L`engagement d`une entreprise de tourisme en

Transcription

L`engagement d`une entreprise de tourisme en
UNIVERSITE LUMIERE LYON 2
MASTER 2 « ECONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE »
RAPPORT DE STAGE
L’engagement d’une entreprise de
tourisme en faveur du développement
durable : une démarche nécessaire pour le
développement de l’offre d’écotourisme et
de tourisme solidaire?
Etudiant :
Mathilde Linossier
Maître de stage :
Lahsen Abdelmalki, Responsable du master
Année Universitaire : 2007-2008
Travail achevé :
A Montréal, le 25.11.2008
Table des matières
Table des matières ........................................................... ERREUR ! SIGNET NON DEFINI.
Remerciements ........................................................................................................................... 3
Introduction ................................................................................................................................ 4
1.
2.
L’entreprise et son contexte ........................................................................................... 5
1.1.
Présentation de l’entreprise .................................................................................... 5
1.2.
Besoins de l’entreprise : mission, objectifs, outils de travail ................................. 6
1.3.
Analyse externe ...................................................................................................... 8
1.4.
Analyse interne..................................................................................................... 22
La nécessité d’envisager le tourisme autrement........................................................... 27
2.1.
Les dérives du tourisme « classique ».................................................................. 27
2.2.
L’émergence de nouvelles formes de tourisme.................................................... 31
2.3.
Réglementation : codes, textes et chartes............................................................. 34
La certification des entreprises..................................................................................... 36
2.4.
3.
4.
Une nouvelle tendance : la certification ............................................................... 37
2.4.1.
Quelques labels ............................................................................................ 39
2.4.2.
Le retard du Québec dans la certification..................................................... 40
2.4.3.
La Charte de Nanuq Aventure...................................................................... 43
La mise en pratique du projet ....................................................................................... 47
3.1.
L’impact de la démarche dans la gestion interne de l’entreprise ......................... 47
3.2.
Le projet au quotidien .......................................................................................... 49
3.3.
La mise en place de critères ................................................................................. 53
3.4.
Les freins dans la mise en place du projet............................................................ 54
Bilans et résultats, préconisations ................................................................................ 58
4.1.
Le projet à long terme : perspectives.................................................................... 58
4.2.
Bilan et résultats, préconisations .......................................................................... 60
Conclusion....................................................................... ERREUR ! SIGNET NON DEFINI.
Bibliographie ................................................................... ERREUR ! SIGNET NON DEFINI.
Annexes ........................................................................... ERREUR ! SIGNET NON DEFINI.
Annexe 1 : Charte interne de Nanuq Aventure - volet fournisseursERREUR ! SIGNET NON
DEFINI.
Annexe 2 : Charte interne de Nanuq Aventure - volet clients ........ ERREUR ! SIGNET NON
DEFINI.
2
Remerciements
Je tiens, tout d’abord, à remercier toute l’équipe pédagogique du Master ESS de l’université
Lumière Lyon 2 sans laquelle mon départ pour le Canada n’aurait pas été possible.
Je souhaite aussi remercier toute l’équipe de « Nanuq Aventure » qui m’a accueillie si
chaleureusement dans ses locaux et fait découvrir la vie d’une agence de tourisme réceptif.
Je remercie également mes deux tutrices de stage, Marion Guiset et Patricia Lachance, qui m’ont
conseillée, écoutée et ont approfondi avec moi toute la réflexion sur la mise en place du projet
d’écotourisme et de tourisme solidaire. Notre nouveau manager, Pierre-André Boyer, arrivé peu
après moi, m’a fait part de sa grande expérience dans le domaine du tourisme et m’a aiguillée
sur les perspectives possibles du projet. Merci à lui aussi.
J’associe bien sûr à ces remerciements le président de Nanuq Aventure et directeur commercial
Djamal Hassaïne, qui m’a offert la plus belle reconnaissance possible de tout mon travail de ces
six mois, en m’offrant un poste dès le mois d’octobre au sein de Nanuq Aventure.
Je souhaite également remercier mon tuteur universitaire, Lahsen Abdelmalki, qui m’a conseillée
et aidée dans la réflexion et rédaction de ce mémoire de stage, et a proposé de mettre en place des
dispositifs d’arrangements pour effectuer ma soutenance à distance.
Merci aussi à tous les professionnels et civils qui ont partagé leurs connaissances avec moi, sur
l’histoire Amérindienne notamment, et à ceux qui ont pris du temps pour répondre à mes
questions sur leur démarche responsable au sein de leurs structures touristiques.
Enfin, je remercie toutes les personnes qui m’ont soutenue pour leur patience et leur aide.
3
Introduction
D’après les prévisions de l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), le taux de croissance du
tourisme mondial devrait s’établir à 4,1% par an entre 1995 et 2020, soit 1,56 milliard d’arrivées
de touristes internationaux en 2020, contre presque 900 millions aujourd’hui.
La démocratisation du voyage et des loisirs dans de plus en plus de pays rendent cette croissance
possible, malgré les incertitudes géopolitiques. Mais le développement rapide et pas toujours
maîtrisé du tourisme peut entraîner des effets pervers nombreux, il convient donc de mettre en
place des systèmes de régulations et des politiques d’incitation à développer des formes de
tourisme « responsable ».
Le thème de ce rapport de stage porte naturellement sur l’engagement des entreprises en faveur
d’un tourisme plus responsable.
Afin d’allier les connaissances acquises dans ma formation antérieure de tourisme à celles de ma
formation actuelle en économie sociale et solidaire, il apparaît comme une évidence de travailler
sur un projet de tourisme responsable. L’entreprise qui m’a accueillie tout au long de ces six
mois m’a offert l’opportunité de développer tout ce volet et de l’intégrer dans la gestion
quotidienne. La mission principale a été la conception d’une charte interne, permettant de
retracer toute la politique de l’entreprise en matière de tourisme responsable.
La prise de conscience générale, en matière d’environnement notamment, pousse les entreprises à
s’engager dans des démarches de développement durable, de responsabilité sociétale, ou autre, et
constitue ainsi pour le tourisme responsable un formidable marché à développer. Ainsi, une
première partie permettra de présenter l’entreprise, une deuxième partie tentera de montrer la
nécessité d’envisager le tourisme autrement que le tourisme classique de masse, une troisième
partie montrera la mise en pratique du projet au quotidien, et enfin une dernière partie fera le
bilan de ces six mois de stage.
Les termes de tourisme responsable, durable, écotourisme, tourisme solidaire, équitable, étant
tous assez proches dans leur définition, ils pourront tous être utilisés tout au long de ce rapport
pour éviter la redondance.
4
1. L’entreprise et son contexte
1.1. Présentation de l’entreprise
Nanuq Aventure Inc. est une entreprise privée à but lucratif créée en 2002. Elle s’est beaucoup
développée au cours de cette année passée.
Activité : agence de tourisme réceptif et tour opérateur
Nanuq Aventure est le spécialiste de la destination Canada. L’entreprise construit des circuits et
séjours sur mesure, à la demande des agences de voyages et tour opérateurs basés principalement
en France, Belgique, suisse et Allemagne. L’entreprise peut répondre à toutes les demandes, pour
des clients individuels, des groupes, de la clientèle haut de gamme, des voyages d’entreprise
(comité d’entreprise, motivation, récompense). C’est à l’entreprise de faire preuve de créativité,
de rapidité, d’efficacité, de réactivité pour être sélectionnée par l’agence et le client final. Nanuq
Aventure s’occupe également de tout ce qui concerne les réservations, et l’accueil des clients sur
place.
Départements :
Service FIT (Free Independant Travelers): il s’agit de la clientèle individuelle, jusqu’à 20
personnes. Le service s’occupe de la production, c’est-à-dire la conception des circuits et
la recherche de fournisseurs pour créer des partenariats, du suivi des dossiers avec les
clients, de tout ce qui concerne les réservations, facturation, relations clients et
fournisseurs, préparation du voyage pour les clients, accueil des clients.
Service Groupe : pour les groupes au-delà de 20 personnes. Bien que l’aspect logistique
soit très différent, le service groupe s’occupe des mêmes fonctions que le service FIT.
Service commercial : prospection auprès des clients potentiels, suivi et appui des dossiers
en cours auprès des clients, relations directes avec les clients. Formation et conseil.
Service comptabilité.
Service informatique : mise en place de nouveaux outils informatiques
Service communication : mise en page des brochures et autres supports de
communication, préparation des salons et autres événements auxquels l’entreprise
participe.
5
Projet annexe sur l’écotourisme et le tourisme solidaire : le projet sera détaillé tout au
long de ce mémoire.
1.2. Besoins de l’entreprise : mission, objectifs, outils de travail
Mission et sujet du stage
A l’origine, Nanuq Aventure est destinée à concevoir des voyages qui sortent de l’ordinaire. La
nécessité d’assurer son besoin en fonds de roulement l’a poussée à proposer des produits plus de
« masse », c’est-à-dire la conception de circuits relativement classiques et très touristiques. Ces
circuits sont très demandés, mais ce sont également ceux qui entrainent une concurrence très rude
par les prix. Nanuq Aventure se crédibilise de plus en plus et est reconnue pour son originalité, ce
qui permet de gagner de précieux dossiers haut de gamme. Sur cette voie, Nanuq Aventure
pourra se concentrer sur ce qui fait son originalité : les voyages extraordinaires. Dans cette
perspective, le retour aux sources implique aussi une réflexion en profondeur sur l’écotourisme,
l’éthique, l’équité, etc.
De la volonté du directeur de « bouger les choses » et de la motivation de toute l’équipe pour
continuer sur la voie du tourisme durable, est née ma mission : développer les produits
écotouristiques et de tourisme solidaire. Cela passe par la veille de marché, un profond travail de
recherche, des prises de contacts et des rencontres avec de nombreux partenaires potentiels, du
travail de terrain, et surtout la rédaction de la charte de l’entreprise qui apportera la crédibilité
nécessaire pour développer ces produits.
Ce travail s’articule autour de quatre pôles principaux :
Le tourisme solidaire : ici, on entend des projets de tourisme en partenariat avec des
communautés amérindiennes, où les retombées économiques profitent à toute la
communauté, avec possibilité de financer des projets de développement.
Le tourisme écologique : il s’agit là de trouver des fournisseurs partenaires dans tous nos
domaines d’intervention : hébergement, activité, restauration, transport, qui ont mis en
place des démarches de préservation de l’environnement et de réduction de leur impact
négatif sur l’environnement.
La dynamique locale : le tourisme peut être un excellent moyen de dynamiser une région,
par l’activité, l’emploi, l’animation générés. Le tourisme local (tourisme à la ferme,
découverte des produits locaux, gastronomie, terroir, etc.) rentre tout à fait dans la
6
perspective du tourisme durable. Finalement, le tourisme local, c’est du tourisme
équitable au Nord !
Le volet protection des animaux : « Nanuq » signifie ours polaire en Inuit. La protection
des animaux est une cause qui tient à cœur à toute l’équipe de Nanuq Aventure. Ma
mission ici est donc de développer un partenariat avec une association de protection des
animaux, si possible de l’ours polaire, fortement menacé, ou tout autre animal menacé
vivant sur le territoire canadien (les loups, les baleines…)
Objectifs
Au départ, les objectifs sont clairs : que la charte interne soit rédigée d’ici septembre, validée
ensuite par un organisme externe ; et que ce même organisme puisse également auditer tous les
partenaires signataires de la charte pour vérifier que les critères définis par la charte soient bien
respectés. En ce qui concerne les partenaires, la priorité est de trouver des hébergements : à partir
du moment où les hébergements sont sélectionnés, il est possible de créer un circuit et de
développer les activités aux alentours. L’idéal est bien sûr qu’un ou plusieurs circuits soient
complètement mis en place à la fin de mon stage, c’est-à-dire qu’ils aient été testés, vérifiés,
adaptés. Le partenariat avec une association de protection des animaux doit également être mis
en place d’ici septembre.
D’un autre côté, il s’agit de développer un projet dans la durée, et donc de le pérenniser. Pour
cela, mieux vaut prendre du temps au début afin de bien poser les bases et ne pas brûler les
étapes. Face à la masse de travail que ces objectifs exigent, il se peut que les bases soient bien
posées d’ici septembre mais que certains aspects ne soient pas encore finalisés. D’autant plus que
l’été est une période où l’activité est fortement intensifiée, je suis donc aussi mobilisée pour le
travail quotidien du service groupes afin de pouvoir répondre à toutes les demandes.
Nous verrons donc plus tard que la mission s’est fortement étoffée au cours de ces derniers mois,
et cela a entrainé une modification des objectifs de départ.
7
1.3. Analyse externe
L’analyse externe de l’entreprise permet d’analyser son environnement et de déterminer si des
facteurs externes peuvent influer sur l’entreprise de façon positive ou négative. Cette analyse
permet également de situer l’entreprise sur son marché et de la positionner par rapport à ses
concurrents.
Chiffres
Le tourisme est la branche qui génère le plus d’emplois et de recettes au monde, en employant
8% de la main-d’œuvre mondiale (soit 255 millions de personnes, et 5,5 millions de nouveaux
emplois chaque année), en générant environ 360 milliards de dollars de recettes chaque année
dans le monde, et en contribuant à hauteur de 11,7% du PIB mondial1. Sa croissance est très
forte, en moyenne 4,1% par an d’après l’OMT (Organisation Mondiale du Tourisme), et l’on
n’attend pas moins de 1,6 milliards de touristes en 2020.
Quelques chiffres au niveau mondial, continental, national et régional :
Ces chiffres permettent de mettre en lumière la situation du Canada, et plus particulièrement de
la province du Québec dans le tourisme global.
Statistiques mondiales de l’OMT, Amériques et Canada :
133,5 millions de touristes dans les Amériques (soit 16,56% des parts de marché
mondiales) en 2005
Canada : 19,152 millions, 15,2% des parts de marché des Amériques, avec une tendance
plutôt à la stabilité / légère baisse par rapport aux années précédentes.
Canada : 13,584 milliards de recettes, soit 9,4% des parts des Amériques, avec une
tendance plutôt à la légère hausse par rapport aux années précédentes.
En général : les Amériques ont des parts de recettes plus élevées que les parts de marché des
arrivées. Au Canada, c’est l’inverse : cela signifierait alors que les touristes dépensent en
moyenne moins d’argent lors d’un séjour au Canada que dans les autres pays des Amériques.
1
On trouve différents chiffres selon les sources sur le nombre d’emplois, les recettes engendrées ou la contribution
au PIB. Mais elles montrent toutes la même tendance et sont unanimes sur le poids du tourisme dans le monde du
travail ou des recettes financières générées.
8
Statistiques au Québec2 :
2,7 millions d’arrivées internationales et 3 milliards de dollars américains de recettes
Canada : 40,342 millions de touristes en comptant les excursionnistes, dont 4,555 au
Québec, soit 11,3% de parts de marché au Canada
Canada : 14,302 millions de dollars canadiens de recettes, dont 2,444 au Québec soit
17,1% des parts de marché au Canada.
Provenance des touristes : Québec, autres provinces canadiennes, USA, France,
Royaume-Uni, Allemagne, Mexique, Japon.
Tourisme : 2,7% du PIB québécois, 5ème produit d’exportation, 29 600 entreprises,
388 000 emplois dont 133 000 directs.
Données du ministère du Québec et de l’AEQ (Aventure Ecotourisme Québec)3 : 250
entreprises œuvrent dans le tourisme d’aventure et en écotourisme, dont 15%
spécifiquement écotourisme.
Selon l’AEQ : les dépenses en tourisme d’aventure et écotourisme permettent
création/consolidation de 11400 emplois par an au Québec.
Le Québec est la troisième province touristique du Canada, après l’Ontario et la Colombie
Britannique. Les touristes dépensent en proportion plus que dans d’autres régions, puisque les
recettes sont plus élevées que le nombre d’arrivées en pourcentage. Le potentiel touristique est
très grand et ne demande qu’à se développer, la provenance de plus en plus internationale des
touristes le montrent et confirme cette tendance. Par rapport aux statistiques mondiales, le poids
du tourisme dans le PIB québécois est relativement peu élevé, ce qui laisse penser que ce
potentiel n’est pas encore exploité à 100% et que des opportunités d’emplois et de
développement d’activités touristiques sont à créer.
