Je suis invincible - National Magazine Awards
Transcription
Je suis invincible - National Magazine Awards
en couverture Je suis invincible, mais je me soigne ! Les hommes meurent plus jeunes que les femmes. Et se tiennent loin des médecins. Heureusement, les mentalités commencent à changer au pays des mâles. par J o nat h a n Tr ud e l L es vrais hommes ne pleurent pas. C’est bien connu. Pas plus qu’ils ne se préoccupent de leur santé. « Ils attendent d’être en état de crise avant de consulter, et quand ils le font, ils n’écoutent pas leur médecin », dit le Dr Jean Drouin, qui exerce depuis plus de 30 ans à Québec. Mais le vent est peut-être en train de tourner, selon cet expert en santé des hommes. Quand il a prononcé sa toute première conférence sur le sujet, au début des années 1990, il n’y avait dans l’assistance… que des femmes ! « Les hommes, eux, étaient assis au bar », se souvient l’omnipraticien. Une quinzaine d’années plus tard, les conférences qu’il donne dans les locaux de sa clinique, à L’Ancienne-Lorette, attirent autant d’hommes que de femmes. « Ils sont souvent assis à l’arrière de la salle, mais au moins, ils sont présents. » « Moi, malade ? Jamais ! » se disent encore beaucoup d’hommes. Mais leur carapace commence à se lézarder, constate l’endocrinologue Jean Mailhot, fondateur d’une clinique de Laval où l’on traite l’andropause. « On est en train de vaincre cette culture occidentale de l’homme invincible. » suite à la page 27 ‚ photo de Jocelyn Michel 24 l’actualité 1ER AVRIL 2009 Comment entretenir sa machine ? Un guide de santé pratique et interactif ! lactualite.com/ sante La recherche a-t-elle un sexe ? À la demande du ministère québécois de la Santé, le coordonnateur du dossier de la santé et du bien-être des hommes, Michel Lavallée, a conçu un ambitieux plan d’action. Le document, dont L’actualité médicale a obtenu un exemplaire, propose entre autres de mieux « soutenir les ressources pouvant répondre aux besoins spécifiques des hommes en difficulté ». Deux ans après le dépôt de la première version de ce plan, le ministre Yves Bolduc, qui a succédé à Philippe Couillard, n’y a pas encore donné suite. L’attachée de presse d’Yves Bolduc, Marie-Ève Bédard, admet qu’aucune somme n’a encore été allouée à la mise en œuvre du plan d’action. Gilles Rondeau, coauteur du rapport sur la santé des hommes, y voit l’influence de certains groupes de femmes (dont la Fédération des femmes du Québec), qui avaient vertement critiqué ce rapport, en 2004, dans une analyse intitulée « Comment fabriquer un problème ». Ces groupes mettaient notamment en lumière le fait que les hommes occupent, encore aujourd’hui, une position de pouvoir dans la société. « Il faut arrêter ces querelles idéologiques stériles, dit Gilles Rondeau. Nous sommes favorables au féminisme et nous ne voulons surtout pas enlever des ressources aux femmes. Nous voulons seulement combler le manque de ressources pour les hommes et qu’on s’ouvre un peu plus à leurs réalités. » 1ER AVRIL 2009 l’actualité 25 Il est grand temps, dit le Dr Harvey B. Simon, professeur à la Faculté de médecine de l’Université Harvard. « Peu d’hommes vont s’en rendre compte, et encore moins l’admettre, mais les hommes sont le sexe faible. » Bien sûr, ils ont une plus grosse ossature, ils sont plus musclés et ils courent plus vite. Mais en matière de santé, les femmes sont — et de loin — les plus fortes. Dans la plupart des pays, les hommes vivent moins longtemps que les femmes (l’écart est de cinq ans en moyenne au Canada). Ils succombent plus souvent — et à un plus jeune âge — à des maladies cardiovasculaires, au cancer ou au sida, ils sont les champions incontestés des accidents de la route ou du travail ainsi que du suicide, et ils sont plus fréquemment victimes d’homicide. Aussi préoccupantes soient-elles, ces données n’ont longtemps suscité, au mieux, qu’un haussement d’épaules. Comme si les hommes étaient