TROISIEME PARTIE DES OPÉRATEURS DE L`IMMOBILIER ET DE

Transcription

TROISIEME PARTIE DES OPÉRATEURS DE L`IMMOBILIER ET DE
TROISIEME PARTIE
DES OPÉRATEURS DE
L’IMMOBILIER ET DE LA
CONSTRUCTION
INÉGALEMENT TRIBUTAIRES
DES REGLES DU MARCHÉ,
DU POIDS DES NORMES ET
DES INCITATIONS
PUBLIQUES
257
L’offre de logements et son développement résultent de l’intervention de
toute une chaîne d’opérateurs qui structurent la production immobilière et
composent un secteur à part entière de l’économie nationale, régionale et
locale : artisans et entreprises du bâtiment, constructeurs de maisons
individuelles, promoteurs immobiliers, aménageurs-lotisseurs, bailleurs
sociaux, architectes, agents immobiliers et marchands de biens, bureaux
d’études techniques du bâtiment, notaires, assureurs, acteurs financiers …
auxquels il faudrait de plus en plus adjoindre les grandes enseignes du
bricolage étant donné le succès croissant de ce « loisir » parmi les ménages.
Cet ensemble d’activités, de savoir-faire et d’emplois alimente une économie
dite « résidentielle » qui n’en reste pas moins exposée aux aléas de
l’économie mondiale et financiarisée, comme l’ont démontré les effets de la
crise des « subprimes » en 2007 ou bien encore la mise en concurrence,
parfois considérée comme déloyale, des coûts salariaux et sociaux favorisée
par certains mécanismes (ex : détachement de salariés). Essentiellement
constitué de petites ou très petites entreprises, ce large secteur est
aujourd’hui soumis à diverses injonctions et contraintes, parfois
contradictoires, qui rendent l’exercice professionnel difficile quand ce n’est
pas risqué, ou tributaire de choix dont les opérateurs ne maîtrisent ni les
tenants ni les aboutissants sinon au prix d’ajustements ou d’adaptations parfois
difficiles.
Ces injonctions et contraintes sont de plusieurs natures et concernent :
-
La financiarisation du secteur, qui reste une tendance lourde malgré la
crise des « subprimes » en 2007. Le placement immobilier demeure une
valeur refuge et un élément central de la constitution d’un patrimoine (et
d’un complément de retraite) pour les ménages. Ainsi, sur les 1 150
milliards € de dépôts bancaires (hors comptes courants créditeurs) au 31
août 2015, près de 262 milliards € (soit 22,7 %) concernaient des plans
d’épargne logement (231 Mds €) et des comptes épargne logement (30
Mds €). Pour la région Aquitaine, les montants de l’épargne placée sur ce
type de produits atteignait à la même date 12,2 Mds €. Début septembre
2015, le volume des encours de crédits dédiés à l’habitat représentait 858
Mds € au plan national dont près de 46 Mds € en Aquitaine. Cette
tendance est favorisée par la baisse des taux bancaires (taux effectif de
2,94 % pour les crédits de long terme à taux fixe début septembre 2015),
par l’allongement de la durée des prêts immobiliers (jusqu’à 25 ans) et par
les mesures de défiscalisation promues par les pouvoirs publics
(notamment 3,2 Mds € en 2013 pour les particuliers, comprenant la
déduction des intérêts d’emprunts et les incitations à l’investissement
locatif privé, sur un montant total de 14,5 Mds € de déductions fiscales
pour l’ensemble du secteur). Cette évolution est accentuée par un
tassement des aides publiques directes à la pierre102.
En 2013, les subventions d’investissement en faveur du logement ont atteint 3,15 milliards € dont 1,75
milliards € d’aides d’État (dont aides ANRU, ANAH et hors Action Logement)
102
258
L’envolée des prix dans l’immobilier au cours des vingt dernières années,
notamment sur les marchés les plus tendus, ne peut s’expliquer par la
seule augmentation des coûts de construction, ainsi que le démontrent
plusieurs analyses du coût des logements (ex : le coût de construction ou
des travaux ne représente que 40 % du coût total pour un logement en
collectif). Un autre indice de cette financiarisation tient au fait que la
grande majorité des logements neufs est acquise par des propriétairesinvestisseurs et non par des propriétaires occupants. Payer moins
d’impôts, disposer d’un complément de revenu à la retraite, tout en
constituant un patrimoine sont les principales motivations des ménages
qui font le choix de l’investissement locatif. Leur revenu annuel médian
est de 67 500 € pour un investissement moyen de 160 000 € (2015),
majoritairement dans un T2 ou T3 implanté dans une grande
agglomération située dans une autre région que celle de leur lieu de
résidence (Ile de France ou régions du sud). L’Aquitaine (et
l’agglomération bordelaise en particulier) est la troisième région française
privilégiée par ce type d’investisseur (après l’Ile de France et MidiPyrénées)103.