Par contre, ces chiffres laissent penser que le potentiel écotouristique du Québec est largement
sous-exploité avec seulement 250 entreprises de tourisme d’aventure et de plein-air, dont une
petite partie seulement est axée sur l’écotourisme.
Les acteurs
Le tourisme est un domaine où les acteurs sont nombreux et très interdépendants les uns des
autres. Voici les principaux acteurs que l’on retrouve :
2
Source : étude du Ministère du Tourisme, Le Tourisme en Chiffres 2006, disponible sous le lien
http://www.bonjourquebec.com/mto/publications/pdf/etudes/Tourisme_chiffres2006.pdf
3
Source : l’étude complète, Etude sur la valeur économique de l'écotourisme et du tourisme d'aventure, est
disponible sous le lien http://www.aventure-ecotourisme.qc.ca/content/articlefiles/98-Sommaire_AEQ_etude.pdf
9
Les fournisseurs : les prestataires d’activités, d’hébergement, de restauration dans le pays
d’accueil.
L’agence réceptive : c’est l’acteur spécialiste de la destination, qui s’occupe des
réservations et de l’accueil des clients, elle propose des voyages sur son pays d’activité et
sert d’intermédiaire entre l’agence ou le TO et les fournisseurs.
Le tour opérateur (TO) : il produit des voyages, sur une ou plusieurs destinations avant de
les vendre soit dans les agences de voyage, soit directement au client final.
L’agence de voyage : elle vend les voyages des agences réceptives, des TO au client final.
Dans la logique, les prestataires d’activités, hébergements et restauration vendent leurs services
et produits à l’agence réceptive, qui peut alors proposer un itinéraire au TO, qui va vendre le
voyage à l’agence de voyage qui va à son tour vendre le voyage au client final. Mais ce processus
a lieu dans un monde de concurrence pure et parfaite… La réalité est toute autre, souvent
marquée par l’opacité et les comportements déloyaux : chaque acteur va essayer de vendre en
direct au client final, afin d’éviter les intermédiaires et ainsi réduire les coûts. Les fournisseurs
vont de plus en plus vendre en direct par le biais de leur site internet, l’agence réceptive va
essayer de vendre directement à l’agence de voyages, le TO directement au client final, l’agence
de voyages va essayer de traiter en direct avec les fournisseurs, etc. Au final, même si chaque
acteur a un rôle bien défini au départ, les rôles finissent par se confondre, chacun « marchant sur
les plates-bandes » des autres, intensifiant ainsi la concurrence et la pression sur les coûts et les
prix de vente.
Le marché
Le tourisme est un marché très concentré et un secteur très concurrentiel : d’après le schéma ci dessous sur l’interdépendance des acteurs du tourisme, on s’aperçoit que les acteurs sont
nombreux et jouent sur le même terrain. Par exemple, un TO aura besoin de l’expertise de
l’agence réceptive car c’est cette dernière qui est spécialiste de la destination. Mais bien souvent,
dès que le TO a noué des liens avec les prestataires d’hébergement, de restauration, et d’activité,
et ce grâce à l’agence réceptive, il va essayer de négocier directement avec eux pour obtenir de
meilleurs prix. Si l’agence réceptive est écartée du processus, cela signifie un intermédiaire en
moins (et donc une marge en moins à comptabiliser dans le prix de vente final), et donc un prix
final plus compétitif pour attirer les clients. Pour faire face à ce type de comportement déloyal,
Nanuq Aventure a mis en place une politique de confidentialité des prix avec ses partenaires
10
fournisseurs : ces derniers s’engagent à ne pas communiquer leurs prix lorsque des représentants
de TO ou d’agences viennent en reconnaissance.
Le schéma nous montre également que les acteurs tissent des relations complexes entre eux :
d’un côté ils vont représenter chacun un maillon de la chaîne qui a besoin des autres maillons
pour exister, en partant du prestataire d’hébergement ou restauration, puis du réceptif, du TO et
enfin de l’agence de voyage ; d’un autre côté ils vont tous essayer plus ou moins de faire de la
vente directe pour être le seul intermédiaire dont le client final aura besoin et ainsi offrir un tarif
compétitif. En effet, dans ce milieu et sur le marché du tourisme classique à moyen de gamme, le
prix est souvent le nerf de la guerre : les clients veulent de la qualité à bas prix, c’est sans cesse la
course au prix (sauf dans le cas des clients qui n’ont pas de contrainte de budget, mais on touche
alors une clientèle bien spécifique et moins nombreuse). Il faut alors sans cesse négocier les prix
avec les partenaires, et les entreprises qui obtiennent de bons prix sont celles qui apportent du
volume, donc de nombreux clients.
Au niveau du tourisme responsable, la réalité du marché est toute autre. Outre que ce marché est
très restreint au Québec, il concerne en France par exemple surtout le secteur associatif à but non
lucratif, assez éloigné de tout ce mécanisme où les maillons sont interdépendants. En ce qui
concerne les structures opérant sur le territoire québécois, on remarquera que les entreprises
touristiques qui proposent du tourisme de plein-air et d’aventure sont assimilées à de
l’écotourisme, ce qui n’est pas forcément vrai. On reviendra sur ce point plus tard.
11
L’interdépendance des acteurs du tourisme :
Vend à
Clients
Internet :
sites des
fournisseurs,
agence de
voyages et
TO
Agence de voyages
Tour opérateur
Réceptif
Prestataires d’activités
Restauration
Hébergement
Transport
12
La concurrence
La concurrence est très dure dans ce domaine. Entre la vente directe, les autres réceptifs, etc., les
concurrents sont partout. On peut différencier plusieurs types de concurrents :
Concurrents intra sectoriels : les autres réceptifs basés au Canada,
Les clients ou fournisseurs qui font de la vente directe
Les autres destinations : les pays froids comme la Norvège, la Russie, etc., et les pays
plus exotiques, les destinations plus avantageuses économiquement, etc.
Le tourisme est un secteur très particulier où finalement toutes les destinations sont
interchangeables et substituables. Une catastrophe a lieu dans un pays ? Qu’à cela ne tienne, les
voyageurs trouveront bien une autre destination pour leurs vacances. Une région dépendante du
tourisme pourra être complètement ruinée en cas de catastrophe (naturelle, terrorisme…), sans
que cela ait le moindre effet sur la croissance globale du tourisme.
Au niveau de l’écotourisme au Québec, Nanuq Aventure pourrait vraiment se positionner comme
leader sur ce marché. Cette forme de tourisme, même si elle est utilisée partout, ainsi que par les
concurrents intra-sectoriels, est finalement assez peu mise en avant et peu d’entreprises ont choisi
de se positionner sur ce créneau pourtant porteur. Beaucoup utilisent le concept, mais plus
souvent pour désigner le fait que leurs activités se déroulent en plein air que parce que la
structure a adopté une véritable politique environnementale.
A ce niveau là, la concurrence se situerait davantage au niveau des autres destinations, dont
certaines sont connues et reconnues comme le Costa-Rica au niveau de l’écotourisme ou encore
les pays d’Afrique de l’Ouest comme le Mali au niveau du tourisme solidaire.
13
La concurrence d’après les 5 forces de Porter
Le schéma des 5 Forces de Porter peut rendre compte de la compétitivité et de la concurrence qui
règnent dans le secteur du tourisme :
Produits de
substitution : autres
destinations
exotiques, provinces
canadiennes, USA,
Scandinavie, Russie,
Pays de l’Est…
Pouvoir de
négociation des
clients : très élevé,
joue beaucoup sur
les prix
Pouvoir de négociation des
fournisseurs : dépend de la
Concurrence intra-sectorielle
situation, si c’est un fournisseur
déjà établi ou non, avec ses
clients. Ils feront de meilleurs
tarifs si Nanuq apporte du
volume, mais Nanuq a un large
choix de fournisseurs aussi.
Menaces de
nouveaux
entrants :
nombreuses petites
entreprises qui
peuvent
décrédibiliser le
concept
d’écotourisme,
absence de barrières
à l’entrée
Outre une forte concurrence intra-sectorielle, où chaque agence réceptive se bat pour obtenir de
nouveaux clients, les fidéliser alors que l’image du Canada se détériore et que la destination n’est
pas réputée pour offrir un bon rapport qualité-prix, la concurrence avec les autres destinations est
sans doute la plus « fatale ». Autant au niveau de la clientèle individuelle, si une personne a
14
décidé de partir au Canada, alors son choix est arrêté et elle est prête à payer plus cher, autant au
niveau de la clientèle de groupe la logique est différente : les clients font en général appel à
plusieurs agences réceptives dans un même pays pour obtenir le tarif le plus avantageux ou dans
plusieurs pays : ainsi il est possible de perdre des dossiers groupes contre des destinations plus
exotiques.
Le pouvoir de négociation des clients et des fournisseurs est également élevé. Si Nanuq Aventure
continue de se développer, les rapports vont certainement s’équilibrer davantage.
Analyse PESTE de l’écotourisme
La matrice PESTE permet d’analyser l’environnement de l’écotourisme et de déterminer s’il est
favorable ou non au développement de cette forme de tourisme4.
OPPORTUNITES
2002 :
année
MENACES
internationale
de l’écotourisme par les Nations Unies,
superficie de territoire protégé
Sommet mondial de l’écotourisme à Absence de politique sur la protection
Québec
des paysages
Démarche Qualité Tourisme du Rareté des ressources financières
ministère du tourisme québécois
POLITIQUE
/
Manque flagrant de réglementation dans
Politique
touristique
du
le domaine (application des normes,
gouvernement
du
un
etc.), labels « peu convaincants » : clés
partenariat
LEGAL
Retard du Québec au plan de la
Québec :
industrie-gouvernement
vertes, feuilles vertes, diamants…
autour de la problématique de Pas de concertation entre les acteurs
développement durable
pour une vision commune, pas de
Cadre de référence existants : AEQ,
consensus autour du terme écotourisme
STAQ
(efforts de mise en marchés compliqués)
(Société
Autochtones
protégées,
du
Touristique
Québec),
des
aires Demande
du
marché
français
de
politique
certification, contrôle, campagne de
gouvernementale sur la biodiversité,
sensibilisation sur l’écotourisme et code
4
La source principale pour réaliser cette analyse est l’étude du ministère du tourisme, Nature et tourisme :
l’écotourisme au Québec en 2002, disponible sous le lien
http://www.bonjourquebec.com/mto/publications/etudes/ecoQC02.html
15
la protection des sites, le tourisme,
d’éthique
plans régionaux, etc.
Efforts encore limités dans la promotion
de pratiques de tourisme durable
Croissance prévue de 10 à 15% par
an du tourisme d’aventure
Le Canada est une destination
Forte
Equateur
Croissance forte du tourisme et du
Produits
d’écotourisme
et
consommés dans le cadre d’un
s’accroissant.
Secteur
ECONOMIQUE
Marché européen particulièrement
important pour les producteurs de
Qualité et originalité des produits
Diversification
potentiel
de
des
de
nouveaux produits
concurrence
des
au
autres
Rentabilité financière prioritaire qui
peut aller à l’encontre des principes
Marché peu segmenté et peu diversifié
Globalement très petites entreprises :
faible chiffre d’affaires, saisonnalité.
Absence de barrières à l’entrée
Partenariat public – privé accru
Dynamique du secteur de l’aventure
Produit
« aventure
seulement
et de l’écotourisme
émergence
écotouristiques.
produits,
développement
en
provinces et des USA
tourisme d’aventure et écotourisme
encore
Québec,
voyage plus traditionnel
l’Allemagne,
La concurrence entre pays ira en
de
tourisme de nature le plus souvent
pour
Scandinavie, Russie, pays de l’Est, etc.
marché des loisirs et des excursions
internationale :
Afrique pour la France, Costa-Rica et
écotouristique populaire
concurrence
–
0,5%
plein
des
air » :
voyages
d’agrément Québec en 1998.
Retombées économiques dans les
régions et communautés locales
Recherche
de
plus-value
à l’expérience touristique en nature,
SOCIAL
Exigence
chance
accrue
pour
des
l’écotourisme
Recherche accrue du luxe qui peut aller
à
touristes :
qui
propose des produits de qualité
plus en plus vite, touriste hybride
valeurs de l’écotourisme
Attentes des clientèles qui évoluent de
l’encontre
des
principes
écotouristiques (golf, spa…)
Perte
des
activités
dans
de
traditionnelles
Clientèle de plus en plus curieuse :
culturelles
nombreuses
besoin de rencontres, sens, valeurs…
communautés, perte de l’expertise liée à
16
Très fort potentiel d’écotouristes
certaines activités
dont le voyage n’a pas pour but Dégradation
principal
archéologiques
niches
l’écotourisme ;
de
marché
petites
pour
les culturelle
Composante culturelle des milieux
d’écotourisme
Clientèles
de
plus
en
sites
culturels
ou
Intégration limitée de la composante
écotouristes expérimentés.
naturels
de
aux
Méconnaissance
expériences
des
cultures
autochtones
plus
préoccupées par l’environnement, Améliorations souhaitables des activités
campagnes de sensibilisation
d’interprétation
Plusieurs programmes de formation Méconnaissance
en écotourisme
producteurs
Main-d’œuvre qualifiée
disponibles dans les ministères ou
de
des
la
part
des
informations
organismes gouvernementaux
Internet
Technologies relativement simples
de recyclage, etc.
TECHNOLOGI
technologies Accès aux systèmes de réservation pour
Nouvelles
environnementales de plus en plus
QUE
Innovations environnementales ?
abordables ?
les petites structures ? Au marché ?
Progrès constants dans la conception
des équipements de plein air et outils
de communication
Grands espaces propices à ce type de Milieu naturel constamment menacé
tourisme, parcs nationaux, régions
Certaines activités d’aventure polluantes
pôles d’attraction
Aires
protégées
ENVIRONNEM
protégées
ENT
écotouristique
à
(déforestation…)
et
fort
aires
non Problème
potentiel
Implantation du Programme Sans
des
transports
(transport
hybride… ?)
Sites choisis davantage par convenance
que par réel souci de qualité
Trace (pistes de recommandations Lieux de concentration de la demande
pour les touristes afin de laisser le Territoire partagé avec des activités non
moins de traces possible de leur
écotouristiques (chasse, industrie…)
17
Connaissance limitée des producteurs
passage)
Protection de la nature, des animaux
des impacts de leurs activités sur le
Territoire partagé : possibilité de
milieu naturel
combiner
plusieurs
types
de Potentiels peu exploités dans le domaine
tourisme (forfait)
des produits exclusifs
Bonne accessibilité aux sites
Constats de l’analyse : le Canada, et le Québec, possèdent tous les atouts pour développer
l’écotourisme. Cependant, cette forme de tourisme étant encore en émergence, il n’y a pas
vraiment de consensus sur les définitions, le cadre de référence du concept, ou encore une vision
commune. Face à la demande croissante des clients pour l’éthique ou l’environnement, et à la
conscientisation des acteurs du tourisme, on devrait se diriger de plus en plus vers une démarche
commune, de fédération de toutes les parties prenantes pour renforcer le positionnement du pays
et de la région sur ce marché et ainsi faire face à la concurrence.
Analyse PESTE du tourisme solidaire et autochtone
On remarque qu’ici, contrairement à la matrice PESTE de l’écotourisme, l’aspect humain est au
cœur de l’analyse. En effet, le tourisme solidaire pose toute la question des rapports humains, des
notions de partenariat et d’implication de tous les acteurs. Aussi, dès que l’on touche à l’humain,
les conséquences peuvent être bien plus importantes ou désastreuses que dans les domaines
économique ou environnemental : c’est tout un système social que l’on remet en cause, le rapport
à la culture, aux traditions, et plus que dans n’importe quel autre domaine, il faut anticiper tous
les effets que notre action touristique peut avoir sur une communauté.
NB : Attention aux termes choisis. Au Canada, c’est le terme de tourisme autochtone qui est
employé. La notion de tourisme solidaire n’existe pas ici, elle est souvent réservée aux pays en
voie de développement alors que ce n’est pourtant pas une de ses conditions de réalisation.
