template French:template French
Transcription
template French:template French
G U I D E P R AT I Q U E Les compressions élastiques des lymphœdèmes Fabrication et classification des compressions élastiques des lymphœdèmes Intérêt des compressions élastiques des lymphœdèmes Rôle des compressions élastiques des lymphœdèmes des membres inférieurs LYMPHOEDEMA FRAMEWORK UNE PERSPECTIVE EUROPÉENNE SOUTENU PAR UNE BOURSE D’ÉTUDE DE BSN MEDICAL Les opinions exprimées dans la présente publication sont celles des auteurs et ne reflètent pas nécessairement celles de BSN Medical. CE DOCUMENT A REÇU LE SOUTIEN DE : British Lymphology Society (BLS, R-U) RÉDACTEUR EN CHEF Lisa MacGregor CONSEILLER RÉDACTIONNEL EN CHEF Christine Moffatt Professeur de Soins Infirmiers et Co-Directeur, Center for Research and Implementation of Clinical Practice, Faculty of Health and Social Sciences, Université de Thames Valley, Londres, R-U COMITÉ DE RÉDACTION Peter Mortimer Professeur de Médecine Dermatologique, Sciences Cardiaques et Vasculaires (Unité de Dermatologie), St George’s Hospital Medical School, Londres, R-U Hugo Partsch Professeur de Dermatologie, Faculté de Médecine, Vienne, Autriche Deutschen Gesellschaft für Lymphologie (DGL, Allemagne) Fysioterapeuters Faggruppe for Lymfødembehandling (FFL, Danemark) Gesellschaft Deutschsprachiger Lymphologen (GDL, Allemagne) Lymphoedema Association of Australia (LAA, Australie) Lymphology Association of North America (LANA, États-Unis) National Lymphedema Network (NLN, États-Unis) Nederlands Lymfoedeem Netwerk (NLN, Pays-Bas) Norsk Lymfødemforening (NLF, Norvège) Österreichische Lymph-Liga (Autriche) Professor Corradino Campisi au nom de la Société Italienne de Lymphangiologie (SIL, Italie) Sociedad Española de Rehabilitación y Medicina Física (SERMEF, Espagne) Société Française de Lymphologie (SFL, France) Schweizerische Gesellschaft für Lymphologie (SGL, Suisse) Svensk Förening för Lymfologi (SFL, Suède) © MEP LTD, 2006 CONSEILLERS RÉDACTIONNELS Rebecca Billingham Infirmière spécialisée en lymphœdèmes, Service de Chirurgie et d’Orthopédie d’Hartshill, Centre HospitaloUniversitaire de North Staffordshire, Stoke-on-Trent, R-U; Présidente, British Lymphology Society (BLS) Robert Damstra Dermatologue, Service de Dermatologie, Phlébologie et Lymphologie, Hôpital Nij Smellinghe, Drachten, Pays-Bas Etelka Földi Directeur médical, Földiklinik, Hinterzarten, Allemagne Isabel Forner Cordero Spécialiste de médecine physique et de rééducation, Unité Lymphœdème, Hôpital Universitaire La Fe, Valence, Espagne Sandro Michelini Chef de l'Unité de Rééducation Vasculaire et de l'Hôpital de Jour, Service de Rééducation Vasculaire, Hôpital San Giovanni Battista, Rome, Italie Winfried Schneider Directeur médical, Klinik “Haus am Schloßpark”, Bad Berleburg, Allemagne Stéphane Vignes Interniste, Chef du Service de Lymphologie, Hôpital Cognacq-Jay, Paris, France ÉDITÉ PAR Medical Education Partnership (MEP) Ltd 53 Hargrave Road, Londres N19 5SH, R-U Tel : +44 (0)20 7561 5400 Email : [email protected] RESPONSABLE DES SOINS DE PLAIES Suzie Calne Tous droits réservés. Aucune reproduction, copie ou transmission de la présente publication ne peut être réalisée sans autorisation écrite expresse. Aucun paragraphe de la présente publication ne peut faire l’objet d’une quelconque reproduction, copie ou transmission sans autorisation écrite expresse ou selon les dispositions de la loi “Copyright, Designs & Patents Act 1988” ou suivant les termes d’un quelconque permis permettant une copie limitée, délivré par la Copyright Licensing Agency, 90 Tottenham Court Road, Londres W1P OLP POUR LE RÉFÉRENCEMENT DU PRÉSENT DOCUMENT VEUILLEZ CITER LE TEXTE CI-DESSOUS : Lymphoedema Framework. Template for Practice: compression hosiery in lymphoedema. London : MEP Ltd, 2006. ÉDITEUR Jane Jones RESPONSABLE DU PROJET RÉDACTIONNEL Kathy Day MAQUETTE Jane Walker IMPRESSION Viking Print Services, R-U TRADUCTIONS POUR LES ÉDITIONS ÉTRANGÈRES RWS Group, Medical Translation Division, Londres, R-U SECRÉTARIAT LYMPHOEDEMA FRAMEWORK Centre for Research and Implementation of Clinical Practice Thames Valley University, 32-38 Uxbridge Road, Londres, R-U Tel : +44 (0)20 280 5020. Web : www.lf.cricp.org G U I D E P R AT I Q U E Les compressions élastiques des lymphœdèmes CJ Moffatt Le Lymphoedema Framework est un projet de recherche mené au Royaume-Uni dans le cadre d’un partenariat impliquant des médecins spécialistes et généralistes, des associations de patients, des organismes de santé et l’industrie des soins de plaies et des compressions élastiques, destiné à mieux diagnostiquer le lymphœdème et améliorer les normes de soins. PRÉSENTATION Ce document est consacré aux compressions élastiques des lymphœdèmes des membres inférieurs. Référence : 1. Boccardo F, Michelini S, Zili A, Campisi C. Epidemiology of lymphedema. Phlebolymphology 1999; 26: 25-29. CBE, FRCN, Professeur de Soins Infirmiers et Co-Directeur, Center for Research and Implementation of Clinical Practice, Faculty of Health and Social Sciences, Université de Thames Valley, Londres, R-U. Ex-Président, European Wound Management Association (EWMA) Malgré une fréquence mondiale estimée à 140 millions1, les lymphœdèmes sont perçus en Europe comme une pathologie rare, pour laquelle il n’existe presque pas de traitement. Il devient cependant évident que les lymphœdèmes et la dysfonction veinolymphatique sont des problèmes relativement courants, dont les effets néfastes peuvent être considérablement soulagés par des médecins expérimentés. La série Guide pratique est une nouvelle initiative pédagogique destinée à sensibiliser les médecins à cette pathologie et améliorer les normes de soins, grâce à des informations concises, pertinentes et pratiques. Ce document, Les compressions élastiques des lymphœdèmes, reconnaît le rôle central joué par les compressions élastiques dans le traitement des lymphœdèmes des membres inférieurs. Les directives fournies résument le travail entrepris par le Lymphoedema Framework avec les patients, les médecins et l’industrie, et entrent maintenant dans l’arène européenne, grâce aux experts internationaux du comité éditorial de la revue. Le Lymphoedema Framework rend hommage au travail mené par des pays comme la France, l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Espagne, qui ont facilité le remboursement des bas de compression. Par ailleurs, les directives du Lymphœdème Framework ont influencé la décision prise par le Ministère de la santé du RU d’inclure les bas de compression pour lymphœdèmes dans la tarification des médicaments au R-U (UK Drug Tariff) du 1er mars 2006. Pour bien utiliser les différentes garnitures compressives qui existent, les médecins doivent comprendre les aspects techniques de la fabrication des textiles de compression, ainsi que le principe du traitement compressif. Ils doivent également savoir apprécier la grande diversité et la complexité des besoins des patients souffrant de lymphœdèmes, et adapter leur approche thérapeutique de façon à proposer des compressions élastiques efficaces, s'adaptant correctement, confortables et utilisables à long terme. Dans le premier article, Clark et Krimmel décrivent les principes de base de la fabrication des compressions élastiques et expliquent les corrélations entre les caractéristiques du tissu et l’efficacité clinique des vêtements. Ils présentent ensuite les différentes normes relatives aux compressions élastiques et comparent les différentes classifications des propriétés compressives. Le deuxième article aborde l’intérêt des compressions élastiques dans le traitement des lymphœdèmes. Partsch et Jünger décrivent la physiopathologie du lymphœdème, de la dysfonction veinolymphatique et de l’œdème rebond, ainsi que les mécanismes d’action du traitement compressif. Ils résument les études effectuées sur l’efficacité des compressions élastiques et discutent des implications cliniques d’un nouveau paramètre caractérisant les dispositifs de compression, « l’indice de raideur statique » (SSI, static stiffness index). Le dernier article est un guide pratique d’aide à la décision pour l’utilisation des compressions élastiques dans les lymphœdèmes des membres inférieurs, qui relie les descriptions cliniques des lymphœdèmes à une nouvelle classification des compressions élastiques englobant les classifications européennes existantes. Des explications claires guident le praticien tout au long de ce processus, depuis la décision de prescrire un traitement compressif jusqu’au choix du niveau de compression approprié, en passant par le type et le style de fabrication, ainsi que la mesure, la vérification et l’adaptation du dispositif de compression. Les auteurs insistent sur la nécessité de proposer un dispositif de compression prenant le plus en compte les différents facteurs en jeu, notamment tous les besoins du patient. Il n’existe malheureusement que très peu de données concernant le traitement du lymphœdème, qui ne pourra être définitivement établi qu'après de nombreuses études. Le Lymphoedema Framework espère que son modèle de travail en partenariat avec les patients, les médecins et l’industrie servira d’exemple et permettra une plus grande sensibilisation à cette pathologie, ainsi que la mise au point de produits innovateurs. En justifiant l'intérêt des compressions élastiques dans le traitement du lymphœdème et en expliquant les aspects pratiques de ce type d'approche, ce document est conçu pour optimiser leur utilisation auprès des médecins et des patients et mieux soulager les personnes souffrant de lymphœdème. 1 2 G U I D E P R AT I Q U E Fabrication et classification des compressions élastiques des lymphœdèmes M Clark1, G Krimmel2 Il existe plusieurs types de compression élastique, allant des chaussettes au collant. Le style et le niveau de compression prescrits aux patients porteurs de lymphœdème dépendent de nombreux facteurs, notamment la localisation, l’étendue et la sévérité de l’œdème, la capacité du patient à gérer et tolérer la compression, et le choix du patient. Cet article explique les techniques de fabrication et la classification des compressions élastiques. FIGURE 1 Disposition schématique de la trame et de la maille de fond dans le tissu tricoté : tricot circulaire (en haut), tricot plat (en bas) Le lymphœdème est la conséquence d’un drainage lymphatique insuffisant, qui peut provoquer des modifications importantes de la forme et de la taille de la région atteinte1. La prise en charge de la congestion fait intervenir diverses approches conçues pour diminuer l’œdème localisé, incluant une forme particulière de massage (drainage lymphatique manuel) et l’utilisation de bandages compressifs et de compressions élastiques2,3. PRINCIPES DE LA COMPRESSION L’utilisation de vêtements compressifs, fondée sur une décision clinique éclairée, est soumise à différentes conditions : la peau doit être intacte au niveau de l’œdème, le patient doit pouvoir mettre et retirer lui-même la compression, et la taille et la forme du membre doivent permettre la pose de la compression (cette dernière condition n'est plus indispensable depuis l’existence de compressions sur mesure)1. Quel que soit le dispositif de compression (vêtements ou bandes), le niveau de compression atteint dépend de l'interaction complexe entre les propriétés physiques du FABRICATION DES BAS ELASTIQUES La compression produite par les compressions élastiques est liée au fil utilisé et à la technique de tricot employée pour intégrer le fil dans le tissu du produit final. maille de fond trame maille de fond 1. Attaché Principal de Recherche, Unité de Recherches sur la Cicatrisation des Plaies, Université de Cardiff, R-U 2. Directeur Général, BSN-Jobst GmbH, Emmerich am Rhein, Allemagne dispositif lui-même, la taille et la forme du membre nécessitant le traitement, et l’activité du patient4. De façon générale, le niveau de compression est directement proportionnel à la tension d’application du dispositif de compression et inversement proportionnel à la taille du membre (loi de Laplace)4. Dans les compressions élastiques, la tension est largement déterminée par les matériaux et méthodes de fabrication utilisés. Les bandages et les bas de compression élastiques sont essentiellement utilisés dans le traitement et la prévention des récidives d'ulcères variqueux des membres inférieurs, et sont appliqués à un niveau relativement faible de compression statique de la jambe (maximum 46 mmHg à la cheville)5. Cependant, dans le cadre d’une prise en charge d’un lymphœdème, des niveaux plus importants de compression peuvent être nécessaires et impliquer l’utilisation de compressions élastiques « très fortes », capables d’apporter une tension d’au moins 49 mmHg à la cheville6. trame Fil Les textiles de compression utilisent deux systèmes de fils tricotés ensemble pour produire le tissu du vêtement (Figure 1). La maille de fond est à l’origine de l’épaisseur et de la raideur du tricot, alors que la trame produit la compression (voir les définitions dans l’encadré 1, page 4). Les fils de trame et de maille de fond sont des fils en matériau élastique comme le latex ou l’élastane (Lycra), recouverts de polyamide ou de coton (fils guipés) (Figure 2). Le guipage permet de faire varier les paramètres force et allongement du fil, ainsi que l’épaisseur, la texture et l’aspect du tricot. Le niveau de compression atteint est essentiellement défini par l’épaisseur du fil G U I D E P R AT I Q U E fil élastique central TABLEAU 1 Caractéristiques du tricot plat et du tricot circulaire guipage en polyamide ou coton Comment la forme est-elle maîtrisée ? Tricot plat Tricot circulaire En faisant varier le nombre d’aiguilles utilisées. La trame est montée presque sans tension et n’influence pas la forme du produit final Surtout en faisant varier la tension de la trame, mais également en modifiant la hauteur des mailles ; le nombre d’aiguilles utilisées ne peut pas être modifié, d’où une moindre capacité de modulation Nombre d’aiguilles par pouce 14-16 (tissu grossier) Épaisseur du fil FIGURE 2 Fabrication des fils de maille de fond et de trame élastique de la trame mais il est également possible de moduler les caractéristiques de la maille de fond. Techniques de tricotage FIGURE 3 Chaussette de compression à tricot plat (avant teinture et confection) La forme est modulée en ajoutant et en retirant des aiguilles pendant le tricotage. FIGURE 4 Chaussette de compression à tricot circulaire La forme est modulée par formage du talon et modulation de la tension de la trame et de la hauteur des mailles pendant le tricotage. 