Le cumul emploi / études chez les étudiants
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Le cumul emploi / études chez les étudiants
Les étudiants salariés des sciences de l'éducation. Cumul des études et d'un travail salarié : quelles conséquences sur la réussite au diplôme ? Sur l'efficacité de la formation ? Coordination Patrick Berteaux, Université de la Réunion, CIRCI Françoise F. Laot, Université Paris Descartes, CERLIS Nous proposons de prolonger et approfondir la journée d’étude proposée par l’Association des enseignants et chercheurs en sciences de l’éducation du 17 mai 2008. Lorsqu'elles se sont constituées en tant que discipline universitaire en 1967, les sciences de l'éducation s'adressaient surtout à des salariés-étudiants : enseignants, travailleurs sociaux, formateurs d'adultes. Avec la création des IUFM et le concours d'entrée au niveau Licence, le public des départements universitaires des sciences de l'éducation a considérablement rajeuni. Les "vrais" étudiants, en formation initiale, certains n'ayant aucune expérience professionnelle, ont fait leur apparition, dans certains endroits de manière massive. Depuis quelques années, une nouvelle tendance semble se dessiner, en sciences de l'éducation comme dans d'autres disciplines, l'émergence d'un nouveau public d'étudiants salariés cumulant études et emploi à temps partiel, voire à temps complet. Certains de ces emplois n'ont rien à voir avec les questions d'éducation (restauration, caisses de supermarchés...). D'autres, comme les emplois dans l'animation de centre de loisirs ou d'actions périscolaire ou de soutien scolaire, voire de baby sitting, etc. sont, au contraire, très directement reliées à certaines problématiques éducatives. Les étudiants pourraient alors être de fait mis en situation de quasi alternance, mettant à l'épreuve théorique leurs pratiques professionnelles. Que sait-on - que peut-on savoir - aujourd'hui des conditions de vie des étudiants de sciences de l'éducation par rapport au travail, en termes quantitatifs, mais aussi qualitatifs (durée de travail, types d'emploi, de pratiques professionnelles...) ? Comment se mixent ces différents publics : salariés étudiants, étudiant à temps complet, étudiants salariés ? Comment "s'y retrouvent-ils" ? Ont-ils tous les mêmes chances de parvenir au bout de leurs études ? En quoi, à quelles conditions, un étudiant salarié peut-il tirer profit de son activité extra-universitaire ? Que lui apporte cette expérience de travail salarié en matière d'insertion professionnelle ? Les dispositifs de formation peuvent-ils être adaptés pour permettre à chacun d'aller au bout de son projet de formation ? C'est à examiner cet ensemble de question qu'invite le symposium, il devrait également permettre d'aboutir à des propositions à faire aux responsables de l'observatoire de la vie étudiante et à éventuellement d’autres institutions susceptibles de fournir des données, en ce qui concerne la prise en compte de nouveaux indicateurs dans les enquêtes annuelles afin d'affiner les données exploitables. Mots clés : étudiants – salariés ; salariés – étudiants ; sciences de l’éducation ; emploi ; études universitaires Le cumul emploi / études chez les étudiants Le cas des étudiants en sciences de l’éducation Saeed Paivandi ESSI-CRES (Centre de recherche sur l’enseignement supéieur) Université Paris 8 La condition d’étudiant est souvent définie en rapport avec l’environnement et les pratiques d’études mais aussi en prenant en compte le cadre de sa vie sociale et économique. Les enquêtes sur la vie étudiante depuis les années 1980 tendent à associer la condition de vie et d’études des étudiants avec leur parcours et leur performance universitaire. Cependant, les indicateurs établis par le ministère se construisent en rapport avec les données purement “scolaires” : la réussite universitaire se calcule à la fois au niveau final des études et au rythme du parcours. Les étudiants les plus “performants” sont ceux qui parviennent au plus vite au terme du parcours universitaire. Ces indicateurs de performance ne s’intéressent pas souvent aux facteurs sociaux qui augmentent les risques d’échec ou d’abandon. Par exemple, on connaît bien l’interférence entre l’exercice d’une activité rémunérée et les exigences des études universitaires. Pour les étudiants qui exercent une activité rémunérée au cours de leurs études, semblent être davantage exposés aux les phénomènes comme l’absentéisme, l’interruption précoce des études ou leur prolongation. Ce qu’on appelle la « précarité » étudiante est un facteur à prendre en considération dans le débat sur la performance universitaire des étudiants. Les établissements de l’enseignement supérieur ou les différentes filières d’études ne sont pas concernés de la même façon par ce phénomène de précarité étudiante. Ma communication tente d’examiner le phénomène concernant le travail étudiant, son ampleur, ses caractéristiques et ses impacts en s’appuyant sur le cas particulier des étudiants inscrits en sciences de l’éducation. J’ai exploré l’enquête de l’OVE (2006) sur les étudiants tout en m’appuyant sur les entretiens que j’ai réalisés dans le cadre de mon enquête sur les étudiants entre 2002 et 2006. Etudier à l’université et travailler La lecture des différentes enquêtes récentes sur la vie étudiante permet de constater que parmi les difficultés inhérentes aux conditions de vie étudiante, le problème financier demeure le plus fréquemment cité par les étudiants. Dans cette perspective, exercer une activité professionnelle, quelque soit sa durée et sa nature s’impose comme une solution souvent inévitable pour financer ses études. Ce phénomène se développe un peu partout en Europe (M. Wolbers, 2001) et ailleurs et le terme d’étudiant-travailleur ou d’étudiant-salarié est de plus en plus utilisé dans la littérature sur les étudiants. Le travail sur l’économie et le budget des étudiants (les dépenses, l’activité rémunérée, la bourse, les aides familiales ou publiques) doit prendre en compte la particularité de cette catégorie sociale. En effet, la spécificité de la vie étudiante et leur dépendance familiale empêchent à assimiler leur condition aux catégories habituellement utilisées pour décrire l’économie des ménages (le « budget », le « seuil de pauvreté »...). Cependant, depuis les années 1980 les différentes enquêtes sur les étudiants révèlent les difficultés financières des étudiants et la condition de vie déplorable de certains groupes d’étudiants qui ne peuvent pas compter sur le soutien de leur famille. Elles montrent également qu’on est face à des situations très contrastées variant entre la dépendance totale et l’autonomie relative ou totale. Les différentes enquêtes sur la vie étudiante montrent bien que la famille des étudiants participe très souvent au financement de leurs études. L’aide familiale peut prendre des formes différentes et parfois son chiffrage pose un vrai problème. Un nombre important d’étudiants continuent à cohabiter avec les parents et l’aide familiale constitue parfois l’essentiel du budget étudiant. Les données de l’OVE 1 montrent également que cette dépendance familiale tend à diminuer avec l’âge. On constate que la prise en charge familiale est nettement plus significative au début du parcours supérieur. Inversement, la part des autres sources financières comme le revenu de l’activité professionnelle augmente progressivement. C’est à 23 ans que le revenu personnel devient supérieur à l’aide familiale (Grignon et Gruel, 2000, p. 164) ou C’est à 24 ans que les étudiants « cohabitant » deviennent minoritaires. Cette analyse est particulièrement vraie pour les étudiants en formation initiale. En revanche, les étudiants adultes en reprise d’études semblent être une catégorie tout à fait à part quant à leurs conditions de vie et leur relation aux activités salariales ne ressemble pas souvent à celle de leurs jeunes camarades assis à leur côté les bancs de l’université. Beaucoup de ces étudiants adultes en reprise d’études associent tant bien que mal leur activité professionnelle aux études supérieures. Certains se trouvent également en situation de rupture de l’activité professionnelle tout en bénéficiant un dispositif financier (CIF…) de formation (Farzad et Paivandi, 2000). Dans l’ensemble, l’autonomie financière des étudiants est assez fragile et faible car une partie de leurs sources proviennent de l’assistance et leur activité rémunérée est souvent précaire. Le revenu de l’activité professionnelle est très variable selon le cas : on procure un « appoint » et parfois il s’agit d’un simple argent de poche ou de financer une grande partie de ses dépenses. Les enquêtes menées par l’OVE et l’INSEE montrent que la diversité notable des situations dans le processus d’accès à l’autonomie financière renvoie souvent à l’origine sociale des étudiants et à leur volonté de réduire la tutelle familiale. L’autofinancement des études semble être un processus inégalement vécu par les uns et les autres. Cependant, le désir de s’autofinancer dépasse le clivage des classes sociales. On voit que l’exercice d’une activité professionnelle s’observe également chez les jeunes d’origine favorisée sans que son sens soit le même, pour certains il s’agit d’un revenu pour « survivre » et pour les autres un revenu d’appoint. De même, les activités salariées ne sont pas homogènes, et se distinguent par leur durée hebdomadaire ou mensuelle, leur statut occasionnel ou régulier, leur degré de relation avec les études et le montant des revenus qu'elles fournissent. Les enquêtes triennales régulières de l'OVE (la première en 1994 et la dernière en 2006) font un point chiffré et complet sur les conditions financières des étudiants. Elles montrent que, d'une façon générale, les étudiants tendent à combiner en majorité plusieurs sources de revenus afin d'assurer le financement de leurs études. Trois sources sont souvent mentionnées par les étudiants : les revenus du travail salarié, l'aide familiale dans ses formes multiples et les aides publiques directes. Le poids de chaque source varie selon la situation de chaque groupe d'étudiants. Le mode de financement « unique », c'est à dire provenant exclusivement d'une seule de ces sources, concerne une minorité d'étudiants. Le rapport remis par l’OVE au Ministère de la jeunesse (Grignon, 2004), de l’Education Nationale et de la Recherche qui repose sur les résultats de l’enquête réalisée par l’OVE en 2000 fait un point complet sur cette question. C’est l’actualisation du précédent rapport, dont on a conservé pour l’essentiel le plan et le raisonnement ; la proportion des étudiants en difficulté par rapport à l’ensemble des étudiants et leurs caractéristiques ont en effet assez peu changé depuis 1997. Les étudiants qui n’exercent aucune activité rémunérée pendant l’année universitaire (en dehors des vacances d’été) sont encore majoritaires (54,5%) , mais moins qu’en 1997 (63%). La part des étudiants qui exercent une activité rémunérée pendant l’année universitaire (en dehors des vacances d’été) augmente donc : 37,2% en 1997, 45,5% en 2000. Il en va de même pour la part de ceux qui exercent une activité rémunérée régulière, susceptible d’entrer en concurrence avec leurs études. 1 . Observatoire de la Vie Etudiante mène depuis 1994 les enquêtes régulières sur les conditions de vie étudiante en France. Parmi ceux qui ont une activité, les deux-tiers travaillent occasionnellement, 18,5% travaillent au moins à mi-temps, au moins six mois par an (soit 8,5% de l’ensemble des étudiants), 15,5% travaillent à plein temps (7% de l’ensemble). Le rapport de l’OVE tente d’établir un bilan de la concurrence entre le travail et les études, il faut évidemment mettre à part les activités rémunérées qui sont intégrées aux études (par exemple les emplois d’ATER, de professeur stagiaire ou d’élève professeur, de vacataire universitaire, d’interne ou d’externe des hôpitaux) ; elles concernent 22% des étudiants qui travaillent (L’OVE se base sur un travail au moins à mi-temps, au moins six mois par ans pour qualifier un contrat de « concurrentiel ».), 10% de l’ensemble des étudiants. Les activités rémunérées sans rapport avec les études vont de l’activité d’appoint traditionnelle au métier à plein temps, des tâches d’exécution aux emplois qualifiés susceptibles de déboucher sur un recrutement. Les plus fréquentes sont la garde d’enfants, les leçons particulières mais aussi les « jobs » d’employé de commerce. Selon le rapport, les données de l’enquête sous-estiment sans doute légèrement le poids des étudiants exerçant une activité rémunérée non liée aux études. On doit donc dire qu’au moins les trois quarts des étudiants exercent au moins un petit job pendant l’été et/ou l’année universitaire. Parmi ceux qui exercent une activité rémunérée pendant l’année universitaire (soit près de la moitié de l’ensemble des inscrits), 80% ont un emploi parallèle aux études ; les autres ont une activité au moins en partie intégrée à leurs études (stage, vacation dans un laboratoire, internat hospitalier, etc. ). Le rapport se réfère au chiffre concernant ceux qui ont fait un travail d’été (29% du total) pour conclure que seulement un étudiant sur quatre n’a pas exercé une activité professionnelle : 13% une activité parallèle au moins à mi-temps, 24% un travail permanent et 9% une activité intégrée aux études. Les dernières données concernant 2006 confirment les tendances observées par les enquêtes précédentes. Selon les résultants de l’enquête 2006, plus de 75 % des étudiants exercent une activité rémunérée. Parmi eux, 31 % ne sont concernés que par des jobs estivaux. Néanmoins, restent 9 % dont la profession est intégrée aux études (l’apprentissage et les stages conventionnés), 25 % ont un job, 10 % ont une activité qui concurrence les études. Ces travails sont effectués à 