biologiquement programmés pour mourir prématurément. L’Autrichien Siegfried Meryn a été l’un des premiers à sonner l’alarme. En 2001, ce professeur de médecine de l’Université médicale de Vienne a publié, dans le British Medical Journal, un article-choc sur la crise silencieuse qui affecte les hommes, dans lequel il se demandait si ceux-ci n’étaient pas en voie d’extinction ! « Je m’inquiétais de l’écart grandissant entre l’espérance de vie des hommes et des femmes depuis le début du 20e siècle et je voulais provoquer un débat », explique-t-il. Pari réussi. Quelques semaines plus tard, il organisait, à Vienne, le premier Congrès mondial sur la santé des hommes, dans le but avoué de secouer la communauté médi- JE SUIS INVINCIBLE, MAIS JE ME SOIGNE ! creasource / corbis en couverture Peu d’hommes vont l’admettre, mais ils sont le sexe faible. Ils ont plus de muscles, mais en matière de santé, les femmes sont les plus fortes. cale et scientifique. « Ça paraît incroyable de professionnels de la santé — dont le aujourd’hui, mais il y a une trentaine tiers sont des femmes — se rendront à d’années, très peu de gens s’intéressaient Vienne pour participer à son neuvième à la santé des femmes, dit-il. On tenait Congrès. Ils aborderont des sujets aussi pour acquis que les hommes et les femmes variés que la santé mentale, les troubles avaient essentiellement les mêmes pro- érectiles et les différences biologiques blèmes de santé. » Grâce au féminisme, entre le cerveau des hommes et celui des sujets autrefois obscurs, comme la des femmes. Faut-il s’en surprendre ? En santé comme ménopause ou le cancer du sein, font désormais partie des priorités des experts en amour, les hommes et les femmes ne en santé publique. « À nous, les hommes, viennent pas de la même planète. Ils ne meurent pas des mêmes types de cancers, de nous inspirer de ce mouvement. » Huit ans plus tard, Siegfried Meryn n’ont pas les mêmes comportements, ne n’est pas peu fier du chemin parcouru. recourent pas aux soins de santé de la En octobre prochain, plus d’un millier même façon. Ils réagissent différem- ‚ en couverture JE SUIS INVINCIBLE, MAIS JE ME SOIGNE ! Le succès de la presse masculine Un homme peut-il se préoccuper de son bien-être sans compromettre sa virilité ? Un des plus grands succès de l’industrie des magazines ces dernières années prouve que oui. D’abord destiné au marché des États-Unis, Men’s Health Magazine compte aujourd’hui trois douzaines d’éditions internationales et des dizaines de millions de lecteurs. La recette ? Une version sauce testostérone de celle qui a fait la fortune de la presse féminine. « Les gens se soucient de plus en plus de leur santé… mais ils en prennent de moins en moins soin », note Rémi Attuyt, rédacteur en chef de l’édition française de Men’s Health. Son magazine veut contrer cette tendance. Avec des conseils pratiques pour « booster votre corps », obtenir des « abdos d’enfer » ou « emmener sa douce au septième ciel », mais aussi avec des textes sur les finances personnelles ou la psychologie. « Aujourd’hui, l’homme n’a pas besoin de gros muscles, mais il doit être solide sur les plans psychologique et financier. C’est ce qu’on attend de lui. L’homme n’a pas le droit d’aller mal. Ce serait un aveu de faiblesse... » Bouffées de chaleur, baisse du désir sexuel, manque d’énergie : les patients du Dr Jean Drouin présentent souvent les mêmes symptômes que les femmes en ménopause. « La différence, c’est que, contrairement aux femmes, ils ne comprennent pas ce qui se passe dans leur corps, précise cet omnipraticien de Québec. C’est insidieux : ils ont moins d’énergie au tennis ou au lit et se disent : “Je vieillis.” » Très peu d’hommes se rendent compte qu’ils vivent en fait les contrecoups de la diminution de leur taux de testostérone — chez l’homme, la sécrétion de cette hormone masculine baisse d’environ 1 % par année dès l’âge de 30 ans. À la différence de la