24-32 (tissu fin) Fil plus grossier – pour obtenir une raideur Fil plus fin – plus acceptable sur le plan et une épaisseur suffisantes du tissu final esthétique Les deux principales techniques de tricotage employées pour produire les compressions élastiques sont le tricot a tricot à plat circulaire. En Europe, le type de compression élastique utilisé pour le traitement des lymphœdèmes est variable : en Allemagne et aux Pays-Bas, on utilise essentiellement des compressions élastiques à tricot plat, alors qu’au RoyaumeUni, les deux types de tricot sont utilisés. Comme son nom le suggère, la technologie du tricot à plat aboutit à un tissu plat, qui doit être cousu pour produire la compression finale (Figure 3). La technologie du tricot circulaire produit un tube qui nécessite comparativement moins de finitions pour produire la compression finale (Figure 4). Ces deux techniques permettent de produire des compressions élastiques prêtes à porter ou sur mesure, mais la technique du tricot plat est davantage utilisée dans ce dernier cas car elle est plus modulable. Elle permet en effet d’augmenter ou de diminuer le nombre total d’aiguilles utilisées pendant le tricotage, de façon à modifier la largeur et la forme du textile obtenu, à la différence du tricot circulaire qui utilise un nombre d’aiguilles fixe, ce qui réduit la marge d’adaptation possible. Toutefois, en modifiant la tension de la trame et, à un moindre degré, la hauteur des mailles, le tricotage luimême peut intervenir sur la forme. De façon générale, le tricot plat est plus grossier que le tricot circulaire car le fil utilisé est plus épais, ce qui diminue le nombre d’aiguilles utilisées par pouce pendant le tricotage (Tableau 1). Ce type de fil permet de produire un textile plus raide et plus épais, agissant plus efficacement sur les plis cutanés, sans créer d’effets de cisaillement ou de garrot. La finition plus fine des compressions en tricot circulaire les rend plus acceptables sur le plan esthétique mais le risque de cisaillement est plus important, surtout si la compression est portée pendant de longues periodes. Entretien des compressions Les recommandations relatives à l’entretien des compressions sont destinées à maintenir leurs performances et prolonger leur durée de vie, en fonction des matériaux et méthodes de fabrication utilisés. L’utilisation de crèmes dermatologiques grasses sous la compression peut avoir un effet nocif sur le fil et donc modifier les performances de la compression. Dans l’idéal, les compressions doivent être lavées à la main ou à la machine tous les jours ou tous les deux jours, à la température recommandée. Outre sa fonction de nettoyage, le lavage permet un réalignement des fils après leur étirement dû au port et le maintien d’une compression appropriée. Le séchage des compressions doit être effectué à distance de toute source de chaleur, pour ne pas endommager le fil. En général, les compressions doivent être remplacées tous les six mois en raison de l’usure des fils élastiques mais chez certains patients (obèses ou très actifs, par exemple), le port intensif nécessite un remplacement plus fréquent. Les compressions à tricot plat, plus épaisses, sont parfois plus durables que celles à tricot circulaire. NORMES EUROPÉENNES Les normes nationales relatives aux compressions élastiques ont surtout été conçues comme préalables à leur remboursement et font intervenir des paramètres comme les méthodes d’essais, les spécifications du fil, le gradient de compression et la durabilité. Il existe peu de normes nationales européennes, comme la norme britannique BS 6612:19857, la norme française ASQUAL8 et la norme allemande RAL-GZ 387:20009. On a essayé d’établir une norme à l’échelle européenne (projet de norme: ENV 12718) mais, en l’absence de consensus, cette norme a été annulée en 200510. Les normes décrivent les méthodes utilisées 3 G U I D E P R AT I Q U E 4 TABLEAU 2 Comparaison de la classification des compressions dans les normes britanniques, françaises et allemandes7-9 Les fourchettes de pression exprimées en mmHg font référence à la contre-pression exercée en B (circonférence de la cheville à son point le plus faible) par la compression élastique. Norme britannique Norme française Norme allemande BS 6612:1985 ASQUAL RAL-GZ 387:2000 Méthode d’essai HATRA IFTH HOSY Classe I 14-17 mmHg 10-15 mmHg 18-21 mmHg Classe II 18-24 mmHg 15-20 mmHg 23-32 mmHg Classe III 25-35 mmHg 20-36 mmHg 34-46 mmHg Classe IV Non indiquée > 36 mmHg >49 mmHg pour caractériser le gradient de compression appliqué sur la jambe, en mettant l’accent sur les mesures in vitro des pressions susceptibles d’être appliquées en différents points du membre inférieur. La compression mesurée au niveau de la cheville permet de classer les compressions en quatre classes (de I à IV), mais la plage de pression servant à définir chaque classe varie selon les normes. En outre, trois techniques différentes sont utilisées pour mesurer la compression pendant les essais (Tableau 2). Normes et taille/forme des membres ENCADRÉ 1 Définitions des paramètres ■ Compression – pression ■ ■ ■ ■ appliquée sur le membre par la compression finie. Force – mesure de la facilité d’étirement du fil. Un fil fort est plus difficile à étirer et exerce une compression plus importante. Raideur – mesure de la souplesse du tissu. Un tissu raide agit mieux sur les plis cutanés, sans provoquer de cisaillement. Élasticité – mesure de l’allongement possible du fil. Une compression très élastique est plus facile à mettre en place. Épaisseur – épaisseur du tissu ou du fil. Un fil épais produit un tissu épais. Les tissus épais sont généralement plus raides que les tissus fins mais sont souvent moins acceptables sur le plan esthétique. Même si certains patients nécessitent des compressions sur mesure, la plupart des normes ne concernent que les compressions prêtes à porter, sauf dans le cas de l’Allemagne, qui préconise les compressions sur mesure pour le traitement des lymphœdèmes. Les normes nationales reposent exclusivement sur la caractérisation des pressions appliquées sur la jambe, aucune ne décrivant la compression à appliquer au niveau du bras. Pourtant, les fabricants proposent une gamme très variée de produits pour le membre supérieur, clairement classés en fonction de la compression produite. Normes et directives cliniques Les normes présentent l’intérêt considérable de garantir l’application d’un niveau connu de compression pour chaque type de produit, et fournissent ainsi une base aux stratégies nationales de remboursement. Toutefois, elles ne donnent que très peu d’informations sur l'utilisation des compressions dans le traitement des lymphœdèmes. Aux Pays-Bas, cette absence d’indications cliniques a motivé l’élaboration de directives concernant la prescription et l’utilisation de différentes formes de dispositifs de compression dans le lymphœdème11. Très récemment, les vêtements ou bas de compression ont été intégrées à la tarification britannique des médicaments (UK Drug Tariff), fondée sur une nouvelle classification, plus clinique, des compressions élastiques, en continuité avec les autres normes européennes6. CONCLUSION Une bonne connaissance de la corrélation entre la méthode de fabrication des compressions, notamment la technique de tricotage, et leurs performances peut aider les médecins à choisir les compressions les plus appropriées pour leurs patients. Les normes nationales actuelles ont été mises au point pour guider les fabricants et classer les vêtements compressifs en fonction de la compression produite. Les normes européennes présentent toutefois de nombreuses disparités, notamment concernant cette classification des compressions, et elles devront être améliorées en abordant notamment les spécificités des compressions des membres supérieurs et, lorsqu’elles ne sont pas déjà prises en considération, les compressions sur mesure. Elles n’ont en outre pas été conçues pour définir le problème complexe du traitement de l’œdème dans son ensemble. À ce titre, la production de directives cliniques reliant la compression définie par les normes aux paramètres cliniques constitue une aide vraiment intéressante pour les médecins chargés de traiter les lymphœdèmes. Il est cependant essentiel que ces derniers n’oublient pas que de nombreux facteurs liés au patient et au médecin peuvent interférer sur la pression produite par une compression d’une classe spécifique. RÉFÉRENCES 1. Regnard C, Allport S, Stephenson L. ABC of palliative care. Mouth care, skin care, and lymphoedema. BMJ 1997; 315(7114): 1002-25. 2. Földi E, Földi M, Weissleder H. Conservative treatment of lymphoedema of the limbs. Angiology 1985; 36(3): 171-80. 3. Ko DS, Lerner R, Klose G, Cosimi AB. Effective treatment of lymphedema of the extremities. Arch Surg 1998; 133(4): 452-58. 4. Clark M. Compression bandages: principles and definitions. In: European Wound Management Association (EWMA). Position Document: Understanding compression therapy. London: MEP Ltd, 2003; 5-7. 5. Coull A, Clark M. Best practice statement for compression hosiery. Wounds UK 2005; 1(1): 70-79. 6. Doherty D, Morgan P, Moffatt C. Role of hosiery in lower limb lymphoedema. In: Lymphoedema Framework. Template for practice: compression hosiery in lymphoedema. London: MEP Ltd, 2006; 10-21. 7. British Standards Institution. Specification for graduated compression hosiery. BS 6612:1985. London: BSI, 1985. Available from: www.cenorm.be/catweb. 8. Certificat de qualite-produits. Referentiel technique prescrit pour les ortheses elastiques de contention des membres. Paris: ASQUAL, 1999. 9. Deutsches Institut für Gütesicherung und Kennzeichnung. Medizinische Kompressionsstrümpfe RAL-GZ 387. Berlin: Beuth 2000. Available from: www.beuth.de. 10. CEN/Technical Committee 205/WG2. Medical compression hosiery. Draft for Development DD ENV 12718: 2001. Available from: www.cenorm.be/catweb. 11. Hulpmiddelenkompas. Therapeutische Elastische Kousen. Netherlands, Amstelveen: College voor Zorgverzekeringen, 2002. Available from: www.lymfoedeem.nl (accessed March 2006). G U I D E P R AT I Q U E Intérêt des compressions élastiques des lymphœdèmes H Partsch1, M Jünger2 La pratique clinique doit reposer sur la mise en œuvre de stratégies thérapeutiques s’appuyant sur des données prouvées. Cet article réunit les données existantes sur le mode d’action et l’efficacité des compressions élastiques dans le traitement des lymphœdèmes et discute des implications cliniques potentielles des variations de pression observées sous la compression selon la position des membres et les activités pratiquées. 1. Professeur de dermatologie, Faculté de Médecine, Vienne, Autriche 2. Professeur de dermatologie, Université Ernst- Moritz-Arndt, Greifswald, Allemagne Les compressions élastiques sont la forme de compression la plus utilisée dans le traitement à long terme des lymphœdèmes des membres inférieurs, mais on ne dispose que de très peu de données sur ce type de traitement. Par conséquent, le présent article inclut les résultats d’études impliquant d’autres dispositifs de compression et d’autres pathologies pour décrire les effets possibles des compressions élastiques sur la physiopathologie des lymphœdèmes. PHYSIOPATHOLOGIE L’apparition d’un œdème résulte de l’augmentation du volume de liquide interstitiel. Le système lymphatique intervient dans tous les types d’œdème en raison de son rôle de drainage du liquide interstitiel. Toutefois, le terme « lymphœdème », dans sa définition stricte, ne s’applique qu’aux cas de lésions physiques ou d’anomalies du système lymphatique, associées à la formation de l’œdème1. Des lésions du système lymphatique peuvent également accompagner diverses formes d’œdème prolongé, notamment être secondaires à une pathologie veineuse (« dysfonction veinolymphatique ») : ■ La thrombose veineuse profonde et le syndrome post-thrombotique s’accompagnent de lésions des vaisseaux lymphatiques sous-aponévrotiques profonds correspondant aux veines profondes atteintes2. ■ Dans les cas d'insuffisance veineuse chronique sévère, les vaisseaux lymphatiques sus-aponévrotiques superficiels sont également parfois modifiés physiquement dans la région de lipodermatosclérose et d'ulcère variqueux3. MÉCANISMES D’ACTION DES COMPRESSIONS ÉLASTIQUES Dans la prise en charge des lymphœdèmes, le terme « traitement compressif » couvre différentes modalités thérapeutiques, incluant les bandages multicouches (bandes inélastiques à allongement court), les compressions élastiques et la compression pneumatique intermittente. Les compressions élastiques jouent plusieurs rôles dans la prise en charge des lymphœdèmes, y compris la prévention, le traitement à court terme et à long terme4. Le Tableau 1 présente les mécanismes et les effets du traitement compressif des lymphœdèmes qui sont considérés comme les plus importants et les caractéristiques des compressions élastiques. L’un des effets majeurs du traitement compressif, quelle que soit la cause de la congestion, est de diminuer l’accumulation de liquide interstitiel. La contre-pression externe exercée par la compression s’oppose à la filtration capillaire et réduit ainsi la congestion lymphatique. Dans les cas de pathologie veineuse primitive, le