-
L’inflation normative au cours de la décennie écoulée et dénoncée par
une très large partie de la profession, dans un secteur dont l’activité est
déjà très lourdement codifiée par le corpus législatif et règlementaire
d’une part et d’autre part à travers des normes techniques d’application
théoriquement volontaire mais qui s’imposent souvent de fait pour les
entreprises du secteur exposées à une concurrence plus ou moins rude
selon les périodes et les régions. Le cadre règlementaire de la
construction et de l’habitat est codifié par une douzaine de textes
législatifs dont le Code de la construction et de l’urbanisme et des
dizaines de textes supplémentaires s’y ajoutent chaque année. Par ailleurs,
ce secteur d’activités est couvert par 4 000 normes (dont 1%
obligatoires), de plus en plus influencées par la normalisation européenne,
sans compter les procédures spécifiques relatives aux nouveaux produits
ou procédés. Ce cadre réglementaire et normatif a une incidence de plus
en plus forte sur les coûts de construction. D’après les professionnels du
bâtiment, l’impact des normes expliquerait 30 % de l’augmentation des
coûts de construction constatée depuis 2002104. Cette frénésie normative
est enfin source de complexité pour les TPE et les artisans. Le chantier de
la simplification normative est donc une priorité pour les professionnels
de la construction, qui a été entendue par les pouvoirs publics, avec un
moratoire instauré entre 2013 et 2015 puis l’annonce d’une cinquantaine
de mesures en 2014. Toutefois, certaines normes peuvent ouvrir ou
entretenir un marché de prestations pour les opérateurs du bâtiment.
Source : « Quelles sont les motivations des Français qui font le choix de l’investissement locatif en 2015 ? » - étude
du Crédit Foncier, septembre 2015
104 Cf. audition de M. Jonathan PREVEREAUD, délégué régional de l’Union des Constructeurs Immobiliers, le 23
octobre 2014
103
259
C’est par exemple le cas de la réglementation thermique (RT 2005 et RT
2012), qui représenterait un surcoût de + 8 % à + 12 % selon la nature
des logements, 105 mais qui répond à une autre catégorie d’exigences
d’intérêt général.
-
Le défi de la transition énergétique dans le secteur du bâtiment, inscrit
dans le cadre des engagements nationaux et internationaux pour lutter
contre le changement climatique, est une autre injonction forte assez
largement intégrée et appropriée par les professionnels du bâtiment et de
la construction, d’autant que cette évolution est génératrice de nouveaux
marchés pour la filière. De fait, les acteurs professionnels ont mis en
place des formations et des labels afin de répondre aux nouvelles
exigences en matière énergétique et/ou environnementale dans la
construction (dont réhabilitation de logements). Pour la seule région
Aquitaine, ce chantier est colossal puisqu’il correspond à la réhabilitation
de plus du quart du parc existant (soit 392 000 logements) pour un coût
estimé de 15,5 milliards € à horizon + 10 ans. Cet enjeu exige une mise à
niveaux des formations, des compétences et un ajustement de l’outil de
production, qui est loin d’être acquis compte tenu de la taille limitée des
entreprises. Cependant, la multiplication des annonces et des dispositifs
aux divers échelons territoriaux introduit des facteurs d’instabilité,
d’illisibilité et d’incohérence qui ne favorisent pas le décollage de ce
marché de la réhabilitation thermique, notamment auprès des particuliers.
