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1 Jean-Baptiste Lenglet 2 Jean-Baptiste Lenglet : History Of Trance SOMMAIRE p. 5 Communiqué de Presse pp. 6-7 Jean-Baptiste Lenglet : History Of Trance pp. 8-11 History Of Trance : sérigraphies _________ pp. 12-13 Biographie pp. 14-17 Sélection d’œuvres pp. 18-22 Entretien : « Pour une archéologie du présent » _________ page précédente : projet de couverture pour la monographie Jean-Baptiste Lenglet à paraître dans le cadre de l’exposition (le visuel reprend la jaquette de la compilation « The History of Trance, part 1») 3 Sans titre (History Of Trance), 2014, (filmstill) vidéo et son, en boucle DVD diffusé sur écran HD Courtesy Jean-Baptiste Lenglet 4 1.01 Laurent Garnier Wake Up (Full Length Version) 2.01 C.J.Bolland* Mantra Written-By, Producer C.J.Bolland*, C.Ferreira* 2.02 Metal Master Spectrum Producer [Reproduced] By, Producer A.C. Boutsen, Sven V‰th 6:40 Jean-Baptiste Of Shiva, The How Much Caspar Pound Written- 2.03 Visions Lenglet : « History Of Trance » Septembre / Octobre 2014 Written-By, Producer Cosmic Baby, Paul van Dyk Can You Take? (Emotional) Producer Jens Wojnar Commissariat : Thomas Fort 6:48 Written-By, Planet Sex Exposure Track AfterLife Pleasure Producer Laurent Garnier Eternal 2.04 4-Voice* Eternal Spirit (Northern Mix) Reverb A Free Fall ... Written-By Pete Namlook 2.05 Paragliders Paraglide Written-By, Producer O. Lieb*, T. Les titres résonnent tout au long d’un parcours orchesStenzel* 7:37 tré par Jean-Baptiste Lenglet et constitué de réponses visuelles IntolesTrance 2.06 L’artiste Hearts Ofnous Space àWith A Medium (Drop et sonores. invite creuser à travers strates qui Out Mix) imbriquent gestes, formes, couleurs et sons. Tout en s’inscrivant dans une continuité dePete l’histoire de l’art par l’influence du cinéma D Written-By, Producer Pascal F.E.O.S., Namlook 6:15 1.02 Resistance expérimental, de l’art conceptuel et minimalisme américain... il se (Bytes Mix) Skyline joue des codes classiques pour finalement mieux les inclure dans l’installation globale. Celle-ci devient une « méta-donnée » qui conduit l’ensemble. Ici, au-delà des objets, « History Of Trance » se fondeM.M. telle Diehl*, une exposition à contempler, Written-By, Producer Pascal F.E.O.S. 7:02 à manipuler et à explorer. 1.03 LSG* Fragile Lieb 6:261.04 Humate Written-By, Producer Oliver [email protected] Love Stimulation (Lovemix By Paul Van Dyk) 5 Jean-Baptiste Lenglet : History Of Trance L’exposition « History Of Trance » présente des travaux inédits de Jean-Baptiste Len- glet, basés sur une référence à la musique électronique des années 1990 et notamment aux albums « The History Of Trance », une série de compilations de trance techno ayant marqué l’ar tiste lors de son adolescence. Ce dernier a réalisé un ensemble de sérigraphies où apparaissent plusieurs titres empruntés à ces albums, enchevêtrés dans un maillage de lignes et de formes abstraites. Cependant, il s’agit ici d’une technique détournée et de sérigraphies qui se refusent à leur définition d’usage. En effet, au processus de révélation a été supprimé le typon sérigraphique, ainsi le geste s’est directement fixé sur le papier. Nous faisons alors face à des compositions qui évoquent tout à la fois la peinture et la sérigraphie sans n’être vraiment ni l’une ni l’autre. L’exubérance des couleurs fluorescentes choisies nous frappe et affirme ces gestes à la « picturalité » assumée, ces formes brutes mais fluides, ces traits qui comme des coups impactent et hypnotisent notre regard. Les titres s’immiscent au coeur des sérigraphies entre les diverses couches de couleur mais se déploient également dans l’ensemble de l’espace à travers des objets divers : peintures, moniteur, vidéo-projection, livre... L’artiste