Je suis invincible - National Magazine Awards

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Je suis invincible - National Magazine Awards
en couverture
Je suis invincible,
mais je me soigne !
Les hommes meurent plus jeunes
que les femmes. Et se tiennent loin
des médecins. Heureusement, les
mentalités commencent à changer
au pays des mâles.
par J o nat h a n Tr ud e l
L
es vrais hommes ne pleurent pas. C’est bien
connu. Pas plus qu’ils ne se préoccupent de
leur santé. « Ils attendent d’être en état de crise
avant de consulter, et quand ils le font, ils n’écoutent
pas leur médecin », dit le Dr Jean Drouin, qui exerce
depuis plus de 30 ans à Québec. Mais le vent est
peut-être en train de tourner, selon cet expert en
santé des hommes.
Quand il a prononcé sa toute première conférence
sur le sujet, au début des années 1990, il n’y avait
dans l’assistance… que des femmes ! « Les hommes,
eux, étaient assis au bar », se souvient l’omnipraticien.
Une quinzaine d’années plus tard, les conférences
qu’il donne dans les locaux de sa clinique, à
L’Ancienne-Lorette, attirent autant d’hommes que
de femmes. « Ils sont souvent assis à l’arrière de la
salle, mais au moins, ils sont présents. »
« Moi, malade ? Jamais ! » se disent encore beaucoup
d’hommes. Mais leur carapace commence à se
lézarder, constate l’endocrinologue Jean Mailhot,
fondateur d’une clinique de Laval où l’on traite
l’andropause. « On est en train de vaincre cette culture
occidentale de l’homme invincible. »
suite à la page 27 ‚
photo de Jocelyn Michel
24
l’actualité 1ER AVRIL 2009
Comment entretenir
sa machine ?
Un guide de santé
pratique et interactif !
lactualite.com/
sante
La recherche a-t-elle
un sexe ?
À la demande du ministère
québécois de la Santé, le
coordonnateur du dossier de la
santé et du bien-être des
hommes, Michel Lavallée, a conçu
un ambitieux plan d’action. Le
document, dont L’actualité
médicale a obtenu un exemplaire,
propose entre autres de mieux
« soutenir les ressources pouvant
répondre aux besoins spécifiques
des hommes en difficulté ». Deux
ans après le dépôt de la première
version de ce plan, le ministre
Yves Bolduc, qui a succédé à
Philippe Couillard, n’y a pas
encore donné suite. L’attachée de
presse d’Yves Bolduc, Marie-Ève
Bédard, admet qu’aucune somme
n’a encore été allouée à la mise
en œuvre du plan d’action.
Gilles Rondeau, coauteur du
rapport sur la santé des hommes,
y voit l’influence de certains
groupes de femmes (dont la
Fédération des femmes du
Québec), qui avaient vertement
critiqué ce rapport, en 2004, dans
une analyse intitulée « Comment
fabriquer un problème ». Ces
groupes mettaient notamment
en lumière le fait que les hommes
occupent, encore aujourd’hui,
une position de pouvoir dans
la société.
« Il faut arrêter ces querelles
idéologiques stériles, dit Gilles
Rondeau. Nous sommes
favorables au féminisme et nous
ne voulons surtout pas enlever
des ressources aux femmes. Nous
voulons seulement combler le
manque de ressources pour les
hommes et qu’on s’ouvre un peu
plus à leurs réalités. »
1ER AVRIL 2009 l’actualité
25
Il est grand temps, dit le Dr Harvey
B. Simon, professeur à la Faculté de
médecine de l’Université Harvard. « Peu
d’hommes vont s’en rendre compte, et
encore moins l’admettre, mais les hommes
sont le sexe faible. » Bien sûr, ils ont une
plus grosse ossature, ils sont plus musclés
et ils courent plus vite. Mais en matière
de santé, les femmes sont — et de loin
— les plus fortes.
Dans la plupart des pays, les hommes
vivent moins longtemps que les femmes
(l’écart est de cinq ans en moyenne au
Canada). Ils succombent plus souvent
— et à un plus jeune âge — à des maladies
cardiovasculaires, au cancer ou au sida,
ils sont les champions incontestés des
accidents de la route ou du travail ainsi
que du suicide, et ils sont plus fréquemment victimes d’homicide.