14 % par des catégories sociales populaires contre 11,5 % pour les enfants de cadres supérieurs. Selon le rapport de l’OVE, Le fait que le travail rémunéré permet d’améliorer la condition financière ne signifie cependant pas qu’ils échappent à la précarité (Grignon, 2004). Les données de l’OVE montrent également que la proportion de ceux qui exercent une activité rémunérée augmente avec l’âge. La dernière enquête de l’OVE (2006) montre que le taux d’étudiants exerçant une activité rémunérée pendant l’année universitaire varie considérablement entre 23% et 73% selon l’âge : près de 23% des étudiants ayant 18 ans en 2006 déclarent avoir une activité régulière contre 73%. Les activités sont également très différentes selon l’âge. Les étudiants les plus jeunes tendent à exercer plus souvent des « petits boulots » occasionnels sans grande incidence budgétaire et sans conséquences scolaires. Leurs aînés pratiquent plus fréquemment des activités régulières mais, selon notamment le type d'études suivies, le niveau d’études, l'origine sociale, ils ont des chances inégales d'exercer ces activités dans le cadre de leur formation ou, au contraire, en concurrence avec elle. Les données publiées par l'INSEE sur le travail étudiant (2004-2006) indiquent un taux d’activité nettement moins élevé (19 % ont un « emploi »). L'étude de l'INSEE montre que depuis 1990 l'emploi étudiant augmente d'une manière régulière. Deux raisons sont avancées pour expliquer ce phénomène : la massification de l'enseignement supérieur et la présence plus importante des enfants d'origine défavorisée. La professionnalisation accrue des études a largement participé à l'augmentation de ce type d'activité professionnelle chez les étudiants. Selon cette étude, le taux d’emploi des étudiants tend à évoluer au cours de l’année en fonction du calendrier scolaire. Il est plus faible en début d’année scolaire (17 %) et plus intense au printemps en raison des stages (20 %) et surtout pendant les vacances d’été du fait d’emplois occasionnels (24 %)2. Comme on a déjà remarqué dans les enquêtes de l'OVE, les données de l'INSEE montrent également que le cumul emploi / études chez les étudiants peut avoir des formes très différentes. L’activité exercée peut être formellement associée aux études (stages, apprentissage) et si celle-ci n’est pas intégrée aux études, elle sera exercée de manière régulière au cours de l’année ou seulement occasionnellement. L’activité peut comprendre une charge horaire relativement lourde (nombre d’heures travaillées par semaine, travail le soir ou la nuit). L'enquête statistique de l'INSEE tente de saisir les trois dimensions de ce phénomène : formes d’emploi, conditions d’emploi et adéquation avec les études. Celles-ci contribuent à construire une typologie des emplois des étudiants. Les types d’emploi exercé renvoient aux raisons qui conduisent un étudiant à travailler : organisation pédagogique du cursus, besoins financiers ou encore étape vers la vie adulte. L'INSEE tente d'examiner à partir des modèles économétriques « toutes choses égales par ailleurs » les effets des caractéristiques socio-démographiques et scolaires sur le fait d’exercer ces types d’emploi. On tente également d’effectuer une classification hiérarchique fondée sur les variables suivantes : la forme d’emploi (régulier, occasionnel, stage, apprentissage), le nombre d’heures travaillées par jour, le nombre de jours travaillés par semaine, l’adéquation de la profession avec le domaine d’études, avec le niveau des études, le travail de nuit ou en soirée. La typologie élaborée permet de trouver les éléments de réponse « qualitatifs » du travail étudiant au cours de l'année. Selon cette étude, la moitié des emplois des étudiants du supérieur a un lien direct avec leur formation. Il existe deux types d’emploi directement « intégrés » dans le cursus : l’apprentissage et les stages. Les stages sont moins présents au début du parcours et de plus en plus fréquents avec l’avancée dans les études. L’apprentissage est beaucoup plus utilisé dans les formations professionnelles courtes (STS, IUT), et dans une moindre mesure, dans les écoles d’ingénieur et de commerce. La palette des professions exercées dans le cadre de stages est beaucoup plus large. Elle inclut en particulier des métiers qualifiés du secteur public (médecins, infirmiers, enseignants...) qui exigent un stage d’entrée. Il existe également d'autres types d'emplois en rapport avec la formation suivie par l’étudiant sans prendre la forme d'un stage. Ces emplois, qui sont qualifiés de « pré-insérés », concernent 13 % des étudiants ayant une activité. Ils sont plus fréquents chez les étudiants de premier cycle professionnalisant, et surtout chez les doctorants. Il s’agit principalement d’allocataires de recherche ou de médecins (41 % de ces emplois à eux seuls). L’enquête de l’INSEE indique qu’un tiers des étudiants du supérieur qui travaillent occupent un emploi régulier ayant peu de lien avec leurs études. Au sein de ces emplois, trois groupes peuvent être distingués. Les emplois « d’attente » présentent une charge horaire lourde : ils sont exercés au moins trois jours par semaine pour en moyenne 28 heures hebdomadaires. A la différence des emplois « pré-insérés », ces emplois à la qualification peu élevée ne sont pas en accord avec le niveau d’études des étudiants (les vendeurs et les employés ou techniciens administratifs). Ces emplois sont toutes choses égales par ailleurs plus souvent exercés par les étudiants en sciences humaines (sciences sociales, économie, droit). Les emplois considérés comme « concurrents » se caractérisent par des horaires lourds et une absence de lien avec le niveau et le domaine d’études. Souvent exercés le soir ou la nuit, ils sont susceptibles de peser encore plus fortement sur les études. L'enquête de l'INSEE révèle que les étudiants de cette catégorie expriment plus souvent que les autres le souhait de changer d’emploi. Les surveillants, les serveurs et les coursiers sont les professions typiques 2 . Insee, enquêtes Emploi, 2004-2006 de ce groupe. Toutes choses égales par ailleurs, les étudiants en éducation et en lettres exercent plus souvent ce type d’emploi. Cette forme d’emploi est d’autant plus fréquente que les étudiants sont âgés inscrits au niveau licence (L3) ou maîtrise (M1). Les enfants d'origine populaire exercent plus que les autres ce type d'emploi. Les « emplois d’appoint » sont souvent exercés de manière régulière, n’ont de lien ni avec le niveau ni avec le domaine d’études. En revanche, ce sont des emplois à temps très partiel : un ou deux jours par semaine, le plus souvent le week-end. Les vendeurs, les caissiers et les surveillants y sont surreprésentés. Ces « emplois d’appoint » sont plus fréquents chez les étudiants en lettres, et, dans une moindre mesure, chez ceux en sciences humaines et en éducation. Tout comme les emplois concurrents, ces emplois, dont la motivation est sans doute financière, sont moins répandus chez les jeunes dont le père est cadre ou indépendant. L'enquête de l'INSEE montre que le fait d'avoir un emploi régulier pendant ses études condition d’une plus grande autonomie. Les étudiants occupant de tels emplois sont généralement plus âgés, ont plus souvent un logement indépendant ou encore vivent plus souvent en couple. Un étudiant qui a son propre logement a deux fois plus souvent un emploi régulier qu’un étudiant qui vit chez ses parents. On peut également penser qu’avoir son propre logement impose de nouvelles charges financières poussant l’étudiant à travailler. Enfin, les 20 % restants des étudiants du supérieur qui travaillent le font de manière occasionnelle : un ou deux jours par semaine, souvent le week-end (« petits boulots »), le plus souvent pendant la période estivale (« jobs d’été »). Les professions les plus concernées par ces « petits boulots » sont les suivantes : les emplois d’employé administratif, d’ouvrier, de vendeur, de serveur ou d’animateur. Les étudiants salariés en sciences de l'éducation L’enquête de 2006 de l’OVE a été réalisée sur un échantillon de 25952 étudiants dont 282 inscrits en sciences de l’éducation. Les femmes comprennent une large majorité de la souspopulation inscrite en sciences de l’éducation (83% contre 66% pour l’ensemble) et les étudiants de moins de 25 ans sont nettement présents (62% contre 89% pour l’ensemble). Les étrangers constituent seulement 7% de la population étudiante (près de 15% pour l’ensemble d’étudiants inscrits à l’université). Les étudiants inscrits en sciences de l’éducation se distinguent également par leur origine sociale. Comme on peut voir sur le tableau 1, près de deux étudiants sur trois ont un père ouvrier, employé ou ayant une profession intermédiaire (56% pour l’ensemble). A l’opposé, les étudiants en sciences de l’éducation ayant un père parmi les cadres supérieurs et les professions libérales sont largement sous représentés. La comparaison des étudiants de plusieurs filières selon leur origine sociale révèle que ceux qui sont inscrits en sciences de l’éducation et en AES peuvent être considérés comme les plus « défavorisés » de l’Université. Tableau 1 : l’origine socio-professionnelle des étudiants selon la filière d’tudes (l’enquête 2006 de l’OVE) Agriculteur Artisan Cadre Profession Employé commerçant supérieur intermédiaire Ouvrier Total Lettres 1% 8% 31% 25% 13% 22% 100% Langues 2% 10% 25% 25% 14% 24% 100% Sociologie 3% 10% 26% 24% 13% 24% 100% Psychologie 3% 9% 25% 27% 12% 23% 100% Droit 3% 11% 36% 21% 12% 17% 100% Math informatique 4% 8% 31% 26% 12% 19% 100% AES 4% 7% 22% 22% 15% 30% 100% Autres 4% 9% 34% 24% 11% 19% 100% Biologie 4% 8% 33% 25% 11% 19% 100% Géo-histoire 4% 7% 29% 27% 12% 21% 100% 2% 10% 22% 26% 12% 28% 100% 4% 9% 32% 24% 12% 20% 100% Sciences l'éducation Profil moyen de Les résultats de l’enquête de l’OVE révèlent que les étudiants inscrits en sciences de l’éducation ont un taux d’activité professionnelle nettement supérieur à la moyenne : 85% d’entre eux disent exercer une activité professionnelle au cours de l’année ou seulement durant l’été (le profil moyen étant de 76%). Cette différente devient encore plus importante si on se réfère uniquement à l’activité professionnelle exercée pendant l’année. Selon les données de l’enquête 72% des étudiants inscrits en sciences de l’éducation déclarent exercer une activité rémunérée en dehors de la période estivale contre seulement 45% pour l’ensemble de la population étudiante enquêtée. Le même taux est nettement moins élevé pour les étudiants de certaines filières comme la biologie (36% d’actifs au cours de l’année). Le taux d’activité chez les étudiants en sciences de l’éducation montre que la poursuite d’études supérieures pour eux est parfois strictement subordonnée à l’exercice d’activités rémunérées régulières. Issus de familles défavorisées socio économiquement, ils reçoivent très peu d’aides financières de la part de leurs parents. Pour faire face à l’ensemble des dépenses de subsistance et d’études, ces étudiants sont dans l’obligation de travailler régulièrement pour compléter le versement des aides publiques (bourse sur critères sociaux et allocation pour le logement). La comparaison des taux d’emploi parmi les étudiants des différentes filières montre que le travail ne permet pas de poursuivre n’importe quel type d’études. Les filières les plus « exigeantes » et les plus sélectives impose que la vie des étudiants soit tout entière organisée autour des études. Celles-ci (CPGE, IUT, STS, Grandes écoles…) ne tolèrent pas la concurrence d’une activité rémunérée régulière. Les étudiants que le manque de ressources oblige à travailler en sont pratiquement exclus. C’est seulement dans les filières où l’organisation pédagogique est moins « lourde », que l’on peut travailler pour poursuivre des études. Tableau 2 : l’exercice d’une activité professionnelle selon la filière d’études (l’enquête 2006 de l’OVE) jobs activité très concurrente des études Lettres 23% 23% 5% 33% 17% 100% 660 Langues 23% 27% 4% 30% 15% 100% 1805 Sociologie 15% 24% 5% 35% 20% 100% 487 Psychologie 18% 29% 5% 29% 19% 100% 1259 Droit Math infomatique 23% 33% 6% 28% 11% 100% 2496 26% 30% 13% 22% 10% 100% 786 AES 22% 35% 2% 29% 11% 100% 619 activité uniquement Pas d'activité l'été activité intégrée aux études Total Effectifs Autres 25% 32% 12% 23% 8% 100% 14911 Biologie 27% 37% 10% 20% 5% 100% 1210 Géo-histoire Sciences de l'éducation 17% 32% 6% 29% 15% 100% 1259 15% 13% 6% 28% 38% 100% 281 Profil moyen 24% 31% 9% 25% 10% 100% 25773 Comme on l’a déjà observé, les modalités de l'emploi étudiant sont très variées : certains ne travaillent que pendant les périodes de vacances, ou de manière saisonnière, d'autres de façon régulière sur l'année. Il peut s'agir d'un emploi intégré au cursus (stage, interne des hôpitaux, allocataire de recherche...), ou proche du domaine étudié. Un autre indicateur révélateur des étudiants inscrits en sciences de l’éducation est la forte proportion de ceux qui exercent une activité concurrente des études. Ce taux est près de quatre fois plus important que le profil moyen et huit fois plus élevé que celui des étudiants inscrits en biologie. Dans la typologie élaborée par l’OVE, ce type d’activité, très souvent sans aucun rapport avec le domaine d’études prend une place importante dans la vie étudiante. Dans la majorité des cas, les étudiants occupent pourtant un emploi non qualifié, sur des bases de rémunération minimales (parfois non déclaré). Les étudiants sont majoritairement employés à temps très partiels (mitemps et moins), un quart détenant d'un contrat à temps indéterminé. La durée de l’activité rémunérée constitue un autre indicateur traduisant la même tendance : 30% des étudiants ont une activité de plein temps (contre 15% pour l’ensemble et seulement 10% pour les étudiants inscrits en