se joue des codes classiques de la galerie pour questionner implicitement ses modes de présentation. Le discours de l’exposition demeure ainsi l’objet central de la proposition. Les mots se détachent ici et là pour diriger notre regard mais aussi pour valoriser un parcours nuancé de paradoxes. La vitrine se fait ironiquement plus marchande avec une enseigne lumineuse où défile le générique de l’exposition. Le premier espace s’offre à nous dans une légère obscurité et expose des toiles aux formats variables, qui scandent : Planet Sex / Eternal Reverb / Afterlife / Exposure Track / ... Ces impacts visuels sont mis en relation avec une vidéo qui dévoile ces mêmes mots en mouvement, comme mixés sur un tourne disque oscillant entre une marche en avant et un retour en arrière. Blanc et noir se succèdent au rythme des claps et des percussions, rappelant l’ambiance hypnotique du monde numérique, de ses jeux vidéo comme de ses bugs. Ces mouvements de réponses visuelles et sonores se poursuivent dans le second espace baigné dans une lumière blanche d’où s’extraient avec force les sérigraphies colorées. Les formes dans une gestuelle dynamique font écho aux claps en se répétant d’une planche à l’autre. Tandis que nous avançons le son se double, se répond entre l’espace où nous évoluons et celui du sous-sol. Le rythme nous entraine et nous appelle à suivre le parcours. Dès lors nous descendons pour découvrir une projection vidéo qui immerge l’espace de couleur par 6 réflexion lumineuse. Le battement sonore suit le défilement des titres, les variations de leurs couleurs et de leurs fonds. Ces mots répétés se déploient finalement à travers tous les objets présentés dans l’exposition et finissent même par s’imprimer sur notre regard par le procédé naturel de la persistance rétinienne. L’exposition n’est alors pas tant dans les objets exposés que dans ce qui les relient, dans cet « entre-espace » où se mélangent le son et l’image, le vir tuel et le matériel, le médium au média. L’exposition s’instruit comme un parcours autonome invitant le visiteur à s’introduire dans un jeu de connections et de mises en relation diverses. Ce dernier se doit de creuser à travers les strates de sens qui rassemblent les pièces entre elles. Il s’agit alors de se laisser prendre par ces échos visuels et sonores qui façonnent une certaine « History Of Trance ». Thomas For t 7 History 0f Trance, 2014 série de 8 sérigraphies couleur sur papier Olin blanc Courtesy Jean-Baptiste Lenglet 8 9 10 11 BIOGRAPHIE Né à Nîmes en 1984, Jean Baptiste Lenglet vit et travail actuellement sur Paris. Avant de rentrer aux Beaux-Arts il suit un master en théorie du cinéma. Ses recherches influencent indéniablement sa pratique plastique et guident son intérêt pour le cinéma. Après avoir suivi un semestre d’étude à Cal’Arts à Los Angeles, il revient en France pour passer son diplôme de cinquième année. «A Nightmare on Hopi Street» se constituait comme une installation totale, fondée sur des références culturelles diverses, voir antinomiques, de Freddy au Rituel du serpent de Aby Warburg, les indiens Hopis faisant face à l’industrie du spectacle américaine. Cette exposition de fin d’études à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris fut félicitée à l’unanimité par le jury. L’artiste eut ensuite l’occasion de montrer son travail dans plusieurs expositions collectives et personnelles en France et à l’étranger. Aujourd’hui il poursuit, en thèse, un vaste projet vidéographique nommé Amnésie Générale à travers l’observation de trois grandes capitales asiatiques : Phnom Penh, Tokyo et Pékin. Enfin, attiré par la pratique du livre d’artiste, il s’investit en tant que co-fondateur du projet d’auto-édition de «The Panels