Aussi préoccupantes soient-elles, ces
données n’ont longtemps suscité, au
mieux, qu’un haussement d’épaules.
Comme si les hommes étaient biologiquement programmés pour mourir prématurément. L’Autrichien Siegfried
Meryn a été l’un des premiers à sonner
l’alarme. En 2001, ce professeur de médecine de l’Université médicale de Vienne
a publié, dans le British Medical Journal,
un article-choc sur la crise silencieuse
qui affecte les hommes, dans lequel il se
demandait si ceux-ci n’étaient pas en voie
d’extinction ! « Je m’inquiétais de l’écart
grandissant entre l’espérance de vie des
hommes et des femmes depuis le début
du 20e siècle et je voulais provoquer un
débat », explique-t-il. Pari réussi.
Quelques semaines plus tard, il organisait, à Vienne, le premier Congrès mondial sur la santé des hommes, dans le but
avoué de secouer la communauté médi-
JE SUIS INVINCIBLE, MAIS JE ME SOIGNE !
creasource / corbis
en couverture
Peu d’hommes vont l’admettre, mais
ils sont le sexe faible. Ils ont plus
de muscles, mais en matière de santé,
les femmes sont les plus fortes.
cale et scientifique. « Ça paraît incroyable de professionnels de la santé — dont le
aujourd’hui, mais il y a une trentaine tiers sont des femmes — se rendront à
d’années, très peu de gens s’intéressaient Vienne pour participer à son neuvième
à la santé des femmes, dit-il. On tenait Congrès. Ils aborderont des sujets aussi
pour acquis que les hommes et les femmes variés que la santé mentale, les troubles
avaient essentiellement les mêmes pro- érectiles et les différences biologiques
blèmes de santé. » Grâce au féminisme, entre le cerveau des hommes et celui
des sujets autrefois obscurs, comme la des femmes.
Faut-il s’en surprendre ? En santé comme
ménopause ou le cancer du sein, font
désormais partie des priorités des experts en amour, les hommes et les femmes ne
en santé publique. « À nous, les hommes, viennent pas de la même planète. Ils ne
meurent pas des mêmes types de cancers,
de nous inspirer de ce mouvement. »
Huit ans plus tard, Siegfried Meryn n’ont pas les mêmes comportements, ne
n’est pas peu fier du chemin parcouru. recourent pas aux soins de santé de la
En octobre prochain, plus d’un millier même façon. Ils réagissent différem- ‚
en couverture
JE SUIS INVINCIBLE, MAIS JE ME SOIGNE !
Le succès de la presse masculine
Un homme peut-il se préoccuper de son bien-être sans compromettre sa virilité ?
Un des plus grands succès de l’industrie des magazines ces dernières années prouve
que oui. D’abord destiné au marché des États-Unis, Men’s Health Magazine compte
aujourd’hui trois douzaines d’éditions internationales et des dizaines de millions de
lecteurs. La recette ? Une version sauce testostérone de celle qui a fait la fortune
de la presse féminine.
« Les gens se soucient de plus en plus de leur santé… mais ils en prennent de
moins en moins soin », note Rémi Attuyt, rédacteur en chef de l’édition française de
Men’s Health. Son magazine veut contrer cette tendance. Avec des conseils pratiques
pour « booster votre corps », obtenir des « abdos d’enfer » ou « emmener sa douce au
septième ciel », mais aussi avec des textes sur les finances personnelles ou la
psychologie. « Aujourd’hui, l’homme n’a pas besoin de gros muscles, mais il doit
être solide sur les plans psychologique et financier. C’est ce qu’on attend de lui.
L’homme n’a pas le droit d’aller mal. Ce serait un aveu de faiblesse... »
Bouffées de chaleur, baisse du désir
sexuel, manque d’énergie : les patients
du Dr Jean Drouin présentent souvent
les mêmes symptômes que les femmes
en ménopause. « La différence, c’est
que, contrairement aux femmes, ils ne
comprennent pas ce qui se passe dans
leur corps, précise cet omnipraticie­n de
Québec. C’est insidieux : ils ont moins
d’énergie au tennis ou au lit et se
disent : “Je vieillis.” » Très peu
d’homme­s se rendent compte qu’ils
vivent en fait les contrecoups de la
diminution de leur taux de testostérone
— chez l’homme, la sécrétion de cette
hormone masculine baisse d’environ
1 % par année dès l’âge de 30 ans.