traitement compressif diminue également le reflux veineux et améliore le retour veineux. La diminution résultant de l’hypertension veineuse ambulatoire réduit la pression intraveinulaire et l'extravasation de liquide. La décongestion produite par la compression est essentiellement due à une élimination de l’eau des tissus, proportionnellement plus importante que celle des protéines. L’augmentation relative de la concentration en protéines augmente la pression oncotique interstitielle et peut être à l’origine d’un œdème rebond si la compression externe n’est pas maintenue5. Dans l’idéal, la pression externe exercée par la compression élastique doit être juste suffisante pour s’opposer à la pression de filtration capillaire. Comme cette pression augmente dans les jambes lors de la station debout, les compressions élastiques doivent appliquer une pression plus élevée en position debout qu’en position allongée. ÉTUDES CLINIQUES SUR LES DISPOSITIFS DE COMPRESSION UTILISÉS DANS LES LYMPHŒDÈMES Il n’existe que très peu d’études cliniques contrôlées et randomisées ayant examiné le rôle du traitement compressif (compressions 5 6 G U I D E P R AT I Q U E TABLEAU 1 Mécanismes et effets du traitement compressif dans les lymphœdèmes Mécanisme Augmentation de la pression interstitielle Effet Diminution de la filtration capillaire6-8 et de la production de lymphe ; diminution du volume des membres Passage de liquide dans les parties non Augmentation du volume proximal, prise en charge par les vaisseaux comprimées de l’organisme lymphatiques fonctionnant normalement dans cette région, et accélérée par le drainage lymphatique manuel9 Augmentation de la réabsorption lymphatique Amélioration de la cinétique de transport de la lymphe, démontrée et stimulation du transport de la lymphe par lymphoscintigraphie10 et mesure du débit et de la pression intralymphatiques11,12 Dégradation des tissus fibroscléreux Assouplissement des tissus, mis en évidence par échographie13 et durométrie14 Amélioration de la pompe veineuse chez Augmentation du volume sanguin expulsé ; diminution du reflux les patients atteints d’une dysfonction veineux et de l’hypertension veineuse ambulatoire15 veinolymphatique élastiques ou bandages) dans le traitement des lymphœdèmes, puisque la conférence internationale de consensus de 2003, consacrée aux données relatives au traitement compressif, n’a identifié que quatre études de ce type16. Une de ces études a comparé les bandages compressifs aux compressions élastiques17, alors que les autres ont examiné l’efficacité de traitements d’appoint comme le drainage lymphatique manuel ou l'électrostimulation18-21. Une étude plus récente a évalué les effets du drainage lymphatique manuel sur un lymphœdème observé après mastectomie et traité par bandages compressifs22. Comparaison des bandages compressifs et des compressions élastiques Dans la seule étude clinique ayant comparé les bandages compressifs et les vêtements ou bas de compression, 83 patients atteints de lymphœdème primitif ou secondaire des membres inférieurs ou supérieurs ont été traités FIGURE 1 Effet d’une compression élastique sur la fonction lymphatique en cas de lipodermatosclérose27 La lymphographie indirecte, avec perfusion intradermique d’un produit de contraste hydrosoluble dans la zone de lipodermatosclérose due à une insuffisance veineuse chronique sévère, montre la présence initiale de vaisseaux lymphatiques irréguliers et d’une extravasation du produit de contraste dans les tissus (à gauche). Après 2 ans de port de bas de compression à 30-40 mmHg, les collecteurs lymphatiques sont remplis normalement et aucune extravasation n’est observée (à droite). par bandages multicouches, suivis de bas ou de manchettes de compression, ou par compressions élastiques seules (bas ou manchettes). Le premier type de traitement a permis d’obtenir une diminution plus importante et plus prolongée du volume des membres17. Intérêt des compressions élastiques dans le traitement à long terme Plusieurs études de suivi ont démontré l’efficacité des garnitures compressives dans différents types et localisations anatomiques de lymphœdème. Une étude a montré une diminution de 17 % de l’œdème brachial post-mastectomie grâce au port de manchettes élastiques pendant une période comprise entre une semaine et six mois. Le traitement ultérieur par compression pneumatique intermittente pendant dix jours a permis d’obtenir une diminution supplémentaire significative (18 %) du volume. Les récidives ont pu être évitées grâce à la poursuite du traitement par manchettes de compression23. Les bas de compression ont exercé un effet bénéfique à long terme chez des patients ayant un lymphœdème primitif ou secondaire (suivi moyen de 25 mois)24. Les études comportant des périodes de suivi de six mois à cinq ans démontrent l'efficacité des garnitures compressives pour la réduction et/ou la stabilisation des lymphœdèmes des membres supérieurs et inférieurs25,26. La lipodermatosclérose distale des membres inférieurs, due à l'insuffisance veineuse, s'accompagne de lésions lymphatiques localisées. Par conséquent, cette lipodermatosclérose peut être prise comme modèle de lymphœdème localisé3,27,28. Gniadecka et coll. ont démontré, par échographie à haute fréquence, que les bas de compression de classes I et II (pression respective de 18-26 mmHg et 26-36 mmHg) diminuent efficacement l'œdème associé à la lipodermatosclérose29. En G U I D E P R AT I Q U E ENCADRÉ 1 Questions pour les futures études sur le lymphœdème ■ À différents niveaux de ■ ■ ■ ■ compression, quel que soit le mode d’application, à quel degré de décongestion peuton s’attendre au cours des premières semaines de traitement et des semaines suivantes : - concernant les membres inférieurs ? - concernant les membres supérieurs ? - concernant la tête/le cou/ le tronc/les seins/les organes génitaux ? - pendant la journée ? - la nuit ? Avec quelles techniques de compression et quels types de matériaux obtient-on les meilleurs résultats lors du traitement initial et de la prise en charge à long terme ? À quel degré de décongestion peut-on s’attendre avec des compressions élastiques seules ? Quelle est la pression nécessaire pour limiter l’œdème rebond dans la prise en charge à long terme ? Quels bénéfices peuvent apporter les modalités thérapeutiques d'appoint et comment doivent-elles être utilisées pour un bénéfice optimal ? outre, on a montré que le traitement à long terme par compressions élastiques normalise complètement les lésions initiales des vaisseaux lymphatiques dans la région cutanée de lipodermatosclérose (Figure 1)27. Plusieurs auteurs ont clairement démontré l’importance du traitement compressif à long terme des lymphœdèmes24,26,30,31 mais cette nécessité n’est pas toujours reflétée par la pratique. Il y a quelques années, une enquête sur l’utilisation de la pressothérapie en France a révélé que seulement 43,5 % des médecins prescrivaient un soutien élastique après des séances de traitement actif32. Selon les résultats dont on dispose à ce jour, les compressions élastiques sont toujours utilisées de façon insuffisante, pour de nombreuses raisons, notamment l’absence de prescription et les difficultés de tolérance et d’observance. Autres études D’autres études sont nécessaires pour clarifier les mécanismes d’action du traitement compressif et les schémas thérapeutiques les plus efficaces (Encadré 1). Pour bien étudier ces questions, il est essentiel de disposer d’outils et de méthodes permettant : ■ de mesurer la pression produite par les bandages compressifs ou les compressions élastiques ■ d'évaluer les performances des différents moyens et matériaux de compression in vivo. ENCADRÉ 2 Indice de raideur statique (SSI, Static stiffness index) Variations de la pression sous le bandage Augmentation de la pression d’interface survenant lors du passage de la position couchée à la position debout. Jumeau externe Jumeau interne Le capteur de pression doit être placé sur la peau en ce point FIGURE 2 Positionnement du capteur de pression pour la mesure de la pression d’interface Le capteur de pression doit être placé sur la peau au-dessus du point au niveau duquel le muscle jumeau interne devient tendineux, ce qui correspond au niveau B1 pour l’adaptation de la compression élastique. PRESSION D’INTERFACE ET INDICE DE RAIDEUR STATIQUE (SSI, STATIC STIFFNESS INDEX) La pression d’interface est la pression produite par un dispositif de compression sur la surface de la peau. Elle peut être mesurée en plaçant un capteur de pression entre le dispositif de compression et le membre. La pression d’interface augmente avec l’accroissement de la circonférence du membre en raison de la contraction musculaire. Les matériaux moins élastiques sont plus raides et produisent de plus grandes variations de pression d’interface33. Pour cette mesure, le capteur doit être placé au niveau de la zone du membre dont la circonférence augmente le plus pendant la contraction musculaire. Au membre inférieur, ce point correspond à l’endroit où le muscle jumeau interne devient tendineux et est appelé B1 par les fabricants de compressions élastiques (Figure 2)34. Pour augmenter la circonférence de la jambe à cet endroit, il suffit de demander au patient d’effectuer une flexion dorsale du pied ou de passer de la position assise à la position debout. Il a été proposé de définir l’augmentation de pression survenant lors du passage de la position couchée à la position debout comme un paramètre appelé « indice de raideur statique » (SSI, static stiffness index) (Encadré 2)35. Les matériaux élastiques (à allongement long) utilisés dans les compressions élastiques ont un SSI plus faible que les matériaux inélastiques (à allongement court) utilisés dans les bandages multicouches35. Cependant, le SSI augmente en cas de superposition de plusieurs couches de bas36. Tendon d’Achille La Figure 3 présente l’effet des bandages inélastiques ou élastiques sur la pression d’interface de la jambe en B1 selon les positions du corps et les activités du patient en cas d’ulcères variqueux. En présence de bandages inélastiques, la pression d’interface au repos en B1 en position assise est de 48 mmHg (Figure 3a). Après dorsiflexions répétées du pied en position assise, on observe des pics de pression à 80 mmHg. Lors du passage en position debout, la pression augmente de 50 mmHg à 72 mmHg. Pendant la marche sur la pointe des pieds, la pression fluctue entre 45 mmHg et 80 mmHg, et pendant la flexion du genou, entre 60 mmHg et 90 mmHg. Avec les bandages élastiques, la pression de repos en position assise est de 51 mmHg (Figure 3b). Lors du passage en position debout, on observe une légère augmentation de la pression à environ 59 mmHg. Les fluctuations associées à l’effort sont beaucoup moins prononcées qu’avec 7 G U I D E P R AT I Q U E a En outre, les variations de pression plus marquées et les plus grandes amplitudes produites par les matériaux inélastiques pendant la marche ont également des effets majeurs sur la libération de médiateurs vaso-actifs de l’endothélium40. Pour les patients atteints de lymphœdème, on peut supposer que ces pics de pression influencent également la contraction des lymphangions, qui réagissent aux stimuli intermittents comme les pulsations artérielles, la respiration et le massage. On ne connaît pas la plage optimale de ces fluctuations de pression et il est possible que les pics de pression moins importants obtenus avec les bas de compression aient des effets similaires. 100 Pression (mmHg) 80 60 40 Flexion dorsale Marche sur la pointe des pieds Flexion du genou 20 Position assise Position debout 0 0 20 40 60 80 100 120 140 Temps (s) b 100 90 80 Pression (mmHg) 8 70 Marche sur la pointe des pieds Flexion dorsale Flexion du genou 60 50 40 Position assise Position debout 30 0 10 20 FIGURE 3 Pressions d’interface produites au niveau de la jambe par (a) un bandage inélastique et (b) une compression élastique 30 40 50 60 Temps (s) 70 80 90 100 les bandages inélastiques. Ces résultats nous indiquent que pour les matériaux inélastiques, la pression en position debout est supérieure de 22 mmHg à celle en décubitus, contre seulement 8 mmHg pour les matériaux élastiques36. La différence plus importante de pression d'interface observée entre la position assise et la position debout avec les matériaux inélastiques suggère que ces matériaux compensent peutêtre plus efficacement l’augmentation de la pression hydrostatique associée au passage en position debout. On s'attend donc à ce que les matériaux inélastiques diminuent plus efficacement la formation d’œdème que les matériaux élastiques37. Effets physiologiques potentiels Dans l’insuffisance veineuse chronique, il a été démontré que l’augmentation du SSI, indiquée par un rapport élevé entre la pression d’effort et la pression de repos, est corrélée à une amélioration de l’hémodynamique veineuse38,39. Implications pour les compressions élastiques Le choix d’un type de compression élastique pour un patient donné est influencé par de nombreux facteurs, liés au patient et à sa maladie, et on ne dispose à présent d’aucune preuve évidente corroborant le choix d'une compression de fabrication spécifique. Toutefois, ces résultats suggèrent que les compressions à fort SSI, c’est-à-dire les compressions à tricot plat, présentent certains avantages dans le lymphœdème, ce qui nécessite des études ultérieures. Actuellement, il existe une gamme très diversifiée de compressions à tricot plat prêtes à l’emploi. Il convient cependant de noter l’expansion récente des compressions à tricot circulaire prêtes à l’emploi, qui semblent être particulièrement intéressantes aux premiers stades du lymphœdème chez certains patients. En revanche, dans les cas de déformations sévères, la relative élasticité des compressions à tricot circulaire n’est pas toujours suffisante pour une bonne adaptation, ce qui peut être à l’origine de douleurs, lésions cutanées et effet de garrot. Les compressions à tricot plat sur mesure restent alors la seule solution. CONCLUSION Malgré le peu de données ayant trait aux compressions élastiques dans le traitement des lymphœdèmes, cette approche thérapeutique est très répandue et constitue une partie essentielle de la prise en charge actuelle. Les résultats des études impliquant d’autres modalités de compression, notamment les bandages multicouches inélastiques, fournissent des principes applicables aux compressions élastiques. Le maintien des niveaux de pression, augmentant lors du passage en position debout, et de fluctuations de pression pendant la marche semble une composante importante du traitement compressif des lymphœdèmes. Ces G U I D E P R AT I Q U E propriétés des dispositifs de compression sont liées à leur SSI. Par conséquent, les études ultérieures qui seront menées sur le traitement compressif des lymphœdèmes, y compris sur le rôle des compressions élastiques, doivent corréler les résultats obtenus (comme la diminution du volume ou des critères liés au patient) aux mesures in vivo de pressions d’interface et de SSI. RÉFÉRENCES 1. Földi M, Földi E, Kubik S (eds). Textbook of Lymphology. München, Urban and Fischer, 2003. 