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journal Ça vous est arrivé… MÉDITERRANÉE «Nous avons été mis au tapis au large du cap Béar» Parti fin mars de Saint-Cyprien pour une croisière vers la Turquie avec deux amis, à bord de son Océanis 411 très bien équipé, Yves table sur une baisse de la tramontane qui ne viendra pas aussi vite que prévu. D’où une sévère mise au tapis par mer croisée dont les conséquences auraient pu être bien pires… Par Yves Rousselin. LE 23, LES PRÉVISIONS ANNONCENT UNE AMÉLIORATION du temps pour le lendemain après-midi, que ce soit MétéoFrance, les services espagnols ou U-grib, ce dernier prévoyant un vent de Nord-Ouest de force 6 à 7. De ce fait, nous mettons les voiles le 24 au matin pour une route directe vers Sidi Bou Saïd (Tunisie), tout d’abord au moteur, puis à la voile – génois déployé sans la grandvoile : au vent arrière avec ces Saint-Cyprien 0 E 1 20 M sp a gn e 42° N Barcelone Zone de l’avarie Minorque Majorque 40° N Port-Mahon M É D I T E R R A N É E conditions, je préfère naviguer notre croisière et il est pris sans cette voile pour éviter note de notre destination, ce des empannages intempestifs qui est assez exceptionnel, car et dangereux. Le 24 mars, les CROSS ne notent plus le bulletin du matin de guère les avis de passage ou Météo-France de traversée. confirme cette Nous passons Vers 16 heures, évolution. Je sans le vent augmente contacte par encombre encore et nous radio le sémale cap Béar, notons même une phore du cap puis le cap Béar pour Creus, tous pointe à plus de m’enquérir des deux réputés 62 nœuds! La mer pour leurs conditions à est très grosse cet endroit. vents forts Avec sa gentilet leur mer et blanche, avec lesse habitueldifficile, en de plus en plus le, le personparticulier de déferlantes nel du sémasous phore me sivenant de l’arrière. tramontane. gnale un vent Une heure moyen – et m’indique qu’il y a après ce dernier passage, toujours un BMS en cours ; je nous constatons une montée leur rappelle que les conditions de la brise. Nous roulons devraient bientôt s’améliorer. progressivement le génois – Nous avons une discussion sur un, puis deux et enfin trois PHOTOS Y. ROUSSELIN F in mars 2007, deux amis – Jean-Claude et Marc – et moi-même envisageons de partir de SaintCyprien pour Istanbul et retour à bord de mon Océanis 411 Célébration, très bien équipé, baptisé Trillium. Nous avons prévu d’appareiller le 20 mars. Mais, les conditions météo étant exécrables en raison d’une forte tramontane, nous attendons patiemment une fenêtre météo pour larguer les amarres. France FRANÇOIS CHEVALIER Chaque mois, cette rubrique a l’ambition de rapporter les expériences de navigation qui vous ont marqué, ainsi que les enseignements que vous en avez tirés. Pour que chaque plaisancier puisse en profiter et éviter de commettre les mêmes erreurs. A tous les marins de bonne volonté, nous proposons donc d’écrire à Voiles et Voiliers, «Ça vous est arrivé», 21 rue du Faubourg-SaintAntoine, 75550 Paris Cedex 11 ou d’adresser un mail à Delphine Fleury : delphine.fleury@ voilesetvoiliers.com 04° E 0° Trillium est un Océanis 411, très bien équipé, dont le skipper n’était pas un novice. tours. Nous portons déjà nos gilets automatiques et les longes de nos harnais sont crochées aux cadènes posées à cet effet dans le cockpit. Le bateau avance à une bonne vitesse, mais la mer devient de plus en plus forte avec des déferlantes. Le pilote est désengagé, car je préfère une réaction humaine, rapide, à celle, plus lente, du pilote dans ce type de conditions. Vers 16 heures, le vent augmente encore et nous notons même une pointe à plus de 62 nœuds ! La mer est très grosse et blanche, avec de plus en plus de déferlantes venant de l’arrière que nous évitons sans problème particulier, sauf une qui