cour d`appel - Fasken Martineau

Transcription

cour d`appel - Fasken Martineau
COUR D'APPEL
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE MONTRÉAL
N°
:
500-09-022397-129
(700-17-007261-109)
DATE : 5 SEPTEMBRE 2013
CORAM : LES HONORABLES JACQUES R. FOURNIER, J.C.A.
JACQUES J. LEVESQUE, J.C.A.
MANON SAVARD, J.C.A.
LUCIE BOURBONNAIS
CAROLE ST-CYR
APPELANTES — Demanderesses
c.
9168-3615 QUÉBEC INC.
INTIMÉE — Défenderesse
et
MARTIN BOYER
NANCY ORDOLIS
MARCEL CHARBONNEAU
THÉRÈSE LAVOIE
JEAN-JACQUES HAGENS
JACQUELINE COMEAU
GESTION OLCAVY INC.
DANIEL GIROUX
JOHANNE LALIBERTÉ
JAMES RUTHERFORD MURRAY
SYLVIE PAQUETTE
SERGE SIMARD
NIMI NANJI
YVES ROBITAILLE
HEROL RONY
JOHANNE VANIER
L'OFFICIER DE LA PUBLICITÉ DES
FONCIÈRE DE TERREBONNE
MIS EN CAUSE — Mis en cause
DROITS
DE LA CIRCONSCRIPTION
PAGE: 2
500-09-022397-129
et
JEAN GUY LALANDE
MIS EN CAUSE — Intervenant
-
ARRÊT
[1]
Les appelantes se pourvoient contre un jugement de la Cour supérieure',
(l'honorable Chantal Corriveau, district de Terrebonne) qui, le 10 janvier 2012, accueille
en partie leur requête en annulation de déclaration de copropriété. La juge de première
instance déclare que l'Acte de correction inscrit le 14 janvier 2011, notamment sur les
parties privatives des appelantes et les parties communes de la copropriété, a pour
effet de rendre inopposable aux appelantes la Seconde déclaration de copropriété
Inscrite le 13 novembre 2007 sur les mêmes titres, mais refuse de radier ces deux actes
des titres de propriété des appelantes.
[2]
Le pourvoi ne concerne que la dernière de ces conclusions, c'est-à-dire celle
refusant la radiation des actes.
[3]
En cours d'instance, les appelantes présentent une inscription sur
acquiescement partiel à la demande par l'intimée, laquelle est déférée par la Cour à la
formation qui entend le pourvoi e .
Le Contexte
[4]
Une copropriété connue sous le nom de « Le Manoir Bleury-Bouthillier » est
créée le 25 avril 2007 par la publication d'une déclaration de copropriété s (« la Première
déclaration »), dont l'intimée, le promoteur du projet, est le déclarant et le mis en cause
Jean-Guy Lalande, le notaire instrumentant. Celle-ci constitue le Syndicat des
copropriétaires Le Manoir Bleury-Bouthillier (t( le Syndicat I ») et est composée de
16 parties privatives et des parties communes.
[5]
Les appelantes acquièrent respectivement une fraction (maison de ville) de la
copropriété, tout comme les mis en cause, outre le notaire Lalande, qui sont également
copropriétaires de la copropriété du Manoir Bleury-Bouthillier 4 .
Bourbonnais et al. c. 9168-3615 Québec inc., 2012 QCCS 315 (« Jugement entrepris »).
Bourbonnais et al. c. 9168-3615 Québec inc., 2013 QCCA 112.
3
Déclaration de copropriété, datée du 20 avril 2007, M.A., vol. II, p. 166 et suiv.
4 Selon les paragraphes 8 à 21 de la requête introductive d'instance amendée, les mis en cause, autre
que le notaire Lalande, étaient copropriétaires du projet (phase un et deux) au moment de l'institution
des procédures. Onze d'entre eux ont comparu au dossier.
2
500-09-022397-129
PAGE : 3
[6]
Le projet relatif à cette copropriété est réalisé en deux phases : la première inclut
15 parties privatives du projet, dont celles des appelantes, alors que la seconde phase,
aussi appelée le Donjon, vise la transformation de la seizième partie privative en quatre
unités d'habitation et deux maisons unifamiliales 5 .