À la différence de la ménopause,
l’andropaus­e (les médecins préfèrent
le terme, plus précis, d’hypogonadisme
acquis) reste largement méconnue du
public. Pourtant, autant d’hommes que
de femmes — de 30 % à 50 % —
présenten­t des symptômes importants,
qui surviennent généralement pendant
la cinquantaine. « Certains de mes
patients ont des bouffées de chaleur si
intenses qu’ils doivent parfois changer
leurs draps en pleine nuit tellement
ceux-ci sont trempés », dit Jean
Mailhot, endocrinologue et président
de l’Institut de ressources médicales
en andropause du Québec.
Ce spécialiste de la santé masculine
a fondé, il y a 10 ans, le Centre
d’andropause de Laval. Il a depuis
prescrit des thérapies de
remplacemen­t de la testostérone dans
le sang à plus d’un millier de patients.
« Beaucou­p d’entre eux avaient
consulté plusieurs médecins, avaient
28
l’actualité 1ER AVRIL 2009
Robin Bartholick / CORBIS
La ménopause des hommes
subi divers bilans de santé et avaient
pris des antidépresseur­s avant de venir
me voir, pour finalement s’apercevoir
qu’ils étaient en andropause.
L’hormonothérap­ie a réglé leurs
problèmes presque instantanément.
Imaginez tout le gaspillage de temps
et d’argent qui aurait été évité si on
avait diagnostiqué leur andropause
plus tôt ! »
Trop de médecins sont encore
incapables d’interpréter les
symptôme­s de l’andropaus­e, dit Jean
Mailhot, qui milite pour que le sujet
soit enseigné dans les facultés de
médecine. L’andropause demeure une
question controversée : une partie du
corps médical considère que ce n’est
pas un véritable trouble médical,
mais le résultat normal du processus
de vieillissemen­t. L’Organisation
mondiale de la santé et le National
Institute of Health, aux États-Unis,
reconnaissent toutefois officiellemen­t
l’andropause depuis quelques années,
et la Fédération des médecins
omnipraticiens du Québec organise
des ateliers de formation sur ce sujet.
pour interpeller les pouvoirs publics. « Il
(une récente étude a démontré que l’aspi­ y a autant d’hommes qui meurent du
rine était beaucoup plus efficace pour cancer de la prostate que de femmes qui
prévenir les accidents cardiovasculaires succombent à un cancer du sein. Pourchez les hommes que chez les femmes). quoi, dans ce cas, y a-t-il trois fois plus
« Les hommes et les femmes ne sont pas d’argent et de ressources pour la recherche
pareils, et il faut en tenir compte dans les sur le cancer du sein et sa prévention ? »
Aux quatre coins du monde, des groupes
stratégies de prévention : leurs problèmes
médicaux sont si différents qu’ils doivent d’hommes se mobilisent pour sensibiabsolument être étudiés dans une perspec­ liser les pouvoirs publics à leur cause.
tive différente », dit Danielle St-Laurent, En 2005, les membres du Forum euroépidémiologiste à l’Institut national de péen pour la santé masculine, réunis à
Vienne, ont ratifié la première Déclarasanté publique du Québec.
Signe de l’intérêt grandissant de la
communauté scientifique, quatre chaires
d’études sur la santé des hommes ont vu
le jour ces dernières années dans des uni­
versités européennes. Plusieurs grandes
universités (dont Harvard) publient désor­
mais des lettres d’information sur la santé
au masculin, et l’Organisation mondiale
de la santé a récemment reconnu le bienfondé de l’analyse « sexospécifique ». Des
chercheuses ayant consacré l’essentiel de tion pour la santé masculine en Europe.
leur carrière à la promotion de la santé des « Afin d’améliorer santé publique et préfemmes ont même commencé à se pen- vention sanitaire, il est urgent de prendre
cher sur le sort des hommes. C’est le cas des mesures répondant expressément
de Marianne Legato, spécialiste réputée aux besoins de la santé masculine »,
de l’Université Columbia, à New York, qui écrivent les membres du Forum. Leur
vient de publier Why Men Die First (Pal- déclaration a été signée par des centaines
grave Macmillan), un ouvrage déjà consi- de parlementaires, de personnalités
déré comme une bible dans le domaine publiques et de groupes divers (comme
l’Union des associations européennes de
tout neuf de la santé masculine.