-
Enfin, la récurrente instabilité des politiques publiques en faveur de la
construction et de l’habitat est un autre élément de contexte qui pèse sur
les opérateurs et professionnels de la construction et du logement. Cela
concerne aussi bien la politique conduite au plan national par l’État que la
définition et la mise en œuvre des politiques locales en faveur de l’habitat
et du logement par les collectivités territoriales. Au plan national, pas
moins de 6 lois successives106 ont porté sur la politique du logement entre
2000 et 2014, soit en moyenne une loi tous les 3 ans, auxquelles on peut
ajouter diverses annonces ou « plans », tel le plan de relance de la
construction (un premier annoncé en juin 2014 puis un second fin août de
cette même année). Cette instabilité est accentuée par le fait que les
décrets d’application des lois adoptées ne sont pas toujours publiés et/ou
que leur mise en œuvre n’est pas toujours couronnée de succès (ex :
application du droit au logement opposable, certaines dispositions de la
loi « ALUR » de mars 2014…), quand elle n’est pas parfois contrariée par
les arbitrages budgétaires des lois de Finances.
Cf. rapport du groupe de travail n°1 « Simplifier la réglementation et l’élaboration des normes de construction et
de rénovation » établi dans le cadre de la démarche de concertation « Objectifs 500 000 » lancée par la Ministre
du logement, Mme Cécile DUFLOT, en novembre 2013
106 Loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000 de solidarité et de renouvellement urbain, loi n°2003-710 du 1er août
2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, loi n°2006-872 du 16 juillet 2006
portant engagement national pour le logement, loi n°2007-290 du 5 mars 2007 instituant un droit au logement
opposable, loi n°2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, loi
n°2013-61 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations
de production de logement social, loi n°2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme
rénové (à quoi on peut ajouter la loi n°2013-569 du 1er juillet 2013 autorisant le Gouvernement à adopter par
ordonnances des mesures législatives visant à accélérer les projets de construction)
105
260
Toutefois, certaines mesures récentes ont aussi tenu compte
d’observations ou souhaits des acteurs de la filière (mesures de
simplification et plans pour l’innovation lancés en décembre 2014). Ce
constat explique aussi pourquoi les professionnels du bâtiment et de la
construction appellent à une évaluation a posteriori des lois adoptées.
Au plan local, la baisse des dotations d’État vers les collectivités
territoriales n’est pas sans incidence sur les politiques territoriales en
matière d’habitat, au moins pour les collectivités délégataires des aides à
la pierre. Par ailleurs, un autre facteur d’incertitude tient à l’interprétation
parfois restrictive des documents d’urbanisme par les élus locaux ou leurs
services techniques et aux délais d’instruction des permis de construire
qui ralentissent la réalisation de programmes de logements, notamment
s’agissant de logements collectifs. Cette instabilité a tendance à favoriser
l’attentisme des donneurs d’ordre et/ou le report de mises en chantier.
Tel est le contexte dans lequel évoluent aujourd’hui les opérateurs de
l’immobilier et de la construction, qui n’échappent pas plus aux difficultés
économiques, que ce soit celles des ménages sur leur prévisions
d’investissement et/ou sur leurs dépenses en matière de logement, ou
celles des pouvoirs publics dans leur capacité à investir dans des
politiques d’urbanisme et d’habitat.
3.1
Construction et immobilier, un secteur d’activités déterminant
pour l’économie et l’emploi dans les territoires
Les entreprises du bâtiment se situent au cœur de la chaîne de
production de logements. Au plan national, on compte 382 000
entreprises du bâtiment dont 95 % de 10 salariés ou moins (dont 87 000
auto-entrepreneurs).
261
Elles occupent au total plus de 1 million de
salariés. Ces entreprises ont réalisé
124 Mds € de travaux en 2014 dont 60 %
(75 Mds €) pour le seul secteur du
logement. Plus de la moitié (55 %) de
l’activité réalisée dans ce domaine repose
sur le marché de l’entretien-amélioration.
Globalement, le secteur du bâtiment a
connu au cours des dernières années une
baisse de l’activité qui s’est accompagnée
d’un recul de l’emploi salarié, même si ce
recul a été moins marqué que celui de la
production. Dans le même temps, une
dégradation des marges et des résultats des
entreprises a été enregistrée.