nous arrose bien. Le génois est réduit à la taille d’un mouchoir pour maintenir une bonne vitesse d’environ 10 nœuds. Nous croisons au Ça vous est arrivé… Votre expérience La mer est devenue très grosse et, phénomène typique de la Méditerranée, les déferlantes étaient croisées et donc difficiles à gérer. large un cargo que je contacte par radio, car MaxSea indiquait une route de collision (j’ai un récepteur AIS interfacé à MaxSea). Il est surpris d’être contacté par radio par un voilier qu’il n’avait d’ailleurs pas remarqué. L’ÉQUIPAGE, DANS LE COCKPIT, Prudents et bons marins, les membres de l’équipage portaient des gilets gonflables et des harnais. RESTE SEREIN, sauf que nous ne comprenons guère ce type de vent et de mer par rapport aux prévisions. Une nouvelle déferlante arrive, que nous évitons comme les précédentes, sans problème, mais, aussitôt après, une autre vague déferle venant d’une autre direction et nous envoie au tapis sur tribord. Trillium se couche, le mât touche la mer ; ce qui fait pivoter le voilier en le freinant brutalement. Étant assis à bâbord, je me sens passer par-dessus la table du cockpit, puis me retrouve dans l’eau qui a envahi le côté tribord. Lorsque je «refais surface» (mon gilet s’était déclenché automatiquement au contact de l’eau présente dans le cockpit) avec une jambe coincée entre cette table et ma longe, je vois Marc et lui demande s’il va bien et si Jean-Claude est bien là : réponse positive. Ouf ! Il n’y a aucun blessé. Le bateau s’est couché, mais s’est relevé rapidement, nous semble-t-il. En revanche, les dégâts matériels sont relativement importants : nous intéresse tous! journal Ça vous est arrivé… (suite) Éolienne très abîmée, trois pales manquantes, mâtereau tordu. ● Arceau légèrement déplacé et panneau solaire tordu. ● Barre à roue tordue. ● Capote et arceau abîmés (alors qu’elle était repliée). ● Manivelle de winch emportée. ● Perche IOR cassée et arrachée. ● La survie placée dans un support ad hoc sur la jupe arrière a quitté ce dernier, mais par chance est restée sur la jupe. ● Beaucoup d’eau à l’intérieur, car nous n’avions pas fermé le panneau de la descente. ● La quasi-totalité des équipements et autres objets, dont les livres, qui se trouvaient dans les équipets et table du côté bâbord, se sont violemment déversés. ● Les planchers du carré flottent. LES LEÇONS QUE J’EN TIRE ● Nous avons à tort anticipé une baisse du vent qui n’est pas intervenue, au contraire ! Partir quand un BMS Large est en vigueur était une erreur, même si j’avais déjà une bonne expérience des conditions en Méditerranée et notamment dans cette région. Ne pas avoir fermé le panneau de descente a aussi été une erreur, surtout que nous n’avions pas tiré de leçon lors d’une des précédentes déferlantes ; l’eau a ainsi pu s’engouffrer dans le carré en grande quantité. L’éolienne n’a pas résisté : son mâtereau est tordu et trois pales ont disparu. une heure avant l’accident, j’avais débranché mon PC sur lequel se trouve MaxSea relié à la BLU, et l’avais entreposé dans la cabine avant. Grâce à cela, il a été sauvé même s’il a subi un choc. D’une manière générale, j’envoie très régulièrement un message via la BLU à mon Trillium se couche, le mât touche la mer ; ce qui fait pivoter le voilier en le freinant brutalement. Je «refais surface» avec une jambe coincée entre la table et ma longe. Une fois ce rapide bilan des dégâts extérieurs effectué, notre première tâche est de pomper l’eau à l’intérieur du carré. En raison de l’état de la mer, l’eau passe d’un côté à l’autre et les livres se sont désintégrés, ce qui a bouché la crépine de la pompe de cale. Avec les moyens du bord (casseroles, pots…), nous commençons à vider l’eau dans des conditions très difficiles (mal de mer). Par la suite, nous avons le