à 435 degrés et 43 bar de pression à un groupe turbo-générateur à condensation complète. Les 5 338 000 euros d’investissements de cette unité furent récupérés en deux ans grâce aux économies substantielles sur l’achat des carburants fossiles et la non-mise en décharge des résidus. Comme vitrine dans la filière biomasse humide, le programme COGEN a installé une unité de biométhanisation dans une usine de production de caoutchouc. Les déchets humides provenant de la production du caoutchouc naturel sont digérés, après un traitement physico-chimique au travers d’un digesteur anaérobique. Celui-ci dispose d’une capacité de production de 326 m3 de biogaz par heure. Ce gaz est transformé en chaleur au travers de deux brûleurs de 1 et 2 millions de kcal alimentant les besoins en énergie thermique et électrique de l’usine. Les boues résiduelles sont ensuite traitées de manière aérobique. *** Grâce au programme COGEN, la démonstration a été faite qu’une coopération qui lie à la fois les secteurs privé et public, d’une part, et entre différentes régions, d’autre part, était possible et bénéfique pour le développement des projets en biomasse-énergie. Grâce aux actions du programme, des investissements pour plus de 100 millions de dollars ont été générés en Asie du Sud-Est en cogénération biomasse, participant à la fois au développement économique ainsi qu’à un environnement plus propre. EN COURS DE DIFFUSION Actes de l’Atelier régional sur l’acquisition des données en biomasse énergie (Togo juin 2001) Atelier organisé par la FAO et le Ministère de l’Environnement du Togo, et leurs partenaires (RPTES-Banque mondiale, IEPF). Cet évènement FAO a vu la participation d’une centaine d’experts en provenance de 19 pays francophones et de 16 organismes régionaux et internationaux impliqués dans le secteurs. Pour obtenir une copie, visiter le site FAO : www.fao.org/forestry/FOP/FOPW/ ENERGY/public-e.stm ou contacter : Miguel Trossero, [email protected], Rudi Drigo, [email protected], Boufeldja Benabdallah, [email protected]. Guide technique sur l’électrification rurale décentralisée. Cet ouvrage majeur, rédigé en français, sur ce secteur en pleine expansion est le fruit de la collaboration des partenaires suivants : ADEME, CIRED-CNRS, FONDEM et IEPF. Quelques 27 auteurs ont contribué à cet ouvrage. Pour commande, s’adresser à : Yves-Bruno Civel, [email protected] ou Boufeldja Benabdallah, [email protected]. Liaison Énergie-Francophonie • No 53 De l’Électrification Rurale Décentralisée (ERD) à la Société de Services pour le Développement (SSD) Vers une première application dans la zone OMVS Deux à trois milliards d’êtres humains n’ont pas accès à l’électricité. Concentrées dans des zones rurales et périurbaines, ces populations font l’objet d’une attention particulière de la part d’un homme passionné et engagé, Bernard Klein. BERNARD KLEIN Président du GIE SYNERDEV Polytechnicien – économiste B ernard Klein revendique depuis neuf ans une approche industrielle et partenariale pour créer les conditions d’un développement à long terme, lequel INSEE (ENSAE) apparaît possible dès maintenant : • dans les zones d’immigration en mobilisant utilement les ressources de la diaspora ; • dans les zones disposant de ressources propres par la vente de produits (coton, riz, thé, poissons) commercialisables sur le marché international qui reste à rendre un peu plus équitable. Il préconise aujourd’hui la création de sociétés d’un type nouveau, les Sociétés de Services pour le Développement (SSD), dont l’action, dynamisée et ordonnée à la fois par l’identification et le montage de projets concrets de développement et par la fourniture pérenne des services de base (électricité, eau, téléphone), nécessaires aux porteurs locaux de ces projets, viserait à faire émerger un véritable processus de développement économique et social durable dans les zones d’intervention. Interview LEF : Que pensez-vous du thème « Coopération énergétique et intégration régionale » ? Il convient de féliciter la rédaction de « Liaison Énergie – Francophonie » d’avoir retenu les thèmes croisés de coopération énergétique et d’intégration régionale. Je suis d’origine lorraine : l’Alsace et la Lorraine ayant été annexées à l’Allemagne entre 1871 et 1918, puis entre 1940 et 1945, je suis bien placé pour apprécier le fait que la France et l’Allemagne aient pu enfin dépasser leur antagonisme ancestral dans la revendication territoriale sur l’Alsace et la Coopération énergétique et intégration économique régionale @ [email protected] 23 Lorraine – sur la base du Traité Charbon Acier, c’est-à-dire d’une coopération industrielle comportant un volet énergétique essentiel et ouvrant la voie à une intégration régionale européenne à six à l’origine, à 15 aujourd’hui, demain à 20 ou 25 peut-être. Je suis certain qu’un même type de coopération énergétique, mutatis mutandis, s’appliquant à un projet industriel de développement économique et social durable, aurait aujourd’hui et demain, ici et ailleurs, les mêmes effets pacificateurs et unificateurs dans le respect de la différence des partenaires concernés. Quant à E.D.F., où mes pas m’ont conduit, elle a toujours manifesté un intérêt fort pour les actions de coopération énergétique en se dotant, dès son origine en 1946, d’une Inspection Générale pour la Coopération (IGECO), devenue Direction des Affaires Extérieures et de la Coopération (DAFECO). Il est vrai qu’avec le temps, DAFECO devenant Direction des Affaires Internationales (DAI), les ventes de services l’ont finalement emporté sur les actions de coopération (soutien aux nouvelles sociétés d’électricité après les indépendances et actions de formation). Puis vinrent les années 1990 et le véritable tournant international pour EDF comme pour les autres sociétés d’électricité, avec l’ouverture d’un nouveau marché, celui des entreprises d’électricité elles-mêmes, à travers prises de participation dans les sociétés existantes et construction de centrales électriques ou de réseaux neufs donnant naissance à des sociétés titulaires de BOT (Built, Operate and Transfer) de production ou de transport. Pendant les trois premières années (1990/1992) de cette nouvelle période, EDF a abordé le domaine de la coopération à travers trois organismes indépendants de type ONG : • la Fondation Energie pour le Monde avec Gaz de France et TOTAL, • les Clubs CODEV du personnel, • le réseau E7 des grandes entreprises d’électricité appartenant aux pays du G7. En 1993, à travers différents accords de coopération avec l’ADEME (qui ont toujours été reconduits), EDF était amenée à s’impliquer aussi dans le domaine de l’électrification rurale décentralisée (catégorie qui avait remplacé celle de pré-électrification) pour satisfaire en France aux besoins d’électricité de consommateurs isolés et pour développer à l’international et dans les pays en développement des solutions d’équipement énergétique spécifiques pour les zones rurales non desservies en électricité par réseau. Un UNE MINICENTRALE HYDROÉLECTRIQUE PILOTE À MADAGASCAR Le micro réseau pour utilisation de l’électricité produite par la minicentrale hydroélectrique de Tsarasoatra-Ambositra, Madagascar est en voie de terminaison. Il permettra d’une part l’électrification d’environ 120 habitations dans un rayon de 1,5 km autour de la minicentrale de Tsarasoatra, et d’autre part l’alimentation des installations de production de l’ONG Amontana (mini scierie, menuiserie, décortiqueuse de riz, couveuse). Les modalités de gestion sont également en voie de mise en place conformément au Décret d’application de la Loi régissant ce secteur. Pour plus d’information, s’adresser à : Rodolphe Ramanantsoa, [email protected] ou Rakoto Arizoa Eloi, [email protected] ou Boufeldja Benabdallah, [email protected]. 24 domaine Assistance coopération était ainsi créé à la Direction Internationale, dont j’ai eu la charge jusqu’à mon départ en inactivité en juillet 2000. Bien évidemment, les actions de coopération énergétique, c’est-à-dire d’aide au développement par l’énergie et l’électricité, doivent être distinguées des actions humanitaires, destinées aux régions du monde où l’aide alimentaire incluant la fourniture d’eau potable et la santé publique constituent malheureusement la priorité absolue. LEF : Quelles zones et villages avez-vous retenus pour les expériences pilotes menées par EDF ? Au démarrage de l’accord ADEME / EDF de coopération en pays tiers (1993), le programme phare était le Programme Régional Solaire (PRS) qui a permis l’installation, au double titre de la coopération européenne au Sud et du soutien à l’industrie photovoltaïque du Nord, de pompes solaires dans plus de 700 villages des neufs pays du Comité Inter-États de Lutte contre la Sécheresse au Sahel (CILSS), première forme d’intégration régionale ici identifiée liée à la nature du climat sahélien entre désert et tropique. C’est donc naturellement parmi ces neuf pays – dont deux, le Burkina Faso et le Niger, appartiennent aussi au Conseil de l’Entente, deuxième forme d’intégration régionale autour d’un pays plus riche et d’immigration, la Côte d’Ivoire – que nous avons sélectionné avec TOTAL et FRANCE TELECOM, trois pays (Burkina Faso, Mali, Tchad), puis trois villages par pays après études de terrain, pour y développer sur des sites PRS jugés performants et à potentiel, le premier concept multi-services mais monoénergie (photovoltaïque) de Centre de Communication et d’Activités (CCA). Par la suite, le Tchad a dû être remplacé par le Bénin qui ne fait pas partie du CILSS mais du Conseil de l’Entente. Les CCA ont pour but d’offrir aux populations disposant d’un service de distribution d’eau potable correct Liaison Énergie-Francophonie • No 53 De l’Électrification Rurale Décentralisée (ERD) à la Société de Services (en l’occurrence PRS-FED ou AFD pour le Bénin) et d’un intervenant technique photovoltaïque compétent, en l’occurrence l’installateur assurant la maintenance des équipements solaires de pompage PRS : • des services marchands (téléphone, séances de magnétoscope – télé, location de kits photovoltaïques mobiles, de lampes solaires portatives, recharge de batteries, ventes de boissons fraîches) ; • des services non marchands d’intérêt local dans les locaux communautaires (maternité, dispensaire, école, etc.) et d’éclairage public. Les bureaux d’études concernés ont été : • SEMIS pour le Burkina Faso • TRANSENERGIE – AFRITEC pour le Mali • BURGEAP pour le Bénin et les installateurs PRS / CCA : • Sahel Energie Solaire pour le Burkina Faso • SOMIMAD pour le Mali • ENERDAS pour le Bénin soit une majorité d’intervenants africains. Au Burkina Faso, l’option prise à l’origine, calquée sur le modèle PRS, a été de transférer la propriété et la gestion des CCA aux trois villages considérés – du moins sur une période expérimentale de trois ans. Après ces trois ans de pratique et en raison des difficultés rencontrées, il est apparu nécessaire à EDF en 1998 de reprendre la propriété des installations et d’en confier l’exploitation à l’installateur Sahel Énergie Solaire, chargé par ailleurs de la maintenance des équipements PRS. Au Bénin, l’option prise a été de transférer la propriété des installations CCA à l’État à travers le ministère en charge de l’énergie et de confier l’exploitation au chargé d’étude du bureau qui avait effectué les études de faisabilité (BURGEAP) et qui a constitué sa propre société locale (BHVE). Au Mali, l’option prise a été de conserver la propriété des installations et d’en confier l’exploitation à l’installateur SOMIMAD, chargé également de la maintenance des équipements PRS. Ainsi, EDF et ses partenaires ont recherché dans cette première phase de Recherche et Développement, pour ce type d’expériences pilotes qui ne portent d’ailleurs que sur un nombre limité de villages, • un propriétaire existant : eux-mêmes, l’État, les « villages » ; • un gestionnaire existant : les « villages », l’installateur, le bureau d’études. Des études sociologiques de terrain, en particulier celles menées part Thomas Gaudin (CNRS – Gestion et société, actuellement CODEV), ont montré que l’on ne pouvait pas échapper « simplement » à l’emprise du village : • sur la propriété des installations, en transférant celles-ci à l’Etat ou en les conservant en tant qu’investisseur ; • sur la gestion, en la confiant au bureau d’études ou à l’installateur devenu exploitant. En effet, 1. Le « village » se définit comme propriétaire et responsable des installations dans la mesure où il considère tous les apports extérieurs (ici EDF, ADEME, TOTAL) comme des dons, a fortiori s’il a financé une partie des investissements (par exemple le génie civil). 