AES). Avec un écart moins important, le taux des étudiants inscrits en sciences de l’éducation exerçant une activité à mi-temps (29%) est plus élevé que celui des autres filières. Au total, 59% des étudiants en sciences de l’éducation déclarent exercer une activité rémunérée à mi-temps ou à plein temps. En revanche, ils sont nettement moins nombreux d’avoir exercé occasionnellement une activité professionnelle ou une activité régulière dont la durée est inférieure à mi-temps. Ces deux tableaux illustrent bien la situation nettement différente des étudiants inscrits en sciences de l’éducation en ce qui concerne l’exercice d’une activité professionnelle au cours des études universitaires. L’activité professionnelle concurrence leurs études et loin d’être une pratique marginale. Par ailleurs, exercer une activité à plein-temps ou à mi-temps varie considérablement selon le cycle d’études. Les étudiants inscrits en troisième cycle ont très massivement un emploi à plein temps (62%) ou à mi-temps (23%). Les étudiants en premier cycle sont nettement moins engagés dans le monde professionnel : un peu plus d’un étudiant sur deux exerce une activité à plein-temps ou à mi-temps. Animateur 14% Autres activitˇs 36% Employˇ de commerce 13% Enseignant 16% Surveillant 21% Le type d’activité fréquentée est une autre variable intéressante dans l’enquête de l’OVE. Comme on peut le constater sur le graphique 1, plus d’un étudiant sur deux exerce une activité dans les trois secteurs qui sont en rapport avec l’éducation ou l’école (surveillance, enseignement et animation). Cette donnée montre que 49% des étudiants enquêtés inscrits en sciences de l’éducation sont actifs dans des secteurs non-éducatifs et probablement sans rapport avec leur projet d’avenir. La durée d’activité est corrélée avec la nature de l’activité professionnelle. Les étudiants de sciences de l’éducation ayant une activité en rapport direct avec l’école (surveillance ou enseignement) ont plus de chance de l’exercer à plein-temps ou à mi-temps. Les animateurs tendent à pratiquer leur métier occasionnellement ou dans un cadre temporel limité (quelques heures par semaine). Les étudiants exerçant une activité comme employé de commerce la font à temps partiel (mi-temps ou moins). Ceux qui travaillent dans les autres secteurs ont tendance à exercer leur activité à plein temps (42%). L’analyse des différentes variables en relation avec les besoins financiers des étudiants inscrits en sciences de l’éducation selon leur situation familiale montre que le fait d’exercer une activité rémunérée ne revêt pas le même sens. Comme on l’a déjà souligné dans les autres enquêtes, pour une partie d’entre eux le travail permet d’avoir un revenu pour « survivre ». Pour une autre catégorie (souvent plus jeune et au début de leur parcours supérieur) l’exercice d’une activité est destiné à améliorer ses conditions de vie. Il ne s’agit ni d’un revenu pour « survivre », ni d’un revenu d’appoint. Logés souvent chez leurs parents tout en bénéficiant l’aide financière de la famille, les étudiants de cette catégorie semblent vivre dans une situation financière intermédiaire. La famille ne parvient pas à couvrir la totalité de leurs frais et le revenu du travail sert à arrondir les fins de mois pour avoir plus de conforts et diminuer la charge de la famille. Ces étudiants ne travaillent donc pas dans l’urgence financière, ce qui leur permet d’avoir plus de liberté dans le choix du métier et de sa durée. Un certain nombre d’étudiants travaillent de manière régulière, sur des petits mi-temps afin de ne pas gêner le déroulement de leurs études. Travailler pour un revenu d’appoint est souvent destiné à financer les loisirs ou les achats personnels complémentaires. Les activités choisies par ces groupes d’étudiants sont plus souples et parfois sont en lien avec leurs études (animation). On peut mentionner également les activités occupées occasionnellement et de très faibles volumes horaires (baby-sitting par exemple). Dans l’ensemble on peut dire que l’exercice d’une activité professionnelle durant les études universitaires a avant tout un caractère « économique » servant à financer partiellement ou entièrement la vie étudiante. Cependant, le fait que plus de 50% des étudiants enquêtés exercent leur activité en rapport avec l’éducation ou l’animation peut devenir un élément positif ou une expérience constructive s’ils visent à s’orienter vers un métier d’enseignement. Cependant, les données de l’enquête ne permettent pas de trouver quelques éléments de réponses relatifs aux salariés adultes en reprise d’études. Pour les étudiants jeunes en formation initiale, l’activité professionnelle semble servir essentiellement à financer les études entreprises à l’université. Les entretiens effectués dans le cadre d’une autre enquête montrent que cette première expérience dans un domaine éducatif peut avoir la valeur de test pour ceux qui éprouvent une incertitude en relation avec leur choix professionnel. En revanche, les étudiants en reprise d’études peuvent être dans une logique différente. Le fait d’exercer un métier dans un domaine non-éducatif n’est pas forcement le signe d’un éloignement de l’activité professionnelle par rapport aux études en cours. Ces étudiants sont souvent en situation de reconversion. Ils viennent à l’université sans quitter leur activité actuelle (avec ou sans rapport avec l’éducation) en souhaitant changer leur situation. Plusieurs enquêtes mettent en évidence l’existence de cette stratégie parmi les étudiants adultes en reprise d’études inscrits en sciences de l’éducation. Les effets de l’activité professionnelle L’exercice d’une activité rémunérée au cours des études supérieures suscite beaucoup de débats quant à son impact sur la performance des étudiants. Pour mesurer l’impact de l’activité rémunérée on doit s’interroger sur les motivations des étudiants les poussant à la faire. On a pu constater que le travail en cours d’études constitue avant tout une nécessité financière indispensable à la poursuite des études ou parfois un revenu d’appoint permettant d’accéder à une plus grande autonomie. En se référant aux recherches sur les étudiants, on peut repérer les effets de ce salariat précoce qui sont multiples : il est susceptible d’entrer en concurrence avec les études, de perturber le travail universitaire, de rendre plus difficile la réussite et de favoriser l’absentéisme. On considère en même temps cette expérience comme la préparation au monde du travail et une étape importante de la prise d'autonomie des jeunes. Il est vrai qu’au-delà de la logique purement financière des activités rémunérées des étudiants, l’exercice d’une activité professionnelle peut être une expérience formatrice. Deux lectures sont souvent effectuées : Le travail étudiant, malgré son caractère souvent « nocif » pour les études, revêt en effet des atouts certains, du point de vue de l’autonomie, de l’expérience et de l’insertion professionnelle, qui mérite d’être valorisé. Le caractère « positif » de l’expérience professionnelle des étudiants est évoqué dans certaines enquêtes et j’ai pu observer dans mes propres entretiens avec ceux qui sont en sciences de l’éducation. Pour certains auteurs l’exercice d’une activité professionnelle peut devenir un élément positif quand il s’insère dans le cadre d’un cursus ou qu’il est compatible avec les horaires d’études, puisqu’il permet d’acquérir de nouvelles compétences, de mieux appréhender le monde professionnel. On souligne souvent les activités intégrées des étudiants ou en rapport avec leurs études qui sont mieux rémunérées et participent à l’enrichissement de leur curriculum. Mes entretiens montrent que c’est parfois l’exercice d’un emploi (l’animation, les cours privés, le soutien scolaire associatif…) devient révélateur tout en contribuant à l’élaboration d’un nouveau projet professionnel en rapport avec l’éducation. C. Béduwé et J.F Giret notent que si la plupart des étudiants considèrent les « petits boulots » comme purement alimentaire, il n’en reste pas moins qu’ils leur permettent de découvrir le marché du travail et le monde de l’entreprise et souvent d’acquérir de nouvelles compétences (2004). Avoir une expérience précise dans un domaine lié à l’éducation devient l’occasion d’acquérir des informations précises sur les métiers des secteurs éducatifs, de découvrir un univers professionnel avec ses normes, ses avantages et ses contraintes. Certains étudiants diplômés d’un BTS (sans aucun rapport avec l’éducation) poursuivant leurs études en licence de sciences de l’éducation m’ont dit que ce premier contact « professionnel » avec le milieu éducatif était à l’origine de leur réorientation. Cette expérience leur aurait permis de découvrir leur goût pour le métier d’enseignant. Cette lecture « positive » de l’expérience professionnelle ne signifie pas que les jobs d’étudiants constituent une étape directe de leur insertion professionnelle. C’est l’aspect révélateur d’une expérience, la prise de conscience personnelle ou la familiarité avec le milieu éducatif qui sont mis avant par certains étudiants. Un autre élément « positif » de l’exercice d’un emploi rémunéré est sa dimension émancipatrice des jeunes et l’apprentissage d’une vraie autonomie par rapport à la famille. Exercer une activité professionnelle pour certains devient le point de départ pour mettre la fin à la tutelle familiale. Le troisième aspect « positif » de l’exercice d’une activité rémunérée concerne l’apprentissage des « savoir-être » professionnel. L’expérience professionnelle, quelque soit son domaine, peut devenir l’occasion de faire l’apprentissage de la rigueur, de l’endurance, du sens de responsabilité, des relations hiérarchiques et interpersonnelles ou du travail en équipe. La lecture « négative » de l’expérience professionnelle des étudiants renvoie effets ambivalents et non négligeables sur le plan de la santé et des rythmes de vie, mais aussi en matière de réussite scolaire. Dans l’ensemble les enquêtes sociologiques révèlent qu’un emploi motivé uniquement par les raisons financières est difficilement compatible avec les études. Les étudiants qui travaillent pendant leurs études pour les financer n’exercent que très rarement des emplois intéressants. On tend à souligner les effets négatifs du travail étudiant lorsqu’il est exercé avec une intensité préjudiciable au déroulement des études et aux conditions de vie mêmes des étudiants. Les enquêtes de l’OVE ont mis en évidence l’aspect « négatif » du fait de cumuler études et emploi. Toutefois, « l’exercice régulier d’une activité rétribuée sans rapport avec les études diminue les chances de réussite et va de pair avec le retard dans les études », souligne C. Grignon, dans un rapport (2003), basé sur les chiffres de l’enquête de 2000. Selon ce rapport, les horaires lourds et incompatibles, la désorganisation, la fatigue…dans certains cas, le job étudiant devient un handicap pour les études. Le rapport de l’OVE considère que l’exercice d’une activité de ce type est un obstacle à la réussite et à la poursuite des études. Les étudiants qui sont dans ce cas sont en effet beaucoup moins nombreux proportionnellement que les autres à avoir réussi la totalité des examens auxquels ils se sont présentés l’année précédant l’enquête ; ils sont aussi moins nombreux à avoir obtenu une réussite partielle avec passage au niveau supérieur, plus nombreux à avoir obtenu une réussite partielle mais sans passage au niveau supérieur ; ils sont également plus nombreux à avoir abandonné les études dans lesquelles ils s’étaient engagés ou à avoir échoué. L’échec, complet ou partiel, favorise en retour l’exercice d’une activité rémunérée concurrente des études. Un étudiant, qui a vu se solder l’année précédant l’enquête par une réussite partielle sans passage au niveau supérieur ou par un échec ou un abandon, a une probabilité deux fois plus grande d’exercer une activité rémunérée en concurrence avec ses études l’année suivante qu’un étudiant qui a obtenu une réussite totale. Selon Grignon et Gruel (2000), quelles que soient la filière et l’année d’étude, exercer un travail rémunéré régulier diminue de 42% la probabilité de valider complètement l’année. Les auteurs montrent lorsque les activités rémunérées ne sont pas intégrées aux etudes, sont statistiquement associées à des parcours chaotiques, à de moindres chnces de réussite totale aux examens, à de plus fortes probabilités d’être en retard (p. 186). Par opposition aux « petits jobs » ou aux activités intégrées à la formation, les activités parallèles aux études exercées de façon régulière affectent les performances scolaires : elles font diminuer de près de 30 % les chances de réussite aux examens de premier et deuxième cycle. R. Ennafaa et S. Paivandi (2008) dans leur enquête sur les étudiants étrangers en France insiste sur l’impact négatif direct de l’exercice d’un job étudiant sur la performance universitaire. Cette enquête sur les étudiants étrangers en 2005 révèle bien que la concurrence entre les activités rémunérées et les études est réelle pour ces étudiants salariés. Ce phénomène est accentué lorsque les emplois occupés ne sont pas en lien avec les études entreprises. L’enchaînement rapide des périodes en emploi et en étude dans une même journée ou au cours de la semaine n’est pas toujours « conciliable » et s’effectue au détriment du travail universitaire. Le travail sur l’enquête de 2006 de l’OVE en rapport avec les étudiants inscrits en sciences de l’éducation révèle l’existence d’un lien statistique entre le fait d’exercer une activité rémunérée et les phénomènes « négatifs » des études ou la « contre-performance » des étudiants. Par exemple, le fait d’exercer une activité augmente 35% la chance d’être absent. La performance universitaire est également influencée par l’exercice d’un