« La santé des hommes est enfin perçue football) de 35 pays. En 2006, sous la pré­
comme un enjeu important », se réjouit ­sidence de la Finlande, l’Union européenne
Siegfried Meryn. Le plus difficile reste a officiellement reconnu l’importance de
cependant à faire. Sa prochaine tâche : promouvoir la santé masculine. L’Irlande,
convaincre les gouvernements d’investir l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont
davantage dans la santé des hommes. adopté une politique sur la santé des
Même s’il refuse l’étiquette de militant hommes ou s’apprêtent à le faire. La Grande(« Je suis un scientifique », martèle-t-il), Bretagne, le Japon, la Malaisie, Singapour
le Dr Meryn profite de toutes les tribunes et la Russie y songent également.
‚ ment aux traitements et aux médicaments
Ces pays ont tous au moins un but en
commun : ils cherchent à offrir aux
hommes un meilleur accès au système
de santé. Car si les femmes ont leur
visite annuelle chez le gynécologue, les
hommes n’ont aucune porte d’entrée
semblable dans le réseau. « On doit
apprendre de l’expérience des femmes,
qui ont insisté pour que les programmes
soient mieux adaptés à leurs réalités »,
dit John Macdonald, qui dirige la chaire
de soins de santé primaires à l’Université
de Western Sydney (Australie). « Ne
Quatre chaires d’études sur la santé
des hommes ont vu le jour
au cours des dernières années
dans des universités européennes.
l’oublions pas, ce sont les États qui ont
ensuite normalisé et pris en charge les
mammographies préventives. »
Président de l’Australasian Men’s
Health Forum, organisme sans but lucratif actif en Australie et dans le reste de
l’Asie, John Macdonald est l’un des six
ambassadeurs que le gouvernement
australien a nommés pour l’aider à élaborer sa politique nationale de santé
des hommes. « Au lieu de culpabiliser
les hommes à cause de leur comportement, on devrait se demander ce qu’on
fait, concrètement, pour les encourager
à consulter un médecin », dit le professeur. Dans ses conférences, il donne
souvent l’exemple des baleines, jouant
sur la ressemblance, en anglais, entre
les mots baleines (whales) et mâles ‚
en couverture
(males). « Si des baleines s’échouaient
soudainement en grand nombre sur
nos côtes, on tenterait de comprendre
ce phénomène avant de les blâmer. Pourquoi n’a-t-on pas la même attitude envers
les hommes ? »
Francophile (il a étudié à l’Université
Saint-Paul, à Ottawa), John Macdonald
chantonne souvent le grand succès de
Georges Dor, « La Manic ». « Si tu savais
comme on s’ennuie / À la Manic / Tu
m’écrirais bien plus souvent / À la Manicouagan / […] Nous autres on fait les
fanfarons / À cœur de jour / Mais on est
tous de bons larrons / Cloués à leurs
amours. »
JE SUIS INVINCIBLE, MAIS JE ME SOIGNE !
« Pour moi, cette chanson illustre bien
la problématique de la santé des hommes.
Ces ouvriers, qui partaient de longs mois
sur des chantiers, le faisaient pour le
bien-être de leur famille. Avant de les
blâmer pour leur comportement ou leur
consommation d’alcool, a-t-on examiné
le contexte ? »
Les experts en santé publique le disent
depuis longtemps : l’environnement social
exerce une grande influence sur l’état de
santé. Au même titre que le revenu, l’éducation et les conditions de travail, le sexe
fait partie de la douzaine de « déterminants sociaux de la santé » reconnus par
suite à la page 32 ‚
le ministère de la
Des chiffres et des
types de cancer
(taux de mortalité pour 100 000 habitants,
selon la cause et le sexe, 2006)
Hommes
Femmes
Cancer du poumon
89
49
Cancer du côlon et du rectum
33
20
Cancer de la prostate
21
s.o.
Cancer du sein
s.o.
27
Cancer de la vessie (2002)
13
6
Ensemble des tumeurs
malignes
264
182
Barack Obama, un modèle pour les Américains
Pendant la campagne électorale, Barack Obama a promis
de s’attaquer au grave problème de l’obésité aux ÉtatsUnis. En attendant de mettre en œuvre son plan d’action
— la crise économique le tient plutôt occupé —, il prêche
par l’exemple. Si le président des États-Unis trouve le
temps de s’entraîner, ses compatriotes n’ont pas d’excuse
pour rester inactifs !
mortalité infantile
(taux pour 1 000 bébés
de moins d’un an, 2004)
Garçons : 5,4/1 000
Filles : 3,9/1 000
• Les bébés de sexe masculin courent 25 % plus
de risques que les bébés de sexe féminin d’être
hospitalisés à la suite d’un accident.