ménopause, l’andropause (les médecins préfèrent le terme, plus précis, d’hypogonadisme acquis) reste largement méconnue du public. Pourtant, autant d’hommes que de femmes — de 30 % à 50 % — présentent des symptômes importants, qui surviennent généralement pendant la cinquantaine. « Certains de mes patients ont des bouffées de chaleur si intenses qu’ils doivent parfois changer leurs draps en pleine nuit tellement ceux-ci sont trempés », dit Jean Mailhot, endocrinologue et président de l’Institut de ressources médicales en andropause du Québec. Ce spécialiste de la santé masculine a fondé, il y a 10 ans, le Centre d’andropause de Laval. Il a depuis prescrit des thérapies de remplacement de la testostérone dans le sang à plus d’un millier de patients. « Beaucoup d’entre eux avaient consulté plusieurs médecins, avaient 28 l’actualité 1ER AVRIL 2009 Robin Bartholick / CORBIS La ménopause des hommes subi divers bilans de santé et avaient pris des antidépresseurs avant de venir me voir, pour finalement s’apercevoir qu’ils étaient en andropause. L’hormonothérapie a réglé leurs problèmes presque instantanément. Imaginez tout le gaspillage de temps et d’argent qui aurait été évité si on avait diagnostiqué leur andropause plus tôt ! » Trop de médecins sont encore incapables d’interpréter les symptômes de l’andropause, dit Jean Mailhot, qui milite pour que le sujet soit enseigné dans les facultés de médecine. L’andropause demeure une question controversée : une partie du corps médical considère que ce n’est pas un véritable trouble médical, mais le résultat normal du processus de vieillissement. L’Organisation mondiale de la santé et le National Institute of Health, aux États-Unis, reconnaissent toutefois officiellement l’andropause depuis quelques années, et la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec organise des ateliers de formation sur ce sujet. pour interpeller les pouvoirs publics. « Il (une récente étude a démontré que l’aspi y a autant d’hommes qui meurent du rine était beaucoup plus efficace pour cancer de la prostate que de femmes qui prévenir les accidents cardiovasculaires succombent à un cancer du sein. Pourchez les hommes que chez les femmes). quoi, dans ce cas, y a-t-il trois fois plus « Les hommes et les femmes ne sont pas d’argent et de ressources pour la recherche pareils, et il faut en tenir compte dans les sur le cancer du sein et sa prévention ? » Aux quatre coins du monde, des groupes stratégies de prévention : leurs problèmes médicaux sont si différents qu’ils doivent d’hommes se mobilisent pour sensibiabsolument être étudiés dans une perspec liser les pouvoirs publics à leur cause. tive différente », dit Danielle St-Laurent, En 2005, les membres du Forum euroépidémiologiste à l’Institut national de péen pour la santé masculine, réunis à Vienne, ont ratifié la première Déclarasanté publique du Québec. Signe de l’intérêt grandissant de la communauté scientifique, quatre chaires d’études sur la santé des hommes ont vu le jour ces dernières années dans des uni versités européennes. Plusieurs grandes universités (dont Harvard) publient désor mais des lettres d’information sur la santé au masculin, et l’Organisation mondiale de la santé a récemment reconnu le bienfondé de l’analyse « sexospécifique ». Des chercheuses ayant consacré l’essentiel de tion pour la santé masculine en Europe. leur carrière à la promotion de la santé des « Afin d’améliorer santé publique et préfemmes ont même commencé à se pen- vention sanitaire, il est urgent de prendre cher sur le sort des hommes. C’est le cas des mesures répondant expressément de Marianne Legato, spécialiste réputée aux besoins de la santé masculine », de l’Université Columbia, à New York, qui écrivent les membres du Forum. Leur vient de publier Why Men Die First (Pal- déclaration a été signée par des centaines grave Macmillan), un ouvrage déjà consi- de parlementaires, de personnalités déré comme