emploi d’étudiant. Les étudiants ayant partiellement validé leur année universitaire (avec ou sans passage au niveau supérieur) sont plus nombreux parmi ceux qui exercent une activité au-delà d’un seuil hebdomadaire estimé à environ 18 heures. Mes entretiens avec les étudiants invitent à la prudence quant à l’interprétation de ces données statistiques. Certains étudiants salariés choisissent un rythme « ralenti » pour étudier à l’université tout en travaillant à mi temps ou à plein temps. Ce sont en réalité les étudiants à temps partiel qui ne sont pas pris en compte dans les indicateurs de performance. Les données statistiques ne s’intéressent qu’à une figure d’étudiant, celui qui est sensé à venir à l’université à plein temps. Or, il existe les étudiants salariés ou les salariés étudiants qui consacrent une partie de leur temps aux études tout en exerçant un métier. Conclusion Les étudiants « classiques », suivant leurs études sans exercer d’activité rémunérée ne constituent plus la figure dominante d’étudiant. En effet, une proportion de plus en plus élevée d'étudiants exerce des activités rémunérées durant les études. Le travail rémunéré est un indicateur important à prendre en compte pour définir la condition étudiante. Les étudiants qui exercent une activité professionnelle rencontrent souvent des difficultés plus ou moins grandes, les ressources sont en permanence très insuffisantes. L’ampleur de ce phénomène et son impact sont souvent évoqués dans les publications sur les étudiants depuis les années 1980. Les données de l’OVE comme les autres enquêtes sur la vie étudiante révèlent les effets de l’exercice d’un métier aussi bien sur leur vie que sur leurs études. Néanmoins, malgré l’ampleur de ce phénomène, la situation de ceux qui travaillent pendant leurs études est insuffisamment prise en compte. L’exercice d’un travail salarié pendant les études concerne aujourd’hui une part importante de la population étudiante. L’activité rémunérée des étudiants au cours de l’année constitue une réalité, qui reste toutefois mal connue, en raison de l’existence d’approches statistiques différentes et l’absence des données « qualitatives » pour appréhender les impacts réels de l’activité professionnelle sur la vie étudiante. Avec la massification, on voit de moins en moins des étudiants logés chez leurs parents et aidés financièrement par ces derniers pour payer l’intégralité des frais inhérents aux études. Les enquêtes sur l’activité rémunérée des études tendent à soulever un ensemble d’enjeux théoriques et pragmatiques dans le champ concernant la sociologie de l’étudiant. Elles interpellent la figure de l’étudiant aujourd’hui. Les étudiants salariés ou les salariés étudiants qui sont en situation de double statut étudiant / salarié peuvent avoir une manière différente de se positionner par rapport aux études (Wolbers, 2001). Pour certains, les études peuvent être « secondaires » par rapport à l’activité professionnelle exercée. Sur le plan pédagogique, l’activité professionnelle en cours d’études interroge l’organisation des cursus d’enseignement supérieur. On peut se demander comment l’organisation pédagogique peut prendre en considération le cas de ces étudiants pour faciliter leur intégration mais aussi pour valoriser cette expérience, en particulier lorsqu’elle est en rapport avec les études. Il s’agit dès lors de proposer une organisation pédagogique notamment en termes d’horaires et de recours pour faciliter l’avancement du parcours universitaire et un accompagnement d’une pédagogie adaptée. En mettant en lumière à la fois les difficultés financières de certains étudiants contraints de travailler pour poursuivre leurs études et la contribution des activités rémunérées à la construction des projets professionnels, on interroge l’université sur la construction et la reconnaissance des expériences professionnelles acquises en cours de formation initiale. Quelles sont les modalités qui permettraient de mieux les prendre en compte tant à l’intérieur des cursus qu’au moment des choix d’orientation (Cohen-Scali, 2004) ? L’exercice d’une activité professionnelle par les étudiants interroge la façon dont on saisit la performance universitaire des étudiants. Il montre l’impertinence des approches statistiques qui écartent la condition de vie étudiante des résultats scolaires. Cette critique a un sens particulier à l’époque où les pouvoirs publics exigent de la « productivité » des universités en termes de résultats pédagogiques. Bibliographie Béduwé C., Giret J.-F. (2004). Le travail en cours d’études a-t-il une valeur professionnelle ?, Economie et statistique, n°378-379. Cohen-Scali V. (2004), Travailler en étudiant : les enjeux pour l’insertion professionnelle, Cahier de recherche, Crédoc, n°199, juillet. Grignon C. (2003). Les étudiants en difficulté. Pauvreté et précarité. Rapport au ministre de la Jeunesse, de l’Education Nationale et de la Recherche. Paris : OVE. Grignon C., Gruel L, Bensoussan B. (1996). Les conditions de vie des étudiants. Paris, La Documentation française, Les cahiers de l’OVE. Grignon C., Gruel L. (1999). La vie étudiante. Paris : PUF. Grignon C., Gruel L., Bensoussan B. (2000). Les conditions de vie des étudiants. Paris : PUF. Farzad M., Paivandi S. (2000). La reconnaissance et la validation des acquis en formation. Paris : Anthrospos. INSEE http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1204 Wolbers M. (2001). Learning and working : Double statuses in youth transitions within the European Union. Working paper,.Research Centre for Education and the Labour Market, Faculty of Economics and Business Administration, Maastricht University. Les caractéristiques des étudiants de sciences de l’éducation ont-elles évolué depuis 1997 ? Catherine Agulhon, Maître de conférence, HDR, Paris Descartes – Cerlis – Octobre 2008 Dans cette communication, nous mobiliserons des enquêtes faites en 1997, 2000, 1999 et 2007 pour scruter les profils et les trajectoires des étudiants de sciences de l’éducation. Nous appuyant sur des données collectées à Paris Descartes, université au cœur de la capitale, nous n’avons pas la prétention d’être exhaustif, nous cherchons cependant à donner des outils pour discuter des évolutions que vit cette population dans la mouvance de l’ouverture de l’université, des réformes de structure de Bologne et des tensions sur l’emploi et sur l’emploi enseignant en particulier. La population de sciences de l’éducation était à l’origine une population d’instituteurs et d’enseignants du secondaire en formation continuée. C’était une population plutôt âgée, plutôt diplômée, plutôt féminine. Les départements de sciences de l’éducation (au nombre de trente aujourd’hui) créés à partir de 1967 n’avaient pas jugé bon de créer un DEUG pour une population adulte et déjà titulaire de la fonction publique. La population a changé, ses aspirations aussi, mais la création d’un DEUG est restée en suspens. En revanche, la création des IUFM en 1991 a donné du relief aux sciences de l’éducation et a accru leur attractivité, même si des contradictions entachent leurs relations avec l’Education nationale et parfois avec d’autres disciplines. La prochaine masteurisation des étudiants aspirant à passer les concours de l’éducation pourrait encore affermir la position de la discipline dans le champ de l‘éducation. En parallèle, et comme pour bien d’autres disciplines, la multiplication des masters professionnels attirent les étudiants et diversifient les objectifs et les débouchés de cette discipline. Une fois encore ces transformations se conjuguent avec un renouvellement des formes de concurrence entre les disciplines de sciences humaines qui visent souvent les mêmes espaces professionnels : le monde la formation, celui de l’orientation, les collectivités territoriales et la gestion des ressources humaines des entreprises. Qui sont les étudiants en 1997, en 2000, en 2007 à Paris Descartes ? Y a-t-il eu des évolutions dans les caractéristiques de cette population ces dernières années ? A partir d’enquêtes menées à la rentrée en 1997 et en 2000, d’une enquête d’insertion menée en 1999 et d’une enquête sur la population du département en 2008, nous proposons quelques éléments de réflexion. Nos données portent sur les étudiants de L3 et de M1 des années citées, elles permettent de décrire des caractéristiques socio démographiques, de préciser les modes d’affiliation de la population, ses modes de vie, ses projets et d’ouvrir sur quelques pistes quant à son insertion. - Rajeunissement d’une population féminine Répartition par sexe en 1997, 2000 et 2007 : Licence - L3 Sexe/Année 1997 2000 2007 Masculin 18,4% 20,5 9,3 Féminin 81,6 79,5 90,7 Sexe/Année 1997 2000 2007 Masculin 18% 20% 22,2% Féminin 82% 80% 77,8% Maîtrise - M1 En 82-83, selon une enquête interne de S. Hermine, on comptait une proportion de 34,4% d’hommes. La féminisation de la population n’a cessé de croître, plus encore en L qu’en M, et dans tous les départements et rappelle celle de la population enseignante. - Répartition par âge Licence - L3 Age/Année 1997 2000 2007 20-23 42 59 ,3 62,7 24-26 21 14,6 17,8 27-30 11 6,8 10,2 + 30 ans 25,7 19 8,5 Age/Année 1997 2000 2007 20-23 21,7 23 27 24-26 28,6 30 35 27-30 12,4 10 14,3 + 30 ans 36,6 35 23,7 Maîtrise - M1 En licence, comme en maîtrise, on assiste également à un rajeunissement de la population lié aux transformations des fonctions de la discipline. La part des personnels du monde de l’éducation et de la formation en reprise d’études diminue au profit d’une formation initiale pour des jeunes qui aspirent à entrer dans cette sphère. Après la vague de reprise d’études enregistrée chez les instituteurs entre 1991 et 1998, on assiste à la disparition d’une population qui a sans doute atteint son seuil de diplômation. (En 1982 près de 50% de cette population avait entre 26 et 33 ans, aujourd’hui les plus jeunes sont toujours plus nombreux.) Le rapport de la CORESE de 1993 faisait les mêmes constats : en licence comme en maîtrise, la population masculine est nettement plus âgée que la population féminine : 57% des hommes en licence et en maîtrise ont plus de 26 ans, pour respectivement 32% et 47% des femmes. La population de licence s’est rajeunie et féminisée, elle reste cependant atypique par rapport à l’ensemble des seconds cycles universitaires. - Origine sociale Cette question a été posée dans l’enquête d’insertion de 2001 et dans celle auprès des étudiants en 2007, c’est une question proprement sociologique, on sait que les étudiants sont d’origine sociale plus aisée que l’ensemble de leur génération, on sait encore que ces origines varient selon une hiérarchie des cursus et des formations, ce que rappelle chaque année l’enquête de la DEPP. Origine sociale des étudiants de L3 et de M1 en 2007 Profession du père et de la mère CSP Père FI Père FC Total Mère FI Mère FC Total CI CS 33,8 37,7 34,6 20,5 18 19,6 Enseignant 7,3 9,8 7,9 7 ,9 16,4 10,3 Ouvrier employé 36,4 24,6 32,7 45 31,1 40,7 Commerçant 12,6 16,4 14 7,3 3,3 6,5 Autre 4 9,8 5,6 16,6 29,5 20,1 NR 6 1,6 5,1 2,6 1,6 2,8 Total 100 100 100 100 100 Origine sociale des étudiants de L3 et de M1 de 1994 (interrogés en 1999) Total F.I. F.C. Cadres (I. et sup.) 45,1 % 47,2% 42% Dont Sans diplôme Baccalauréat + que le bac Enseignants 48 13 39 7,4 % 55 12 31,7 5,7% 40 14,5 45 8,7% Dont Sans diplôme 7 Profession du père Baccalauréat + que le bac Commerçants Dont Sans diplôme Baccalauréat + que le bac Ouvriers-employés Dont Sans diplôme Baccalauréat + que le bac 28,5 64,3 90 (9) 41 47 8,8 % 7,5 % 10,3 % 79 77 (10) 80 28 % 27% 27,2% 96,3 2,7 95 96 (Nous ne reportons pas les NR et nous avons rapporté pour chaque CSP, la distribution des diplômes des pères) La répartition des origines sociales des étudiants semble assez proche de celle énoncée par O. Galland (1995) ou O. Piriou (1999). Cependant, les jeunes de FI dans l’enquête postale auprès des sortants de 1994 semblent de catégorie supérieure à ceux enquêtés sur place en 2007. Estce à dire que ceux qui nous ont répondu, outre le fait qu’ils sont plus souvent diplômés, plus souvent en emploi dans l’éducation, sont aussi d’origine sociale moins modeste, renforçant le rôle des catégories sociales dans la réussite sociale et professionnelle ? C’est possible sans être certain, ces questions n’obtiennent pas toujours des réponses très claires. L’approche par les diplômes des parents classe ces étudiants dans ces premières générations entrant à l’université (75% d’entre eux). Seul un quart des pères a un diplôme supérieur au bac et 15% des mères. 