2. Le « village » se positionne comme gestionnaire de fait des installations, dans la mesure où il exerce des moyens de pression directs ou indirects sur l’exploitant : – à travers l’attribution du contrat de maintenance pour les pompes PRS (cas de l’installateur PRS), – à travers la nomination des personnels, – à travers l’affectation des kits solaires quand la demande dépasse l’offre, – etc. LEF : Comment sortir de cette situation qui a partout montré ses limites ? À travers quel concept ? Pour sortir de cette situation – et contrairement aux idées reçues : • Le « village » ne devrait pas contribuer directement – comme investisseur – au financement des installations. • Le « village » ne devrait pas contribuer directement ou indirectement à la gestion. C’est selon ces principes novateurs qu’EDF, ADEME et FONDEM, d’une part, les États membres de l’OMVS(*), le CILSS et le Conseil de l’Entente, d’autre part, ont lancé en 1996 à Vienne, sous les auspices de l’ONUDI, quelques mois après le séminaire de Marrakech, le concept de Société de Services Décentralisés. Les SSD ont été définies à l’origine, et se sont effectivement révélées, comme des sociétés commerciales (de forme anonyme) assurant la fourniture de services énergétiques dans la durée : • le service de l’éclairage et la fourniture de courant pour l’audiovisuel dans la phase de démarrage ; • d’autres services (eau, téléphone, chaud, froid, puissance pour les besoins productifs) dans une phase ultérieure. C’est ainsi que deux SSD ont été créées au Mali : • SSD E.N. avec NUON dans la zone cotonnière, • SSD S.A. avec E.D.F. et TOTALFINAELF dans la zone du fleuve Sénégal, dont j’ai été président de décembre 1999 à novembre 2001, avec cette particularité d’avoir exercé cette fonction en inactivité de service (retraite) à partir de juillet 2000. ➤ Coopération énergétique et intégration économique régionale 25 LEF : Quels enseignements tirez-vous de cette première expérimentation du concept de SSD ? a) Services de confort Les services électriques de confort devraient être réservés à la clientèle locale solvable et ne pas constituer une composante essentielle, sinon exclusive, de la stratégie de développement des SSD dans l’avenir. Ainsi donc, dans un pays comme le Mali où le taux d’électrification ne dépasse pas 10 %, une couverture de 10 % de services de confort par rapport à l’ensemble de la population des villages paraît justifiée, et non pas de 50 ou 60 % comme dans la capitale du Mali, Bamako, où le prix de l’électricité est plus bas, du fait de l’interconnexion, et où le niveau de vie des habitants est plus élevé. b) Services à caractère social Les SSD devraient pouvoir conforter ou initier la création de services à caractère social comme la distribution d’eau potable ou la conservation des vaccins et médicaments, en partenariat avec des ONG telles que FONDEM ou Action Sahel ou toute autre, moyennant les financements nécessaires y compris ceux émanant des ministères de l’Hydraulique, de la Santé ou de l’Éducation. Bien évidemment, c’est dans le domaine du développement social que des partenariats avec les associations de villages pourraient être maintenus, sous réserve d’avoir résolu la question du financement desdits services. c) Services permettant le développement économique Là est le cœur du problème. La fourniture pérenne de services de base et en particulier de l’électricité, y compris celle qualifiée de puissance, ne constitue qu’une condition nécessaire mais non suffisante du développement économique local. Celui-ci suppose aussi et surtout l’identification et la validation sans 26 complaisance de projets permettant la modernisation d’organisations existantes et la création d’entreprises fournissant des produits commercialisables de façon rentable : – dans le village considéré ou à son voisinage, – à la ville ou à l’étranger sur d’autres marchés, moyennant stockage, conservation et transport. L’opérateur SSD de la deuxième génération, après l’épreuve de la réalité au Mali, devenu Société de Services pour le Développement, sera non seulement en mesure d’assurer le service de l’énergie dans la durée mais encore et surtout de créer directement ou indirectement, après études de marché et plan d’affaires, des entreprises économiquement saines, socialement utiles, futures clientes. LEF : Quels partenaires pour constituer le nouvel opérateur SSD ? Comme cela vient d’être montré, les opérateurs SSD relèveraient de deux types aujourd’hui séparés et qu’il conviendrait donc de réunir : • opérateurs de services d’une part, • bureaux d’études auxquels pourraient être associés des banques de développement ou organismes de crédit, d’autre part. Les opérateurs de service Le constat doit être fait que seuls les grands groupes développant leurs activités au plan mondial sont en mesure de s’impliquer dans la durée, de réaliser des programmes multiservices à grande échelle dont le monde rural a besoin et d’entraîner des partenaires locaux – dès lors que la rentabilité des apports en capital est assurée. Ces opérateurs de services existent. d) L’analyse du processus que nous avons nous-même initié en 1993 montre qu’EDF, malgré l’entrée de l’électricité dans l’univers concurrentiel, devrait rester un partenaire important sur le champ de l’électrification rurale décentralisée au service du développement rural. e) Les repreneurs des sociétés d’électricité du Sud, sociétés d’électricité du Nord ou sociétés de distribution d’eau potable (SAUR au Mali), sinon les sociétés nationales ellesmêmes, peuvent être chargés par les États de mission d’électrification rurale dans une perspective de développement économique et social durable. f) Des entreprises d’électricité et multiservices en mode réseau et qui ont une stratégie de développement des énergies renouvelables peuvent aussi, comme NUON, avoir intérêt à s’associer à un tel processus pour savoir et pouvoir couvrir l’ensemble du champ multiservices et énergies renouvelables en mode réseau et en mode décentralisé. g) SHELL, BP, tout comme TOTALFINAELF, qui ont créé des filiales spécialisées dans les énergies renouvelables (photovoltaïque, plus particulièrement), peuvent, en s’engageant dans un tel projet, développer leurs ventes à la fois dans le domaine des énergies conventionnelles (carburants pour les groupes électrogènes, pétrole ou butane pour les applications thermiques) et dans celui des systèmes solaires ou autres. Les bureaux d’études et consultants compétents existent… Nous les avons identifiés et mobilisés depuis 1993 : • pour que les trois grands groupes de services (EDF en 1993, puis NUON en 1997, enfin TOTALFINAELF en 1999) inscrivent, au niveau de leurs comités stratégiques, le thème de l’ERD comme thème prioritaire avec les actions Recherche et Développement et expérimentations nécessaires ; • pour que le Mali accepte d’initier un projet industriel de développement en zone du fleuve Sénégal (1999) et en zone cotonnière (1998), la Mauritanie et le Sénégal donnant leur accord de principe pour conduire également de tels projets ; Liaison Énergie-Francophonie • No 53 De l’Électrification Rurale Décentralisée (ERD) à la Société de Services • pour que les projets ERD/SSD avec plan d’affaire soient validés par les grands groupes au niveau de leurs comités des investissements ; • pour que puissent être créées (1999) et lancées au Mali deux sociétés de services décentralisées, dont la première (SSD S.A.) pour la zone du fleuve Sénégal ; • pour que cette société SSD S.A. dispose de personnel qualifié, formé à l’atelier électromécanique de KAYES (ANPE/IDS) ; • pour que cette société dispose de l’accompagnement nécessaire pendant sa période de démarrage. Nous les avons également mobilisés sur la sélection de villages et des études de projet au Burkina Faso, au Mali, au Bénin, au Tchad ; mais aussi au Maroc, en Mauritanie, au Cambodge, et nous avons pu constater que les compétences existaient localement, à l’exception de celles relatives au montage financier d’entreprises nouvelles – domaine d’expertise qui pourrait faire l’objet d’un séminaire de formation sur la base d’études de cas présentés par les bureaux d’études et consultants reconnus dans le milieu des affaires. LEF : Quelles zones d’interventions ? Quels soutiens ? Le Mali et l’OMVS – dont le haut responsable actuel est le ministre malien chargé de l’énergie en 1966 qui a retenu, avec ses collègues des pays de l’OMVS, les représentants du CILSS et du Conseil de l’Entente, le concept de SSD première formule – se sont déclarés intéressés par l’application d’un nouveau concept de SSD intégrant le retour d’expérience du Mali. Ce sont donc les territoires traversés par les réseaux de transport de l’électricité produite par la centrale de MANANTALI (mise en service au début de 2002) qui pourraient connaître le développement à travers le lancement d’un premier programme d’électrification à grande échelle en mode réseau comme en mode décentralisé. Il faut savoir qu’une grande partie des villages de la zone du fleuve Sénégal ne sera pas raccordée au réseau HT de l’OMVS et aux réseaux MT nationaux pour des raisons économiques (niveau faible des consommations et grande dispersion des villages). Il est donc justifié de prévoir, à côté d’un programme d’électrification rurale classique en mode réseau à partir du réseau HT de MANANTALI, un programme complémentaire d’électrification rurale décentralisée où l’électricité sera produite au moindre coût. L’intérêt de développer un tel projet d’intégration régionale est également à situer au plan de la coopération énergétique Nord-Sud. Il est juste que l’aide publique au développement (APD), du fait de la volonté des États concernés, ne soit pas réservée aux seules grandes villes et grandes entreprises des pays du Sud, mais prenne en compte les besoins des populations, artisans et commerçants des zones rurales. Il est également juste que les pays du Nord comme du Sud, en premier lieu ceux réunis au sein de la Communauté Francophone, s’intéressent aux zones d’émigration en créant les conditions d’un développement durable rééquilibré et solidaire, de nature À à limiter l’exode rural et les flux migratoires. Un tel changement de perspective, où l’activité d’études et/ou celle visant à fournir des services de base n’est plus une fin en soi, mais devient un moyen du développement économique et social durable – donc aussi de la promotion des femmes et enfants, de la lutte contre la pauvreté, de la défense de l’environnement, etc., suppose le soutien d’organismes porteurs de telles missions d’intérêt général, comme les PNUD, UNESCO, ADEME et bien sûr l’IEPF à travers des partenariats opérationnels. Demain, ils se lieront avec les Sociétés de Services pour le Développement, et elles-mêmes aujourd’hui avec les bureaux d’études et les opérateurs de service, du moins les plus conscients d’entre eux. Ces soutiens sont acquis – celui de l’IEPF en particulier. Les auteurs de cette interview tiennent à exprimer leur gratitude à l’IEPF dont le soutien n’a pas manqué, malgré les difficultés tout au long de l’année 2001, pour leur permettre de préciser contours, contenus et conditions d’existence de cette nouvelle voie SSD en vue d’une première concrétisation et intégration dans le projet de développement rural de l’OMVS – après reformulation en 2002 et du projet et de la voie SSD par les États concernés. SURVEILLER Symposium international sur l’énergie éolienne 2002 Nouakchott, Mauritanie Le comité de pilotage composé des représentants de Acces-EDF, ADEME, ADERMauritanie, ANER-Tunise, APRUE Algérie, ASER-Sénégal, CDER-Maroc, DGTR-Région Wallonne, MAE-France, RPTES-Banque mondiale, MNR-Québec, UEMOA, UNESCO, s’est réuni à Bruxelles (DGTI-RW) pour fixer les grandes lignes thématiques de l’évènement ainsi que son organisation prévu pour novembre 2002. Pour plus d’information, s’adresser à : Boufeldja Benabdallah, [email protected]. Réédition du Guide technique photovoltaïque Diffusion prévue en 2002. Pour plus d’information, s’adresser à : Yves-Bruno Civel, [email protected] ou Boufeldja Benabdallah, [email protected]. Coopération énergétique et intégration économique régionale 27 Coopérer pour relever le défi de l’essence sans plomb en Afrique CHRISTINE COPLEY Les résultats de la Conférence de Dakar sur l’élimination de l’essence sans plomb L’Afrique Sub-Saharienne est l’une des rares régions de notre planète qui utilise encore de l’essence contenant du plomb, ce qui cause d’importantes concentrations de cet élément dans l’atmosphère, lesquelles ont, à leur Banque Mondiale tour, un impact significatif sur la santé humaine, les enfants étant les plus affectés. L’élimination progressive @ du plomb de l’essence est une première étape, vitale, [email protected] l’air urbain, qui produit en outre des bénéfices immédiats sur la population. ELEODORO MAYORGA ALBA Banque Mondiale @ [email protected] 28 vers une stratégie globale de gestion de la qualité de essence contenant du plomb constitue la plus grande source d’exposition L’ au plomb que connaisse l’homme. Les conséquences sur la santé d’une telle exposition au plomb sont sérieuses Elles affectent le développement mental et physique des enfants et sont la cause de l’élévation de la tension artérielle, de maladies cardio-vasculaires, neurologiques et rénales chez les adultes. Alors que 80 % de l’essence vendue dans le monde est maintenant sans plomb, l’Afrique demeure l’exception. Le passage rapide à l’essence sans plomb est considéré comme le premier pas vers la réduction de la pollution atmosphérique en Afrique, améliorant par là même la santé et la qualité de vie de millions d’individus, notamment les populations défavorisées en milieu urbain, qui sont celles qui souffrent de manière disproportionnée d’une telle exposition aux polluants atmosphériques. Dans le cadre de l’Initiative sur la qualité de l’air dans les villes d’Afrique subsaharienne, une Conférence sur l’élimination du plomb dans l’essence en Afrique subsaharienne a été organisée par la Banque Mondiale et s’est tenue à l’Hôtel Méridien Président, à Dakar, Sénégal, du 26 juin au 28 juin 2001. Liaison Énergie-Francophonie • No 53 Coopérer pour relever le défi de l’essence sans plomb en Afrique Les objectifs spécifiques de cette conférence régionale étaient les suivants : 1) Relever le degré de sensibilisation relatif aux effets dommageables du plomb sur la santé et établir un consensus entre les principales parties prenantes sur les problèmes et les priorités techniques, réglementaires, institutionnels et économiques liés au passage à l’essence sans plomb. 