le pelican1 - AOP - Amicale de l`Offshore Pétrolier

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le pelican1 - AOP - Amicale de l`Offshore Pétrolier
Le Pélican n° 71 printemps, édité le 24 mars 2015
LE PELICAN
1 2
,
N° 71 printemps 2015
Revue de
L’Amicale de l’Offshore Pétrolier3
Sommaire
1.
EDITORIAL PAR LE PRESIDENT .............................................................................................................................. 3
2.
HOMMAGE DE L'AOP A L'ABBE JEAN VIEILLARD .............................................................................................. 3
3.
STX FRANCE LANCE SON USINE DEDIEE AUX ENERGIES MARINES ............................................................ 4
4.
ESCAPADE DE PAIMPOL VERS RIO DE JANEIRO PAR JEAN DENOUËL ....................................................... 7
5.
ONOMASTIQUE OFFSHORE PAR ALAIN QUENELLE ........................................................................................10
6.
SAINT-CYR A TROIS CENTS ANS PAR ALAIN-RENE GENNARI .....................................................................12
7.
22 NOVEMBRE 1787. BONAPARTE PERD SON PUCELAGE ..........................................................................18
8.
BIENVENUE CHEZ L'EMPEREUR: LA MAISON D'AUGUSTE ROUVRE A ROME ........................................20
9.
HUE – PLEI KU LES HAUTS-PLATEAUX EN VELO PAR JEAN-LOUIS GODFRAIN ...................................21
10.
UN SAUMON GENTLEMAN PAR JEAN PAUL LABBE (MARS 2014) ...........................................................29
11.
TÉMOIGNAGE D’UN POILU ......................................................................................................................................30
12.
LA MEDIATION? ..........................................................................................................................................................33
13.
BLAGUES DE HENRIOT (L’ILLUSTRATION) .......................................................................................................34
14.
FIBRIANO, 750 ANS DE TRADITION AU SERVICE DU PAPIER PAR MONIQUE HEBRARD .................35
15.
DEVINETTE DE 4 LETTRES?....................................................................................................................................37
16.
A QUEL AGE FAUT-IL ARRETER DE CONDUIRE ?.............................................................................................38
17.
LE SUDOKU ...................................................................................................................................................................39
1
Retrouver le Pélican en couleur sur votre site : www.a-o-p.org
Ce Pélican se trouve sur la tour de la Cathédrale de Bourges
3
Amicale de l’Offshore Pétrolier c/o SUBSEA 7, 1 quai Marcel Dassault 92156 SURESNES CEDEX
2
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Le Pélican n° 71 printemps, édité le 24 mars 2015
18.
THE BIRDS ....................................................................................................................................................................39
19.
RÉPONSE DE LA DEVINETTE ..................................................................................................................................39
20.
A QUAND VOS ARTICLES ? .......................................................................................................................................40
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Le Pélican n° 71 printemps, édité le 24 mars 2015
1.
EDITORIAL PAR LE PRESIDENT
Chers Amis,
Ce numéro du Pélican est dédié au Père Jean VIEILLARD, l'un de nos amis et membre
d'honneur de l'AOP qui est décédé le 17 Février 2015. (voir l’article 2 de ce Pélican qui lui rend
hommage)
Ce numéro, par ailleurs, essaie de couvrir des sujets très variés, reflétant aussi bien,
quelques éléments marquants de l'évolution de l'Offshore Pétrolier et des énergies marines, de
l'onomastique pour nous cultiver, des anecdotes ou histoires personnelles aux échos maritimes
et naturels, un article historique sur les 300 ans de l'Ecole Saint-Cyr, le témoignage d'un Poilu de
la famille de Christian COMPAIN, un article de notre ex - président Philippe Josse sur le sujet de la
médiation dont les applications sont vastes en cas de conflits familiaux, commerciaux, professionnels, de voisinages,....un
rallye vélo de quelques jours au Vietnam en parcours très dénivelé, et enfin quelques pages d'humour, le tout
habilement compilé par notre Rédacteur en chef, Hervé KERFANT, qui après avoir pris la suite de notre ami Christian
COMPAIN a conçu les maquettes des Flash et Pélicans que vous lisez depuis plus de 5 ans.
Ce poste intéressant de Rédacteur en chef est à prendre dès l'an prochain, vous y aurez l'occasion d'y apporter
votre touche personnelle et de le faire évoluer vers une distribution d'articles bien équilibrée entre l'actualité technique
Offshore, les diverses énergies marines, les évolutions des techniques de fabrication, transport et installation pour
l'Offshore profond, mais aussi vos expériences professionnelles en cours si vous êtes actifs ou passées si vous profitez
maintenant d'un repos bien mérité, (qui par ailleurs vous laisse un temps pour écrire).
Ce poste de rédacteur en chef laisse beaucoup de liberté de création et de conception et nous serions heureux
d'en parler à quiconque souhaiterait s'en informer.
Amicalement
Jean-Marie DELAPORTE
Président de l'AOP
2.
HOMMAGE DE L'AOP A L'ABBE JEAN VIEILLARD
L'abbé Jean Vieillard était membre d'honneur de l'AOP depuis 6 ans, il vivait sa retraite à Paris
dans le 17ème, proche de l'église Saint Ferdinand des Ternes où il continuait à rendre service à cette
grande paroisse. Il avait célébré plusieurs fois la messe du souvenir de L'AOP ces dernières années.
Son enthousiasme et son dévouement dans la préparation et la célébration de ces messes ont
beaucoup touché ceux qui la préparaient avec lui.
Voici un bref aperçu de sa Vie.
De famille parisienne, Jean VIEILLARD a baigné très
jeune dans le métier d'ingénieur et plus précisément dans
l'électronique et l'électromécanique car son père a été à
l'origine de la Société BULL qu'il créa en 1935.
Il fait de brillantes études, il intègre en 1941 à l'Ecole
Polytechnique perpétuant ainsi un modèle familial mais déjà
il pense à sa vocation religieuse.
Il est tenté aussi, en cette période trouble de rejoindre
les Forces Françaises Libres mais son entourage au séminaire
l'en dissuade. Il rentre alors comme ingénieur au bureau
d'études de la Société Caudron Renault puis y est chargé de
l'encadrement des apprentis.
Au lieu de démissionner de l'X, il fait une licence de
philosophie au grand soulagement de certains de ses proches pensant qu'ainsi il réfléchirait et se
détournerait de sa vocation religieuse. Rien n'y fait, il est ordonné prêtre en 1948, et il est
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immédiatement affecté à l'enseignement supérieur dans la prestigieuse école de Sainte Croix-deNeuilly où il enseigna durant 4 ans.
Il est ensuite appelé par la direction de l'Ecole Catholique de Paris, la « Catho » pour créer une
école d'ingénieurs d'électronique et électrotechnique qu'il a dirigée pendant 30 ans et qui a formé
ainsi quelques 5 000 ingénieurs. Cette école, l'ISEP (Institut Supérieur d'Electronique de Paris) a fêté
récemment son 50ème anniversaire.
Jean Vieillard se battait contre une maladie depuis quelques années, et ses voisins le
rencontraient au sortir de ses séjours en hôpital, souriant, pâle, droit et ayant toujours un mot
encourageant pour ceux qui ont besoin d'aide. La photo jointe montre bien son tempérament
chaleureux et bienveillant.
L'AOP rend hommage au Père Jean Vieillard, et a chargé le Curé de la paroisse Saint Ferdinand des Ternes, le Père Matthieu Rougé de transmettre à sa famille nos sentiments émus et
notre reconnaissance envers lui qui avait respecté et compris notre métier souvent difficile et l'avait
exprimé en nombreuses occasions.
Le Père Jean Vieillard a été pour l'Amicale de l'Offshore une relation privilégiée que nous
n'oublierons pas.
Jean-Marie DELAPORTE
3.
STX FRANCE LANCE SON USINE DEDIEE AUX ENERGIES MARINES
Cérémonie de pose de la première pierre d'Anemos, à Saint-Nazaire
Non seulement le chantier de Saint-Nazaire
se modernise, mais en plus il se diversifie. Hier, la
première pierre de la nouvelle usine de STX France
dédiée aux énergies marines a été posée. C’est la
première fois, depuis une décennie, que l’entreprise
se dote de nouveaux ateliers. Et la future structure
sera imposante, avec son bâtiment d’assemblage de
90 mètres de long, 35 mètres de large et 16 mètres
de haut. Equipée de deux moyens de levage de 60
tonnes, cette unité sera complétée par une aire de
pré-montage de 6000 m² et une alvéole de peinture de 50 mètres de long, 35 mètres de large et 25
mètres de haut.
Baptisée
Anemos, la
nouvelle
usine, implantée au bord du bassin C et
prévue pour entrer en service en 2015, sera
chargée de réaliser des fondations
métalliques de type jacket destinées aux
éoliennes offshore, des sous-stations
électriques mais aussi les pièces de transition
faisant la jonction entre le mât et la fondation
de l’éolienne. « Grâce à ces ateliers
ultramodernes qui déploieront des moyens et
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des méthodes de production de pointe alliant numérique, automatisation et standardisation, c’est
une véritable usine du futur qui s’apprête à voir le jour. Cet équipement s’appuie sur notre savoirfaire en matière de grandes structures métalliques marines, coeur de métier du chantier de SaintNazaire, pour servir les exigences de ses nouveaux clients dans l’Energie. Son efficacité sera l’un des
leviers qui permettra à STX France de contribuer à la réduction des coûts des Energies Marines », a
déclaré Laurent Castaing, directeur général de STX France.
Un outil dédié pour percer sur un marché en plein développement
Représentant un investissement de 20 millions d’euros, ce projet d’envergure marque la
volonté du chantier de passer à la vitesse supérieure sur ce nouveau segment de marché, où il estime
avoir fait ses preuves. Ainsi, après la réalisation fin 2011 d’un premier jacket pour le prototype de
l’Haliade 150, l’éolienne offshore de forte puissance d’Alstom, STX France a mené à bien, cette année,
son premier projet majeur. Il s’agit de l’imposante sous-station électrique commandée par
l’Energéticien Danois Dong pour équiper le champ britannique Westermost Rough. Une superbe
réalisation qui a fini de convaincre le chantier qu’il avait toutes ses chances pour se développer sur ce
secteur en plein développement.
Pour cela, il a donc été décidé d’édifier un pôle consacré aux énergies marines, avec son
propre outil industriel. Une décision qui permettra à la nouvelle activité de s’appuyer sur une
structure dédiée et non plus sur les moyens du chantier, qui vont par ailleurs être très sollicités avec
les deux séries de paquebots géants que STX France doit livrer à partir de 2016.
 Le jacket et le Topside de la sous-station réalisée pour Dong - Sous-station électrique 
Capable de réaliser chaque année plusieurs sous-stations électriques, ainsi qu’un nombre
significatif de jackets et de pièces de transition, Anemos va permettre à STX France d’optimiser son
processus de fabrication et donc de réduire ses coûts. Un avantage supplémentaire pour s’imposer
dans la rude compétition internationale engagée autour des parcs éoliens en mer. Mais, pour faire sa
place, le chantier compte également sur l’innovation et, à ce titre, participe avec ses partenaires
locaux à plusieurs programmes de R&D, qui bénéficient d’un fort soutien financier de la région des
Pays de la Loire.
Les programmes de Recherche & Développement
Jusqu’à présent, ces recherches se sont concentrées sur des fondations (programme
Fondéole), les sous-stations électriques (Wattéole) et les navires de pose d’éoliennes (Poséole). De
ces travaux sont déjà sortis le concept AG4, portant sur une fondation de type jacket très compétitive
(les fondations représentent 40% du coût des champs éoliens) et certifiée par le DNV en décembre
2012. La R&D a également permis de réaliser un certain nombre d’avancées techniques et
économiques, comme des procédés de fabrication permettant d'atteindre une résistance de 20 ans
en milieu marin, ou encore une automatisation du soudage afin de baisser le coût du kWh en
réduisant les coûts de production.
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La fondation AG4
STX France rappelle par ailleurs que ces
programmes de R&D ont favorisé l’embauche, dans sa
filiale d’ingénierie STX France Solutions, de cinq
ingénieurs et de deux doctorants de l’Université de
Nantes dont les thèses sont en cours. « STX France
Solutions a ainsi développé un savoir-faire de haut niveau
en France dans le domaine de l’ingénierie pour l’éolien
offshore, se hissant ainsi dans le groupe très fermé des
ingénieries d’Europe du Nord spécialisées dans ce
domaine. Les travaux issus de ces axes de recherche font
l’objet de publications internationales (3 communications
à L’EWEA Offshore – Francfort, Novembre 2013, 1
communication à l’EWEA 2012 - Vienne). Deux brevets
ont été déposés à ce jour ».
L’hydrolien, le houlomoteur, l’Oil & Gas…
Alors qu’Anemos pourrait s’étendre si le marché
s’y prête (STX France ambitionne de réaliser 15 à 20% de son chiffre d’affaires dans les énergies
marines en 2020), le chantier nazairien ne vise pas que l’éolien offshore. L’industriel cherche
également à se positionner sur d’autres types d’énergies marines renouvelables, comme l’hydrolien
et le houlomoteur. Et entend, par ailleurs, renforcer son activité sur le secteur offshore pétrolier et
gazier (Oil & Gas). A ce titre, il a notamment achevé, cette année, un module destiné à l’unité
flottante de production et de stockage (FPSO) Girassol, exploité par Total au large de l’Angola.
Les perspectives sont donc encourageantes et STX France compte bien enregistrer
prochainement de nouvelles commandes dans les énergies marines. Une diversification qui permettra
d’élargir l’activité de l’industriel, jusqu’ici trop dépendant du seul marché cyclique des paquebots.

Christophe Clergeau,
Castaing et David Samzun
Un fort soutien
collectivités territoriales
Laurent
des
Voir un tel projet devenir
réalité constitue en tous cas un
réel motif d’optimisme, ce qui est
plutôt rare en cette période
économiquement difficile. Hier,
lors de la pose de la première
pierre d’Anemos, l’heure était
donc à l’enthousiasme. Non
seulement au sein du chantier, mais également chez les élus locaux, à l’image du maire de SaintNazaire, David Samzun, mais aussi du 1er vice-président de la région, Christophe Clergeau, très actif
dans le soutien au développement de l’économie maritime : « Qui aurait pu imaginer il y a seulement
quelques années la construction chez STX d’une nouvelle usine dédiée aux énergies marines? Bien
peu de gens en vérité… La Région encourage depuis le début cette stratégie de diversification portée
par la direction des chantiers et concrétisée par les ingénieurs, techniciens et ouvriers des chantiers
navals. Nous avons décidé d’investir massivement dans l’innovation, l’outil de production et la
formation des salariés. Nous avons travaillé d’arrache-pied avec STX pour convaincre les banques de
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financer cette nouvelle usine. C’est donc un vrai motif de satisfaction ». Actionnaire d’Usimer Immo,
société portant Anemos, la Région a, via son service financier, aidé le chantier à financer le projet et a
mis sur la table 1.5 million d’euros en prise de capital, 1.2 million d’euros en avance de compte
courant et 500.000 euros en garantie de prêts bancaires. La nouvelle usine a également pu voir le jour
grâce au soutien de la Caisse des Dépôts et de la Communauté d’agglomération de la région
nazairienne.
4.
ESCAPADE DE PAIMPOL VERS RIO DE JANEIRO PAR JEAN DENOUËL
Vous savez sans doute que la coupe du monde 2014 de football se
déroule actuellement au Brésil. Ce grand évènement sportif m’amène à
effectuer un retour en arrière vers la coupe du monde 1970 au Mexique. Quel
souvenir que cette victoire du Brésil en finale contre l’Italie, avec ces
attaquants brésiliens fabuleux: Pelé, Gerson, Rivelino, Toastâo, Jairzinho !