[7]
La copropriété du projet Donjon est créée le 13 novembre 2007 par la publication
de la déclaration de copropriété s (« la Seconde déclaration »), dont l'intimée et le mis en
cause Lalande sont également respectivement le déclarant et le notaire instrumentant.
Le Syndicat constitué par la Seconde déclaration porte le nom de « Syndicat des
copropriétaires Le Manoir Bleury-Bouthillier II »' (« le Syndicat Il »).
[8]
Les paragraphes 1.2 et 1.5 de la Seconde déclaration précisent qu'elle constitue
la déclaration de copropriété concomitante pour la seizième partie privative. Bien qu'à
ce titre elle ne devait être inscrite que sur cette partie, la Seconde déclaration a, par
erreur, aussi été inscrite sur les quinze autres parties privatives de la phase un visées
par la Première déclaration, de même que sur les parties communes. Là se situe
l'origine du présent litige.
[9]
Le 3 août 2010, les appelantes intentent un recours afin de faire déclarer nulle et
inopposable la Seconde déclaration au motif qu'elle aurait été inscrite sans droit sur
leurs titres de propriété et qu'elle ne respecte pas les exigences de forme et de fond
requises, ou subsidiairement, afin de la faire déclarer inopposable aux appelantes.
Dans les deux cas, elles demandent qu'il soit ordonné à l'officier de la publicité des
droits de radier l'inscription de la Seconde déclaration de leurs titres de propriété.
[10] En réponse à cette procédure, les deux Syndicats tiennent une assemblée des
copropriétairess . Ceux de la phase un, à l'exception des appelantes, votent en faveur de
l'adoption d'un document intitulé « Modifications à une déclaration de copropriété
concomitante et reconnaissance à toutes fins que de droit » 9 (« l'Avis de correction »).
Les appelantes, bien que présentes 10 , s'abstiennent de voter. Les copropriétaires du
Donjon, quant à eux, votent à l'unanimité en faveur de l'adoption de l'Avis de correction.
[11] Trois parties comparaissent à l'Avis de correction, soit l'intimée et les deux
Syndicats. Il édicte notamment que la Seconde déclaration aurait dû être publiée
seulement sur les unités du Donjon et que c'est par erreur qu'elle a été publiée sur
toutes les parties privatives et communes de la phase un. Il prévoit également la
Paragraphe 1.5 de la Première déclaration stipule que l'intimée se réserve le droit de publier sur ce
seizième lot une déclaration subséquente afin de créer de nouvelles unités.
6
Déclaration de copropriété, datée du 13 novembre 2007, M.A., vol. Ill, p. 214 et suiv.
La Seconde déclaration attribue par erreur au Syndicat le nom de « Syndicat des copropriétaires Le
Manoir Bleury-Bouthillier ». Cette erreur est corrigée le 21 décembre 2010 afin qu'il soit désigné sous
le nom de « Syndicat des copropriétaires Le Manoir Bleury-Bouthillier II ».
8
Le 21 décembre 2010.
9 Modifications à une déclaration de copropriété concomitante et reconnaissance à toutes fins que de
droit, datée du 13 janvier 2011, M.A., vol. III, p. 265 et suiv.
t0 Par procuration.
5
500-09-022397-129
PAGE : 4
modification de la Seconde déclaration afin d'en retirer toute référence aux unités
privatives autres que celles comprises dans le Donjon. Finalement, il clarifie une
question soulevée par la Première déclaration quant à l'étendue de servitudes
d'empiètement créées aux termes de celle-ci 11 .
[12] L'Acte de correction est publié le 14 janvier 2011 sur les parties communes et
l'ensemble des parties privatives des copropriétés de la phase un et du Donjon, y
compris celles appartenant aux appelantes.
[13] Quelques jours plus tard, les appelantes amendent leur requête introductive
d'instance afin que leurs conclusions d'inopposabilité et de radiation visent non
seulement la Seconde déclaration, mais également l'Acte de correction.
Le jugement entrepris et les procédures en appel
[14] Le 16 août 2011, la juge Paque tt e scinde l'instance et ordonne qu'il soit disposé
dans un premier temps des deux questions suivantes 12 :
1.
L'Acte de correction a-t-il pour effet de rendre la Seconde déclaration
inopposable aux appelantes?
2.