2. Haid H, Lofferer O, Mostbeck A, Partsch H. Die Lymphkinetik beim postthrombotischen Syndrom unter Kompressionsverbänden. Med Klin 1968; 63(10): 754-57. 3. Partsch H. Dermal lymphangiopathy in chronic venous incompetence. In: Bollinger A, Partsch H, Wolfe JHN. The Initial Lymphatics. New York, Thieme Stratton Inc 1985; 178-87. 4. Doherty D, Morgan P, Moffatt C. Role of hosiery in lower limb lymphoedema. In: Lymphoedema Framework. Template for practice: compression hosiery in lymphoedema. London: MEP Ltd, 2006; 10-21. 5. Partsch H, Mostbeck A, Leitner G. Experimentelle Untersuchungen zur Wirkung einer Druckwellenmassage (Lymphapress) beim Lymphödem. Z Lymphologie 1981; 5(1): 35-39. 6. Bates DO, Levick JR, Mortimer PS. Subcutaneous interstitial fluid pressure and arm volume in lymphoedema. Int J Microcirc Clin Exp 1992; 11(4): 359-73. 7. Partsch H. Understanding the pathophysiological effects of compression. In: European Wound Management Association (EWMA). Position Document: Understanding compression therapy. London: MEP Ltd, 2003: 2-4. 8. Levick JR. An Introduction to Cardiovascular Physiology. London: Arnold, 2003. 9. Földi E, Földi M. Die Anatomischen Grundlagen der Lymphödembehandlug. Schweiz Runsch Med Prax 1983; 72(46): 1459-64. 10. Leduc O, Bourgeois P, Leduc A. Manual lymphatic drainage: Scintigraphic demonstration of its efficacy on colloidal protein resorption. In: Partsch H (ed). Progress in Lymphology XI. Amsterdam: Excerpta Medica, 1988; 551-54. 11. Olszewski WL. Lymph pressure and flow in limbs. In: Olszewski WL (ed). Lymph Stasis: pathophysiology, diagnosis and treatment. Boca Raton, FL: CRC Press, 1991: 109-55. 12. Franzeck UK, Spiegel I, Fischer M, et al. Combined physical therapy for lymphoedema evaluated by fluorescence microlymphography and lymph capillary pressure measurements. J Vasc Res 1997; 34(4): 306-11. 13. Gniadecka M. Dermal oedema in lipodermatosclerosis: distribution, effects of posture and compressive therapy evaluated by high-frequency ultrasonography. Acta Derm Venereol 1995; 75(2): 120-24. 14. Falanga V, Bucalo B. Use of a durometer to assess skin hardness. J Am Acad Dermatol 1993; 29(1): 47-51. 15. Partsch H. [Improving the venous pumping function in chronic venous insufficiency by compression as dependent on pressure and material]. Vasa 1984; 13(1): 58-64. 16. Partsch H (ed). Evidence based compression therapy. Vasa 2004; 34: Suppl 63. Available at: http://verlag.hanshuber.com/ezm/index.php?ezm=VAS&la= d&ShowIssue=1469 (accessed March 2006). 17. Badger CM, Peacock JL, Mortimer PS. A randomized, controlled, parallel-group clinical trial comparing multilayer bandaging followed by hosiery versus hosiery alone in the treatment of patients with lymphedema of the limb. Cancer 2000; 88(12): 2832-37. 18. Badger C, Preston N, Seers K, Mortimer P. Physical therapies for reducing and controlling lymphoedema of the limbs. Cochrane Database Syst Rev 2004; 4: CD003141. 19. Johansson K, Albertsson M, Ingvar C, Ekdahl C. Effects of compression bandaging with or without manual lymph drainage treatment in patients with postoperative arm lymphedema. Lymphology 1999; 32(3): 103-10. Comment in: Lymphology 2000; 33: 69-70. 20. Bertelli G, Venturini M, Forno G, et al. Conservative treatment of postmastectomy lymphedema: a controlled, randomized trial. Ann Oncol 1991; 2(8): 575-58. 21. Andersen L, Höjris I, Erlandsen M, Andersen J. Treatment of breast-cancer-related lymphedema with or without manual lymphatic drainage – a randomised study. Acta Oncol 2000; 39(3): 399-405. 22. McNeely ML, Magee DJ, Lees AW, et al. The addition of manual lymph drainage to compression therapy for breast cancer related lymphedema: a randomized controlled trial. Breast Cancer Res Treat 2004; 86(2): 95-106. 23. Swedborg I. Effects of treatment with an elastic sleeve and intermittent pneumatic compression in post-mastectomy patients with lymphoedema of the arm. Scand J Rehabil Med 1984; 16(1): 35-41. 24. Pappas CJ, O´Donnell TF Jr. Long-term results of compression treatment for lymphedema. J Vasc Surg 1992; 16(4): 555-62. 25. Bertelli G, Venturini M, Forno G, et al. An analysis of prognostic factors in response to conservative treatment of postmastectomy lymphedema. Surg Gynecol Obstet 1992; 175(5): 455-60. 26. Yasuhara H, Shigematsu H, Muto T. A study of the advantages of elastic stockings for leg lymphedema. Int Angiol 1996; 15(3): 272-77. 27. Partsch H. Localized lymphoedema of the limb. In: CasleySmith JR, Piller NB (eds). Progress in Lymphology X: Proceedings of the Xth International Congress of Lymphology. Adelaide, Australia; University of Adelaide Press, 1985: 159-61. 28. Bollinger A, Isenring G, Franzeck UK. Lymphatic microangiopathy: a complication of severe chronic venous incompetence (CVI). Lymphology 1982; 15(2): 60-65. 29. Gniadecka M, Karlsmark T, Bertram A. Removal of dermal edema with class I and II compression stockings in patients with lipodermatosclerosis. J Am Acad Dermatol 1998; 39(6): 966-70. 30. Casley-Smith JR, Casley-Smith JR. Modern treatment of lymphoedema. I. Complex physical therapy: the first 200 Australian limbs. Australas J Dermatol 1992; 33(2): 61-68. 31. Ko DS, Lerner R, Klose G, Cosimi AB. Effective treatment of lymphedema of the extremities. Arch Surg 1998; 133(4): 452-58. 32. Titon JP, Barsotti J, Gaisne E, Vaillant L. [A survey of the French-speaking Association of Lymphology on the use of pressotherapy in France during the treatment of lymphedema]. J Mal Vasc 1990; 15(3): 270-76. 33. Partsch H, Clark M, Bassez S, et al. Measurement of lower leg compression in vivo: recommendations for the performance of measurements of interface pressure and stiffness: consensus statement. Dermatol Surg 2006; 32(2): 229-38. 34. Partsch H, Rabe E, Stemmer R. Compression Therapy of the Extremities. Paris: Editions Phlébologiques Francaises, 1999. 35. Partsch H. The static stiffness index. A simple method to assess the elastic property of compression material in vivo. Dermatol Surg 2005; 31(6): 625-30. 36. Partsch H, Partsch B, Braun W. Interface pressure and stiffness of ready made compression stockings. Comparison of in vivo versus in vitro measurements. Presented at: American Venous Forum, 18th Annual Meeting. Miami, February 2006. 37. Van Geest AJ, Veraart JC, Nelemans P, Neumann HA. The effect of medical elastic compression stockings with different slope values on edema. Measurements underneath three different types of stockings. Dermatol Surg 2000; 26(2): 244-47. 38. Häfner HM, Piche E, Jünger M. The ratio of working to resting pressure under compression stockings: its significance for the improvement of venous perfusion in the legs. Phlebologie 2001; 30: 88-93. 39. Häfner HM, Eichner M, Jünger M. Medizinische Kompressionstherapie. Zentralbl Chir 2001; 126(7): 551-56. 40. Dai G, Tsukurov O, Chen M, et al. Endothelial nitric oxide production during in vitro simulation of external limb compression. Am J Physiol Heart Circ Physiol 2002; 282(6): H2066-75. 9 10 G U I D E P R AT I Q U E Rôle des compressions élastiques en cas de lymphœdèmes des membres inférieurs DC Doherty1, PA Morgan2, CJ Moffatt3 Dans le cadre de son travail de mise en place de services dédiés au lymphœdème à l’échelle nationale au Royaume-Uni, le projet Lymphoedema Framework a rédigé des directives sur l’utilisation de compressions élastiques dans le lymphœdème des membres inférieurs. Les directives présentées dans cet article réunissent les classifications de compressions déjà existantes, pour aboutir à une nouvelle classification corrélée aux descriptions cliniques des lymphœdèmes. L’article constitue un guide clair sur des aspects pratiques tels que l’évaluation de l’état artériel et la prise de mesures pour le choix de compressions adaptées, et décrit les stratégies permettant de résoudre les éventuels problèmes. 1. Conférencier et infirmier spécialisé en soins des lymphœdèmes 2. Chercheur en post-doctorat 3. Professeur de Soins Infirmiers et Co-Directeur, Center for Research and Implementation of Clinical Practice, Faculty of Health and Social Sciences, Université de Thames Valley, Londres, R-U Les compressions élastiques jouent un rôle essentiel dans la prise en charge des lymphœdèmes et pourtant, une revue systématique de la littérature révèle que les décisions thérapeutiques ne sont fondées que sur très peu de solides données expérimentales1,2,3. Ce constat d’absence de preuves empiriques a motivé la mise en œuvre du projet Lymphoedema Framework au Royaume-Uni afin d’adopter une approche consensuelle rigoureuse pour la définition des meilleures pratiques4. Les recommandations qui en résultent forment la base du présent article et concernent l’utilisation de compressions élastiques chez l’adulte souffrant de lymphœdème des membres inférieurs ou de pathologies proches, comme le phlébo-lymphœdème et le lipœdème. Elles insistent plus particulièrement sur la nécessité de proposer des compressions élastiques répondant aux besoins cliniques et au mode de vie des patients. Les compressions élastiques favorisent la prise en charge des soins par le patient lui-même et peuvent être utiles à tous les stades cliniques du lymphœdème des membres inférieurs5. Leur principal rôle est le traitement à long terme, généralement après une période de traitement intensif (soins cutanés, exercices, bandages multicouches inélastiques (à allongement court) ± drainage lymphatique manuel)6. Toutefois, les compressions élastiques peuvent également être utilisées à titre préventif, pour éviter les complications dans les cas de lymphœdèmes infracliniques ou très précoces, et après traitement intensif par bandages7. ALGORITHME DÉCISIONNEL RELATIF AUX COMPRESSIONS ÉLASTIQUES L’algorithme de la page 16 résume les recommandations, centrées sur le patient et conçues pour permettre une prise de décision souple. Fait important, l’algorithme inclut un bilan artériel, pour garantir la tolérance du traitement compressif, notamment lorsqu'on envisage des compressions importantes8. Il comporte également des descriptions cliniques claires des différents stades du lymphœdème9, corrélées aux types de compressions recommandées et à leur rôle respectif. Pour une utilisation efficace de l'algorithme, les médecins doivent avoir l’expérience de l’évaluation des lymphœdèmes et savoir en préciser le type et la sévérité. Ils doivent donc avoir reçu la formation appropriée, leur permettant d’effectuer des mesures et une adaptation précises des compressions et d’avoir assimilé la gamme de produits et de matériaux à leur disposition10. Cependant, les cas de lymphœdème complexe sévère nécessitent le recours à un spécialiste. FACTEURS CLINIQUES INTERFÉRANT SUR L’UTILISATION DE COMPRESSIONS ÉLASTIQUES Le choix de la meilleure compression élastique pour un patient donné est influencé par différents facteurs (Encadré 1) à prendre en compte afin d’offrir un confort optimal et un niveau approprié de compression pour maîtriser l’œdème. Dextérité La pose et le retrait des compressions élastiques nécessitent une dextérité et une force considérables et sont parfois difficiles, lorsque les compressions sont importantes. Ces manœuvres sont également plus délicates dans certaines pathologies, comme l'arthrose sévère, l’obésité importante (avec incapacité du patient à atteindre ses pieds) ou des affections complexes telles que l'insuffisance cardiaque (en raison de l’aggravation des symptômes à l’effort). Il convient d’ailleurs de noter que l’insuffisance cardiaque aiguë constitue une contre-indication aux compressions élastiques11. Une aide peut être nécessaire, notamment pour les compressions à tricot circulaire, plus difficiles à appliquer que celles à tricot plat. Dans ce cas, les personnes soignantes doivent recevoir une formation appropriée et savoir apprécier l'hémodynamique du membre. Lorsque le retrait est difficile, les patients ne doivent pas pour autant se laisser aller à la facilité et ne retirer que partiellement les compressions, en les G U I D E P R AT I Q U E ENCADRÉ 1 Facteurs liés au patient interférant sur le choix de la compression élastique ■ Capacité de gestion de ce ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ ■ traitement par compression élastique et tolérance à ce traitement État de la peau Stade et sévérité du lymphœdème Forme, taille et fonction du membre Stature du patient, par exemple, grand, trapu, obèse Bilan artériel des membres inférieurs Pathologies médicales concomitantes, par exemple neuropathie Mode de vie du patient, mobilité, âge et conditions psychosociales Choix du patient descendant jusqu'aux chevilles. À cet égard, les patients et les personnes soignantes doivent être