Of Silence» (www.panelsofsilence.com), ainsi qu’en tant que directeur artistique de la maison d’édition «Récit» (http://www.recitedition.com). EXPOSITIONS PERSONNELLES « The Lost City Museum », 6 octobre-17 novembre 2012, galerie Florence Leoni, Paris « A Nightmare on Hopi Street », 17-18 juin 2012, ENSBA, Paris « 23 Skidoo », 23-30 mars 2011, Cal’Arts, Los Angeles « True Heart Susie », novembre-décembre 2010, galerie Artenact, Paris « Take A Ride To The Other Side », septembre-octobre 2010, galerie Artenact, Paris EXPOSITIONS COLLECTIVES « Exposition des félicités 2012 », septembre-novembre 2013, Centquatre, Paris « What’s in store 2013 », 6 juillet - 24 août 2013, galerie Sonja Roesch, Houston « Achievement », 21 juin-12 juillet 2013, Palais des Beaux-Arts, Paris (co-commissaire de l’exposition) « Chinese Whispers », 20 mai-5 juillet 2013, Cura, Rome « La dispute de l’âme et du corps », 3-14 avril 2013, Cloître des Billettes, Paris « Film papier », 14-30 mars 2013, La Box, Bourges « We Want What We Believe », 21 décembre 2012-8 janvier 2013, galerie Chez Valentin, Paris « Jeune Création 2012 », 4-11 novembre 2012, Centquatre, Paris « Barreleye » (festival Accélération SACRe), 15-19 octobre 2012, C.N.S.M.D.P., Paris 12 « What’s in store 2012 », 14 juillet - 25 août 2012, galerie Sonja Roesch, Houston « Scratch Projection », 17 septembre 2011, Action Christine, Paris « Reading The Map While Driving », 16 avril 2011, Cal’Arts, Los Angeles PARTICIPATION À DES FESTIVALS Hors-Pistes 2013, Paris Light Cone Preview Shows 2009/2010/2011/2012, Paris Sydney Underground Film Festival 2010, Sydney European Media Art Festival 2010, Osnabrück Traverse Video 2010/2012, Toulouse PUBLICATIONS Catalogue de l’exposition « L’Ange de l’Histoire » (sous la direction de Nicolas Bourriaud) Catalogue « Jeune Création 2012 » Oscillations n°1, n°2 site internet : http://www.jeanbaptistelenglet.com 13 SELECTION D’OEUVRES « A Nigthmare on Hopi Street », 2012 vues de l’exposition, ENSBA, Paris Courtesy Jean-Baptiste Lenglet 14 Chasing the Dragon , 2011 Video effect n°17 (Ecstasy Technique), 2013 photocopies et capot de truck sérigraphie couleur sur papier, 50x67cm Courtesy Jean-Baptiste Lenglet Courtesy Jean-Baptiste Lenglet 15 Le rituel du Serpent, 2012, Double Bind, 2013, acrilyque sur toile, vue de l’exposition « A Nigthmare on Hopi Street » Courtesy Jean-Baptiste Lenglet vidéo et impression numérique Courtesy Jean-Baptiste Lenglet 16 Amnésie Générale , 2014 (projet en cours) vidéo Courtesy Jean-Baptiste Lenglet 17 « Pour une archéologie du présent » discussion entre Jean-Baptiste Lenglet et Thomas Fort Pouvez-vous expliquer votre exposition «The Lost City Museum», présentée à la galerie Florence Leoni en 2012 ? Jean-Baptiste Lenglet. «The Lost City Museum» était en partie une reprise de mon exposition de diplôme de fin d’études aux Beaux Arts de Paris, nommée «A Nightmare on Hopi Street». La proposition pour la galerie Florence Leoni reprenait cette précédente installation et l’augmentait d’autres pièces, notamment un ensemble de sérigraphies titré Symphonie industrielle. Elle se jouait également sur deux niveaux puisque certaines pièces étaient présentées au sous-sol de l’espace. Je souhaitais constituer de la sorte une «méta-exposition», c’est-à-dire à la manière d’un musée, regrouper plusieurs expositions en un seul espace. Dans cette exposition demeure la notion de narration qui se retrouve également dans «A Nightmare on Hopi Street». Nous pouvions effectivement y consulter un scénario qui redoublait celui mis en place par l’installation elle-même. Jean-Baptiste Lenglet. Le livre-scénario inclus dans «A Nightmare on Hopi Street» avait deux fonctions, comme d’ailleurs la plupart des pièces de cette