OPPORTUNITES
POLITIQUE
LEGAL
/
MENACES
Code mondial d’éthique du tourisme Manque total de visibilité : processus,
de l’OMT
procédure, termes…
L’OMT voit dans le tourisme durable Pas/peu de concertation entre acteurs
18
un facteur de lutte contre la pauvreté
Pas de réglementation au Québec
Le gouvernement du Québec met en
(application des textes, etc…)
place une stratégie pour développer et Pas de stabilité au niveau de la tête du
promouvoir le tourisme durable par le
conseil
biais de subventions à des projets.
réguliers, abandon des projets en
de
bande5 :
changements
cours, pas de continuité long terme.
Peu de marge sur ce type de voyages,
Secteur en émergence au Québec
Retombées
positives
pour
la
communauté d’accueil
Création d’emplois
Volonté de transparence de la part des
touristes sur la construction du prix, la
répartition des bénéfices, etc.
Marché européen important : demande
Problème d’infrastructures dans les
réserves
L’attrait du profit peut mettre en péril
l’intégrité culturelle
Difficulté de mise en marché du
produit
Manque de main-d’œuvre qualifiée,
trouver un guide autochtone pour
accrue pour vivre des expériences
ECONOMIQUE
rendre
amérindiennes
Croissance sans précédent de la
population autochtone : les jeunes sont
Coûts en temps et en argent dus
à l’éloignement
Le tourisme autochtone offre un large
certains
sites
à la hauteur des attentes du client
Concurrence : en ce qui concerne le
tourisme solidaire, le marché français
potentiel de croissance, à condition
qu’il reste authentique
de
(Grand Nord…) : l’expérience doit être
exploitée, défi de les maintenir dans le
touristique
harmonieuse
une ressource humaine largement sous
tourisme.
l’expérience
est plus porté vers l’Afrique
Concept de tourisme solidaire peu
développé au Nord
Saisonnalité
Accès au financement problématique6
SOCIAL
Volonté de vivre une expérience, Capacité à maintenir le projet, la
5
Les communautés autochtones élisent leur chef et son conseil qui constituent alors le conseil de bande. Il représente
la population au niveau juridique, administratif politique.
6
Se renseigner à ce sujet sur la Loi sur les Indiens, où les conditions bancaires pour des prêts financiers par exemple
sont beaucoup plus drastiques que pour les non Autochtones.
19
rencontrer la population, sa culture,
flamme, la coopération : cela implique
mode de vie, etc. Echange.
un personnel motivé aussi bien chez le
Possibilité d’allier dans un voyage la
voyagiste
nature et la culture.
d’accueil.
Intérêt du public français pour la Réussir à s’adapter aux 2 cultures
découverte du mode de vie amérindien Nombreux préjugés à l’égard des
Pour les Amérindiens7 : un moyen de
communautés
réconciliation (mieux comprendre leur Problèmes d’alcoolisme, drogues… :
réalité), de préserver leurs traditions et
peuple blessé, en manque de repères
de se rapprocher (garder leur culture Pas ou peu de contacts entre les
vivante,
Amérindiens et les Canadiens
rapprochement
générations),
de
entre
promouvoir
les
leur la
communauté
Peu d’Amérindiens connaissent encore
culture (faire connaître leur histoire,
les traditions, les légendes…
mise en valeur de leur culture), Fossé fragile entre authenticité et
d’émancipation (fierté, estime de soi)
folklorisation de la culture
Créer des liens authentiques et rétablir Pour les Amérindiens : lieux sacrés
la confiance pour ce peuple blessé
devant être gardés secrets, sentiment
Le tourisme autochtone se traduit de
d’être observé, obligation d’assiduité
multiples
de
lors des prestations touristiques, notion
l’ethnotourisme à l’écotourisme en
de sécurité, niveau de confort et
passant par le tourisme d’aventure : on
d’hygiène exigé par le client.
peut
manières,
imaginer
une
allant
multitude
de produits.
que
Volonté
Les communautés ne paraissent pas
prêtes à porter ce type de projet
et
engagement
de
la La
communauté,
l’entreprise
de
communauté, son implication directe
tourisme et le voyageur ont chacun
dans le processus de développement
leurs attentes, il faut réussir à les
du
concilier
projet
touristique
conditions de réussite.
sont
des
Réticence des autochtones vis-à-vis de
certains comportements non adaptés
Sensibilisation faible aux avantages et
débouchés
du
tourisme :
les
communautés ont d’autres priorités
7
Cf. l’article du Globe Veilleur Le tourisme autochtone, plus qu’un simple produit, juin 2007
20
(infrastructures…)
Réticence de la part des acteurs
touristiques de travailler avec les
communautés: longueur du processus
TECHNOLOGI
QUE
Internet
Gros potentiel : toutes les techniques
et traditions amérindiennes pour vivre
ENVIRONNEM
en pleine nature et en harmonie avec
ENT
les principes d’écotourisme : trappe,
canoë, plantes, pierres, forêt… liés au
Mise en marché des produits
Dégradation des sites culturels
Choix des sites et accessibilité
La chasse peut être mal perçue
mode de vie
Constat de l’analyse : la STAQ (Société Touristique des Autochtones du Québec) est la référence
québécoise en matière de tourisme autochtone. Pas forcément en lien avec les principes du
tourisme solidaire, elle se veut une vitrine et un tremplin pour les communautés désirant
s’investir dans le tourisme en matière de visibilité, commercialisation des produits,
communication et promotion, outils de gestion, etc.
En dehors de cette association, il est très difficile d’obtenir des informations sur d’autres projets
de tourisme autochtone non référencé par elle. Les structures membres sont de qualité inégale et
variable, certaines étant habituées à traiter avec de la clientèle internationale, d’autres étant
beaucoup plus petites et beaucoup moins touristiques, laissant ainsi plus de place à la rencontre et
à la spontanéité.
Toute la difficulté pour une entreprise comme la nôtre consiste à travailler avec des partenaires
qui puissent offrir des prestations répondant aux attentes de la clientèle internationale avec des
standards de qualité et de confort précis et élevés, mais tout en gardant une authenticité certaine.
Le débat est très complexe au Québec, mais les Amérindiens ont adopté en quelques décennies
un mode de vie aux antipodes de ce qu’ils vivaient depuis des milliers d’années ; c’est un peuple
en crise d’identité profonde qui a bien souvent perdu beaucoup de ses coutumes et traditions. Le
client risque donc d’être déçu en voyant que son mythe de l’Indien en costume traditionnel
s’effondre pour laisser la place à des gens comme vous et moi qui vivent dans des maisons dures,
roulent en voiture, etc.
21
Le tourisme autochtone offre malgré tout de formidables opportunités économiques grâce aux
activités créées, et humaines grâce aux rencontres entre plusieurs cultures. Le tout est de ne pas
sombrer dans la « caricature » de sa culture pour satisfaire à la demande d’exotisme des clients.
Que ce soit pour l’écotourisme ou le tourisme autochtone, l’offre québécoise n’est pas toujours
bien structurée ou mise en valeur. De gros efforts restent à fournir, d’abord au niveau de la
réglementation institutionnelle qui peut impulser ou favoriser les démarches environnementales
et solidaires des entreprises touristiques, puis au niveau des entreprises elles-mêmes sur la qualité
des produits et services pour pouvoir répondre à la demande des clients les plus exigeants, sur la
visibilité de leur démarche grâce à une meilleure concertation entre les acteurs, etc. Le potentiel
est bel et bien là, et Nanuq Aventure a toutes les clés en main pour pouvoir développer des
produits dans ces marchés de niche.
1.4. Analyse interne
L’analyse interne de l’entreprise permet de mettre en lumière les forces et les faiblesses de
l’entreprise. Grâce à cette analyse, elle pourra optimiser ses forces et au contraire combattre ses
faiblesses pour être la plus performante possible sur son marché.
Les clients
Nanuq Aventure est un réceptif canadien qui travaille principalement avec le marché Europe
francophone et le marché allemand. Les régions « exploitées » par Nanuq Aventure pour cette
clientèle européenne sont la Colombie Britannique à l’ouest du pays et le Québec à l’est.
L’entreprise est en train de développer fortement la région de l’Ontario.
On peut diviser la clientèle en deux catégories : la clientèle FIT (Free Independant Travelers voyageurs indépendants) et la clientèle de groupes.
Le service FIT s’occupe des demandes qui impliquent jusqu’à 20 personnes, ce sont des
personnes qui voyagent généralement en famille, entre amis, en couple, etc., mais ce peut être
également des GIR (Groupe d’Individuels Regroupés). Cette clientèle est relativement
diversifiée : il n’y a pas vraiment de profil type, les attentes sont donc aussi variées, même si
l’image véhiculée par le Canada se reflète largement dans le choix de produits des clients, à
savoir des produits de plein air, que ce soit l’hiver ou l’été, plus que des produits culturels.
22
La clientèle de groupe est en général une clientèle d’entreprise. Là, deux profils se distinguent
très nettement : le profil « voyage économique » et le profil « voyage incentive ». Dans le voyage
économique, la contrainte de budget est très forte, on aura plus affaire à des groupes de type
comité d’entreprise. Appartiennent également à cette catégorie les groupes qui voyagent en
autocar et ne font donc pas partie d’un voyage d’entreprise. Par conséquent, on va forcément
proposer des produits assez classiques et touristiques, qui correspondent au budget alloué. Le
voyage « incentive », qui concerne plus des voyages de récompense, des séminaires ou autre,
nous invite à la créativité : en effet, le budget étant plus flexible, nous pouvons nous permettre
d’inclure des prestations très haut de gamme, des produits exceptionnels, de privatiser des sites,
etc. Ce sont donc deux approches totalement différentes du voyage.
La clientèle FIT et la clientèle groupe ne demandant pas la même méthode ni les mêmes outils de
travail, ce sont donc logiquement deux services différents qui s’en occupent.
En ce qui concerne les voyages d’écotourisme et de tourisme solidaire dont je m’occupe, il s’agit
plus d’anticiper la demande et de se positionner sur ce marché : les clients ne pensent pas
forcément au Canada pour ce type de voyage, à nous de leur montrer que c’est possible et de
créer la demande pour attirer une nouvelle forme de clientèle.
Positionnement
Positionnement actuel :
On peut résumer ainsi le positionnement de l’entreprise sur le marché touristique au Québec :
• Produits originaux, hors des sentiers battus
• Produits haut de gamme et exclusifs
• Crédibilité vis-à-vis des clients pour des produits de qualité, originaux, reconnus pour
cela
• Produits plus classiques qui génèrent le volume et donc la viabilité financière de
l’entreprise
• Produits nature, grands espaces, activités de plein air, avec parfois des composantes
amérindiennes
• Produits FIT et Groupe
Large gamme de produits, de prix, de clientèle
Positionnement sur les produits classiques pour assurer la pérennité de l’entreprise
Positionnement sur le marché du tourisme d’aventure pour des produits originaux
23
Le tourisme d’aventure se marie bien avec l’écotourisme et le tourisme autochtone pour un
positionnement encore plus original.
Volonté de se positionner sur le marché de l’écotourisme :
• Un positionnement écotourisme donnerait une crédibilité supplémentaire à Nanuq
Aventure en terme de qualité et d’originalité
• Un positionnement écotourisme serait dans la suite logique des produits d’aventure :
aventure dans la nature tout en la respectant…
• Un positionnement écotourisme découle logiquement de la charte interne que l’on veut
rédiger
• Le Canada est connu pour ses grands espaces et est une destination écotouristique
populaire : une démarche responsable permet de se différencier et de sortir du lot.
Volonté de se positionner sur le marché du tourisme autochtone :
• Un positionnement original et peu mis en avant par les concurrents (hormis quelques sites
reconstitués « de masse »)
• Un positionnement innovateur
• Un positionnement qui confirme et crédibilise la démarche de Nanuq Aventure pour un
tourisme responsable
• Un positionnement qui complète le triangle du développement durable : économie,
environnement, social/éthique
• Un positionnement qui permet là aussi de se différencier
Que ce soit pour l’écotourisme ou le tourisme autochtone et solidaire, Nanuq Aventure s’est
déjà forgée une réputation solide d’entreprise qui propose des produits originaux, de qualité, que
personne d’autre ne fait. Développer ces deux marchés de niche apparaît donc comme un
prolongement de l’offre et une suite logique de ce que Nanuq Aventure propose actuellement.
Analyse SWOT
Par rapport à tout ce qui a été écrit plus haut, il convient d’analyser les forces, faiblesses,
opportunités et menaces du projet d’écotourisme et de tourisme solidaire de Nanuq Aventure
dans le cadre d’une analyse SWOT.
24
L’analyse SWOT permet de mettre en adéquation les analyses interne et externe de l’entreprise,
que l’on retrouve dans le tableau ci-dessous.
FAIBLESSES
FORCES
• Un projet qui correspond aux valeurs de
l’entreprise : protéger l’environnement, les
de
crédibilité sur le marché
• Petite équipe : capacité de répondre à la
animaux, la culture
• Implication
• Petite entreprise jeune : problème de
l’entreprise
pour
le
demande dans les délais impartis, parfois
longs à répondre
développement durable
• Entreprise reconnue pour la qualité de ses
produits et son originalité (hors des sentiers
• Associer
le
nom
de
l’entreprise
uniquement à l’aventure
• Produits vendus réputés trop chers
battus)
• Partenaires fiables sur les marchés français
et allemands, et sur le territoire québécois
• Motivation forte pour développer des
produits écotouristiques et solidaires.
• Réseau
de
fournisseurs
(et
clients)
insuffisant
• Réseau faible au niveau des partenaires
amérindiens
• Un projet novateur au Québec, qui suscite
l’enthousiasme : possibilité de financements
externes
• Pas encore de catalogue écotouristique
• Ne
propose
écotouristiques
• Ecotourisme et tourisme solidaire : aspects
peu mis en avant par la concurrence,
pas
que
des
produits
(motoneige) :
risque
d’incohérence et d’image brouillée pour le
client
leadership de Nanuq Aventure
OPPORTUNITES
• Canada :
MENACES
destination
écotouristique
• Faible
prise
de
conscience
des
populaire, pays réputé « vert », grand
fournisseurs sur l’environnement, travail
potentiel
d’éducation et de sensibilisation important
• Demande du marché français d’allier des
expériences
amérindiennes
au
voyage
• Concurrence : agences qui « copient » ou
« doublent » les projets
25
• Clients et fournisseurs pas forcément prêts
écotouristique
• Demande des clients d’avoir des garanties
comme la charte
solidaire et autochtone
• Clients en général prêts à payer plus cher un
voyage
à
valeur
à s’impliquer dans un projet de tourisme
ajoutée
comme
• Problème d’image du Canada, travail
important de communication à fournir
l’écotourisme ou le tourisme solidaire
• Le gouvernement commence à mettre en
place
des
politiques
d’incitation
pour
développer et promouvoir le tourisme
durable
Dans un contexte de fort développement de l’entreprise, une période d’ajustement et de
restructuration est à prévoir, mais qui permettra à terme de palier à des faiblesses comme le délai
de réponse. La solidification de l’équipe apportera de la crédibilité en plus à l’entreprise
nécessaire pour fidéliser les clients et travailler avec les fournisseurs.
De plus, par le projet d’écotourisme et de tourisme solidaire novateur, Nanuq Aventure a
vraiment l’opportunité de se positionner en leader sur ces deux marchés de niche, finalement peu
exploités par la concurrence : l’entreprise maîtrise des éléments très importants sur ce
marché comme la qualité, l’originalité de ses produits, et quelques partenariats solides ; et
bénéficie d’opportunités non négligeables, comme les aides gouvernementales qui vont être
mises en place pour les projets de tourisme inscrits dans une démarche de développement
durable, ou encore la demande accrue des clients en matière de garanties (notamment
environnementales) et leur intention de payer plus cher un voyage responsable ou écologique.
L’entreprise doit toutefois veiller à garder son avantage novateur et le mettre en valeur auprès des
TO et des agences de voyages, qui sont les premiers clients à convaincre avant les clients finaux.
Pour cela, il convient de comprendre la nécessité d’envisager le tourisme autrement, et que tous
les acteurs du tourisme prennent conscience des enjeux majeurs qu’il représente.
26
2. La nécessité d’envisager le tourisme autrement
2.1. Les dérives du tourisme « classique »
L’objectif n’est pas ici de disserter en détail sur les dérives du tourisme classique, mais de faire
un état des lieux des principaux effets pervers, très nombreux dans ce domaine. On s’aperçoit en
effet que les trois pôles du développement durable - environnement, économie, social/éthique sont touchés dans le tourisme, et une stratégie touristique non maîtrisée et mal étudiée peut
engendrer de graves conséquences à ces trois niveaux.