2) Formuler des plans d’action pour le passage à l’essence sans plomb, avec un échéancier et des indicateurs de suivi. La Conférence a rassemblé environ 200 participants en provenance de 25 pays et représentant un éventail varié de corps gouvernementaux nationaux et locaux, d’institutions académiques et de recherche, d’organisations internationales et d’ONG. L’approvisionnement en essence en Afrique subsaharienne est assuré par des raffineries locales, le complément étant fourni par les importations. Ce modèle d’approvisionnement peut être subdivisé en cinq sous-régions géographiques, chacune d’entre elles étant dominée par des centres clés de raffinage. Un groupe de travail a été formé pour chacune des cinq sousrégions, et un temps de discussion a été alloué, dans le but de formuler des plans d’actions pour passer à l’essence sans plomb dans la région considérée. Un consensus est apparu sur : • l’impact négatif du plomb, les enfants étant les plus affectés ; • l’urgent besoin de passer à l’essence sans plomb ; • une nécessaire coopération au plan sous-régional, portant notamment sur l’harmonisation des spécifications techniques ; • l’absence de contraintes techniques additionnelles concernant le passage à l’essence sans plomb des véhicules existants ; • le besoin d’une stratégie de mise en œuvre d’ensemble (information technique, institutionnelle, financière et du public). Le résultat le plus important de la conférence fut la formulation d’une Déclaration, acceptée par toutes les parties (voir page 30), qui affirme que le plomb sera complètement éliminé de l’essence dans tous les pays de l’Afrique Subsaharienne le plus tôt possible, et au plus tard en 2005. La déclaration commune n’a pas seulement souligné la résolution des décideurs d’aborder le problème de l’essence à plomb. Elle a aussi été entièrement sanctionnée par l’industrie pétrolière. Le vice-président pour la Sécurité, la santé et l’environnement de la compagnie ExxonMobil, Dr Frank Sprow, représentait l’Association Internationale de l’Industrie Pétrolière pour la Préservation de l’Environnement (AIIPPE /IPIECA) à la Conférence de juin et a promis le soutien de l’industrie pétrolière internationale. « IPIECA veut voir éliminé le carburant à plomb dans tous les pays du monde, et nous sommes prêts à faire de notre mieux pour que cela ait lieu », a-t-il dit. L’industrie, à travers IPIECA, travaille avec les gouvernements africains à rationaliser le processus d’élimination, à éviter les interruptions d’approvisionnement, à réduire les coûts et à améliorer la qualité de l’air. La conférence a produit cinq plans d’action sous-régionaux en vue de procéder à l’élimination progressive de l’essence à plomb. Chaque sousrégion a soumis des étapes techniques et des échéanciers spécifiques pour cette élimination. Un autre développement important a été la création d’un réseau de quatre-vingts spécialistes africains ou « AFRIQUEPROPRE/ AFRICACLEAN » (et le nombre Tableau 1 L’approvisionnement en essence en Afrique subsaharienne Sous-régions Pays Centres de raffinage clés Afrique occidentale Burkina Faso, Cap Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Mali, Mauritanie, Sénégal, Sierra Leone Côte d’Ivoire, Ghana, Sénégal Nigéria et Pays Voisins Bénin, Niger, Nigéria, Togo Nigéria Afrique centrale occidentale Cameroun, République centrafricaine, Tchad, Congo (Brazzaville), République démocratique du Congo (Kinshasa), Guinée équatoriale, Gabon, Sao Tome et Principe Cameroun, République démocratique du Congo (Kinshasa), Gabon Afrique australe Angola, Botswana, Comores, Lesotho, Madagascar, Maurice, Mozambique, Namibie, Seychelles, Afrique du Sud, Swaziland, Zambie, Zimbabwe Angola, Afrique du Sud Afrique orientale Burundi, Érythrée, Éthiopie, Djibouti, Kenya, Malawi, Rwanda, Somalie, Soudan, Tanzanie, Ouganda Kenya • une nécessaire collaboration avec les industries automobiles et pétrolières ; ➤ Coopération énergétique et intégration économique régionale 29 ne cesse de s’accroître) chargé de développer une certaine expertise régionale sur la pollution aérienne et de superviser les progrès en matière de diminution de cette pollution aérienne, tout en donnant la priorité, dans ce but, à l’élimination de l’essence à plomb. Une banque de données a été préparée en ce qui concerne les spécificités de l’approvisionnement en essence à travers chaque région, ainsi qu’une bibliographie à jour sur l’élimination du plomb. Un certain nombre d’initiatives régionales sont aussi en cours de réalisation pour accélérer cette élimination, y compris une convention régionale sur la pollution aérienne, une présentation de ce programme d’élimination à la Conférence de Rio+10 prévue en 2002 à Johannesburg ainsi qu’à une réunion du Conseil des Ministres africains de l’Environnement. Les coûts d’élimination de l’essence à plomb sont relativement bas. Dans beaucoup de pays, il y a encore une certaine incompréhension des risques de l’exposition au plomb ; une certaine confusion apparaît souvent en ce qui concerne les difficultés techniques d’élimination de l’essence à plomb. Contrairement à l’idée fausse ordinaire, il n’y a aucune contre-indication à l’utilisation de l’essence sans plomb dans les moteurs âgés. En Afrique subsaharienne, une grande partie du succès de l’élimination dépendra du degré de prise de conscience du public en la matière. La Banque Mondiale a produit une vidéo informative de 15 minutes sur le problème, qui sera largement diffusée par les stations de télévision à travers la région pour assurer une diffusion maximale vers les décideurs et la population générale en Afrique. Pour plus d’information relative à la Conférence et sur le travail de l’Initiative Air Propre, contacter www.worldbank.org/cleanair. 30 CONFÉRENCE RÉGIONALE SUR L’ÉLIMINATION DU PLOMB DANS L’ESSENCE EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE Déclaration de Dakar Les participants de 25 pays d’Afrique subsaharienne, représentant les gouvernements, l’industrie et la société civile et des organismes internationaux qui ont pris part à la Conférence régionale sur l’élimination du plomb dans l’essence (Dakar, 26-28 juin 2001), ayant considéré : • Les recommandations et les résolutions de l’OMS, la BM et du PNUE déclarant le caractère prioritaire de l’élimination du plomb à travers le monde ; • Que les enquêtes sur les niveaux de plombémie dans les villes de l’ASS démontrent souvent que les paramètres de l’OMS sont dépassés, mettant surtout en danger le développement et la performance intellectuelle chez l’enfant ; • Que les retards apportés à l’utilisation de l’essence sans plomb empêchent l’introduction de véhicules équipés de pots catalytiques et donc le développement des politiques de qualité de l’air dans les villes en expansion de l’ASS ; • Le soutien exprimé par l’industrie pétrolière et les ONG en faveur d’une action gouvernementale rapide relative à l’élimination du plomb dans l’essence ; Sont convenus de : 1) Joindre leurs efforts afin d’accélérer la formulation et la mise en œuvre de programmes destinés à totalement éliminer l’essence à plomb dans tous les pays de l’ASS le plus tôt possible, et au plus tard d’ici 2005. 2) Recommander aux gouvernements de réduire le contenu en plomb dans l’essence – actuellement 0,8g/litre dans la plupart des pays de l’ASS – à une moyenne au plus de 0,4g/litre en 2002 et à une moyenne au plus de 0,2g/litre en 2003. 3) Encourager les pays ayant des installations d’importation indépendantes d’accélérer leurs programmes respectifs d’élimination du plomb. 4) Harmoniser les valeurs normatives de l’essence sur les marchés sousrégionaux afin de promouvoir le commerce et le trafic interrégional ; et demander à l’IPIECA, en collaboration avec les compagnies pétrolières nationales et internationales et les représentants de l’industrie automobile, d’assister à la formulation d’une gamme complète de spécifications techniques des carburants. 5) Finaliser dans les 12 mois à venir les plans d’action sous-régionaux encadrant les programmes nationaux de qualité de l’air. 6) Demander aux opérateurs de la chaîne d’approvisionnement pétrolier d’améliorer leurs installations de production, stockage et distribution en accord avec les objectifs d’élimination du plomb visés. 7) Demander à l’OMS, BM et PNUE et aux agences environnementales bilatérales telles que l’USEPA de soutenir l’ASS dans le développement des capacités de mise en œuvre des programmes d’élimination du plomb dans le cadre de la gestion de la qualité de l’air. 8) Développer une campagne d’information du public adéquate, avec la participation active des ONG. 9) Demander à la BM et autres agences internationales d’accorder une haute priorité à l’élimination du plomb dans leurs dialogues sur les politiques économiques avec les gouvernements de l’ASS et de continuer à soutenir les programmes d’assistance technique et de contribuer au financement d’investissements viables. 10) Solliciter auprès de l’OUA et d’autres organisations régionales (CEDEAO, UEMOA, SADCC, CEMAC, etc.) l’inscription de l’élimination du plomb dans l’essence dans leurs programmes prioritaires ainsi que leur contribution à l’harmonisation des normes et spécifications techniques. Liaison Énergie-Francophonie • No 53 18e Congrès mondial de l’énergie Le Conseil Mondial de l’Énergie (CME) est une organisation internationale, non gouvernementale, dont l’objectif est de promouvoir une alimentation et une utilisation durables de l’énergie pour le bien-être de tous. Créé en 1923, il regroupe aujourd’hui 90 comités membres dans 90 pays, dont les plus gros consommateurs et producteurs d’énergie. Organisation multi-énergie, il traite de toutes les formes d’énergies, fossiles, renouvelables, nucléaires. Ses congrès, qui se tiennent tous les 3 ans, sont l’événement mondial sans doute le plus important en matière d’énergie. Ce sont des occasions exceptionnelles d’échanges et de partage d’expériences entre tous ceux que le monde compte d’intervenants dans le secteur de l’énergie, dans les gouvernements, les entreprises, les universités, les organisations non-gouvernementales. Le CME a tenu son 18e Congrès du 21 au 25 octobre 2001 à Buenos Aires, en Argentine, quelques mois avant les difficiles moments que vit ce pays. Nous publions ci-dessous les conclusions et recommandations de ce Congrès avec l’aimable autorisation du Conseil français de l’Énergie, qui en a assuré la traduction. « Marchés de l’énergie : les défis du nouveau millénaire » « De l’énergie pour les gens, de l’énergie pour la paix » e 18 congrès mondial de l’énergie a été à la fois le premier événement L majeur du XXI siècle dans le domaine de l’énergie et le premier congrès jamais e e tenu dans la région de l’Amérique Latine et des Caraïbes. Lors de l’ouverture du congrès, le Président de l’Argentine, M. de La Rua, a déclaré que des services énergétiques modernes pour tous sont un élément essentiel pour parvenir au développement durable, à l’harmonie et à la paix sur l’ensemble du globe. Trois chefs d’état sud-américains en exercice et l’ancien Président de la Roumanie, 25 ministres et de nombreux dirigeants de sociétés énergétiques mondiales et locales ont pris part aux conférences stratégiques et aux tables rondes. Ils ont discuté des principaux défis et des questions émergentes avec plus de 3000 délégués venus de 99 pays. 241 rapports techniques ont été publiés pour le congrès, et 137 ont été présentés par leurs auteurs lors de séances de discussion ou de séances « d’affichage ». La déclaration du millénaire du Conseil Mondial de l’Energie (CME) « L’Énergie pour le monde de demain : le temps de l’action » a fixé les objectifs d’accessibilité, de disponibilité et d’acceptabilité énergétiques, sur lesquels le congrès a concentré son attention. Le CME a rendu publics son enquête triennale sur les ressources énergétiques et six nouveaux rapports sur : les technologies de l’énergie au XXIe siècle ; les marchés de l’énergie en transition en Amérique Latine et Caraïbes ; la dimension éthique de l’activité Coopération énergétique et intégration économique régionale 31 énergétique ; les performances des centrales électriques ; les politiques d’efficacité énergétique ; et « Une seule planète pour tous ». Ces rapports peuvent être obtenus sur le site : www.worldenergy.org. On a également discuté de son récent travail sur la fixation des prix de l’énergie dans les pays en développement et sur la création du marché de l’électricité en Asie – Pacifique. Un programme pour étudiants, qui s’est avéré être une réussite, était associé au congrès. 52 étudiants en provenance de 26 pays ont participé à des séminaires spéciaux et à des réunions d’information impliquant des experts issus des comités membres du CME, et ils ont fait part de leurs conclusions à la cérémonie de clôture. Le congrès s’est tenu avec pour toile de fond les terrifiants événements survenus aux Etats-Unis en septembre dernier. Les délégués sont cependant restés déterminés à promouvoir le développement durable pour le plus grand bien de tous et ont déclaré attendre avec impatience le sommet mondial des Nations Unies sur le développement durable qui doit se tenir en Afrique du Sud en septembre 2002. Les défis stratégiques de l’énergie L’amélioration de la sécurité énergétique sur l’ensemble du globe est confrontée à quatre défis majeurs : l’accès commercial à l’énergie des deux milliards de personnes de par le monde qui n’en sont pas encore dotées ; la stabilité politique et juridique aux niveaux mondial et régional ; l’exploitation sans danger de l’énergie nucléaire et la promotion des énergies renouvelables ; et la nécessité d’accroître l’efficacité par la concurrence et la diffusion de la technologie. Ces défis sont étroitement liés. Les délégués du congrès ont reconnu que le commerce et la technologie sont les moteurs de la croissance économique, laquelle est la condition 32 préalable pour traiter la pauvreté et l’accessibilité énergétique, qui est elle-même étroitement liée à la disponibilité et à l’acceptabilité énergétiques. Si des mesures sont prises dès à présent pour atteindre ces objectifs, elles contribueront à réduire les tensions et à favoriser une plus grande harmonie dans le monde. Voici les principaux défis énergétiques abordés par le congrès : • Réforme du marché comprenant l’intégration commerciale et régionale : L’expérience liée à la réforme des marchés de l’énergie s’est révélée bénéfique dans la plupart des pays en termes d’acceptabilité et de disponibilité énergétiques. La situation des pays développés diffère de celle des pays en développement en termes de recours aux subventions à l’énergie, de structure politique ou de base de ressources. Toutefois, toutes les régions ressentent la nécessité d’accélérer l’ouverture des marchés et la coordination intra-régionale et de prévoir des programmes énergétiques non sur la base de frontières politiques, mais en termes de ce qui a un sens sur le plan économique. La réforme du marché et une réglementation impartiale sont bel et bien les pierres angulaires permettant d’attirer des capitaux privés vers des projets énergétiques spécifiques. Dans chaque pays, les clients et les consommateurs d’énergie devraient soutenir de telles réformes qui améliorent le choix du consommateur, la qualité du service et le prix de l’énergie. • Une réglementation et des institutions adaptées, notamment pour traiter les goulots d’étranglement des capacités de production et de transport : le nombre d’organismes de réglementation indépendants est actuellement en augmentation dans le monde, et on les trouve dans des pays affichant de solides politiques de