Quoi de neuf au Vatican - Secteur Pastoral de Palaiseau

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Quoi de neuf au Vatican - Secteur Pastoral de Palaiseau
Quoi de neuf au Vatican ?
Le 20 novembre dernier, le Groupe Débat du secteur pastoral de Palaiseau avait invité François Euvé sj,
Directeur de la rédaction de la revue Etudes à nous parler du pape François.
Le présentateur de la soirée, Alain Faujas, nous dit son enchantement ressenti le 13 mars (et
partagé par nombre de catholiques) en voyant le nouveau pape au balcon du Vatican.
Mais que peut-il y avoir de nouveau au Vatican, siège s’il en est de la tradition, de la
continuité et du conservatisme ? Et pourtant quelque chose a bougé : est-ce un effet en
profondeur ou un effet de surface ? Dans la presse, les deux tendances opposées se sont
réjouies : pour les uns, tout a changé et pour les autres rien n’a changé ! Comment est-ce
possible ? C’est que finalement, le pape François est une figure inclassable et déroutante.
Quelques mois plus tard, nous savons qu’il y a vraiment un changement de style et de manière
de faire. Pour Enzo Bianchi, le prieur de la communauté de Bose, « le pape s’est fait
homme ». Cela se sent déjà dans la simplicité de son vêtement, dans le lavement des pieds à
la prison pour jeunes délinquants, dans son premier voyage à Lampedusa, dans ses bains de
foule aux JMJ de Rio.
L’Eglise tout entière cherche la vérité
Mais aussi, il a su profiter de canaux non officiels pour lancer quelques pistes dans des
interviews sollicitées par la revue des Jésuites italiens, puis par la Republica (quotidien de
gauche). Il est le premier pape depuis Vatican II à ne pas avoir participé au concile, et il en
utilise la méthode, proche de celle de Jean XXIII : il écoute, répond et tient compte de son
interlocuteur. Alors qu’avec le charismatique Jean-Paul II, la vérité venait d’en haut, le pape
François est descendu de l’estrade et se mêle à la foule tout en ayant une parole. Pour lui, il
n’y a plus une Eglise enseignante et une Eglise enseignée, il n’y a qu’une Eglise qui cherche
la vérité. Sur un fond relativement conservateur et avec une certaine bonhomie (qui
n’empêche pas une certaine ruse), son style est profondément pastoral.
Son itinéraire
Entré très jeune chez les jésuites, il a enseigné la littérature et est devenu très vite supérieur de
la province d’Argentine dans un contexte pré-dictatorial. Son style était alors très autoritaire.
Consacré évêque, il découvre les gens tels qu’ils sont et perçoit la différence entre les
positions de principe et la situation des personnes (par exemple sur le problème des divorcés
remariés). Il ne prend des décisions qu’après une large concertation ; son principe est de
laisser certains intermédiaires décider eux-mêmes, il n’est pas bon que tout remonte au plus
haut à Rome. Il compte remettre en valeur la collégialité qui avait régné à Vatican II.
« Je crois en l’homme »
Le synode de la famille permet de percevoir sa méthode. En donnant la parole aux gens, il
témoigne d’une vision positive de l’humanité. Il n’est pas hanté par la crainte d’une
apocalypse prochaine, ou par l’apostasie de l’Europe et la montée des extrémismes.
Rappelons-nous simplement son ouvrage « Je crois en l’homme ». Son anthropologie n’est
pas celle du péché originel, qui nécessiterait des interventions fréquentes du clergé « pour
éviter que ça ne parte de tous les côtés ». Il a beaucoup fréquenté les favellas de Buenos Aires
et connaît les grandes injustices sociales. Il n’est pas naïf, il fait un acte de foi : si je crois que
tel est bon, peut-être va-t-il devenir meilleur ; la méfiance entraîne la méfiance. C’est sûr, il y
a un risque à faire confiance, elle a amené à la croix.
