Escalade verbale entre Israël et la Syrie

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Escalade verbale entre Israël et la Syrie
Semaine du 19 au 24 mai 2013
Escalade verbale entre Israël et la Syrie
La presse israélienne a largement relayé cette semaine le regain de tension enregistré à
la frontière syrienne. Les quotidiens ont publié le communiqué de l’armée syrienne
revendiquant pour la première fois les tirs qui ont touché une jeep de l’armée israélienne.
Le Commandement général des forces armées syriennes a en effet affirmé que le véhicule
israélien avait « dépassé la ligne de cessez-le-feu », ajoutant : « Cette agression flagrante
montre une nouvelle fois l'implication de l'entité sioniste dans ce qui se passe en Syrie et
la coordination directe avec les groupes terroristes armés ».
Cette revendication a incité plusieurs responsables de la Défense israéliens à « hausser le
ton » sur le volet syrien, les commentateurs regrettant pour la plupart cette « escalade
verbale ». En visite sur le plateau du Golan, le Chef d’Etat major israélien, le général
Benny Gantz, a ainsi directement mis en garde le président syrien, l‘avertissant que s’il
« déstabilisait la situation sur le plateau du Golan, il en paierait le prix ».
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Lors d’un colloque près de Tel Aviv marquant le 40ème anniversaire de la guerre du
Kippour, le commandant de l’armée de l’air israélienne, le général Amir Eshel, a de son
côté évoqué le risque d’une « guerre surprise » avec la Syrie. « Si la Syrie s’effondrait,
l'énorme arsenal qui s'y trouve serait disséminé partout et il faudrait déployer toutes nos
capacités de frappe » a-t-il affirmé.
Par ailleurs, le ministre de la Défense, Moshé Yaalon, a rappelé qu’Israël ne souhaitait
pas s’ingérer dans la guerre civile syrienne mais que le gouvernement s’était fixé
quelques principes sur lesquels il ne souhaitait pas transiger : le transfert d’armes
sophistiquées aux organisations terroristes et le respect de la souveraineté israélienne sur
le plateau du Golan.
Le Maariv relève que lors de son entretien avec l’ex-chef de l’Etat français, Nicolas
Sarkozy, le Président Peres a mis en garde les responsables de la défense israélienne
contre une « escalade verbale » sur le volet syrien. « Il y a trop de flammes au
Moyen-Orient et nous devons essayer de les faire baisser. La frontière est très tendue,
c’est pourquoi il faut agir avec prudence et responsabilité dans nos déclarations », a-t-il
avertit.
Enfin, les journaux israéliens saluent les déclarations du Secrétaire d’Etat américain, John
Kerry et du ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, pointant
l’implication grandissante du Hezbollah dans les combats en Syrie, après la mort de
30 miliciens de l’organisation chiite libanaise à Qusseir.
Les quotidiens estiment en outre que l’Union européenne pourrait prochainement
« changer de cap » et inscrire la branche militaire du mouvement chiite sur sa liste des
organisations terroristes.
Enfin, les médias annoncent la tenue, lundi prochain, d’un vaste exercice de simulation de
guerre chimique orchestré par le ministère de la Défense passive.
DES TAMBOURS DE GUERRE QUE PERSONNE NE VEUT ENTENDRE / EYAL ZUSSER –
ISRAEL HAYOM
Il ne se passe pas un jour sans qu’un haut responsable israélien ne fasse une déclaration
spectaculaire sur la situation syrienne. Tantôt, les uns menacent de faire chuter le
régime Assad si ce dernier s’aventurait à riposter aux raids israéliens, tantôt les autres
calment le jeu en assurant qu’Israël souhaite que le président syrien reste au pouvoir.
Ce dimanche, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a déclaré qu’Israël
continuerait d’opérer pour déjouer le transfert d’armes vers le Hezbollah. Hier, c’était au
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tour du général Amir Eshel, chef de l’armée de l’air israélienne, de mettre en garde
contre une possible « guerre surprise » avec la Syrie.
A en croire ces déclarations, Israël semble vouloir « le beurre et l’argent du beurre ».
Jérusalem est ainsi déterminé à déjouer le transfert d’armes vers le Hezbollah et à
torpiller la vente d’armes russes sophistiquées à Damas tout en s’efforçant d’éviter une
confrontation directe avec la Syrie.
Le vrai problème est que la politique d’Israël sur le volet syrien est beaucoup moins claire
et déterminée que ne le laissent entendre les déclarations de ses hauts responsables.