avertis du risque d’effet de garrot et de lésion tissulaire en cas de retrait partiel, avec enroulement ou superposition des plis de la compression. Pour éviter ce type de problème, les médecins doivent savoir moduler leur choix et sélectionner des matériaux, des styles de compression et des niveaux de pression les plus adaptés. Élasticité cutanée La présence d’une mauvaise qualité de peau et d’une faible élasticité cutanée est un des problèmes fréquents pouvant compliquer l’utilisation des compressions élastiques. Les problèmes cutanés comme l’eczéma variqueux et la lymphorrhée peuvent être traités par des soins dermatologiques appropriés et le port de doublures en coton sous la compression élastique. Toutefois, les cas sévères d’eczéma et de lymphorrhée peuvent contre-indiquer l’utilisation de compressions élastiques et nécessiter une période de traitement intensif par bandages, pour stabiliser la pathologie. Les compressions élastiques sont généralement mal tolérées pendant un épisode de cellulite. Il peut néanmoins être possible de continuer le traitement compressif en utilisant des bandages multicouches inélastiques (à allongement court) à pression réduite (BMC). Si la douleur est trop intense, il peut être nécessaire d’interrompre le traitement compressif, en évitant de prolonger les périodes sans compression. Lorsque la douleur et l’inflammation ont suffisamment diminué pour être tolérables, le niveau et/ou mode habituel(s) de compression doivent être repris. Une faible proportion de patients présente une allergie ou une hypersensibilité cutanée vis-àvis de certains composants des compressions, notamment le latex, l’élastane et les colorants12. Ces problèmes peuvent être évités ou résolus grâce au port de doublures en coton, empêchant tout contact direct avec la peau, ou à la sélection d’un autre type de compression. Enfin, des mesures et une adaptation insuffisantes et le choix inapproprié des compressions peuvent être à l’origine de traumatismes tissulaires, même lorsque la peau est intacte. Déformation Lorsque la déformation est minime, les compressions prêtes à l’emploi peuvent convenir mais en cas de déformation sévère, une période de traitement intensif peut être nécessaire pour réduire la malformation avant la prescription de la compression6. Dans la plupart des cas de lymphœdème avec déformation, il est préférable de recourir à une compression à tricot plat sur mesure, qui ne forme pas de plis, de bourrelets ni d’effet de garrot. Les compressions à tricot plat sont en effet souvent plus raides et donc mieux à même d'éviter un œdème rebond. Les compressions élastiques peuvent être modifiées pour s’adapter à la déformation à l’aide de rembourrage ou de coussinets préformés, intégrés à la compression ou placés dessous. Les patients ayant des déformations et des œdèmes s’étendant jusqu’aux organes génitaux et au tronc nécessitent l’intervention d’un spécialiste pour garantir le choix et la pose de compressions adaptées. Traitement compressif des œdèmes Chez certains patients, le traitement du lymphœdème par compressions élastiques seules ne suffit pas et la prescription concomitante de bandages nocturnes ou d’un drainage lymphatique manuel peut s’avérer nécessaire. Les besoins du patient en soins palliatifs sont plus complexes. Dans certains cas, le traitement doit davantage mettre l'accent sur le confort et l'amélioration de la qualité de vie que sur la compression réelle de l’œdème. Il peut alors être nécessaire de recourir à des compressions à compression réduite et/ou d’autres types de soutien, comme par exemple les shorts « prêts du corps » en Lycra (shorts de cyclisme ou d’athlétisme) ou les bandes tubulaires élastiques préformées. Lorsque les symptômes contreindiquent l’utilisation de compressions élastiques, le bandage peut être l’option préférentielle. Capacité d’autotraitement et d’autosurveillance Sa motivation et son engagement sont les éléments clés de la prise en charge efficace du traitement par le patient lui-même13. Différents facteurs peuvent interférer sur ces éléments, notamment la sensibilisation du patient à sa maladie, ainsi que des facteurs psychologiques, par exemple la dépression et l’anxiété. À ce titre, le recours à une aide extérieure peut être essentiel. Une formation appropriée du patient permet d’améliorer l’observance, qui est également influencée par différents problèmes pratiques14. Par exemple, l’adaptation de la compression, le style et le type de matériau interfèrent sur son aspect, son confort et la volonté de poursuivre le traitement. Les compressions élastiques ne doivent pas empêcher le port de chaussures confortables, permettant de se mouvoir aisément. On veillera particulièrement à la formation, au soutien et à la surveillance des patients ayant des troubles cognitifs, pour éviter des problèmes cutanés et garantir le port approprié des 11 12 G U I D E P R A T I Q U E S ENCADRÉ 2 Choix du style approprié de compression élastique Capuchons d’orteils ■ Lymphœdème des orteils (Figure 1) ■ Après le traitement d’une lymphorrhée ou d’une mycose interdigitale ■ Œdème de l’avant-pied et risque ou présence d’œdème des orteils ■ Épaississement tissulaire au niveau de l’avant-pied : les capuchons d’orteils apportent une contre-pression supplémentaire et empêchent le glissement d’une compression à pointe ouverte au-dessus du pied Chaussette (sous le genou)* Œdème et modifications cutanées uniquement en dessous du genou Ulcère variqueux sans œdème de la cuisse Impossibilité de poser une compression jusqu’a la cuisse Obésité ■ ■ ■ ■ Bas-cuisse* Œdème s’étendant à la cuisse Papillomatose sur la face interne de la cuisse Genoux adipeux ou arthrosiques (Figure 2) Déformation des membres inférieurs En cas de cisaillement cutané produit par les chaussettes de compression, en absence d’autres causes (par exemple, mesures incorrectes) ■ ■ ■ ■ ■ Collant*† ■ Œdème s’étendant aux organes génitaux ou à l’abdomen‡ ■ Glissement des bas cuisse *Les compressions à pied ouvert sont plus faciles à mettre que les compressions à pied fermé et peuvent être suffisantes pour les œdèmes de l’avant-pied. S’il est impossible d’utiliser des capuchons d’orteils et que l’œdème des orteils est léger, il est préférable de recourir aux compressions à pointe fermée. Les compressions à tricot plat sont souvent préconisées pour le traitement de l’œdème de l’avant-pied. †Les patients incontinents nécessitant un collant peuvent bénéficier d’une compression à tricot plat sur mesure à gousset ouvert. ‡Les shorts de type « Bermuda » peuvent être utiles chez les patients ayant un lymphœdème de la cuisse secondaire à une tumeur abdominale, sans œdème de la jambe. compressions. Il en va de même des patients atteints de troubles neurologiques (par exemple accident vasculaire cérébral, lésion médullaire ou spina bifida), chez lesquels les personnes soignantes devront être plus vigilantes, en raison de l’absence possible de signes d’alarme comme la douleur. L’évaluation du patient prendra également en considération les problèmes de toilettage, la présence d’une colostomie et la capacité du patient à poser et retirer ses compressions. Des excoriations cutanées peuvent apparaître sous les vêtements ou bas de compression chez les patients incontinents. Les compressions sur mesure peuvent être utiles chez les patients très grands ou très gros. Les cas d’obésité sévère représentent un enjeu complexe et nécessitent souvent des compressions sur mesure, offrant au patient la possibilité d’assurer lui-même son traitement. La présence de plis cutanés profonds est propice aux excoriations et aux mycoses. Capacité de tolérance de la compression élastique FIGURE 1 Œdème de l’avant-pied et des orteils Un traitement par couvre-orteils et bas-jarrets de compression est préférable chez ce type de patient. Le choix de la compression doit également reposer sur la volonté du patient de recourir à ce type de traitement et sa capacité à tolérer les niveaux thérapeutiques de compression préconisés. L'évaluation de l'état de santé général du patient est complètement intégrée à la prise de décision15. En effet, les compressions élastiques déplacent le liquide de la circulation périphérique vers la circulation centrale et peuvent entraîner la décompensation d'une insuffisance cardiaque chez les patients ayant un œdème cardiaque16. MESURES À EFFECTUER POUR LE CHOIX DES COMPRESSIONS ÉLASTIQUES La parfaite adaptation de la compression et le confort optimal du patient dépendent essentiellement de mesures anatomiques précises. En effet, des compressions mal adaptées peuvent être inefficaces sur l’œdème, provoquer des lésions cutanées, être inconfortables et mal tolérées, compromettant ainsi toute utilisation à long terme. Le type de compression prescrit sera fortement influencé par le site et l’étendue de l’œdème mais devra également prendre en compte le confort du patient, son mode de vie, ses préférences et sa capacité à mettre et retirer les compressions. À cet effet, le patient pourra disposer de toute une gamme de compressions adaptées à différentes situations. Prêtes à l’emploi ou sur mesure ? Lorsqu'une évaluation complète a permis d'établir la nécessité d'une compression élastique, il convient d’en déterminer le style et le type appropriés (Encadré 2). Les cas de lymphœdèmes complexes des membres inférieurs et du torse exigent souvent le recours aux compressions sur mesure. En général, ces compressions à tricot plat sur mesure sont utiles lorsqu’il existe une déformation importante, qu’il s’avère nécessaire d’exercer différents niveaux de contre-pression à différents endroits anatomiques dans la même compression ou que des adaptations particulières doivent être effectuées. L’application des compressions à tricot plat peut être plus facile que celles à tricot circulaire. Lorsque l’on doit superposer plusieurs couches de compression, il est conseillé de poser d'abord la compression à tricot plat, contre la peau, puis la compression à tricot circulaire. En outre, les patients peuvent avoir des préférences pour un style particulier de compression, par exemple des compressions à tricot plat à mailles lâches par temps chaud, ou des compressions à tricot circulaire, plus fines et plus acceptables sur le plan esthétique. Les médecins doivent prendre ce facteur en considération dans leur choix de traitement optimal, tout en expliquant aux patients les nécessités et exigences du traitement, qui ne sont pas toujours compatibles avec ces préférences. Quand effectuer les mesures ? Les mesures en vue du choix des compressions doivent être effectuées à la fin d’un traitement intensif, lorsque l'état du membre est le meilleur, que le volume s’est stabilisé et qu’il ne reste que G U I D E P R AT I Q U E très peu ou pas d’œdème prenant le godet. En présence d’un œdème mou prenant le godet, il est conseillé de traiter par bandage de compression avant la prise de mesures6. La peau doit être suffisamment robuste pour supporter la pose et le retrait de la compression Après la prise de mesures, le traitement par bandage doit être poursuivi jusqu’à l’adaptation des compressions, pour éviter la survenue d’un œdème rebond, parfois seulement quelques heures après l’arrêt du traitement. FIGURE 2 Genoux arthrosiques chez un patient souffrant d'un lipolymphœdème des membres inférieurs Pour ce patient, l’association de deux compressions peut être plus facile à gérer, comme par exemple, un short de compression de type « Bermuda » et des bas jarrets. Une genouillère orthopédique peut être utile pour soulager la gonalgie. Pour les patients portant déjà des compressions élastiques, les mesures doivent être effectuées : ■ avant le renouvellement de la compression, pour s’assurer que la compression a toujours les mensurations optimales et qu’il n’y a pas d’aggravation ■ lorsque le patient passe de compressions prêtes à l’emploi à des compressions sur mesure ou vice versa ■ lorsqu’un style différent de compression est demandé ■ lorsque les bas de compressions nécessitent des adaptations ou un different type de pression Comment surmonter les difficultés pratiques ? Les mesures peuvent être difficiles chez les patients ayant un lymphœdème complexe des membres inférieurs, qui sont en outre souvent immobiles et obèses. En pratique clinique, on peut effectuer les mesures chez un patient allongé ou debout, mais il est recommandé d’utiliser une table de mesure si possible. Chez les patients en fauteuil roulant, les mesures peuvent être effectuées sur les jambes en position déclive, sauf pour les bas (à hauteur de cuisse), qui nécessitent une prise de mesures en position allongée. La tension appliquée par le practicien à la bande destinée à la mesure pour la compression élastique est influencée par l’effet thérapeutique souhaité, l’âge du patient, sa capacité à supporter la compression et l’état de ses artères périphériques. Il est indispensable que les practiciens aient reçu une bonne formation à la prise de mesures et à la mise en place des compressions et soient suffisamment expérimentés. Les patients présentant une déformation des membres ou un œdème s’étendant à l’abdomen et aux organes génitaux externes doivent être adressés à un spécialiste. BILAN DE L’ÉTAT ARTÉRIEL La première décision de l’algorithme concerne l'état artériel du patient et aide le médecin à choisir un niveau de compression sûr et adapté pour le stade et la sévérité du lymphœdème. La palpation des pouls pédieux est très difficile dans le lymphœdème et constitue un NOTES Encadrés 3-5 ENCADRÉ 3 Mesures à effectuer pour les compressions élastiques prêtes à l’emploi ■ Ces encadrés constituent un Bas jarrets ■ Prendre les mesures en position allongée ou debout ■ Mesurer la circonférence de la cheville à son plus faible diamètre, c'est-à-dire généralement juste au-dessus des malléoles ■ Mesurer le mollet à sa plus grande circonférence ■ Pointe fermée : mesurer la longueur du pied depuis la