installation. Cette double fonctionnalité correspondait à la fois à l’autonomie de la pièce, et au rôle qu’elle jouait dans le discours global de l’installation. Le scénario, tout en guidant l’exposition, était une pièce à part entière. Il s’agissait d’une description du film Freddy, en anglais A Nightmare on Elm Street. En retranscrivant le film, je me le suis approprié et j’ai déplacé son sens, en le mettant en vis-à-vis des indiens Hopis. Substituer «Hopi» à «Elm» s’inscrivait comme le point de départ de l’enjeu conceptuel de l’installation, qui cherchait à faire se rencontrer un film d’horreur avec l’histoire de cette tribu amérindienne. Au-delà du scénario, vous définissez l’exposition comme une forme vidéographique ? Jean-Baptiste Lenglet. À l’origine vidéaste et ayant travaillé théoriquement sur le cinéma, je m’intéresse aujourd’hui au passage de la vidéo à l’espace d’exposition. Ainsi je conçois souvent mes expositions selon la logique cinématographique du montage. Je revendique l’installation comme médium car elle sous-entend une combinaison d’éléments dans laquelle chaque objet est abordé en rapport à l’ensemble, tout comme pour la construction d’un film. On peut ainsi considérer les oeuvres comme des plans vidéographiques, et l’installation comme le montage de ces éléments. L’exposition s’insère dans un interstice complexe, un point de rencontre entre plusieurs objets. 18 Pouvez-vous nous parler de cet aspect combinatoire qui nous place au coeur de multiples références ? Jean-Baptiste Lenglet. Mon langage artistique est celui de la combinaison. D’un point de vue cinématographique cela correspond au montage, tandis que plastiquement, il s’agit du collage. Je mets désormais en rapport ces deux pratiques et les fais converger. «A Nightmare on Hopi Street» me permettait d’approfondir cela, en réfléchissant sur la méthode critique d’Aby Warburg. L’installation renvoie en effet à la logique combinatoire du montage d’images qu’il met en place. J’étais fasciné par son oeuvre et plus particulièrement par sa conférence Le Rituel du serpent, dans laquelle il étudie les Hopis. C’est pour cela que j’ai voulu visiter leur réserve, comme en hommage, pour retourner sur les traces de ce célèbre historien. La complexité du mode combinatoire instaure une certaine forme de brouillage que l’on retrouve aussi dans l’esthétique des vidéos ou des sérigraphies que vous produisez. Jean-Baptiste Lenglet. Certaines sérigraphies se développent comme un bruit visuel, et dans plusieurs de mes vidéos, je produis des sons qui relèvent de la musique bruitiste. Quelque part cela renvoie à une attitude dans le rapport au monde. Il y a une confusion, et il faut éclaircir certains aspects. Mon travail reprend ce va-et-vient entre une perception brouillée et un moment de clarté. Si mes créations produisent un « effet de réalité », c’est qu’elles visent à produire chez celui qui les regarde une brusque prise de conscience, comme un « flash » de réalité. Cette position ne serait-elle pas la reconnaissance d’une fiction nécessairement basée sur la réalité ? Jean-Baptiste Lenglet. La fiction est quelque chose de très actuel, beaucoup d’artistes l’interrogent et il faut faire attention aux clichés. Je vois toutefois deux manières de l’aborder : soit la prendre comme une destination, soit au contraire comme un point de départ. Il suffit d’agencer quelques éléments pour mettre en place une situation fictionnelle. La fiction est alors une finalité. Pour moi, en partie parce qu’il m’est difficile de raconter des histoires, la fiction est davantage un point de départ. Elle m’intéresse en tant que référence culturelle, en tant qu’objet, et parce qu’elle renvoie à la réalité. Par exemple lorsque je me réfère au film d’horreur Freddy, c’est