L’Italie avait auparavant battu en demi-finale dans un match aussi spectaculaire qu’indécis l’Allemagne de Franz Beckenbauer.
Mon propos n’est pas uniquement de vous parler de sport mais aussi de vous relater
une traversée de Hambourg à Rio de Janeiro en cette même année 1970. Parce que cette traversée a quand même un
certain lien avec le football...
À cette époque bien trop lointaine à mon goût je naviguais en
qualité de commandant sur le cargo Sauzon de la compagnie de navigation d’Orbigny. Ce navire avait auparavant appartenu à la compagnie
de navigation Dreyfus et s’appelait alors Léopold LD. C’était un vieux
mais très vaillant navire qui effectuait en deux mois et demi environ des
voyages entre les ports de l’Europe du nord et le Brésil. En cinq années
j’ai réalisé sur ce navire plus d’une douzaine de ces voyages entrecoupés
fort heureusement de congés.
Donc revenons en 1970 où à notre arrivée à Hambourg l’Agence
nous informe qu’au chargement prévu viennent de s’ajouter deux
rhinocéros blancs en provenance d’Afrique du sud et destinés au zoo de
Rio de Janeiro. N’étant guère spécialistes de ce genre de transport nous
apprenons avec soulagement qu’un convoyeur effectuera avec nous la
traversée jusqu’à Rio.
Le charpentier et les matelots du Sauzon confectionnent des
abris sur le pont pour le couple de rhinos. J’écris rhinos en essayant laborieusement de m’approprier un parler moderne
car j’ai appris récemment que rhino est un nom masculin qui désigne familièrement un rhinocéros. Une rhino, elle, n’a
rien à voir avec la femelle de l’espèce, même si elle peut également se révéler bien encombrante. Elle désigne une
rhinopharyngite ! De l’ambiguïté, parfois, des abréviations mais je m’égare...
L’embarquement des rhinocéros s’effectue sans encombre. Je crois bon de préciser que ces rhinos ne sont pas du
tout blancs mais gris comme tous les rhinocéros. Cette appellation vient d’une erreur de traduction du terme utilisé par
les premiers colons néerlandais arrivés en Afrique du Sud au 17ème siècle. Sans vouloir étaler une science que je suis loin
de posséder, j’ai appris que ces colons ont appelé ces rhinos widje qui veut dire large car leur lèvre est plus large, différente
de la lèvre en bec de l’autre rhino. Et une confusion s’est créée avec le mot anglais white. Je vous ai tout dit.
Nous appareillons donc de Hambourg avec nos trois passagers, le convoyeur et les deux rhinos. Nous rencontrons
en Mer du Nord puis dans la Manche un temps exécrable. Cela n’empêche pas notre rhinocéros mâle de manger son
fourrage de bon appétit mais la femelle, elle, refuse toute nourriture pour le plus grand désarroi du convoyeur. Dans le
golfe de Gascogne où la mer est souvent si rude la situation s’aggrave avec un fort roulis et un tangage prononcé. Les
animaux souffrent et nous aussi. La femelle ne mange toujours pas.
Notre inquiétude grandit. Surgit alors l’homme providentiel, le maître d’équipage, notre solide bosco. Un type
épatant mais bien plus spécialiste de la pêche au bar pendant ses congés sur son canot dans les eaux tumultueuses du raz
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de Sein que des soins à apporter aux rhinocéros. Notre Sénan émet l’idée que si la femelle ne mange pas c’est parce
qu’elle ne voit pas son compagnon. Dès que le temps se calme un peu nous réduisons momentanément l’allure et modifions le cap. Le tangage et le roulis se trouvant ainsi diminués, s’effectue la manoeuvre délicate de retourner à l’aide des
mâts de charge le box de la femelle qui avait été malencontreusement placé dans le même sens que celui du mâle.
Malgré la pluie on relève les prélarts et les bâches et le miracle se produit. Un miracle qui en dit long sur le côté
sentimental des femelles rhinocéros. Les mâles ne semblent d’ailleurs pas au même niveau sur ce point. Apercevant le
mâle, la femelle pousse un cri qui nous a semblé joyeux. J’ai appris au cours de cette traversée beaucoup sur les
rhinocéros et je sais entre autres que le rhino barète ou barrit tout comme l’éléphant. Mais le plus important c’est
qu’après avoir barri elle se précipite sur le fourrage jusque-là dédaigné. Une joie collective et un véritable triomphe
amplement mérité pour notre bosco ! Comment a-t-il pu acquérir cette subtile connaissance des rhinocéros sur l’île de
Sein en ayant pour horizon la pointe du raz, la baie des Trépassés, la chaussée de Sein, des lieux fabuleux certes mais où
les rhinocéros n’abondent pas vraiment ?
La mer s’apaise au fur et à mesure que nous progressons le long des côtes du Portugal, nos
rhinos apprécient cette accalmie. Nous aussi. Après une escale de quelques heures à Las Palmas de Grande Canarie pour
y faire le plein des soutes nous mettons le cap sur le Brésil.
Passer plus d’une semaine en mer sans apercevoir la moindre terre a quelque chose d’étrange. Être cerné jour
après jour par un horizon à l’aspect immuable vous semble parfois étouffant et le temps peut alors apparaître comme
presque figé.
Sur les navires de la compagnie d’Orbigny régnait en général une ambiance plutôt familiale. Les trente-six
membres composant l’équipage étaient originaires dans une écrasante majorité du Trégor-Goëlo ou de la région de
Dinan et Saint-Malo. Les distractions étaient rares à bord et nous organisions sur le pont arrière des tournois de palets très
en vogue en cette période, surtout dans la région de Dinan. Dans le Trégor-Goëlo nous étions plus adeptes du jeu de
boules mais les navires, même par beau temps, ne sont guère propices à ce genre de loisir ! Confectionner ces palets était
un jeu d’enfant sur un bateau et pour tout matériel supplémentaire il suffisait de disposer d’un plateau en bois. J’avais
souvent comme partenaire Job, un copain d’école communale qui était nettoyeur à bord et nous formions une doublette
assez redoutée ! Alors presque tous les soirs près de nos rhinocéros avaient lieu des rencontres acharnées. Les rhinos
assistaient aussi aux pots organisés sur le pont marquant les anniversaires ou tout autre évènement jugé digne d’être
célébré. Ils faisaient ainsi de plus en plus partie de la famille d’Orbigny !
Des spectacles venaient aussi rompre la relative monotonie des journées de la traversée. Les couchers de soleil
bien sûr, avec la sempiternelle confrontation entre ceux qui voyaient le rayon vert et ceux qui ne l’apercevaient pas et je
me suis toujours obstiné à appartenir à la catégorie des malchanceux. L’attraction la plus fréquente et aussi très appréciée
nous était offerte par de joyeux dauphins. Ils surgissaient soudain par dizaines de divers points de l’horizon appelés par je
ne sais quel mystérieux signal. Ils se présentaient tous au ras de l’étrave du navire nous gratifiant d’un numéro fabuleux
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pendant plusieurs minutes. Puis ils quittaient tout à coup la scène dans un ensemble parfait. Je me suis toujours demandé
comment pouvait être ordonnancé un si prodigieux spectacle avec une telle synchronisation. S’y ajoutait le ballet
majestueux des albatros bien plus hautains voire dédaigneux. Guère étonnant après cette « publicité » si célèbre et si
injuste de Baudelaire sur les hommes d’équipage ! Même si tous ces artistes ne se produisaient pas ensemble, nous
disposions en n’oubliant surtout pas nos deux rhinocéros, d’une extraordinaire ménagerie sous le plus beau chapiteau du
monde. Et je dois aussi mentionner ces infortunés figurants du spectacle, les poissons volants qui lorsque les alizés
fraîchissaient soudainement atterrissaient, surtout de nuit, sur le pont avant du navire quand ils calculaient mal leur envol,
trompés par de traîtres embruns. Une représentation pour eux malheureusement unique.
Revenons à notre traversée ! Nous franchissons la zone du pot au noir. En éprouvant toujours cette sensation
étrange avec ces lourds nuages formant une sorte de couvercle et ce calme un peu oppressant, d’entrer dans un monde
différent. Cette fois nous n’avons pas la possibilité près de l’équateur de dévier très légèrement de notre route pour aller
pêcher une heure ou deux aux rochers de Saint-Pierre et de Saint-Paul, minuscules îlots éloignés de tout où nous avons
réalisé parfois de belles pêches de thazards. Dommage car ce poisson est un véritable régal. Des poissons de la famille des
maquereaux m’a-t-on dit mais quand je parle de maquereaux de plus de dix kilos je crains toujours d’être pris pour un
Marseillais.
Deux semaines après avoir quittés Hambourg, c’est Rio de Janeiro qui s’offre à nous. Nous atterrissons au petit jour
sur l’entrée de la baie de Guanabara.
J’éprouve toujours la même émotion en pénétrant dans cette baie sublime après avoir repéré de loin le célèbre
pain de sucre et le non moins connu Corcovado . Nous gagnons le mouillage prévu pour la traditionnelle visite d’arraisonnement par les diverses Autorités, Immigration, Santé, Douane. Et là notre surprise est grande car en plus de ces habituels
visiteurs nous sommes envahis par une multitude de journalistes de la presse, de caméramen des chaînes de télévision.
Nous ne nous en doutions guère mais l’arrivée du Sauzon à Rio constituait un véritable évènement ! Pas le temps
de nous enorgueillir de susciter un tel intérêt car il nous a fallu bien vite découvrir que les véritables et les uniques vedettes
étaient nos deux rhinocéros. La presse carioca s’était emparée avec délectation de l’évènement, y avait consacré bon
nombre d’articles depuis plusieurs jours. Nos deux rhinos avaient même déjà été
baptisés. Ils étaient devenus Franz et Frida et on les avait même généreusement
gratifiés d’un nom de famille, Beckenbauer. Sans le savoir nous avions donc
transporté vers Rio Franz et Frida Beckenbauer ! La coupe du monde venait de
se dérouler au Mexique et le Brésil y avait remporté sa troisième finale et chacun
sait que le football est la seconde religion du pays. « Brasil tricampeon! »
L’allégresse était générale, les favelas en oubliaient même leur misère. Les
Brésiliens avaient alors tendance, et c’est encore un peu le cas aujourd’hui, à
adopter une attitude pour le moins condescendante à l’égard du football
européen. Ils considéraient nos footballeurs comme de robustes et bien trop
rudes bûcherons peu à même de rivaliser avec leurs artistes brésiliens. Un
jugement tout particulièrement injuste en ce qui concerne Franz Beckenbauer,
surnommé en Europe le Kaiser Franz et qui était l’élégance et le talent
personnifiés.
Le débarquement de nos rhinocéros s’effectue sans encombre. Adieu nos
rhinos ! Quelques jours plus tard, le déchargement des diverses marchandises achevé, nous appareillons vers d’autres
horizons, cap sur Porto Alegre...
...Et vlan ! Quarante-quatre années se sont écoulées, bien trop vite à mon goût. De ma fenêtre j’aperçois le
paysage paimpolais qui m’est familier: la baie de Kérity, les pointes de Guilben et de Bilfot, les îlots du Mez Goëlo. J’en
connais chaque élément, chaque détail mais je ne suis pas près de m’en lasser.
Qui pourrait pourtant refuser d’effectuer par la pensée une petite escapade, un retour attendri vers d’autres
horizons où se nichent de beaux souvenirs ? Vers Rio de Janeiro par exemple. Et pourquoi pas vers son stade mythique,
Maracana ?
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5.
ONOMASTIQUE OFFSHORE PAR ALAIN QUENELLE
L'Onomastique est la branche de la lexicologie qui étudie l'origine des noms propres. A ne pas confondre avec :
* L'Anthroponymie qui étudie spécialement les noms de personnes
* La Toponymie qui étudie les noms des lieux
Ces noms propres ou ces sigles sont omniprésents dans nos phrases de tous les jours, dans nos pensées et parfois
dans nos rêves....
D'où viennent-ils ?
Ont-ils une signification cachée ?
Quelle a été la logique de leur choix ?
Le lexique onomastique, établit par Alain QUENELLE et son équipe, est une tentative de réponse à ces questions.
A partir de ce lexique, le PELICAN, poursuit sa promenade à travers le monde de l’offshore.
Dans le Pélican n° 70, c’était Frigg, Grondin et Abu Al Bu Khoosh.
Toujours en Mer du Nord, Alwyn et Dunbar sont associés
ALWYN
Le vieux prénom écossais apparaît fréquemment dans les archives locales entre 1128 et 1152 sous différentes
formes : Alwyn bien sûr, mais aussi Arwin, Alewin, Algyne, Aluminus...
Etymologiquement, il viendrait du mot écossais "Ail" qui veut dire pierre.
D'autres sources indiquent qu'Alwyn vient d’Aetherwine, contraction de
"oethel, noble et de wine. Une autre source donne pour la première syllabe Aelf
ou Elf... Coïncidence...
Algune Mac Arcill, originaire d'Aberdeen a été le témoin en 1131 d'un
don au monastère de Deer. Ce monastère, fondé au 6ème siècle par Saint
Fergus, se trouvait à côté d'Ellon (encore des coïncidences).
Par ailleurs, Alwyn figure dans de nombreux actes notariés de la région de
St Andrews et de Dunfermline (où est enterré Robert de Bruce).
Egalement, un certain John Elwyn était le député de Glasgow en 1584.
De plus, une rivière Alwin qui prend sa source dans les "Cheviot Hills" arrose un petit village : Alwinton.
Enfin, l'ancien nom du château de Dumbarton (Attention, il y a un m) est Alcluith, voisin, pour certains, de Alwyn.
Ce château a connu ses heures de gloire aux Sème et llèrne siècle. Les ruines ont
pratiquement disparu.
DUNBAR
Le château de Biunbar situé près de Berwick, dans le Lothian, à l'Est d'Edimbourg,
apparaît plusieurs fois dans l'histoire mouvementée de l'Ecosse :
En 1296, lors de l'invasion éclair des Anglais menés par Edouard, après la prise
rapide de Berwick, deux points seulement offraient de la résistance aux Anglais :
- l'hôtel Red Hall, occupé par des commerçants flamands,
- le château de Dunbar dont l'attaque fut conduite par le conseiller de Warenne.
- En 1314 ensuite c’est de Dunbar qu’Edouard II du s’enfuir précipitammment pour
l’Angleterre après sa défaite à Bannockburn.
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- En 1339, "Black Agnès", comtesse de Dunbar, défendit victorieusement le château contre les Anglais. Une
anecdote la rendit célèbre :
Un jour la garnison de Dunbar assiégé se trouva menacée par une haute tour de bois montée sur roue qui
s'avançait vers les remparts (toute ressemblance avec un jack-up est exclue). On appelait cette tour "a sow", une "truie".
Black Agnès interpella le général anglais :"Ta grosse truie, je vais la faire mettre bas avant longtemps !". Elle lança des
ordres à ses artilleurs et bientôt la truie devint la cible d'énormes pierres projetées par une puissante catapulte, placée sur
les remparts ; la truie s'effondra alors qu'une abondante portée de malheureux
assaillants en sortait à quatre pattes.
- En 1566, Mary, Reine des Scots, se réfugia au château avec son "ami"
Darnley après le meurtre de Rizzio et elle y revint deux fois l'année suivante avec
un autre ami, Bothwell...
- En 1650, Cromwell s'y réfugia avec son armée malade et affamée. Ses
hommes y trouvèrent réconfort Cromwell profita d'une maladresse de
l’infanterie écossaise, pourtant puissante car composée de 23.000 hommes,
venue les déloger. De nuit, sous la pluie et dans le brouillard, Cromwell
contrattaqua et défit les écossais 3.000 morts et 10 000 prisonniers et
poursuivit son avancée en prenant Edimbourg.