une bible dans le domaine publiques et de groupes divers (comme l’Union des associations européennes de tout neuf de la santé masculine. « La santé des hommes est enfin perçue football) de 35 pays. En 2006, sous la pré comme un enjeu important », se réjouit sidence de la Finlande, l’Union européenne Siegfried Meryn. Le plus difficile reste a officiellement reconnu l’importance de cependant à faire. Sa prochaine tâche : promouvoir la santé masculine. L’Irlande, convaincre les gouvernements d’investir l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont davantage dans la santé des hommes. adopté une politique sur la santé des Même s’il refuse l’étiquette de militant hommes ou s’apprêtent à le faire. La Grande(« Je suis un scientifique », martèle-t-il), Bretagne, le Japon, la Malaisie, Singapour le Dr Meryn profite de toutes les tribunes et la Russie y songent également. ‚ ment aux traitements et aux médicaments Ces pays ont tous au moins un but en commun : ils cherchent à offrir aux hommes un meilleur accès au système de santé. Car si les femmes ont leur visite annuelle chez le gynécologue, les hommes n’ont aucune porte d’entrée semblable dans le réseau. « On doit apprendre de l’expérience des femmes, qui ont insisté pour que les programmes soient mieux adaptés à leurs réalités », dit John Macdonald, qui dirige la chaire de soins de santé primaires à l’Université de Western Sydney (Australie). « Ne Quatre chaires d’études sur la santé des hommes ont vu le jour au cours des dernières années dans des universités européennes. l’oublions pas, ce sont les États qui ont ensuite normalisé et pris en charge les mammographies préventives. » Président de l’Australasian Men’s Health Forum, organisme sans but lucratif actif en Australie et dans le reste de l’Asie, John Macdonald est l’un des six ambassadeurs que le gouvernement australien a nommés pour l’aider à élaborer sa politique nationale de santé des hommes. « Au lieu de culpabiliser les hommes à cause de leur comportement, on devrait se demander ce qu’on fait, concrètement, pour les encourager à consulter un médecin », dit le professeur. Dans ses conférences, il donne souvent l’exemple des baleines, jouant sur la ressemblance, en anglais, entre les mots baleines (whales) et mâles ‚ en couverture (males). « Si des baleines s’échouaient soudainement en grand nombre sur nos côtes, on tenterait de comprendre ce phénomène avant de les blâmer. Pourquoi n’a-t-on pas la même attitude envers les hommes ? » Francophile (il a étudié à l’Université Saint-Paul, à Ottawa), John Macdonald chantonne souvent le grand succès de Georges Dor, « La Manic ». « Si tu savais comme on s’ennuie / À la Manic / Tu m’écrirais bien plus souvent / À la Manicouagan / […] Nous autres on fait les fanfarons / À cœur de jour / Mais on est tous de bons larrons / Cloués à leurs amours. » JE SUIS INVINCIBLE, MAIS JE ME SOIGNE ! « Pour moi, cette chanson illustre bien la problématique de la santé des hommes. Ces ouvriers, qui partaient de longs mois sur des chantiers, le faisaient pour le bien-être de leur famille. Avant de les blâmer pour leur comportement ou leur consommation d’alcool, a-t-on examiné le contexte ? » Les experts en santé publique le disent depuis longtemps : l’environnement social exerce une grande influence sur l’état de santé. Au même titre que le revenu, l’éducation et les conditions de travail, le sexe fait partie de la douzaine de « déterminants sociaux de la santé » reconnus par suite à la page 32 ‚ le ministère de la Des chiffres et des types de cancer (taux de mortalité pour 100 000 habitants, selon la cause et le sexe, 2006) Hommes Femmes Cancer du poumon 89 49 Cancer du côlon et du rectum 33 20 Cancer de la prostate 21 s.o. Cancer du sein s.o. 27 Cancer de la vessie (2002) 13 6 Ensemble des tumeurs malignes 264 182 Barack Obama, un modèle pour les Américains Pendant la campagne électorale, Barack Obama a promis de s’attaquer