dé-intégration. Les organes de réglementation doivent avoir conscience des nouveaux défis auxquels des marchés de l’énergie intégrés se trouvent confrontés, tels que la planification à long terme et l’exploitation des réseaux ; des infrastructures transfrontalières et la résolution des conflits, et des mesures d’harmonisation. L’expérience récente enregistrée dans certaines régions telles que la Californie suggère qu’il n’existe aucun mécanisme permettant au marché de traiter les capacités de production. Dans la mesure où l’électricité ne peut pas être stockée, il faut créer un marché pour les capacités de production qui remplacerait celui pour le stockage. Un problème semblable existe pour les infrastructures de transport tant pour l’électricité que pour le gaz, pour lesquels les contraintes imposées à l’accès au transport et aux capacités de production sont susceptibles de ralentir ou de porter atteinte à la célérité et au succès de la réforme du marché. Des interconnexions et des transports nouveaux (tant pour l’électricité que pour le gaz naturel) sont cruciaux. Il est essentiel que l’on prenne rapidement des décisions efficaces sur la conception du marché et la dé-intégration du secteur, afin d’encourager la mise en place de nouvelles capacités de production et de transport dans toutes les régions du monde. Il est nécessaire de reconnaître et de couvrir les coûts de ces nouvelles capacités, notamment de production et de transport, pour parvenir à un plus haut degré de fiabilité. Il semble relativement avéré que la réglementation de la rentabilité financière des infrastructures de transport constitue une mesure incitative inadaptée à la mise en place de nouvelles capacités. Les organes de réglementation devront mettre en place des politiques d’investissement incitatives afin d’encourager de nouvelles capacités. La transparence des coûts et la suppression des subventions à la production sont importantes, mais des subventions à la consommation Liaison Énergie-Francophonie • No 53 18 e Congrès mondial de l’énergie bien ciblées pourraient être justifiées, à titre temporaire, pour traiter les questions d’accessibilité et de capacité financière liées à la réforme du marché. • Garder ouvertes les options énergétiques pour traiter les questions de sécurité et de fiabilité : les menaces criminelles ou autres portant sur des infrastructures énergétiques exigent une gestion des risques à long terme et la mise en place de plans d’urgence, mais il incombe aux gouvernements de coopérer pour combattre de telles menaces. Le meilleur moyen de renforcer la fiabilité des services énergétiques réside dans la diversification énergétique et les échanges commerciaux régionaux de prestations énergétiques. • La technologie et le rôle des gouvernements dans la recherche fondamentale, la mise en place des capacités et la protection des droits de propriété intellectuelle : à court ou à moyen terme, il n’existe aucune nouvelle technologie importante susceptible de modifier le rôle majeur joué par les combustibles fossiles dans la structure des énergies primaires. Toutefois, de nouvelles technologies pour les centrales électriques, la gestion des installations, l’utilisation domestique dans les zones urbaines et rurales aideront à mettre en place un processus permanent d’amélioration de l’efficacité qui, si ces nouvelles technologies sont rapidement diffusées grâce à une réforme du marché et à des échanges commerciaux en direction des pays en développement, contribuera également à traiter sur une base mondiale les préoccupations en matière de protection de l’environnement. C’est l’ouverture de marchés, leur intégration régionale et les échanges commerciaux mondiaux qui accélèreront la diffusion des technologies visant à atteindre les objectifs d’accès à l’énergie commerciale, de qualité et de continuité des approvisionnements énergétiques, et d’acceptabilité environnementale de la production, de la distribution et de l’exploitation de l’énergie. • Objectifs environnementaux locaux, régionaux et mondiaux : Une diffusion technologique accélérée et les mesures de réforme du marché contribuent à réduire la pollution locale et régionale provenant de la production, de la distribution et de l’utilisation des services énergétiques. Le maintien des options énergétiques ouvertes de manière à ce que l’énergie nucléaire, l’énergie hydraulique et les énergies renouvelables conservent ou augmentent leur part dans la structure énergétique mondiale est la meilleure façon de traiter du court au moyen terme les émissions de gaz à effet de serre. La gestion mondiale des réductions d’émissions devra toutefois être mise en œuvre par les gouvernements, en consultation avec l’industrie, de sorte que des règles claires pour le commerce des émissions et les mécanismes de développement propre (MDP) puissent être dégagées aussi vite que possible, sans bouleverser les économies nationales, ni exclure aucune option énergétique. Les mécanismes de développement propre devront faire partie de la planification énergétique dans les pays en développement et devraient permettre la croissance des investissements dans de nouveaux projets énergétiques liant l’accès commercial à l’énergie aux réductions des émissions. Il importe de reconnaître que la responsabilité de l’atténuation effective du réchauffement de la planète incombe à tous les citoyens au même titre qu’aux compagnies énergétiques et aux gouvernements. • L’éthique et la promotion de la dignité humaine : la meilleure façon de traiter à l’échelle planétaire la corruption et d’autres questions d’ordre éthique consiste à favoriser la transparence et l’autorité de la loi par une réforme du marché et une régulation adaptée. Les entreprises énergétiques se soucient de responsabilité sociale car, de plus en plus, leurs actionnaires, employés et clients s’en préoccupent. La science et la technologie ne sauraient être « au-dessus » de l’éthique. La réforme du marché et l’intégration régionale sont les moyens les plus sûrs d’obtenir une diffusion de la technologie qui permettra de traiter les souffrances humaines. Les principales connexions energétiques L’enquête du CME sur les ressources énergétiques 2001 confirme que chaque région du monde dispose d’abondantes ressources énergétiques permettant de répondre à la demande mondiale croissante pendant une bonne partie du XXIe siècle. Même s’il est essentiel que toutes les régions et tous les pays diversifient leurs portefeuilles énergétiques en gardant toutes les options ouvertes en matière d’énergie, les combustibles fossiles demeureront néanmoins, pendant plusieurs décennies à venir, la composante la plus importante et la plus stable de la structure des énergies primaires. Une nouvelle industrie de production d’électricité est en train de naître pour faire face aux vastes et profonds changements qui se font jour actuellement tant dans la façon dont l’activité énergétique commerciale est à présent conduite que dans les exigences requises en matière de compétitivité et de responsabilité environnementale. La centrale électrique classique se transforme progressivement en une exploitation plus complexe, commercialisant non seulement de l’énergie et de la puissance comme des « matières premières », mais aussi des crédits écologiques et des produits financiers. Voici les principales connexions abordées par le congrès : • Volatilité et découplage du prix du pétrole et du gaz : la sécurité de l’approvisionnement et la stabilité des prix constituent des préoccupations majeures de tous les pays. ➤ Coopération énergétique et intégration économique régionale 33 Les revenus des pays producteurs dépendent de leur faculté de fournir du pétrole et du gaz naturel aux principaux marchés, tandis que la croissance et la prospérité des pays consommateurs dépendent d’approvisionnements fiables et abordables. Grâce à la pénétration rapide du gaz naturel liquéfié, un marché mondial du gaz naturel sera bientôt mis en place, avec des prix en partie découplés de ceux du pétrole. • Des technologies de combustion plus propres pour le pétrole, le gaz naturel et le charbon. Un moyen économique de produire de l’énergie à partir de combustibles fossiles avec des émissions de CO2 plus faibles ou gérables réside dans la diffusion large et rapide de technologies plus propres. Les combustibles fossiles ont un avenir durable si on les combine à de telles NOUVELLES technologies et/ou à la séquestration du carbone. Une technologie actuellement développée, la gazéification souterraine du charbon, pourrait permettre de répondre à la demande énergétique totale pendant plusieurs siècles avec des émissions relativement faibles. • Convergence gaz / électricité et services multi-énergétiques : le transport d’électricité et celui du gaz sont complémentaires dans les systèmes énergétiques régionaux, et leurs besoins de réglementation doivent être traités ensemble pour favoriser la fluidité et la livraison de services énergétiques efficaces. Si un tiers des centrales électriques mondiales existantes fonctionnant à l’aide d’une turbine à gaz à cycle simple était transformé en centrales à cycle combiné, l’augmentation de la production d’électricité DU TERRAIN Une ligne Microcrédit pour kits énergétiques individuels est disponible pour les habitants de la zone pilote du Kouritinga au Burkina Faso L’objectif général du projet Améliorer les conditions de vie des villageois de la province du Kourittenga au Burkina Faso par la mise en place de modalités financières appropriées pour l’acquisition de systèmes énergétiques individuels. L’objectif quantitatif Octroyer environ 2 000 prêts sur une période de 3 ans, permettant l’accès au service de l’électricité à plus de 20 000 personnes dans la région cible. Partenaires Fédération des Caisses Populaires du Burkina du Centre Est Groupement PPI/SES : fournisseur burkinabé d’équipements, installateur et maintenancier Association ALZ, animateur auprès des populations Fondation Énergies pour le Monde, coordinateur Direction de l’Énergie du Ministère de l’Énergie et des Mines du Burkina Faso Haut Commissariat de collectivité locale de la Province du Kourittenga Institut de l’énergie et de l’environnement de la Francophonie Région Wallonne Caisse française des Dépôts et Consignations Pour plus d’information, s’adresser à : Direction de l’Énergie, (226) 30 79 78, 32 47 86/89 ou Yves Maigne, [email protected] ou Boufeldja Benabdallah, [email protected]. 34 correspondrait exactement au besoin d’augmentation de la capacité de production pour les 4-6 années à venir, sans émissions supplémentaires de gaz à effet de serre. • Gaz et eau potable : il existe un lien potentiel entre le développement du gaz naturel et celui d’autres ressources vitales, telles que l’eau potable. Ainsi au Moyen-Orient par exemple, une bonne partie de l’eau potable domestique est fournie par des usines de dessalement de l’eau de mer fonctionnant au gaz qui produisent également de l’électricité. Le besoin de ces méthodes de production combinée se fera sentir ailleurs à mesure que se développeront des pénuries d’eau potable. • Énergie nucléaire, énergie hydraulique à grande échelle et émissions de gaz à effet de serre : pour la production électrique de base, les moyens les plus utilisés à l’heure actuelle pour réduire les émissions de CO2 sont l’énergie nucléaire et l’énergie hydraulique. Les pays qui ont la plus forte proportion d’énergie nucléaire et/ou hydraulique sont ceux qui ont les plus faibles émissions de CO2 par kWh. L’énergie nucléaire et l’énergie hydraulique à grande échelle présentent des avantages en termes de réchauffement de la planète, de stabilité des coûts et de facteurs de disponibilité élevés, qui les rendent compatibles avec les objectifs de développement durable pour le monde de demain. Elles devraient continuer à jouer un rôle important dans la production d’électricité. En particulier : Dans le cas de l’énergie nucléaire existe un éventail d’options comprenant les prolongations de la durée de vie de certaines centrales, de nouvelles centrales, le retraitement du combustible usé pour maximiser son exploitation (chaque fois que ce sera viable sur le plan économique), et des technologies innovantes portant sur la conception, l’octroi de licences, la fabrication, la construction, les Liaison Énergie-Francophonie • No 53 18 e Congrès mondial de l’énergie performances, la sécurité et une gestion efficace des déchets. Mais le secteur du nucléaire reconnaît toutefois qu’avec l’aide des gouvernements il doit toutefois poursuivre ses efforts pour mieux faire accepter cette importante source d’énergie par le public. De nouveaux projets de grand hydraulique pourraient représenter une proportion significative des besoins en énergie renouvelable nécessaires dans un monde plus vivable. Avec le soutien de l’Association Hydraulique Internationale et la Commission Internationale des Grands Barrages, la planification, la conception, la construction, l’exploitation et l’entretien des ouvrages hydrauliques ont été et seront améliorés en respectant les meilleures pratiques environnementales. • Énergies renouvelables et production distribuée sur la base de ressources locales : les délais requis pour une pénétration substantielle de nouvelles technologies d’énergies renouvelables dans la structure énergétique d’ensemble sont aujourd’hui de 30 à 40 ans. A court terme, certaines énergies renouvelables telles que les énergies éolienne et géothermique constituent, pour la production d’électricité à grande échelle, un complément très approprié plutôt qu’un remplacement. Le rythme de la mise au point et de l’exploitation des énergies renouvelables et de la production distribuée devrait s’accélérer grâce à une R&D accrue et à un soutien gouvernemental à leur déploiement, en particulier dans les pays en développement. • Concurrence et efficacité. Les nouvelles technologies modernes comptent pour environ 25 % dans l’amélioration potentielle des performances d’une centrale électrique, 75 % provenant d’une meilleure gestion et d’une amélioration des prises de décisions relatives à l’exploitation. S’il était possible en recourant à de meilleures méthodes, de combler le fossé existant entre les performances moyennes enregistrées de par le monde et celles des centrales