JOLLIETT
Encore l'Offshore profond dans le Golfe du Mexique
Pour son développement : une plate-forme à jambes tendues (par 536 m de profondeur d'eau) et un jacket
classique posé sur le plateau continental à quelques kilomètres, Conoco a choisi les noms de deux explorateurs d'origine
française : Joliett et Marquett.
* Louis Jolliet, né au Québec en Septembre 1645 était commerçant-trappeur dans la région des Grands Lacs.
* Jacques Marquett un Jésuite né à Laon dans l'Aisne le 1er Juin 1637 était un hydrographe royal.
Nos deux compères, associés pendant un temps ont découvert et reconnu le Mississippi en 1672-1673.
Plus de 300 ans après, ils ont "donné" leur nom à un développement original qui constitue à l'heure actuelle un
record du monde pour la profondeur.
Conoco privilégie dans ses choix les ''découvreurs' célèbres. Dans la partie Nord, de ma mer du Nord, le choix s'est
ainsi porté sur des géologues écossais : Hutton, ,Murchison et Lyell.
TAMBORA en Indonésie
Tambora est le nom d'un village du delta, mais aussi le nom d'un volcan célèbre. Il faut savoir que les explosions de
volcans sont des phénomènes extraordinairement violents qui libèrent des quantités d'énergie fantastiques.
Avant d'énumérer les énergies libérées par quelques explosions volcaniques majeures, avoir en mémoire l'énergie
libérée par la bombe d'Hiroshima (20 kilo tonnes) 1,4 x 1014 Joules !
Tambora, en 1815, a libéré 840 x 1018 Joules... ( soit 6 millions de fois la puissance de la bombe d'Hiroshima).
... et a fait 92.000 morts, dont 12.000 victimes directes de l'explosion, les autres n'ayant pas survécu à la famine
consécutive à l'explosion.
C'est le volcan record ! Record mondial aussi pour le volume des matières projetées : 220 millions de tonnes, 152
km3 ! Le volcan perdit environ 1252 m d'altitude et l'éruption entraîna la formation d'un cratère de 11 km de diamètre.
Viennent ensuite dans notre énumération :
- Sakurazima (Japon -1914)
- Bezymianny (Kamtchatka -1956)
- Mont St Hélène (USA - 1980)
- Krakatao (Indonésie -1883) (plus de 7 000 fois Hiroshima).
Les énergies développées sont énormes : en 1018 Joules, elles sont respectivement 4,6 ; 2,2 ; 1,7 et 1.
Krakatao Steel, le sidérurgiste indonésien a fourni beaucoup d'acier utilisé sur le développement de Tambora.
L'éruption du Krakatao a fait plus de 36 000 morts engloutis pour la plupart par le Tsunami, des vagues
monstrueuses engendrées par les explosions successives du volcan situé dans une petite île entre Java et Sumatra et qui
ont déferlé sur les côtes. Des blocs de roches furent propulsés à 55 km de haut, des poussières retombant à 5 330 km de
là, 10 jours plus tard. On entendit l'explosion 4 heures après sur l'ile Rogriguez, à 4 800 km de là.
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6.
SAINT-CYR A TROIS CENTS ANS PAR ALAIN-RENE GENNARI
Au lendemain de la fondation de la Maison Royale de Saint-Louis à Saint-Cyr en 1686, Madame
de Maintenon déclarait: "Puisse cet établissement durer autant que la France et la France autant que
le monde!". Ce voeu se réalise toujours, et, bien plus, l'histoire de Saint-Cyr apparaît comme un reflet
de notre histoire nationale. La plupart des grands événements qui ont marqué la France ont eu leur
écho à Saint-Cyr. De l'Ancien Régime à nos jours, Saint-Cyr a survécu, car "les institutions utiles et bien
conçues subsistent d'elles-mêmes et les gouvernements qui se succèdent ne peuvent guère songer à
les bouleverser". Cette phrase, extraite du Livre d'or de Saint-Cyr, s'applique bien sur à l'École Spéciale
Militaire, mais elle vaut également pour les bâtiments qui ont, selon la formule du général Desmazes,
"su infiltrer dans les veines, non pas d'une élite, mais de la masse (des) élèves, un tel sens du
dévouement et du patriotisme". Alain-René Gennari, professeur d'histoire au Lycée Militaire de SaintCyr, présente cet établissement prestigieux qui a fêté en juin dernier son tricentenaire.
1681/1685
Madame de Maintenon est à l'origine de cet "esprit" de Saint-Cyr. Dès 1681, elle s'intéresse à
l'initiative de l'une de ses anciennes amies, Madame de Brinon, qui avait ouvert à Rueil une maison
d'éducation pour jeunes filles; elle décide Louis XIV à
donner à l'oeuvre le château de Noisy, et à payer sur
le fonds de ses aumônes la pension de cent filles de
pauvres gentilshommes.
Le cadre de cette fondation s'avérant
rapidement trop étroit, Madame de Maintenon
amène le roi à décider en Grand Conseil, le 15 août
1684, la fondation "d'une maison et communauté où
un nombre considérable de jeunes filles, issues de
familles nobles et particulièrement des pères morts
dans le service (...) soient entretenues gratuitement
(...) et reçoivent toutes les instructions qui peuvent
convenir à leur naissance et à leur sexe".
Chargés de choisir un endroit adéquat,
Louvois et Mansart désignèrent le village de SaintCyr, dans le val de Gally, en précisant que
'l'établissement serait ainsi placé à l'ombre du
trône". Pour sa part, Madame de Maintenon ne
cessera de regretter le choix de ce site par trop
humide: "J'aurais voulu donner à mes filles une
complexion forte et une santé vigoureuse, et le
mauvais choix de Mansart m'est un obstacle
insurmontable. Je ne puis voir la méchante mine de ces pauvres enfants sans maudire cet homme."
Cependant, dès le 1er mai 1685, près de trois mille ouvriers militaires se
mettent au travail sur la terre achetée au seigneur du lieu, et élèvent en un
peu plus d'un an douze corps de bâtiments formant cinq cours.
1686/1689
L'établissement est placé sous l'invocation de Saint-Louis et doté de
150.000 livres de rente. Le nombre des élèves est fixé à 250, l'admission
pouvant s'effectuer de neuf à douze ans, et le séjour dans l'établissement se
prolonger jusqu'à l'âge de vingt ans. Sont admises des demoiselles nobles, sans
fortune, dont la ligne paternelle compte au moins cent quarante ans de
noblesse prouvée. La communauté qui s'installe à Saint-Cyr du 26 août au 2
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septembre 1686 est originale: l'encadrement de ce nouvel établissement d'éducation pour jeunes
filles est confié non point à des religieuses, mais à des laïques.
Trente-six "dames" sont chargées de l'instruction et de l'éducation des élèves, vingt-quatre
"converses" préposées au service intérieur de la maison; elles reçoivent un costume grave et
modeste, mais qui n'a rien de monacal. Ce type d'établissement est alors unique en Europe.
Les demoiselles sont partagées en quatre classes, ayant chacune son dortoir, sa salle d'étude
et son réfectoire, et distinguées par quatre couleurs différentes. Les plus jeunes, jusqu'à dix ans,
portent le ruban rouge; de onze à quatorze ans, le ruban vert; de quinze à dix-sept ans, le ruban
jaune; de dix-huit à vingt ans, le ruban bleu. Madame de Brinon, nommée supérieure, dirige
l'institution, mais Madame de Maintenon, qui a le titre de fondatrice, s'intéresse de très près à "ses
filles". C'est elle qui sollicite Racine - dont la dernière pièce, Phèdre, remonte à 1677-, pour la
rédaction d'une tragédie que puissent interpréter les demoiselles.
Ainsi, le 20 janvier 1689, le roi assiste à la première d'Esther. Le succès est grand.
1692/1786
Cependant, envoyant la foule des courtisans envahir sa maison, Madame de Maintenon
constate que ses "chères filles" commencent à se montrer "fières, dédaigneuses, hautaines,
présomptueuses, peu dociles", et cherche en conséquence à donner à l'institution une orientation
religieuse plus marquée. Comme, dans le même temps, la papauté hésite à avaliser la décision de
Louis XIV d'unir la très riche mense abbatiale de Saint-Denis à la Maison de Saint-Louis, Saint-Cyr est
érigé en monastère régulier en 1692. Deux ans plus tard, le roi fait modifier les Constitutions, rendues
plus sévères pour les dames, maintenant religieuses.
Pendant la guerre de Succession d'Espagne, les séjours à Saint-Cyr de Madame de Maintenon
se font plus fréquents. A la mort du roi en 1715, elle s'y retire définitivement, sa retraite n'étant
troublée que par quelques visites, celles du Régent et de la princesse Palatine, et celle plus
inattendue, du tsar Pierre le Grand. A sa mort en 1719, l'établissement cesse d'être à la mode et
semble s'endormir, dans le respect de ses constitutions figées. Louis XV ne s'intéresse que de loin à
Saint-Cyr, mais continue de veiller à la bonne marche de l'établissement fondé par son aïeul : c'est à
lui que l'on doit l'édification du "Pavillon des Archives", dont les
plans sont vraisemblablement dessinés par Gabriel. En 1786, le
centenaire est célébré avec faste, grâce à l'intérêt que porte
Madame Élisabeth à la maison, mais Louis XVI se contente
d'observer le feu d'artifices depuis les terrasses de Versailles.
Madame de Maintenon en visite à Saint Cyr. Quatre vers célèvrent sa
gloire:
"Sage de Maintenon dont le plus grand des Roys
Pour son secret conseil a fait un digne chois
C'estoit vous qui deviez par des façons nouvelles
Eslever pour le Ciel ces nobles Demoiselles".
1790/1808
Pourtant, le roi essaye de sauver Saint-Cyr de la tourmente révolutionnaire en ouvrant
l'établissement par décret du 26 mai 1790 à toutes les filles d'officiers, sans distinction de naissance.
En vain: comme tous les établissements religieux, la Maison royale de Saint-Louis est supprimée par
l'Assemblée législative le 16 août 1792. L'établissement, qui a, depuis sa fondation, instruit plus de
trois mille demoiselles nobles est complètement évacué, le 1er octobre 1792. La guerre entraîne sa
transformation en hôpital militaire, appelé, ainsi que la commune, Val-Libre. La chapelle est partagée
en deux étages, pour servir aux malades et aux blessés; au total, sont aménagées vingt salles
d'hôpital, abritant neuf cent cinq lits.
Transformé en succursale des Invalides sous le Directoire, l'hôpital est évacué en 1800, car le
Premier Consul redonne à Saint-Cyr sa vocation d'origine, venant de fonder l'institution du Prytanée
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français, il en établit une division à Saint-Cyr, pour instruire et élever gratuitement les fils de militaires
morts sur le champ de bataille. En 1803, l'institution est remaniée, les autres divisions supprimées, et
Saint-Cyr prend seul le nom de Prytanée Français, puis en 1805, de Prytanée Militaire Français,
préparant à l'École Spéciale Impériale Militaire alors installée à Fontainebleau. L'établissement
compte six cents élèves, tous fils de militaires et se destinant à l'état militaire. Le Prytanée Militaire ne
reste établi à Saint-Cyr que jusqu'au 1er juin 1808. A cette date, l'Empereur ayant voulu faire
restaurer pour son usage l'ensemble du château de Fontainebleau, le Prytanée est transféré au
collège de La Flèche, et l'École Spéciale Militaire le remplace à Saint-Cyr. Le 3 juillet 1808, le dernier
détachement du Prytanée quitte Saint-Cyr, dont les bâtiments sont remis le lendemain au général
Bellavene. Un mois plus tard, les cinq cents élèves du bataillon de l'École Spéciale Impériale Militaire
entrent, tambour battant, dans l'antique demeure des demoiselles de Saint-Louis.
1812/1818
Saint-Cyr offre alors un cadre sévère aux aspirants à l'épaulette. L'un d'eux raconte son arrivée
à l'École: "J'avais déjà vu des hôpitaux, j'avais déjà vu des prisons; mais hélas ! je n'avais pas vu SaintCyr. Une haute et longue muraille, noircie par le temps, arrêtait tout d'abord les regards. C'était
l'enceinte extérieure de l'ancien couvent. Quelques peupliers montraient au-dessus leurs têtes
mouvantes, et laissaient apercevoir une longue suite de fenêtres grillées, donnant le jour aux étages
les plus élevés d'un vaste et sombre bâtiment." Le nombre de jeunes gens qui passent par l'École est
alors considérable, même si l'effectif présent n'atteint jamais le millier d'élèves, car l'Empereur a de
plus en plus besoin d'officiers.
En juin 1812, une promotion de trois cents officiers est constituée à partir des élèves les plus
âgés, qui sont immédiatement dirigés sur Spandau, pour entrer en campagne avec la Grande Armée.
Parmi les sept cent cinquante et un officiers que fournit l'École en 1813, beaucoup n'y ont séjourné
que quelques mois.
Le 22 avril 1814, les cocardes blanches remplacent les cocardes tricolores sur les coiffes. Louis
XVIII, après avoir un instant songé à dissoudre Saint-Cyr, pour rétablir l'École Militaire de Paris, y
adjoint l'École de Cavalerie, jusqu'alors établie à Saint-Germain. Les cavaliers, pour la plupart d'origine
noble - et d'une noblesse d'Ancien Régime - modifient rapidement l'esprit de Saint-Cyr. A l'annonce
du débarquement de Napoléon en 1815, les élèves de l'École Royale Militaire de Saint-Cyr font part
au roi de leur indignation contre "l'ennemi public" qui a conduit la "patrie sur le bord du précipice (et)
vient encore y porter le fer et la flamme". L'École Royale Militaire est bien sûr licenciée par "l'ennemi
public" parvenu aux Tuileries, et remplacée par une nouvelle École Spéciale Impériale Militaire... qui
ne survit pas à Waterloo. Le 6 septembre 1815, une Ordonnance Royale décide la dissolution de
l'École.
Les bâtiments de SaintCyr ne restent pas longtemps
inoccupés. En attendant le vote
de la loi sur le recrutement que
prépare le maréchal de Gouvion
Saint-Cyr, le gouvernement de la
seconde Restauration décide
d'adjoindre à l'École Militaire
préparatoire de La Flèche un
second établissement à SaintCyr.
Après les demoiselles "royales", SaintCyr accueille les jeunes gens "impériaux",
qui formeront les cadres de la Grande
Armée de Napoléon: grenadiers, fusiliers
ou chasseurs
L'École préparatoire de Saint-Cyr, parfois dénommée "Petite École", ouvre officiellement ses
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portes le 17 mars 1816. En moins de deux ans, cet établissement, qui reçoit les fils de la plus haute
noblesse, forme cinq cent soixante-trois élèves, qui fourniront à l'Armée quinze généraux de division
et dix-huit généraux de brigade. Cette école préparatoire ne subsiste que deux ans. En 1817, puis en
1818, deux Ordonnances Royales instituent l'École Royale Spéciale Militaire, non pas à Paris, comme
l'avait prévu le gouvernement de la première Restauration, mais à
Saint-Cyr.
Elèves de la "Petite Ecole",
ou Ecole Préparatoire de Saint-Cyr,
qui ne restera ouverte que deux ans (1816-1818).