au grave problème de l’obésité aux ÉtatsUnis. En attendant de mettre en œuvre son plan d’action — la crise économique le tient plutôt occupé —, il prêche par l’exemple. Si le président des États-Unis trouve le temps de s’entraîner, ses compatriotes n’ont pas d’excuse pour rester inactifs ! mortalité infantile (taux pour 1 000 bébés de moins d’un an, 2004) Garçons : 5,4/1 000 Filles : 3,9/1 000 • Les bébés de sexe masculin courent 25 % plus de risques que les bébés de sexe féminin d’être hospitalisés à la suite d’un accident. Le programme d’entraînement d’Obama • Le taux de mortalité à la suite d’un accident est presque deux fois plus élevé chez les garçons d’âge préscolaire que chez les filles. Six jours par semaine, à l’aube, il s’entraîne pendant 45 minutes. AP / Lawrence Jackson / Presse Canadienne Il consacre une séance sur deux à l’exercice aérobique (ou cardio). Il court sur un tapis roulant et enfourche un vélo stationnaire. Les jours de musculation, il soulève des poids et haltères et utilise divers appareils pour renforcer ses abdominaux, biceps, triceps et autres attributs présidentiels. Pendant sa longue campagne, il a joué presque quotidiennement au basketball avec son assistant personnel, Reggie Love, a n c i e n n e v e d e t t e d e Comme son prédécesseur à la présidence des l’équipe de l’Université États-Unis, Barack Obama s’entraîne de façon Duke. Il pourra continuer à régulière et il a décidé de cesser de fumer. le faire sur le terrain de bas- Lorsque Bush lui a fait visiter la Maison-Blanche, ket de la Maison-Blanche. c’est la salle d’entraînement qui l’a le plus séduit. Sa nouvelle demeure comprend aussi une salle d’entraînement intérieure (au troisième étage, près de la salle de musique) et, à l’extérieur, un terrain de tennis, un de basketball, un vert (pour le golf), une allée de quilles, une piste de jogging, une piscine et… un terrain où jouer au jeu de fers. 30 l’actualité 1ER AVRIL 2009 diabète (taux de prévalence en 2004-2005) Hommes : 7,5 % Femmes : 5,7 % comportements PLUS à risque Proportion de la population de 18 ans et plus présentant un surplus de poids (2003) Hommes 55 % Femmes 39 % Taux de mortalité par maladies associées au tabagisme (pour 100 000 habitants, 2006) Hommes 293 Femmes 177 Nombre annuel moyen de décès par accidents de véhicules à moteur (de 2000 à 2005) Hommes 496 Femmes 201 Nombre annuel moyen de décès par traumatismes non intentionnels (de 2000 à 2005) Hommes 1 209 Femmes 817 hommes maladies de l’appareil circulatoire (taux de mortalité pour 100 000 habitants, selon la cause et le sexe, 2006 Hommes Femmes Cardiopathies ischémiques 117 68 Maladies vasculaires cérébrales 52 41 Maladies des artères 15 8 Ensemble des maladies de l’appareil circulatoire 202 141 maladies de l’appareil respiratoire Ensemble des maladies de l’appareil respiratoire (2003) 79 44 Les 10 emplois les plus dangereux sont occupés par des hommes Bûcheron, pêcheur, marin, pilote, monteur de structures d’acier, mineur, ouvrier de la construction, chauffeur et livreur, agriculteur, policier et gardien de sécurité. 7,83 millions $ Subventions directes allouées aux organismes communautaires pour hommes en difficulté (hébergement et autres ressources). 86,62 millions $ Subventions directes allouées aux organismes communautaires pour femmes en difficulté (hébergement, centres pour femmes, centres d’aide aux victimes d’agressions à caractère sexuel). suicide* (taux pour 100 000 habitants) Sources : Institut national de santé publique du Québec, ministère de la Santé du Canada et L’actualité médicale. En 2007 Hommes : 22,3 Femmes : 5,8 Sécurité routière Les campagnes contre la vitesse au volant visent surtout les (jeunes) hommes. Le nombre d’accidents de la route a chuté de moitié depuis 25 ans. Traumatologie Les avancées de la science en matière de traumatologie sauvent des vies et bénéficient davantage aux jeunes hommes, plus souvent impliqués que les filles dans les accidents de la route. Suicide Huit suicides sur dix sont encore commis par des hommes, mais le taux de suicide a fortement diminué au Québec depuis 10 ans. En 1999 Hommes : 35,9 Femmes : 9,1 1ER AVRIL 2009 l’actualité jocelyn michel pour l’actualité TOUT N’EST PAS SOMBRE Dans certains domaines, la santé des gars se porte de mieux en mieux. 