pour parler du cinéma hollywoodien, et plus largement, de l’histoire des Etats-Unis. 19 La narration devient alors une matière dont vous usez comme objet. Dans vos dispositifs demeure un aspect labyrinthique.Vos installations sont comme l’assemblage de fragments disposés ça et là et que le spectateur pourrait mentalement lier en imaginant son propre scénario. Jean-Baptiste Lenglet. L’installation possède une qualité immersive. Ainsi en la pénétrant on entre dans un univers façonné de différents éléments, de peintures, de vidéos, de sérigraphies … J’agence mes pièces de manière à créer une situation dans laquelle le spectateur va se promener et va se construire le film de l’exposition. C’est comme si je faisais une sélection de scènes et que le visiteur, par le biais de sa déambulation, en construisait le montage. Mon objectif est presque de mettre le visiteur derrière une table de montage. C’est quelque chose que je développe aujourd’hui dans mes vidéos. J’essaye qu’elles ne soient pas linéaires en y intégrant un certain degré d’aléatoire, afin de les ouvrir structurellement. L’extrait vidéo Collage City rejoue cet axe non linéaire par l’imbrication des plans en strates. Les images se superposent, s’imbriquent pour former une sorte de décor dans lequel notre œil navigue et crée de la cohérence. À chaque visionnage on a l’impression de découvrir de nouvelles choses. Jean-Baptiste Lenglet. L’extrait est tiré d’un long-métrage sur lequel je travaille en ce moment. D’une certaine manière, il rassemble en un écran certains traits ou concepts expérimentés dans «A Nightmare on Hopi Street». Pendant deux heures il procède par fragment et par collage, comme une installation, mais qui serait déroulée le long d’un flux vidéographique. Ce film, à présent nommé Amnésie générale, est une sorte d’essai sur la ville de Phnom Penh. Il s’inscrit dans le projet de thèse que je mène actuellement aux Beaux Arts de Paris. Celui-ci interroge la relation entre collage et urbanisme, et s’incarnera à travers trois grandes vidéos expérimentales : la première sur la capitale du Cambodge, et les deux suivantes sur Tokyo, et probablement Pékin ou Shanghai. La notion de strate s’inscrit au coeur de votre démarche mais aussi dans les sujets étudiés comme le rapport à l’archéologie que l’on retrouve en toile de fond d’Invocation of Video par exemple. Jean-Baptiste Lenglet. C’est omniprésent dans mon travail. À cet égard, la comparaison que Freud élabore dans Malaise dans la civilisation, entre l’inconscient et la ville de Rome, m’a marqué. 20 Il pense les couches de l’archéologie romaine comme les couches d’un psychisme. Mais si les ruines du passé m’intéressent dans leur rapport à la mémoire, aujourd’hui j’essaye de les utiliser moins littéralement, et d’aller vers une archéologie du présent. Ballard a d’ailleurs beaucoup écrit là-dessus, sur la psyché contemporaine et son lien aux objets de notre temps. Les livres d’artistes que vous réalisez sont à la fois des témoins de vos expositions mais aussi de véritables oeuvres en soi.Vous contournez en cela l’idée d’archive car, plus que de simples traces des projets, ils proposent un autre espace de présentation. Jean-Baptiste Lenglet. Le livre m’intéresse comme médium à part entière. Au départ c’était un moyen d’expérimenter et d’établir une recherche qui donnait lieu ensuite à une exposition, et inversement l’exposition pouvait donner lieu à un livre qui en serait la trace. Je considère souvent les livres comme des espaces parallèles dans lesquels je peux projeter une exposition. J’ai ainsi conçu une version de poche de l’installation «A Nightmare on Hopi Street», qui est un petit livre s’appelant A Nightmare on Hopi Street Redux. La sérigraphie, tout comme la vidéo, se