Sur le plan environnemental
Le transport aérien
La question du problème aérien n’est toujours pas résolue. Malgré les efforts des grandes
compagnies aériennes pour améliorer leur flotte au niveau qualité, diminuer le taux de pollution
par passager, etc., l’impact sur l’environnement par les émissions de gaz à effet de serre est
important. Les scénarios pessimistes prévoient même un recul de l’intensité touristique à cause
du problème majeur du pétrole (augmentation drastique des prix, épuisement des réserves…).
Ceux qui ont tiré la sonnette d’alarme prônent un tourisme plus local, mais dans le contexte
actuel, il est difficile d’imaginer que les clients renoncent à leur rêve d’exotisme. De plus, on
pointe toujours du doigt le tourisme et le transport aérien dans les problèmes de réchauffement
climatique, pourtant ce dernier ne serait responsable « que de » 2 à 4% des émissions globales, ce
qui n’empêche pas évidemment de se poser la question et de chercher des solutions pour des
voyages moins polluants : « si la part des transports aériens dans les émissions globales de gaz à
effet de serre de l'UE n'avoisine actuellement que 2% à 4%, selon les études, ses émissions
augmentent plus rapidement que celles de tous les autres secteurs. Celles qui sont dues aux vols
internationaux ont augmenté de 73% entre 1990 à 2003 et devraient, d'après les projections de la
Commission européenne, atteindre 150% d'ici à 2012 si aucune mesure n'est prise. Une telle
croissance annulerait alors plus d'un quart de la réduction des émissions que l'UE-15 est censée
réaliser entre 1990 et 2012 en vertu de protocole de Kyoto. »8
Dans ce contexte, on peut se demander ce que font les grandes industries qui ont une part
beaucoup plus importante dans les émissions de gaz à effet de serre...
8
Source : Newsletter Actu Environnement
27
La consommation d’eau et d’énergie
Les grands centres touristiques ont également une consommation importante d’eau et
d’énergie due à des normes de confort élevées: les clients peuvent s’offrir un luxe impossible à
domicile, comme le golf, qui demande un entretien spécifique. Cela pose problème dans les
régions sèches, où l’eau est rare : faut-il privilégier le profit et la satisfaction de la demande, ou
permettre aux agriculteurs locaux de survivre ? Souvent, le choix est vite fait…
Dans un pays comme le Canada, la problématique est différente : c’est un pays peu peuplé par
rapport à sa superficie, où les ressources naturelles sont d’une telle richesse et abondance qu’elles
ont toujours été considérées comme infinies, inépuisables. L’eau est gratuite pour les habitants !
C’est inconcevable pour nous. Du coup, personne n’est éduqué et sensibilisé à l’économie d’eau,
les habitants en usent et en abusent… Les grands médias commencent à mettre en avant la
problématique de l’eau, des compteurs commencent à être installés, mais le travail à faire au
niveau de la sensibilisation et de l’éducation est énorme. Le Québec a d’ailleurs publié sa
Politique Nationale de l’Eau en 2002, afin de protéger cette ressource en l’incluant dans une
perspective de développement durable et en garantissant la sécurité des usagers et des
écosystèmes9.
Au niveau du tourisme, les effets pervers sur l’environnement peuvent aussi se caractériser par la
déformation des paysages (standardisation architecturale qui ne s’inscrit pas dans le paysage
local), le traitement des eaux usées et des déchets, l’absence de recyclage, l’absence de politique
de réduction à la source (emballages, dosettes individuelles, etc.), etc. Les dérives sont
nombreuses, mais quelques structures touristiques ont la volonté de s’inscrire dans une démarche
plus respectueuse en cherchant l’impact minimum sur l’environnement.
Sur le plan social et éthique
La prise en compte de la population locale, son bien-être, sa participation aux projets, sont
probablement les enjeux majeurs du tourisme, et presque tout reste à faire. Les conséquences au
niveau éthique sont plus souvent négatives que positives.
Culture et traditions
L’aspect le plus important est sans doute le rapport entre les touristes et les locaux, leur culture.
9
Plus d’informations sur le site Internet du Ministère du Développement Durable, de l’Environnement et des Parcs
du Québec : http://www.mddep.gouv.qc.ca/eau/politique/index.htm .
28
D’un côté, le tourisme peut avoir un impact positif et perpétrer une culture, une tradition qui
disparaîtrait peu à peu si le tourisme ne les faisait pas vivre. Le touriste peut également participer
en apportant des produits, comme du thé ou des bougies, ce qui contribue à la responsabilisation
du touriste et à la notion de réciprocité, vitale dans les échanges.
D’un autre côté, on constate que les relations entre touristes et locaux peuvent se
dégrader. La frontière est mince entre authenticité et voyeurisme, échange véritable et spectacle
folklorique, etc. C’est dangereux de tomber dans la caricature pour satisfaire la demande
d’exotisme des clients. On peut citer Rigoberta Menchú Tum, prix Nobel de la Paix 1992 : « Ce
qui nous blesse profondément nous, les autochtones, c’est le fait qu’on reconnaisse la beauté de
nos costumes, mais que la personne qui les porte n’existe pas. »
On pense souvent aux pays en voie de développement par rapport à ces aspects, mais cette
problématique s’applique tout à fait ici au tourisme autochtone, aux relations entre les voyageurs
et les Amérindiens. Comme on l’a vu précédemment, le tourisme peut être un bon moyen de faire
vivre la culture et les traditions des Premières Nations qui sont en voie de disparition. Mais on
constate que les touristes veulent souvent voir une caricature de leur culture, des autochtones en
costume qui dansent et qui chantent autour du feu… Mais la réalité est autre, ils ne vivent plus
comme cela, mais bien comme nous, ils ont adopté le mode de vie occidental, et à ce niveau ne
répondent donc plus aux attentes d’exotisme et de folklore de la clientèle. Il est important de
développer une forme de tourisme qui respecte le mode de vie actuel des Amérindiens tout en
partageant et transmettant un savoir ancestral, sans pour autant sombrer dans le folklore, comme
c’est parfois le cas sur les sites reconstitués « de masse ». Au départ, l’idée est sans mauvaises
intentions, au contraire : il s’agit de faire connaître la culture et les traditions des Amérindiens, ce
qui crée en plus de nombreux emplois. Mais les touristes repartent avec une image non
représentative de la réalité difficile des Premières Nations en ayant assouvi leur soif
d’exotisme…
Le comportement du touriste
En vacances, le touriste peut mal se comporter : après avoir travaillé dur pendant l’année, le
temps est venu de se reposer, de profiter des vacances, et parfois de considérer que tout est
permis… ce qui peut avoir de graves conséquences dans les pays d’accueil comme la
prostitution, le travail des enfants… des comportements qui restent la plupart du temps impunis,
29
et des fléaux quasiment impossibles à combattre : si un pays prend des mesures, et pour peu qu’il
les applique, le fléau ne fera que se déplacer ailleurs.
A priori, le Canada est moins concerné par ces problématiques, puisqu’il bénéficie de protection
et de lois démocratiques.
Le déplacement de populations
Le tourisme peut contribuer au déplacement de populations : de manière assez peu significative,
il peut entraîner l’exode rural (les personnes sont attirées par les emplois que peut générer une
importante station de tourisme), le tourisme peut au contraire aboutir à l’expulsion d’une
population, par exemple pour la construction d’un immense complexe. Là encore, cette dérive
concerne moins le Canada que des pays en voie de développement, où les populations ont
souvent moins connaissance de leurs droits et sont donc plus faciles à exploiter.
Sur le plan économique
Travail et formation
Le tourisme est réputé pour être un secteur relativement précaire, comme nous le montrent les
chiffres du Bureau International du Travail10. On peut penser que la situation est encore plus
inégalitaire au Sud, avec les responsabilités et postes-clés confiés à des Occidentaux et le travail
peu qualifié confié à la main-d’œuvre locale.
Le thème des droits des travailleurs dans le tourisme est très peu abordé dans les conventions,
chartes, textes internationaux.
La formation est très importante, car elle peut être un indicateur essentiel de la
professionnalisation d’un secteur. Les formations ayant pour but de former les managers de
demain, ce qui éviterait « d’importer » des cadres européens. Au niveau du Canada, on pourrait
appliquer cette problématique au tourisme autochtone : les Amérindiens sont-ils bien maîtres des
projets touristiques dans leurs communautés, les guides sont-ils issus de leurs communautés,
etc. ?
10
D’après le BIT : les 3 secteurs hôtellerie, restauration et tourisme représentent 3 à 4% du PIB dans la plupart des
pays et emploient quasiment 3% de la force de travail mondiale.
Les travailleurs de ces secteurs gagnent en moyenne 20% de moins que dans les autres branches.
La moitié des travailleurs ont moins de 25 ans et 70% sont des femmes.
30
La dépendance économique
Si les pays considèrent souvent le tourisme comme une solution miracle pour leur
développement, les risques sont grands : d’une part, les activités traditionnelles comme
l’agriculture peuvent être délaissées, d’autre part en cas de catastrophe, une région dépendante du
tourisme sera totalement ruinée, sans que cela se ressente au niveau global.
La fuite des capitaux
Le tourisme attire de nombreux capitaux étrangers, ce qui permet l’implantation de nouvelles
entreprises et donc une certaine dynamique de l’économie nationale. Mais cela pose la question
de la répartition des recettes : 30% seulement resteraient dans les pays du Sud11. Cela s’explique
notamment par le fait que les grands groupes touristiques sont standardisés et importent donc la
majeure partie des biens et services, en passant par le personnel de direction. L’Etat peut aussi
choisir de financer des projets touristiques au détriment de la population locale.
Comme on peut le constater à travers ces quelques exemples, les dérives dans le tourisme sont
nombreuses. Toutes ne concernent pas le Canada, cependant cela nous montre bien la nécessité
d’envisager le tourisme autrement afin de limiter un maximum, voire d’éviter quand c’est
possible, ces effets pervers. Cela passe notamment par l’émergence de nouvelles formes de
tourisme, qui cherchent des solutions pour mettre en place un tourisme plus responsable.
2.2. L’émergence de nouvelles formes de tourisme
Bref historique
Après avoir été pendant longtemps un luxe réservé à une élite, le tourisme s’est démocratisé au
XXème siècle et est devenu accessible aux classes moyennes, qui pouvaient maintenant partir en
vacances (avènement des congés payés, puis progressivement réduction du temps de travail par
exemple, qui laissent plus de temps libre à la population) : le tourisme de masse est né.
Aujourd’hui devenu l’une des principales branches mondiales, le tourisme transporte des
centaines de milliers de voyageurs, brasse des milliards de dollars, emploie des millions de gens.
Pas étonnant que des pays, notamment en voie de développement, s’engouffrent dans la voie
11
Source : www.tourisme-durable.net, où l’on trouve une foule d’informations sur les problématiques actuelles
concernant les dérives du tourisme et les alternatives naissantes.
31
royale du tourisme, considéré comme solution miracle pour leur développement. Mais un
tourisme non maîtrisé, on l’a vu, peut engendrer des effets pervers, surtout quand cela concerne
des millions de gens. Face aux dérives du tourisme de masse, des alternatives naissent : on parle
aujourd’hui de tourisme responsable, durable, éthique, équitable, solidaire, d’écotourisme, etc.
Tous ces concepts se distinguent par de subtiles nuances, mais rejoignent tous un même objectif :
celui de placer au centre du voyage le respect de l’être humain et de son environnement.
Quelques définitions
Il convient de donner quelques définitions des différents concepts du tourisme, que l’on utilise à
Nanuq Aventure, pour montrer qu’ils se rejoignent dans leurs objectifs, malgré quelques
nuances.
En fait, contrairement à d’autres domaines comme le commerce équitable, qui même si sa
définition ne fait pas l’unanimité, son appellation a été largement adoptée par tous, le tourisme
est composé d’une multitude de concepts qui revendiquent chacun leurs différences. Le résultat
est que l’on voit partout tous ces termes, et que pour le consommateur il est difficile de faire la
part des choses. Quel terme utiliser alors ?
Dans sa politique de communication, Nanuq Aventure devra adopter des termes précis et garder
une cohérence. L’appellation n’a pas encore été entérinée, mais elle devra prendre en compte
plusieurs éléments : l’écotourisme est un terme utilisé « à tort et à travers » par tous ceux qui
proposent des activités de plein-air et de nature, et l’utiliser nous aussi peut prêter à confusion ; le
terme de tourisme solidaire est ici peu connu comme on l’a vu ; enfin le gouvernement veut
promouvoir des projets de tourisme dans une démarche de développement durable, ces deux
derniers termes sont donc également à prendre en compte dans la politique de communication.
Ecotourisme
La déclaration finale du Sommet Mondial de l’Ecotourisme organisé en 2002 par l’OMT, précise
les principes particuliers qui distinguent l’écotourisme de la notion plus large de tourisme durable
:
32
« L'écotourisme rassemble toutes les formes de tourisme axées sur la nature et dans lesquelles la
principale motivation du touriste est d'observer et d'apprécier la nature ainsi que les cultures
traditionnelles qui règnent dans les zones naturelles.
Il inclut les communautés locales et indigènes dans sa planification, son développement et son
exploitation et contribue à leur bien être.
Il favorise la protection des zones naturelles :
• En procurant des avantages économiques aux communautés d'accueil, aux organismes et
aux administrations qui veillent à la préservation des zones naturelles ;
• en créant des emplois et des sources de revenus pour les populations locales ;
• en faisant davantage prendre conscience aux habitants du pays comme aux touristes de la
nécessité de préserver le capital naturel et culturel.
Il comporte une part d'éducation et d'interprétation du patrimoine naturel et culturel.
Il est généralement organisé, mais pas uniquement, pour des groupes restreints par de petites
entreprises locales spécialisées. On trouve aussi des opérateurs étrangers de dimensions variables
qui organisent, gèrent ou commercialisent des circuits écotouristiques, habituellement pour de
petits groupes. »
Tourisme solidaire
La définition de l’UNAT (union nationale des associations de tourisme) élaborée avec des
associations de tourisme solidaire définit ainsi le tourisme solidaire :
« Le tourisme solidaire regroupe les formes de tourisme «alternatif» qui mettent au centre du
voyage l’homme et la rencontre et qui s’inscrivent dans une logique de développement des
territoires.
L’implication des populations locales dans les différentes phases du projet touristique, le respect
de la personne, des cultures et de la nature et une répartition plus équitable des ressources
générées sont les fondements de ce type de tourisme. »
Tourisme équitable
L’association de tourisme équitable Croq’Nature basée en France le définit ainsi dans sa charte
du tourisme équitable :
« C'est un ensemble d'activités de services touristiques, proposé par des opérateurs touristiques à
des voyageurs responsables, et élaboré par les communautés d'accueil, autochtones (ou tout au
moins en grande partie avec elles). Ces communautés participent de façon prépondérante à
33
l'évolution de la définition de ces activités (possibilité de les modifier, de les réorienter, de les
arrêter). Elles participent aussi à leur gestion continue de façon significative (en limitant au
maximum les intermédiaires n'adhérant pas à ces principes du tourisme équitable).
Les bénéfices sociaux, culturels et financiers de ces activités doivent être perçus en grande partie
localement, et équitablement partagés entre les membres de la population autochtone. »
Tourisme autochtone
Équipe Canada – Tourisme autochtone, dans le livret intitulé Liste de vérification pour réussir,
propose la définition suivante pour l’expression « tourisme culturel autochtone » :
« Le tourisme culturel autochtone désigne l’ensemble des entreprises touristiques qui
appartiennent aux Premières nations, aux Métis ou aux Inuits, et qui sont exploitées par eux, et
qui intègrent une expérience culturelle autochtone d’une manière appropriée, respectueuse et
authentique du point de vue de la culture autochtone représentée… Quatre thèmes se dégagent –
culturel, durable, axé sur le service aux clients et prêt à répondre aux exigences du marché
national et international. »
On se rend bien compte de l’importance de l’implication et de la participation de tous les acteurs
à la lecture de ces définitions. L’aspect pédagogique est également prépondérant, que ce soit au
niveau de la sensibilisation environnementale ou de la préparation des voyageurs et des
communautés à se rencontrer et à respecter les cultures de chacun.