31 EN COUVERTURE Santé du Canada. Mais s’il existe de multiples études sur l’incidence d’« être une femme », peu de chercheurs se sont encore penchés sur l’incidence d’« être un homme ». C’est en partie pour combler cette lacune que le gouvernement du Québec a formé un comité d’experts, en 2002. « Ce qu’on a constaté, essentiellement, c’est qu’on connaît mal la réalité des hommes », dit Gilles Rondeau, professeur émérite à l’École de service social de l’Université de Montréal et président de ce comité. « Comment, dans ces cir constances, peut-on répondre adéquatement à leurs besoins ? » Le rapport du comité (« Les hommes : s’ouvrir à leurs réalités et répondre à leurs besoins »), rendu public en 2004, revendiquait notamment un meilleur soutien de l’État pour les hommes en détresse. « Notre système de santé est peu outillé pour faire face à des gars en crise, en situation de perte d’emploi ou de rupture, dit-il. On les dirige, souvent à tort, vers des programmes pour conjoints violents. Comme si on refusait d’accepter que les hommes puissent aussi se trouver en situation de détresse. » Le ministère de la Santé a embauché l’un des auteurs du rapport, Michel Lavallée, à titre de coordonnateur du dossier de la santé et du bien-être des hommes. Mais cinq ans plus tard, le gouvernement n’a encore donné suite à aucune des recommandations du comité Rondeau. Au grand dam de Laurent Garneau, coordonnateur au Centre de prévention du suicide du Saguenay–Lac-Saint-Jean. « Si les vendeurs de voitures n’abordent pas les femmes de la même façon que les hommes, il devrait en être de même dans le système de santé », lance-t-il. Puis, il cite en exemple les programmes de prévention du suicide. Les appels que reçoivent les services d’écoute téléphonique proviennent surtout de femmes… même si 80 % des personnes qui se suicident sont des hommes. Pour mieux toucher les hommes, Laurent Garneau a notamment mis sur pied, avec succès, des réseaux de « sentinelles » dans des milieux traditionnellement 32 l’actualité 1ER AVRIL 2009 masculins, par exemple dans une usine d’Alcan à Jonquière. Il a aussi lancé une campagne d’éducation populaire, souvent citée en modèle. Les résidants de sa région ont pu voir à la télévision (et sur des affiches), un message publicitaire mettant en vedette un homme à la carrure athlétique, qui s’essouffle et se fait dépasser par un coureur beaucoup moins costaud. Le message se terminait par le slogan : « Demander de l’aide, c’est fort ! » « Quand ça va mal, au lieu d’admettre la douleur, les hommes vont souvent dire : “Ça se toffe”, explique Laurent Garneau. Ils sont moins enclins à avoir un réseau. Leur principale source d’aide, c’est souvent la conjointe. Quand elle fout le camp, c’est le désastre. » En attendant de trouver une solution à leur relation trouble avec le système de santé, les hommes ont donc tout intérêt à soigner leur couple. Des études le prouvent : les hommes en couple vivent plus longtemps et en meilleure santé. Ils ont 40 % plus de chances de subir un examen de la prostate que les hommes célibataires, selon une étude de la Fondation canadienne de recherche sur le cancer de la prostate, qui songe main tenant à cibler aussi les femmes dans leurs campagnes de dépistage. D’après le même sondage, la moitié seulement des hommes prennent eux-mêmes rendez-vous pour leur examen annuel. Les responsables de la ligne Info-Santé, mise en place par l’État au Québec, constatent le même phénomène. Les femmes forment 85 % des usagers et Une crise sexiste ? « Les hommes sont moins enclins à