1825/1834
A la "Petite École" succède la "Grande École", destinée à
former des officiers d'infanterie, de Cavalerie et d'État-Major. Mais
la grande épopée militaire est terminée, Saint-Cyr attire peu de
candidats. Composée en majeure partie de jeunes gens appartenant
à la noblesse ou à la haute bourgeoisie, l'École manifesta alors
fréquemment ses sentiments royalistes, ainsi lors de la souscription
ouverte en 1825 en faveur des victimes de Quiberon. L'annonce du
débarquement à Sidi-Ferruch du 14 juin 1830 y est suivie d'une
explosion de joie. En juillet 1830, ce sont les élèves de Saint-Cyr qui
assurent la garde du château de Saint-Cloud et du pont de Sèvres
puis, dans la nuit du 30 au 31, escortent le roi dans sa retraite sur
Versailles, d'où la famille royale part pour l'exil.
Le nouveau ministère - le premier de la Monarchie de juillet - décide la dissolution de l'École,
fort suspecte à ses yeux depuis les événements de Saint-Cloud, mais se ravise bientôt. L'École est
maintenue, bien qu'elle reste peu favorable au nouveau Roi des Français. La visite des ducs d'Orléans
et de Nemours, en 1832, reçoit un accueil glacial. L'année suivante, des élèves sont renvoyés pour
avoir crié "Vive l'Empereur!" En avril 1834, lors du massacre de la rue Transnonain à Paris, Armand
Carrel - un ancien de l'École essaye d'entraîner les saint-cyriens. Par ailleurs, le régime offre peu de
perspectives à ceux qui entrent dans la carrière des armes: l'un des premiers gestes de Louis-Philippe
ayant été de rappeler au service des officiers de l'Empire que la branche aînée des Bourbons avait
écartés, les cadres d'officiers sont presque partout au complet. En 1834, la promotion des souslieutenants n'a pas lieu, les vacances faisant défaut.
1848/1919
Aussi la révolution de février 1848 est-elle accueillie avec enthousiasme à Saint-Cyr: l'École
entière, avec armes et bagages, se rend à Paris place de l'Hôtel-de-Ville, pour se mettre à la
disposition du gouvernement provisoire. Mais l'enthousiasme révolutionnaire des élèves ne déborde
pas du cadre établi par le Gouvernement: au moment des journées de juin, les élèves demandent à
aller au feu, promettant d'enlever les barricades. Le général Cavaignac doit les en dissuader : "Calmez
votre jeune courage. Vous le réserverez pour d'autres ennemis..." En 1852, l'aigle impériale remplace
la pique placée à la hampe du drapeau tricolore reçu quatre ans auparavant. Le nouvel empereur
s’intéresse à Saint-Cyr, y fait construire un quartier de Cavalerie, deux amphithéâtres, un château
d'eau pour desservir les étages supérieurs, et installer l'éclairage au gaz. Surtout, Napoléon III offre
aux élèves de l'École de nouveaux horizons, dont témoignent les noms des promotions Kabylie (18501852), Crimée (1854-1856), Solférino (1858-1860), Mexique (1861-1863)... Si bien qu'en 1870, tous les
saint-cyriens croient partir pour la victoire; c'est alors Sedan, puis Metz, et pour les plus heureux cinq
mois de lutte encore, mais c'est la défaite pour tous. Pendant le siège de Paris, l'École est envahie par
les Prussiens.
En septembre 1871, le général de Cissey, en inspection à Saint-Cyr, lève son verre à "la
promotion de la Revanche". Cette obsession cimente l'unité des générations qui se succèdent alors à
l'École et qui ne se laissent plus troubler par les bruits politiques. L'énergique général Hanrion
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s'efforce de donner à l'instruction des élèves un caractère essentiellement pratique, qui, malgré le
prestige auréolant alors l'Armée allemande, attire à Saint-Cyr de nombreux élèves servant "à titre
étranger", plus simplement surnommés "crocos" par leurs camarades, car les premiers d'entre eux
étaient originaires d'Égypte. C'est aussi l'époque où les saint-cyriens vont planter le drapeau tricolore
en Asie et en Afrique. Les noms des promotions sont évocateurs: Madagascar, Annam, Dahomey,
Soudan, Maroc... Mais beaucoup de saint-cyriens rêvent en fait à des terres moins lointaines, et au
début du mois d'août 1914, ils partent faire leur devoir et le font: la promotion "Montmirail" laisse
deux cent neuf des siens sur les champs de bataille. "La Croix du Drapeau", deux cent quatre-vingt-dix.
Quant à la promotion "la Grande Revanche", elle donne quatre cent cinquante-trois noms au Livre
d'Or.
1922/1932
Le 20 mai 1922, le Président Millerand inaugure le monument élevé dans la cour Wagram à la
mémoire des morts de l'École Spéciale Militaire. A côté de la Croix de la Légion d'Honneur fixée en
1914, il épingle à la cravate du drapeau la Croix de Guerre, tandis que le ministre Maginot donne
lecture de la citation décernée à l'École, qui "par la valeur et l'héroïsme des officiers qu'elle a formés,
a consacré, au cours de la Grande Guerre, sa longue tradition de sacrifices à la Patrie et a justifié
d'éclatante façon sa devise glorieuse: "Ils s'instruisent pour vaincre". Paradoxalement, Si l'on compare
les années vingt à celles qui suivirent la défaite de 1870, la gloire dont les saint-cyriens viennent de se
couvrir semble avoir des conséquences néfastes sur le recrutement de l'École.
Pour la promotion de 1920, il n'y a que trois cent quatre-vingt-six candidats, alors qu'en 1895
on en comptait trois mille pour cinq à six cents places. La jeunesse désapprend alors le chemin
d'Écoles comme celle de Saint-Cyr. Elle ne peut y être poussée par l'appât d'une maigre solde, dans
une France où, après les privations dues à la guerre, beaucoup se sentent saisis d'un immense appétit
de jouissance, ni par l'attrait de la carrière militaire, dans un monde où il paraît désormais entendu
que la guerre est hors-la-loi.
Saint-Cyr ne se revalorise que lorsque les premiers effets de la grande dépression économique
de 1929 atteignent la France. Encore cette revalorisation apparaît-elle souvent plus superficielle que
profonde, beaucoup de jeunes gens venant alors chercher dans l'Armée une carrière modeste certes
quant aux avantages matériels, mais, dans une certaine mesure, assurée. Cependant, le prestige
international de Saint-Cyr est toujours aussi grand, l'École accueillant un nombre croissant d'élèvesofficiers étrangers: des Tchèques, des Polonais, des Finlandais, des Lithuaniens, des Roumains, et
même quelques Chinois et Siamois. L'École diversifie également ses formations: un groupement
d'élèves-officiers de réserve est établi en 1920, une escadrille y est créée en 1932.
SAINT-CYR
DANS
L'HISTOIRE: Napoléon
passe les élèves en
revue (en haut à
gauche). La cavalerie
sous le Second Empire
(à gauche). La tenue du
saint-cyrien sous le
Second Empire (en haut
à droite): tunique bleue
à
longue
jupe,
épaulettes écarlates,
pantalon garance à
bande bleu de ciel,
buffleteries en cuir ciré
noir, shako bleu de ciel
à jugulaire de cuivre
doré, casoar blanc.
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Le Monument aux morts, après les bombardements de 1944
1940/1966
Le 20 mars 1940, la dernière promotion formée à Saint-Cyr,
celle de "L'Amitié franco-britannique", quitte l'École pour les dépôts
des corps de troupes. Trois mois plus tard, la ville de Saint-Cyr est
occupée par la Wehrmacht, et les bâtiments de l'École abritent pour
plus de quatre ans une garnison allemande. Paradoxalement, ce
sont des bombes alliées qui anéantissent Saint-Cyr: le 25 juillet
1944, deux vagues de "Forteresses volantes" arrivent en fin d'aprèsmidi à la verticale de l'École; la première suffit pour la transformer
en un immense amas de ruines, desquelles n'émerge que la chapelle. S'agit-il d'une erreur, l'objectif
visé étant la gare de triage de Trappes, ou bien les Alliés ont-ils cru que des "bombes volantes" étaient
entreposées dans les caves des bâtiments?
L'École Militaire Interarmes, qui avait repris vie en Algérie, à Cherchell, est installée en 1945 en
pleine lande bretonne, à Coëtquidan. La vieille Maison est bien incapable de l'accueillir: le site sert de
"jardin" aux habitants de Saint-Cyr qui viennent s'y promener le
dimanche en famille, au milieu des blocs dispersés par les
explosions et gagnés par les herbes folles. La nuit, les ruines
prennent un aspect plus sinistre; cette atmosphère quasi irréelle
inspire Jean Cocteau, qui vient y tourner certaines scènes de son
film "Orphée"
 Le cinéma s'est emparé de Saint-Cyr et des saint-cyriens: "Trois de Saint-Cyr"
Mais rien n'arrête la piété des anciens saint-cyriens pour la
chère École. Ils multiplient les études et les articles de presse pour
attirer l'attention du public et des pouvoirs établis sur ce haut lieu
militaire. Le 3 mars 1949, Jérôme et Jean Tharaud publient dans Le
Figaro une poignante description des ruines laissées à l'abandon et
lancent cet appel : "Ces murs calcinés, lézardés qui ont abrité tant
de jeunesse et tant d'espoirs ne retrouveront-ils pas leur destinée
unique au monde ? Ne ressuscitera-t-on pas Saint-Cyr? Ne rendra-ton pas sa tradition - ou plutôt, sa vocation à ce lieu en quelque sorte sacré?" Quelques mois plus tard,
le général Desmazes, ancien professeur d'Histoire à Saint-Cyr, rappelle que "(...) quarante mille jeunes
sont entrés dans ces murs dont huit mille sont tombés pour la Patrie. Une École qui a su infiltrer (...)
un tel sens du dévouement et du patriotisme ne peut disparaître !" Commence alors ce que certains
appellent la " bataille de Saint-Cyr", laquelle ne prend fin que dix ans plus tard, grâce à un ancien
saint-cyrien de la promotion de Fez, le général de Gaulle, dont le gouvernement décide, le 3
septembre 1959, de reconstruire à Saint-Cyr "un établissement d'enseignement secondaire, annexe
du Prytanée Militaire". Il faut attendre le mois de septembre 1966 pour que le Collège - aujourd'hui
Lycée Militaire de Saint-Cyr - ouvre ses portes, et le début de l'année 1976 pour avoir achevée la
restauration du Pavillon des Archives. C'est dans ce cadre d'une grande pureté architecturale que le
capitaine Milhiet établit un Musée "destiné, en premier lieu, aux élèves, pour leur apprendre l'histoire
de leur Maison, les faire réfléchir sur tous ces jeunes qui, depuis trois cents ans, les ont précédés,
pour qu'ils y trouvent eux aussi, la foi dans leur pays et le goût de servir".
1966/1986
Le Lycée Militaire accueille aujourd'hui plus de sept cents élèves. Civil ou militaire, Saint-Cyr a
toujours eu pour vocation l'enseignement. L'ensemble de ses traditions est conservé par la "Corniche"
qui regroupe les élèves de l'établissement se préparant aux concours d'entrée à l'École Spéciale
Militaire, à l'École Navale et à l'École de l'Air. Au cours de la cérémonie traditionnelle du "2 S" - 2
décembre, jour anniversaire d'Austerlitz - de 1973, la Corniche reçoit le nom de Pol Lapeyre. Celui-ci,
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jeune sous-lieutenant, était sorti de Saint-Cyr en 1923 et avait alors choisi les troupes coloniales. Au
mois d'avril 1925, lorsqu'Abdel-Krim lance son offensive sur le Rif, Pol Lapeyre commande le poste de
Beni-Derkoul, l'une des petites forteresses qui défendent la vallée de l'Ouergha. Le 15 avril, le poste
est encerclé. Le 4 mai, un groupe mobile le débloque pendant une journée; puis le siège reprend. La
suite est rapportée par la citation: "Lapeyre Pol, sous-lieutenant au 5e Régiment de Tirailleurs
Sénégalais, commandant le poste de Beni-Derkoul comprenant quatre Français et trente et un
Sénégalais, a tenu en échec pendant soixante et un jours un ennemi ardent et nombreux, a conservé
jusqu'au bout un moral superbe, sans une plainte, sans un appel à l'aide. Le 14 juin 1925, submergé
par le flot ennemi, a fait sauter son poste plutôt que de se rendre, ensevelissant à la fois sous ses
ruines les restes de sa garnison et les assaillants".
Saint-Cyriens en grand uniforme lors des manifestations du tricentenaire
de leur Ecole (21 juin 1986)
Le casoar, qui orne le shako,
n’apparut qu'en 1855. Depuis 1973,
cette citation est lue chaque année devant tous les élèves de la Corniche, rejoints par ceux de leurs
anciens qui ont intégré, à l'occasion du "2S". Ainsi se trouve réalisé le souhait exprimé par le général
de Gaulle venu se recueillir en 1969 devant le monument aux morts: "Que ces vieux murs reconstruits
et rénovés apprennent aux jeunes qui vivent en ces lieux toute la gloire que leurs Anciens avaient
acquise sur tous les champs de bataille. Qu'ils se souviennent aussi qu'aucune catégorie de Français
n'avait fait autant de sacrifices pour la France et la liberté du monde".
Alain-René GENNARI, professeur d'histoire au Lycée Militaire de Saint-Cyr (Article publié
dans Historia n°477/1986)
7.
22 NOVEMBRE 1787. BONAPARTE PERD SON PUCELAGE
Dans ses mémoires, l'empereur décrit comment il devient un homme à 18 ans quand il est
encore sous-lieutenant.
La nuit tombe sur un Paris pluvieux. Il bruine, il fait froid. Ce n'est pas un temps à mettre une
prostituée dehors. Pourtant, il y a du monde dans le jardin du Palais-Royal, haut lieu de la prostitution
parisienne en cette fin du XVIIIe siècle. À la lueur des lampes du sieur Quinquet, quelques demoiselles
persistent à se promener sous leur parapluie. Elles ont entre 12 et 40 ans. Des messieurs les croisent,
les interpellent, leur donnent le bras. Nous sommes le 22 novembre 1787, à la veille de la Révolution
française.
Un jeune homme qui vient de sortir du théâtre des Italiens avance d'un pas mal assuré sous les
arcades ceinturant le parc. Il n'a guère plus que 18 ans. Il est maigre, malingre. Il a le teint jaunâtre, le
menton volontaire. Son nez frémissant est celui de l'aigle. Les cheveux sont noirs. Il ne porte pas
encore la main sur le ventre... Son habit est usé. C'est Bonaparte. Le tout jeune Bonaparte. Le futur
Napoléon qui accumulera les conquêtes féminines n'est encore qu'un puceau à la recherche d'une
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Le Pélican n° 71 printemps, édité le 24 mars 2015
première victoire. Sous-lieutenant d'artillerie, il est revenu, treize jours plus tôt, d'un congé de six
mois en Corse.
Il lui faut une femme. N'importe laquelle. Au-dessus de son lit, il a punaisé un poster de
Christine Boutin... Son oeil noir s'illumine en regardant les beautés à la taille gracile, aux jambes
nerveuses, aux seins palpitants, aux robes suggestives qui se pavanent sous le crachin. On les appelle
les "castors" ou encore les "demi-castors", suivant leur rang. Elles sont élégantes, elles sont chères, sa
solde mensuelle de 71 livres et 5 sous ne lui permet pas de s'offrir ce luxe. Il tente néanmoins d'en
aborder quelques-unes, mais son allure misérable ne lui vaut que mépris. Son regard tombe alors sur
une petite demoiselle, d'apparence plus modeste, qui arpente les allées. Visiblement, elle attend
d'être abordée. Bonaparte se jette à l'eau (il contera lui-même cet épisode ultérieurement). "J'étais
sur le seuil de ces portes de fer quand mes regards errèrent sur une personne du sexe. L'heure, la
taille, sa grande jeunesse, ne me firent pas douter qu'elle ne fût une fille. Je la regardais : elle s'arrêta
non pas avec cet air grenadier (des autres), mais un air convenant parfaitement à l'allure de sa
personne." Pressé par un besoin impérieux, le jeune Bonaparte adresse crânement la parole à celle
qui s'avère s'appeler Mlle Deschamps :
- Vous aurez bien froid, lui dis-je, comment pouvez-vous vous résoudre à passer dans les allées
?