Le programme
d’entraînement d’Obama
• Le taux de mortalité à la suite d’un accident
est presque deux fois plus élevé chez les
garçons d’âge préscolaire que chez les filles.
Six jours par semaine,
à l’aube, il s’entraîne
pendant 45 minutes.
AP / Lawrence Jackson / Presse Canadienne
Il consacre une séance sur
deux à l’exercice aérobique
(ou cardio). Il court sur un
tapis roulant et enfourche
un vélo stationnaire.
Les jours de musculation,
il soulève des poids et
haltères et utilise divers
appareils pour renforcer
ses abdominaux, biceps,
triceps et autres attributs
présidentiels.
Pendant sa longue campagne, il a joué presque
quotidiennement au basketball avec son assistant
personnel, Reggie Love,
a n c i e n n e v e d e t t e d e Comme son prédécesseur à la présidence des
l’équipe de l’Université États-Unis, Barack Obama s’entraîne de façon
Duke. Il pourra continuer à régulière et il a décidé de cesser de fumer.
le faire sur le terrain de bas- Lorsque Bush lui a fait visiter la Maison-Blanche,
ket de la Maison-Blanche. c’est la salle d’entraînement qui l’a le plus séduit.
Sa nouvelle demeure
comprend aussi une salle d’entraînement intérieure (au troisième étage, près de la
salle de musique) et, à l’extérieur, un terrain de tennis, un de basketball, un vert
(pour le golf), une allée de quilles, une piste de jogging, une piscine et… un terrain
où jouer au jeu de fers.
30
l’actualité 1ER AVRIL 2009
diabète
(taux de prévalence
en 2004-2005)
Hommes : 7,5 %
Femmes : 5,7 %
comportements
PLUS à risque
Proportion de la population de 18 ans et plus
présentant un surplus de poids (2003)
Hommes
55 %
Femmes
39 %
Taux de mortalité par maladies associées
au tabagisme
(pour 100 000 habitants, 2006)
Hommes
293
Femmes
177
Nombre annuel moyen de décès par accidents
de véhicules à moteur (de 2000 à 2005)
Hommes
496
Femmes
201
Nombre annuel moyen de décès par
traumatismes non intentionnels
(de 2000 à 2005)
Hommes
1 209
Femmes
817
hommes
maladies
de l’appareil
circulatoire
(taux de mortalité pour 100 000 habitants,
selon la cause et le sexe, 2006
Hommes
Femmes
Cardiopathies ischémiques
117
68
Maladies vasculaires cérébrales
52
41
Maladies des artères
15
8
Ensemble des maladies
de l’appareil circulatoire
202
141
maladies
de l’appareil
respiratoire
Ensemble des maladies
de l’appareil respiratoire
(2003)
79
44
Les 10 emplois les
plus dangereux
sont occupés
par des hommes
Bûcheron, pêcheur,
marin, pilote,
monteur de
structures d’acier,
mineur, ouvrier de
la construction,
chauffeur et
livreur, agriculteur,
policier et gardien
de sécurité.
7,83
millions $
Subventions directes allouées
aux organismes communautaires
pour hommes en difficulté
(hébergement et autres ressources).
86,62
millions $
Subventions directes allouées aux organismes
communautaires pour femmes en difficulté
(hébergement, centres pour femmes,
centres d’aide aux victimes d’agressions
à caractère sexuel).
suicide*
(taux pour 100 000 habitants)
Sources :
Institut national de
santé publique du
Québec, ministère
de la Santé du
Canada et
L’actualité médicale.
En 2007
Hommes : 22,3
Femmes : 5,8
Sécurité routière
Les campagnes contre la vitesse au
volant visent surtout les (jeunes)
hommes. Le nombre d’accidents de la
route a chuté de moitié depuis 25 ans.
Traumatologie
Les avancées de la science en matière
de traumatologie sauvent des vies et
bénéficient davantage aux jeunes
hommes, plus souvent impliqués que
les filles dans les accidents de la route.
