L`arsenal nucléaire chinois et sa capacité de frappe en second

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L`arsenal nucléaire chinois et sa capacité de frappe en second
La chronique de l’Observatoire de la non-prolifération, mars 2013
The Non-Proliferation Monthly’s Editorial, March 2013
L’arsenal nucléaire chinois et sa capacité de frappe en second
The Chinese nuclear arsenal and its
second-strike capability
Par Jean-Pierre Cabestan, directeur de recherche
au CNRS et professeur à l’Université baptiste de
Hong Kong
By Jean-Pierre Cabestan, Research Director at
the CNRS and professor at the Hong Kong Baptist
University
L’on sait que la Chine est dotée d’une capacité
de frappe en second. Mais bien des incertitudes demeurent sur ce sujet. Ces dernières années, sans
officiellement modifier sa doctrine, elle a toutefois
précisé ses objectifs. Ainsi en avril 2010, le Quotidien de l’Armée populaire de libération indiquait
que la Chine avait besoin d’une telle capacité et estimait que les sous-marins nucléaires lanceurs
d’engins (SNLE) constituaient le vecteur le plus
sûr. Cette année-là, l’IISS estimait que l’APL possédait 90 ICMB (66 basés au sol et 24 installés dans
les SNLE) et de 400 IRBM principalement pointés
contre Taiwan et le Japon. Le rapport 2012 du Pentagone avançait les chiffres de 50-75 ICBM et 80120 IRBM et MRBM. Si l’APL développe des sousmarins de la classe Jin (type-094, deux et bientôt
cinq en service) et met au point des missiles à carburant solides, qui peuvent être activés plus rapidement, l’on ne sait pas grand-chose du stade de développement de ces deux projets. Embarqué sur les
SNLE, le missile JL-2 (7 400 km) est encore à l’essai.
It is well known that China possesses a second-strike capability, but a great deal of uncertainty persists on the subject. Over the last few years,
without officially adjusting its doctrine, China has
nonetheless defined its objectives. In April 2010,
the People’s Liberation Army Daily indicated that
China needed such a capability and contended that
ballistic missile submarines (SSBNs) would constitute the safest means of delivery. In the same year,
the IISS estimated that the People’s Liberation Army was in possession of 90 ICBMs (66 groundbased missiles and 24 SLBMs) and 400 IRBM
mainly aimed at Taiwan and Japan. The Pentagon’s 2012 report proposed 50-75 ICBMs and 80
-120 IRBM and MRBM. While it is established that
the People’s Liberation Army is developing Jin
class submarines (type-094, of which there are
currently two in service, which will soon rise to
five) and is developing solid-propellant missiles,
which could be activated more quickly, not a great
deal is known about the progress of these two projects. The JL-2 (7400 km), which is mounted on
SSBNs, is still being tested.
Parallèlement, le principe traditionnel auquel
la Chine est attachée – la non utilisation de l’arme
nucléaire en premier – semble avoir été quelque
peu écorné. Ainsi, en janvier 2011, l’Agence de
presse japonaise Kyodo, relayée par Stratfor, rapportait que l’APL avait abaissé le seuil d’emploi de
ses armes stratégiques : elle pouvait désormais envisager de conduire une frappe nucléaire préventive
contre une puissance nucléaire qui aurait détruit
In parallel, the traditional principle to which
China adheres – no first use of nuclear weapons –
seems to have been slightly dented. Thus, in January 2011, the Japanese press agency Kyodo
(relayed by Stratfor) reported that the People’s
Liberation Army had lowered the threshold for use
of its strategic weapons: it could henceforth envisage a preventive nuclear strike against a
par des moyens conventionnels des cibles stratégiques-clés sur son territoire, comme par exemple
une centrale nucléaire, un barrage ou une grande
ville… après avoir au préalable lancé un avertissement à l’agresseur.