- Ah ! Monsieur, l'espoir m'anime. Il faut terminer ma soirée.
Puis, faussement compatissant devant la fragilité de la pauvrette, il ajoute :
- Vous avez l'air d'une constitution bien faible. Je suis étonné que vous ne soyez pas fatiguée
du métier.
- Ah dame ! monsieur, il faut bien faire quelque chose.
- Cela peut être, mais n'y a-t-il pas de métier plus propre à votre santé ?
- Non, monsieur, il faut vivre.
- Il faut que vous soyez de quelques pays septentrionaux, car vous bravez le froid.
- Je suis de Nantes en Bretagne.
- Je connais ce pays-là... Il faut, mademoiselle, que vous me fassiez le plaisir de me raconter la
perte de votre pucelage.
- C'est un officier qui me l'a pris.
- En êtes-vous fâchée ?
- Oh oui, je vous en réponds. Ma soeur est bien établie actuellement. Pourquoi ne l'eus-je pas
été ?
- Comment êtes-vous venue à Paris ?
- L'officier qui m'avilit, que je déteste, m'abandonna. Il fallut fuir l'indignation d'une mère. Un
second se présenta, me conduisit à Paris, m'abandonna, et un troisième, avec lequel je viens de vivre
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trois ans, lui a succédé. Quoique français, ses affaires l'ont appelé à Londres et il y est.
La rusée fille de joie, sentant qu'elle tient son client, porte l'estocade :
- Allons chez vous.
- Mais qu'y ferons-nous ?
- Allons, nous nous chaufferons et vous assouvirez votre plaisir.
Mais Bonaparte n'est pas aussi benêt qu'il y paraît. Lui aussi joue un jeu. Il l'avoue. Le jeune
officier entraîne sa conquête vers la sortie du Palais-Royal. Transis par le froid glacial soufflant dans
les sombres rues de la capitale, ils filent d'un bon pas vers le modeste hôtel de Cherbourg, rue du
Four-Saint-Honoré (aujourd'hui rue de Vauvilliers), où il occupe une petite chambre. Le récit de
Bonaparte se termine ici. Aucun moyen de savoir s'il remporte cette première victoire avec panache.
C’est arrivé aussi un 22 novembre :
1990 - Margaret Tatcher démissionne du poste de Premier ministre.
1977 - Inauguration de la ligne Londres-New-York en Concorde (British Airways)
1986 - Mike Tyson, 20 ans, devient le plus jeune champion du monde de boxe poids lourds.
1975 - Juan Carlos est proclamé roi d’Espagne.
1963 - Assassinat de John F. Kennedy, à Dallas.
1943 - Indépendance du Liban.
1928 - Maurice Ravel crée son Boléro à l’Opéra de Paris.
1906 - Le signal télégraphique SOS est adopté comme signal radio de détresse universel.
1890 - Naissance de Charles de Gaulle, à Lille.
1808 - Naissance de Thomas Cook, organisateur du premier voyage de groupe. L’agence de
voyages est née.
1718 - Décès du célèbre pirate Edward Teach, surnommé Barbe noire.
1497 - Vasco de Gama atteint le cap de Bonne-Espérance, ouvrant le passage entre l’Afrique et
l’Asie.
8.
BIENVENUE CHEZ L'EMPEREUR: LA MAISON D'AUGUSTE ROUVRE A ROME
Les maisons d'Auguste et de sa femme Livie ouvrent jeudi au public dans la capitale italienne,
dont certaines pièces pour la première fois, à l'occasion des 2.000 ans de la mort du premier
empereur romain.
La "Casa di Augusto" et la "Casa di Livia", où habitaient l'empereur et sa famille, sont nichées
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au cœur du vaste ensemble architectural du mont Palatin.
Après deux ans de travaux d'un coût de 2,5 millions d'euros, un nouveau parcours permet au
public d'en découvrir les pièces et les fresques époustouflantes, dont certaines seront visibles pour la
première fois.
Rouge pompéien, guirlandes de fleurs, paysages sacrés et champêtres: les couleurs des
fresques reconstituées sont vives malgré la pénombre protectrice.
Les travaux se sont révélés particulièrement complexes: certaines parties des demeures,
désormais protégées par des toitures, étaient exposées aux intempéries depuis leur découverte.
"Nous avons dû affronter et surmonter une avalanche de problèmes liés entre eux, qui vont de
la présence de grottes souterraines à celle d'égouts bouchés, et je vous parle d'un système d'égouts
qui s'étend sur 35 hectares", explique Mariarosaria Barbera, responsable des biens archéologiques de
Rome, qui a coordonné les travaux.
Pour préserver ces lieux fragiles, les visites auront lieu par groupes de 20 personnes maximum,
trois fois par jour, pendant 15 minutes.
"Le projet prévoit une ouverture au public sur réservation, par petits groupes accompagnés
d'un guide. Cela va donc permettre une lecture plus intime, plus attentive des espaces d'Auguste",
souligne Cinzia Conti, l'archéologue qui a dirigé la restauration.
"A nous autres conservateurs qui nous sommes occupés de la restauration et de la
conservation de ces espaces, cela va permettre aussi d'évaluer, de surveiller les conséquences du
passage du public, par exemple la poussière sous leurs chaussures, et surtout l'incidence de la
respiration," poursuit-elle.
- Intimité et pouvoir Intimité et pouvoir sont étroitement mêlés dans cet ensemble architectural qu'Auguste avait
pensé pour renforcer le rayonnement idéologique de son pouvoir et de son image.
L'empereur avait symboliquement choisi de faire construire sa "domus" à côté de la cabane de
Romulus, fondateur de la Ville éternelle.
"A voir les maisons, les édifices qu'il a fait construire, on comprend qu'il s'agissait d'un homme
de pouvoir, d'une grande force, qui comprend, qui connaît, qui a conscience des éléments constituant
un homme politique chargé de diriger un empire aussi grand," analyse Cinzia Conti.
Et les fresques dans la maison de Livie constituent l'un des témoignages les plus importants du
style romain à son époque "la plus mature", selon la direction des biens archéologiques de Rome.
Né le 23 septembre 63 av J.-C sur le mont Palatin, Caius Octavius, petit-neveu de Jules César,
qui l'adopte peu avant son assassinat, dirige Rome pendant plus de 40 ans, période durant laquelle la
"République" connaît un "âge d'or".
C'est en troisièmes noces qu'il épouse Livie, le grand amour de sa vie, alors qu'elle est enceinte
d'un premier mari. Il adopte l'enfant, Tibère, qui lui succède ensuite.
Auguste meurt à l'âge de 75 ans, le 19 août 14 après J.-C. Un mois plus tard, le Sénat l'élève au
rang de dieu et Livie devient prêtresse de son culte.
Dans le Musée Palatin réorganisé pour l'occasion, une salle dédiée à Auguste permet de
découvrir de nombreux objets liés à la vie de l'empereur.
9.
HUE – PLEI KU LES HAUTS-PLATEAUX EN VELO PAR JEAN-LOUIS GODFRAIN
Ces quelques pages ont la prétention de reproduire les souvenirs et sensations éprouvés par
mon ami d’école d’ingénieur, tout au long du parcours à vélo qui l’a conduit du 19 au 24 mars 2008 du
col des Nuages entre Hué et Da Nang à Plei Ku par les Hauts-Plateaux au Vietnam.
L’itinéraire projeté devait à l’origine débuter à Hué et se terminer à Buon Ma Thuôt.
Mon correspondant au Vietnam, Hiên, en charge de trouver et réserver les étapes, m’avisât
environ un mois avant le départ du refus des autorités provinciales d’autoriser un étranger non
accompagné à faire escale sur le secteur Plei Ku/Buon Ma Thuôt. Aucune raison officielle ne me fut
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fournie, mais il est vrai que la route N14 empruntée longe au plus près la frontière entre Vietnam et
Cambodge et traverse une région où régulièrement, malgré une étroite surveillance policière, des
manifestations des minorités ethniques montagnardes se produisent contre l’autorité de l’état
Vietnamien. La répression y est parfois violente et tout est fait pour éviter la présence d’éventuels
témoins étrangers et les contacts avec les populations locales.
Je dus donc annuler les deux ou trois étapes cyclistes qui devaient me permettre de relier Plei
Ku à Buon Ma Thuôt et les remplacer par un trajet direct en voiture.
J 1 Hué – Da Nang - 19/03
Le minibus qui transporte Michèle, Anne-Marie et Raymond mes cousins, quitte dès 8h30 Hué,
où nous avons séjourné 48 heures. Nous empruntons la N1, dite route Mandarine, itinéraire très
fréquenté par véhicules légers, motos et poids lourds. Après la traversée de Lan Co, petit village de
pécheurs sur la lagune, devenu station balnéaire, ceux-ci se dirigent vers Danang en empruntant le
tunnel routier ouvert depuis environ deux ans ; la difficile route du col des Nuages (Hai Van Pass),
496mètres d’altitude, aujourd’hui délaissée du plus gros du trafic, n’est plus utilisée que par les
véhicules des touristes. Si elle a gagné en sécurité elle a perdu son côté folklorique de véhicules à
bout de souffle, aux circuits de refroidissement bricolés, et pour lesquels tout arrêt était interdit sous
peine de ne plus pouvoir repartir.
Il est environ 10h lorsque nous parvenons au sommet du col, dans les nuages comme à
l’habitude, d’où son nom. Les vendeurs de souvenirs sont là, mais la halte des camions ne nourrit plus
le petit commerce.
Mon vélo est rapidement mis en ordre de marche, sacoches sanglées et il est 10h15 lorsque je
m’engage dans la descente en freinage permanent avant d’aborder le premier virage en épingle.
Deux arrêts photos et environ 9,5 kilomètres de descente rapide plus loin et me voici au
niveau de la mer à la périphérie nord de Da Nang. Une très large avenue bordée d’entreprises, puis de
commerces en tout genre conduit au centre ville. L’animation et le trafic s’intensifient d’autant que
les écoles vomissent des centaines d’écoliers à la fin des classes du matin. Je prends connaissance en
direct des conditions et « règles » de la circulation vietnamiennes. Un bon vent de face sévit, freinant
la marche et soulevant une grosse poussière. La pollution atmosphérique doit être énorme car en
quelques kilomètres les yeux rougissent et brulent notablement.
Plusieurs kilomètres plus loin et en l’absence d’un plan de la ville suffisamment précis, j’estime
qu’il est temps de piquer à gauche toute pour rejoindre les bords du fleuve sur lequel donne mon
hôtel, le Bamboo Riverside, situé non loin de l’immense pont qui le traverse. Ma route passe devant le
Centre Franco-Vietnamien, puis devant la cathédrale, fraîchement repeinte, en face du marché.
Après un dernier stop d’orientation me voici devant le Bamboo Riverside, à ne pas confondre
avec le Bamboo Green, situé une rue derrière et qui fait partie de la même chaîne.
Grande chambre avec climatisation, au troisième étage donnant sur l’arrière, donc plus calme
et vélo stationné provisoirement au parking des motos du personnel.
La traversée de la ville à l’heure la plus chaude a nécessité pas mal d’énergie et la douche est
immédiatement testée.
Puis, direction la salle du restaurant pour un plat de nouilles sautées aux calamars et une
bière : 82000 dongs, soit environ 3€, tarif normal dans une grande ville et un hôtel de bonne classe.
Après une sieste prolongée c’est une longue balade à pied qui me conduit jusqu’au musée
d’art Cham, déjà visité lors d’un précédent voyage. Personne n’étant capable de m’indiquer
l’itinéraire à suivre le lendemain matin pour accéder à la N14B que je dois emprunter tout au long de
ma deuxième étape, me voici parti à la recherche d’une librairie susceptible de vendre un plan de la
ville et de sa banlieue, les guides dont je dispose s’étant révélés notoirement insuffisants à cet égard.
Il me faut en effet contourner la zone de l’aéroport et éviter de prendre la N1 qui pique plein
sud.
Le miracle se produit et au détour d’une rue dans une importante papeterie qui vend aussi
quelques livres, je dégotte pour 15000 dongs un super plan de Da Nang et de sa banlieue qui se
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révèlera extrêmement précieux.
Retour à l’hôtel par le boulevard qui longe le fleuve ; les locaux profitent de la relative
fraicheur du soir.
Cette promenade conforte ma première impression : l’activité de l’agglomération s’est
considérablement accrue, une zone industrielle et de loisirs s’est développée sur la rive droite du
fleuve, le niveau de vie des habitants est en forte augmentation à en juger par le nombre de véhicules
modernes, de motos, de magasins bien fournis. En centre ville les écoles accueillent une foule
d’enfants que les mamans pour la plupart motorisées viennent chercher à la fin des classes.
Dîner au resto de l’hôtel : riz aux légumes et porc très savoureux, coca et boisson énergétique
66000 dongs.
Rassasié et reposé je me prépare pour une nuit confortable.
Bilan de l’étape : Parcourus 31 km - Temps 1h46 - Moyenne 18 km/h -V max 36,9 km/h
J 2 Da Nang – Than My - 20/03
Lever à la pointe du jour, 5h30 ; copieux et excellent breakfast pour préparer la deuxième
étape et en selle dès 7h15. Je profite d’une échoppe de réparation de motos pour augmenter la
pression de mes pneus à 5bars. Mes nouveaux pneus se révèlent sur le type de revêtement que
j’emprunte roulants et confortables.
La circulation est à son maximum de densité. La sortie de l’agglomération, à travers zone
industrielle, chantier et travaux routiers, durera plus de 10km. Fumée noire des camions et nuages de
poussière rouge sont au menu. La route à quatre voies cèdera la place à une deux voies un peu moins
fréquentée, le trafic se dirigeant surtout plein est vers Hien et la frontière Laotienne. Les poids
rencontrés sur la N1 étaient de génération moderne, camions de marques japonaises ou coréennes,
tracteurs de semi-remorques américaines très récentes. Sur les routes secondaires, on retrouve
d’antiques poids lourds IFA, bleu délavé, originaires d’Allemagne de l’Est qui geignent de tous leurs
ressorts et crachent des torrents de fumée noire.
Les agglomérations se succèdent sans discontinuer et la route remonte lentement le long du
Song Thu Ban qui rejoint la mer à Hoi An; le fleuve roule des eaux boueuses et rouges, il a plu
régulièrement dans la partie supérieure du cours. Comme le sol est bon et le vent plutôt favorable les
kilomètres défilent bon train. Dès 10h la chaleur devient écrasante, pause pour un rafraichissent jus
de canne. Je ne résiste pas à mettre un énorme glaçon garanti à l’eau purifiée : 5000 dongs !
Nouvelle pause à 11h, le petit déjeuner est déjà loin et ce sera un plat de pâtes et un coca
alors qu’un groupe de consommateurs qui a déjà entamé une caisse de bières et arrose quelques
petites nourritures d’alcool de riz me propose de partager leurs libations. Bien sur, je m’abstiens
ayant encore une vingtaine de kilomètres à parcourir sous un soleil de plomb.
Quelques incertitudes se font jour quant à l’itinéraire à suivre pour atteindre mon étape : le
réseau routier a été sensiblement modifié et la carte ne sert plus de référence, d’autre part beaucoup
de noms d’agglomérations ont changé et n’ont pas été mis à jour. Un gamin qui sort de l’école, c’est
l’heure de la sortie, et qui va dans la même direction que moi m’invite à le suivre pendant une dizaine
de kilomètres ; arrivé devant sa maison, une station service, il m’indique de continuer jusqu’à parvenir
à Than My.