En conséquence, la Seconde déclaration et l'Acte de correction peuventils être radiés des titres de propriété des appelantes?
[15] Advenant une réponse négative à l'une de ces questions, la deuxième phase de
l'instance devait porter sur la nullité de la Seconde déclaration invoquée par les
appelants.
[16] La juge de première instance était saisie des deux questions énoncées au
paragraphe 14.
[17] Comme mentionné précédemment, celle-ci répond par l'affirmative à la première
question et déclare que l'Acte de correction a pour effet de rendre inopposable aux
appelantes la Seconde déclaration en raison du libellé des actes. Cette conclusion n'est
pas contestée par les appelantes.
[18] Quant à la deuxième question, elle retient que l'Avis de correction vise à corriger
et à déclarer clairement que la Seconde déclaration ne s'applique pas aux parties
privatives de la phase un du projet, mais qu'il règle également un autre aspect
concernant des servitudes applicables à certaines parties communes. Les assemblées
de copropriétaires ayant opté pour une solution logique au problème, elle refuse
d'ordonner la radiation de la Seconde déclaration et de l'Avis de correction des titres de
propriété des appelantes.
1t
Article 1.3.5 de l'Acte de correction.
12
Bourbonnais c, 9168-3615 Québec inc., 2011 QCCS 4088.
500-09-022397-129
PAGE : 5
[19] La juge de première instance souligne également au passage que les deux
Syndicats de copropriétaires auraient dû être mis en cause.
[20] Après avoir pris connaissance de cette décision, les appelantes décident de ne
pas faire valoir leur prétention quant à la nullité de la Seconde déclaration et inscrivent
le jugement entrepris en appel, estimant qu'il a pour effet de mettre fin à l'instance t3 .
[21] Par la suite, l'intimée acquiesce partiellement à la demande, lequel
acquiescement est accepté par les appelantes. La Cour refuse de rendre jugement en
conséquence et défère l'inscription sur acquiescement partiel à la demande à la
formation qui entendra le pourvoi.
Les questions en litige
[22] Le pourvoi soulève deux questions 14 qu'il convient de résumer comme suit :
1.
Y a-t-il lieu de faire droit à la demande d'acquiescement partiel?
2.
La juge de première instance a-t-elle commis des erreurs de droit en
déclarant que la Seconde déclaration et l'Acte de correction ne devaient
pas être radiés sur les parties privatives des appelantes et sur les parties
communes de la copropriété?
L'acquiescement partiel à la demande
[23] Sur la première question, il convient tout d'abord de rappeler que seule l'intimée
a acquiescé partiellement à jugement. Elle consent à ce que la Seconde déclaration et
l'Acte de correction soient radiés sur les titres des appelantes relatifs à leurs parties
privatives, mais ne consent pas à la deuxième conclusion recherchée par les
appelantes voulant que ces actes soient également radiés des titres relatifs aux parties
communes. L'acquiescement partiel de l'intimée est signé par un représentant de cette
dernière, sans qu'une procuration spéciale l'autorisant à ce faire n'y soit jointe.
[24] En l'espèce, la Cour est d'avis qu'elle doit statuer sur le présent pourvoi par un
seul jugement et dès lors rejeter l'inscription à acquiescement partiel recherchée par les
appelantes pour les raisons suivantes.
Paragraphe 7 de l'inscription en appel. Devant la Cour, les parties soutiennent toutes deux que le
jugement entrepris est un jugement final, de sorte que la requête en rejet d'appel fondée sur
l'inexistence du.droit d'appel logée par le mis en cause Lalande est rejetée : Bourbonnais c. 9168
3615 Québec inc., 2012 QCCA 1048.
t4 Vu la conclusion à laquelle la Cour en arrive sur la deuxième question, il n'est pas nécessaire de
traiter de la question à savoir si le fait de ne pas avoir mis en cause les Syndicats de copropriétaires
constituait un vice de procédure fatal.
13
PAGE : 6
500-09-022397-129
[25] D'abord, l'on peut s'interroger sur l'intérêt de l'intimée à acquiescer partiellement
à jugement, et ce, peu de temps après avoir plaidé devant cette Cour que l'inscription
en appel ne faisait valoir aucune erreur déterminante justifiant son intervention.