Suicide
Huit suicides sur dix sont encore
commis par des hommes, mais le taux
de suicide a fortement diminué au
Québec depuis 10 ans.
En 1999
Hommes : 35,9
Femmes : 9,1
1ER AVRIL 2009 l’actualité
jocelyn michel pour l’actualité
TOUT N’EST PAS SOMBRE
Dans certains domaines,
la santé des gars se porte de
mieux en mieux.
31
EN COUVERTURE
Santé du Canada. Mais s’il existe de multiples études sur l’incidence d’« être une
femme », peu de chercheurs se sont
encore penchés sur l’incidence d’« être
un homme ».
C’est en partie pour combler cette
lacune que le gouvernement du Québec
a formé un comité d’experts, en 2002.
« Ce qu’on a constaté, essentiellement,
c’est qu’on connaît mal la réalité des
hommes », dit Gilles Rondeau, professeur
émérite à l’École de service social de
l’Université de Montréal et président de
ce comité. « Comment, dans ces cir­
constances, peut-on répondre adéquatement à leurs besoins ? » Le rapport du
comité (« Les hommes : s’ouvrir à leurs
réalités et répondre à leurs besoins »),
rendu public en 2004, revendiquait
notamment un meilleur soutien de l’État
pour les hommes en détresse. « Notre
système de santé est peu outillé pour
faire face à des gars en crise, en situation
de perte d’emploi ou de rupture, dit-il.
On les dirige, souvent à tort, vers des
programmes pour conjoints violents.
Comme si on refusait d’accepter que les
hommes puissent aussi se trouver en
situation de détresse. »
Le ministère de la Santé a embauché
l’un des auteurs du rapport, Michel
Lavallée, à titre de coordonnateur du
dossier de la santé et du bien-être des
hommes. Mais cinq ans plus tard, le
gouvernement n’a encore donné suite
à aucune des recommandations du
comité Rondeau.
Au grand dam de Laurent Garneau,
coordonnateur au Centre de prévention
du suicide du Saguenay–Lac-Saint-Jean.
« Si les vendeurs de voitures n’abordent
pas les femmes de la même façon que
les hommes, il devrait en être de même
dans le système de santé », lance-t-il.
Puis, il cite en exemple les programmes
de prévention du suicide. Les appels
que reçoivent les services d’écoute
téléphonique proviennent surtout de
femmes… même si 80 % des personnes
qui se suicident sont des hommes. Pour
mieux toucher les hommes, Laurent
Garneau a notamment mis sur pied, avec
succès, des réseaux de « sentinelles »
dans des milieux traditionnellement
32
l’actualité 1ER AVRIL 2009
masculins, par exemple dans une usine
d’Alcan à Jonquière.
Il a aussi lancé une campagne d’éducation populaire, souvent citée en
modèle. Les résidants de sa région ont
pu voir à la télévision (et sur des affiches), un message publicitaire mettant
en vedette un homme à la carrure
athlétique, qui s’essouffle et se fait
dépasser par un coureur beaucoup
moins costaud. Le message se terminait
par le slogan : « Demander de l’aide,
c’est fort ! » « Quand ça va mal, au lieu
d’admettre la douleur, les hommes vont
souvent dire : “Ça se toffe”, explique
Laurent Garneau. Ils sont moins
enclins à avoir un réseau. Leur principale source d’aide, c’est souvent la
conjointe. Quand elle fout le camp, c’est
le désastre. »
En attendant de trouver une solution
à leur relation trouble avec le système
de santé, les hommes ont donc tout intérêt à soigner leur couple. Des études
le prouvent : les hommes en couple vivent
plus longtemps et en meilleure santé. Ils
ont 40 % plus de chances de subir un
examen de la prostate que les hommes
céliba­taires, selon une étude de la Fondation canadienne de recherche sur le
cancer de la prostate, qui songe main­
tenant à cibler aussi les femmes dans
leurs campagnes de dépistage. D’après
le même sondage, la moitié seulement
des hommes prennent eux-mêmes
rendez-vous pour leur examen annuel.
Les responsables de la ligne Info-Santé,
mise en place par l’État au Québec,
constatent le même phénomène. Les
femmes forment 85 % des usagers et
Une crise sexiste ?