La chaleur est écrasante et je parviens à mon étape autour de 13h. Le petit hôtel d’état au
confort incertain d’après Hiên se révèle très acceptable. La patronne attendait manifestement mon
arrivée, la présence d’un Pham (Français), cycliste de surcroît, n’étant pas monnaie courante dans la
région !
L’hôtel héberge surtout des personnels qui travaillent sur des chantiers environnants et est en
cours d’agrandissement notable.
La chambre de plain-pied, est vaste, propre et relativement fraîche. Le bâtiment qui l’abrite
est situé à l’ombre de grands arbres.
Après une douche plus que bienvenue, grande sieste.
Vers 17h j’entreprends une visite pédestre du village situé en contrebas. Rien de très attrayant
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si ce n’est plusieurs ateliers de façonnage du bois très abondant dans la région.
Les échoppes susceptibles de calmer ma faim ne sont pas légion, mais un local acceptable me
permet d’ingurgiter un plat copieux et épicé de bœuf émincé aux herbes, accompagné de riz sortant
du cooker, le tout arrosé d’une bière LARUE légère, 3°2, mais bien fraîche. Addition de 40000 dongs,
moins de deux €.
Je profite d’un étal de fruits encore ouvert pour acheter une grosse mandarine et une poire
Nachi : 5000 dongs.
Coucher avec les poules dès 18H30 !
Bilan de l’étape : Parcourus 70,65 km – Temps 4h13 – Moyenne 17,04 km/h - Vmax
47km/h
L’étape, malgré un vent favorable et un sol roulant, s’est révélée physiquement éprouvante du
fait d’une température élevée, supérieure à 30° dès 10h et d’une atmosphère très lourde.
J 3 Than My – Phuoc Son - 21/03
L’activité générale des chantiers débute très tôt, pas besoin de réveil !
L’hôtel d’état ne sert pas en principe de petit déjeuner et le village m’offre seulement un café.
Bonne surprise à mon retour dans la chambre, un plateau m’attend : pain frais, œuf au plat, lait frais.
Je complète par un des fruits achetés la veille.
En selle à 7h15. L’itinéraire remonte lentement la vallée pendant environ 40km.
Les paysans descendent des crêtes des ananas sauvages et les regroupent au bord de la route
avant qu’ils ne soient enlevés par des camions.
Pas d’autre culture n’est visible, la forêt borde la route qui surplombe le Song Thu Ban ; la
vallée est de plus en plus encaissée et le cours d’eau doit se frayer un passage entre des barres
rocheuses. Le magnifique paysage tropical est malheureusement gâché par une ligne à haute tension
toute récente qui suit la vallée à mi-pente.
Puis brusquement la pente devient plus sévère avec des passages à 9% coupés de courtes
descentes qui cassent le rythme.
Pas un souffle d’air dans la vallée et la réverbération du soleil sur les rochers est difficile à
supporter. Alors que j’attaque une rampe prononcée et sans espoir d’ombre, j’avise une bâche
tendue entre quatre piquets de l’autre côté de la route, un peu en contrebas. Un paysan semble être
au repos. Ni une ni deux, je décide de lui demander s’il accepte de partager son abri le temps d’une
sieste. Il acquiesce, me fait un peu de place à l’ombre et poursuit ses activités pendant que je me
désaltère, déguste la poire Nachi achetée la veille et ingurgite le contenu d’un tube de gel vitaminé,
pas fameux d’ailleurs.
Une demi- heure environ s’écoule et l’épouse de mon paysan, affligée d’un terrible strabisme
convergent, apparaît sous son chapeau conique, partie ramasser du bois pour le feu.
La voilà qui se met en demeure de préparer un déjeuner que j’imagine bien modeste comptetenu des moyens qu’ils paraissent posséder. Pendant que l’homme affute le coupe-coupe, la femme
repart pour une corvée d’eau à une cascade voisine, puis elle va ramasser une sorte d’énorme
concombre sauvage et des herbes dans un champ de manioc qui semble constituer leur principale
richesse. Une gamelle de riz est mise à cuire, prière d’oublier la noirceur de la dite gamelle !
Le mari s’harnache de son matériel de pêche (épuisette électrique) et file jusqu’à la rivière qui
coule en contrebas de notre campement. Il revient peu après ayant attrapé quelques petits poissons
et une demi-douzaine de crevettes d’eau douce qui constitueront l’apport protéinique du déjeuner.
Lorsque le tout est cuit, ils m’invitent à partager leur maigre repas puis un thé vert très acre
mais qui est en l’occurrence une boisson bien appréciable.
Le paysan est un gros fumeur car depuis mon arrivée il n’a cessé d’allumer cigarette sur
cigarette et me propose de partager sa passion. Par gestes j’explique que fumer n’est pas compatible
avec l’exercice que je pratique.
Vers 3h il me parait être temps de reprendre la route. J’ai toutes les peines du monde à faire
accepter à mes hôtes imprévus un dédommagement pour leur accueil et le repas aussi modeste qu’il
ait été ; voilà un nouvel exemple de l’hospitalité dans les campagnes vietnamiennes.
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Il me reste environ 10km à parcourir avant de parvenir à l’étape de Phuoc Son. Quels
kilomètres ! Pas un souffle d’air ni d’ombre, chaleur écrasante et une côte à 10% qui n’en finit pas et
que je dois gravir à pied. Je m’avoue vaincu et me décide à contre cœur à solliciter l’aide des rares
véhicules qui circulent. Aucune chance avec les poids-lourds qui montent à la vitesse d’un marcheur
épuisé et ne s’arrêtent pas, craignant de ne pouvoir repartir. Enfin, un camion léger qui me dépasse
sans l’intention apparente de stopper s’arrête deux à trois cent mètres plus loin et l’un des passagers
redescend vers moi en faisant signe d’embarquer.
Pas simple car il est rempli jusqu’à la gueule de cartons de bière et boissons diverses ; mais le
hayon de fermeture une fois mis à l’horizontale est assez vaste pour accueillir mon vélo en position
transversale.
Ayant bien calé le véhicule par des cailloux, et au prix d’un gros travail de l’embrayage, nous
réussissons à repartir.
Deux kilomètres plus loin nous voici parvenus à Phuoc Son où me déposent aimablement et
sans solliciter de contre partie mes compagnons de route.
L’agglomération se révèle très étendue et un peu à l’écart de la route empruntée. Tout y est
approximatif et poussiéreux.
Au prix de deux demandes d’information je parviens à l’hôtel Khâm Duc. Constitué d’un
bâtiment principal assez modeste et de deux annexes récentes, presque luxueuses, qui abritent
plusieurs « suites », il héberge surtout des personnels des chantiers environnants et des
fonctionnaires en déplacement. Un important barrage est en construction dans la région.
Excellent accueil de la gérante, une jeune réceptionniste qui se débrouille assez bien en anglais
me fournit de l’eau fraîche et me voilà installé dans une très vaste chambre avec coin salon, télé et
climatisation.
L’étape du lendemain dont j’appréhende la longueur, environ 100km, du fait de la chaleur et
de son profil tourmenté doit être raisonnablement aménagée. Je réussis à contacter par téléphone
Hiên et lui demande de me trouver un transport pour Dak Glei qui doit me permettre d’éviter environ
40km très difficiles.
La réponse arrive via l’hôtel, un véhicule me prendra en charge à 7h30 ; rassuré je me mets en
quête d’un endroit où me restaurer car le déjeuner champêtre est bien loin.
La réceptionniste/interprète me convie à monter sur sa moto et me dépose deux cent mètres
plus loin devant un resto très local qui semble avoir bonne réputation. Je dois avoir l’air bien fatigué
pour bénéficier d’un tel traitement !
Ce sera une belle assiette de riz, poulet et légumes arrosée d’une bière : 50000 dongs. Sur le
chemin du retour à l’hôtel je fais l’acquisition d’une grande bouteille d’eau, 10000 dongs et d’un quart
de vodka de riz de la marque Hanoi qui semble avoir la préférence des consommateurs locaux, 25000
dongs.
Les chambres voisines sont occupées par un groupe de musiciens qui prolongent leur concert
tard dans la nuit. Une rasade de vodka facilite mon endormissement !
Bilan de l’étape : Parcourus 56,82km – Temps 4h14 - Moyenne 13,77km/h - Vmax
48,4km/h
Ces chiffres traduisent bien les difficultés rencontrées tout au long de ce parcours.
J4 Phuoc Son – Plei Kan - 22/03
Le véhicule d’assistance retenu la veille est là comme convenu et le départ a lieu à 7H30. Son
équipage est constitué de deux jeunes farfelus déjà très excités ; celui qui est au volant est un fou de
la pire espèce dont le seul objectif semble de tenter de m’impressionner par une conduite débridée
alors que notre itinéraire très sinueux n’est qu’une succession de montées et descentes rapides qu’il
avale pied au plancher.
C’est sans déplaisir que nous parvenons en moins d’une heure et après plus de 40km de
gymkhana à Dak Glei. Débarquement en voltige au sommet d’une côte.
Une première pause au bout de 20km pour un Phô et une boisson au citron qui va remplir un
de mes bidons.
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Nouvelle halte au km 32, il est 11h il fait déjà très chaud. Je bénéficie d’une route en légère
descente dont l’effet est annulé par un vent de face moyen.
Aucun village suffisamment important pour motiver la présence de la moindre gargote. La
zone est pauvre, pas de fruits, pas de riz, culture de manioc sur brulis.
Nous sommes vraiment sur les Hauts-Plateaux non loin du Laos que l’on peut gagner par des
pistes en terre. Maison traditionnelles en bois et toits en forme de fer de hache des ethnies Bahnard
et Jaraï.
Je stoppe instinctivement devant une construction assez vaste en tôle ; il se révèle être tout à
la fois une boutique d’outillage, d’épicerie, un tailleur et un salon de coiffure doté d’un fauteuil.
Accessoirement un réfrigérateur contient des boîtes de soda et de jus de fruits.
La propriétaire des lieux me concède le droit de faire une pause. Je m’installe dans le fauteuil
de coiffure quelque peu défoncé et aux chromes rouillés pour me rafraîchir d’une canette de boisson
au melon assez insipide et déguster une poire Nachi.
Malgré l’inconfort du siège de coiffeur et la température de four qui règne sous le toit de tôle,
je me laisse gagner par la somnolence.
Quelques clientes animent le début d’après-midi, assez surprises de ma présence.
Puis la patronne se met à préparer une marmite de riz quelle agrémente d’une soupe d’herbes
et de petits poissons en conserve à l’odeur redoutable !
Elle attaque son déjeuner non sans m’avoir proposé de le partager ; j’accepte un peu de riz
humecté du potage d’herbes mais évite les poissons…
De lourds nuages d’orage s’entassent sur les crêtes environnantes et le tonnerre gronde ;
température 32°, la crainte d’être coincé par l’orage dans cette zone peu hospitalière et sans
ressources me conduit à reprendre ma route, il est environ 14h. Les coups de vent tourbillonnent,
rendant encore plus sournois les multiples raidillons.
Je parviens Phuoc Son alors que le ciel devient noir et que le vent soulève d’énormes nuages
de poussière. L’agglomération est fort étendue et après plusieurs stops/info je découvre non loin du
marché de Ngoc Hoi l’hôtel Dong Duong. Il était temps, un énorme orage s’abat sur la ville, éclair,
tonnerre et pluie diluvienne ; tout y est ! L’option de me remettre en route malgré la chaleur était la
bonne !
Installé assez correctement, je m’adonne à l’opération « récupération physique ».
La nuit est tombée lorsqu’ après une objective réflexion je me décide à examiner la possibilité
d’un transport par véhicule sur une partie de l’étape du lendemain.
L’hôtelier m’explique que cela est possible avec un départ à 7h30 et que ce sera lui qui me
conduira jusqu’à Dak Hà.
La pluie ayant à peu près cessée, je me mets à la recherche d’un endroit pour calmer une faim
bien réelle. Ce sera de l’autre côté de la rue dans la zone du marché. Soupe de bœuf aux pâtes et
bières : 25000 dongs ; l’addition est à la hauteur du décor et du « festin » !
Une marchande de fruits encore ouverte me cède deux mandarines chinoises très parfumées
pour 5000 dongs ; elles feront le dessert !
La nuit ne sera pas très bonne, le système respiratoire et les yeux ayant pas mal souffert de la
chaleur et de la poussière associée. Je tente un traitement de l’inflammation au Cortancyl.
Bilan de l’étape : Parcourus 54,35 km – Temps 3h30 – Moyenne 15,99 km/h – Vmax 56,9 km/h
J 5 Plei Kan – Kon Tum - 23/03
Réveil à 5h20 puis petit déjeuner médiocre et peu énergétique sur le marché à peine ouvert :
double café filtre, soit deux dés à coudre de breuvage, un sandwich contenant quelques herbes
anonymes et trois lamelles de viande indéterminée ; thé vert.
Paré pour le départ. En fait un minibus délabré se présente, il n’en reste que ce qui est en
tôle ; aucun accessoire à l’exception de l’avertisseur ne fonctionne, sièges sans garnissage ! Bref un
taxi brousse africain est par comparaison une luxueuse berline
Moteur, embrayage et freins durement traités par un autre chauffeur fou nous emmènent de
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Le Pélican n° 71 printemps, édité le 24 mars 2015
halte en halte pour charger et déposer des voyageurs à la demande. Nous serons en moyenne douze
dans ce véhicule fait pour neuf. Le vélo a quant à lui été ligoté sur le toit sans ménagements.
Après une heure de décharges successives d’adrénaline, nous parvenons à Dak Hà où je
demande à être déposé.
Au passage je reconnais Dak To et les vestiges de la longue piste d’atterrissage US toujours
utilisée comme un immense séchoir à manioc.
Si la route s’était caractérisée jusqu’ici par un revêtement de bonne qualité, celui-ci est
désormais très dégradé donc inconfortable.
En quittant Dak Hà l’itinéraire est très sinueux, montée et descentes rapides se succèdent sans
arrêt. Puis en s’approchant de Kon Tum voici de longues rampes rectilignes. Le facteur commun tout
au long de l’itinéraire est une circulation de plus en plus dense, en particulier de très nombreux poids
lourds fumants auxquels se mêlent des colonnes de motos transportant parents et enfants en bas
âge. Le niveau sonore et la pollution sont épouvantables.
Nous sommes le dimanche de Pâques et ces familles se rendent certainement chez parents et
amis. La région est à majorité catholique et les églises accueillent de nombreux fidèles.
Petite pause « jus de canne », puis c’est la longue traversée de Kon Tum avant de parvenir à
l’hôtel Indochine à la sortie sud de la ville, avant le pont qui traverse la rivière Dak Bla. Des travaux
sont en cours pour créer une forte digue destinée à protéger la ville des inondations.
Pas moins de trois mariages se déroulent simultanément à l’hôtel et avant de parvenir à la
réception je dois attendre que les centaines d’invités aient pénétré dans les divers salons. Quelques
rares ao dai qui semblent désormais réservés aux personnes d’âge mûr alors que la jeunesse est vêtue
à l’occidentale, parfois de façon voyante.
Ma chambre très vaste, au cinquième étage, offre une belle vue sur la Dak Bla.
Les trois étoiles de l’hôtel me permettent de confier quelques vêtements qui en ont bien
besoin au service « laundry », 30000 dongs.
Il est bien sur hors de question de déjeuner au restaurant de l’hôtel envahi par les invités. Mais
le très sympathique restaurant Dakbla’s, déjà testé lors d’un précédent voyage, situé à deux pas de
l’hôtel fera largement l’affaire.
Excellent bœuf à l’ananas et riz et un pancake à l’ananas pour dessert. Citronnade et thé vert
comme boisson et une addition de 93000 dongs pour ce festin le tout dans un cadre ethnique et une
grande propreté.