60% des pères déclarés « cadres » n’ont pas de diplôme de l’enseignement supérieur. Les effets de générations jouent sur ces données, la prolongation récente des scolarités transforme la structure des diplômes. Ces déclarations restent à manier avec une certaine prudence. Ignorance des catégorisations et volonté d’assimilation aux classes moyennes et supérieures peuvent les avoir biaisées. En revanche et selon les traitements effectués, les diplômes détenus ou non par les parents ne semblent pas avoir d’incidence notable sur la réussite des étudiants. En 1999, nous demandions également la profession du conjoint (les deux tiers des adultes en reprise d’études vivaient en couple et la moitié des plus jeunes). La profession d’enseignante est une fonction de classe moyenne, cela est-il corroboré par les professions des conjoints de nos anciens étudiants dont une grande part était dans l’éducation en 1999 ? Tous les individus en couple nous ont répondu. Profession du conjoint Total 47% F.I. 44,3% F.C. 47,6% Enseignants 16,9% 9,3% 23% Ouvriers Employés 21,3% 28,8% 16% Autres % en colonne sur les répondants 13,4% 14,4% 13% Profession conjoint Cadres L’homogamie reste une caractéristique de nos sociétés démocratiques. Elle est ici assez évidente. Seuls 21% des conjoints sont employés ou ouvriers. L’homogamie enseignante est semblable à celle observée dans d’autres enquêtes, (A. Leger note qu’elle est de 23% pour les femmes et de 46% pour les hommes). Déjà Ida Berger (1979) constatait des alliances vers le haut chez les institutrices de la région parisienne, que nous retrouvons ici dans la mesure où 47% de ces enseignantes ont un conjoint cadre. - Origine universitaire Licence - L3 Dernier diplôme/Année 1997 2000 2007 DEUG 40,6 47,3 36 BTS 9,5 15 18 DUT 12,4 11,6 11 L3-M1 11,7 12 17 autre 23,5 13,5 18 Total 100 100 100 Ce qui spécifie cette population, c’est bien la variété de ses origines et la complexité des trajectoires puisqu’il n’y a pas de DEUG dans la discipline. On observe une stagnation de la population venant de DEUG et une montée en puissance de celle venant de BTS. Cela s’explique en partie par le fait que les licences disciplinaires ont une meilleure valeur ajoutée pour l’entrée en IUFM, d’une part, par l’attrait des métiers de l’éducation pour les jeunes des filières techniques qui ne trouvent pas à se réaliser dans les emplois intermédiaires du secteur privé, d’autre part. Ces jeunes opèrent une réorientation parfois douloureuse vers les sciences humaines (qu’ils connaissent peu). Ce mode de recrutement est un objet de débat et de conflits où se jouent l’image de la discipline, mais aussi la démocratisation de l’université, dans un lieu qui se fait le porteur de cet idéal et en a fait par ailleurs un thème d’enseignement. Se maintient, en outre, une population en reprise d’études qui vient d’horizons divers et par des chemins détournés (DU, VAE..). Mais, cette population s’est amenuisée, puisqu’elle rassemblait 47% des effectifs en 1982, 20% aujourd’hui. Maîtrise - M1 Dernier diplôme/Année 1997 2000 2007 DEUG 9,3 10 1,6 L3 70,8 65 74,6 M1 - - 9,5 Autre 11,7 25 11 En maîtrise, ou M1, cette fonction de formation continuée des personnels du monde éducatif s’est également atténuée au profit de la formation initiale. En 2007, ce sont 74% des effectifs qui viennent de licence. On a par ailleurs de nombreuses mobilités à ce niveau, puisque seuls 50% de nos effectifs viennent de Paris Descartes. L’offre en master sur la région et même sur la France redistribue les effectifs de M1 en fonction des aspirations des étudiants. Les projets des étudiants qui se maintiennent en formation évoluent, ceux qui voulaient entrer en IUFM reportent ce projet pour entreprendre un master qu’ils aient évolué ou qu’ils n’aient pas été admis en IUFM. - Discipline antérieure (licence) Discipline Sciences de l’éducation Socio-psycho autres lettres et S.H. Sciences Tertiaires Médico-social Autres N.R. 97 20,6 27,9 7,6 15,8 7,6 2000 13,2 28,8 10,1 18,4 5,3 8,7 16,2 19 Cette question n’a pas été posée en 2007, elle ne l’a pas été non plus en 1997 en maîtrise. Mais ce tableau montre une prédominance des DEUG de sciences humaines, 48,5% en 1997 et 43% en 2000. Ce tableau permet encore de souligner la diversité des cursus, les étudiants viennent des sciences, des sciences médico-sociales ou encore de filières tertiaires (BTS et de DUT). En 2007, il était demandé aux étudiants s’ils étaient à Paris Descartes en 2006-2007 : Paris Descartes Ailleurs NR L3 25,4 67,8 6,8 M1 50,8 39,7 9,5 Ce tableau ne permet pas d’évaluer les taux de réussite ou de redoublement, en revanche, il donne une idée des mobilités de cette population étudiante, forte en L3, non négligeable en M1. Quelles raisons poussent les étudiants à choisir les sciences de l’éducation et quels sont leurs projets ? Dans cette période où l’on nous enjoint de professionnaliser les cursus, où les étudiants ont plus que jamais une attitude plutôt utilitariste ou consumériste vis-à-vis de la formation, ces questions présentent un intérêt pour des enseignants qui ont à réfléchir sur les évolutions des contenus. Nous posions deux questions l’une plus immédiate sur le choix de Paris Descartes, l’autre sur les projets professionnels. Pour certains étudiants ces deux questions se télescopent, c’est pour entrer à l’IUFM qu’ils sont venus à Paris Descartes, ils ne distinguent pas vraiment les départements de la région ou ne pensent pas avoir eu le choix. - Raisons d’entrer en sciences de l’éducation Licence L3 Visées IUFM Autre métier E.N. Compétences 1997 48,2 12,6 17,7 Théories 9,8 Autres 11,3 2000 46,1 26 16,7 2007 64 20 10,6 Maîtrise M1 Visées IUFM Autre métier E.N. Compétences Théories Autres 1997 28,6 19,9 21,1 14,9 15,6 2000 25 30 28 9 8 2007 13 20 La licence de sciences de l’éducation est souvent perçue comme l’antichambre de l’IUFM, par des jeunes du technique court et par ceux qui fuient leur discipline d’origine (DEUG). Les étudiants de formation initiale viennent préparer les concours de l’éducation nationale. Ils aspirent à embrasser une carrière enseignante. Les étudiants en reprise d’études viennent plutôt réfléchir sur leurs pratiques, ils peuvent aussi viser une promotion dans leur domaine (santé, formation). En revanche, l’engouement pour l’entrée en IUFM s’atténue fortement en maîtrise, M1, sans que l’on puisse vraiment dire s’il s’agit d’un renoncement à ce projet ou seulement de l’évaporation de la population concernée par l’IUFM. Cette population de maîtrise est globalement plus âgée et sans doute dans une autre phase de sa trajectoire. Son projet professionnel évolue. En 2007 les étudiants ont distingué les deux questions, ils sont venus pour la formation proposée (32%), pour sa situation géographique (24,3%), pour la qualité de l’enseignement (14,5%), l’un d’eux ajoute « quand on voit certains noms sur les brochures, on est bien sûr attiré par ce département ». Pour les autres (24%), la question ne fait pas sens. En complément, reprenons les résultats à la même question dans l’enquête auprès des étudiants sortis de formation en 1994 et interrogés en 1999 - Choix des sciences de l’éducation Raisons Total F .I. F.C Intérêt Projet Projet P.E. 35,5 18,3 35,2 23,1 15,5 54 45,5 22,5 19,5 Autres* 11 7,4 12,5 * Autres : formation d’adultes, Les jeunes ont en priorité le projet professionnel de devenir Professeur des écoles, quand les plus âgés reviennent plutôt pour se distancier de leurs pratiques. Cette opposition des objectifs aura une incidence non négligeable sur les modes d’adaptation et d’adhésion de ces différents étudiants aux contenus de la formation. Ces données peuvent encore alimenter d’autres réflexions. Elles stimulent les interrogations sur l’orientation, sur les enjeux des aménagements des cursus, sur les finalités et sur les relations qui peuvent s’établir entre les formations et les emplois. L’instigation du Ministère à créer des licences professionnelles a d’ailleurs ravivé ce débat sur les relations entre savoirs théoriques et savoirs professionnels, formations généralistes ou formations spécialisées. - Projets d’avenir Cette deuxième question est plus centrée sur des projets qui évoluent entre la première et la deuxième année. Licence L3 Projet 1997 2000 2007 professeur des écoles autre métier E.N. Progression santé 34,6 15,8 46,1 12,7 54,2 14,4 4,1 Educateurs 15,2 Autres * 3,1 36 9,3 N.R. 42,2 5,3 6,7 * En 2000 et 2007 les étudiants visent les MP Coopération et formation d’adultes Maîtrise M1 Projet 1997 2000 professeur des écoles 21,1 25 autre métier E.N. 26,6 3 Progression 18 Santé - éducateurs 0,6 Autres * 5,6 46 N.R. 46 * En 2000 et 2007 les étudiants visent les MP Coopération et formation d’adultes 2007 20,6 9,5 14,2 36,5 19 Cette deuxième question corrobore la précédente. En licence en dehors de l’éducation nationale, les projets sont flous et peu ciblés. Les étudiants méconnaissent la filière de formation des adultes qui s’est développée depuis 1971, mais leur est peu visible, ils privilégient ce qu’ils connaissent et aspirent au statut (oh ! combien sécurisant !) de fonctionnaire. En 2007, les deux tiers des étudiants de L3 précisent qu’ils ne se réinscriront pas à Paris Descartes, ils comptent bien arrêter leurs études universitaires à la licence. A l’inverse, en M1 73% déclarent souhaiter se réinscrire l’année suivante, ils ont clairement opté pour un master en deux ans, les effets du LMD, de la rénovation de l’architecture des formations s’expriment très clairement dans cette dichotomie. Ainsi, en M1, les projets de ceux qui ont poursuivi s’affirment, ils souhaitent faire un master professionnel (certains sont venus à Paris Descartes pour cela) ou faire un M2R et entrer en thèse. Mais 20% sont encore dans le flou. Travail et Etudes : une conjonction de plus en plus fréquente Ces dernières années, les étudiants sont de plus en plus nombreux à travailler. La prolongation de la scolarité s’est accompagnée d’une transformation des modes de vie étudiants et d’une plus forte inscription dans la vie active avec toutefois de grandes variations selon le type d’études, l’origine sociale, l’âge et le niveau d’études, comme l’ont montré O Galland et C. Grignon. Si les héritiers (Bourdieu, 1970) sont relativement moins nombreux, on est loin d’une homogénéité de la population étudiante. Les conditions de vie sont diversifiées et inégalitaires. De nombreuses enquêtes en rendent compte (Fondeur et Minni, 2006). Les résultats varient cependant selon les enquêtes, 10% travaillent selon l’enquête Emploi, 50% selon l’OVE (Beduwé et Giret, 2008). 80% déclarent avoir travaillé pendant leurs études au moins une fois, selon les enquêtes du CEREQ. Pour certains, cette activité est intégrée à leurs études (10 à 20% font des stages ou un apprentissage), d’autres ont un « job » à côté. Et pour la moitié, ce sont des jobs d’été. Seuls 15% des étudiants travaillent toute l’année. Et plus les étudiants vieillissent, plus ils vivent de leurs rémunérations. Les étudiants des universités travaillent plus souvent que ceux des écoles dont les horaires et les contraintes sont plus fortes. Béduwé et Giret (2008) essaient encore d’évaluer l’impact de ces emplois sur les études, plus de 15 h par semaine peuvent mener à l’échec. Et sur l’insertion. Quatre types d’emplois n’auront pas les mêmes effets. Pour 39% des étudiants travailleurs, ces emplois à temps partiel et peu qualifiés sont perturbants, pour 11% ces activités sont intégrées aux études, pour 21% ces emplois sont très prenants et perturbants et enfin pour 22%, ces emplois en fin d’études sont une préinsertion. Ces auteurs concluent que les effets du travail sont ambigus, il donne des compétences, mais ralentit la réussite dans les études. En 1997 et 2000, nous posions deux questions pour distinguer les jobs étudiants, des emplois définitifs de la population adulte en activité. Mais des éducateurs, par exemple, peuvent se considérer étudiants s’ils continuent leurs études dans la foulée ou en reprise d’études, s’ils ont interrompu quelques temps ces études. Les distinctions entre ces deux populations sont arbitraires et ne reflètent pas une réalité complexe. - Travail à temps plein ou à temps partiel Licence Type de travail 1997 2000 NR Temps plein Enseignant Educateur et formateur Infirmier autre Sous total Temps partiel 32,4% 27,6 11,1 9,2 2,5 4,5 27,5 8,3 4 1 4,5 17,8 Surveillant éducateur, formateur Autre* demandeurs d’emploi Sous total • 9,8 14,9 9,9 4,4 39 10,5 12,7 13,6 36,8 En 2000, « autres » comprend aussi bien les formateurs que des individus travaillant dans le privé. Maîtrise M1 Type de travail • 1997 2000 NR 16,1 26 Temps plein Enseignant 20,5 24 Educateur et formateur 11,2 4 Infirmier 1,2 6 autre 6,8 4 Sous total 39,7 38 Temps partiel Surveillant 14,9 15 éducateur, formateur 14,9 12 Autre* 9,3 10 demandeur d’emploi 5 Sous total 39,1 37 En 2000, « autres » comprend aussi bien les formateurs que des individus travaillant dans le privé. En sciences de l’éducation, les étudiants semblent travailler plus que les autres, puisque les deux tiers en licence travaillent et 80% en maîtrise (65% sur l’ensemble en 2007). Ce tableau confirme en outre la régression de la présence des enseignants, même s’ils sont encore assez nombreux en maîtrise. Ces évolutions se retrouvent à Lille, par exemple, où les salariés étaient 94% en 86-87, 63% en 92-93, à Grenoble 75% en 88-89, 60% en 92-93, comme à Paris 5, 58,3%, dont 50% d’instituteurs, en 1990 (selon A. Leger). Mais ce qui caractérise aussi les étudiants de sciences de l’éducation, c’est qu’une majorité d’entre eux occupe des emplois en rapport avec l’éducation : assistant d’éducation bien sûr, mais aussi animateur, éducateur, formateur, cours à domicile. Leur projection dans l’avenir influe, peut-on dire, sur leurs choix en termes de « jobs » Cet engagement dans le secteur aura une incidence sur leur insertion définitive et sur la construction d’une identité autour des problèmes d’éducation qui s’harmonise avec leur formation. En 2007, 65% des étudiants travaillent, 10% à plein temps, 16% à mi-temps et 39% à temps partiel. 