« Les hommes sont moins enclins à
avoir un réseau. Leur principale source
d’aide, c’est souvent la copine. Quand
elle fout le camp, c’est le désastre. »
s’informent souvent pour leurs enfants, — des réponses aux questions qui les traleurs cousins ou leur amoureux…
cassent. C’est une chose de chercher de
Il y a toutefois de la lumière au bout l’information sur le Web au sujet de ses
du… clavier. Les internautes masculins troubles érectiles ou de bosses sur ses
se révèlent d’avides « consommateurs » testicules. C’en est une autre d’en parler
d’information médicale dans Internet (ils à son médecin, surtout s’il s’agit d’une
forment respectivement 45 % et 50 % des femme. Il va de soi que les cybervisites
usagers des sites spécialisés en santé ne remplacent pas une consultation médipasseportsante.com et doctissimo.fr). cale. Mais elles sont un indice suppléComme si, dans l’intimité de leur bureau mentaire de l’intérêt grandissant du mâle
ou de leur salon, ils n’hésitaient plus à québécois pour sa propre santé. Même
chercher librement — et anonymement s’il ne l’admettra probablement pas… y
La crise économique touchera-t-elle
davantage la santé des hommes que
celle des femmes ? Le secteur
manufacturier, qui compte une maind’œuvre fortement masculine, n’a
jamais été si mal en point. Aux ÉtatsUnis, pas moins de 82 % des emplois
perdus depuis le début de la récession
étaient occupés par des hommes. Pour
la première fois dans l’histoire de ce
pays, le taux d’activité des femmes sur
le marché du travail pourrait même
dépasser sous peu celui des hommes,
pouvait-on lire récemment dans le
New York Times. La tendance est
semblable au nord de la frontière. En
2007, les femmes ont obtenu plus des
trois quarts des nouveaux emplois au
Québec, selon l’Institut de la statis­tiq­ue
du Québec. Et c’était avant même le
début de la crise.
Or, les hommes ont tendance à négliger
leur santé dans les temps difficiles.
Après la chute de l’Union soviétique,
au début des années 1990, une grande
partie de la population russe s’est
appauvrie. Beaucoup d’hommes se sont
réfugiés dans la vodka, la cigarette, et
leurs habitudes alimentaires se sont
détériorées. Résultat : l’espérance de
vie des hommes russes a chuté,
passant de 65 à 59 ans, tandis que
celle des femmes est demeurée stable,
à 72 ans. Le président Medvedev et le
premier ministre Poutine ont récemment
élevé la santé des hommes au rang de
priorité nationale.
« Qu’on le veuille ou non, les
hommes pensent encore souvent qu’ils
ne sont pas de “vrais gars” s’ils ne
parviennent pas à subvenir aux
besoins de leur famille », explique
Laurent Garneau, coordonnateur au
Centre de prévention du suicide du
Saguenay–Lac-Saint-Jean. Même s’il se
réjouit de la baisse du taux de suicide
au Québec depuis 10 ans, Brian
Mishara, directeur du Centre de
recherche et d’intervention sur le
suicide et l’euthanasie (Université du
Québec à Montréal), s’inquiète lui
aussi des possibles retombées de la
présente crise. « Il y a un lien bien
documenté entre les taux de chômage
et de suicide », dit-il.
1ER AVRIL 2009 l’actualité
33
en couverture
âge
GUIDE De santé DES HOMMES
Examens et tests
âge
lactualite.com/
sante
À partir de 15 ansDe 18 à 30 ansDe 30 à 40 ans À partir de 35 ans
Autoexamen des
testicules
Tous les mois
Autoexamen de
la peau (à
surveiller : grains
de beauté qui
grossissent,
taches noires ou
multicolores au
contour irrégulier)
Tous les mois
Examen complet
(tension artérielle,
vue, analyses du
sang et des
urines,
dépistage de
l’hyper­
cholestérolémie,
du diabète, de
problèmes
rénaux,
thyroïdiens, etc.)
Tous les 5 ans
Examen complet
Tous les 3 ans
Rappel du vaccin
contre la
diphtérie et le
tétanos
Tous les 10 ans
Électro­
cardiogramme
(ECG) d’effort
(tapis roulant)
pour dépister
des maladies
cardiovasculaires
chez les hommes
présentant un
ou plusieurs des
facteurs de
risque suivants :
hérédité,
tabagisme,
hyper­
cholestérolémie,
hypertension,
diabète Selon les
résultats
Dépistage des
MTS
Au besoin
À partir de 40 ansDe 40 à 49 ans
Autoexamen
de la bouche
(à surveiller :
lésions qui ne
guérissent pas) Tous les mois
Examens et tests
8 maladies
à surveiller
Leurs symptômes et des
moyens de les éviter.