Mais ce qui inquiète le plus les Américains et
leurs alliés asiatiques, notamment les Japonais, est
l’opacité quasi-complète du programme nucléaire
militaire chinois. Alors qu’en avril 2010, les EtatsUnis et la Russie ont signé un traité limitant leurs
armes stratégiques à 1 550 d’ici 2018, la Chine estime que son propre programme ne peut être soumis
à aucune restriction ni regard internationaux.
Or, une étude publiée en 2011 par l’Université
de Georgetown (China’s Underground Great Wall:
Challenge for Nuclear Arms Control) et pilotées par
Phillip Karber annonçait que l’APL était désormais
dotée de quelque 3 000 armes nucléaires, souvent
mobiles et en grande partie stockées dans un réseau
de tunnels d’une longueur de 3 000 miles (4 800
km). Toutes sortes d’experts se sont immédiatement
mobilisés pour invalider cette assertion, certains ramenant à le nombre total d’armes chinoises à 240 et
à seulement 50 celui des ICBM capables d’atteindre
le territoire américain. Cependant, peu après,
d’autres experts ont contre-attaqué : un Russe estimait à 1 600-1 800 têtes l’arsenal stratégique chinois. La FAS, avançant le chiffre de 1 660, ne disait
pas autre chose. En outre, la dissémination
(volontaire ?) en 2012 par la Chine de documents
secrets rassurants comme La science des campagnes
de la seconde artillerie (les armes nucléaires) incitent à la prudence. Enfin, d’après WikiLeaks, les Occidentaux estiment que la Chine entend rattraper les
Etats-Unis en terme d’arsenal nucléaire et de capacité, maitrisant désormais entre autres la technologie
des têtes mirvées (DF-41).
Quoiqu’il en soit, en janvier 2013, le président
Obama a demandé au Pentagone de préparer d’ici le
15 août un rapport sur ces tunnels et la capacité conventionnelle et nucléaire des Etats-Unis de les neutraliser. Autant de pressions indirectes pour inciter
la Chine doit prendre part aux négociations futures
sur la réduction des arsenaux stratégiques, pressions
qu’elle ne pourra plus complètement ignorer.
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nuclear power that had by conventional means destroyed key strategic targets on its territory, such
as a nuclear power station, a dam, or a large city,
having provided prior warning to the aggressor.
But what most worries the U.S. and its Asian
allies, particularly the Japanese, is the quasi-total
opacity of the Chinese military nuclear programme. While in April 2010, the United States
and Russia signed a treaty limiting their number of
strategic weapons to 1550 by 2018, China considers that its programme can not be subject to any
restrictions or international scrutiny.
A study published in 2011 by Georgetown
University (China’s Underground Great Wall:
Challenge for Nuclear Arms Control) and directed
by Phillip Karber announced that the People’s Liberation Army was now in possession of some 3000
nuclear weapons, many of them mobile and largely
stored in a 3000-mile (4800 km) long network of
tunnels. All manner of experts immediately denounced this claim, some of whom quoted the total number of Chinese weapons at 240, of which
only 50 are ICBMs capable of reaching American
soil. However, shortly afterwards, other experts
provided counter proposals: a Russian estimated
that the Chinese strategic arsenal comprised 1600
to 1800 warheads. The FAS, citing a figure of 1660,
stated nothing else. Furthermore, the (voluntary?)
dissemination by China in 2012 of reassuring secret documents, such as “the Science of campaigns
of the Second Artillery” (nuclear weapons) calls for
prudence. Finally, according to WikiLeaks, the
West believes that China intends to match the
United States in terms of its nuclear arsenal and
its capability, by henceforth mastering, amongst
others, MIRV technology (DF-41).
In any case, in January 2013, President
Obama asked the Pentagon to prepare a report by
the 15th August on the tunnels and the United
States’ conventional and nuclear ability to neutralise them. This constitutes sufficient indirect pressure to compel China into taking part in future negotiations on the reduction of strategic arsenals,
pressure that China will no longer be able to completely ignore.
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