6,5% sont enseignants, 25% dans le secteur privé et 25% dans le secteur éducatif, 12% gardent des enfants, job étudiante par excellence. Quelles sont les disciplines qui intéressent a priori les étudiants de licence en septembre 2000 ? En licence Discipline Psychologie Sociologie Didactique Histoire Philosophie Non réponse Premier choix 32 27,2 19,3 6,1 2,6 12,7 Deuxième choix 25,2 21,5 22,4 7 6,1 17,5 Premier choix 32 38 12 6 7 5 Deuxième choix 38 23 19 8 6 5 En Maîtrise Discipline Psychologie Sociologie Didactique Histoire Philosophie Non réponse Ces questions sont posées pendant les inscriptions pédagogiques et sont plus ou moins précodées. Cela n’entache en rien l’engouement pour la psychologie en licence et secondairement pour la sociologie. Cela est-il prédictif d’une adhésion des plus jeunes à un enseignement qui leur apparaît aujourd’hui plus qu’hier loin de leurs aspirations et de leurs objectifs immédiats : les concours d’enseignement ? Ce n’est pas sûr. Dans l’enquête Insertion que nous avons menée en 1999, les anciens étudiants étaient unanimes a posteriori pour demander des stages, une ouverture sur le monde du travail et des contenus plus concrets. En maîtrise, l’intérêt pour la sociologie et la psychologie ne s’est pas relâché, il est corroboré par les choix de discipline de mémoire : 42% en sociologie, 26% en psychologie, 14% en didactique et 3% en histoire et en philosophie. Quels regards portent ces anciens étudiants sur leur cursus trois ou quatre ans après leur sortie de formation ? Les individus qui ont répondu à l’enquête d’insertion de 1999, ont certainement plus que d’autres gardé un bon souvenir de leur passage à Paris V. 80% des plus âgés se disent satisfaits, voir très satisfaits (29%) de leur formation, 68% des plus jeunes (15% très satisfaits). On observe une relative incidence des effets de la formation sur les points de vue. Ceux qui n’ont pas eu la licence, ceux qui n’ont pas réussi les concours, ceux qui ont des emplois précaires, sont les moins satisfaits (50% pour 80% des professeurs des écoles). Ce sont encore les jeunes qui font le plus souvent des suggestions d’amélioration de la formation à partir de deux questions ouvertes que nous avons recodées. 48 % souhaitent l’introduction de stages et 27% une ouverture plus concrète sur le monde du travail, Il est donc bien principalement des attentes en termes d’insertion et d’accès à des emplois identifiés chez les étudiants de formation initiale. Ils s’inscrivent dans cette quête de professionnalisation des formations auquel le Ministère semble vouloir répondre aujourd’hui. Par ailleurs, 25% suggèrent des aménagements de l’organisation de l’enseignement : diversification des contenus et création d’options, aménagement des horaires et encadrement des étudiants. Ils critiquent ainsi implicitement les conditions de travail qui leur sont offertes et qui sont effectivement difficiles à supporter (sureffectifs et faible encadrement, moyens de travail insuffisants). Des rénovations sont en question (tutorat et équipement), elles sont défendues tant par les syndicats d’enseignants que par des chercheurs comme A. Coulon. Devenir professionnel Les enquêtes d’insertion faites localement pèchent par bien des imperfections. Les populations touchées sont réduites, la représentativité est faible. La question des non répondants reste entière. Est-ce une population spécifique ? A-t-elle une insertion médiocre par rapport aux répondants. Par exemple, pour fêter ses dix ans d’existence, les responsables de la licence de sciences de l’éducation de Brest ont fait une enquête de ce type. Ils obtiennent des résultats très positifs, mais omettent de donner leur taux de réponses et de traiter leurs résultats par génération. On ne peut donc en déduire le temps d’insertion et de réussite aux concours. Toujours est-il qu’ils déclarent 50% de titulaires professeurs des écoles et 30% en formation en IUFM ou CFP (formations des écoles privées). A Paris Descartes, le taux d’accès aux fonctions enseignantes est plus faible. Selon l’enquête réalisée en 1999 sur la population en études en 1994, seuls 45% des jeunes de FI sont dans l’enseignement comme le dévoilent les résultats suivants. Conditions de l’enquête de 1999 Cette enquête a été menée en juin 1999 auprès des inscrits en licence et maîtrise de sciences de l’éducation de 1994, année qui a connu un pic de fréquentation. Ils étaient 1359, 377 nous ont répondu, soit 27,7%. 399 (29,3%), avaient changé d’adresse (retour par la poste, n’habite plus à l’adresse indiqué) ce qui nous permet de relever notre taux net (étudiants ayant reçu le questionnaire) de réponses à 39,3%. Aucune relance n’a été menée. On peut estimer que la population répondante est stable et inscrite dans une démarche de réussite, le taux de réussite à la licence (85%) en est un premier indice. On peut s’interroger sur les trajectoires des nonrépondants, sans être en mesure d’apporter de réponse concrète, ni même d’avancer d’hypothèse à leur sujet. A cette époque et à Paris V, les effectifs de licence étaient trois fois plus importants que ceux de la maîtrise (600 étudiants en licence pour 200 en maîtrise, en 1998-1999). En DEA, on ne comptait plus que 10% des entrants en licence. Il nous est difficile d’estimer la réussite annuelle aux examens puisque nombreux sont les étudiants qui mènent leur formation en deux ou trois années. Ces premières assertions sont corroborées par les enquêtes menées dans d’autres universités (Paris VIII, Grenoble et Lyon). Caractéristiques de la population D’emblée nous posions cette question d’une formation initiale ou continue (reprise d’études) 34 . C’est donc à partir des réponses des étudiants eux-mêmes que nous organisons cette 3 Selon une enquête d’insertion des étudiants menée par le CEREQ (Cohorte 84, interrogée en 87), les deux tiers des étudiants de sciences de l’éducation avaient un emploi avant d’entrer en formation, ce qui n’était le cas que partition. Si elle recouvre une réalité en termes d’âge, de parcours scolaire, universitaire et professionnel, certains étudiants (de 27 et 32 ans) se sont classés de manière inattendue. N 174 195 8 377 Cursus Formation initiale Formation continue NR Total % 46,2% 51,7% 2,1 100 La surreprésentation des adultes dans notre corpus renforce l’hypothèse que nous avons affaire à la frange de la population la plus stable, qui ne sera donc pas absolument représentative de l’ensemble des étudiants et devra conduire à des conclusions nuancées. Diplôme préparé en 1994 Diplôme Licence Maîtrise NR Total 260 (69%) 102 (27%) 15 (4%) F.I. 126 (72,4%) 40 (23%) 8 (4,6%) F.C. 129 (66,2%) 61 (31,3%) 5 (2,5%) Cette partition entre Licence et maîtrise est proche de la réalité des effectifs de l’époque. Seul un tiers des étudiants entreprend une maîtrise, les autres (les plus jeunes) préfèrent préparer directement les concours d’accès à l’enseignement. Age en 1999 Age - de 30 ans 30 ans et + Total 176 (46,5%) 196 (52%) F.I. 152 (86,4%) 21 (12,1%) F.C. 24 (10,6%) 175 (87,7%) (Les 5 NR ont été exclues du tableau) Nous avons donc bien affaire à deux populations distinctes, l’une jeune issue de formation initiale qui n’a pas connu d’interruption d’études, l’autre plus âgée, déjà engagée dans la vie professionnelle, en reprise d’études après une interruption de 2 à 10 ans. La sur-représentation des plus âgées est un effet de l’enquête. Plus de 70% des répondants sont originaires de la région parisienne où ils ont fait leurs études et trouvé un emploi.15% habitent les régions limitrophes (Marne, Picardie, Champagne et Normandie). Seuls,15% d’entre eux sont partis dans des régions plus éloignées. Diplôme le plus élevé Diplôme en 1999 Premier cycle Licence Maîtrise Troisième cycle Autre Total 5 48,5 30,5 8,5 4,2 F.I. 4 58,5 26,4 7,5 1,7 F.C. 6,1 39,5 35,5 8,7 6,2 Les NR sont exclus du tableau de 22% de l’ensemble des étudiants. A. Charlot et F. Pottier “ Dix ans d’insertion des diplômés universitaires ” Formation-Emploi, n° 25, 1989 4 Selon une enquête menée par le département de sciences de l’éducation de Grenoble, leurs étudiants en reprise d’études représentaient encore 50% des étudiants en 1994 Les répondants se caractérisent bien par leur réussite aux diplômes. Cette distorsion, produit de l’enquête, entache la représentativité de l’échantillon. Soulignons la concentration des plus jeunes sur la licence, voie d’accès aux concours d’enseignement. On peut insister encore sur l’instrumentalisation de la formation par ces populations de classe moyenne dont les aspirations peuvent apparaître limitées. L’emploi a) L’emploi pendant la formation Comme précédemment, ces étudiants travaillent. Seuls, 18% déclarent ne pas avoir eu d’emploi pendant leur formation, 36% ont un emploi “ étudiant ” et 45% sont insérés dans la vie active. Job étudiant Surveillant Animateur Educateur Autre public Privé Garde d’enfant Total F.I. 10,3 21,8 0,6 4 16,1 6,9 59,8 Emploi temps plein Instituteur Formateur Enseignant secondaire Social Infirmier Privé Autre Total FC 40,5 7 ,2 4,1 4,1 2,1 2,6 13,8 74,4 b) Entrée dans la vie active Cette enquête avait pour principal objectif d’évaluer les modes d’insertion à l’issue de nos formations. Les enquêtes du CEREQ montrent qu’aujourd’hui une insertion définitive ou stable s’amorce après quelques années d’errance sur le marché du travail. Les trajectoires des jeunes n’en sont pas pour autant homogènes et se différencient selon le cursus et le niveau de sortie, selon l’âge, le sexe et l’origine sociale, selon encore les secteurs d’activités et les zones géographiques. Les résultats de l’enquête 1987 du CEREQ sur la population de sciences de l’éducation sont semblables aux nôtres. Les deux tiers des étudiants ont un emploi avant d’entrer dans le cursus et 95% ont un emploi en moins d’un an après la formation (67% direct et stable, 22% indirect et stable, 10% précaire), 5% sont au chômage depuis plus d’un an. Or, 20% des sociologues, et 18% des psychologues connaissent le chômage, 48% des sociologues et 31% des psychologues ont un emploi précaire. Les jeunes de Se s’en sortent donc mieux. En 1999, nos étudiants recherchent avant tout un emploi dans l’enseignement. 60% déclarent avoir présenté un concours de la fonction publique (professeur des écoles en majorité) et 30% avoir cherché un emploi. Là encore, nos deux sous-populations ont des trajectoires bien distinctes. Recherche d’emploi et durée de la recherche Recherche oui Total 29% F.I. 42% F.C. 18,5% Total 45 (13,2) 24 (6,4) 14(3,7) 77% F.I. 30 (17,2) 13 (7,5) 10 (5,7) 69,5% F.C. 15 (7,7) 10 (5,1) 4 (2,1) 85% Durée de la recherche - de 6 mois 6 mois – un an + d’un an NR Non seulement ces anciens étudiants ne sont pas nombreux à chercher du travail, mais encore ils n’en cherchent pas longtemps. Seuls 3% déclarent en avoir cherché plus d’un an. Concours de la fonction publique Ces étudiants aspirent à entrer dans la fonction publique ou à y progresser, ils passent les concours. 76% des jeunes en formation initiale présentent un concours (132 sur 174). Et la plupart présentent le concours de professeur des écoles (101 sur 132). 58% de ces derniers l’ont réussi. D’autres ont tenté le concours de CPE (11 individus), ou un autre concours de la fonction publique. Les jeunes qui ont poursuivi en maîtrise ne réussissent pas mieux ces concours (43% pour 56% des licenciés). Les jeunes qui ont exprimé ce projet fort du professorat des écoles, persistent dans ce projet et réussissent le concours. Ceux qui ont échoué, ont des emplois d’attente et tentent plusieurs fois le concours. Les étudiants en reprise d’études sont plus souvent déjà enseignants. 48,7% présentent un concours dont 61% le concours de professeur des écoles et 10% le concours de CPE, les autres n’ont pas précisé la nature du concours. Sur ceux qui se présentent 73% réussissent ce concours. La maturité et l’expérience leur donnent ainsi plus de chance de réussite. Certains, déjà instituteurs tentent le passage d’instituteurs à Professeurs des écoles. Nombre d’entre eux réussissent cette transition qu’ils ne considèrent cependant pas comme une promotion. Concours Professeur Ecoles Réussite autres Réussite Total postulants Total F.I. 101 (58) 57 (56,4) 31 (17,8) 13 (42) 132(75,8) 174 F.C. 58(29,7) 47 (81) 37 (19) 23 (62) 95(48,7) 195 Entrer dans l’Education nationale, rechercher une promotion (directeur d’écoles, Conseiller principal d’éducation, Inspecteur) sont des mobiles qui animent plus des deux tiers de nos étudiants. Et, plus d’un tiers d’entre eux atteint cet objectif dans les trois ou quatre années qui suivent la formation. Situation en 1999 Situation en 99 Emploi Emploi-Etudes Chômage Inactivité NR Total 290 (77,7) 39 (10,9) 13 (3,4) 6 (1,6) 24 (5,2) F.I. 132 (75,9) 26 (14,9) 9 (5,2) 2 (1,1) 5 (2,9) F.C. 158 (81) 13 (6,6) 4 (1,9) 4 (1,9) 16 (8,2) 90% des répondants ont un emploi, 10% poursuivent également des études. Le CEREQ annonce un taux de chômage de 14% pour les étudiants de second cycle des sciences humaines, les nôtres semblent très en deçà de cette estimation. L’ouverture vers la fonction publique et l’enseignement est l’atout de notre filière et explique une bonne partie de ces résultats. Cependant ils rejoignent ceux du CEREQ (Martinelli, 1999) quand ils montrent qu’en dehors de l’enseignement, les recrutements sont plutôt déclassés (employés) et plutôt précaires (CDD). Comparaison des emplois à la sortie de formation et en 1999 Emplois Total 1° emploi déclaré 104 (27,6) Total Emploi en 1999 F.I. F.C. Professeur des 145(38,5) 62 (35,6) 80 (41) écoles Directeur 4 (1,1) 10 (2,7) 10 (5,1) d’école Autre 35 (9,2) 46 (12,2) 15 (8,6) 30(15,3) enseignant Educateur 29 (7,7) 33 (8,8) 15 (8,6) 18 (9,2) Employé 47 (12,4) 60 (15,9) 20 (10,2) 40 (22,9) (Public-Privé) vacataires 40 (10,6) 18 (4,8) 14 (8,1) 2 (1) Autres* 18 (4,8) 5 (2,9) 13 (6,7) NR 83 (22) 47 (12,5) 23 (13,2) 17 (10,5) * “ Autres ” recouvre les infirmiers et les employés de la fonction territoriale Ce tableau nous permet d’identifier les positions des individus à la sortie de la formation, puis deux ou trois ans plus tard. Il permet encore de comparer les positions des plus jeunes et des plus âgés, 44% des premiers et plus de 60% des seconds sont dans l’enseignement (en particulier professeurs des écoles). Le poids des éducateurs interroge d’autant que cet emploi fait suite à une formation spécifique. On assiste à une transformation du mode d’accès à ces emplois. Nombre de jeunes font une licence avant d’accéder à une école d’éducateur, et nombre d’autres jeunes font une licence pour compléter leur formation d’éducateur. On est là au cœur des contradictions qui travaillent l’enseignement supérieur et reflètent les concurrences entre catégories de formations et de diplômes dans un contexte de difficultés d’insertion. Les autres n’ont pas été mis à l’abri des formes de déclassement à l’embauche, observées par le CEREQ puisque 21% sont employés ou vacataires (30% des plus jeunes), on rejoint ici les estimations faites par Martinelli (1999) sur la cohorte de 1996 qui compte également 30% d’employés issus des formations de sciences humaines. En revanche le poids du chômage et de l’inactivité est faible au regard d’une population féminine. Plus on s’élève dans la hiérarchie des diplômes, plus les femmes travaillent (C. Marry, 1998). Enfin, le décalage entre les emplois des jeunes et des salariés en reprise d’études n’est pas négligeable : 53% des premiers sont enseignants ou éducateurs, pour 70% des seconds. Salaire Salaire 9000 F et + Total 187 (49,6) F.I. 62 (35,6) F.C. 122 (62,6) Les salaires sont un bon indicateur de la position des individus et de la rentabilité des diplômes. Ceux des plus jeunes sont modestes et reflètent leurs difficultés d’insertion, Deux populations, deux types de trajectoires Les jeunes étudiants de notre enquête appartiennent à ces générations qui prolongent leurs études et sont les premiers dans leur environnement familial à entrer à l’Université. Ils proviennent pour 60% d’entre eux d’un DEUG de sciences humaines et pour 30% d’une formation supérieure technologique tertiaire. Ils ont le projet de passer les concours de l’enseignement (professeur des écoles en majorité). Ils présentent ce concours dès qu’ils ont obtenu la licence (souvent en un an). 