affichant les meilleurs résultats, on aboutirait à des économies pouvant, selon les estimations, atteindre jusqu’à 80 milliards $ par an des capacités de production et d’exploitation et à une réduction des émissions de CO2 d’une gigatonne par an, de même qu’à une réduction des autres polluants. Même si, dans l’utilisation finale de l’énergie, les prix influent sur les modèles de consommation d’électricité, ils ne peuvent néanmoins expliquer tous les écarts de performances entre les différents pays. La concurrence et les transactions commerciales induisent des progrès dans l’efficacité des appareils électriques destinés à l’utilisateur final. Les conditions standards s’améliorent, ce qui pourrait favoriser des gains de 20 à 30 % en matière d’efficacité. Quelques conclusions et recommandations Il importe de se rappeler que l’humanité a dû faire face à bien des défis à travers les âges mais que, chaque fois, elle a trouvé pour chacun d’eux une solution innovante. Une approche holistique et exhaustive de l’énergie incluant ses dimensions sociales et culturelles est exigée, par exemple en prenant en compte ses liens avec les besoins humains de base et l’accès à des approvisionnements en eau sûrs et adaptés. Il faut que l’industrie réduise les coûts, augmente l’efficacité et respecte l’environnement. Les gouvernements peuvent l’y aider en complétant les investissements privés dans la R&D par un soutien à la recherche fondamentale et aux expériences sur de nouvelles technologies, en offrant une protection convenable à la propriété intellectuelle; en développant la coopération mondiale et l’intégration régionale des marchés ; et en renforçant la concurrence et les échanges commerciaux. La croissance économique, le progrès social et la protection de l’environnement sont les trois piliers du développement durable. Ces données sont étroitement liées. Il importe de placer l’homme au centre de la réforme du marché, de la régulation et de la diffusion de la technologie. Dans ces domaines, les entreprises énergétiques ont fait des progrès, mais il faut faire plus pour traiter la pauvreté, les conditions de travail et d’acquisition des compétences ainsi que la pollution. Il est essentiel que les entreprises et les gouvernements continuent de travailler de concert pour trouver des solutions réalistes et « orientées vers le marché » à des problèmes spécifiques. Accroître la prise de conscience par le public des questions énergétiques, en commençant par des cours à l’école et dans les universités, reste une responsabilité partagée entre les gouvernements et l’industrie. Une meilleure compréhension des comportements des consommateurs et de leurs besoins est un préalable à une maîtrise plus effective de la demande. Les gouvernements ont un rôle légitime et essentiel à jouer dans la politique énergétique et la mise en œuvre de la régulation, notamment dans la mesure ou la réforme du marché conduit à des solutions énergétiques régionales voire mondiales. Il importe qu’ils continuent à centrer leur politique sur la réforme du marché, même quand ils sont confrontés à des difficultés économiques, et à bien concevoir et mettre en place des politiques s’attachant à résoudre les problèmes de qualification de la main d’œuvre, de transparence et de droit. Dans le cadre d’un développement durable, ils devraient réitérer leur engagement en faveur de la recherche fondamentale ainsi que le développement et la démonstration de technologies avancées (par exemple, séquestration du carbone, renouvelables ou hydrogène). Ceci doit être accompli dans le contexte, d’un ordre du jour intergouvernemental visant à fournir des services énergétiques fiables, abordables et durables ➤ Coopération énergétique et intégration économique régionale 35 à tous les habitants du monde, avec les objectifs spécifiques suivants : l’industrie est fondamentale et doit être respectée. • apporter des services énergétiques commerciaux au tiers de l’humanité qui en est dépourvue, en impliquant les pays en développement dans l’élaboration de ce programme de R&D ; Même avec les pressions du court terme qui pèsent sur leurs performances, les entreprises énergétiques doivent réitérer leur engagement en faveur de solutions mondiales et à long terme. L’internationalisation des services énergétiques devra et va se poursuivre, et l’innovation de la R&D privée connaîtra une accélération si les prix de l’énergie traduisent la totalité des coûts réels de fourniture, de distribution et d’exploitation énergétiques. Une approche englobant l’intégralité du cycle du combustible permettra de prendre en compte les coûts externes, tels que ceux liés à la protection de l’environnement. • protéger l’environnement local, régional et global ; • conserver une vue à long terme qui tient compte des inerties des infrastructures énergétiques et de l’impact de la concurrence sur les horizons de l’industrie ; et, • diversifier le portefeuille de technologies « robustes » qui sont la seule protection contre les incertitudes de l’avenir. Les régulateurs ont un rôle central à jouer pour assurer un fonctionnement souple des marchés énergétiques locaux, régionaux ou globaux. Bien que le congrès ait affirmé la primauté des mécanismes de marché pour promouvoir une allocation efficace des ressources énergétiques, dans certains cas, ces mécanismes ne sont pas à eux seuls suffisants et une régulation adaptée s’impose, par exemple pour traiter les questions de transport, de capacité financière et de protection de l’environnement. Il existe au niveau régional des différences importantes qui doivent être prises en compte, en particulier dans les questions relatives à la régulation et aux institutions. Le besoin se fait sentir, pour les infrastructures énergétiques mondiales, de lier les marchés de l’électricité et du gaz naturel sur la base de régulations harmonisées traitant les questions de choix du client, de concurrence loyale, de transport et d’échanges commerciaux, ainsi que d’investissements dans les capacités nouvelles. Une fois que les gouvernements ont établi des règles claires de politique énergétique, l’indépendance quotidienne des régulateurs par rapport aux interférences du gouvernement et de 36 Le CME occupe une position unique pour semer les graines d’un travail en commun sur une base multi-énergétique mondiale. Il va de ce fait : • procéder à une actualisation et à une réévaluation de son travail de prospective sur les moteurs du développement énergétique ; • dans le travail ultérieur sur la réforme du marché, prendre position en préconisant une mise en place appropriée des marchés englobant des transactions commerciales pas seulement en termes de kWh mais également de capacité, les détaillants étant tenus de fournir la capacité requise pour une marge fixée et un lien entre les prix au détail et les prix de gros. Ce travail devra favoriser un mécanisme permettant d’ajuster les infrastructures de l’électricité et du gaz aux besoins ; • procéder à une analyse complémentaire des technologies relatives à l’utilisation finale, à la production distribuée et à la séquestration du carbone ; • traiter l’impact des règles relatives aux transactions commerciales d’émissions, aux mécanismes de développement propre et à d’autres aspects de la gestion mondiale des émissions dans le cadre du programme pilote sur la réduction des effets des GES et des objectifs de développement durable du CME ; • identifier, harmoniser, synthétiser et publier les données essentielles portant sur les aspects économiques, environnementaux et sociaux des combustibles fossiles, de l’énergie nucléaire et des énergies renouvelables, qui permettraient de faire des comparaisons réalistes ; • continuer à progresser dans l’élargissement et l’approfondissement des meilleures méthodes et dans le sens d’une efficacité accrue de la production, de la distribution et de l’utilisation énergétiques, en mettant tout particulièrement l’accent sur des technologies plus propres et une diffusion plus rapide de la technologie auprès des pays en développement ; • renforcer ses efforts régionaux dans les pays en développement pour faciliter les réformes du marché et les régulations adaptées conçues pour attirer les investissements appropriés (y compris pour les MDP) pour se rapprocher des buts d’accessibilité, de disponibilité et d’acceptabilité énergétiques ; et • mettre en place un programme de promotion et de diffusion de la dimension éthique de l’activité énergétique, à partir d’études de cas spécifiques couvrant les aspects comportementaux, sociaux et environnementaux. L’éducation sur le rôle de l’énergie dans le développement durable, la mise en place de capacités danùs les pays en développement et une meilleure communication avec le grand public sont des objectifs importants de ce programme. Grâce au travail mené de concert par les gouvernements, les organismes de régulation, les entreprises énergétiques et les consommateurs, le développement énergétique servira à tous les habitants de la planète et sera pour la paix un véritable catalyseur. Liaison Énergie-Francophonie • No 53 Association des producteurs de pétrole africains (APPA) et la coopération énergétique en Afrique S.E.M. MAXIME OBIANG-NZE La nécessité de développer la coopération dans le secteur des hydrocarbures, à travers une association telle que l’APPA, peut être un atout précieux dans les conceptions de politique pour une intégration régionale. Cette intégration est une condition vitale pour conférer à l’Afrique la dimension qu’il faudrait à ses activités économiques. Secrétaire exécutif de l’APPA réée le 27 janvier 1987, l’Association des producteurs de pétrole africains C (APPA) a pour objectifs fondamentaux la mise en commun des expériences et des moyens, pour bâtir une plate-forme de coopération et de solidarité africaine. Dans le cadre de ses activités, l’APPA n’a jamais voulu manquer à l’un de ses objectifs de solidarité et de coopération régionale. Elle s’est, à cet effet, dotée d’instruments spécialisés, dont certains sont destinés à aider les pays africains importateurs d’hydrocarbures, pour satisfaire leurs besoins. Les plus importants de ces instruments sont : Le Fonds APPA pour la coopération technique L’Association, pour la mise en œuvre d’une coopération efficace, a dû se rendre à l’évidence qu’une telle entreprise nécessitait des moyens financiers qui lui faisaient défaut. Aussi, a-t-elle décidé de la création du Fonds APPA pour la coopération technique. L’objet du Fonds est : • d’apporter toute assistance financière en vue de la réalisation des buts et objectifs de l’APPA ; • de contribuer au financement des études et des projets spécifiques au secteur des hydrocarbures et de l’énergie. Coopération énergétique et intégration économique régionale @ [email protected] 37 Le capital initial, fixé à 2,5 millions de dollars US, est constitué des contributions égalitaires. Mais pour tenir compte de certaines réalités, l’association a décidé de réaliser une étude complémentaire sur ce Fonds, afin de mieux définir la nature, le mode de fonctionnement, la gestion et les ressources financières nécessaires pour des opérations plus diversifiées du Fonds. Le siège du Fonds APPA se trouve à Cotonou (Bénin). En attendant le démarrage effectif de ses activités et la nomination du Directeur du Fonds, qui ne saurait tarder, c’est le Secrétaire exécutif de l’APPA qui en assure la direction. Le Comité Marketing Permanent Les importateurs africains d’hydrocarbures ont, pour résoudre leurs problèmes énergétiques, à faire face à deux problèmes : • la garantie de leur approvisionnement ; • la réduction de leur facture pétrolière. À ces préoccupations des importateurs africains, il conviendrait d’opposer les intérêts légitimes des producteurs qui est de maximiser leurs revenus pétroliers. Sans préjuger des accords particuliers qui peuvent exister entre un producteur et un importateur africain, l’APPA aborde avec un certain recul la question des échanges commerciaux dans la région. Pour la garantie des approvisionnements, il faut d’abord noter qu’avec les importantes nouvelles découvertes, tant au niveau du pétrole que du gaz, le continent africain regorge d’énormes ressources d’hydrocarbures liquide et gazeux qui peuvent garantir l’offre régionale face à une évolution de la 38 consommation. Il convient toutefois d’indiquer qu’en ce qui concerne le gaz, cette forme d’énergie est très peu consommée par la majeure partie de la population. Elle est en outre inégalement répartie. Sa promotion sur le continent s’impose par conséquent. Certains pays d’Afrique du Nord disposant de beaucoup de réserves en gaz ont développé des circuits commerciaux extra-africains afin de commercialiser leurs produits. Il paraît opportun de signaler les démarches qu’entreprend actuellement l’APPA pour apprécier un éventuel marché africain du gaz. pour l’analyse du marché pétrolier, la promotion des échanges commerciaux des hydrocarbures et des produits pétroliers en Afrique. Il conduit également, à la demande du Conseil, des études spécifiques concernant divers aspects du secteur énergétique africain. S’agissant de la réduction de la facture pétrolière, la structuration des marchés régionaux du pétrole pourrait apporter la solution à ce problème. En effet, les échanges commerciaux directs entre les producteurs et importateurs africains pourraient entraîner la suppression d’un certain nombre de charges liées au transport et à la rémunération des intermédiaires. Le prix de vente qui en résulterait permettrait aux importateurs de faire des économies appréciables sur leur facture pétrolière. • l’établissement des contacts nécessaires Il convient par ailleurs d’indiquer que la structuration d’un marché africain des hydrocarbures serait confrontée à d’énormes difficultés liées au transport. En effet, l’absence d’infrastructures transrégionales (route, pipeline, chemin de fer) constitue un handicap pour le développement des échanges commerciaux en Afrique. Il serait par conséquent nécessaire que ce problème réel soit examiné avec la plus grande attention possible. Il est vrai que cet aspect est connu, et certaines régions (Afrique du Nord, du Sud, de l’Ouest) ont commencé à y apporter des solutions. Par ailleurs, le premier plan d’action de cet instrument