Source : Fédération Française du Bâtiment
135
1 315
Production (milliards d'euros
2007)
130
125
1 265
1 215
1 165
115
1 115
110
1 065
105
1 015
100
965
95
915
1977
1978
1979
1980
1981
1982
1983
1984
1985
1986
1987
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013 (e)
2014 (p)
120
16%
14%
12%
10%
8%
6%
4%
2%
0%
Part des
entreprises en
perte
Taux de marge
(EBE/VA)
Source :
Fédération Française du
Bâtiment
Rentabilité
nette (Résultat
Net/CA)
2008
2009
2010
2011
2012
En Aquitaine, le secteur du bâtiment rassemble plus de 28 400 entreprises
dont 97 % de TPE artisanales de moins de 10 salariés (données 2014). Ce
tissu d’entreprises occupait 48 800 emplois salariés (dont 38 400 dans les
entreprises artisanales et hors travailleurs détachés) et un peu plus de
5 400 emplois intérimaires (équivalents temps plein) en 2014.
262
Cette même année, le chiffre d’affaires du secteur au niveau régional a
atteint près de 7,17 Mds € (dont 4,38 Mds € dans le secteur artisanal), un
peu plus de la moitié (51 %) étant réalisé dans l’entretien et la rénovation
de logements et 31 % dans la construction neuve de logements (pour
25 900 logements mis en chantier), le solde correspondant à de la
construction de bâtiments neufs non résidentiels107.
Ces entreprises du bâtiment sont pour la grande majorité fortement
tributaires d’une part du marché de la construction individuelle et/ou de
l’entretien-rénovation (notamment les entreprises artisanales qui réalisent
71 % de leur activité sur le marché des particuliers), lequel dépend des
décisions de construction ou de travaux des ménages, de la commande
publique d’autre part, surtout celle émanant des collectivités territoriales,
dans un contexte de resserrement des budgets publics. Or, depuis 2008,
les entreprises aquitaines du bâtiment ont dû encaisser les effets de la
crise et ont perdu plus de 10 000 emplois (soit -18 % entre 2008 et
2014).
Bien que général, ce recul de l’emploi dans les entreprises du bâtiment est
particulièrement sensible dans les départements et les territoires ruraux,
où prédomine le marché de la construction individuelle et touchés par un
appauvrissement des ménages. Cette chute conjoncturelle des effectifs,
qui se répercute aussi sur l’appareil d’apprentissage, tombe à un mauvais
moment car elle constitue une perte sèche de compétences au moment
même où il serait nécessaire de former et de mobiliser une main d’œuvre
qualifiée pour répondre au double défi des besoins en logements et de la
transition énergétique. Néanmoins, le rythme régional de création
d’entreprises dans ce secteur du bâtiment reste l’un des plus dynamiques
(3,7 créations pour 1 défaillance, 6 % des créations d’entreprises
artisanales du bâtiment en Aquitaine courant 2014). Il n’en reste pas
moins que la situation conjoncturelle reste difficile au moment de la
rédaction de ce rapport, notamment pour les petites et très petites
entreprises dont une partie travaille sur le marché de la sous-traitance (8
% au plan national), malgré quelques signes encourageants de reprise.
Pour la plupart des entreprises du bâtiment, et plus largement des
opérateurs de l’habitat, le défi actuel lié à la réhabilitation énergétique du
parc ancien est perçu comme une opportunité sur le marché de
l’entretien-rénovation étant donné l’ampleur du chantier (rappel :
gisement de 392 000 logements à réhabiliter soit près de 40 000 par an à
horizon + 10 ans, cf. chapitre 2.3), qui bénéficie d’incitations diverses
(déductions fiscales, subventions ou aides) des pouvoirs publics. Dans le
neuf, la mise en place de la réglementation thermique (RT2012, bientôt
RT2020) ou de labels (BBC-Effinergie, Effinergie +, « Habitat et
environnement ») s’inscrit dans ce même registre.
Cf. auditions de MM. Loïc CHAPEAUX (Fédération Française du Bâtiment), Sébastien PERRUCHOT
(CEBATRAMA), Jonathan PREVEREAUD (FFB/UCI) et Philippe RENOUIL (FFB Aquitaine), le 23 octobre 2014
et audition de MM. Patrick LALANNE et Benoit TABASTE (CAPEB Aquitaine) le 28 janvier 2015
107
263
Les organisations professionnelles du bâtiment ont su anticiper ce nouvel
enjeu en sensibilisant et en accompagnant leurs adhérents dans
l’adaptation de leur qualification (ex : Qualibat, Qualit’EnR, label « écoartisans », certification « Reconnu Garant pour l’Environnement » ou
RGE) et dans leur formation (ex : FEE-Bat). Ainsi, à fin septembre 2015,
plus de 3 000 entreprises du bâtiment de la région sont qualifiées « RGE »
(soit plus de 10 % du total, 3 fois plus qu’il y a 1 an). Cette progression ne
fait que souligner l’enjeu de ce marché pour les entreprises concernées.