La chaleur étant tombée et les invités aux mariages ayant évacué les lieux j’enfourche mon
vélo direction la superbe l’église en bois qui jouxte l’orphelinat. Le bâtiment est toujours aussi insolite
et harmonieux mais ne peut-être visité avant 17h30 ce qui est trop tard compte-tenu de la tombée de
la nuit.
Dans les locaux de l’orphelinat c’est déjà l’heure de la douche pour les petits pensionnaires qui
s’ébattent à grands cris dans le local dédié à cet usage.
Sur le chemin du retour à l’hôtel, alors que l’orage gronde, détour par le séminaire lui aussi de
construction très originale et qui abrite un musée des ethnies montagnardes déjà visité.
Le Dakbla’s m’accueille à nouveau à l’heure du dîner : riz sauté aux seiches et légumes arrosé
de bière, 65000dongs.
Bilan de l’étape : Parcourus 17km45 + environ 45 en minibus – Temps 1h45 – Moyenne 16,5km/h –
Vmax 40km/h
J 6 Kon Tum - Plei Ku - 24/03
Excellente nuit dans un lit confortable grâce à un comprimé de Cortancyl plus une demi- pilule
de léger somnifère.
Ayant l’intention de rallier Plei Ku d’une seule traite sans pause à la mi-journée un départ
matinal s’impose. Réveil à 5h, excellent breakfast copieux et varié dès l’ouverture du resto de l’hôtel à
6h et je décolle à 6h45.
Itinéraire très fréquenté comme toujours avec son lot de poussière et de pollution ; il faut être
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attentif à ne pas s’engager sur les accotements en terre, très mous car il a beaucoup plu durant la
nuit ; dans ces conditions mes pneus de route ne sont pas adaptés.
L’air est relativement frais jusqu’à 9h et le léger vent favorable facilite le passage des longues
lignes droites en montagnes russes. La route est jalonnée de monuments et de cimetières militaires
qui marquent les combats entre troupes sud-vietnamiennes, américaines et nord-vietnamiennes dans
la période de la prise de Kon Tum et en prélude à l’abandon d’An Khe.
Les collines et reliefs qui s’étendent à l’horizon sont très dégarnis ; végétation presque nulle,
résultat de la déforestation. On parle localement de l’effet de l’agent « orange » déversé par les
américains, mais à l’évidence des mains locales ont parachevé le désastre car de très nombreux
grumiers chargés de superbes troncs d’arbres de bois précieux circulent en convois sur l’itinéraire.
Alors que des signes évidents d’un niveau de vie amélioré sont bien visibles, ceux-ci ne
dissimulent pas l’extrême pauvreté des populations montagnardes souvent réduites à travailler une
terre qui ne lui appartient plus. Signes de malnutrition, grossesses prématurées chez de très jeunes
adolescentes, malformations, manque d’hygiène, sont les signes d’une marginalisation de bien des
montagnards.
Rapide pause « jus de canne » agrémenté d’une pincée de sel à la mode du pays. Je profite
aussi du bidon de thé bien sucré préparé à l’hôtel.
J’atteins la banlieue nord de Plei Ku ; large boulevard à chaussées séparées, grosse activité
commerciale. La ville, depuis toujours de gros intérêt stratégique, abrite une importante garnison.
L’hôtel est localisé à l’extrémité sud de la ville que je traverse sur plus de 8km. Celui-ci fait
partie d’un complexe de loisirs d’état avec lac artificiel et ses pédalos, restaurants et paillottes. Les
chambres confortables sont situées dans des bungalows en dur.
A mon arrivée vers 10h45 un mariage est en train de prendre place au restaurant avec
orchestre et disc-jockey.
Un employé très galonné, on est dans un établissement étatisé, m’indique qu’il est possible de
déjeuner non loin de là dans une guinguette en bordure du lac artificiel et se propose de
m’accompagner.
Nous partageons une bière mais il refuse de se joindre à mon repas ; j’apprécie la discrétion et
nous bavardons grâce au peu d’anglais qu’il maitrise. Pour moi c’est un excellent bœuf aux oignons et
herbes accompagné d’un énorme riz cantonnais ; tarif raisonnable avec trois bières 72 000 dongs.
Il me reste à attendre l’arrivée de Michèle partie de Da Lat tôt le matin avec voiture et
chauffeur. Impossible de se joindre par téléphone portable, les réseaux sont engorgés ; le nombre
d’appareils a explosé en deux ans et les infrastructures sont dépassées. Si les zones non couvertes par
le réseau sont devenus rares cela ne veut pas pour autant dire que les liaisons sont garanties.
Il est environ 16heures lorsque nous nous retrouvons, la route est longue, 9 heures, difficile et
malgré un excellent chauffeur la moyenne ne dépasse guère 30km/h. Nous dînons au restaurant de
l’hôtel, rien d’extraordinaire et les clients sont rares.
Bilan de l’étape : Parcourus 49,3km – Temps 3h16 – Moyenne 15,3km/h - Vmax 49,9km/h
J’ai profité de mon départ matinal pour lézarder en route et au total ce furent environ 45
minutes de pause.
Conclusions :
1/ Economie et société
Les 280km parcourus en six jours et en solitaire le long de la N14 m’ont permis d’approfondir
la connaissance des Hauts-Plateaux que j’avais abordés en touriste plus classique quelques années
auparavant.
Les infrastructures routières se sont grandement améliorées, de gros travaux destinés à la
production d’électricité et à son acheminement sont en cours, voire terminés. Les agglomérations se
sont beaucoup étendues le long de l’axe routier et l’activité de ces centres commerciaux et
administratifs est évidente.
L’exploitation du bois est importante, mais se fait au détriment de la stabilité des sols et les
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cultures de substitution sont rares. Le climat à l’hydrologie incertaine ne permet que rarement la
culture du riz en fond de vallons. Le manioc est la seule grosse ressource. Ce n’est qu’au sud de Plei
Ku que débutent les plantations de poivre et de café.
Ces productions agricoles et la topographie des lieux sont à associer d’ailleurs à l’utilisation de
la hotte comme moyen courant de transport des outils, objets divers et enfants en bas âge ; ici pas de
balancier comme dans les zones rizicoles.
Ces hottes, de réalisation très soignée, sont en fines tiges de bois souple tressées en forme
tronc conique, avec fond rigide en demi- cercle. De fines bretelles en lianes ou cuir permettent de les
assujettir au dos du porteur.
Evolution notable par rapport au précédent voyage, l’implantation dans les zones périurbaines
d’importants bâtiments industriels dédiés à l’industrie du bois, écroutage, élaboration de sciures,
planches, permet la création d’une main d’œuvre salariée fixe.
2/ Organisation du voyage
Les principales difficultés sont d’abord liées à la très forte chaleur rencontrée. Il apparaît que
compte-tenu du moyen de déplacement retenu, ce voyage doit être effectué en décembre/janvier et
non fin mars.
Les étapes sont à débuter impérativement à 6h du matin et se terminer au plus tard à 11h ;
leur longueur ne pouvant excéder 90km. Cette valeur est peu compatible avec les possibilités de
logement dans la partie sud du parcours.
Il eut donc été sage de prévoir une étape à Dak Glei puis une autre à Dak To avec ainsi un
temps de visite plus approfondi des abords de l’itinéraire.
Les bagages auraient pu être réduits : vêtements « chauds » inutiles.
La quantité de « compléments alimentaires » doit être notablement accrue, ceux-ci sont
indispensables car totalement absents tout au long de la route.
Ceci est d’autant plus impératif que, dans cette zone, l’alimentation n’est pas assez calorique
pour un organisme occidental devant assurer des efforts physiques importants ; ainsi le pain de farine
de riz, excellent par ailleurs, ne procure pas la même énergie que le pain de froment ; les matières
grasses sont quasi inexistantes, pas de laitages, absence totale de bananes et de sucres lents. Ce
« régime » excellent au plan diététique dans le cadre d’une activité normale n’est pas adapté à des
efforts soutenus et prolongés.
En matière de logement, il est désormais possible de trouver pratiquement partout un endroit
où dormir dans des conditions décentes ceci dans la mesure où les autorités locales acceptent le
séjour des étrangers. Mais à l’évidence la situation s’est considérablement améliorée par rapport à
seulement cinq ans.
En bref une randonnée cycliste sur les Hauts- Plateaux d’Annam ne présente pas de risques ou
de difficultés particulières, aux réserves près indiquées ci-dessus.
Jean-Louis GODFRAIN, Ville d’Avray mai 2008
PS : le rédacteur pense vous présenter un jour : Pékin-Londres en vélo ! Qu’en pensez-vous ?
10.
UN SAUMON GENTLEMAN
PAR JEAN PAUL LABBE (MARS 2014)
Cette année, à l'ouverture, je pêchais la truite à la cuiller dans l'Isole à Bannalec, quand
soudain un saumon mordit puis vint tranquillement, oh surprise, déposer ma cuiller à mes pieds avant
de retourner dans son élément !
[SVP N'ARRÊTEZ PAS VOTRE LECTURE, CECI EST UNE HISTOIRE VRAIE]
Ce seigneur d'eau douce s'est en fait comporté en vrai gentleman, car compte tenu de sa taille,
il lui aurait suffit d'un coup de queue pour casser ma fine ligne à truite et ainsi s'en aller avec ma
cuiller.
Que s'est il donc passé ?
1- La touche du saumon à la cuiller se différencie nettement de celle de la truite. Elle est plus
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ample et lentement saccadée. Aussitôt le saumon reconnu, j'évite de ferrer.
2- A partir de ce moment « je ne bouge plus, … je ne respire plus ... » (enfin presque, le bord
de la rivière n'est pas vraiment un cabinet de radiologie). Ainsi le saumon ne prend pas peur en
approchant du bord.
3- J'applique à la lettre un des adages des pêcheurs de saumons, que d'ailleurs je n'ai appris
que la veille de l'ouverture : « Soit gentil avec le saumon, il sera gentil avec toi ». C'est ainsi qu'en
maniant ma canne en douceur, avec une toute petite force de traction au moulinet, le saumon
parcourt sans s'y opposer les 20 m qui me séparent de l'endroit où il a mordu, en suivant une courbe
régulière et en longeant le fond.
4- Arrivé au bord, à 2m de profondeur, il ne stationne que quelques secondes, le temps de
repérer sur la berge quelques roseaux séchés. Il remonte rapidement (je n'ai pas le temps d'attraper
mon appareil photo), et vient s'ébrouer en surface puis se frotter contre les roseaux en s'appuyant sur
le bord de la prairie. Là je peux apprécier sa taille (sans doute plus de 80cm) et admirer la beauté de
sa robe argentée. Il se laisse ensuite glisser vers le fond, après s'être débarrassé de ma cuiller dans les
tiges de roseau qui lui ont servi d'extracteur pour venir à bout de cet appendice encombrant.
Après vérification, mon fil est intact, il ne porte même pas une trace d'usure !
Michel Barasc, mon camarade de pêche, se trouve à plus d'un km en aval à ce moment là, et il
n'y a personne d'autre à proximité.
L'histoire du saumon gentleman n'aura donc eu que le ciel pour témoin et ma bonne foi pour
oser la raconter.
11.
TÉMOIGNAGE D’UN POILU
Les archives de notre regretté Christian Compain contiennent des
trésors que le Pélican recherche pour l’information de ses lecteurs.
Espérons que cet article inspire nos chers lecteurs à nous livrer leurs
souvenirs, à nous ouvrir leurs archives avec beaucoup de témoignages de nos
anciens.
Voici le témoignage d’un poilu
« Paris le 1er août 1918,
Ma chère maman,
La mobilisation vient d’être ordonnée, j’espère que cette lettre te
parviendra. Je voudrais t’expliquer pour ne pas que tu te frappes.
1° je n’irais pas à Orléans pour différentes raisons, d’abord je ne pourrai pas le faire, tous les
trains sont militaires, puis comme à Orléans, je ne pourrais pas travailler, je serais à votre charge, or
j’estime que 2 suffisent ; les 50 frs ne me gênent pas du tout, si la situation n’avait pas été mauvaise,
j’en aurais envoyé plus, moi, j’ai assez d’argent grandement pour vivvre pendant la guerre.
2+ j’estime qu’il est de mon devoir de concilier ce que je vous dois à vous et ce que je dois à
mon pays. En ce moment tout le monde se lève pour le défendre, s’il y avait encore papa, j’en aurais
fait autant, mais maintenant je veux me rendre utile le plus possible. Je ne sais pas encore ce que je
vais faire probablement dans un hôpital pour soigner les blessés ou dans les bureaux.
La guerre ne sera pas longue si elle éclate. Il ne faut pas ma maman chérie t’alarmer surtout. Je
t’écrirais comme d’habitude mais tu sais il est probable que tu ne recevras pas toutes les lettres, ne
t’inquiète pas, tout ira bien. Voyez tous les deux , toi mon cher Maurice, peut être vas-tu entrer chez
Cassegrain. En ce cas pense aus légumes, cela ne coute rien.
Lucile …
Oui mon cher petit Maurice, l’heure est grave, et si tu étais grand comme moi, tu ferais comme
moi, ne pouvant aller te battre tu irais soigner ou aider ceux qui se sont battus
Ma chère maman, mon cher Maurice,
je vous embrasse bien fort tous les 2, votre René qui vous aime et qui vous recommande d’être
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calme.
René
VIVE LA France »
Christian notait en bas de page : René était mon oncle né en 1889 et avait été reformé. Quant à
l’allusion aux légumes chez Cassegrain, je ne comprends pas car c’était un marchand de tissus !
Mystère !
Puis nous avons une réponse de maman :
« Orléans 11 9bre 1918
Mon enfant chéri,
Voilà les cloches qui sonnent depuis vendredi, je demande à
tout le monde si c’est la fin et si ce sont les clochent qui annoncent la
délivrance, combien mon cher René je serai heureuse de te serrer
dans mes bras , maintenant on voit l’avenir avec espoir ; bientôt tu
vas nous être rendu, que ce jour sera beau, ne plus se quitter, sortir
du cauchemar, mon petit enfant, j’ai envie de chanter , mais une
grande figure se dresse devant moi qu’il serait fier de ses fils « mes
gas » comme il le disait.
Tu me dis que tu ne reçois rien de moi, pourtant je t’ai écrit 2
lettres la semaine dernière, mais je ne trouve pas que tu ne m’écris
pas souvent. Jane me donne de tes nouvelles ;
Maurice n’est pas venu en permission comme il le pensait
samedi dernier se sera sans doute pour sam…
Jane pense aller à Paris samedi son manteau n’est pas prêt.
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Plus rien à te dire, je t’embrasse bien fort bien fort.
Ta mère qui t’aime
Adrienne »
Christian notait en bas de page : son mari (mon grand-père) était mort en 1913. Maurice (mon
père) né en 1899 a attendu ses 18 ans et s’est engagé en janvier 1917.
Son oncle, René, qui travaillait aux Galeries Lafayette à Londres, nous a légué cette note de
service n° 288 du 18 décembre 1924 !
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12.
LA MEDIATION?
La médiation, terme « sympathique » évoquant une négociation de bon aloi où
chacun est amené à faire des concessions en vue d’aboutir à un équilibre ? Certes mais
que recouvre-t-elle au juste ? Pourquoi proposer une médiation ?
« La médiation est une reconstruction humaine à la suite d’un conflit et en dépit de
ce conflit »
Philippe Josse, expert près la Cour d’appel de Versailles et médiateur au Centre de
médiation et d’arbitrage de Paris, répond à nos questions.
● Responsables : Comment peut-on définir la médiation ?