pointe du gros orteil jusqu’à l’extrémité du talon ■ Pointe ouverte : mesurer la longueur du pied depuis la base du gros orteil jusqu’à l’extrémité du talon ■ Mesurer la longueur depuis le talon jusqu’à 2 cm en dessous du creux poplité, pour déterminer si le patient a besoin d’une compression standard, petite ou longue guide de mesure pour les compressions élastiques. Il convient de veiller à respecter les instructions de mesure énoncées par les fabricants des compressions commandées. ■ Les mesures doivent être effectuées par des personnes qualifiées, notamment les phlébologues, les pharmaciens spécialisés ou les appareilleurs. Bas (cuisse) Effectuer les mesures comme pour les bas jarrets et : ■ Mesurer la cuisse à sa plus grande circonférence ■ Mesurer la longueur depuis le talon jusqu’à l’extrémité du bas, pour établir la hauteur de compression nécessaire Collant Effectuer les mesures comme pour les bas jarrets et les bas cuisses et : ■ Mesurer le tour de hanche à la plus grande circonférence Mesure de la hanche à sa plus grande circonférence Mesure de la cuisse à sa plus grande circonférence Mesure du mollet à sa plus grande circonférence Mesure de la cheville à sa plus faible circonférence Pointe ouverte : longueur depuis la base du gros orteil au talon Pointe fermée : longueur depuis la pointe du gros orteil au talon 13 G U I D E P R AT I Q U E 14 ENCADRÉ 4 Mesures à effectuer pour les compressions élastiques sur mesure Bas jarrets ■ Prendre les mesures en position allongée ou debout ■ Chaussettes à pointe ouverte : mesurer la longueur de la base du gros orteil à l’extrémité du talon sur le bord latéral du pied Taille a-Taille ■ Chaussettes à pointe inclinée : mesurer également la longueur de la Taille base du petit orteil à l’extrémité du talon sur le bord latéral du pied ■ Chaussettes à pointe fermée : mesurer la longueur de la pointe du gros orteil à l’extrémité du talon sur le bord latéral du pied Derrière ■ Mesurer la circonférence A autour de la base des orteils ■ Mesurer la circonférence H autour du cou-de-pied et du talon lorsque ■ ■ ■ ■ ■ le pied est en dorsiflexion. Si le patient n’arrive pas à effectuer une dorsiflexion du pied, mesurer H et ajouter 1 cm Le pied étant par terre ou sur une table de mesure, mesurer la circonférence B à 2 cm au-dessus de la malléole interne Mesurer la longueur a-B (du talon au point B) Mesurer la circonférence B1 à l’endroit où le mollet commence à s’élargir et mesurer la longueur a-B1 Mesurer la circonférence C et la longueur a-C au niveau de la plus grande circonférence du mollet Mesurer la circonférence D à 2 cm (deux largeurs de doigts) sous la rotule et la longueur a-D Bas cuisse Mesurer comme pour une chaussette et : ■ Mesurer la longueur a-E jusqu’au milieu de la rotule, jambe étendue ■ Mesurer la circonférence E au niveau du genou, jambe légèrement fléchie ■ Demander au patient de se mettre debout si possible ■ Mesurer la circonférence F à mi-cuisse et mesurer la longueur a-F ■ Mesurer le tour de cuisse à sa circonférence maximale (G) ■ Mesurer la longueur depuis « a » jusqu’à 2 cm sous le pli fessier (G) pour les bas à hauteur de cuisse Collant Mesurer comme pour une chaussette et un bas et : ■ Mesurer la longueur depuis « a » jusqu’à 2 cm sous le pli fessier (G) ■ Demander au patient de mettre ses mains à la taille. Mesurer la longueur depuis « a » jusqu’à la taille ■ Mesurer le tour de taille ■ Mesurer le tour de hanches à la plus grande circonférence ■ Mesurer la longueur devant, au milieu, entre la taille et l’entrejambe. Si l’abdomen est mou, appuyer doucement sur cette zone pendant la mesure pour reproduire l'effet du collant de compression ■ Mesurer la longueur, derrière, entre la taille et le pli fessier, en exerçant une légère pression Devant Hanche Hanche [line drawing of pelvis and legs with markings showing measurements] G G a-G a-F a-E a-D a-C a-B1 a-B a F F E E D D C C B1 B1 B B H A H a A Pointe fermée : pointe du gros orteil au talon Pointe ouverte : base du gros orteil au talon Pointe inclinée : base du petit orteil au talon NB : Sauf précision contraire, les mesures de longueurs doivent être longitudinales et ne doivent pas suivre les contours du corps. ENCADRÉ 5 Mesures à effectuer pour les compressions scrotales ■ Si possible, effectuer les mesures ■ ■ ■ ■ chez un patient en position debout Demander au patient de montrer à quel niveau il souhaite attacher la ceinture de la compression au niveau de sa taille Mesurer le tour de taille A en ce point Mesurer la circonférence B au niveau de la partie la plus large du scrotum Mesurer la longueur C de la position indiquée de la ceinture de la taille , par-dessus le scrotum, jusqu’au périnée A C B faible facteur prédictif de l’état artériel17. Il est préférable de recourir à l’échographie Doppler, qui permet d’établir l’index de pression systolique cheville/bras (ICB) (Encadré 6). L’enregistrement des pressions à la cheville peut être difficile en cas de lymphœdème sévère. Il convient alors de changer de sonde Doppler et d’utiliser un manchon plus large18. Chez les patients diabétiques ou atteints d’un œdème et/ou d’un épaississement tissulaire (fibrose) considérables, la mesure de l’ICB peut donner des résultats erronés. Dans ce cas, l'évaluation de l'état des artères périphériques est fondée sur l'index de pression systolique orteil/bras (IOB), plus précis (Encadré 7) ou parfois sur une échographie G U I D E P R AT I Q U E ENCADRÉ 6 Mesure de l’index de pression cheville/bras (ICB) La mesure de l’ICB est essentielle avant toute prescription d’une compression élastique, pour identifier les éventuelles artériopathies occlusives des membres inférieurs et éviter ainsi une ischémie tissulaire, voire une amputation, résultant d’une compression importante. Toutefois, comme on ne connaît pas bien la fiabilité des mesures effectuées chez les patients souffrant de lymphœdème, le niveau de compression le plus adapté à chaque cas doit être établi d’après le jugement clinique du médecin. En cas d’artériopathie occlusive périphérique, il peut être préférable d’utiliser une compression à tricot plat à pression de repos plus faible20. ■ ICB > 0,8 : Des niveaux de compression élevés (34-46 mmHg) peuvent être utilisés (34-46 mmHg) peuvent être utilisées en toute sécurité pour un ICB > 0,8. On peut parfois même recourir à des compressions à compression très élevée (49-70 mmHg)19, mais les patients doivent alors surveiller attentivement l'état de leurs membres inférieurs pour dépister des signes d'ischémie, comme des modifications de sensibilité ou de couleur ou l'apparition d'une douleur. Si l'état artériel du patient semble préoccupant, l’application de fortes ou très fortes compressions ne devra pas être envisagée sans l’avis d’un spécialiste. ■ ICB 0,5-0,8 : Les compressions élastiques peuvent être utilisées sans problème en cas d’artériopathie occlusive périphérique modérée (ICB 0,5-0,8) mais nécessitent des niveaux de compression moindres. Le traitement sera en outre modulé par la capacité du patient à le supporter. Une surveillance rigoureuse est indispensable pour détecter les signes d'une éventuelle ischémie chez ces patients, puisqu'ils souffrent d'une artériopathie occlusive périphérique patente qui peut s'aggraver rapidement. La compression ne doit pas être supérieure à 21 mmHg chez ces patients. ■ ICB < 0,5 : Le traitement compressif n’est pas indiqué en cas d’ICB < 0,5, car il peut aggraver l’ischémie tissulaire ; ces patients doivent bénéficier d’un bilan et d’une surveillance vasculaires approfondis. Dans certains cas, une compression à très faible niveau pourra être envisagée sous surveillance vasculaire rigoureuse. Doppler ou une pléthysmographie. On ne connaît pas actuellement la prévalence des artériopathies occlusives chez les patients souffrant de lymphœdème. Toutefois, comme cette prévalence augmente avec l’âge et que la pathologie est souvent asymptomatique19, la présence de troubles artériels concomitants est très probable chez le sujet âgé. Le bilan artériel périphérique est essentiel avant toute prescription d’une compression élastique chez le sujet âgé. Les recommandations de cet algorithme (voir page 16) reflètent les directives internationales relatives à l’utilisation d’un traitement compressif chez les patients souffrant d’artériopathie occlusive périphérique20. RECOMMANDATIONS POUR LE PORT DE COMPRESSIONS ÉLASTIQUES EN CAS DE LYMPHŒDÈME DES MEMBRES INFÉRIEURS On n'a pas encore bien établi la pression nécessaire et la rigidité des matériaux de compression à utiliser en fonction de l’importance du lymphœdème mais on a généralement recours à des pressions plus élevées que celles utilisées pour le traitement des pathologies veineuses, et proportionnelles au stade et à la sévérité du lymphœdème7. Les études physiologiques et les avis d’experts cliniques recommandent l’application d’une compression élastique à pression progressive, délivrant une pression de 20-60 mmHg21 au niveau de la cheville. ENCADRÉ 7 Mesure de l'index orteil/bras (IOB) Remarque : L’IOB ne doit être mesuré que lorsque la mesure de l’ICB n’est pas réalisable (pour une description détaillée des méthodes de mesure de l’ICB, se reporter à l’article de Vowden et Vowden (2001) dans Autres références, page 21). ■ Placer le patient en position la plus allongée possible pendant 15-20 minutes et lui expliquer la façon dont se déroulera l’examen ■ Placer le manchon du sphygmomanomètre de taille appropriée autour du bras et appliquer un gel au niveau du pouls brachial ■ Déplacer la sonde Doppler au-dessus du pouls brachial jusqu’à ce qu’un bon signal soit obtenu ■ Gonfler le brassard jusqu’à la disparition du signal puis le dégonfler lentement jusqu’à la ■ ■ ■ ■ réapparition du signal. Cette mesure correspond à la pression systolique brachiale. Répéter la mesure Effectuer la mesure sur l’autre bras et noter le résultat le plus élevé des quatre mesures effectuées (en effet, la valeur la plus élevée sert à calculer l’IOB des deux jambes) Placer un manchon de taille appropriée autour de la base du gros orteil Appliquer le gel et localiser l’artère digitale à l’aide de la sonde Doppler Gonfler le manchon jusqu’à la disparition du signal puis le dégonfler progressivement jusqu’à la réapparition du signal Calculer l’IOB pour chaque jambe : IOB = pression systolique la plus élevée mesurée au niveau du gros orteil pour cette jambe pression systolique brachiale la plus élevé Une valeur d’IOB < 0,64 indique la présence d’une artériopathie occlusive périphérique des membres inférieurs 15 16 G U I D E P R AT I Q U E Adéquation du patient au traitement : • Bonne dextérité • • Peau intacte et élastique • Absence d'œdème prenant le godet ou œdème minime • • Aucune déformation ou déformation minime • • Compression de l’œdème grâce à la compression Capacité d’autosurveillance et d’autotraitement (± aide de la personne soignante) Bonne tolérance aux compressions élastiques Besoins palliatifs Existe-t-il une artériopathie occlusive périphérique du membre inférieur ? Oui AUCUNE COMPRESSION S’adresser à un spécialiste vasculaire Lymphœdème infraclinique Lymphœdème précoce/léger • Stades ISL 0-II • Déformation absente ou minime • Sujet âgé/arthrosique • Œdème cardiaque contrôlé • Œdème déclive • Déficit neurologique • Lipœdème Faible : 14-21 mmHg • Tricot plat ou tricot circulaire Artériopathie sévère ICB <0,5 Non Artériopathie modérée ICB 0,5-0,8 ICB normal > 0,8 Lymphœdème modéré/ sévère • Stade ISL II tardif-III • Présence d’une déformation • Lipœdème • Phlébolymphœdème (ulcère cicatrisé) • Sujet âgé/arthrosique Lymphœdème sévère • Stade ISL III • Patients actifs • Risque d’œdème rebond rapide • Phlébolymphœdème (ulcère actif) • Œdème important de l’avant-pied • Œdème rétromalléolaire Lymphœdème complexe sévère • Stade ISL III • Compression de l’œdème non assurée par une compression modérée ou élevée Modérée : 23-32 mmHg • Tricot plat et/ou tricot circulaire Élevée : 34-46 mmHg • Compressions sur mesure • Tricot plat et/ou tricot circulaire • Dispositif de compression ajustable inélastique Très élevée : 49-70 mmHg • Compressions sur mesure • Tricot plat et/ou tricot circulaire • Dispositif de compression ajustable inélastique • Bandage multicouches inélastique (à allongement court) Réussite du traitement : • Aucune augmentation de l’œdème • Aucune dégradation de la peau ou de la densité tissulaire • Aucune déformation • Amélioration de l’implication du patient/personne soignante et de l’autotraitement Classification des stades selon la Société internationale de lymphologie5 Stade 0 État infraclinique se caractérisant par l’absence d’œdème malgré la présence de troubles de la circulation lymphatique. Cet état peut durer pendant des mois ou des années avant l’apparition d’un œdème patent. Stade I Ce stade représente le début du lymphœdème, se caractérisant par une accumulation de liquide interstitiel qui disparaît à l’élévation du membre. L’œdème peut déjà prendre le godet à ce stade. Stade II Œdème régressant rarement à l’élévation du membre ; œdème manifeste prenant le godet. Stade II tardif Signe du godet pas toujours présent en raison de la présence d’une fibrose tissulaire plus évidente. Stade III Tissus durs (fibrosés) et absence du signe du godet. Modifications de la peau, telles qu’épaississement, hyperpigmentation, augmentation des plis cutanés, dépôts adipeux et hyperkératose actinique. G U I D E P R AT I Q U E FIGURE 3 Algorithme décisionnel concernant les compressions élastiques, adapté de la référence24 Cet algorithme n’est fourni qu’à titre indicatif, puisque le traitement doit être adapté aux besoins de chaque patient. Par exemple, si le patient n’arrive pas à supporter le niveau de compression indiqué d’un point de vue thérapeutique, il convient de diminuer les niveaux de compression appliqués, pour augmenter l’observance du traitement. L’utilisation de compressions à tricot plat permet parfois d’augmenter