Les constructeurs de maisons individuelles sont représentés au plan
national essentiellement par deux grandes organisations, l’Union des
Maisons Françaises (l’UMF, 600 marques et 55 % du marché national) et la
Fédération Française des Constructeurs de Maisons Individuelles (FFCMI).
En Aquitaine, une soixantaine de constructeurs de maisons individuelles
sont affiliés à l’UMF, quelques-uns d’entre eux opérant sur tout ou partie
du territoire régional. Les particuliers ayant recours à ce type d’opérateur
doivent signer un contrat de construction de maison individuelle (CCMI)
instauré par une loi du 19 décembre 1990, lequel vise à garantir les
bonnes conditions de réalisation de l’acte de construction, d’achèvement
ou de livraison et de paiement des travaux. Les constructeurs sont tenus
d’appliquer les dispositions de cette loi et vont même au-delà pour
certains. Ainsi, la FFCMI a mis en place une marque collective « Maison de
confiance » et un concept de maison « Z’R », intégrant la prise en compte
des enjeux de performance énergétique (maison à énergie positive),
d’environnement (limitation des rejets), de santé et de qualité de vie dans
l’habitat ainsi qu’un volet comportemental (sous forme de « coaching »
aux éco-attitudes pour les habitants), préfigurant en cela les futures
exigences en matière de construction (règlementation bâtiment
responsable 2020).
Il existe par ailleurs une association dénommée « Maisons de qualité » qui
rassemble des associations de consommateurs (l’Union Nationale des
Associations Familiales) et des constructeurs de maisons individuelles,
dont l’objectif est d’offrir aux particuliers une garantie de qualité au-delà
des exigences imposées par le CCMI. Au plan national, 70 constructeurs
se sont engagés dans cette démarche (dont une dizaine en Aquitaine), par
le respect d’une charte comportant plusieurs exigences en termes de
qualité de la relation, de l’organisation et de la construction. L’association
a depuis peu mis en place un laboratoire d’innovations (le « Lab’ »), sur
des thèmes aussi divers que la maison connectée, évolutive (ou
modulaire), participative …
Le marché de la maison individuelle en secteur diffus mobilise aussi les
aménageurs et lotisseurs (pour l’individuel groupé). Le Syndicat
National des Aménageurs-Lotisseurs (SNAL) est le représentant unique
des professionnels privés de l’aménagement et du lotissement en France
et regroupe 80 % de la profession, soit 300 sociétés.
264
Ces opérateurs produisent en moyenne 25 000 logements par an en
France, mobilisant 3 000 emplois directs et environ 50 000 emplois
indirects. 108 Pour le SNAL, le métier d’aménageur-lotisseur consiste à
organiser l’espace en vue de l’urbanisation de nouveaux quartiers (soit en
secteur de type Zone d’Aménagement Concerté, ou le plus souvent en
simple permis d’aménager), en veillant à l’insertion urbaine et paysagère
des projets et dans le respect des documents d’urbanisme. En Aquitaine,
le SNAL compte près d’une vingtaine de sociétés adhérentes. Il est à
l’origine de la création en 2009 de l’Observatoire de l’Immobilier du SudOuest (OISO), outil de suivi de l’activité et des marchés (26 zones de
marché pour l’ensemble de l’Aquitaine couvrant 725 communes). Les
professionnels du SNAL sont signataires d’une charte éthique, qui
s’appuie sur des valeurs de professionnalisme, de reconnaissance, de
dialogue et de concertation. Cet engagement professionnel trouve entre
autre son expression dans la participation du SNAL à l’association HQE,
reconnue d’utilité publique, dont la mission porte sur la construction et
l’aménagement durables. Cela s’est concrétisé notamment par
l’élaboration d’un guide de l’éco-aménagement et d’une certification
« HQE Aménagement »TM en partenariat avec l’ADEME, le Ministère de la
culture et de la communication et l’Union des Syndicats Français de
l’Architecture (UNSFA), délivrée par Certivéa (filiale du Centre
Scientifique et Technique du Bâtiment). Structuré au niveau régional, le
SNAL est un interlocuteur des autorités locales.