Dans ce cadre, Nanuq Aventure intègre bien les principes de ces nouvelles formes de tourisme :
la charte permet de constituer des partenariats solides dans un cadre de coopération, d’inclure
tout un volet de sensibilisation des clients et de formation des employés, etc.
2.3. Réglementation : codes, textes et chartes
Le domaine institutionnel
Outre les labels et certifications du domaine privé, on trouve une forme de réglementation dans le
domaine institutionnel.
34
Peut-être faut-il commencer par évoquer le rapport Brundtland de 1987, qui officialise le concept
de développement durable autour des trois pôles économique, environnemental et social /
éthique. En effet, l’écotourisme se réclame d’une intégration aux principes du développement
durable, en réconciliant d’abord l’économique et l’environnemental (faire comprendre aux
entreprises que l’on peut être gagnant en adoptant des stratégies en faveur de l’environnement,
comme la réduction des coûts d’énergie, mais aussi parier sur le long terme : la prospérité
économique est inconcevable sans un environnement sain), sans oublier l’implication des
populations vivant sur le site en question, l’équité entre le « Nord » et le « Sud » et entre les
générations12.
On peut citer aussi l’Agenda 21 pour l’industrie du voyage et du tourisme publié en anglais par
l’organisation mondiale du tourisme (OMT) en 1996, qui décline l’agenda 21 (Déclaration de
Rio 1992) au secteur du tourisme et s’articule autour de 10 priorités environnementales comme la
gestion de l’eau, des déchets, de l’énergie…
On pourrait aussi parler de la charte du tourisme durable de Lanzarote13, adoptée en 1995, qui a
fortement inspiré le Code Mondial d’Ethique, mais qui depuis est complètement passée aux
oubliettes : sans doute est-ce parce qu’elle est beaucoup moins libéralisée que les autres textes
qui l’ont suivie, ou encore qu’elle est plus pessimiste sur les limites dans le domaine du tourisme.
Toujours est-il qu’il est très difficile de la trouver et qu’elle n’est évoquée pratiquement nulle
part.
Finalement, c’est sans doute l’OMT qui a développé le code le plus connu, avec le Code Mondial
d’Ethique du Tourisme, paru en 1999 et disponible sur le site internet14. Ce code s’adresse à tous
les acteurs du tourisme : entreprises, pouvoirs publics, communautés d’accueil, touristes… mais
ses principes restent très généraux et donc très vagues, de plus ce code, s’il peut éventuellement
servir de référence, reste globalement très peu appliqué.
Au niveau international, on trouve aussi les déclarations de Djerba et de Davos15 : lors de la
première conférence internationale sur le changement climatique en 2003 à Djerba, il a été
reconnu qu’il existait des relations entre le tourisme et le changement climatique, et qu’il fallait
donc agir en conséquence. Cette conférence a été suivie quatre ans plus tard avec la Déclaration
de Davos.
12
L’écotourisme entre l’arbre et l’écorce, 2006, pp. 342-343
http://www1.insula.org/carturi.pdf pour avoir la charte complète
14
http://www.unwto.org/ethics/full_text/en/pdf/Codigo_Etico_Fran.pdf pour avoir le code complet
15
Le tourisme autrement, 2008, p.54
13
35
Sans doute est-il également nécessaire de rappeler l’année 2002 a été proclamée Année
Internationale de l’écotourisme par le PNUE (Programme des Nations Unies pour
l’Environnement) et l’OMT, et que le premier sommet mondial de l’écotourisme a eu lieu à
Québec en 2002 également, ce qui témoigne de l’intérêt croissant pour cette forme de tourisme.
Enfin, on peut citer parmi les initiatives reconnues l’Initiative des Tours Opérateurs (TOI), lancée
en 2000 par le PNUE, l’UNESCO, l’OMT, et douze des plus grands voyagistes comme Accor ou
TUI. Cette initiative est volontaire et ses membres s’engagent à intégrer le développement
durable dans leurs pratiques, mais sans obligation de rendre des comptes : elle est donc plutôt
considérée comme une plateforme d’échange16.
Il est indéniable que la multiplicité de ces textes indique clairement que les nouvelles formes de
tourisme vont prendre de plus en plus d’importance dans les années à venir et qu’elles devront
être prises en compte presque automatiquement. Pour le moment, nous en sommes encore au
stade de balbutiement, où la réglementation n’est pas encore très claire, les principes peu
appliqués, etc. Cela viendra sans doute avec le temps.
La certification des entreprises
Face à des textes institutionnels plutôt flous ou souvent trop vagues, très peu mis en application,
encore moins contrôlés, ce n’est pas étonnant de voir que de plus en plus d’entreprises se lancent
dans l’auto-certification.
Face à la multiplication de l’offre dite écotouristique, on assiste parallèlement à la multiplication
de textes, codes, chartes, pour légitimer cette offre. Ainsi, de plus en plus d’organisations votent
leurs propres chartes, qui incluent de nombreux principes éthiques, d’environnement… : elles ne
peuvent tout simplement plus passer outre ces thèmes, récurrents dans l’actualité et ancrés
progressivement dans la conscience des gens. Les avis d’experts sur ces initiatives sont partagés :
réelle volonté de changement ou effet de publicité, politique de communication pour
l’amélioration de l’image de l’entreprise ? Après lecture globale de ces textes, plusieurs points
ressortent : les acteurs sont souvent relativement libres dans le choix et l’application des critères,
il n’y a pas de contraintes claires. On se pose donc légitimement la question suivante : jusqu’où
les chartes sont-elles respectées par les partenaires ? Une entreprise peut-elle abuser de la
situation et communiquer sur un projet en particulier pour diffuser une image positive globale de
son activité ?
16
Le tourisme autrement, 2008, p.138
36
Outre ces aspects, la critique la plus forte concerne le contrôle : il se fait la plupart du temps en
interne, sans aucune instance externe mise en place pour plus d’objectivité.
Les impacts positifs restent donc à prouver pour la crédibilité de ces textes, encore trop souvent
superficiels.
Comme je l’ai indiqué précédemment, l’une de mes missions est de développer notamment une
charte propre à Nanuq Aventure. J’essaierai de vous démontrer plus loin en quoi cette charte ne
s’inscrit pas dans le « greenwashing » ambiant, comme le dit le jargon local (terme qui désigne le
fait que beaucoup d’entreprises intègrent des politiques environnementales mais que ces
dernières sont souvent superficielles), mais est bien l’expression d’une volonté forte de réel
changement.
2.4. Une nouvelle tendance : la certification
La certification est donc une nouvelle tendance. Le label se compose d’une combinaison d’image
et de mot-clé, facilement reconnaissable grâce à la compression de l’information17. Il sert à
garantir la qualité d’un produit et est délivré par un certificateur. La certification, elle, désigne
plutôt un processus de vérification du respect d’un cahier des charges. Nous parlerons dans ce
paragraphe de certification et de label, les deux termes étant finalement très proches au niveau de
leur signification.
Avantages
L’OMT pense que des conditions de mise en marché ainsi que des normes de qualité et
d’environnement à travers des systèmes de certification doivent être mis en place. D’après
l’OMT ces derniers sont plus rapides à mettre en œuvre que les lois et sont plus innovants, ils
contribuent à la prise de conscience des acteurs en matière d’environnement notamment et à la
sensibilisation des touristes et des locaux, et constituent un avantage concurrentiel certain
(image...). L’institutionnalisation de l’écotourisme permet non seulement de créer la demande (en
faisant connaître ses composantes - observation des animaux, interprétation de la nature, etc., - il
suscite l’intérêt des futurs consommateurs), mais aussi de contrôler l’offre par l’élaboration de
critères rigoureux à respecter pour les entreprises, et enfin de réguler le tout par la mise en place
17
Zukunft des Tourismus, 1996
37
de normes au niveau organisationnel18.
Pour les entreprises, les labels constituent un instrument de communication important : d’un côté
pour leur image, d’un autre côté pour une communication optimale et ciblée vers différents
groupes. Cela facilite la commercialisation de leurs produits, et les entreprises peuvent mieux
expliquer leur procédure et leur motivation. Elles peuvent aussi remplir des composantes
d’éducation et de sensibilisation19.
Les entreprises peuvent ainsi maintenir leur légitimité sur le marché.
Pour les clients, les avantages de la certification sont multiples. Ils peuvent obtenir une
information globale et très claire grâce au label, satisfaire à leur besoin de sécurité (une entreprise
labellisée est toujours associée à la notion de sécurité, qui constitue le cœur du label),
l’évaluation et le contrôle des critères du label apportent aussi une crédibilité supplémentaire
pour le client. Grâce à la certification le client ne doute pas de la crédibilité de l’entreprise et peut
se décider plus rapidement pour des produits certifiés. De plus, dans le domaine de
l’écotourisme, on peut même parler de certification fondée sur les valeurs (respect de la nature,
équité, etc.). Ces valeurs permettent de créer un climat de confiance pour l’écotouriste en quête
de réenchantement du monde et de retour à des valeurs plus ou moins perdues20 : rassuré sur le
contenu de son voyage, cela va favoriser son comportement de consommation.
Inconvénients
Même si la certification présente indéniablement de nombreux avantages et permet d’évoluer
vers un futur plus harmonieux, ses inconvénients n’en sont pas moins nombreux : en se
multipliant, les labels créent parfois plus de confusion qu’autre chose aux yeux du client. Il ne
sait plus auquel se fier et où chercher ou trouver la bonne information fiable, d’autant que la
comparaison est très difficile : chaque label va valoriser et mettre en avant tel critère plutôt que
tel autre, ces critères ne vont pas forcément être reconnus par le client, tout cela va rendre
d’autant plus difficile toute la notion de vérification et de contrôle, ce qui entraîne un risque de
traitement inégal, etc. Aujourd’hui, les principaux détracteurs de toutes ces initiatives accusent
les agences et TO de mettre en place des principes « creux » uniquement à des fins d’image et
marketing. Certains posent la question suivante : tout cela ne sert donc qu’à la commercialisation
de produits pour combattre la concurrence ? La certification peut-elle servir son objectif premier
18
l’écotourisme entre l’arbre et l’écorce, 2006
Ökomanagement im Tourismus, 1998
20
L’écotourisme entre l’arbre et l’écorce, 2006
19
38
de bénéficier en premier lieu aux populations et territoires d’accueil ?21 Découle-t-elle de cet
objectif ?
Il me semble qu’avec une transparence totale sur notre démarche, et un contrôle externe régulier,
nous pouvons répondre à ces inconvénients.
2.4.1. Quelques labels
Il existe de nombreux labels en Europe dans le domaine du tourisme, en particulier pour ce qui a
trait à l’environnement. Au Canada, c’est une autre histoire !
Que ce soit en Europe ou au Québec, tous ces labels peuvent prêter à confusion pour les
personnes. Comme il n’y a pas encore vraiment de consensus sur les termes à adopter ainsi que
leur définition (comme nous l’avons vu plus haut) dans le tourisme responsable, il apparaît donc
bien difficile qu’il existe un label ou une certification qui fasse l’unanimité dans ce domaine, qui
soit adopté par de nombreux acteurs du tourisme et reconnu comme modèle de référence pour la
population, comme on peut le voir dans le commerce équitable.
Malgré tout, de plus en plus d’initiatives dont font preuve les entreprises convergent vers un
objectif de transparence, et la certification permet de concrétiser et de prouver leur démarcher.
Selon l’OMT, il existe plus de 60 éco-labels et certifications de tourisme, et plus de 7000
produits touristiques sont certifiés dans le monde. Cependant, cela dénote une forte inégalité dans
la répartition géographique : 68% des programmes adoptés et 6000 des 7000 produits certifiés
sont dans l’Union Européenne (UE), 17% des programmes sont en Amérique du Nord, et
quelques autres pays se partagent le reste.
En général, les candidats à un label doivent remplir un certain nombre de critères et des
exigences spécifiques. Les candidats sont dans le domaine du tourisme les destinations, les
entreprises, les hôtels, les activités, les transporteurs, des ONG… les programmes de certification
basés sur le développement durable sont majoritairement promus par des ONG dans le domaine
du tourisme (30%) ou de l’environnement (10%), puis par les gouvernements (20%) et enfin les
entreprises (12%) selon l’OMT. Le reste est partagé par diverses ONG, dont 3% par des ONG de
consommateurs22.
Au niveau environnemental, on peut citer quelques labels reconnus comme l’Ecolabel Européen
21
Pour plus d’informations et de réflexions sur les enjeux du tourisme durable, voir le site très complet
www.tourisme-durable.net
22
L’écotourisme entre l’arbre et l’écorce, 2006, p.349
39
pour les services d’hébergement touristiques (hôtels, chambres d’hôtes, campings ayant un
impact réduit sur l’environnement), le label Pavillon Bleu (qualité de l’eau des plages, des
ports…), la Clef Verte (pour les hébergements, critères environnementaux et d’éducation à
l’environnement), etc.
Au niveau social et solidaire, on peut citer la Charte du Tourisme Equitable, rédigée en
concertation par plusieurs associations de voyage solidaire (Croq’Nature, la Route des Sens…)
qui repose principalement sur la notion d’implication et de partenariat avec les populations
locales ; la charte de l’UNAT (Union Nationale des Activités de Tourisme et de Plein Air) qui a
élaboré une grille de critère de tourisme solidaire que ses membres doivent respecter ; ou encore
le label ATR (Agir pour un Tourisme Responsable) qui regroupe une douzaine de voyagistes du
tourisme d’aventure.
Le Québec n’échappe pas à la règle puisque chaque année nombre de structures se voient délivrer
les Grands Prix du Tourisme. Mais nous détaillerons plus bas la situation des labels au Québec.
2.4.2. Le retard du Québec dans la certification
Comme on l’a vu plus haut, que ce soit dans le domaine de l’écotourisme ou du tourisme
solidaire, les certifications sont beaucoup plus nombreuses en Europe qu’en Amérique du Nord.
Même si les inconvénients de la certification sont nombreux, surtout en terme de choix de
critères et de contrôle de ceux-ci, on peut faire le lien entre l’amélioration des pratiques et la
certification. On peut critiquer tant que l’on veut les auto-certifications et labels, il n’empêche
qu’il est indéniable que l’on note un changement des pratiques en Europe du côté de l’industrie
touristique, et une sensibilisation croissante du côté des consommateurs. Plusieurs études ont été
menées, et il semble que même si le fossé entre les intentions et les actes est encore très grand, la
clientèle est de plus en plus exigeante en termes de prestations « vertes » et son choix peut être
influencé en conséquence. Une étude de TNS Sofres, réalisée pour voyages-sncf.com et
routard.com en mars 2008 par téléphone auprès de 800 voyageurs français, le montre : seulement
7% des interrogés pratiquent le tourisme dit durable (contre 2% en 2007), mais le concept en
intéresse 87% (contre 72% en 2007), 72% ont envie de le pratiquer et 65% sont prêts à
compenser leurs émissions de CO2 de leur voyage. Mais nombreux sont ceux qui ont encore des
préjugés (confort rudimentaire…) ou qui se déclarent mal informés (78%)23. Il apparaît donc
évident que l’on doit répondre à une attente en développant des produits de tourisme responsable,
23
Article lu sur le site www.quotidiendutourisme.com
40
mais que l’on doit diffuser une information la plus transparente et la plus complète possible, afin
d’éviter les dérives de l’auto-certification.
Labels écologiques
Cependant, les structures de tourisme du Québec, et plus largement du Canada, ne sont pas
forcément aussi sensibilisés que les structures européennes. Ainsi, si l’on prend l’exemple des
hôtels, « moins de 2% des établissements hôteliers du Québec enregistrés par la CITQ
(Corporation de l’industrie touristique du Québec) participent officiellement à l’un ou l’autre des
programmes offerts » pour la réduction de leur empreinte écologique : la Clé Verte qui est un
programme de réduction de l’empreinte écologique créé en 1997 et géré par l’Association des
Hôtels du Canada (AHC) ; le Label Leed (Leadership in Energy and Environmental Design) pour
les établissements en construction ou rénovation géré par le Conseil du bâtiment durable du
Canada ; le programme Green Leaf qui indique le nombre de mesures écologiques mises en place
selon le nombre de feuilles attribuées ; ou encore le programme Résertvert crée en 2007 par
l’Association des Hôteliers du Québec et qui porte sur les trois piliers du développement
durable…24.