Jérusalem n’a pas encore tranché : est-il favorable à la chute du régime alaouite ou à
l’instar de l’Iran, du Hezbollah et de la Russie, souhaite-t-il qu’Assad se maintienne au
pouvoir ? Israël doit également se décider sur la question suivante : déjouer le transfert
d’armes sophistiquées supplémentaires au Hezbollah, justifie-t-il de se risquer à une
guerre totale avec les Syriens ? Une guerre que personne ne désire mais que le cycle
infernal « opération israélienne-représailles syriennes » pourrait amener à nos portes.
Une telle guerre ne serait pas une « guerre-surprise » comme a averti le commandant de
l’arme de l’air israélienne hier, mais une guerre connue d’avance.
« Nous, on est pour vous ! »
Caricature de Bidermann – Haaretz
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ARRETONS DE PROVOQUER ASSAD ! / EDITORIAL PRINCIPAL DU HAARETZ
La tension entre Israël et la Syrie a considérablement augmenté ces dernières
semaines sans toutefois provoquer une explosion.
Assad ne souhaite pas embraser la région. Il comprend parfaitement qu’Israël est
plus fort que lui : dans les airs, grâce à ses chars et tous les autres composants de son
armée. C’est pourquoi après les raids de l’aviation sur son territoire, il a choisi la
retenue mais les déclarations publiées dans la presse étrangère, attribuées à des
responsables israéliens, ont touché sa fierté et l’ont poussé à menacer de riposter
aux attaques de convois de missiles destinés au Hezbollah.
Au-delà du fait que des déclarations provocantes du type de celle du chef d’étatmajor Benny Gantz (« Assad devra en subir les conséquences ») ne donnent rien et
dépassent même le rôle d’un chef d’état-major et des autres responsables israéliens,
elles indiquent aussi qu’on feint d’ignorer la grande part de responsabilité d’Israël
dans la dégradation de la situation.
Des provocations verbales ne font qu’aggraver les tensions et une nouvelle attaque
en Syrie risque de déclencher une guerre superflue. Le gouvernement ferait bien de
prendre cela en considération et d’éviter toute provocation.
Benyamin Netanyahou et son ministre
de la Défense, Moshé Yaalon :
« Y’a des fuites chez le voisin »
Caricature de Shlomo Cohen – Israël
Hayom
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UN EMBALLEMENT INUTILE / ALEX FISCHMANN- YEDIOT AHARONOTH
S’il s’en tient aux dernières déclarations de l’Etat major israélien, l’Israélien lambda a de quoi
être inquiet quant à la probabilité que des hostilités n’éclatent avec la Syrie. Pourtant, nous
en sommes loin ! La Syrie n’envisage pas d’attaquer Israël et inversement. Bien au contraire,
d’ici dix jours, le Conseil de sécurité de l’ONU reconduira automatiquement le mandat de ses
observateurs sur le plateau du Golan. Rien de nouveau ne s’est donc passé en Syrie qui
puisse justifier cette escalade verbale. La situation est certes explosive en Syrie au fur et
mesure que le régime se démembre. Dans cet immense incendie, de nouveaux éléments
pourraient apparaître comme la livraison de missiles S-300 qui contraindrait certainement
Israël à agir. Mais Israël a fait passer le message aux Syriens par tous les canaux possibles, si
bien qu’à ce jour, Israël s’emballe inutilement.
A la fin du mois de juin e tiendra à Genève une conférence internationale visant à sortir de
l’impasse dans la crise. Mardi se sont réunis en Jordanie, les « Amis de la Syrie » réunissant
insurgés et pays amis. Pendant ce temps, Russes et Américains planchent sur un plan de
sortie de crise qui pourrait rassurer les Israéliens : préserver la composition actuelle de
l’armée égyptienne pour ne pas reproduire l’erreur irakienne, ce qui devrait empêcher,
pendant la période de transition, le transfert d’armes sophistiqués aux organisations
islamistes radicales.
AFFAIRE AL-DURA
La publication du rapport du gouvernement israélien sur les circonstances de la mort de
l’enfant palestinien, Mohammed Al-Dura, en septembre 2000 dans la bande de Gaza, a
ravivé la polémique autour de la guerre médiatique que se livrent Israéliens et
Palestiniens. Les quotidiens Maariv et Israël Hayom (droite), ont fait leur une sur ce
rapport commandité par Benyamin Netanyahou en septembre 2012. Présidée par le
Directeur général du ministère des Affaires stratégiques, Yossi Kuperwasser, la
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commission exonère dans son document l’armée israélienne du décès du jeune
palestinien, estimant même probable que celui-ci soit encore en vie.
Le Premier ministre israélien a salué le rapport en estimant que le « meilleur moyen de
lutter contre le mensonge était de répandre la vérité ». Selon le chef du gouvernement
israélien, la version du reportage a servi d'inspiration et de justification au terrorisme, à
l'antisémitisme et à la délégitimation d'Israël ».
