Expert en pentathlon moderne » Interview des entraîneurs de l`Insep

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Expert en pentathlon moderne » Interview des entraîneurs de l`Insep
«Expert en pentathlon moderne »
Interview des entraîneurs de l’Insep
février 2014
Sylvie. F.V. : Jean-Pierre Guyomarch et Jean Max Berrou, vous êtes les entraîneurs de
l'équipe de France masculine et féminine de Pentathlon Moderne à l'INSEP, vos parcours
sont différents, votre expérience d'entraîneur aussi ; pourriez-vous cependant définir ce
qui vous pousse à vous investir toujours autant et avec tant de volonté dans votre métier
mais aussi dans votre fonction d'entraîneur de l'équipe de France ?
Jean-Pierre Guyomarch : La fonction d’entraineur des équipes masculines que j’occupe depuis
septembre 2000 à l’INSEP reste toujours pour moi une fonction de passion. Que ce soit la
diversité et la singularité de chaque athlète ou les récentes modifications du règlement, cette
fonction me demande une remise en question permanente. L’entraîneur doit concevoir, mettre
en place et analyser le projet sportif. C’est un travail d’équipe qui demande une anticipation et
une réflexion passionnante sur sa discipline. L’entraîneur doit également s’adapter à un
environnement en perpétuelle évolution qui empêche la routine de s’installer. Enfin la richesse
des relations construites avec chaque athlète et les émotions partagées avec l’ensemble de
l’équipe en compétition contribuent largement à maintenir intact mon engagement.
Jean-Maxence Berrou : Aujourd’hui Jean-Pierre a effectivement une grande expérience comme
entraîneur. Pour moi c’est encore tout neuf, j’ai pris mes fonctions en septembre mais pourtant
nos parcours sont finalement assez similaires. Nous avons tous les deux :
- été athlètes de haut niveau à l’INSEP,
- passé notre professorat de sport pendant cette période,
- directement enchaîné sur notre métier d’entraîneur au sein de la Fédération Française
de Pentathlon Moderne à l’issue de notre carrière sportive.
Être entraîneur de l’équipe de France féminine représente à la fois un immense bonheur et un
immense challenge pour moi. Dans ce métier et cette fonction je vois deux principaux objectifs :
- permettre aux athlètes d’atteindre la performance de très haut niveau,
- les accompagner pour leur permettre de s’épanouir dans leur vie sportive et en tant que
personne.
C’est pour ces deux principales raisons que je m’investis avec volonté et motivation au quotidien
dans ce métier.
Sylvie. F.V. : Vos athlètes ont des profils psychologiques très différents, comment se
passe l'adaptation entraîneur/entraîné(e) ?
J-Pierre G. : Pour réussir à exprimer tout son potentiel, je pense que l’athlète doit être
réellement acteur de sa pratique. Dans ce contexte la relation entraîneur/entraîné doit pour moi
tendre vers une coopération entraîneur athlète (tout ce qui est proposé peut être sujet à
discussion). Une relation de confiance est indispensable pour favoriser l’engagement et la
motivation des athlètes. C’est pourquoi d’une relation plutôt directive et collective avec les
juniors, j’essaye d’évoluer progressivement vers une relation de collaboration plus individualisée
avec les seniors. Par exemple, en impliquant les athlètes sur la détermination de leurs objectifs
et l’évaluation de leur progression personnelle, je favorise la construction de leur propre identité
et de leur autonomie.
J-Max B. : Il y a un cadre et des règles de fonctionnement communs au sein du collectif. Mais
effectivement en fonction des profils, il doit nécessairement y avoir des adaptations sur un plan
individuel. La communication avec chacune d’entre elles est une des clés ou des portes d’entrée
pour apprendre à les connaître. C’est cette communication qui me permet de faire des
adaptations au niveau de l’entraînement ou au niveau du message que je veux faire passer ou
encore du message que l’athlète souhaite me faire passer.
Par exemple la manifestation du stress peut s’exprimer différemment en fonction des athlètes :
certaines vont en parler, d’autres vont l’exprimer par des signes d’irascibilité, ou alors se
refermer sur elles-mêmes.
Mon rôle d’entraîneur est donc d’apporter mes compétences techniques au service des athlètes
mais aussi de développer des qualités d’empathie pour être capable de tisser la meilleure
relation entraîneur/entraînée avec chaque athlète.
Sylvie. F.V. : Quelles sont vos relations avec vos athlètes ?