avoir un réseau. Leur principale source d’aide, c’est souvent la copine. Quand elle fout le camp, c’est le désastre. » s’informent souvent pour leurs enfants, — des réponses aux questions qui les traleurs cousins ou leur amoureux… cassent. C’est une chose de chercher de Il y a toutefois de la lumière au bout l’information sur le Web au sujet de ses du… clavier. Les internautes masculins troubles érectiles ou de bosses sur ses se révèlent d’avides « consommateurs » testicules. C’en est une autre d’en parler d’information médicale dans Internet (ils à son médecin, surtout s’il s’agit d’une forment respectivement 45 % et 50 % des femme. Il va de soi que les cybervisites usagers des sites spécialisés en santé ne remplacent pas une consultation médipasseportsante.com et doctissimo.fr). cale. Mais elles sont un indice suppléComme si, dans l’intimité de leur bureau mentaire de l’intérêt grandissant du mâle ou de leur salon, ils n’hésitaient plus à québécois pour sa propre santé. Même chercher librement — et anonymement s’il ne l’admettra probablement pas… y La crise économique touchera-t-elle davantage la santé des hommes que celle des femmes ? Le secteur manufacturier, qui compte une maind’œuvre fortement masculine, n’a jamais été si mal en point. Aux ÉtatsUnis, pas moins de 82 % des emplois perdus depuis le début de la récession étaient occupés par des hommes. Pour la première fois dans l’histoire de ce pays, le taux d’activité des femmes sur le marché du travail pourrait même dépasser sous peu celui des hommes, pouvait-on lire récemment dans le New York Times. La tendance est semblable au nord de la frontière. En 2007, les femmes ont obtenu plus des trois quarts des nouveaux emplois au Québec, selon l’Institut de la statistique du Québec. Et c’était avant même le début de la crise. Or, les hommes ont tendance à négliger leur santé dans les temps difficiles. Après la chute de l’Union soviétique, au début des années 1990, une grande partie de la population russe s’est appauvrie. Beaucoup d’hommes se sont réfugiés dans la vodka, la cigarette, et leurs habitudes alimentaires se sont détériorées. Résultat : l’espérance de vie des hommes russes a chuté, passant de 65 à 59 ans, tandis que celle des femmes est demeurée stable, à 72 ans. Le président Medvedev et le premier ministre Poutine ont récemment élevé la santé des hommes au rang de priorité nationale. « Qu’on le veuille ou non, les hommes pensent encore souvent qu’ils ne sont pas de “vrais gars” s’ils ne parviennent pas à subvenir aux besoins de leur famille », explique Laurent Garneau, coordonnateur au Centre de prévention du suicide du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Même s’il se réjouit de la baisse du taux de suicide au Québec depuis 10 ans, Brian Mishara, directeur du Centre de recherche et d’intervention sur le suicide et l’euthanasie (Université du Québec à Montréal), s’inquiète lui aussi des possibles retombées de la présente crise. « Il y a un lien bien documenté entre les taux de chômage et de suicide », dit-il. 1ER AVRIL 2009 l’actualité 33 en couverture âge GUIDE De santé DES HOMMES Examens et tests âge lactualite.com/ sante À partir de 15 ansDe 18 à 30 ansDe 30 à 40 ans À partir de 35 ans Autoexamen des testicules Tous les mois Autoexamen de la peau (à surveiller : grains de beauté qui grossissent, taches noires ou multicolores au contour irrégulier) Tous les mois Examen complet (tension artérielle, vue, analyses du sang et des urines, dépistage de l’hyper cholestérolémie, du diabète, de problèmes rénaux, thyroïdiens, etc.) Tous les 5 ans Examen complet Tous les 3 ans Rappel du vaccin contre la diphtérie et le tétanos Tous les 10 ans Électro cardiogramme (ECG) d’effort (tapis roulant) pour dépister des maladies cardiovasculaires chez les hommes présentant un ou plusieurs des facteurs de risque suivants : hérédité, tabagisme, hyper cholestérolémie, hypertension, diabète Selon les