est en cours d’exécution. Il porte entre autres sur : Que fait l’APPA pour la promotion des échanges commerciaux des hydrocarbures en Afrique ? Ces considérations constituent les axes de réflexion de l’APPA pour apporter sa contribution à la résolution des problèmes énergétiques du continent et, partant, de son intégration économique. Le Comité Marketing Permanent est un instrument mis en place par l’APPA Pour les besoins de couverture de l’ensemble du marché pétrolier africain, cinq zones ont été définies. Parmi les pays membres de l’APPA pour chaque zone, un rapporteur a été désigné, qui couvre et coordonne les activités de cette zone. Il s’agit notamment de : • la collecte des données • la coordination des activités définies dans le cadre d’un plan d’actions Étant donné qu’il n’existe, entre les pays africains, que des échanges ponctuels dans le domaine des hydrocarbures, une identification des offres et des demandes de chaque zone se fera afin de connaître les pôles d’actions autour desquels doivent se développer des échanges commerciaux. • Les campagnes de sensibilisation des pays africains importateurs d’hydrocarbures pour les informer de la volonté de l’APPA de promouvoir les échanges commerciaux intra-africains des hydrocarbures ; • La réalisation d’études sur les flux pétroliers, sur le raffinage en Afrique, et sur le marché du gaz. • L’élaboration d’un plan d’urgence en cas de crise. Liaison Énergie-Francophonie • No 53 Les nouveaux défis de l’UPDEA IR MUTIMA SAKRINI HERMAN L’UPDEA, Union des Producteurs, Transporteurs et Distributeurs de l’Energie Electrique d’Afrique a été créée en 1970 avec pour objectif de promouvoir le développement et l’intégration du secteur électrique africain à travers une coopération active entre ses membres. Secrétaire Général de l’UPDEA A ctuellement, l’UPDEA compte 34 Sociétés d’électricité membres présentes dans les différentes sous-régions de l’Afrique. En 31 ans d’existence, on peut mentionner à l’actif de l’UPDEA, la création des conditions de partenariat et de solidarité qui ont permis aux sociétés africaines d’électricité d’échanger des expériences dans tous les domaines d’activités et de construire des ouvrages électriques communs, notamment les centrales hydroélectriques et les lignes d’interconnexion des réseaux entre pays. Créée dans un environnement où le secteur d’électricité en Afrique était entièrement dominé par des sociétés para-étatiques, l’UPDEA doit maintenant faire la dure expérience de la cohabitation entre sociétés d’Etat et sociétés privées dans un contexte de mondialisation de l’économie qui oblige les opérateurs économiques à rechercher l’excellence, l’efficacité, l’amélioration sans cesse du rapport qualité-prix de leurs produits, aux risques de disparaître. Ce qui est vrai pour les sociétés, l’est aussi pour des organismes tels que l’UPDEA. C’est fort de cette réalité que l’UPDEA, qui vient de nommer un nouveau Secrétaire Général, a entrepris de revoir ses lignes directrices historiques et sa vision du futur. Dans l’optique du Nouveau Partenariat pour le Développement de l’Afrique, récemment adopté par les Chefs d’Etat, l’UPDEA doit repenser son organisation, ses moyens de fonctionnement et sa politique de coopération avec les partenaires au développement, en vue d’accélérer l’électrification du continent. Pour ce faire, un certain nombre d’initiatives et de nouvelles approches sont définies: 1) Concentrer l’essentiel des activités de l’Union sur la réalisation des projets multilatéraux concrets, tout en optimisant les réunions d’échanges d’expériences à travers les Comités d’Etudes ; en d’autres termes, les travaux des Comités d’Etudes devront désormais avoir une finalité exploitable ; 2) Promouvoir un nouvel esprit de partenariat entre tous les membres de l’Union en vue d’une coopération plus effective dans tous les secteurs d’activités (exploitation, maintenance, études, gestion, formation, planification et Coopération énergétique et intégration économique régionale @ [email protected] 39 même prises de participation et joint-ventures…). Dans cette perspective, les Membres Affiliés (Fabricants/distributeurs de matériels électriques et bureaux d’études) sont appelés à jouer un rôle de premier plan, étant entendu qu’au même titre que les sociétés d’électricité (Membres Actifs), ils ont comme préoccupation le développement du secteur électrique africain. 3) Promouvoir avec les bailleurs de fonds, un nouveau type de relations pour drainer davantage de ressources de financement vers des projets d’études et d’électrification impliquant deux ou plusieurs pays africains. Dans le cadre de ces nouvelles orientations qui devraient faire de l’UPDEA le moteur principal du développement et de l’intégration des réseaux électriques africains, quelques projets conçus SOMMET par l’Union sont en phase de lancement. Il s’agit notamment de : 1) La mise en place d’une Banque de données multifonctionnelle du secteur électrique africain (potentialités, production, transport, distribution, organisations institutionnelles, …) 2) La création des Power-Pools (marchés électriques) dans toutes les sousrégions du continent, avec l’appui des autorités politiques des pays concernés et la coopération des organismes sous-régionaux de développement, à caractère économique. Il s’agira à terme, de relier les différents power-pools par des «autoroutes de l’énergie électrique» pour constituer par étapes, l’intégration des réseaux électriques africains. 3) La création d’une Commission Electro-Technique Africaine (CETA) dont le but est de promouvoir le développement de l’industrie africaine de matériels électriques adaptés aux conditions africaines, tout en préservant l’environnement. 4) La réalisation d’un programmepilote d’électrification des villages frontaliers africains dans les cinq sous-régions africaines. Un tel programme relève d’un défi qui est lancé aux électriciens africains à travers l’UPDEA. Comme une main ne peut laver seule le visage ainsi que nous le rappelle la sagesse africaine, l’UPDEA s’ouvre au partenariat avec toutes les institutions susceptibles de l’appuyer dans cette démarche pour que, dans les dix années à venir, l’électricité ne soit plus considérée comme un luxe en Afrique mais qu’elle soit disponible et accessible à tous les ménages où que l’on habite, dans les centres urbains ou en milieu rural. MONDIAL SUR LE DÉVELOPPEMENT DURABLE Participation de la Francophonie au processus préparatoire Du 26 août au 4 septembre de cette année se tient à Johannesburg (Afrique du Sud), un Sommet mondial sur le Développement durable. L’objectif général du Sommet est de relancer, au plus haut niveau politique, l’engagement mondial en faveur du développement durable, un partenariat Nord-Sud et d’accélérer la mise en œuvre d’Action 21, le plan d’action adopte a Rio. Le Sommet se propose notamment: • d’évaluer les progrès accomplis dans la mise en œuvre d’Action 21, la définition des principales réalisations, des obstacles et des enseignements tirés ; • de relever les nouveaux défis et de saisir les possibilités qui se sont fait jour depuis la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement et qui ont des incidences sur le développement durable ; • de proposer des mesures concrètes a mettre en place, ainsi que les besoins institutionnels et financiers y relatifs, et les sources requises pour cet appui ; • de rechercher des moyens de renforcer le cadre institutionnel pour la mise en œuvre du développement durable. Le processus préparatoire du Sommet lancé depuis l’année dernière se poursuit activement et mobilise la communauté internationale dans ses différentes composantes. La Francophonie participera à cette dynamique de relance de la coopération internationale sur le développement durable avec une série d’initiatives dont les plus importantes sont : 40 1. La préparation d’un dossier sur les contributions de la Francophonie institutionnelle et de ses pays membres à la réalisation de l’Agenda 21 ; 2. l’élaboration d’un dossier des initiatives réussies de la communauté francophone pour les faire connaître dans le cadre du Sommet à l’ensemble de la communauté internationale ; 3. l’animation d’un site portail internet (www.sommetjohannesburg.org) à vocation multiple qui servira de: – lieu d’accès aux informations en français sur le Sommet, ainsi qu’aux initiatives et sites le concernant ; – lieu de diffusion des réalisations de la communauté francophone; – lieu de débats à travers des fora dédiés aux différents points à l’ordre du jour du Sommet. 4. la mise en œuvre d’actions de sensibilisation et d’implication en direction des medias francophones 5. l’organisation à Dakar, du 11 au 13 mars 2002, d’un colloque international destiné aux acteurs du développement durable de la communauté francophone et qui sera l'occasion d'échanges sur les enjeux du Sommet, et d’élaboration de pistes d'action communautaire pour le futur (voir note 1). 6. l’organisation à Tunis, en Tunisie, du 6 au 8 mai 2002, d’une concertation au niveau des experts dans une perspective visant la redynamisation du plan d’action de Tunis avec contribution à l’élaboration d’une déclaration francophone pour le Sommet. Pour plus d’information : [email protected] Liaison Énergie-Francophonie • No 53 Pour une coopération francophone sur les outils de suivi et d’évaluation des politiques d’efficacité énergétique et d’effet de serre DIDIER BOSSEBŒUF Lors des négociations du protocole de Kyoto sur les changements climatiques, les discussions du groupe P&M (politiques et mesures relatives aux articles 4.2 de la convention et 2 du protocole) ont porté notamment sur la nécessité d’échanger des informations sur les bonnes pratiques des P&M pour limiter les émissions de gaz à effet de serre (GES) et la nécessité d’organiser une action coordonnée des P&M. Cette dernière proposition était particulièrement défendue par l’Europe et apparaît très fortement édulcorée dans la décision récemment adoptée par les Parties à Marrakech, en partie à cause de l’opposition des pays du Groupe parapluie (groupe de négociation comprenant le les États Unis d’Amérique, le Canada, le Japon, l’Australie, la Nouvelle Zélande). Dans ce cadre, deux séminaires sous l’égide de Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique ont été organisés en 2000 et 2001 à Copenhague qui avaient pour objectif principal d’échanger de l’information entre Parties sur les « bonnes pratiques des P&M en matière de réductions des GES », y compris sur l’aspect méthodologique de l’évaluation. Les participants ont de nouveau réitéré tout l’intérêt que cet échange d’information revêtait pour une meilleure compréhension mutuelle, en particulier en évoquant les « circonstances nationales » qui façonnent chacune des pratiques. et article s’inscrit dans cette démarche et milite pour une coopération C renforcée entre pays dans le domaine de l’évaluation des pratiques d’efficacité énergétique (EE) et d’effet de serre. Pour cela nous illustrerons notre démarche par trois initiatives de coopération internationale dans le domaine de l’évaluation des politiques de maîtrise de l’énergie (ME). Nous en dégagerons quelques enseignements communs qui peuvent alimenter une coopération nécessaire entre pays francophones dans le domaine de l’évaluation des P&M. Coopération énergétique et intégration économique régionale Économiste senior, ADEME @ [email protected] 41 Un exemple de politique en partie coordonnée en Europe : la politique d’efficacité énergétique De nombreuses initiatives au niveau européen montrent tout l’intérêt, et une certaine volonté politique, d’organiser une coopération internationale dans le domaine de l’EE. Cela peut se traduire par des programmes d’action de politiques concertées et coordonnées de ME. Il est de plus en plus impensable qu’un gouvernement européen puisse définir une politique d’EE ou d’effet de serre sans tenir compte de la politique européenne mise en place. Tout récemment, la Commission Européenne et le Parlement Européen ont mené trois initiatives qui motivent la mise en place de politiques coordonnées entre les États-membres : le plan d’action pour l’amélioration de l’efficacité énergétique (DG-TREN) ; le plan européen sur le changement climatique (DG-Environnement) ; l’initiative du parlement européen pour une « Europe intelligente en énergie ». Les pays européens doivent également traduire dans leur droit national les directives européennes. Certaines concernent peu ou prou le domaine de l’EE. On peut citer les directives sur les labels des équipements électroménagers, le rendement des chaudières, la réglementation thermique des bâtiments neufs et plus généralement la directive sur les EnR, celle sur la libéralisation du marché de l’électricité et du gaz, celles à venir sur les services énergétiques ou les permis négociables. Un autre exemple concerne les réflexions actuelles sur la création d’une agence européenne de l’efficacité énergétique. Il existe déjà des P&M coordonnées. Le meilleur exemple est l’accord volontaire signé entre la Commission et les constructeurs européens d’automobiles (Accord AEA) qui fixe des objectifs de niveau d’émission de CO2 à l’horizon 2008 et 2012 (respectivement 140 g de CO2 et 120 g de CO2 par km). Cette coopération régionale 42 s’est étendue aux constructeurs japonais et coréens. On peut également citer de nombreux réseaux d’acteurs qui procèdent à la réflexion sur ces politiques coordonnées, comme le réseau EnR des agences européennes de ME, le réseau Medener des agences méditerranéennes et l’ECEEE (European Council for an Energy Efficient Economy) qui regroupent des experts en ME. La Commission participe au financement de cette coopération par les programmes SAVE et ALTENER. Les indicateurs d’efficacité énergétique et de CO2 : de la recherche à l’officialisation Depuis dix ans, à l’initiative de l’ADEME, 15 pays européens établissent une méthodologie commune d’évaluation ex-post des évolutions de l’EE à partir d’indicateurs macrosectoriels. Cette base de donnée « ODYSSÉE», déjà présentée dans un numéro antérieur, contient environ 300 indicateurs d’EE et de CO2. Cofinancé à 1/3 par le programme européen SAVE et par les agences de ME européenne et l’ADEME, ce projet tire sa légitimité de la décentralisation de la collecte