J-Pierre G. : J’ai aujourd’hui à l’INSEP une approche très collective de l’entraînement. La
dynamique de groupe me permet de favoriser l’émulation et la concurrence tout en entretenant
la notion de plaisir. Elle me permet également de poser les règles de fonctionnement basées
sur la rigueur et l’exigence. Pour autant les athlètes sont tous différents et l’approche individuelle
de l’entraînement reste déterminante, principalement dans l’abord et la gestion de la
compétition. Le calme, la confiance et la capacité de l’entraîneur à écouter et surtout entendre
ses athlètes prennent ici toute leur importance. Par exemple depuis deux saisons les briefings et
débriefings, avant et après chaque compétition, ont amélioré ma relation individuelle avec
chaque athlète.
J-Max B. : Je suis moi-même, je ne cherche pas à jouer un rôle, je ne triche pas. Mon rôle est
de véhiculer des valeurs sportives et humaines au sein du collectif.
L’idée générale c’est d’être sérieux sans se prendre au sérieux. A l’entraînement, j’essaye
d’apporter un maximum d’énergie positive. J’exige d’elles comme de moi de la rigueur, de
l’investissement, de la détermination et de la qualité dans tout ce qui est fait. J’insiste également
sur les notions de plaisir et de solidarité dans l’entraînement.
En dehors on parle d’autres choses, on plaisante régulièrement ensemble sur des sujets divers
et variés.
Sylvie. F.V. : Fabrice Pellerin, entraîneur niçois de natation de Camille Muffat affirme que
"le sport performance" n'est pas bien reconnu en France. Que pensez-vous de cette
critique ?
J-Max B. : Avant de développer, il faudrait remettre cette affirmation dans son contexte pour
mieux comprendre ce qu’il a voulu dire et pourquoi il en est arrivé à exprimer cela. Il est vrai
qu’en fonction des disciplines pratiquées on peut dire qu’il y a un sport à deux vitesses tant sur
la reconnaissance des résultats que dans la reconnaissance des sportifs(ves).
Lorsqu’on pratique ou lorsqu’on a pratiqué du pentathlon moderne, on souhaiterait que les
athlètes soient d’avantage reconnus à leur juste valeur pour l’ensemble du travail et des efforts
qu’ils fournissent chaque jour pour atteindre la performance.
Même si la médiatisation reste difficile pour un sport comme le nôtre, la Fédération tente de
mettre en lumière ses champions et d’accompagner au mieux les athlètes dans leurs projets,
sportif, scolaire ou professionnel grâce notamment aux dispositifs proposés par le Ministère des
Sports et l’INSEP.
J-Pierre G. : Je ne suis pas certain que le sport performance ne soit pas reconnu en France. Je
pense au contraire que l’organisation du sport dans notre pays donne à nos athlètes la
possibilité d’atteindre le plus haut niveau dans de nombreuses disciplines (olympiques et non
olympiques). L’engagement de l’État avec par exemple la mise à disposition des cadres
techniques ou la récente rénovation de l’INSEP assure une certaine stabilité de nos institutions
et permet à notre pays de concurrencer les plus grandes nations. Bien sûr la médiatisation des
athlètes dans de nombreux sports comme le pentathlon est encore insuffisante. La volonté du
Ministère et de la Fédération d’accompagner la mise en œuvre du double projet est forte même
si la complexité de notre sport rend parfois la réalisation difficile tout comme l’obtention d’un
Contrat d’Insertion Professionnel destiné à accompagner nos élites tout au long de leur carrière.
La recherche de partenaires privés engagée par la fédération apparaît donc aujourd’hui
essentielle à la pérennisation et l’exposition de notre discipline.
Sylvie. F.V. : 2016 se prépare, 2020 on y pense, je ne vais pas vous demander vos
objectifs pour ces deux évènements, personne ne les ignore mais comment allez vous
vous préparer ?
J-Max B. : Je veux que l’on monte en puissance… 2016 c’est demain. Il faut un collectif France
soudé et uni.
Pour cela, au sein de la Direction Technique, nous constituons un staff au service de la
performance en nous appuyant sur les services de l’INSEP (médical, kiné, recherche,
technologies, nutrition, accompagnement des sportifs…). La DTN a fixé une ligne directrice, le
temps et les performances à venir nous permettront de réaliser les adaptations ou les
ajustements nécessaires. Notre but à tous est de créer les conditions menant à la réussite, de
tout mettre en œuvre pour atteindre le Graal Olympique.
Je souhaite m’inscrire dans la durée, il y a une jeune génération qui va progresser, que
j’aimerais amener au sommet de son art en 2020 (elles nous réservent peut-être des surprises
déjà pour 2016… Qui sait !).