« Que Mohammed Al-Dura soit mort ou vivant, l’affaire elle, refuse de mourir », écrit
l’éditorialiste du Maariv, Ben Dror Yémini, qui regrette les tâtonnements du
gouvernement israélien dans cette affaire. Autre tonalité pour le quotidien de gauche
libérale Haaretz, pour qui ce rapport n’est qu’une « propagande nuisible à Israël ».
LE MENSONGE A DEJA VAINCU / BEN DROR YEMINI - MAARIV
Bien sûr, mieux vaut tard que jamais. Mais le mal est fait. Aucun rapport,
certainement pas celui qui émane d’un gouvernement israélien, ne réussira à réparer les
dégâts causés par cette affaire. Dans la grande bataille que nous livrons au mensonge,
nous avons été défaits depuis longtemps. La vérité surgit certes, mais avec treize ans de
retard. Aucune place, aucun timbre à l’effigie de Mohammed Al Doura ne sera rebaptisé.
Il n’y a rien de nouveau dans ce rapport pour quiconque ayant déjà étudié ce dossier. (…)
Tout d’abord, il n’est pas clair de déterminer si Mohammed Al-Dura a réellement été tué.
Ensuite, quand bien même il l’aurait été, il est impossible qu’il l’ait été par les tirs
provenant des positions israéliennes. Enfin, ce n’est pas la première fois que les
Palestiniens sont impliqués dans des mises en scène d’incidents de ce type. (…)
Dans cette affaire, le gouvernement israélien a opéré aux forceps. Les partisans de la
version de Charles Enderlin avançaient que « même le gouvernement israélien ne
prétendait pas que le reportage état mensonger ». (…) « Et puis quoi ? Admettons que
Mohammed Al-Dura n’ait pas été tué par une balle israélienne, Israël tue d’autres
enfants, alors quelle est la différence ? ». Voici ce qu’écrivent de plus en plus de
journalistes. En France, toute l’élite est unie pour défendre Enderlin au nom de la
« liberté d’expressions ». (…) Parfois, lorsque vous voulez fouler aux pieds la vérité, vous
l’appeler « liberté d’expression ». (…)
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Les médias, comme certains historiens, ont réussi à transformer des mensonges en
discours narratif en accusant systématiquement de crime les soldats de Tsahal. Il nous
faut garder cela en tête car la prochaine accusation de « meurtre rituel » n’est qu’une
question de temps.
ANALYSE : LES MOTS CONTRE LES IMAGES DANS L’AFFAIRE AL-DURA/ HERB KEINON –
THE JERUSALEM POST
Le Premier Ministre Benyamin Netanyahou a déclaré lorsqu’il a reçu le rapport dimanche
dernier qu’ « il est important de se concentrer sur cet incident – qui a calomnié la
réputation d’Israël. Ceci est une manifestation de la campagne mensongère en cours
visant à délégitimer Israël. Il n’y a qu’une seule façon de contrer les mensonges, et c’est
par la vérité. Seule la vérité peut l’emporter sur le mensonge. »
Cela est vrai, et part d’ailleurs d’un noble sentiment, que Netanyahou répète souvent.
Le seul problème est que la commission, aussi convaincante qu’elle soit, n’a pas
démontré irréfutablement la vérité. Au contraire, elle dérange – 13 ans après les faits –
la version israélienne solidement argumentée des évènements.
Pour ceux qui critiquent Israël, tous les arguments du monde ne suffiraient pas à les
convaincre qu’Israël n’a pas tiré de sang froid sur cet enfant gazaoui de 12 ans. Pour ceux
qui connaissent réellement Israël, ils n’ont pas besoin d’un document de l’armée pour
savoir que Tsahal n’a pas visé intentionnellement un enfant se cachant derrière ses
parents.
Et pour les indécis – eh bien, ils avaient probablement oublié cette histoire, d’autant plus
qu’elle a eu lieu en septembre 2000.
Jusqu’à maintenant. Maintenant, les images repassent en boucle à la télévision.
Maintenant, la photographie est à nouveau dans les journaux. Maintenant, ceux qui
avaient oublié cette histoire se la voit rappeler encore et encore.
Bien sûr, on peut sérieusement considérer qu’en démentant avec véhémence la version
officielle des évènements dans ce cas, en pointant les incohérences dans la narration
unanimement reconnue, en démontrant que les situations peuvent être falsifiées et
manipulées, le gouvernement affaiblit la crédibilité palestinienne générale et facilite la
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déconstruction des mythes préfabriqués concernant les « atrocités israéliennes »
(comme ce fut le cas pour le « massacre de Jenine »).
Pourtant, Israël, en publiant ce rapport après 13 ans, a remis cette image dans l’esprit de
chacun, et il est difficile de déterminer quels intérêts sont servis par la résurrection de
ces images fortes. (…)
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