40% sont ainsi entrés dans l’enseignement, 8% sont éducateurs, les autres (30%) ont cherché du travail et sont employés du privé ou du public, certains sont vacataires dans la fonction publique et continuent de présenter le concours PE. Ces anciens étudiants se disent d’autant plus satisfaits de la formation qu’ils ont atteint leur objectif. Ils souhaitent cependant une formation plus concrète, plus tournée vers les emplois sur lesquels ils se projettent ou sur les concours qu’ils veulent tenter. Ils souhaitent le développement de stages (50%) pour maîtriser ce monde du travail qui leur échappe. Les jeunes des filières technologiques n’ont pas des trajectoires plus chaotiques que les autres, au contraire ils réussissent aussi bien examens et concours que les jeunes de DEUG. En revanche, la population qui tente la poursuite en maîtrise passe moins souvent les concours, sans doute ont-ils entr’aperçu d’autres perspectives, ceux qui présentent les concours ont plutôt une moins bonne réussite que les licenciés. Enfin, les jeunes qui s’engagent dans un DEA ou un DESS, ne passent plus les concours et peuvent avoir du mal à négocier leur diplôme sur un marché moins ciblé, plus ouvert et plus concurrentiel. La population en reprise d’études s’oppose par son profil et ses aspirations aux plus jeunes. Ils reprennent des études pour l’intérêt qu’elles portent. Ils sont le plus souvent déjà insérés dans l’enseignement ou le social. Cependant 50% d’entre eux déclarent préparer un concours, anciens instituteurs, ils veulent passer professeurs des écoles, conseillers pédagogiques, directeurs d’école, inspecteurs. Assistantes sociales ou infirmiers, ils veulent également entrer dans l’enseignement. Ils obtiennent leur licence en deux ans quand ils travaillent mais poursuivent en maîtrise et l’obtiennent plus souvent que les plus jeunes. Ils sont plus satisfaits encore que les précédents de la formation (plus de 80%) et n’ont pas de demande de stage ou de contenus plus concrets, ils sont au contraire venus quérir des théories éducatives. Ils souhaitent en revanche des aménagements horaires compatibles avec leur emploi. Enfin, peu considèrent que ces études ont été facteur de promotion, ce qui sous-entend que le passage au professorat des écoles (question de statut et de grille indiciaire) leur apparaît comme un reclassement légitime. Seule, la minorité qui accède à un nouvel emploi (inspecteur, directeur d’école, conseiller pédagogique) a un sentiment de promotion. En conclusion, le rajeunissement de la population étudiante en sciences de l’éducation s’accompagne d’une demande de professionnalisation et d’ouverture immédiate sur le marché du travail « éducatif ». En licence, les jeunes veulent préparer les concours de l’enseignement. En maîtrise, les attentes des étudiants sont plus variées, certains finissent leur licence, d’autres s’engagent vers un cursus long (thèse), d’autres souhaitent accéder au niveau bac +5 qui leur apparaît plus efficace sur le marché du travail. A partir, de 2002, la masteurisation (puisque ce terme entre dans notre langage) recompose les cursus, précipite les choix et engage les départements d’une même région dans une concurrence pour attirer les étudiants par leur offre et leur spécialisation. Bibliographie Agulhon C., Cacouault M., Hermine S. « Les publics des sciences de l’éducation à Paris V », Trente ans de Sciences de l’éducation à Paris V, Paris, PUF, 2000. Béduwé C., Giret J.F. Travailler en cours d’études, Projet, n°305, 2008 Berthelot J.M. “ Les effets pervers de l’expansion de l’enseignement supérieur ” Sociétés contemporaines, n°4, 1990 Charlot A., Pottier F. “ Dix ans d’insertion des diplômés universitaires ” Formation-Emploi, n° 25, 1989 Charlot B. “ Les sciences de l’éducation. Un enjeu, un défi ” ESF, 1995 Coulon A. “ Le métier étudiant ” Paris, PUF, 1997 Dubet F. “ Dimensions et figures de l’expérience étudiante dans l’université de masse ” Revue française de sociologie, XXXV, 1994 Erlich V. “ Les nouveaux étudiants ” Paris, A. Colin, 1998 Felouzis G. “ Les étudiants et la sélection universitaire ” Revue française de pédagogie, n°119, 1991 Fondeur Y., Minni C. L’accès des jeunes à l’emploi, Données sociales, Insee, 2006 Galland O. “ Le monde étudiant ” Paris, PUF, 1995 Grignon C., Gruel L. “ La vie étudiante ” Paris, PUF, Politique d’aujourd’hui, 1999 Hermine S. “ Les sciences de l’éducation : public, objectifs, méthodes et moyens. 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Approches franco-québécoises ” Revue des sciences de l’éducation, INRP, 1994 L’approche interculturelle dans l’étude de la vie des étudiants en Sciences de l’éducation Patrick Berteaux – Docteur en Sciences de l’Education Université Rennes 2 – Centre de Recherche sur l’Education, les Apprentissages et la Didactique [email protected] Résumé : Exposées à une mondialisation croissante et à un développement accéléré des flux migratoires, nos sociétés font l’objet de profondes mutations sociales, humaines et technologiques qui bouleversent le monde éducatif. La diversification de la population étudiante, l’évolution des comportements sociaux et des rapports entretenus avec le temps, l’espace et le savoir, sont autant d’éléments qui invitent à prendre en compte l’approche interculturelle pour l’observation de la vie étudiante. C’est dans cette perspective que nous présentons ici des éléments conceptuels et méthodologiques qui alimenteront le débat sur les pratiques de la recherche en éducation. Mots-clés : Études transculturelles ; Étudiants ; Méthodologie ; Recherche Après plusieurs décennies d’ethnocentrisme occidental, les sciences humaines et sociales reconnaissent aujourd’hui la diversité culturelle dans le comportement humain, dans le développement de l’individu et dans l’éducation. L’enjeu est de taille du fait de la mondialisation et de l’évolution des phénomènes migratoires. Le développement des sociétés multiculturelles pose de façon récurrente la question de l’intégration d’individus d’origines culturelles variées dans les dispositifs d’éducation, de formation et d’insertion. Dans ce contexte et alors que 2008 est pour l’Union européenne l’« Année du dialogue interculturel », nous proposons dans un premier temps de faire le point sur le paradigme occidental de la recherche en éducation. Nous développons ensuite des pistes de réflexion quant à la prise en compte de la dimension interculturelle dans les travaux à venir. I. L’ethnocentrisme occidental Le paradigme occidental de recherche se fonde sur une vision ethnocentrée du monde en limitant son épistémologie à ses origines grecques. Cette posture s’ancre profondément au XIXe siècle lorsque les philosophes veulent trouver à l’Europe une origine dans l’hellénisme. Ils réduisent alors le rôle de la civilisation arabo-musulmane à celui d’une simple transmission via la traduction des textes de l’Antiquité. C’est ainsi que les Arabes et les Juifs sont exclus de la filiation entre les rationalités européenne et grecque et que se développe une vision universelle de l’homme et de son développement. D'après cette idéologie moniste, le développement humain est envisagé selon une norme unique en considérant l’individu comme indépendant de son contexte social, culturel et environnemental. Cette posture absolutiste amène à considérer fondamentalement que les théories et les méthodes élaborées en occident sont valables et applicables partout. Ce processus universel de jugement d’autrui à partir de ses propres valeurs et schèmes de pensée que nous nommons aujourd’hui ethnocentrisme constitue la forme socialisée de l’égocentrisme. S’il est le produit de la construction des identités culturelles, il est aussi à l’origine du racisme, de la xénophobie et de nombreuses formes de discrimination. Appliqué à la recherche, le paradigme ethnocentriste prend notamment corps dans les tentatives d’expliquer des comportements sociaux sous l’aune de processus psychologiques. Or l’établissement d’une relation entre un fait social et un élément de psychologie, c’est-àdire entre deux champs non homogènes, n’est pas une démarche forcément objective. On notera en effet d’une part que les processus mentaux ne sont pas observables directement, d’autre part que leur capacité d’expliquer des comportements sociaux n’est pas évidente. Avant de nous exprimer sur l’observation des processus mentaux, attardons-nous sur leur caractère explicatif des phénomènes sociaux. Commençons par nous décentrer en considérant l’exemple classique des Indiens Kamayura du Brésil qui, ne possédant pas dans leur lexique deux mots différents permettant de faire la distinction entre le vert et le bleu, désignent ces couleurs par le même terme qui signifie « la couleur de la perruche ». C’est à partir de ce comportement observé que Werner conclut en 1961 à un déficit au niveau des capacités perceptives en argumentant en termes de « construction conceptuelle diffuse dans le domaine des couleurs » et de « confusion des couleurs ». Nous conviendrons aisément qu’il eût été possible de considérer que les Indiens Kamayura percevaient bien une différence chromatique entre le bleu et le vert mais ne disposaient pas d’un lexique permettant d’exprimer cette différence. Il ne s’agirait alors pas dans ce cas d’un phénomène perceptif relevant de la cognition, mais d’un problème de précision du langage. Un autre exemple est celui des Indiens Hopi, qui ne disposent que d’un seul terme pour désigner toutes les choses qui volent et qui ne sont pas des oiseaux, mais qui possèdent par contre un vocabulaire très précis pour désigner les différentes espèces d’oiseaux. Sous prétexte qu’un Indien Hopi utilise le même terme pour désigner un moustique, un avion ou un aviateur, peut-on conclure qu’il n’est pas capable de distinguer perceptivement ou conceptuellement ces trois éléments ? Nous voyons bien ici le danger de vouloir expliquer un fait social par une théorie relevant d’un autre champ scientifique. Les processus psychologiques n’étant pas directement observables, il nous faut maintenant considérer deux éléments dans notre réflexion. Le premier est relatif au fait que, loin d’être objective, la science reflèterait et incorporerait les idéologies dominantes et les relations de pouvoir de la culture (Stengers, 2006). Il en est effectivement ainsi depuis l’Antiquité, avec la dualité entre l’idéalisme et le matérialisme qui, dès les VIe et Ve siècles avant J.