Labels autochtones
Toute une éducation reste à faire pour inciter les partenaires à améliorer leurs pratiques.
En ce qui concerne le tourisme autochtone, on peut indiquer que la STAQ (Société Touristique
des Autochtones du Québec) intègre de nouveaux membres lorsque ceux-ci sont en mesure de
répondre à certaines exigences de la demande internationale. Lors d’une rencontre dans nos
bureaux, le responsable de la commercialisation nous a ainsi confié que la STAQ souhaite mettre
en place un label d’authenticité, mais là tout reste à faire, en particulier définir concrètement ce
qu’est l’authenticité d’un produit autochtone…
A ma connaissance, il n’y a pas vraiment d’autre certification en la matière.
De manière plus générale, on peut noter l’implication du gouvernement québécois pour
dynamiser le tourisme au Québec autour de la problématique de développement durable autour
d’un triple objectif dans sa Politique Touristique du Québec, Vers un Tourisme Durable, parue en
2005 :
24
Article lu sur le Globe Veilleur, la référence québécoise en information sur les tendances touristiques
internationales : http://veilletourisme.ca/
41
Objectif économique : porter les recettes touristiques du Québec de 9 milliards de dollars
canadiens (CAD) en 2003 à 13Md en 2010.
Objectif environnemental : accroître le nombre d’exploitants et de touristes sensibilisés à
l’utilisation durable de l’environnement.
Objectif socioculturel : favoriser une offre touristique développée et exploitée dans le
respect des populations locales.
L’implantation du Programme Qualité par le gouvernement québécois est également un cadre de
référence, qui se base notamment sur des normes du BNQ (Bureau de Normalisation du Québec,
équivalent de l’Afnor en France), et prévoit l’adhésion à des codes de bonne conduite, la mise en
place d’outils d’accompagnement et de gestion, l’intégration de l’écotourisme, etc25.
Le fait que le gouvernement institutionnalise le tourisme durable au Québec devrait logiquement
impulser une dynamique et pousser les entreprises du secteur à intégrer le développement durable
dans leurs pratiques. Cela devrait également logiquement favoriser le projet de Nanuq Aventure.
Finalement, ce qui nous intéresse le plus est sans doute la nouvelle norme sur l’écotourisme du
BNQ, qui a été élaborée par de nombreux acteurs reconnus du tourisme. Cette norme englobe de
nombreux principes et s’adresse à tous les acteurs de l’hébergement, du transport, aux
prestataires d’activités, etc. Une entreprise comme la nôtre ne peut pas vraiment prétendre à ce
type de certification, mais il est certain que nous pouvons nous fier aux fournisseurs certifiés, les
audits externes étant réalisés régulièrement.
Cette norme vient d’être mise en place, et est donc encore peu connue. Après discussion avec la
spécialiste du tourisme du BNQ, on ne peut pas encore obtenir de résultats visibles de cette
certification : encore peu de structures ont entamé la démarche, il est donc impossible d’avoir
une liste exhaustive des fournisseurs certifiés.
Nous ne pouvons pas non plus ne pas parler d’AEQ (Aventure Ecotourisme Québec). Cette
association, créée par les professionnels de l’industrie touristique, et qui a pour vocation de
promouvoir ses membres et de leur fournir des outils d’accompagnement, a mis en place son
label AEQ, probablement le seul connu et reconnu au Québec aujourd’hui dans le domaine du
tourisme d’aventure et de plein-air. Ce label est surtout axé sur la qualité et la sécurité, mais
25
Voir à ce propos l’étude complète Nature et Tourisme, l’écotourisme au Québec en 2002, publiée par Tourisme
Québec et disponible sur internet : http://www.bonjourquebec.com/mto/publications/etudes/ecoQC02.html
42
intègre peu à peu la dimension environnementale. Nanuq Aventure a donc entrepris la démarche
de certification.
2.4.3. La Charte de Nanuq Aventure
Objectifs et vision
On se rend compte que quelques labels existent, mais la plupart apparaissent comme étant peu
crédibles (certification simple à obtenir, peu de taux de vérification, etc.), donc encourageant le
« greenwashing » ambiant : de nombreuses structures mettent en avant une démarche
responsable, et c’est plus souvent une apparence qu’une réalité.
Nanuq Aventure a décidé de créer sa propre charte, qui devrait aboutir à terme à la création d’un
label. Le but n’est pas de participer au « greenwashing » et de mettre en avant une façade, mais
de construire au fur et à mesure une véritable stratégie de tourisme responsable, en termes
d’écologie, d’éthique et d’économie. Cela correspond à un souhait de tous les membres de
l’entreprise et aux valeurs prônées par cette dernière. Cela implique aussi que l’on ne brûle
aucune étape et que l’on ne communique pas sur ce projet trop vite : il faut d’abord bien poser les
bases, prendre le temps d’évaluer les critères en collaboration avec nos partenaires, vérifier sa
faisabilité…
L’objectif de cette charte est d’adopter une démarche globale : non seulement nous nous
engageons en prenant des mesures concrètes, en environnement par exemple, mais en plus nos
partenaires s’engagent avec nous, et nos clients aussi. Nanuq Aventure veut certes monter des
circuits écologiques et solidaires, qui reprennent les thématiques sur lesquelles je travaille tourisme avec les Amérindiens, tourisme territorial, écotourisme -, mais aussi sensibiliser les
autres partenaires par sa démarche et les pousser eux aussi à adopter des mesures,
environnementales notamment, et à améliorer leurs pratiques. C’est un travail sur le long terme et
de longue haleine, mais qui en vaut la peine.
Aussi, le but n’est pas non plus de créer un label pour qu’il devienne aussi connu que les labels
évoqués plus haut. Dans un premier temps, la charte nous permet de rédiger et mettre en forme
notre politique, d’informer nos clients sur nos actions et notre démarche, et surtout de soutenir,
promouvoir, et mettre en avant nos partenaires signataires. S’ils décident de s’engager avec nous,
nous nous engageons de notre côté à leur fournir un soutien technique et financier, ainsi qu’une
visibilité sur le marché européen.
43
Conception de la charte
Pour cela, nous avons voulu définir trois volets de la charte : fournisseurs, clients et charte
interne.
Le volet fournisseur regroupe les critères que nous souhaitons voir mis en place par nos
partenaires. Nous avons insisté sur l’aspect environnemental, car comme le Canada est un pays
dit « développé », on retrouve moins d’abus au niveau social ou éthique : les travailleurs sont
quand même protégés par les lois du pays, même si bien sûr la protection est plus libérale qu’en
Europe. Ces critères se composent aussi bien de mesures concrètes à adopter, en commençant par
des mesures relativement simples comme changer les ampoules ou mettre un panneau
d’information dans les chambres d’hôtels sur la réutilisation des serviettes, que par des mesures
de formation des employés, de sensibilisation de la clientèle, etc.
Le volet clients est plus une explication de notre démarche, en présentant le projet de Nanuq
Aventure, l’intérêt de la démarche et l’importance de promouvoir ce type de voyages. Un aspect
de sensibilisation est associé à l’explication.
Le volet interne concerne plutôt toutes les actions que les employés peuvent réaliser au sein de
l’entreprise.
Un projet innovant pour une agence de tourisme réceptif
Quand on observe ce qui se fait ici en matière de tourisme responsable, on se rend compte que ce
type de projet est relativement innovant pour une agence de tourisme réceptif. Bien sûr, lorsque
l’on analyse la concurrence intra-sectorielle, de nombreux autres réceptifs ont un volet sur le
tourisme responsable, quelque soit son appellation (tourisme durable, écotourisme, tourisme
équitable…). Ainsi l’un des plus gros voyagistes internationaux intégrés au monde, qui exploite
un vaste réseau de distribution, possède sa propre compagnie aérienne, etc. et qui regroupe tous
les maillons de la chaîne de la valeur, en exerçant un contrôle étroit sur ceux-ci, dont fait partie le
plus grand réceptif canadien, soutient des projets de tourisme durable à hauteur de 35 000 euros
par projet. Cette aide financière porte sur des projets à trois niveaux principalement : aide
humanitaire internationale, le tourisme durable, l’avancement des connaissances et des
compétences en tourisme. Si l’on s’attarde sur la rubrique consacrée de leur site internet, même
si force est de constater que le groupe explique brièvement les enjeux du tourisme durable et ses
engagements concrets pris en conséquence, nous restons malgré tout dans le vague, le général,
sans précisions sur les zones géographiques, les partenaires, les actions concrètes concernées par
44
le projet. Finalement, il est difficile de trouver des informations concrètes et précises sur les
actions menées et les résultats obtenus.
Si l’on s’intéresse à un autre réceptif important du Canada, il plante un arbre à chaque fois qu’il
reçoit un invité : cela s’inscrit dans le cadre d’un écotourisme responsable et d’un développement
durable. D’autres réceptifs concurrents n’évoquent pas du tout cet aspect là dans leur politique
d’entreprise.
La seule entreprise qui se positionne vraiment sur le marché de ce qu’elle appelle elle-même
l’écotourisme éthique est un TO et une agence réceptive à travers toutes les Amériques. Mais le
Canada ne représente que deux voyages sur toute sa gamme de produits (si l’on s’en réfère à son
site internet), et ces derniers sont surtout axés sur l’aspect écotourisme et non éthique.
Finalement, le projet de Nanuq Aventure apparaît comme étant relativement innovant au vu de ce
que l’on vient de lire. S’engager clairement dans une démarche d’amélioration des pratiques, en
mettant en place des actions concrètes en interne, mais aussi auprès de nos fournisseurs et de nos
clients, créer un organisme chargé gérer les fonds alloués à nos partenaires privilégiés,
compenser les émissions carbones des voyages terrestres (car Nanuq Aventure ne prend pas en
charge l’aérien), faire des efforts pour réduire nos marges et ainsi rendre les voyages plus
accessibles au client final, demander à nos clients (TO et agences) de faire de même, sont autant
d’actions que peu d’agences ici au Québec ont osé mettre en place et approfondir autant.
D’autant que, comme on l’a vu, c’est une démarche globale, qui ne concerne pas seulement une
entreprise, une structure, un hôtel, mais bien un ensemble de partenaires, qui pourront à leur tour
sensibiliser leurs propres partenaires, leur maison-mère, leurs clients.
Un projet qui colle à la réalité du marché
En plus d’être innovant, ce projet colle à la réalité du marché. Face à la conscientisation du
public, face aux exigences croissantes en termes d’environnement et d’éthique, les clients de
Nanuq Aventure sont très demandeurs de ce type de projet. D’ailleurs ce ne sont pas les seuls : au
niveau institutionnel, le ministère du tourisme québécois est plus qu’intéressé par les projets de
tourisme durable, notamment dans le cadre de son Programme Qualité et de son projet de
développement du Grand Nord (ici le Grand Nord ne désigne pas le Canada comme nous nous le
représentons en Europe, mais bien le Grand Nord au sens géographique du terme, c’est-à-dire ici
le Nunavik où vivent encore les Inuits et la région du Labrador) ; au niveau financier, ce sont des
banques comme la Caisse Desjardins qui financent des projets innovants.
45
Comme on l’a vu, la demande est croissante pour des voyages responsables, mais il reste des
lacunes au niveau de l’offre : les préjugés sur l’inconfort de ce type de voyages ont la vie dure
(44% toujours selon l’étude Sofres vue plus haut), les prestations sont en général plus coûteuses
(d’où l’importance de faire des efforts de réduction des coûts en agissant sur la marge par
exemple), l’information est encore peu fiable et incomplète. Un projet comme celui de Nanuq
Aventure répond donc clairement à un besoin, la charte étant la transcription écrite de cette
démarche : diffuser l’information la plus complète et la plus précise possible à nos clients, à nos
fournisseurs, en toute transparence ; offrir toujours un service et des prestations de qualité pour
montrer que l’on peut allier tourisme responsable et confort ; rendre ce type de voyages
accessibles à tous pour que les 72% de Français qui se disent prêts à franchir le pas puissent le
faire réellement.
Un projet qui colle à la volonté interne de l’entreprise
Je pense que je l’ai suffisamment évoqué dans la première partie, mais il est bon de rappeler que
le projet de Nanuq Aventure colle à la volonté interne de l’entreprise, que ce soit au niveau des
dirigeants que des employés. En plus de correspondre à des valeurs profondes (importance de
préserver notre environnement, d’établir des relations équilibrées et équitables avec nos
partenaires, etc.), ce projet permet de répondre aux objectifs stratégiques de l’entreprise, de
développer le portefeuille client et de toucher une nouvelle cible grâce à un positionnement
original.
Maintenant, il s’agit d’étudier comment le projet de charte interne peut s’insérer dans le travail
quotidien et se réaliser concrètement.
46
3. La mise en pratique du projet
3.1. L’impact de la démarche dans la gestion interne de l’entreprise
Pour mener à bien un tel projet, la volonté interne de l’entreprise ne suffit pas. En effet, c’est
toute la gestion interne de l’entreprise qui va être remise en question, et bouleversée si
nécessaire. Il paraît logique que si l’on demande à des partenaires de respecter certains critères,
nous nous devons d’être les premiers à satisfaire ces critères si l’on veut rester crédibles dans
notre démarche. Comme nous l’avons vu plus haut, c’est surtout au niveau environnemental que
nous pouvons intervenir, tout en restant dans une logique économique et compétitive pour la
bonne santé de l’entreprise. Nous sommes moins concernés au niveau social ou éthique en
interne puisque nous sommes soumis aux mêmes règles que n’importe quel autre employé au
Canada et que nous avons des avantages certains liés à notre métier. On retrouvera cependant des
mesures éthiques au niveau de notre politique d’achat, du soutien à nos partenaires, etc.
On peut diviser la démarche interne en plusieurs étapes : les actions concrètes au siège de
l’entreprise, les déplacements, la participation des employés, et les mesures éthiques ; sans
oublier l’accompagnement de nos partenaires par la mise en place d’outils techniques.
.
Les actions concrètes
Au niveau des actions concrètes, nous pouvons lister toutes les actions qu’il est possible de
réaliser, et les rassembler au sein d’un guide interne. Comme dans n’importe quelle autre maison,
les mesures peuvent concerner l’électricité, l’eau, l’éclairage, le tri et le recyclage, le réemploi du
matériel de bureau, la communication interne par e-mail et non sur du papier imprimé, etc.
On peut même aller plus loin et envisager, à terme, de l’électricité photovoltaïque, du chauffage
géothermique, etc.
La compensation carbone
Au niveau des déplacements, Nanuq Aventure a choisi la voie de la compensation des émissions
de gaz à effet de serre. Les alternatives écologiques sont encore peu développées dans le domaine
du transport, en particulier dans le tourisme : sans parler du transport aérien, qui n’est pas la
vocation de Nanuq Aventure, les solutions avancées pour le transport terrestre sont peu
applicables dans le tourisme. Les voitures hybrides sont quasiment inexistantes dans les parcs de
location de voiture, les moyens de transport électriques sont très marginaux et donc pas du tout
47
développés dans le tourisme… face à cela, il apparaît que la compensation carbone des
déplacements du personnel et des voyages des clients est une solution satisfaisante et présente un
double intérêt :
• « L’argent est dépensé sur des investissements qui vont permettre des économies de CO2
pérennes, alors que les émissions rejetées par un vol sont ponctuelles : à terme, un don de
10euros bien investi engendre plus d’économie que la quantité émise lors du vol.
• Rôle pédagogique : en chiffrant le coût écologique d’un trajet en avion, la compensation
participe à la sensibilisation des voyageurs. 26»
Nanuq Aventure a décidé de s’allier à l’une des organisations les plus fiables au monde, et
certainement la plus fiable au Canada, pour mettre en place un système de calcul compatible à
nos activités.
Les mesures éthiques
Au niveau des mesures éthiques, nous pouvons envisager une autre politique d’achat : en plus
des mesures écologiques, l’entreprise peut également privilégier l’achat de produits équitables
(label « certifié équitable ») pour les fournitures ou aliments quotidiens, comme le café ;
encourager et promouvoir les fournisseurs qui ont aussi une politique d’achat équitable, ou une
politique d’achat local (mobilier, décoration des chambres d’hôtels, œuvres d’art, produits
agricoles, etc.), selon les critères de notre charte, etc.