[26] Mais quel que soit son intérêt, l'intimée n'est pas la seule partie déclarante à
l'Acte de correction. Son acquiescement ne peut valoir qu'à l'égard des droits dont elle
a libre disposition, et non de ceux des autres déclarants, les Syndicats, lesquels
regroupent les mis en cause copropriétaires.
[27] De plus, ces derniers ont raison de prétendre que de procéder sur
l'acquiescement partiel affecterait les autres copropriétaires à deux niveaux. D'une part,
en raison d'un manque d'uniformité, les autres copropriétaires de la phase un seraient
dans une situation pouvant générer une confusion, seuls les titres des appelantes, par
opposition aux leurs, ne feraient plus état de l'inscription des actes litigieux. D'autre
part, une telle radiation partielle aurait un impact sur le fonctionnement des parties
privatives et communes de la copropriété puisque l'Acte de correction traite également
des servitudes d'empiètement créées aux termes de la Première déclaration de
copropriété.
[28] Dans ce contexte, il n'est pas nécessaire de décider si l'absence de procuration
spéciale entache la validité de l'acquiescement partiel en vertu de l'article 458 C.p.c.
La demande de radiation
[29] Les appelantes plaident que la juge de première instance a commis des erreurs
de droit en refusant de radier la Seconde déclaration et l'Acte de correction de leurs
titres de propriété.
[30] Elles soutiennent principalement que les inscriptions de ces deux actes ont été
faites sans droit, qu'elles encombrent indûment leur titre de propriété et que le C.c.Q.
leur confère le droit d'obtenir cette radiation. Subsidiairement, elles prétendent que les
copropriétaires n'ont ni l'autorité ni la compétence, d'une part, de décider sur quelle
partie privative sera publié un acte de correction, d'autre part, de priver un
copropriétaire du droit de faire radier un acte publié par erreur.
[31] Les appelantes appuient leur demande de radiation sur les articles 2965 et
3063 C.c.Q. qui se lisent comme suit :
2965. Tout intéressé peut demander
au tribunal, en cas d'erreur, de faire
rectifier ou radier une inscription.
3063. La radiation d'une inscription
peut être ordonnée par le tribunal
lorsque l'inscription a été faite sans
2965. Every interested person may
apply to the cou rt, in cases of error, to
obtain the correction or cancellation of
a registered entry.
3063.The court may order the
cancellation of a registration effected
without right or irregularly, or on the
500-09-022397-129
droit ou irrégulièrement, sur un titre
nul ou informe, ou lorsque le droit
inscrit est annulé, résolu, résilié ou
éteint par prescription ou autrement.
Elle est aussi ordonnée lorsque
l'immeuble sur lequel une déclaration
de résidence familiale avait été
inscrite a cessé de servir à cette fin.
PAGE:7
basis of a title that is null or that is
irregular as to form or where the
registered right has been annulled,
rescinded, resiliated or extinguished
by prescription or otherwise.
It may also order cancellation where
the immovable against which a
declaration of family residence that
had been registered has ceased to be
used for that purpose.
[32] La juge de première instance refuse de radier les inscriptions contestées puisque
l'adoption de l'Acte de correction par l'assemblée des copropriétaires et, par voie de
conséquence, sa publication, constituent « une solution logique et pratique » au
problème découlant de l'inscription erronée de la Seconde déclaration. Elle écrit :
[32] Le Tribunal estime que bien que la radiation aurait pu être envisagée, vu les
énoncés apparaissant à l'acte de correction selon lequel la deuxième déclaration
de copropriété avait été inscrite par erreur sur certaines unités, la solution
retenue est logique, pratique et n'emporte pas d'abus de droit, d'intention
malicieuse pour reprendre les termes de l'arrêt unanime de la Cour d'appel dans
l'affaire précitée Syndicat de copropriétés Club Tremblant bloc F-G. [...]
[33] La référence par la juge de première instance à un abus de droit ou une intention
malicieuse et à l'arrêt Syndicat de copropriétés Club Tremblant inc., bloc F-G c. Club
Tremblant inc. 15 est inspirée du texte de l'article 1103 C.c.Q., lequel se lit comme suit :
1103. Tout
copropriétaire
peut
demander au tribunal d'annuler une
décision de l'assemblée si elle est
partiale, si elle a été prise dans
l'intention de nuire aux copropriétaires
ou au mépris de leurs droits, ou
encore si une erreur s'est produite
dans le calcul des voix.