résultats Dépistage des MTS Au besoin À partir de 40 ansDe 40 à 49 ans Autoexamen de la bouche (à surveiller : lésions qui ne guérissent pas) Tous les mois Examens et tests 8 maladies à surveiller Leurs symptômes et des moyens de les éviter. Examen complet Tous les ans À partir de 50 ans Examen complet, y compris toucher rectal et test des antigènes prostatiques spécifiques (APS) pour dépister le cancer de la prostate (10 ans plus tôt pour les hommes d’origine afro-américaine ou ayant des antécédents familiaux de cancer de la prostate) Tous les ans pour le toucher rectal Test des APS tous les ans ou tous les deux ans, à la discrétion du médecin Recherche de sang dans les selles, ostéodensitométrie pour dépister l’ostéoporose, test de testostérone, tests et examens liés au dysfonctionnement érectile À la discrétion du médecin ✂ Coloscopie (examen du côlon à l’aide d’un tube muni d’une minicaméra servant à détecter des polypes ou de petits cancers traitables) (10 ans plus tôt pour les hommes ayant des antécédents familiaux de cancer ou de polypes) Tous les 10 ans photos de Jocelyn Michel 1ER AVRIL 2009 l’actualité 35 en couverture guide de santé des hommes 7 gestes à faire pour vous aider à vivre plus longtemps ! Tâtez-vous les testicules ! Le cancer des testicules est le cancer le plus fréquent chez les hommes de 15 à 40 ans — près d’un millier de cas annuellement au Canada. Un examen simple permet de détecter la plupart des tumeurs. Pourtant, 90 % des hommes ne savent pas comment déceler une irrégularité ! Voici quelques conseils. Une fois par mois, debout sous la douche, palpez doucement toute la circonférence de chaque testicule à la recherche de bosses dures ou d’enflures. Si vous trouvez quelque chose d’anormal, alertez immédiatement votre médecin. Soignez votre vie sexuelle Avoir trois rapports sexuels (ou plus !) par semaine réduirait de 50 % le risque de faire une crise cardiaque, selon une étude de l’Université Queen’s de Belfast. Les personnes qui ont une vie sexuelle active (au moins un rapport par semaine) sont aussi moins stressées et leur système immunitaire est plus fort. En cas de panne, consultez Ça peut vous sauver la vie. Les hommes qui parlent à leur médecin de leurs problèmes érectiles obtiennent des réponses cruciales sur leur état de santé. Car l’impuissance est souvent un symptôme avant-coureur de maladies pouvant être graves, comme des troubles circulatoires ou cardiaques. Mangez des noix Manger une poignée de noix chaque jour peut réduire du tiers le risque de maladies cardiovasculaires et aider à prévenir le cancer de la prostate. Et cela ne vous fera pas engraisser (contrairement aux idées reçues). Faites la sieste Une « pause-dodo » de 30 minutes au milieu de la journée est un remède si efficace contre le stress qu’il réduit de 37 % le risque de mourir d’une crise cardiaque, selon des chercheurs de l’Université d’Athènes. Si vous ne pouvez vous permettre une sieste au boulot, faites-en une (ou deux) la fin de semaine. Respirez profondément… … et tournez sept fois votre langue dans votre bouche avant d’exprimer votre mécontentement. Selon la revue Stroke, publiée par l’American Heart Association, les hommes qui manifestent souvent leur colère sont deux fois plus susceptibles d’être victimes d’un accident vasculaire cérébral (AVC) que ceux qui maîtrisent leurs émotions. Soulevez des poids Sources : American Heart Association, Fédération québécoise du cancer, L’actualité médicale, Ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec, Men’s Health Magazine, Réseau canadien de la santé et Université Queen’s. 36 l’actualité 1ER AVRIL 2009 ✂ Les muscles ne sont pas qu’une arme de séduction. Ils peuvent aussi aider à contrer des pathologies liées au vieillissement (comme le cancer et le diabète). Soulever des poids permet également de prévenir la réduction de votre masse musculaire, qui diminue de 1 % par année dès 40 ans. Jonathan Trudel