J-Pierre G. : La préparation des Jeux Olympiques de 2016 à Rio a bien sûr commencé. Pourtant
avant cette échéance si importante il reste encore 3 saisons complètes avec 3 Championnats
d’Europe et 3 Championnats du Monde qui doivent permettent à nos athlètes de continuer à
progresser et monter dans la hiérarchie mondiale. Après une saison 2013 couronnée par un
titre de champion du Monde par équipes, les objectifs individuels doivent être maintenant
privilégiés. Les Jeux Olympiques sont une épreuve extraordinaire qu’il faudra donc préparer de
façon extraordinaire mais toujours dans le calme et la sérénité. L’objectif est ambitieux bien sûr
avec la médaille individuelle que notre sport attend depuis si longtemps.
Sylvie. F.V. : Les différentes activités du pentathlon présentent des cultures
d'entraînement et de planification très différentes qui vont, selon le type d'activités et les
entraîneurs référents, des modes de programmations empiriques et intuitifs (basés sur
l'expérience) jusqu'aux planifications plus construites et plus formalisées. Vous disposez
à l'Insep des infrastructures nécessaires à l'entrainement des sportifs de très haut
niveau. Vous êtes pour nos jeunes le reflet et la réussite. Comment adapter dans les
clubs ces contraintes, de volume, de type d'entraînement et d'infrastructures?
J-Pierre G. : Nous disposons en effet à l’Insep de conditions d’entraînement et de travail quasi
idéales mais c’est vrai que cela devient souvent très compliqué au niveau des clubs. Pourtant
nous savons tous le rôle essentiel des clubs dans la promotion et le développement de notre
sport. Dans ce contexte, la pratique du biathle et du triathle semble certainement une solution à
privilégier. Les contraintes logistiques et financières sont beaucoup moins importantes et la
pratique de la natation, de la course et du tir est une approche progressive et très formatrice de
notre sport. Ces trois disciplines (natation, course et tir) doivent également favoriser l’accès des
jeunes aux différents pôles fédéraux et renforcer la filière d’accès au haut niveau. Dans tous les
cas le pentathlon doit rester un sport éducatif permettant aux plus jeunes pratiquants de
s’épanouir à travers une activité variée et éclectique où la notion de plaisir doit toujours être
privilégiée.
J-Max B. : La pratique du pentathlon moderne nécessite effectivement une multitude
d’infrastructures et une logistique souvent lourde à gérer pour les clubs.
Mais le plus important pour nos athlètes de club, c’est de pratiquer avec la notion de plaisir,
d’envie et du goût de l’effort. Que l’on soit en club ou à l’INSEP c’est le plus important à retenir.
Les nouveaux types de pratiques vont peut être permettre de renforcer encore le côté ludique de
l’activité du pentathlon moderne.
Ensuite les athlètes de l’INSEP appartiennent avant tout à des clubs, il est donc primordial
d’entretenir et de renforcer la proximité entre le haut niveau et les athlètes de club pour à la fois
apporter l’expérience et également mesurer le soutien des athlètes de club pour leur tête
d’affiche.
Enfin par rapport aux contraintes, au volume/horaire, au type d’entraînement, il faut optimiser
chaque structure et respecter la notion de progressivité par rapport aux formats de chaque
catégorie. L’essentiel est de s’appuyer sur les fondamentaux dans chaque discipline pour faire
progresser.
Sylvie. F.V. : Quels conseils donneriez vous à des jeunes souhaitant devenir entraîneur
national ?
J-Pierre G. : Quel que soit le niveau de pratique un entraîneur sportif est avant tout pour moi un
éducateur qui aide un jeune dans sa progression sportive bien sûr mais aussi dans sa
construction d’homme ou de femme. L’entraîneur doit donc posséder les connaissances
techniques de sa discipline mais aussi les qualités humaines qui lui permettront de développer
toutes les aptitudes de ses athlètes. Un entraîneur doit être un bon communicant qui doit
également faire preuve de patience et de justice. L’entraîneur doit poser un cadre et le
respecter, il peut aussi sanctionner si nécessaire. Il doit être capable de s’adapter et se remettre
en question. A haut niveau il doit être exigeant et rigoureux.
Pour devenir entraîneur national un jeune doit aujourd’hui passer principalement le concours
externe du professorat de sport dans l’option conseillé technique et sportif. Il doit être titulaire
soit de la licence STAPS soit d’un DES. Il existe également un concours interne ouvert à tous
les agents de la fonction publique.
Le futur entraîneur devra surtout être un passionné de sport…. et de nature humaine.
J-Max B. : Ce métier doit être une passion. Il faut aimer les gens, avoir envie de transmettre, de
partager, de donner...
Pour moi c’est vraiment le début d’une aventure humaine…
Ces fonctions sont encore récentes, mais si je devais donner des conseils c’est :
- apprendre à jongler entre les connaissances et le feeling que l’on peut ressentir dans
l’instant,
- de la même manière, il est nécessaire d’anticiper, de savoir s’adapter et de faire face à
l’imprévu.
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