1103. Any co-owner may apply to the
court to annul a decision of the
general meeting if the decision is
biased, if it was taken with intent to
injure the co-owners or in contempt of
their rights, or if an error was made in
counting the votes.
[•]
[ •]
[34] La décision de l'assemblée des copropriétaires d'adopter l'Acte de correction
étant valide, la juge de première instance refuse de radier son inscription, tant sur les
parties privatives des appelantes que sur les parties communes. Elle arrive à la même
conclusion à l'égard de la Seconde déclaration qui est à l'origine de l'Acte de correction
et sans laquelle ce dernier n'a aucune raison d'être.
15
2011 QCCA 436.
500-09-022397-129
PAGE : 8
[35] Avec égards, les appelantes n'ont pas démontré la présence d'une erreur de
droit ou d'une erreur manifeste et déterminante dans l'interprétation des faits dans la
conclusion du juge de première instance.
[36] L'Acte de correction est adopté par les copropriétaires de chacun des Syndicats
lors d'une assemblée générale tenue en décembre 2010.
[37] À cette date, les appelantes soutenaient dans leurs procédures que la Seconde
déclaration « [...] est une modification à la première déclaration de copropriété et s'y
intègre complètement » 16 . Elles en demandaient la nullité alléguant des vices de forme
et de fond, dont l'absence d'autorisation du Syndicat I à la « modification » à la
Première déclaration.
[38] Pour les autres copropriétaires, la lecture de la Seconde déclaration permettait
de conclure que celle-ci n'affectait que le Donjon. Par contre, ils constataient que si le
tribunal devait faire droit à la conclusion recherchée par les appelantes, les
copropriétaires du Donjon pourraient se retrouver en situation d'indivision, avec toutes
les conséquences qui s'y rattachent, notamment sur les inscriptions d'hypothèques
conventionnelles et légales.
[39] Les copropriétaires ont opté pour l'adoption de l'Acte de correction qui modifie la
Seconde déclaration afin d'en retirer toute référence aux parties privatives autre que
celles comprises dans le Donjon i7.
[40] Selon eux, cette solution permettait de dissiper toute ambiguïté quant à savoir si
la Deuxième déclaration avait modifié la Première déclaration et quant aux
conséquences d'une telle modification le cas échéant, et d'atteindre les objectifs
suivants :
➢
revenir au statu quo ante si, comme les appelantes le plaidaient, la
Seconde déclaration avait modifié la Première déclaration;
➢
énoncer que l'intention des parties avait toujours été que la Seconde
déclaration ne soit applicable qu'à l'égard du Donjon, comme les autres
copropriétaires le soutenaient; et
➢
éviter un vide juridique pour les copropriétaires du Donjon en préservant
l'inscription de 2007.
[41] La première juge confirme la portée que les copropriétaires voulaient donner à
l'Acte de correction puisqu'elle conclut qu'il dissipe toute ambiguïté quant à la portée de
la Seconde déclaration en ce qu'il a pour effet de rendre cette dernière inopposable aux
appelantes. Or, rappelons-le, les appelantes ne contestent pas cette conclusion du
16
17
Paragraphe 66 de la requête introductive d'instance, M.A., vol II, p. 54.
Acte de correction, article 2.1.2, M.A., vol. III, p. 271-272.
500-09-022397-129
PAGE : 9
premier juge. En ce faisant, elles reconnaissent la validité en soi de l'Acte de correction
et le pouvoir de l'assemblée des copropriétaires de l'adopter.
[42] C'est probablement pourquoi, devant nous, les appelantes s'attaquent plutôt à la
décision de l'assemblée des copropriétaires de publier l'Acte de correction au motif que
cette dernière n'aurait pas compétence pour prendre une telle décision, ni priver un
copropriétaire du droit de faire radier un acte publié par erreur sur sa partie privative.