Philippe Josse : Elle vise à régler le conflit qui oppose deux parties en les aidant à
trouver une solution acceptable par tous, c’est-à-dire, qui prenne en compte les intérêts
de chaque partie et qui soit de ce fait satisfaisante pour tous. Le rôle du médiateur consiste
essentiellement à écouter les divers points de vue. Tout en faisant prendre conscience des points forts et faibles de
l’argumentation de chacun et en les aidant à formuler clairement ces points de façon à être entendu par l’autre partie, il
les amène ensuite à trouver, par eux-mêmes, une solution. Celle qui permettra non seulement de mettre un terme au
conflit mais aussi d’effacer les traces de la mésentente, voire de les amener à travailler de nouveau ensemble.
● Responsables : Dans quels types de cas proposer la médiation ?
P. J. Nombre de conflits peuvent être réglés par la médiation : commerciaux, à propos d’un brevet, internes aux
sociétés, familiaux (succession, divorce…) et même sociaux à l’intérieur d’une entreprise. Condition sine qua non, il faut
une volonté commune entre les « belligérants » pour accepter d’engager une tentative de médiation. La médiation peut
être conventionnelle, quand elle est proposée aux parties par leurs avocats ou à l’initiative des parties elles-mêmes, ou
judiciaire à l’initiative d’un juge. Du choix du médiateur dépend bien souvent, le succès ou l’échec de la médiation. En
général, ce choix sera fait auprès d’institutions disposant d’un panel diversifié de médiateurs en fonction de la nature du
litige, garantissant ainsi la qualité du médiateur retenu.
● Responsables : Quelles sont les différentes étapes du processus de médiation ?
P. J. Le « temps des présentations » est la période initiale au cours de laquelle le médiateur énonce les règles
essentielles au bon déroulement de la médiation : respect des personnes, égalité du temps de parole, confidentialité de la
médiation, liberté pour tous et à tout moment de mettre un terme au processus de médiation sans l’obligation d’en
donner les motifs. Vient le temps de l’évocation des points de vue par chacune des parties en présence : particulièrement
stressant puisque chacun est amené à « vider son sac »... Cela permet de comprendre l’origine et la nature des
désaccords de la façon la plus directe et la plus évidente possible. Le temps qui suit est celui de la reconnaissance des
erreurs, des malentendus, de la renonciation à des postures et positions. Le médiateur peut intervenir soit en réunion
plénière soit en « aparté » auprès de chacune des parties, à leur demande ou de sa propre initiative. L’objectif étant de
parvenir, par approches successives, à une solution ménageant les intérêts de chacun, satisfaisant les deux parties et
mettant un terme au litige. La dernière phase concrétise la solution par la rédaction d’un accord. C’est le principe de « winwin » ou « gagnant-gagnant».
●Responsables : Quels sont les atouts de la médiation par rapport à d’autres solutions proches ? En quoi la
médiation serait-elle la meilleure option pour régler un conflit ?
P. J. Le processus de médiation est radicalement différent d’une procédure d’arbitrage : dans cette dernière, les
parties confient à un arbitre le soin de « trancher » le litige, ce qui revient à faire dire par l’arbitre désigné, qui a tort et qui a
raison. Dans une médiation, au contraire, ce sont les parties qui décident elles-mêmes de la solution apte à régler le
conflit. Le médiateur n’est là que pour aider les parties à trouver une solution : cela suppose une grande qualité d’écoute
et une attention portée au sens des paroles. Car un mot ne représente pas la même chose pour chacun…
Le médiateur devra prendre le soin de reformuler chaque avancée pour clarifier le débat et faire progresser la
médiation.
● Responsables : Quelles sont les valeurs humaines agissant dans un processus de médiation ?
P. J. Dans cette démarche, il n’y a aucun jugement, aucune agressivité, aucune humiliation. Les personnes qui sont
en conflit ne sont pas mises en accusation ; elles sont, bien au contraire, respectées en tant que telles et invitées à
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s’exprimer afin d’être entendues et d’évoquer les intérêts qui priment le plus pour elles. D’exposer aussi leurs frustrations.
Le médiateur est là pour les aider à trouver une sortie acceptable pour chacun. Il n’y a pas un bon et un méchant, mais
deux hommes avec leurs difficultés pour qui l’important n’est pas de gagner sur l’autre, mais de gagner ensemble… Pour
nous chrétiens n’est-ce pas une aide à la justice que nous devons promouvoir ? Sommes-nous pour une justice non
humiliante ? Sommes-nous pour une justice humaine ? Sommes-nous pour une amélioration de la communication et
non pas pour l’affrontement ?
« Dans une médiation, ce sont les parties qui décident elles-mêmes de la solution apte à régler le conflit »
Statistiques d’utilisation de la médiation par les entreprises (CMAP)
Base statistiques 2011 - 270 dossiers : 70% Accord & 30% Persistance de désaccord
● Responsables : Le dispositif d’appui au dialogue social dans l’entreprise, qu’est-ce que c’est ?
Michel Perron, co-pilote du dispositif
Née au Québec où la conflictualité connaît des niveaux record, une méthode originale, appelée « appui au
dialogue social », est promue par les médiateurs du ministère du Travail comme outil de prévention des conflits. Objectif
de cette méthode proposée aux chefs d’entreprise, représentants du personnel, délégués syndicaux, DRH, médecins du
travail, et plus largement à tout intervenant en entreprise : la restauration des capacités de dialogue et non la prévention
des grèves. Avec la certitude que le dialogue, même difficile, ne suscite pas forcément la grève et qu’à l’inverse, des
conflits collectifs peuvent se déclencher sur des oppositions d’intérêts sans que le dialogue soit compromis. Il s’agit donc
de développer les capacités des parties à trouver par elles-mêmes les solutions aux problèmes qu’elles ont en commun.
Ceci n’exclut pas le recours à l’épreuve de force si les divergences persistent. Loin de déresponsabiliser les acteurs,
l’intervention vise à « re-fabriquer » de l’acteur quand la méfiance réciproque rend difficile ou impossible la confrontation
des points de vue et lorsque les acteurs se sont mutuellement disqualifiés : sortir du dialogue de sourds improductif, des
batailles de tranchées stériles et coûteuses pour pouvoir aborder ce qui fait problème.
La partie n’était pas gagnée d’avance : le système juridique anglo-saxon repose davantage sur le contrat et la
médiation est perçue par les partenaires sociaux en France avec méfiance : pourquoi prévenir le conflit si celui-ci est
source de progrès dialectique ?
13.
-
-
BLAGUES DE HENRIOT (L’ILLUSTRATION)
Un candidat aux élections lors devant un groupe d’électeurs :
Et ce qui prouve surabondamment mon intégrité, mes chers électeurs, c’est que mon nom n’a
même pas été prononcé à la commission d’enquête…
Un client chez son pharmacien :
Du poison pour les rats ?...
Impossible sans ordonnance…mais si c’est pour vous tuer ou tuer quelqu’un, vous
pouvez acheter chez l’armurier à côté tous les révolvers que vous voudrez.
-
Deux députés à la « buvette »
La seule difficulté que nous éprouvions à la commission du budget, c’est de trouver le
moyen de prendre de l’argent dans les poches de ceux qui n’en ont plus.
-
Un député danse avec une « cocotte » :
Et qu’avez-vous dit à votre femme, mon cher député ?
Séance de nuit, à la Chambre… Tenez, en ce moment, je n’en ai pas l’air…eh bien, je suis en
train de voter le budget.
-
Un clochard à un honnête travailleur :
Pourquoi vous obstinez-vous à travailler ?... Vous auriez beaucoup plus de bénéfices à vous
faire inscrire comme chômeur.
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14.
FIBRIANO, 750 ANS DE TRADITION AU SERVICE DU PAPIER PAR MONIQUE HEBRARD
Personne ne sait exactement comment
l'art de fabriquer du papier arrivé dans la petite
ville de Fabriano.
Le papier est probablement arrivé dans
l'arrière-pays de la région des Marches via le
port d'Ancône. Certains ont émis l'hypothèse
que le même sort subi par deux pauvres
papetiers chinois à Samarkand s'était cette fois
abattu sur les « tortionnaires » originaux: les
Arabes.
Selon cette version, un groupe de soldats
arabes, faits prisonniers et détenus dans la
haute vallée d'Esino, avaient révélé le secret de
fabrication aux Fabrianesi.
Certains documents officiels attestent
sans équivoque que des maîtres papetiers de
Fabriano étaient déjà en exploitation en 1264.
Cependant, la renommée de Fabriano n'est pas
uniquement due à des raisons chronologiques.
CARTE HISTORIQUE DE FABRIANO
Les maîtres papetiers de Fabriano ont en effet
introduit plusieurs innovations majeures comme
l'invention de la pile à marteaux hydraulique, qui a
remplacé les anciens mortiers utilisés par les Chinois
et les Arabes pour la préparation de la pâte à papier.
La deuxième innovation majeure sera le
traitement de surface du papier avec de la gélatine
animale (encollage du papier), ce qui le rendra plus
résistant dans le temps et plus approprié pour
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Le Pélican n° 71 printemps, édité le 24 mars 2015
l'écriture.
La troisième invention de premier ordre, visant à avoir de multiples applications, était le
filigrane. Celui-ci a en effet permis d'identifier le nom du fabricant, de dater le papier et d'en
distinguer les différentes qualités.
Les premiers filigranes ont pris la forme de lettres de l'alphabet, de chiffres, des signes et de
symboles conçus librement à la main: le filigrane deviendra plus tard l'expression d'un art véritable et
profondément sensible.
Dans la seconde moitié du XVIII" siècle, les moulins à papier de Fabriano, conçus comme des
usines et non plus comme des ateliers, sont regroupés en sept unités de production. Ils ont encore
perfectionné la qualité de leur production, réputée pour sa blancheur et la régularité de ses feuilles.
Francis Bacon, Ceorgia O'Keeffe, Ludwig van Beethoven, Ciambattista Bodoni, Michelangelo
Buonarroti. Antonio Canova, Giuseppe Garibaldi, Roy Lichtenstein, Ciacomo Leopardi, Gabriele
D'Annunzio, Federico Fellini ont utilisé les papiers Fabriano.
Vers la fin du XVIII" siècle, une véritable révolution industrielle s'est opérée pour cet art en plein
essor.
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Le Pélican n° 71 printemps, édité le 24 mars 2015
Les papetiers de Fabriano trouvent leurs racines dans ce sol fertile. Ils sont les héritiers d'une
tradition glorieuse et séculaire qui a été perfectionnée et améliorée depuis le début de ce siècle,
grâce à des moulins de plus en plus technologiques et sophistiqués.
Aujourd'hui, la production Fabriano est divisée en plusieurs départements: Les papiers de
sécurité filigranés pour les billets de banque (Euros et devises étrangères), Ies chèques, les obligations
et actions; Les papiers pour photocopieurs et fax; Les papiers pour tous types d'impression, l'édition
et la reliure;
Et enfin les papiers pour toutes les techniques de dessin, les Beaux-Arts, Ia gravure, la
conservation et la correspondance de luxe.
Fabriano occupe aujourd'hui la place de leader dans les écoles et les bureaux, à la maison, sur
les étagères et dans les tiroirs; dans les poches, sacs et portefeuilles. Il fait partie de la vie quotidienne
des enfants, adolescents et adultes en Italie et dans le monde entier.
Fabriano est de surcroît le plus ancien papetier au monde.
15.
DEVINETTE DE 4 LETTRES?
NE TRICHEZ PAS !
Seulement 5 % des "gradés" de l'Université de Stamford ont pu trouver la réponse.
Pouvez-vous répondre aux 7 questions suivantes avec le même MOT ?
1. Le mot a 4 lettres
2. Il précédait Dieu
3. Il est plus grand que Dieu
4. Il est plus méchant que le diable
5. Tous les pauvres l'ont
6. Les riches en ont besoin
7. Si vous le mangez, vous mourrez. Avez-vous trouvé ?
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Essayez avant de regarder la réponse.
16.
A QUEL AGE FAUT-IL ARRETER DE CONDUIRE ?
L'instituteur à ses élèves:
" Quelle serait pour vous une belle mort ? "
Ce à quoi une petite fille au fond de la classe répond :
" C'est mourir comme mon grand-père. "
" Ah bon", réplique le maître.
" Et comment est-il mort ton grand-père ? "
" Il s'est endormi."
Là-dessus le maître demande :
" Et quelle serait alors selon vous une mort atroce ?"
Et la même petite fille répond :
" Ce serait mourir comme les copains de mon grand-père."
Le maître intrigué demande alors à la petite fille :
" Et comment sont-ils morts ? "
" Ils étaient dans la voiture de mon grand-père quand il s'est endormi..."
Donc… A quel âge doit-on arrêter de conduire ? Vous ne savez pas ?
Regardez la tête du chien...
Lui... il sait !!!
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17.
LE SUDOKU
PELICAN n° 71
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THE BIRDS
RÉPONSE DE LA DEVINETTE
Soyez attentif (ve) à la réponse : RIEN
RIEN a 4 lettres.
RIEN ne précède Dieu.
RIEN n'est plus grand que Dieu.
RIEN n'est plus méchant que le Diable
Les pauvres n'ont RIEN
Les riches n'ont besoin de RIEN.
Si vous ne mangez RIEN, vous mourrez.
Moi.... je ne l'ai pas trouvé ! Mais ça ne me fait RIEN
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20.
A QUAND VOS ARTICLES ?
Le n° 1 du « PELICAN » a paru en juin 1986 sous la plume de Jean JUNK. Déjà il faisait
appel à la collaboration des lecteurs :
Le Pélican … ? ... C’EST VOUS !...
C’est ainsi depuis 29 ans ! Le « PELICAN » et ses rédacteurs
attendent vos articles originaux que vous nous rédigerez pour paraître
dans une prochaine édition. Ces articles peuvent aborder tous les sujets
« apolitiques » et « non tendancieux » que vous nous adresserez : la
technique, la mer, l’histoire, la géographie, les vécus de votre vie active,
la cuisine, les collections bizarres de vos connaissances, les voyages, les
jeux/énigmes (avec la solution), etc … Votre imagination est débordante
d’idées et vous aurez le courage d’en faire profiter nos Adhérents. Cette
revue est la vôtre et vous devez y participer.
Actuellement, seuls quelques Adhérents, les doigts de la main sont
trop nombreux pour les compter sauf si vous avez malheureusement
perdu deux doigts à cette main dans votre vie active, participent à la
rédaction du « PELICAN ».
Soyez plus nombreux pour nous adresser vos articles pour faire du « PELICAN » une revue
plus intéressante plus vivante.
Pour nous adresser vos articles vous avez deux méthodes :
1. Vous êtes sur la toile : vous rédigez votre article avec photos, croquis, dessins,… (la
rédaction en assurera la mise en page) et vous l’expédiez par mail à Hervé KERFANT :
[email protected] .
2. Vous n’êtes pas sur la toile : Vous n’avez que des articles qui sont manuscrits avec des
photos, croquis, dessins, … Utilisez la vieille méthode, vous les expédiez par courrier à
l’AOP (Vous nous précisez si vous voulez récupérer vos photos, croquis, dessins, … qui
vous seront retournés après utilisation pour les besoins du Pélican) à l’adresse
suivante :
Amicale de l’Offshore Pétrolier4 c/o SUBSEA 7
à l’attention de Hervé KERFANT
1 quai Marcel Dassault
92156 SURESNES CEDEX
Si vous ne faites rien, le « PELICAN » va mourir d’inanition. Cela serait dommage !
Le comité de rédaction du PELICAN vous remercie par avance.
Le « PELICAN » veut prendre un nouvel envol !
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Association loi de 1901, déclarée sous le N° 6148 le 15 juin 1984. Modifications des statuts le 11 avril 1996
déclarées le 15 avril 1996 JO du 8 mai 1996 Sous le N° 2042
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