La vérité n’est pas d’abord une doctrine, c’est un mode de relation. Elle n’est pas relative
(c’est-à-dire à chacun sa vérité), elle est relationnelle. Le chemin de la vérité et de la vie, c’est
entrer en relation authentique, et le signe d’une telle relation, c’est la fécondité. Le dogme n’a
de sens que pour mieux entrer en relation avec les autres. Cette importance donnée à la
personne va de pair avec l’importance de la parole. Il n’aime pas les grands discours ; il
préfère établir une relation personnelle. Une parole libre libère la parole de l’interlocuteur.
C’est une position très biblique : Dieu crée par la parole et c’est cette parole créatrice qui fait
naître une parole personnelle. Ça devrait être le but de chaque homme ou femme d’Eglise. Le
pape François ne répète pas ses discours à l’avance : il ne craint pas de se tromper et si cela
arrive, cela amène… des discussions ! C’est pour cela qu’il peut paraître un « pape normal » !
Et cette simplicité n’empêche pas des paroles d’autorité.
Réformes
Au niveau du fonctionnement, nous connaissons ses projets de réformes de la curie, de la
banque du Vatican et la création du G8. Il ne se précipite pas, il est à l’écoute de l’Eglise. Il
est partisan d’un retour à la collégialité, de la réhabilitation des conférences épiscopales.
Pour lui, c’est le corps de l’Eglise qui est infaillible. Il y a un sentir commun des fidèles, ce
n’est pas du populisme. L’Esprit arrive de façon diffuse, ne descend pas exclusivement sur
Saint-Pierre de Rome qui le répartit ensuite, et quelques miettes sont récoltées à la base !
Il a aussi un projet de réforme des synodes, avec des risques bien sûr, mais il y a là quelque
chose de constructif. Vatican II a été une surprise et est le meilleur exemple de cette capacité
à laisser les choses ouvertes. Toute manifestation de l’Esprit est une surprise. Il nous permet
de réaliser que l’Eglise c’est nous, que nous sommes acteurs.
Les maîtres mots
Dans uns discours aux jésuites italiens, le pape François a mis en exergue trois mots qui
définissent son action.
Dialogue : toute la Bible (y compris l’évangile) montre Dieu en dialogue avec son peuple. Le
pape cite volontiers l’encyclique Ecclesiam suam de Paul VI en 1964 qui écrivait déjà que
l’Eglise devait entrer en dialogue avec le monde, qu’elle devait se faire parole et conversation.
Discernement : tout n’est pas bon à prendre, il faut bien sûr discerner à la lumière de
l’évangile : qu’est-ce qui mène à la fécondité ? L’itinéraire n’est pas tout tracé, il se fait au gré
des rencontres.
Frontières : citant Michel de Certeau, c’est la rencontre de l’autre (Autre) qui fait progresser,
qui aide à me faire devenir moi-même ; c’est là que se fait la communion humaine. Ce n’est
pas d’abord une affaire missionnaire, apporter l’évangile ; c’est le fait que dans la rencontre
d’autrui, quelque chose de divin va se produire.
Et en pratique…
La réforme la plus importante concerne d’abord le changement de style. Le pape François
procède selon la méthode de saint Ignace : il lance des phrases avec spontanéité, entend les
échos et adapte. L’histoire n’est pas écrite à l’avance.
Cela signifie donc qu’il entend favoriser le travail en commun : améliorer la collégialité,
favoriser les relations entre les dicastères romains. Il n’a pas pour projet de brusquer les
choses ; il a pris son temps pour nommer le secrétaire d’Etat.
Pour la liturgie, la sensibilité du pape François est différente de celle de Benoît XVI, mais il
n’y a pas de remise en cause du motu proprio au sujet de la forme extraordinaire.
En tant que sud-Américain, il a été confronté au problème de la théologie de la libération.
D’abord opposé à elle, on peut dire que maintenant sa théologie en est une branche, même s’il
n’en fait pas l’apologie.
Relations avec les autres religions : avec le judaïsme, elles sont bonnes, assez lointaines avec
l’islam ; pour le protestantisme, il a surtout été en relation avec les évangéliques ; de
l’orthodoxie, il retient la collégialité.
Si nous avons des désirs, exprimons les, à tous les niveaux de l’Eglise. Nous sommes à un
moment important de l’histoire de l’Eglise, et il serait dommage de ne pas prendre la parole.
C’est sur nous tous que repose l’avenir de l’Eglise

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