[43] Or, compte tenu de sa raison d'être et de son objectif, l'inscription de l'Acte de
correction sur toutes les parties privatives et communes du projet, dont celles des
appelantes, en était la conséquence logique et inévitable. Si, tel que le plaidaient les
appelantes dans leurs procédures, la Seconde déclaration modifiait la Première
déclaration, son adoption et son inscription étaient conformes aux articles 1097(4) et
1060 C.c.Q. Les appelantes ne peuvent d'une part, alléguer que la Seconde déclaration
modifie la Première déclaration et en demander la nullité et d'autre part, se plaindre
lorsqu'en réponse à de telles allégations, l'assemblée des copropriétaires adopte l'Acte
de correction afin de modifier la Seconde déclaration et y retirer toute référence aux
unités privatives autres que celles comprises dans le Donjon, et encore moins maintenir
cette position après qu'elles aient renoncé à plaider la nullité de la Seconde déclaration
une fois les modifications apportées.
[44] II est vrai que les titres des appelantes, en ce qui a trait à la déclaration de
copropriété, comportent maintenant trois inscriptions, plutôt qu'une. Par contre, leurs
titres n'en sont pas moins clairs pour autant. La lecture de l'Acte de correction,
conjointement à la Seconde déclaration, ne laisse pas de doute quant à l'inopposabilité
de cette dernière sur les parties privatives et communes de la phase un. Le jugement
de première instance sur cette question a d'ailleurs passé en force de chose jugée. Le
fait qu'un notaire puisse avoir commis une erreur dans des actes subséquents à la
publication des actes en litige ne signifie pas pour autant que les titres ne sont pas
clairs.
[45] Peut-être les appelantes auraient-elles préféré que les copropriétaires adoptent
une autre solution à la situation à laquelle ils étaient confrontés, mais là n'est pas la
question.
[46] Il faut rappeler que la modalité particulière de propriété que constitue la
copropriété divise limite le droit de propriété classique de chaque propriétaire divis,
comme le soulignait le juge Forget dans l'arrêt Société d'habitation et de
développement de Montréal c. Bergeron" :
On peut sans doute soutenir que les droits des propriétaires divis sont
moins étendus que ceux des propriétaires uniques : ils sont limités par la
loi et par la déclaration de copropriété. Je conçois assez facilement que
les droits des propriétaires divis doivent, dans certains cas, céder le pas à
18
[1996] R.J.Q. 2088.
500-09-022397-129
PAGE : 10
ceux de la collectivité, représentée par le syndicat, mais encore faut-il que
les droits individuels et collectifs s'opposent. [...]
(notre soulignement)
[47] II en est ainsi en l'espèce où la demande de radiation des appelantes s'oppose
aux droits de la collectivité qui, par le biais de l'assemblée des copropriétaires, a opté
pour une autre solution face à l'erreur d'inscription de la Seconde déclaration, laquelle
est homogène pour l'ensemble des copropriétaires.
[48] Conséquemment, considérant les circonstances ayant mené à l'adoption de
l'Acte de correction par les assemblées de copropriétaires, la nature et la portée des
inscriptions contestées, l'absence de préjudice découlant du maintien de ces dernières
sur leurs titres, de même que l'intérêt de la collectivité, les appelantes n'ont pas
démontré que la décision de la première juge de refuser de radier les inscriptions
contestées était déraisonnable et contraire à l'article 3063 C.c.Q.
[49] En terminant, les appelantes soutiennent que la juge de première instance aurait
dû leur accorder les dépens puisqu'elle faisait droit en partie à leurs demandes.
Puisque cette question relevait de sa discrétion et qu'elle n'a accueilli qu'en partie les
demandes des appelantes, nous n'avons pas de motifs d'intervenir dans l'exercice de
sa discrétion.
POUR CES MOTIFS, LA COUR :
[50]
REJETTE l'appel avec dépens.
Fu URNIER J.C.A.
JA TUES
MA ON SÂVARD, J.C.A.
Me Luc Huppé
Me Yves Joli-Coeur
DE GRANDPRÉ JOLI-COEUR
Pour les appelantes
Me Pierre Pratte (absent)
BCF
Pour l'intimée
500-09-022397-129
Me Jolaine Charbonneau
DUNTON RAINVILLE
Pour les mis en cause sauf Jean-Guy Lalande
Me Éric Ménard
Me Nikolas Blanchette
FASKEN MARTINEAU DUMOULIN
Pour le mis en cause Jean-Guy Lalande
Date d'audience : Le 27 mai 2013
PAGE : 11