-C., oppose les défenseurs du primat de l’esprit par rapport au monde à ceux qui attribuent nos idées à notre expérience du monde extérieur. C’est à partir de cette différence fondamentale entre les deux courants de pensée quant au rapport entre sujet et objet qu’au XVIIIe siècle se cristalliseront deux idéologies opposées : l’idéalisme, sorte d’humanisme moral lié à la religion ; le matérialisme, lié au développement scientifique et favorisé par la révolution mécaniste. Cette dichotomie liée à la relation de causalité entre l’individu et les faits sociaux a largement inspiré la philosophie et la sociologie modernes. Il faut cependant reconnaître les efforts faits dans chaque discipline scientifique, parfois très tôt, pour réduire la fracture entre les deux courants de pensée. On retiendra par exemple la position de Bachelard qui défendra la nécessaire fusion entre raison et expérience en déclarant que « toute pensée scientifique s’interprète à la fois dans le langage réaliste et dans le langage rationaliste » (1968, p.3). Nous retiendrons également les apports de Castoriadis, dont les travaux ont consisté notamment à établir les interactions réciproques entre l’individuel et le collectif. Dans le même ordre d’idée, nous ne pouvons omettre de citer Margaret Mead et Ruth Benedict qui, en intégrant les apports du freudisme et du courant de la psychologie sociale, s’intéressent aux problèmes de la personnalité et de la culture, créant ainsi des liens entre la sociologie et la psychologie. Leurs travaux ont certainement été à la base des développements des psychologies culturelle et interculturelle que nous connaissons aujourd’hui. Le second élément de notre réflexion est relatif à l’intermédiaire, à l’artifice permettant de décliner des processus non observables en procédures évaluables. Il s’agit là de considérer la validité des enquêtes et tests conçus et étalonnés par et pour des Occidentaux, « en conjonction étroite avec les programmes et les méthodes d’enseignement d’Europe et d’Amérique du Nord » (Thành Khôi, 1981, p. 187). Ceux-ci sont utilisés sans guère de précaution en considérant l’être humain dans un modèle de rationalité unique. Au regard de la profusion de ce genre d’outils d’évaluation, on peut se demander si la science est réellement indépendante des intérêts politiques, économiques et financiers qui prévalent dans notre société (Stengers, 2006). L’introduction récente de la dimension interculturelle dans la recherche en éducation paraît ainsi être soumise à des contraintes historiquement ancrées que seul un changement profond de paradigme pourrait soulever. II. La recherche interculturelle L’introduction de l’interculturalité dans les sciences humaines invite aujourd’hui les chercheurs à reconsidérer les positions acquises historiquement et à envisager le relativisme culturel dans leurs travaux. Il s’agit de tenir compte de toute la diversité culturelle que l’on peut trouver dans le développement et le comportement de l’homme ainsi que dans l’éducation, entendue alors comme la transmission culturelle d’une génération à l’autre. Comme l’indiquent Dasen et de Ribaupierre (1987), la démarche interculturelle suppose de se centrer conjointement sur les comportements individuels et leurs spécificités, en rapport avec les caractéristiques socioculturelles telles qu’elles sont étudiées en anthropologie et sociologie. La recherche interculturelle peut alors poursuivre deux objectifs distincts (Dasen et Retschitzki, 1989 ; Dasen, 2000, 2001a, 2001b ; Troadec, 2007) : − l’étude des similarités et des différences culturelles entre groupes homogènes avec ou sans comparaison explicite entre les cultures ; − l’étude des phénomènes de contact observés lors de la rencontre entre groupes culturels différents. L’enjeu n’est pas d’aboutir à une psychologie et une éducation spécifique à chaque société, ce qui correspondrait à un relativisme extrême. Il s’agit plutôt de distinguer ce qui est commun à plusieurs sociétés de ce qui est culturellement spécifique (Dasen, 2007), soit une approche transculturelle. En d’autres termes, la démarche interculturelle propose de se placer dans une position intermédiaire entre absolutisme et relativisme que Berry et ses collègues nomment universalisme (Berry et al., 2002). Pour ces auteurs ces trois paradigmes correspondent respectivement à trois types d’approche appelés « étique imposée », « émique » et « émique dérivée ». Une approche étique imposée revient à considérer que les théories et les modèles retenus sont applicables partout. Dans cette optique, un matériel expérimental tel qu’un test d’intelligence ou un questionnaire d’enquête peut être utilisé partout tel quel avec éventuellement une traduction dans les langues respectives. Dans le cas des tests d’intelligence, cette approche conduit souvent à interpréter des différences de score individuel comme des différences dans le degré d’intelligence, voire des déficiences cognitives. Aux différences de scores moyens sont attribuées des différences génétiques et cette approche ne satisfait évidemment pas aux exigences de l’interculturalité telle que nous l’entendons. A l’opposé, une approche émique consiste à utiliser des théories et des modèles sur la base des conceptions, des valeurs et des pratiques locales (Dasen, 2007). Cette posture relativiste nécessite que le chercheur se décentre de sa propre culture, qu’il sorte de la scène pour mieux la voir. Si l’intégration par le scientifique des conceptions et des valeurs d’une culture autre que la sienne est difficile voire impossible, le travail avec des chercheurs appartenant à la culture étudiée peut aisément réduire cette limite. Mais une telle démarche relativiste présente l’inconvénient de limiter les comparaisons potentielles entre groupes culturels différents et donc d’exclure la possibilité de trouver des points communs ou des caractéristiques universelles. C’est pourquoi Berry et al. (2002) proposent de nommer émique imposée l’approche médiane « universaliste » consistant à rechercher ce qui est commun à l’ensemble de l’humanité, ce qui n’exclut nullement de relever les variations observées et éventuellement les différences fondamentales. L’inscription dans une démarche émique (imposée ou pas) suppose de tenir compte d’un ensemble de variables afin de cerner la complexité du système culturel. Le cadre théorique proposé par Dasen (2003, 2004, 2007) et élaboré notamment à partir de la combinaison synthétique des schémas de Berry concernant le cadre éco-culturel (Berry, Poortinga, Segall et Dasen, 2002 ; Segall, Dasen, Berry et Poortinga, 1999), de Super et Harkness (1997) sur la niche développementale, et de Bronnfenbrenner (1989) sur les systèmes écologiques, permet d’en avoir une vue générale. (Cf. : Figure 1 ci-dessous). Figure 1 : Cadre théorique pour l’étude interculturelle du développement humain (Dasen, 2004, p. 24) Selon ce modèle théorique, l’individu se développe dans un microsystème constitué par la niche développementale. Celle-ci est composée des contextes physiques et sociaux, des pratiques éducatives et des ethnothéories parentales. Elle constitue un système ouvert, en interaction avec un macrosystème par l’intermédiaire des processus d’un mésosystème. Le macrosystème comprend le contexte écologique et le contexte socio-politique. La culture est ici considérée comme une adaptation à ces contextes, parallèlement et interactivement avec l’adaptation biologique (Dasen, 2004). Outre ces contextes écologique et socio-politique, le macrosystème comprend également les cosmologies, les religions et les valeurs qui tiennent également une place importante dans le système développemental de l’individu comme nous le verrons plus en avant. Au-delà de l’abondance des variables à considérer pour une approche interculturelle, ce cadre théorique montre de multiples interactions entre les différents niveaux et les différentes composantes du système. Cette complexité impose au chercheur une approche globale et ouverte. Il s’agit non seulement d’intégrer les dimensions sociologiques, psychologiques et anthropologiques dans une analyse complexe mais également d’aboutir à une « rationalité ouverte et plurielle » (Abdallah-Pretceille, 2005, p. 60). Cela conduit à réinterroger notre modèle de croyance scientifique et à reconnaître d’autres formes de penser et d’organiser le monde. En effet, si dans son sens anthropologique la notion de culture désigne les modes de vie et d’action d’un groupe social, elle le circonscrit également par une perception et une conception du monde qui lui est propre (Ladmiral et Lipiansky, 1989). Outre sa détermination par un ensemble commun d’éléments matériels et/ou symboliques, la culture est en effet définie fondamentalement par un sens donné aux échanges d’un groupe avec son environnement, « un sens propre, dérivé de son histoire passée ou en train de se faire, sens qui n’est pas partagé par d’autres groupes » (Thành Khôi, 1991, p.39). Dans cette perspective axiologique, considérant que le mot « culte » est inclus dans le terme « culture », Mayol (2003, p. 35) nous entraîne sur la piste des idéologies, des mythes fondateurs religieux et moraux. Ceux-ci composent des « cadres de référence » (op. cit., pp. 33-39) permettant de caractériser une société par rapport à d’autres. En plus de leurs fonctions de légitimation de telle ou telle foi religieuse et d’explicitation d’une réalité perçue, les mythes constituent de puissants éléments structurant du temps et de l’espace. Dans le système d’intelligibilité du réel visible et invisible, ils constituent des explicatifs de la place de l’homme dans son environnement et inscrivent le sujet dans une temporalité relative au sens donné à l’existence humaine. Illustrons notre propos en considérant comparativement les structurations spatio-temporelles proposées par les mythes religieux musulmans et chrétiens. Alors que l’Islam conçoit le temps comme une altération du sujet et propose une structuration du temps tournée vers l’origine, le Christianisme conçoit le temps comme un progrès géniteur de projets d’avenir structurés en termes d’objectifs. Le temps est perçu dans la culture arabo-musulmane comme un espace clos alors qu’il apparaît comme un espace ouvert en Occident. Nous voyons là la relativité culturelle de la notion de temps. Comme le souligne Servier (1994), la structuration de l’espace présente également des oppositions dans la conception scientifique de l’homme et de son environnement : « La science occidentale pose un moi et un non-moi : un sujet pensant et un objet pensé. La science dans les civilisations traditionnelles pose au contraire un monde-en-moi et un moi-dans-le-monde. Pour nous seuls, Occidentaux, l’épiderme sépare deux régions hétérogènes : le monde et le moi. Dans ces civilisations traditionnelles, il n’y a pas d’effort pour joindre les deux termes : si le monde est en moi, j’en possède la connaissance et si je suis dans le monde, je n’ai pas à y tailler ma place puisqu’elle y a été préparée, faisant de moi un élément de l’harmonie du monde. » (p. 215). Nous sommes en présence de deux « mondes » diamétralement opposés dans leur façon de rendre intelligible le réel. Découlant de la structuration spatio-temporelle propre à chaque système, cette dichotomie est notamment visible dans le rapport à l’écrit, dans les pratiques d’enculturation scolaire et dans les schémas de socialisation. Cet exemple illustre la nécessité pour le chercheur d’une perspective émique qui intègre de façon fondamentale le mode d’intelligibilité du réel de la population étudiée. Comme l’indique Abdallah-Pretceille (2005), l’axe méthodologique doit s’appuyer sur une démarche compréhensive et dépasser la simple description ou la prolifération de visions partielles qui scléroseraient l’analyse. « Comprendre les cultures, ce n’est pas accumuler des connaissances et des savoirs, mais c’est opérer une démarche, un mouvement, une reconnaissance réciproque de l’homme par l’homme, c’est apprendre à penser l’Autre sans l’anéantir, sans entrer dans un discours de maîtrise afin de sortir du primat de l’identification et du marquage. » (op. cit., pp. 61-62). L’intégration du relativisme culturel dans la méthodologie de recherche impose alors certaines conditions (Abdallah-Pretceille, 2005) : − une approche globale et pluridimensionnelle qui rend compte de la complexité des dynamiques culturelles ; − une démarche interactionniste qui intègre les conceptions symboliques et représentationnelles que se font les acteurs de leur culture et des situations étudiées ; − une perspective situationnelle qui interroge l’environnement, les conditions et les circonstances dans l’étude des faits observés ; − une analyse pluricausale afin de ne négliger aucune variable dans l’élaboration des hypothèses. La poursuite d’études comparatives exige de prendre quelques précautions en plus des conditions générales énoncées ci-dessus. Dans un souci de rigueur méthodologique, il convient tout d’abord de respecter la règle de Campbell qui stipule que « toute hypothèse interculturelle devrait conduire à la comparaison d’au moins trois groupes culturels différents » (1961 in Bril, B.& Lehalle, H., 1988, p. 22). Mais il faut considérer que « toute culture est un mélange, un métissage élaboré au fil des siècles et qui a peu à peu conquis son originalité, sa définition, ses spécificités » (Abdallah-Pretceille & Porcher, 2001, p. 19). Aussi, le chercheur est amené à éviter une catégorisation et l’affectation d’attributs sociaux trop figés dans la segmentation de la population. Cette pratique ne pourrait en effet rendre compte des dynamiques de contact interculturel et de la potentielle intégration de différents systèmes culturels dans la sédimentation identitaire. Dans la perspective d’une démarche émique, le découpage du tissu social nécessite d’être adapté à celui des groupes culturels étudiés. Mais cette condition ne peut être remplie au regard de l’hétérogénéité des groupes étudiés dans une recherche interculturelle. Aussi, on préfèrera une démarche ouverte consistant à caractériser les échantillons en prenant soin d’intégrer un maximum de variables culturelles dans le modèle d’analyse. On pourra s’appuyer sur les travaux de Mishra, Sinha et Berry (1996) pour la définition de critères d’acculturation adaptés aux objectifs poursuivis. Enfin, les résultats d’une étude quantitative seront toujours enrichis par une approche qualitative explorant les systèmes symboliques et représentationnels des sujets considérés. C’est au prix de cette ouverture et de cette rigueur méthodologiques que nous pourrons observer et analyser efficacement la vie des étudiants en sciences de l’éducation. III. Conclusion Comme le soulignent Dasen et Perregaux (2007), les Sciences de l’éducation ne peuvent faire l’économie des approches interculturelles. Par la richesse des ouvertures et des remises en question qu’elle propose, la démarche interculturelle bouscule nos modèles et nos représentations. Avec l’altérité, elle réinterroge notre identité et notre culture, permettant une prise de conscience et une compréhension de notre relation à l’autre en tant que culturellement différent. La prise de recul et la décentration qu’elle induit favorisent l’étude des problématiques sous des angles différents, enrichissant ainsi l’analyse et la compréhension. Prendre en compte la dimension interculturelle dans la recherche en éducation, c’est favoriser l’échange des connaissances et des pratiques. Les perspectives de développement sont multiples mais y accéder suppose probablement un remaniement de certains paradigmes existants. Comme l’énonce Sénèque 5, « à quoi sert de voyager si l’on s’emmène avec soi ; c’est d’âme qu’il faut changer, non de climat ». Il s’agit bien là d’un projet existentiel pour la recherche en éducation. 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