la tolérance du patient vis-à-vis de niveaux de compression élevés. Il existe plusieurs classifications des compressions, fondées sur le niveau de contrepression exercée22,23. Les présentes recommandations sont destinées à réunir ces différentes classifications pour fournir des directives claires concernant l’utilisation des compressions dans le traitement du lymphœdème primitif et secondaire des membres inférieurs (Figure 3). Lymphœdème infraclinique (compression réduite : 14-21 mmHg) Même si l’effet préventif réel du traitement compressif sur les complications et l’aggravation du lymphœdème infraclinique n’a pas été totalement examiné, on recommande des niveaux de compression réduits (14-21 mmHg) chez les patients ayant un risque connu de lymphœdème des membres inférieurs. Idéalement, les patients devraient porter leurs bas de compression toute la journée. Lymphœdème précoce/léger (compression réduite : 14-21 mmHg) ATTENTION Chez certains patients souffrant d’un lymphœdème de stade ISL III, le niveau de compression médicalement souhaité provoque parfois un épaississement tissulaire et un risque d’œdème rebond. Ces cas peuvent nécessiter une diminution de la compression exercée. Le lymphœdème léger est un œdème qui prend le godet mais peut régresser ; il se caractérise par un excès volumique < 10-20 % du membre atteint par rapport au membre non atteint5. Une compression réduite peut être utilisée au tout début d'un lymphœdème primitif, en l’absence de modifications cutanées. S’il existe un signe du godet, une ou deux séances de BMC (– drainage lymphatique manuel) peuvent être nécessaires avant le port de compressions élastiques. Une surveillance attentive est indispensable, pour s’assurer que la pression appliquée est suffisante pour empêcher toute aggravation. De nombreux patients souffrant de lymphœdème primitif devront progressivement augmenter le niveau de compression avec le temps, pour éviter les remaniements tissulaires, l’augmentation de volume du membre et sa déformation. Les sujets âgés souffrant d’arthrose n’ont souvent aucun mal à poser et retirer eux-mêmes les compressions à ce niveau de compression. Même si le contrôle de l’œdème n’est pas optimal de cette façon, il vaut mieux un faible niveau de compression qu’aucun traitement compressif. Les patients souffrant de lymphœdème et de cardiopathie stable peuvent bénéficier d’une compression à niveau réduit et doivent être surveillés attentivement car toute modification des symptômes (comme l'apparition d'un essoufflement à l'effort) peut évoquer une insuffisance cardiaque imminente. Les patients grabataires qui restent assis pendant de longues périodes, jambes pendantes, sont sujets aux œdèmes, même lorsque les troubles lymphatiques ou veineux sont minimes. Dans ce cas, la pose de bas à compression réduite peut contribuer à stabiliser l’œdème. En outre, les compressions réduites sont indiquées lorsque le traitement compressif risque de provoquer des lésions cutanées en raison de la présence d’un déficit neurologique. Pour des raisons inconnues, le traitement compressif est souvent douloureux chez les patients ayant un lipœdème. Dans ce cas, l’application d’une contre-pression réduite peut être suffisamment bien tolérée pour permettre de faire disparaître un éventuel œdème concomitant. Lymphœdème modéré/sévère (compression modérée : 23-32 mmHg) Le lymphœdème modéré/sévère se caractérise par un épaississement tissulaire (fibrose) et un œdème essentiellement sans signe du godet et un excès volumique de 20-40 % (s’il est > 40%, le lymphœdème est alors jugé sévère)5. À ce stade, le lymphœdème est souvent accompagné de plis cutanés profonds, de dépôts adipeux et d'hyperkératose actinique. Les patients souffrant d’ulcères variqueux présentent des perturbations locales du drainage lymphatique, ainsi qu’une diminution du transport de la lymphe sous-aponévrotique dans les cas de thrombose veineuse profonde ou de syndrome post-thrombotique16. Même si on préconise une pression de 40 mmHg chez les patients ayant un ulcère cicatrisé et un lymphœdème, l’application d’une compression intermédiaire (23-32 mmHg) est souvent suffisante pour éviter toute aggravation. Si l’ulcère récidive, des compressions plus fortes peuvent être nécessaires. Certains patients atteints simultanément de lipœdème et de lymphœdème peuvent supporter ce niveau plus élevé de compression. Les sujets âgés ou arthrosiques encore suffisamment agiles peuvent généralement poser eux-mêmes un bas à compression modérée (23-32 mmHg). Dans le cas contraire, ces patients peuvent porter deux compressions à pressions plus basses, en superposant les compressions pour atteindre la compression souhaitée. La deuxième compression applique environ 70 % de la pression qu'elle exercerait si elle était seule24. Certains sujets âgés ayant un lymphœdème modéré/sévère ne peuvent supporter que des compressions à 14-21 mmHg. Toutefois, il est parfois possible d’augmenter cette contrepression à 23-32 mmHg grâce aux compressions à tricot plat, qui peuvent être plus raides que celles à tricot circulaire, tout en fournissant des contre-pressions de repos comparativement faibles25. 17 18 G U I D E P R AT I Q U E Lymphœdème sévère (compression élevée : 34-46 mmHg) ENCADRÉ 8 Conseils pour vérifier l’adaptation de la compression Le lymphœdème sévère se caractérise par un durcissement et un épaississement des tissus, avec signe du godet minime ou indétectable. L’excès de volume peut être supérieur à 40 %5. Les modifications cutanées comme l’hyperkératose, l’hyperpigmentation, les plis cutanés profonds, les dépôts adipeux et l’hyperkératose actinique sont fréquentes. L’augmentation de la sévérité du lymphœdème peut être associée à d’autres problèmes, comme par exemple une peau fragile, une lymphorrhée, des ulcérations et une cellulite plus fréquente. La déformation peut être sévère, voire même handicapante. Des niveaux de compression élevés (34-46 mmHg) sont indispensables en cas de lymphœdème sévère, et conviennent surtout aux patients actifs ou chez lesquels il existe un risque d’œdème rebond rapide à plus faible compression. Chez les sujets âgés souffrant de lymphœdème sévère, il est souvent préférable de recourir à l’association de compressions élastiques à compression faible et modérée. Conformément aux autres recommandations internationales, les patients souffrant d’ulcères variqueux actifs ont besoin de ce niveau élevé de traitement compressif20,26. Des niveaux de compression élevés sont également indispensables après un traitement d’œdème important de l’avant-pied, débordant sur les orteils, ainsi que pour les œdèmes rétromalléolaires avec épaississement tissulaire. En présence d’un œdème des orteils, la pose de couvre-orteils à tricot plat sur mesure peut être nécessaire. L’application de niveaux de compression élevés étant souvent difficile, l’association de compressions à tricot plat et à tricot circulaire est souvent nécessaire. Tous ces patients doivent avoir des chaussures de soutien bien adaptées, contribuant à maîtriser l’œdème et faciliter la mobilité. Lors de la première pose, vérifier que : ■ la compression commandée répond aux spécifications de la prescription ■ la compression couvre complètement la zone nécessitant un traitement ■ le matériau constituant la compression est réparti uniformément, sans plis, rides ou resserrements ■ la compression est confortable et n’est ni trop serrée ni trop lâche ■ les attaches ou fixations sont confortables et maintiennent bien la compression en place. Lymphœdème complexe sévère (compression très élevée : 49-70 mmHg) La compression à niveau très élevé (49-70 mmHg) est réservée aux patients souffrant de lymphœdème complexe sévère. De nombreux patients ayant un lymphœdème primitif de longue durée nécessitent ce niveau de compression pour contrôler leur pathologie et éviter les complications. Il existe un groupe de lymphœdèmes particulièrement complexes car « résistants » aux compressions modérées et élevées24. Dans ce cas, le recours à des compressions à tricot plat plus raide peut permettre de stabiliser l’œdème tout en permettant aux patients de supporter des niveaux de compression très En outre, lors du suivi, il convient de : ■ Évaluer la motivation du patient et son utilisation de la compression ■ Vérifier que la compression : – reste en place et ne glisse pas (nécessitant alors une fixation ou un autre système de fixation) – ne provoque pas de réactions cutanées ou de traumatisme cutané local – n’est pas repliée en haut et n’a pas été coupée ou déformée ■ Chaussettes et bas de compression : vérifier l’absence d’œdème au-dessus de la zone couverte par la compression ■ Compressions à pointe ouverte : vérifier l’absence de glissement au-dessus du pied, susceptible de créer un effet garrot ENCADRÉ 9 Informations pour les patients Pour utiliser efficacement les compressions, les patients doivent connaître les éléments suivants : ■ mode d’action de la compression élastique, permettant de contrôler le lymphœdème ■ soins de peau à effectuer : appliquer une crème émolliente la nuit et utiliser une doublure en coton pour protéger la compression si la crème émolliente est appliquée juste avant la compression, ou lorsqu’il existe un risque de lésion cutanée ou une dermatite ■ intérêt et impératifs du port de la compression : importance d’un port quotidien, y compris pendant l’effort* ■ mode d’application de la compression, notamment nécessité de supprimer tous les plis, d’éviter de trop étirer la compression (en la faisant remonter trop haut sur le membre) ou de la replier en haut et application de la compression le matin, lorsque le membre est le moins gonflé ■ intérêt du lavage fréquent de la compression, conformément aux instructions du fabricant, et d'un séchage à distance de toute source de chaleur directe ■ personnes à contacter en cas d’irritation, coupure ou décoloration cutanées ou sensations de douleurs et picotements, ou apparition d’un œdème périphérique ■ modalités de surveillance de l’œdème et personnes à contacter en cas d’aggravation. *Pour nager, il est conseillé d'utiliser une compression usagée. En effet, comme le chlore endommage les fibres, l'utilisation de compressions récentes n'est pas recommandée. importants. On préconise de ce type de traitement lorsque les membres sont volumineux, la peau en bon état et les patients jeunes. Les compressions à tricot plat prêtes à l’emploi ou sur mesure sont généralement recommandées chez ce groupe de patients mais G U I D E P R AT I Q U E FIGURE 4 Compression mal appliquée, provoquant un œdème proximal FIGURE 5 Compression à tricot circulaire provoquant un cisaillement au niveau de la cheville FIGURE 6 Œdème des orteils ENCADRÉ 10 Aides de pose ■ ■ ■ ■ Gants en caoutchouc côtelé Tapis anti-dérapants Chaussons en soie Applicateurs en métal ENCADRÉ 11 Maintien des compressions en place ■ Colle cutanée ■ Bande en silicone en haut de la compression (ne doit pas cisailler ou aggraver l’œdème) ■ Ceinture ■ Gaine ■ Gaine-culotte les compressions à tricot circulaire restent utiles. Lorsque l’œdème est mal contrôlé, on peut recourir à la pose d’un dispositif de compression ajustable inélastique au-dessus de la compression élastique au niveau du pied et de la partie inférieure du membre inférieur. En cas de difficultés de pose ou de tolérance à ces niveaux de compression, il est possible d’associer des compressions élastiques et un BMC, ou la superposition de compressions élastiques pour obtenir un contrôle suffisant de l’œdème. Les niveaux très élevés de compression doivent toujours être utilisés avec prudence en raison du risque important d'insuffisance circulatoire. Il incombe à un spécialiste de commencer le traitement par compression puis d’apprendre au patient à effectuer un BMC lorsque la compression n’est pas portée. ADAPTATION ET ÉVALUATION Un médecin expérimenté doit toujours vérifier si la nouvelle compression prescrite est bien adaptée (Encadré 8) et s’assurer que les patients sont suffisamment bien informés pour utiliser leurs compressions de manière efficace et appropriée (Encadré 9). Le médecin devra également montrer au patient/la personne soignante comment mettre en place et retirer la compression et vérifier qu’il/elle a la capacité d’effectuer ces tâches. Le recours à des aides pour l’application (Encadré 10) et à des stratégies destinées à éviter le glissement de la compression (Encadré 11) est parfois nécessaire. Les patients seront revus toutes les quatre à six semaines après le premier essayage25, puis tous les trois à six mois si la compression est bien adaptée et la réponse à la compression satisfaisante. Pendant la réévaluation, les médecins devront demander aux patients leur avis concernant l’évolution de leur œdème et le confronteront au leur ; ils s’assureront également que le niveau de compression est adapté et évalueront la capacité du patient/de la personne soignante à poser/mettre/entretenir la compression et prendre soin du membre atteint (Figure 4). La présence d’une douleur doit attirer l’attention car elle peut indiquer un problème de type ischémie, infection ou thrombose veineuse profonde. On vérifiera à ce titre que la compression ne provoque pas de lésions au niveau du pied et de la cheville. Les compressions à tricot circulaire peuvent provoquer des cisaillements dans ces régions, et être à l’origine d’un effet garrot (Figure 5), de lésions tissulaires et d’un « piégeage » de l’œdème. Les compressions à tricot plat peuvent être très utiles dans ce cas. Si la situation s’aggrave, les médecins doivent réévaluer le patient pour déterminer si son état général a changé ou s’il existe des problèmes interférant sur la capacité d'auto traitement du patient, comme par exemple l’accès à une aide extérieure. Pour améliorer la situation, les médecins doivent alors envisager une adaptation de la compression élastique ou bien une période de traitement intensif par