réflexe de nettoyer la crépine et d’utiliser la pompe manuelle qui se trouve dans le cockpit, ce qui est une bonne solution. Je ne sais pas pourquoi mais, Sous la violence du choc, la barre à roue a été tordue. épouse qui ne navigue pas, et surtout, pour ce voyage, j’avais souscrit à un tout nouveau service américain, Sailblogs, qui me permet d’alimenter un blog (www.sailblogs.com/member/ trillium) et d’indiquer régulièrement ma position, transposée sur Google Earth. Pensant que ma femme se L’analyse de Voiles et Voiliers Vent et mer: anticipez Pour éviter les empannages intempestifs et dangereux, Trillium naviguait sous génois seul, Votre expérience réduit au maximum. Rappelons qu’une prévision météo est rarement fiable à 100 %, surtout dans le temps. Dans le cas présent, l’accalmie attendue n’est survenue que quelques heures plus tard : «Au cours de la nuit, même si la mer était encore forte», précise Yves. De plus, partir par tramontane établie et BMS en cours implique gros temps et grosse mer. Trinquette, tourmentin ou «stormbag» déjà endraillés (sur étai largable ou enrouleur) ou prêts à l’être permettent de bien mieux étaler le gros temps qu’un simple génois sur enrouleur (voir photo). Ensuite, typique de la Méditerranée, ce phénomène de houles croisées (le vent souffle pendant un certain temps d’une direction, puis d’une autre) induit d’impressionnantes vagues pyramidales difficiles à gérer, surtout la nuit, et capables de mettre au tapis des voiliers de fort tonnage. Et la cape ? «Nous avons essayé, mais ça n’a pas marché, les risques étant trop grands de reprendre des déferlantes croisées», indique Yves. Enfin, tout est bien qui finit bien, hormis quelques bobos et dégâts matériels, grâce à un bateau et un équipage plutôt bien préparés pour une croisière méditerranéenne printanière. J.L.G. demanderait pourquoi aucune position ne figure depuis un certain temps, je contacte par BLU Monaco Radio qui me met en liaison téléphonique avec elle pour la rassurer (le lendemain, j’aurai un nouveau contact, Monaco Radio nous ayant réellement apporté réconfort et assistance). NOUS METTONS LE CAP SUR PORT MAHON (Minorque) où nous arrivons le lendemain, dans le but d’effectuer quelques réparations essentielles, en particulier barre à roue et capote, et procéder au nettoyage, séchage et rangement du bateau ; nous constatons que des gilets rangés dans des équipets se sont déclenchés au contact de l’eau (heureusement que leur gonflage n’a pas provoqué l’éclatement des cloisons). L’équipage a fait preuve de beaucoup de sang-froid et de maîtrise. En revanche, le mal de mer, surtout pour ceux qui étaient à l’intérieur en train d’écoper, a réduit pendant quelque temps leurs facultés immédiates de débrouillardise et leur efficacité. Y.R. Avoir une grosse pompe indépendante à main aspirante aurait été un avantage indéniable. Primordial, le fait d’avoir enfilé nos gilets automatiques et frappé nos longes de harnais aux cadènes nous a évité des pertes humaines dramatiques, car il est certain qu’une ou plusieurs personnes auraient été projetées à l’extérieur. Récupérer un équipier dans ces conditions aurait été très difficile ; la perche IOR était cassée et repérer une bouée couronne aurait été très aléatoire, même avec l’aide éventuelle du GPS (si toutefois on a le réflexe d’appuyer à temps sur la touche «MOB»). Par ailleurs, je ne sais pas comment le voilier aurait pu remonter au moteur (Volvo 55 chevaux) dans une telle mer et face à un tel vent (la grand-voile était affalée et ferlée). Une ligne de vie est pratique pour circuler vers l’avant, mais reste dangereuse pour des personnes se trouvant dans le cockpit. Des cadènes ad hoc placées au fond du cockpit apportent une bien meilleure sécurité à ceux qui s’y trouvent. nous intéresse tous!