des données et de son interprétation, réalisées par les équipes nationales responsabilisées. Le consensus méthodologique a été obtenu par une coopération régionale très dense, puisque trois ateliers annuels sont dévolus à l’élaboration de cette méthodologie et à sa dissémination. Tout récemment, le projet est passé à une vitesse supérieure grâce à l’initiative d’Eurostat, rendant officielle une partie de ces indicateurs. Un groupe de travail du comité statistique énergie d’Eurostat (Roubanis 2001) a défini à partir du savoir-faire « ODYSSÉE » une liste d’indicateurs clé d’EE. Les informations nécessaires sont issues pour partie des données Eurostat existantes, mais surtout de la base de données ODYSSÉE. Elles sont soumises ensuite à l’approbation des États-membres qui peuvent bien entendu apporter des alternatives aux informations proposées. Cette coopération va du reste s’élargir à l’ensemble des Pays-membres de l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE), puisqu’un exercice commun EurostatAIE va démarrer à partir de l’expérience précédente, basée sur un questionnaire supplémentaire aux questionnaires énergie du programme conjoint de statistiques. L’audience de cet effort va également s’élargir à la problématique « effet de serre», puisque la direction du changement climatique de la DG Environnement va également publier, comme Eurostat et l’AIE, ces indicateurs, transcrits en terme de CO2. Cette «officialisation» des indicateurs récompense l’effort de coopération des 15 équipes européennes. Stratégiquement, ces indicateurs préfigurent ce que pourraient être les «progrès démontrables» des P&M dans le cadre des communications nationales sur le changement climatique à soumettre à l’UNFCCC (MIES 2002). La figure 1 illustre un exemple d’indicateur de progrès démontrable dans le cas des voitures neuves. On constate une certaine convergence des performances des voitures en Europe, qui devrait s’accentuer avec les contraintes de l’accord volontaire cité précédemment. Nous encourageons tous les pays à se doter de tels outils de suivi des P&M. L’étude du CME sur l’évaluation des politiques d’efficacité énergétique dans le monde Le CME (Conseil Mondial de l’Énergie) a confié pour la troisième fois à l’ADEME, la réalisation d’une étude (en fait, « un service » dans le langage CME) sur le suivi des P&M d’EE dans les pays membres du CME. Pour cette édition présentée à la conférence mondiale de l’énergie à Buenos Aires en Octobre 2001, nous avons établi une collaboration avec l’APERC (Asian Pacific Energy Research Center), basé à Tokyo, et qui représente 21 économies liées à l’APEC (soit les 2/3 de la consommation d’énergie mondiale) et l’OLADE (Organisation Latino-Américaine de l’Énergie). Liaison Énergie-Francophonie • No 53 Pour une coopération francophone Figure 1 Un exemple de progès démontrable : les émissions unitaires des voitures neuves en Europe 250 200 gCO2/km L’objectif de cette étude était triple : 1) faire un diagnostic le plus actuel des pratiques d’EE dans le Monde ; 2) évaluer à partir d’études de cas, judicieusement choisies et fournies par les pays, cinq bonnes pratiques d’EE (réglementation thermique des bâtiments, étiquetage des appareils électroménagers, fiscalité automobile, audits énergétiques et subventions directes) ; 3) interpréter les tendances d’évolution de l’EE à partir d’indicateurs détaillés tels que les intensités énergétiques ou les consommations unitaires. L’information a été collectée par un questionnaire, et complétée par la base de données Enerdata. Les synthèses des évaluations ont été confiées à des experts. L’originalité de ce travail repose sur la couverture géographique très large car plus de 50 pays ont participé à ce travail qui met en évidence l’émergence de pratiques d’envergure d’EE dans les PVD (pays en voie de développement). Il permet également de faire le point sur l’état de l’EE depuis la mise en place des réflexions sur le protocole de Kyoto. La figure 2 montre le cas de l’étiquetage des réfrigérateurs dans différents pays. Dans le cas européen, une directive communautaire sous-tend les pratiques nationales. On peut constater que le taux de pénétration des réfrigérateurs les plus performants progresse bien depuis la mise en place de la directive, et donc d’une politique régionale coordonnée, mais les circonstances nationales entraînent des écarts importants sur les taux de pénétration de ces matériels performants (de 5 à 50 %, ADEME 2001). Cette politique de labellisation s’avère une bonne pratique, préfigure l’adoption de standards et commence à trouver des terrains d’application dans les PVD. Parmi les conclusions et recommandations de l’étude du Conseil Mondial de l’Énergie (CME), je sélectionnerai, par rapport au sujet qui nous importe ici, la nécessité de poursuivre l’échange d’informations sur les pratiques d’EE. En particulier, nous avons constaté un manque flagrant d’évaluation ex-post des P&M mises en œuvre. Nous avons donc recommandé de poursuivre ce travail de comparaison des pratiques d’évaluations. Le CME nous est apparu comme une bonne plate-forme de réflexion et d’échange d’information. 150 100 50 0 73 75 77 79 81 83 85 87 89 91 93 95 97 99 Italie France Le projet MURE : Une base de données européenne sur les mesures d’efficacité énergétique. Le projet MURE (Modèle d’Utilisation Rationnelle de l’énergie) est également un outil d’évaluation des politiques d’EE. Financé par le programme SAVE, il est géré par un consortium franco-italien-allemand (ADEME-ISIS-FHG) et cumule plusieurs années d’existence. Il a deux fonctions principales : une base de données sur les P&M d’EE en Europe ; un outil de simulation de l’URE qui permet par exemple d’évaluer les potentiels d’URE ou de pratiquer des évaluations de l’impact des mesures de type « backcasting ». Ici encore, il s’agit d’un projet décentralisé, où les équipes nationales, en général appartenant aux agences de ME européennes, fournissent à partir d’un cadre bien défini et homogène les informations techniques requises. Chacune des mesures fait l’objet d’une description précise et d’une évaluation, si elle est disponible. La base de données étant gérée sous « access », un grand nombre de tris opérationnels est disponible (par types de mesure, par secteurs, par usages, par acteurs, etc.) à l’aide de paramètres discutés par l’ensemble du groupe (FHG 2002). La figure 3 illustre un exemple de tri par pays et mesure. Toute la Coopération énergétique et intégration économique régionale Autriche Allemagne Norvège Pays-Bas difficulté du travail est de rendre homogènes, crédibles et transparentes les informations pour les participants. Une coordination technique joue un rôle primordial en assurant un service en ligne avec les utilisateurs, et le contrôle de qualité. La plus-value de ce projet, pour les participants, est de disposer d’informations de « première main », homogènes et comparables sur les pratiques dans les autres pays, ceci dans un délai court et fourni par des experts. Notons que l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) dispose d’un outil un peu similaire (EE et effet de serre, AIE 2001). Quels enseignements pour une coopération entre francophones ? Plusieurs initiatives de coopération européenne dans le domaine de l’évaluation des politiques d’EE perdurent depuis près de dix ans. C’est donc que chacun des pays y trouve un intérêt, en particulier pour acquérir une méthodologie dont il ne disposait pas ou pour détenir des informations d’autres partenaires. Même si l’on croit que les « circonstances nationales » l’emportent sur les convergences entre pays pour le montage des politiques nationales d’EE, il y a bien une sensibilisation à l’échange d’information. Sans doute l’incertitude et la nouveauté de la problématique ➤ 43 Figure 2 Répartition des mesures d’efficacité énergétique selon les pays 40 Autres Normes de construction Systèmes à eau chaude Appareils électriques Édifices existants 35 30 25 20 15 10 d’évaluer peuvent différer des autres modèles existants. Ces évaluations pourraient sans conteste alimenter le réseau francophone constitué pour les négociations internationales sur le changement climatique. La définition, l’élaboration méthodologique et la dissémination des « progrès démontrables » basés sur des évaluations sectorielles détaillées ex post et ex ante pourraient faire l’objet d’une coopération régionale fructueuse. 5 Suèd e Ukrain e POR Espa ge N LD Italie bour g Luxem de Franc e Allem a gn e Grand e-Bre tagne Irland e Finlan ue mark Dane Belgiq Austr a lie 0 Source : ADEME-MURE (quelle nouvelle politique publique d’EE dans un contexte de bas prix de l’énergie ?), les contingences du protocole de Kyoto et la globalisation des marchés expliquent ce regain d’intérêt pour l’échange d’information des P&M. Je crois également que chaque participant admet que les informations provenant d’analyses transversales (entre pays) apportent un plus aux analyses longitudinales (sur un même pays), car les écarts de contextes sont beaucoup plus importants entre pays que dans son propre pays. Il y a également des considérations de productivité qui rendent le partage des coûts indispensables dans une activité pour laquelle la légitimité ne coule pas de source. Dans ce contexte stratégique, les conditions de réussite de ce type de coopération reposent sur les principes suivants : • L’existence d’un réseau de partenaires homogènes, c’est-à-dire partageant les mêmes motivations et préoccupations, en l’occurrence ici les agences de ME. Cette nécessaire condition de décentralisation rend plus légitime, plus flexible et plus transparent l’échange d’informations, mais rend la gestion du projet plus difficile ; • La nécessité de perspectives futures, dans la mesure où les investissements d’ordre méthodologique de ce type sont assez particuliers et 44 lourds. Toutes recommandations d’organismes officiels internationaux ou nationaux dans ce domaine sont les bienvenues. • De bonnes conditions de mise en œuvre des projets : une bonne coordination technique capable de faire des propositions méthodologiques, de centraliser l’information et de la gérer, de la dynamiser et de la restituer dans un langage commun. En ce sens, sa disponibilité (un service en ligne) est un gage de réussite pour les participants. • La pérennisation d’un financement commun d’un organisme international qui fédère, motive et crédibilise le système, même si ce financement n’est pas majoritaire. • Une confiance dans les partenaires, qui ne s’acquiert qu’au fil du temps ; ce qui est loin d’être acquis car les dispositions initiales en termes de collecte de données et d’expérience sont bien différentes. La coopération entre pays peut aider à améliorer l’efficacité des mesures et prévenir des distorsions économiques. Des expériences futures d’échanges d’informations sont nécessaires pour l’évaluation des impacts des P&M. Le réseau francophone est un bon tremplin car dans le domaine de l’évaluation des politiques publiques, la perception de l’intérêt et la façon Bibliographie : ADEME-SAVE (2001) : « Cross Country Comparison on Energy Efficiency Indicators ; the ODYSSEE Project, Phase 6 », rapport final en quatre volumes, Paris, 2001. ADEME-APERC (Moisan, Yokoburi, Bossebœuf and al. (2001) : « Energy Efficiency Policies and Indicators », rapport pour le CME, Londres, 2001. AIE (2001) : « Energy Efficiency Update », Paris APERC(2001) : « Energy Efficiency Indicators, a Study of Energy Efficiency Indicators in APEC Economies », Tokyo, 161 p. CCE-DG TREN (2001) : « Plan d’action pour l’amélioration de l’efficacité énergétique », Bruxelles. CCE-DG Environnement (2000) : « Plan européen pour le changement climatique », Bruxelles. ECEEE (2001) : « Further than ever from Kyoto ? Rethinking Energy Efficiency Can Get Us There », proceedings de l’École d’été 2001, 2 volumes, Paris, 2001. EUROSTAT (C Roubanis) (2001) : « Indicateur clef d’efficacité énergétique » ; Luxembourg. FHG (B Schlomann, W. Eichhammer) (2002) : « Guideline for the MURE Data Base on Policy and Measures », Rapport final ODYSSEE-MURE, Paris. G8 (2000) : « Environmental Futures Forum 2000 on Domestic Best Practices adressing climate change », 14-15 Février 2000, kanagawa, Japon, 2 volumes. MIES (2001) : Troisième communication nationale sur le changement climatique, Paris UNFCCC (2000) : « Best Practices in Policies and Measures », proceedings de l’atelier de Copenhague 11-13 avril 2001, Boon. UNFCCC (2001) : « Bonnes practiques et méthodologies d’évaluation » ; proceeding de l’atelier de Copenhague, 2001, Boon. Liaison Énergie-Francophonie • No 53 La dimension économique de la Francophonie, intégration régionale et mondialisation TAOUFIQ BOUDCHICHE La réflexion sur la dimension économique de la Francophonie a connu une avancée décisive avec l’organisation de la première conférence des ministres de l’Économie et des Finances de la Francophonie, tenue à Monaco les 14 et 15 avril 1999 sur le thème «Investissement et Commerce». Responsable du suivi budgétaire et financier des projets de C es deux thèmes ont été choisis vu le rôle important qu’ils jouent dans l’intégration économique régionale et mondiale. La préparation de cette conférence a représenté néanmoins un défi important lié d’une part, à la diversité géographique et économique des pays de la francophonie et d’autre part aux interrogations quant à la capacité du « multilatéral » francophone à intégrer les enjeux économiques et financiers internationaux dans l’approche de la coopération multilatérale francophone. En effet, quelle contribution spécifique pourrait avoir la Francophonie sur les questions traitées à l’OMC, à la Banque Mondiale ou au Fonds Monétaire International ? Ou encore, comment concilier la vocation culturelle et éducative de la Francophonie avec les enjeux de la coopération économique et commerciale au niveau international ? Ces questions ont été récurrentes tout au long de la réflexion sur «l’espace de coopération économique francophone » et pendant la préparation de la Conférence de Monaco. Les réponses apportées progressivement à ces interrogations ont finalement montré que la Francophonie multilatérale tout en restant fidèle à ses missions traditionnelles de concertation, de formation et d’information, peut avoir un rôle