drainage lymphatique manuel et BMC. Les éléments de réussite du traitement énoncés dans l’algorithme sont des indicateurs de traitement compressif efficace et d’une prise en charge individuelle suffisante pour améliorer l’état du membre atteint et de maintenir ces améliorations. Renouvellement de la compression La nécessité de remplacer les compressions doit être évaluée tous les trois à six mois ou lorsque la compression perd de son élasticité. Le remplacement peut être plus fréquent chez les patients très actifs. RÉSOLUTION DES PROBLÈMES En cas de lymphœdème des pieds, l’utilisation de compressions élastiques nécessite des précautions soigneuses pour éviter d’aggraver des problèmes concomitants ou de compromettre la mobilité. En effet, de nombreux sujets âgés souffrent également de problèmes podologiques concomitants (neuropathie, orteils en griffes) ou présentent des callosités, notamment s'ils ont des troubles de la marche ou des déformations osseuses. La consultation d'un podologue est alors indispensable. Œdème des orteils Des couvre-orteils à tricot plat sur mesure peuvent être nécessaires dans le lymphœdème des orteils (Figure 6) mais les patients moins agiles ou ayant du mal à se pencher en avant auront tendance à trouver leur application difficile. Une compression à pied fermé semble alors plus appropriée. Œdème de l’avant-pied Les compressions à pied ouvert sont parfois plus faciles à mettre que les compressions à pied fermé et sont souvent suffisantes s’il n’y a pas de risque d’œdème des orteils. Les compressions à pied fermé sont utiles dans les œdèmes légers des orteils et de l’avant-pied, notamment chez le sujet âgé qui a des difficultés à mettre des couvreorteils. Une compression à tricot plat contrôle souvent plus efficacement l’œdème de l’avantpied que les compressions à tricot circulaire. Chez les patients ne souffrant que d’un lymphœdème du pied, on peut utiliser un bandage inélastique du pied pour stabiliser l'œdème et réduire l'épaississement tissulaire. La pression appliquée par le dispositif peut être modulée par la tension exercée par les bandes de fixation. Cette 19 20 G U I D E P R AT I Q U E méthode et le recours à un dispositif de compression ajustable inélastique pour jambe entière peuvent être particulièrement utiles chez le sujet âgé en cas de difficultés à mettre la compression en place et chez qui l’œdème rebond ou déclive constitue un problème important. Œdème de l’avant-pied FIGURE 7 Œdème de l’avant-pied FIGURE 8 Mycose d’un pli cutané Une compression à tricot plat sur mesure peut être nécessaire pour appliquer une contrepression suffisante sur un avant-pied bombé (Figure 7). Il est également possible d’ajouter une pression supplémentaire en glissant sous la compression un coussinet en mousse coupé à la bonne taille et à bords biseautés, maintenu par un bandage. Le drainage lymphatique manuel peut contribuer à réduire l’œdème et l’épaississement tissulaire dans cette région difficile à traiter. Un bandage ajustable inélastique peut également être ajouté à la compression ou au drainage lymphatique simple/manuel. Il est primordial de vérifier que les chaussures n’aggravent pas le bombement. Le port de chaussures de maintien bien adaptées joue un rôle important dans la réduction et le contrôle de l’œdème. Débordement du lymphœdème au niveau de la cheville FIGURE 9 Coussinet de stase pour œdème rétromalléolaire avant application d’une compression élastique Le lymphœdème des membres inférieurs s’accompagne souvent de plis cutanés qui débordent autour du pied. Avant de pouvoir utiliser des compressions, les patients devront être traités par BMC. Des protections en mousse peuvent être placées entre les plis cutanés pour éviter des lésions de compression au moment de l’application des compressions. On veillera en outre à éviter la prolifération d’infections fongiques dans les plis cutanés (Figure 8). En cas de mycose, il peut être nécessaire d’arrêter le port des compressions pendant le traitement de l’infection et de poursuivre le traitement compressif par bandages. Œdème rétromalléolaire avec épaississement tissulaire FIGURE 10 Patient avec déformation des membres inférieurs provoquant un élargissement du polygone de sustentation et une éversion des pieds Des coussinets en mousse peuvent être appliqués sur la région rétromalléolaire pour exercer une contre-pression locale et réduire l’épaississement tissulaire sous-jacent (Figure 9). Ces coussinets peuvent être portés sous la compression, être intégrés aux compressions sur mesure pendant la fabrication ou être introduits dans des poches prévues à cet effet dans la compression. La mousse peut être découpée et moulée autour des malléoles pour contribuer à empêcher les ulcérations chez les patients souffrant d'insuffisance veineuse et de lymphœdème. Hallux valgus et durillons Les compressions à pied fermé sont préférables chez les patients ayant un hallux valgus ou des durillons en raison du risque de compression dû à la bande terminale des compressions à pied ouvert. Les compressions à pied biseauté peuvent également être utiles dans ce cas. L’application d’une mousse adhésive destinée à soulager la pression exercée peut éviter les traumatismes ou frottements cutanés au-dessus de la zone vulnérable. Genoux adipeux/arthrosiques Les compressions sans bandes de fixation (manchons) permettent d’éviter l’enroulement et s’adaptent aux genoux adipeux ou arthrosiques. Pour empêcher le glissement, on peut recourir aux colles cutanées. Il existe une gamme complète de compressions prêtes à l’emploi, de styles et de tailles variés, y compris pour les mollets très volumineux. Cependant, il est souvent nécessaire d’utiliser une compression à tricot plat sur mesure en raison de la déformation importante du membre. Des coussinets de stase à forme progressive ou en copeaux de mousse peuvent être utilisés pour centrer la contre-pression sur l’épaississement tissulaire à l’avant de la jambe, sous la rotule. Si nécessaire, au lieu de recourir à une compression à hauteur de cuisse, les coussinets de stase peuvent être maintenus en place avec une genouillère orthopédique élastique associée à un bas jarret de compression superposé. Déformations des pieds et anomalies de la marche La déformation qui résulte du lymphœdème des membres inférieurs peut interférer sur la mobilité et la marche (Figure 10). Les médecins doivent toujours évaluer la marche des patients pour détecter une éventuelle anomalie de la marche et déterminer l’intérêt d'une kinésithérapie. Des chaussures sur mesure sont parfois nécessaires si les troubles de la marche sont importants et peuvent également contribuer à maîtriser l’œdème de l’avant-pied. Si les troubles de la marche sont associés à une coxalgie ou une gonalgie, des examens complémentaires peuvent être nécessaires. LYMPHŒDEME DU TRONC ET DES ORGANES GENITAUX Il n’existe aucune recommandation internationale concernant la contre-pression requise pour la compression du tronc mais l’expérience clinique suggère qu’il faut des pressions supérieures à 25 mmHg pour traiter l’œdème dans ces régions. Les œdèmes du tronc et des organes génitaux G U I D E P R AT I Q U E FIGURE 11 Lymphœdème génital post-chirurgical chez une femme © Földiklinik, Allemagne. Reproduit avec autorisation. FIGURE 12 Lymphœdème génital chez un homme, avec lymphœdème unilatéral du membre inférieur L’œdème scrotal justifie le port d’une compression scrotale © Földiklinik, Allemagne. Reproduit avec autorisation. (Figures 11 et 12) coexistent souvent avec un lymphœdème des membres inférieurs. L’aine est une zone difficile à comprimer et peut nécessiter des associations de compressions. Il peut être utile d’utiliser des collants à une ou deux jambes passant au-dessus de l’aine avec un gousset fermé. Les lobes pendants doivent être soutenus et protégés par des morceaux de mousse spécialement découpés. Un rembourrage en mousse façonné en fonction des contours anatomiques peut être placé au-dessus de l’éminence pubienne sous les garnitures compressives. En cas d’œdème scrotal, il est possible d’utiliser des compressions de soutien, y compris des suspensoirs. Si les fortes contrepressions ne sont pas tolérées, un short de cycliste peut être utile. Les patients souffrant de lymphœdème du tronc et/ou génital ont désormais à leur disposition une gamme de plus en plus large de garnitures compressives spécifiques. CONCLUSION Les compressions élastiques continuent de jouer un rôle majeur dans le traitement du lymphœdème des membres inférieurs. Elles doivent être envisagées en présence d’un œdème avec signe du godet minime ou absent. Le choix final de la compressions doit tenir compte des nombreux facteurs qui ont été présentés dans le présent article, qu’ils soient liés au patient lui-même ou au lymphœdème. D’autres études seront nécessaires pour évaluer plus précisément l’intérêt clinique et économique des compressions élastiques dans différents groupes de patients, ce qui permettra d’établir les futures recommandations, en les fondant sur les études empiriques et les connaissances accumulées dans la pratique clinique. RÉFÉRENCES 1. Badger C, Seers K, Preston N, Mortimer P. Antibiotics/antiinflammatories for reducing acute inflammatory episodes in lymphoedema of the limbs. Cochrane Database Syst Rev 2004; 2: CD003143. 2. Badger C, Preston N, Seers K, Mortimer P. Benzo-pyrones for reducing and controlling lymphoedema of the limbs. Cochrane Database Syst Rev 2004; 2: CD003140. 3. Badger C, Preston N, Seers K, Mortimer P. Physical therapies for reducing and controlling lymphoedema of the limbs. Cochrane Database Syst Rev 2004; 4: CD003141. 4. Murphy MK, Black NA, Lamping DL, et al. Consensus development methods, and their use in clinical guideline development. Health Technol Assess 1998; 2(3): i-iv, 1-88. 5. International Society of Lymphology. The diagnosis and treatment of peripheral lymphedema. Consensus document of the International Society of Lymphology. Lymphology 2003; 36(2): 84-91. 6. Moffatt CJ, Morgan P, Doherty D. The Lymphoedema Framework: a consensus on lymphoedema bandaging. In: European Wound Management Association (EWMA). Focus Document: Lymphoedema bandaging in practice. London: MEP Ltd, 2005: 5-9. 7. Twycross R, Jenns K, Todd J (eds). Lymphoedema. Oxford: Radcliffe Medical Press, 2000. 8. Royal College of Nursing. Clinical Practice Guidelines: the management of patients with venous leg ulcers. London: RCN Institute, 1998. 9. British Lymphology Society. Chronic oedema population and needs. Sevenoaks, Kent: BLS, 1999. 10. Morgan PA, Moody M, Franks PJ, et al. Assessing community nurses' level of knowledge of lymphoedema. Br J Nurs 2005; 14(1): 8-13. 11. Partsch H, Rabe E, Stemmer R. Compression Therapy of the Extremities. Paris: Editions Phlébologiques Francaises, 1999. 12. Cameron J. Skin care for patients with chronic leg ulcers. J Wound Care 1998; 7(9): 459-62. 13. Barlow JH, Wright C, Sheasby J, et al. Self-management approaches for people with chronic conditions: a review. Patient Educ Couns 2002; 48(2): 177-87. 14. Rockson SG. Lymphoedema after surgery for cancer: the role of patient support groups in patient therapy. Health Outcomes 2002; 10(6): 345-47. 15. Mortimer PS, Levick JR. Chronic peripheral oedema: the critical role of the lymphatic system. Clin Med 2004; 4(5): 448-53. 16. Partsch H. Understanding the pathophysiological effects of compression. In: European Wound Management Association (EWMA). Position Document: Understanding compression therapy. London: MEP Ltd, 2003: 2-4. 17. Moffatt CJ, O'Hare L. Ankle pulses are not sufficient to detect impaired arterial circulation in patients with leg ulcers. J Wound Care 1995; 4(3): 134-38. 18. Vowden P, Vowden K. Doppler assessment and ABPI: interpretation in the management of leg ulceration, 2001. www.worldwidewounds.com (accessed March 2006). 19. Burns P, Gough S, Bradbury AW. Management of peripheral arterial disease in primary care. BMJ 2003; 326: 584-88. 20. Marston W, Vowden K. Compression therapy: a guide to safe practice. In: European Wound Management Association (EWMA). Position Document: Understanding compression therapy. London: MEP Ltd, 2003: 11-17. 21. Petrek JA, Lerner R. Lymphedema. In: Harris JR, Lippman ME, Morrow M, Hellman S (eds). Diseases of the Breast. Philadelphia: Lippincott-Raven, 1996: 896-903. 22. Deutsches Institut für Gütesicherung und Kennzeichnung Medizinische Kompressionsstrümpfe RAL-GZ 387. Berlin: Beuth 2000. Available from: www.beuth.de. 23. British Standards Institution. Specification for graduated compression hosiery. BS 6612:1985. London: BSI, 1985. Available from: www.cenorm.be/catweb. 24. Földi M, Földi E, Kubik S (eds). Textbook of Lymphology for Physicians and Lymphedema Therapists. San Francisco: Urban and Fischer, 2003. 25. Hulpmiddelenkompas. Therapeutische Elastische Kousen. Netherlands, Amstelveen: College voor Zorgverzekeringen, 2002. Available at: www.lymfoedeem.nl (accessed March 2006). 26. Cullum NA, Nelson EA, Fletcher AW, Sheldon TA. Compression for venous leg ulcers. Cochrane Database Syst Rev 2001; 2: CD000265. AUTRES RÉFÉRENCES Bonham PA. Photo guide: determining the toe brachial pressure index. Nursing 2003; 33(9): 54-55. European Wound Management Association (EWMA). Position Document: Understanding compression therapy. London: MEP Ltd, 2003: 11-17. Földi M, Földi E, Kubik S (eds). Textbook of Lymphology for Physicians and Lymphedema Therapists. San Francisco: Urban and Fischer, 2003. Gardon-Mollard C, Ramelet A-A. Compression Therapy. Paris, France: Masson SA, 1999. Twycross R, Jenns K, Todd J (eds). Lymphoedema. Oxford: Radcliffe Medical Press, 2000. Vowden K, Vowden P. Doppler and ABPI or LOI in screening for arterial disease. Wounds UK 2006; 2(1): 13-16. Vowden P, Vowden K. Doppler assessment and ABPI: interpretation in the management of leg ulceration, 2001. Available at: www.worldwidewounds.com (accessed March 2006). 21