L’implication des employés
Au niveau de la participation des employés, en plus de la diffusion du guide interne, il est
question de créer une newsletter interne sur les avancées du projet, mais aussi sur tout ce qui
concerne l’entreprise, les projets de chacun, les nouveautés, etc. Cette mesure là s’inscrit dans
une politique d’amélioration de la communication interne et c’est la responsable de ce secteur qui
sera chargée de mettre en place ce système. Finalement, tout ce qui concerne la participation des
employés relève de la communication, nous serons donc amenés à mettre en place divers outils
comme la newsletter, mais aussi une boîte à idées, des réunions périodiques, etc.
Il faut souligner qu’à ce niveau là, c’est toute une équipe qui est fédérée autour d’un projet
commun, et que l’on peut donc considérer ce dernier comme un facteur clé de motivation, qui
crée un espace où chacun peut exprimer ses idées, ses sensibilités, etc.
26
Alternatives Economiques, le tourisme autrement, p.127
48
L’accompagnement des partenaires
L’accompagnement et le soutien de nos partenaires fait partie intégrante de notre politique.
Lorsque nos partenaires s’engagent, nous nous engageons avec eux.
Nous pouvons définir comme suit notre processus d’accompagnement :
Première phase d’approche : nous échangeons avec notre partenaire, étudions la
possibilité de coopération sur le projet, etc.
Organisation d’une réunion préliminaire avec quelques partenaires privilégiés afin de leur
présenter la charte, récolte des réactions et des impressions, révision de la charte en
conséquence.
Validation de la charte, envoi à tous les partenaires intéressés
Réunion avec tous les signataires, explication de la démarche d’accompagnement :
o Disponibilité de tous les instants
o Soutien technique par la remise d’un document avec notamment des fiches
techniques sur les actions à mener, comment faire, quels sont les avantages et les
inconvénients, les retombées économiques, et qui contacter
o Soutien financier à des projets innovants, par le biais de subventions notamment
(installation d’une éolienne par exemple), on peut également envisager un système
de dons des clients (s’ils veulent soutenir un projet en particulier), ou de
prélèvement automatique d’un pourcentage défini sur notre marge ou notre
bénéfice.
o Soutien administratif dans la démarche de demande de subventions, les personnes
ressources à contacter pour tel ou tel projet
o Envoi d’une newsletter (intervalle à déterminer)
3.2. Le projet au quotidien
L’intégration du projet dans le travail quotidien
49
Le projet d’écotourisme et de tourisme solidaire de Nanuq Aventure s’inscrit dans le long terme.
Dans un domaine où tout bouge tellement vite, où la réactivité est une qualité maîtresse, et où
l’on est souvent amené à travailler dans l’urgence, il s’agit de réussir à dégager en permanence
assez de temps pour s’y consacrer.
Outre les actions quotidiennes que chacun peut mener, la fédération autour d’un projet, il faut
aussi définir les priorités et savoir si l’on veut mobiliser une personne pour faire avancer les
choses et dynamiser la démarche ou bien si quelqu’un s’y consacre par « à-coup » pour
privilégier les demandes concrètes et rentables économiquement. Au niveau de la gestion, cela se
traduit par des choix stratégiques : en effet, l’entreprise doit bien faire du profit pour exister, et
selon les cibles de clientèle, cela va se traduire par des partenariats pas forcément en accord avec
le projet ; d’un autre côté le projet s’inscrit dans une démarche sur le long terme pour sensibiliser
tous nos fournisseurs au fur et à mesure.
Dans une période de pérennisation de l’entreprise, il faut savoir être flexible et s’adapter à la
situation.
Travail de recherche et de documentation
C’est la base. Un profond travail de documentation a été mené, qui a permis de dégager les
éléments clés des analyses interne et externe de l’entreprise vus plus haut dans la première partie.
Il a permis en outre de déterminer les régions phares de l’écotourisme, les pratiques, les
communautés qui ont développé des produits touristiques, etc.
C’est un premier pas pour la recherche de partenaires : il permet d’avoir une meilleure
connaissance du territoire, des acteurs, de connaître les organisations fédératrices pour pêcher les
bonnes informations, de constituer un réseau qui s’étoffera au fil du temps.
La recherche de partenaires
Tout un programme ! Le travail de recherche permet de repérer quelques structures modèles qui
servent de référence aux autres acteurs. En contactant ces structures, on se rend compte qu’elles
sont très intéressées par le projet de Nanuq Aventure, et que c’est principalement la motivation
des dirigeants qui porte le projet. En effet, si les dirigeants sont très impliqués dans un projet
écologique ou éthique, ils pourront assez facilement faire redescendre l’information, et organiser
des formations, des réunions avec les employés afin de les impliquer et de les sensibiliser à leur
tour. De plus, il est important qu’une personne soit responsable du projet afin de motiver le
personnel et le mobiliser si nécessaire.
50
Outre la recherche documentaire ou informatique, contacter les ATR (Association de Tourisme
Régional, équivalent des offices de tourisme régionaux en France) a permis de recevoir une mine
d’informations sur les initiatives qui existent dans chaque région, d’identifier ainsi les acteurs clé
à contacter et les zones géographiques propices à ce type de démarche. L’inconvénient majeur est
que les ATR font la promotion de leurs membres uniquement, et qu’il existe de nombreuses
structures, souvent de petite taille, totalement indépendantes et n’appartenant à aucun réseau, qui
ont des démarches responsables, mais qui du coup ne sont répertoriées nul part. A nous donc de
les débusquer, par le bouche-à-oreilles, par des rencontres, par des recherches sur Internet, etc.
Une fois qu’un certain nombre de partenaires potentiels a été identifié, une première prise de
contact a lieu, par courriel ou par téléphone. Cela permet de tester la réactivité de la personne, de
voir si le projet l’intéresse ou non, de créer surtout un premier lien qui permet d’établir la
confiance.
Cela permet également de repérer les partenaires potentiels géographiquement pour organiser des
visites de terrain.
Les visites de terrain
Les visites de terrain sont l’occasion de rencontrer en personne la personne ressource contactée
lors de la recherche de partenaire, et de se rendre compte réellement de la situation. On peut
poser toutes les questions que l’on veut et l’on peut vérifier la véracité de l’information fournie
en demandant de visiter les lieux.
Pour le moment, je n’ai pas eu l’occasion de faire beaucoup de visites de terrain pour ce qui
concerne l’écotourisme et le tourisme solidaire. J’ai fait de nombreuses visites d’hôtel à Montréal
afin de mieux connaître nos partenaires habituels et de pouvoir mieux renseigner nos clients sur
les hébergements qu’ils choisissent : la plupart ont mis en œuvre quelques actions écologiques,
mais avouent avoir encore beaucoup de chemin à parcourir. On constate malgré tout que la
plupart des hôteliers prennent maintenant en compte l’environnement dans leur politique, et les
actes finiront bien par suivre le discours.
J’ai tout de même visité quelques structures écotouristiques qui proposent hébergement rustique
et activité de pleine nature non motorisée, ce qui a priori correspond à la vision générale que les
gens se font de ce type de tourisme (confort rudimentaire), mais d’autres visites sont prévues
dans des hôtels et auberges de qualité.
J’ai également assisté à une cérémonie Amérindienne sur un site reconstitué, animée par un Chef
Médecin reconnu ici. Bien que reconstitué, c’est un site peu fréquenté par les touristes, destiné
51
plutôt à une clientèle en quête de ressourcement, et qui permet le dialogue avec ce fameux Chef
Médecin. On peut légitimement s’interroger sur l’authenticité du lieu, mais il ne faut pas oublier
que ces terres appartenaient avant aux Peuples des Premières Nations, et que ce terrain était
probablement habité...
Ces visites permettent de confirmer ou non l’intérêt réciproque pour continuer le projet et bâtir
ensemble un partenariat. Partenariat qui aboutit logiquement à l’introduction de la structure en
question dans un circuit écotouristique, puisque le but est de la promouvoir et donc de lui
apporter de la visibilité internationale et de la clientèle.
La conception de circuits
Ce sont avant tout les hébergements qui vont déterminer l’itinéraire d’un circuit.
Une fois que les hébergements sont sélectionnés, il est relativement simple de trouver des
prestataires d’activités ; au vu du nombre de parcs nationaux et de réserves protégées sur le
territoire québécois, et canadien, les activités écotouristiques ne manquent pas.
Il suffit ensuite de monter le circuit étape par étape, en prenant en compte le transport,
l’hébergement, la restauration, les activités. Ensuite, on envoie le programme à l’agence qui
transmet le tout au client final.
La conception de critères fait également partie intégrante du projet au quotidien.
52
3.3. La mise en place de critères
S’inspirer de ce qui existe déjà
Parallèlement à la recherche de partenaires et aux visites de terrain, la mise en place de critères
pour notre charte est nécessaire pour que les partenariats éventuels prennent corps.
Pour ce faire, nous pouvons déjà commencer par les chartes qui existent déjà et nous en inspirer,
souligner les critères récurrents, déterminer les cibles de ces chartes...
Soumettre les critères aux partenaires
Nanuq Aventure a quelques partenaires privilégiés à qui il est possible de présenter les critères
autour d’une table ronde afin d’avoir un premier retour sur leur crédibilité et surtout sur leur
caractère réalisable ou non. Selon leur réaction, nous serons amenés à modifier ou améliorer le
contenu de la charte pour qu’elle soit la plus juste et la plus réaliste possible.
Une fois cette première réunion effectuée, nous pourrons convier tous les partenaires potentiels
intéressés dans le cadre d’une conférence organisée par Nanuq Aventure afin de leur présenter le
projet, comme expliqué plus haut. Nous pourrons ainsi concrétiser les partenariats, et mettre en
œuvre concrètement le projet. Nous sommes bien sûr ouverts à toutes les remarques et critiques
constructives, que nous prendrons en considération, mais nous savons également ce que nous
voulons.
Organiser des audits externes par un organisme indépendant
Nos fournisseurs partenaires ont signé la charte, ils se sont engagés avec nous dans une démarche
de tourisme responsable : les actes doivent respecter l’engagement. Comme nous l’avons
expliqué plus haut, il est impératif que ce soit un organisme indépendant qui effectue les audits
pour vérifier le respect des critères et l’amélioration des pratiques.
Nous avons pour le moment fait appel à plusieurs organismes. D’après nos entretiens, ils sont
tous très intéressés par cette approche, qui constitue une première ici au Québec. Ils nous ont tous
fait des devis, approximatifs, car ils ont besoin de plus d’éléments sur notre charte afin de nous
envoyer une proposition précise. Nous devons donc patienter encore avant de faire appel à eux, le
temps de finaliser la charte.
Les organismes pouvant répondre à notre demande sont de nature très variée : entreprise privée,
association, réseau associatif...
53
Ils peuvent nous offrir une prestation sur mesure, c’est-à-dire un audit de chaque partenaire une
fois par an, ce qui serait l’idéal. La première visite serait a priori la plus complète et la plus
longue, les suivantes seraient des visites de contrôle. Il y aurait de nouveau une visite très
complète tous les 3 ou 5 ans (à nous de déterminer) pour que notre certification ne soit pas
uniquement un formulaire à remplir lors de la première adhésion, mais bien le reflet d’une
véritable démarche responsable, sans cesse remise en cause afin de l’améliorer toujours.
Les coûts sont également très variables, à nous donc de trouver la solution la plus satisfaisante.
3.4. Les freins dans la mise en place du projet
Intégrer un projet de long terme dans le quotidien
C’est sans doute la plus grande difficulté : dans un quotidien où l’urgence est de mise, il faut
réussir à dégager du temps pour travailler sur un projet de long terme. Pourtant, ce n’est pas
toujours évident : il paraît logique que quand l’on doit envoyer une proposition pour le lendemain
à un client, c’est sur ce travail là que l’on va se concentrer. Si l’on répond plus rapidement, cela
permet également de consacrer plus de temps aux projets de chacun : écotourisme,
communication, thématiques que l’on souhaite développer (par exemple croisières, agrotourisme,
etc.), etc.
Pour le moment, cela prend du temps à être mis en place, mais comme j’intègre l’équipe dès la
fin du stage comme employée pour continuer le projet, cela laisse évidemment plus de
perspective dans le long terme et je peux donc être mobilisée cet été sur le travail mentionné cidessus.
Intégrer le projet dans une logique économique
Les principes du développement durable allient en principe harmonieusement l’environnement,
l’économie et l’éthique. En théorie, c’est fantastique. Mais la réalité peut vite nous rattraper. Il
faudra du temps pour que le projet soit définitivement un allié de la logique économique. Ce
n’est absolument pas impossible, mais il faut prendre en compte certains paramètres
incontournables : l’entreprise doit bien vivre, et c’est d’abord au niveau économique qu’elle va
faire des choix. Et les choix économiques peuvent parfois entrer en contradiction avec le projet.
Par exemple, l’entreprise a besoin de « gagner » des groupes plutôt de type « économique »,
c’est-à-dire des budgets bas ou moyen de gamme, et des voyages en autocar. Ces groupes
54
permettent d’alimenter le besoin en fonds de roulement de l’entreprise, de la faire vivre. Cette
clientèle est pour le moment indispensable. Et pour attirer cette clientèle, nous faisons appel non
pas à des fournisseurs soucieux de l’environnement, mais d’abord à ceux capables de fournir le
meilleur tarif. Car c’est d’abord et avant un tout un prix attractif que ces clients recherchent, et si
la concurrence fait mieux, eh bien c’est à la concurrence qu’ils s’adresseront. Et si les
fournisseurs qui sont les plus compétitifs sont les plus pollueurs, nous n’avons pour le moment
guère le choix. A moyen terme, le but est de négocier avec quelques partenaires privilégiés. A
plus long terme, le but est aussi de revenir essentiellement à une clientèle plus haut de gamme,
que nous traitons déjà. Là, c’est la même chose, mais sous un autre angle : comme ce sont
généralement des clients qui veulent du très haut de gamme, de l’exclusif, ils vont choisir des
produits tels que des transferts en 4x4 ou limousine au lieu du bus, des survols en hydravion, ou
en hélicoptère, etc. Certes, la compensation carbone de ces voyages est possible, certes nos
fournisseurs sont de plus en plus soucieux d’acheter du matériel de plus en plus performant sur le
plan écologique, de privilégier des carburants moins polluants, etc., mais n’importe quel
détracteur pourra utiliser cet argument. Cependant, Nanuq Aventure a des partenaires qui lui font
entièrement confiance pour commercialiser leurs produits, et la logique est donc délicate. De
plus, il ne faut pas virer dans l’extrémisme écologique et renoncer à toute forme de technologie
motorisée ou autre : il est certain que nous n’empêcherons jamais les gens de rêver à de
lointaines destinations, même s’il est clair que le tourisme local est une alternative très
satisfaisante, et il faut savoir conjuguer avec son temps. Si nous utilisons des transports
motorisés, qui polluent, on peut essayer certes de réduire leur utilisation, mais on peut aussi
essayer d’optimiser leur utilisation, favoriser des technologies moins polluantes, moins
bruyantes, etc. Surtout que ces prestataires d’activités ou transporteurs créent aussi de l’emploi,
donc ce qui est positif d’un côté peut avoir des conséquences négatives de l’autre.
Intégrer le projet dans une logique financière
On peut avoir le projet du siècle, s’il n’est pas réalisable sur le plan financier, il ne pourra jamais
être mis en œuvre. Il doit donc impérativement s’inscrire dans une logique financière pour
permettre sa réalisation. Cela peut passer par l’investissement de capitaux propres, la recherche
de subventions.
A priori, les coûts du projet concernent :
La validation de la charte par une personne compétente au niveau juridique, comme un
avocat
55
Les audits auprès des signataires, les coûts ne sont pas encore définis
Les projets que Nanuq Aventure souhaite soutenir et financer en partie, là ce sera au cas
par cas
Nous en parlerons dans la partie 4, mais nous allons entamer une démarche de recherche de
financements.
Intégrer le projet dans une logique concurrentielle
On l’a vu, le tourisme est un secteur toujours en mouvement. Si une entreprise a un concept
innovant, il y a de fortes probabilités pour qu’il soit copié et repris peu de temps après.