précieux en matière de partage d’informations, de savoir-faire et d’expertises économique et financière dans le contexte de la mondialisation. Ceux-ci sont d’ailleurs, selon les économistes, devenus des facteurs dominants de l’amélioration de la productivité des acteurs économiques au sein de la nouvelle économie internationale. À cet égard, le Secrétaire général de la CNUCED, Monsieur Rubens Ricupéro, déclare lors de la cérémonie d’ouverture de la conférence ministérielle de Monaco ce qui suit : « Avec la mondialisation et l’exacerbation de la concurrence, nous sommes entrés dans une économie plus intensive en matière de connaissances. Or, la langue est le véhicule des connaissances. Il y a donc un lien fondamental entre langue et économie. La Francophonie a un rôle important à jouer dans le processus de développement des économies les plus faibles en prouvant, notamment, qu’une grande langue internationale peut ouvrir des voies de communications essentielles pour l’échange de biens et services. Il est établi, poursuit-il, que le développement sera atteint par ceux qui maîtrisent la connaissance, l’information et les connaissances technologiques. Coopération énergétique et intégration économique régionale coopération à l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie @ [email protected] 45 La mondialisation se manifeste d’abord par l’exacerbation de la concurrence. Pour cela il y a des règles et un arbitre (en référence à l’Organisation Mondiale du Commerce). Mais il faut également de l’entraînement et de la préparation. La langue française peut aider les pays à se préparer aux nouvelles règles du commerce international, elle peut aider à apprendre « à apprendre ». Plusieurs ministres ont également souligné la relation qui existe entre langue, proximité culturelle et échanges commerciaux. À cet égard, Monsieur Dominique Strauss-Kahn, ministre français de l’Économie et des Finances, a indiqué dans l’une de ses interventions que le rapport entre les parts de marché des entreprises françaises est de 1 à 2 voire de 1 à 3 en faveur des pays ou des régions francophones. Par exemple, en Afrique de l’Ouest, au Ghana, affirme-t-il, la France compte pour 5 % des importations, mais en Côte d’Ivoire pour près de 27 %, soit un montant 5 à 6 fois supérieur. En Asie du Sud-Est, les entreprises françaises n’ont qu’un peu plus que 5 % de parts de marchés mais sur l’ensemble des autres pays de l’ASEAN (Association of South East Asian Nations), la part chute à environ 2 %. Cette conférence a finalement permis, grâce à l’adoption de la déclaration de Monaco, de clarifier les orientations pour développer « l’espace de coopération économique francophone » et de préciser les actions de coopération possibles en la matière. De ce point de vue, la déclaration ministérielle confirme l’orientation socioéconomique suivante : « La francophonie trouve son unité dans la complémentarité de ses membres et dans le partage d’un patrimoine de valeurs et de conceptions, reconnaissant notamment : – l’importance de la diversité linguistique et culturelle face aux défis de la mondialisation et la nécessité de prendre en compte cet objectif dans la définition de règles multilatérales dans le domaine du commerce et l’investissement ; – le lien essentiel entre le développement économique, la démocratie et la bonne gouvernance ; – la responsabilité de l’État dans la promotion d’un modèle de développement qui ne dissocie pas l’économique du social et sa vocation à assurer à tous la satisfaction de leurs besoins fondamentaux ; 46 – le rôle de l’entreprise, particulièrement du secteur privé, comme principal moteur du développement économique destiné au service de la personne; – l’instauration d’un cadre privilégiant l’économie et la solidarité réelle en vue d’aider ceux des pays membres en développement et notamment les pays les moins avancés, les pays enclavés et les petits Etats insulaires, à se doter de moyens à créer les conditions favorables à leur développement » (extrait de la Déclaration de Monaco ; point 4). En termes d’actions, trois niveaux de coopération ont été identifiés : des actions de concertation accrue entre les gouvernements, des actions en direction des entreprises et le développement des ressources humaines. Par ailleurs, lors de la Conférence de Monaco, la relation dynamique entre intégration régionale et insertion dans l’économie mondialisée a été mise en évidence à plusieurs reprises. Selon les ministres, une intégration régionale réussie est un pas essentiel pour tirer avantage des nouvelles conditions du commerce et de l’investissement engendrées par la mondialisation et constitue la meilleure réponse au risque de marginalisation qui pèse en particulier sur les pays les plus fragiles. Les multiples avantages d’une intégration régionale bien conçue pour les pays en développement ont notamment été soulignés. Cette intégration permet, tout d’abord, de surmonter les obstacles que représente la relative exiguïté des marchés nationaux. De plus, elle crée des économies d’échelle et favorise la mise en place d’infrastructures régionales. Par ailleurs, une harmonisation touchant les domaines juridique, fiscal et financier permet d’additionner les ressources nationales et de faire valoir une approche régionale avec plus d’assurance et de force. L’ensemble francophone ne se définissant ni comme un regroupement régional, ni comme un bloc économique homogène, est plutôt caractérisé par une double transversalité : géographique, d’une part, car ses membres appartiennent aux différentes régions du monde (Afrique, Amériques, Asie et Europe), et économique, d’autre part, car ses économies sont réparties sur le large éventail du développement du plus industrialisé au moins avancé. Les membres de la Francophonie sont pour chacun d’eux intégrés dans plusieurs blocs économiques régionaux (Union Européenne, ALENA, ASEAN, UMA, CDEAO, CEMAC, etc.), voire intégrés à des blocs géopolitiques (G7, OCDE.). Selon certains ministres, la Francophonie doit servir de pont entre mondialisation et régionalisation, entre unions régionales, entre pays pauvres et moins pauvres. Dans le contexte de mondialisation économique qui implique une concurrence plus exacerbée, la Francophonie pourrait veiller à maintenir un lien fort entre les différentes entités et enrichir les enjeux économiques et commerciaux internationaux à travers une approche favorisant le dialogue NordSud et le dialogue interrégional. Depuis, il y eu la mise en place du fonds d’intégration des PMA à la mondialisation et le développement d’un vaste programme de formations en commerce international, en coopération étroite avec la Commission des Nations-Unies pour le Commerce et le Développement (Cnuced) et le Centre du Commerce international (CCI). Ce dialogue s’est également renforcé à l’occasion des débats sur la diversité culturelle au sein des enceintes internationales (UNESCO, OMC, etc.) qui visent à mettre en place « un instrument international » pour protéger les industries culturelles des risques d’une libéralisation commerciale trop poussée qui mettrait en péril la création et l’identité culturelles des pays membres. Plusieurs concertations d’experts et de représentants gouvernementaux ont été organisées par l’Agence de la Francophonie, sur le thème de la promotion de la diversité culturelle. ESPACE DE COOPÉRATION ÉCONOMIQUE FRANCOPHONE ET ÉNERGIE Concertations intergouvernementales, partenariats d’entreprises et développement des ressources humaines résument en quelque sorte la mission confiée à la Francophonie multilatérale pour développer « un espace de coopération économique francophone », dans le contexte des enjeux de la mondialisation. Liaison Énergie-Francophonie • No 53 La dimension économique de la Francophonie, intégration régionale et mondialisation Appliquées au secteur de l’énergie, les orientations et les actions telles que définies ci-haut pour la construction d’un espace de coopération économique francophone trouvent tout leur sens. En effet, tous les vecteurs d’une coopération fondée sur le partage d’une langue et d’une approche économique francophone communes y sont représentés. Je cite ci-après les plus importantes : – Son importance dans le développement ainsi que le caractère transfrontalier de ce secteur au plan économique ne sont plus à démontrer. Il est souvent à l’origine d’échanges régionaux importants (gazoducs, hydraulique régionale, interconnexions électriques, etc.) qui en font un secteur stratégique en matière de coopération régionale et internationale. – Il s’agit d’un secteur à fort contenu technologique où la nécessité de partage des connaissances et de transferts de technologies Nord-Sud et Sud-Sud sont déterminants pour les pays qui n’en disposent pas. C’est là, la vocation traditionnelle et naturelle de la coopération multilatérale francophone. Elle reflète la solidarité de la francophonie à travers le partage d’une langue commune. Cet objectif a présidé notamment à la création de l’Institut de l’Énergie des Pays Francophones. – Il s’agit d’un secteur hautement capitalistique et stratégique où le partenariat entre secteur privé et pouvoirs publics est primordial. Il est donc traversé au premier plan par les débats qui concernent la libéralisation économique dans le contexte de la mondialisation. Le partenariat entre secteur privé et Etat fut un point important de l’approche économique francophone développée à Monaco. La vision francophone dans ces débats se distingue, par exemple, par la volonté de ne pas laisser au seul marché la définition des règles du jeu. – Il s’agit d’un secteur où les concepts de service universel et d’intérêt général – autrement dit un service de base fourni à chacun à un prix raisonnable, et ce quelle que soit sa situation sociale, culturelle ou géographique – sont particulièrement importants pour assurer un développement économique qui ne se dissocie pas du social, – – – – comme affirmé dans la déclaration de Monaco. II s’agit d’un secteur assez souvent tourné sur l’économie internationale qui, selon les pays, se traduit par l’importation massive d’énergie (pétrole, charbon, gaz, etc.) ou son exportation, voire les deux à la fois. Par conséquent, le dialogue Nord-Sud et Sud-Sud concerne au premier chef le secteur notamment sur les question liées aux grands enjeux environnementaux (réchauffement de la planète, émissions de CO2, etc.). Dans ce contexte, la francophonie a développé un cadre de concertations pour préparer les pays membres aux grandes échéances internationales (conférence de Rio, conférence des parties aux conventions d’environnement, dont la convention cadre sur les changements climatiques, etc.) Le secteur énergétique, de par les spécificités décrites ci-haut, peut constituer le fer de lance d’une intégration régionale bien conçue. Il peut contribuer à la mise en place d’infrastructures orientées vers le développement et la mise en valeur conjoints des ressources naturelles au niveau régional (barrages, centrales hydro-électriques, etc.). C’est par exemple le cas de L’OMVS en Afrique de l’Ouest, ou encore de l’Energie des grands lacs en Afrique centrale. Ces infrastructures peuvent à leur tour générer des économies d’échelle en investissements nationaux (par exemple à travers les interconnexions électriques), voire générer des revenus financiers grâce à la coopération régionale (taxes prélevées par les pays traversés par les gazoducs, les pipelines, etc.). C’est le cas du gazoduc entre l’Algérie et l’Espagne ou entre l’Algérie et l’Italie; les pays traversés par les gazoducs, respectivement le Maroc et la Tunisie, ont négocié des droits de transit à cet effet. C’est le cas plus récent du projet régional gazier en Afrique de l’Ouest intégrant le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Bénin et le Togo. Le secteur énergétique, parce qu’il regroupe souvent de grandes entreprises publiques au poids économique et financier important au niveau national (sociétés d’électricité, sociétés Coopération énergétique et intégration économique régionale de production et de distribution d’hydrocarbures, raffineries, etc.), constitue un secteur particulièrement visé et sensible à l’articulation entre intérêt stratégique national, intégration régionale versus cadre juridique et cadre commercial multilatéral. De ce point de vue, les expériences acquises par ce secteur en matière d’ouverture régionale et internationale ont une valeur pédagogique précieuse pour les pouvoirs publics en matière d’adaptation progressive des économies nationales à l’environnement juridique et commercial multilatéral tel qu’il se dessine maintenant au plan régional et au plan mondial. – Enfin, il s’agit d’un secteur où les proximités linguistique et culturelle jouent un rôle déterminant dans le partenariat d’entreprises Nord-Sud et Sud-Sud. En effet, au cours de ces dernières années, dans les secteurs électrique, pétrolier et aussi dans le domaine des énergies renouvelables, ce partenariat s’est développé au sein de l’espace francophone, favorisé par une approche économique commune et le partage de la langue française. De fait, la Francophonie est également un facteur facilitateur pour l’adoption de normes juridiques et techniques communes favorisant la coopération énergétique au sein de l’espace francophone. Ainsi, parallèlement aux restructurations en cours (concessions, systèmes BOOT, etc.) et à la libéralisation du secteur électrique, les projets de production indépendante d’électricité constituent actuellement un champ concret de coopération francophone Nord-Sud et Sud-Sud. Des exemples sont en cours ou en projet entre différentes entreprises électriques francophones (France, Québec, Côte d’Ivoire, Maroc, Sénégal, Mali, Togo, Bénin, Gabon, etc.). Documents de référence : Déclaration de Monaco adoptée par les ministres de l’Économie et des Finances de la Francophonie à Monaco le 15 avril 1999 Actes de la Conférence des ministres de l’Économie et des Finances de la Francophonie 47 INSTITUT DE L’ÉNERGIE ET DE L’ENVIRONNEMENT DE LA FRANCOPHONIE (IEPF) 56, RUE SAINT-PIERRE, 3e ÉTAGE, QUÉBEC (QUÉBEC) G1K 4A1 CANADA L’IEPF est un organe subsidiaire de l’Agence intergouvernementale de la Francophonie opérateur principal de l’Organisation internationale de la Francophonie