présente dans une référence évidente à la reproductibilité des images. Toutefois, par l’aspect expérimental vous valorisez la matière même du médium. Jean-Baptiste Lenglet. Je suis entré dans la sérigraphie à rebours car je me suis en premier lieu intéressé au collage numérique. La sérigraphie fut en quelque sorte le moyen d’aller à la source de mes images numériques. Je souhaitais déconstruire les éléments et revenir à l’essence même d’une image imprimée. La sérigraphie m’a permis d’épurer les collages, de les styliser en quelques couches. Mais elle renvoie aussi à une technique de fabrication en série, à une esthétique industrielle qui m’intéresse beaucoup. La machinerie, le dispositif de production sont des thèmes qui se retrouvent régulièrement dans mon travail. Une imagerie vernaculaire se développe ainsi au coeur de références culturelles parfois opposées. Par exemple le visage d’une femme Hopi côtoie une figure féminine dénudée dans une pose aux limites de la pornographie. Pouvez-vous évoquer cette association mise en scène dans «A Nightmare on Hopi Street» ? Jean-Baptiste Lenglet. La pièce en question : Silk Screen Test, est un agrandissement d’une image trouvée à Las Vegas, d’une prostituée transsexuelle. La notion de transsexualité m’intéressait ici, car 21 dans le passage d’un sexe à l’autre, au sein d’un même corps, c’est comme une identité qui se fait dévorer. Or je crois que c’est comparable au cannibalisme culturel dont les Hopis ont été victimes. En effet, il y a là quelque chose de pornographique, mais peut-être plus dans l’horreur du génocide amérindien. En outre, la pièce est un typon de sérigraphie, c’est-à-dire le degré zéro d’une image sérigraphiée, la feuille de calque sur laquelle est imprimé le motif à transférer. Dans l’exposition «A Nightmare on Hopi Street», un peu plus loin, une pièce présentait un écran de sérigraphie lacéré. Plusieurs états dans l’élaboration d’une image sérigraphique étaient dévoilés, ce qui renvoyait à l’idée même de processus de fabrication. Le processus est intrinsèque à votre démarche.Vous produisez une oeuvre globale et expérimentale où chaque objet est pensé de manière ouverte dans sa relation à l’exposition. Jean-Baptiste Lenglet. Au sein de l’exposition les pièces restent fondamentalement ouvertes. J’exclus tout cloisonnement strict pour ne pas imposer un discours unique. Et puis j’aime jouer avec la complexité de la situation d’exposition. Je trouve que c’est important d’utiliser de manière créative et artistique le plus de paramètres possibles, dans la grammaire de l’exposition : les cimaises, le langage des cartels, l’écriture graphique, l’affiche... Il s’agit de maîtriser ces éléments constitutifs pour produire une « œuvre - exposition ». Si le visiteur est libre au coeur de ces labyrinthes, vous disséminez toutefois quelques pistes plus ou moins implicites pour qu’il s’y retrouve. Jean-Baptiste Lenglet. Le discours émerge de manière progressive. J’essaye de monter mes pièces comme des prismes, aux différents de niveaux de lecture. Elles doivent fonctionner immédiatement, pour le spectateur qui ne les regardent que trois secondes, tout en proposant une vraie complexité, par l’enchevêtrement de ses éléments, pour celui qui désire rester trente minutes. Le plus important pour moi c’est d’être dans une attitude de générosité, de donner à voir aussi bien pour celui qui passe que pour celui qui reste longtemps. Enfin, pour reprendre la métaphore de l’archéologie, je crois que mes œuvres s’offrent comme des sites, comme un psychisme, dont il revient au visiteur d’activer les strates. 22 Sans titre 2 (History Of Trance), 2014, (filmstill) vidéo et son, en boucle vidéo projection, dimension variable Courtesy Jean-Baptiste Lenglet 23