Examen complet
Tous les ans
À partir de 50 ans
Examen complet, y compris toucher
rectal et test des antigènes prostatiques
spécifiques (APS) pour dépister le
cancer de la prostate (10 ans plus tôt
pour les hommes d’origine
afro-américaine ou ayant des antécédents
familiaux de cancer de la prostate)
Tous les ans pour le toucher rectal
Test des APS tous les ans ou tous
les deux ans, à la discrétion
du médecin
Recherche de sang dans les selles,
ostéodensitométrie pour dépister
l’ostéoporose, test de testostérone,
tests et examens liés au
dysfonctionnement érectile
À la discrétion du médecin
✂
Coloscopie (examen du côlon à l’aide d’un tube
muni d’une minicaméra servant à détecter des
polypes ou de petits cancers traitables)
(10 ans plus tôt pour les hommes ayant des
antécédents familiaux de cancer ou de polypes)
Tous les 10 ans
photos de Jocelyn Michel
1ER AVRIL 2009 l’actualité
35
en couverture
guide de santé des hommes
7 gestes à faire pour vous
aider à vivre plus longtemps !
Tâtez-vous les testicules !
Le cancer des testicules est le cancer le plus fréquent chez les hommes de
15 à 40 ans — près d’un millier de cas annuellement au Canada. Un examen
simple permet de détecter la plupart des tumeurs. Pourtant, 90 % des
hommes ne savent pas comment déceler une irrégularité ! Voici quelques
conseils.
Une fois par mois, debout sous la douche, palpez doucement toute la
circonférence de chaque testicule à la recherche de bosses dures ou
d’enflure­s. Si vous trouvez quelque chose d’anormal, alertez immédiateme­nt
votre médecin.
Soignez votre vie sexuelle
Avoir trois rapports sexuels (ou plus !) par semaine réduirait de 50 % le risque
de faire une crise cardiaque, selon une étude de l’Universit­é Queen’s de
Belfast. Les personnes qui ont une vie sexuelle active (au moins un rapport par
semaine) sont aussi moins stressées et leur système immunitaire est plus fort.
En cas de panne, consultez
Ça peut vous sauver la vie. Les hommes qui parlent à leur médecin de leurs
problèmes érectiles obtiennent des réponses cruciales sur leur état de santé.
Car l’impuissance est souvent un symptôme avant-coureur de maladies
pouvant être graves, comme des troubles circulatoires ou cardiaques.
Mangez des noix
Manger une poignée de noix chaque jour peut réduire du tiers le risque de
maladies cardiovasculaires et aider à prévenir le cancer de la prostate. Et cela
ne vous fera pas engraisser (contrairement aux idées reçues).
Faites la sieste
Une « pause-dodo » de 30 minutes au milieu de la journée est un remède si
efficace contre le stress qu’il réduit de 37 % le risque de mourir d’une crise
cardiaque, selon des chercheurs de l’Université d’Athènes. Si vous ne pouvez
vous permettre une sieste au boulot, faites-en une (ou deux) la fin de semaine.
Respirez profondément…
… et tournez sept fois votre langue dans votre bouche avant d’exprime­r votre
mécontentement. Selon la revue Stroke, publiée par l’American Heart
Associatio­n, les hommes qui manifestent souvent leur colère sont deux fois
plus susceptibles d’être victimes d’un accident vasculaire cérébral (AVC) que
ceux qui maîtrisent leurs émotions.
Soulevez des poids
Sources : American Heart Association, Fédération québécoise du cancer,
L’actualité médicale, Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec,
Men’s Health Magazine, Réseau canadien de la santé et Université Queen’s.
36
l’actualité 1ER AVRIL 2009
✂
Les muscles ne sont pas qu’une arme de séduction. Ils peuvent aussi aider à
contrer des pathologies liées au vieillissement (comme le cancer et le diabète).
Soulever des poids permet également de prévenir la réduction de votre masse
musculaire, qui diminue de 1 % par année dès 40 ans.
Jonathan Trudel