Le concept de la charte étant relativement nouveau au Québec, et surtout face à la demande
croissante de la clientèle (européenne notamment) quant aux initiatives « vertes », c’est
pratiquement sûr que les concurrents directs de Nanuq Aventure vont à un moment ou un autre
mettre en place une politique de tourisme responsable. Durant toute la phase de conception et
mise en œuvre du projet, il faut donc veiller à ne pas dévoiler trop d’informations. Le monde du
tourisme est petit, tout le monde se connaît, et une information peut rapidement se propager. Lors
de la prise de contact avec les ATR, avec les structures, il fallait trouver un moyen d’en dire
suffisamment sans trop en dire.
De plus, comme pour la logique économique, Nanuq Aventure doit rester une entreprise
compétitive. Les produits qu’elle développe, en plus d’être rentables, doivent aussi correspondre
à un marché, à une demande, à une cible. On l’a analysé tout au long de ce rapport, le potentiel
écotouristique du Québec est certain. Il faut créer des produits qui puissent répondre aux attentes
tout en restant attractifs et donc compétitifs.
Difficulté de communication auprès du client final
Nanuq Aventure est une agence de tourisme réceptif, et ses clients sont les agences de voyages
ou les tours opérateurs. Nous ne traitons jamais en direct avec les clients finaux. D’où la
difficulté de leur communiquer des informations sur notre projet. Nous savons que nos clients
sont très demandeurs de démarches comme la nôtre, mais ils doivent également se constituer en
relais de Nanuq Aventure et diffuser l’information auprès du client final, pour l’aider dans son
choix. Si le client final n’a absolument aucune idée de nos actions, pourquoi choisirait-il un
voyage de notre griffe plutôt que de celle d’un concurrent ? Nous avons vu précédemment que si
le client a pourtant connaissance d’une démarche volontaire et responsable de l’entreprise, cela
l’aidera sans aucun doute dans sa décision finale.
56
Même si les commerciaux de Nanuq Aventure rencontrent les agences et TO en France et
peuvent leur exposer le projet de vive voix et en face-à-face pour plus d’impact, si ces derniers ne
relaient pas l’information, il sera difficile d’en informer nous-mêmes le client final.
On peut constater que malgré les freins, le projet d’écotourisme et de tourisme solidaire de
Nanuq Aventure a pris beaucoup d’ampleur au cours de ces derniers mois. Au bout de six mois,
il est temps de faire le bilan, d’analyser les résultats et de faire des préconisations.
57
4. Bilans et résultats, préconisations
4.1. Le projet à long terme : perspectives
Création d’une association
Au cours de ces derniers mois, du début de la réflexion jusqu’à maintenant, le projet
d’écotourisme et de tourisme solidaire de Nanuq Aventure a pris beaucoup d’ampleur et ouvert
de nombreux champs d’action et perspectives.
Au départ, il était simplement question de soutenir des associations ou organismes à but non
lucratifs dans le domaine de la protection des animaux, de l’environnement, ou autre ayant un
rapport avec la philosophie de Nanuq Aventure. Le don financier est l’action la plus simple à
mettre en place, cependant elle est relativement impersonnelle et n’implique pas beaucoup celui
qui l’effectue. De plus, il est très difficile de savoir quels projet sont financés avec les dons, et la
répartition de ces derniers n’est pas toujours transparente selon les organismes.
Nous avons d’abord contacté des associations connues mondialement, mais ce sont des énormes
structures qui agissent à l’échelle internationale, de taille bien trop disproportionnée par rapport à
celle de Nanuq Aventure. Par exemple, l’une de ces associations exige de n’importe quelle
entreprise un montant de minimum 25 000 dollars canadiens, juste pour pouvoir utiliser son logo.
L’association ne tient compte ni de la taille de l’entreprise ni de son chiffre d’affaires pour le
montant imposé. Il paraît évident qu’un partenariat s’avère impossible dans ces conditions.
Nanuq Aventure se tourne plus vers des organismes de taille similaire, qui permettra un véritable
échange et un véritable suivi. Si de tels partenariats se créent, il sera alors plus facile pour Nanuq
Aventure de s’impliquer concrètement dans les actions de l’organisme en question et de fournir
un suivi aux clients qui décident de soutenir aussi l’action.
Outre la volonté de soutenir des projets externes à Nanuq Aventure, nous avons également
réfléchi aux sources de financement de ces projets. Ils peuvent être de plusieurs natures :
Proposition au client de participer financièrement à l’un des projets, mais cela pose des
difficultés de suivi de projet comme expliqué ci-dessus,
Part de financement intégrée automatiquement au prix du voyage, mais dans le contexte
où nous devons proposer sans cesse des tarifs toujours plus compétitifs, cela paraît
utopique,
58
Pourcentage de la marge prélevé et destiné au soutien des projets externes, cela paraît une
solution satisfaisante, d’autant que ce n’est pas le client final qui supporte la différence
tarifaire, mais bien l’entreprise. C’est également une marque supplémentaire de son
engagement : elle est prête à consacrer une part de son chiffre à des projets qui lui
tiennent à cœur.
Subventions et financements externes
Evidemment, il est possible de combiner plusieurs de ces possibilités.
Finalement, l’idée de création d’une association sans but lucratif est née au cours des différentes
discussions. Elle serait constituée d’un comité décisionnel composé de divers acteurs du tourisme
et autres domaines, et permettrait de soutenir financièrement nos partenaires via des projets
concrets.
A ce niveau, nous en sommes encore à l’étape de la réflexion et tout reste à faire.
Recherche de subventions
La recherche de subventions et financements fait partie de la prochaine étape et de ma mission
principale des prochains mois. Pour réaliser un projet, il est important de pouvoir le financer.
Même si Nanuq Aventure fait des efforts sur ses marges lors de la vente de circuits
écotouristiques, propose aux voyageurs de participer financièrement, ce n’est pas suffisant. En
effet, si l’on veut pouvoir soutenir nos partenaires et des projets externes, c’est indispensable de
trouver des subventions. Entre le coût des audits auprès des fournisseurs, puisqu’il n’y a pas de
raison que ce soit eux qui en supportent le coût, les aides financières pour améliorer leurs
pratiques ou financer leurs rénovations / nouvelles constructions, les projets externes…, Nanuq
Aventure pourra difficilement supporter tous ces coûts seule, alors qu’il existe des possibilités de
financements externes.
Développer le projet dans les autres provinces du Canada
Le projet d’écotourisme et de tourisme solidaire de Nanuq Aventure s’est principalement
concentré sur le Québec, province où les partenariats les plus solides ont été établis et où la
plupart des séjours organisés par Nanuq Aventure se déroulent.
Mais parallèlement au développement des autres régions, nous avons parlé de l’Ontario et de la
Colombie Britannique, les deux provinces les plus touristiques du pays avant le Québec, il paraît
logique que la démarche de tourisme responsable va également s’étendre à ces zones
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géographiques. Toutes les étapes que nous avons évoquées au long de ce rapport seront donc de
nouveau mises en œuvre, à commencer par la recherche de partenaires.
4.2. Bilan et résultats, préconisations
Le bilan du stage est très positif. Tous les objectifs de départ n’ont pas forcément été remplis,
mais les raisons ont été expliquées tout au long de ce rapport : le projet a pris de l’ampleur, j’ai
été mobilisée sur des missions parallèles car il a été convenu assez tôt finalement de ma
continuation au sein de Nanuq Aventure, etc. Toutes les bases ont bien été posées pour
appréhender l’avenir du projet avec sérénité, les étapes ont été identifiées…
Le projet de Nanuq Aventure a un fort potentiel de développement : il anticipe une demande
claire et correspond à des attentes précises, il contribue à l’amélioration des pratiques au sein de
l’entreprises et chez les partenaires, il solidifie un réseau de partenaires privilégiés et fiables, etc.
Pour autant, un gros travail reste à fournir, auprès des entreprises québécoises notamment : avoir
conscience de la fragilité de ses ressources quand elles paraissent inépuisables est un travail de
longue haleine. L’accompagnement auprès des partenaires dans leur démarche devrait y
contribuer. Quand la charte aura été finalisée et que les premiers tests auront été effectués, il
conviendra de communiquer sur le projet. Un positionnement clair et cohérent sera la garantie de
la crédibilité de Nanuq Aventure sur le marché de l’écotourisme et du tourisme solidaire, avec
des résultats concrets à pouvoir avancer.
Il est certain que les résultats attendus se feront ressentir à moyen voire long terme. La
production en catalogue pour toute l’année 2009 des tours opérateurs et des agences de voyages
est déjà terminée, ce qui fait que notre production de circuits écotouristiques ne sera pas dans les
brochures de nos clients avant 2010, d’autant qu’un important travail de communication pour
convaincre les clients de Nanuq Aventure et les clients finaux d’acheter des voyages
responsables est à prévoir. Pour cela, la responsable de la communication ainsi que les
commerciaux en France se constitueront en relais du projet en interlocuteurs privilégiés.
Les résultats à court terme que nous pouvons analyser sont probants et concernent dans
l’immédiat les retours des fournisseurs contactés, des ATR, etc., qui sont tous unanimes sur
l’intérêt qu’un tel projet présente.
Sur le plan personnel, ce stage a également été très positif. Il m’a permis d’une part d’acquérir
une nouvelle expérience très riche dans un pays à la fois cousin et étranger, de vivre dans un
60
nouvel environnement, d’adopter un nouveau mode de vie, dans une ville très riche par sa
diversité culturelle et ethnique, et qui m’a impressionnée par sa tolérance et son ouverture
d’esprit. D’autre part, j’ai eu la chance de travailler au sein d’une équipe conviviale et
chaleureuse sur un projet particulièrement intéressant où j’avais des responsabilités. Le projet
était embryonnaire lors de mon arrivée et je dirais presque que j’ai eu carte blanche pour le
développer. J’ai ainsi pu mettre à profit mon autonomie et mon sens de l’organisation, tout en
appréhendant la réalité du terrain et du monde du travail dans le tourisme. De plus, ce type de
mission s’inscrit dans la droite lignée de mon projet professionnel, et le fait de pouvoir prolonger
cette expérience et de continuer le projet amorcé constitue pour moi une grande reconnaissance
du travail que j’ai accompli au cours de ces derniers mois.
Ma mission a été très enrichissante, à de nombreux points de vue : j’ai appris à conduire un projet
de manière relativement autonome et à procéder par étapes - travail minutieux de documentation,
recherche de partenaires, constitution de la charte… - puis à m’adapter à la réalité du terrain,
revoir les échéances en fonction des avancées, des réflexions, de l’évolution du projet, rencontrer
des professionnels. J’ai beaucoup appris au cours de ces six derniers mois, et la vie en entreprise
m’a donné l’occasion de mieux appréhender les codes relationnels avec les clients, les
fournisseurs, de me découvrir de nouvelles compétences, en production et négociation par
exemple.
Travailler au service groupes m’a également permis de prendre conscience d’une certaine réalité
liée au marché, qui peut parfois entrer en contradiction avec nos idéaux, et de parvenir ainsi à
aborder la question du tourisme responsable sous un autre point de vue, plus en phase avec la
réalité économique des entreprises.
Je me suis vraiment impliquée personnellement dans ce projet qui correspond à mes convictions
personnelles : c’est très important pour moi d’entreprendre des actions qui donnent un sens à
notre travail, à notre vie, d’être en accord avec nos convictions, avec nous-mêmes, et j’espère de
tout cœur pouvoir atteindre cet objectif dans ma future vie professionnelle. C’est bien parti.
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Conclusion
En s’engageant dans une démarche de tourisme responsable, Nanuq Aventure se positionne sur
un marché prometteur et sur une destination qui a un potentiel énorme au niveau de
l’écotourisme combiné avec des thématiques Amérindiennes authentiques.
En effet, le Canada, et plus particulièrement le Québec dans notre cas, est le pays des grands
espaces où la nature a toute sa place, et est la terre de civilisations très anciennes. Protéger ce
patrimoine tout en le mettant en valeur, par le tourisme notamment, apparaît comme un défi, si ce
n’est une obligation. Un territoire dénaturé, pollué est vite déserté et ne constitue plus ni une
attraction touristique, ni un lieu de vie attrayant pour les habitants.
Nanuq Aventure l’a bien compris et a la volonté de développer un tourisme intelligent, loin du
tourisme de masse et ses dérives, en mettant en œuvre une politique ambitieuse, qui implique non
seulement l’entreprise elle-même, mais aussi ses partenaires privilégiés au niveau des
fournisseurs et des clients. Nanuq Aventure veut démontrer qu’avec une vision commune entre
l’entreprise et ses partenaires, nous pouvons améliorer les pratiques actuelles et intégrer
l’environnement et l’éthique dans la gestion quotidienne de chaque structure, en réalisant des
gestes parfois simples, en révisant notre politique d’achat, notre plan de formation du personnel,
en informant la clientèle, etc. Autant de mesures qui se retrouvent dans la charte interne que nous
avons développée et que l’on doit valider, qui signe l’engagement de Nanuq Aventure en faveur
du développement durable pour développer ses produits écotouristiques et de tourisme solidaire.
Qu’est-ce que cela implique concrètement ? Aujourd’hui, il existe une prise de conscience réelle
sur l’importance du tourisme durable, aussi bien pour les populations locales que pour
l’environnement, les microprojets et projets se multiplient, des marchés se créent : on progresse
lentement, de plus en plus d’entreprises transcrivent par écrit leurs engagements pour plus de
crédibilité et de transparence. L’engagement apparaît comme une valeur sûre permettant d’ouvrir
de nouveaux marchés et de les pérenniser, en apportant la confiance nécessaire pour le client ;
encore faut-il que toutes les structures puissent afficher des mesures concrètes, des résultats
probants au bout d’un certain temps, fassent appel à des contrôles externes pour la véracité de
leurs engagements, etc. Ce que Nanuq Aventure s’engage à faire et à démontrer dans les mois à
venir.
Mais sans une réelle volonté politique qui accompagne l’engagement des entreprises, les
avancées économiques, sociales, environnementales, vont être longues à se faire ressentir.
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Bibliographie
Livres
W. Freyer und K. Scherhag, Zukunft des Tourismus, FIT-Verlag Dresden, 1996
A.Viegas, Okomanagement im Tourismus, R. Oldenbourg Verlag München Wien, 1998
Françoise Perriot, Pour voyager autrement, Agir, le guide des nouvelles solidarités, Le
pré aux clercs, 2005
Christiane Gagnon et Serge Gagnon, L’écotourisme entre l’arbre et l’écorce, de la
conservation au développement viable des territoires, Presses de l’Université du Québec,
collection tourisme, 2006
Revues
Le tourisme autrement, Alternatives Economiques, Pratiques n°33, Mars 2008
TER Durable magazine, Tourisme Equitable, Responsable et durable, n°2, Mai 2008
Etudes
Le défi du tourisme Autochtone : gérer la croissance, communiqué de la commission
canadienne du tourisme, n°11, décembre 2000
Nature et Tourisme, l’écotourisme au Québec en 2002, Tourisme Québec, 2002
Etude sur la valeur économique de l’écotourisme et du tourisme d’aventure, Aventure
Ecotourisme Québec, 2004
Le tourisme solidaire vu par les Français, Notoriété, image et perspectives, Union
Nationale des Associations de Tourisme et de Plein Air (UNAT), mars 2005
Le tourisme en chiffres 2006, Tourisme Québec, 2006
Sites Internet et Newsletters
www.unwto.org : organisation mondiale du tourisme
www.tourisme-durable.net : de nombreuses informations sur toutes les thématiques du
tourisme durable
www.tourismesolidaire.org : ATES Association pour le Tourisme Equitable et Solidaire,
informations sur les acteurs et les projets
www.veilletourisme.ca : Globe Veilleur, réseau de veille québécois en tourisme, de
nombreux articles sur les sujets de mon stage.
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www.quotidiendutourisme.com : site français pour les professionnels du tourisme, de
nombreuses informations sur la concurrence, la demande des clients, les tendances du
tourisme.
www.tourmag.com : portail à destination des professionnels du tourisme
www.bnq.qc.ca : Bureau de Normalisation du Québec, informations sur les certifications
dans le tourisme
www2.ademe.fr : Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie
Film
Le Peuple Invisible, de Richard Desjardins, 2007
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