Pour ces opérateurs, les enjeux actuels du marché de l’individuel
aménagé, qui constitue le premier marché d’accueil des primo-accédants,
sont diversifiés : préserver les espaces naturels avec un objectif de
densification, favoriser la mixité typologique, sociale et générationnelle de
l’offre de logements, assurer l’intégration et la cohérence du quartier avec
le tissu urbain local, maintenir des prix attractifs via le marché de
l’individuel aménagé, en encourageant l’implantation de jeunes ménages et
de familles (notamment sur le territoire de la métropole bordelaise). La
libération du foncier privé, notamment par la remise à plat de la fiscalité
immobilière, constitue l’une des priorités de ce syndicat, avec la relance
de l’accession à la propriété et la simplification de certaines règles en
matière d’urbanisme.
Les promoteurs immobiliers sont des opérateurs actuellement
incontournables dans la production de logements neufs en collectif. La
promotion immobilière réalise environ le tiers des ventes de logements
neufs (quasi-exclusivement en collectif) et jusqu’à 70 % dans les grandes
métropoles. Cela représente environ 100 000 logements par an sur les
300 000 réalisés chaque année (autant dans l’habitat social et dans la
construction de maisons individuelles), sur un total de 1 million de
transactions (dont 700 000 ventes dans l’ancien via les agences
immobilières).
Cf. audition de Mme Amélie DECAUX et de MM. Cyrille VIVAS et Jérôme BANDERIER (SNAL), le 10
décembre 2014
108
265
L’activité de promotion immobilière porte à 80% sur la vente de
logements (le solde se partageant entre la vente de bureaux, de centres
commerciaux, de résidences de tourisme, de lots aménagés…). Le chiffre
d’affaires global de cette catégorie d’opérateurs est proche de 30 Mds €
par an, dont 22,6 Mds € pour le logement. Leurs activités occupent un
peu plus de 25 000 salariés au plan national. Les promoteurs immobiliers
sont rassemblés au sein d’une fédération (la Fédération des Promoteurs
Immobiliers, FPI), laquelle regroupe 500 adhérents au plan national (soit
90 % des professionnels concernés), parmi lesquels Nexity, Bouygues
Immobilier, Icade, Kaufman & Broad, Cogedim, Eiffage Immobilier, Vinci
Immobilier, et Pichet pour les plus importants (le groupe Pichet étant l’un
des plus importants en région, basé en Gironde et l’un des rares à
proposer à ce niveau une activité intégrant l’ensemble des métiers de
l’immobilier, de la conception à la commercialisation et à la gestion en
passant par l’aménagement, l’ingénierie et la construction). La FPI dispose
de délégations régionales, dont une délégation Aquitaine / PoitouCharentes qui compte près de 70 adhérents dont une cinquantaine
d’adhérents dans l’actuelle région Aquitaine.109
La délégation régionale de la FPI anime avec le SNAL un observatoire de
l’immobilier (l’Observatoire de l’Immobilier du Sud-Ouest, OISO), à
l’instar de ceux existant dans d’autres régions, lequel réalise un suivi
régulier de l’activité et des marchés. A l’échelle de la délégation, les
promoteurs immobiliers produisent environ 7 000 logements par an dont
4 300 sur l’agglomération bordelaise, 1 700 dans le sud Aquitaine (Côte
basque essentiellement) et 500 dans l’agglomération rochelaise. Cette
production est donc presqu’exclusivement concentrée sur les principales
agglomérations et 70 % est vendue à des propriétaires investisseurs (avec
une proportion équivalente de logements acquis par des investisseurs mis
en location). Leur activité s’opère donc essentiellement sur des
territoires aux marchés plutôt tendus (cas de l’agglomération bordelaise
et de la côte basque en Aquitaine).
Pour ces opérateurs, l’un des principaux enjeux touche à l’accès au
foncier, sachant par exemple que sur l’agglomération bordelaise la moitié
de l’activité se réalise en secteur aménagé (en zone d’aménagement
concerté ou dans un programme d’aménagement d’ensemble pour ceux
encore en cours110, tel celui des bassins à flots à Bordeaux), l’autre moitié
en secteur diffus. C’est dans ce segment du marché que la concurrence
est la plus rude et la surenchère sur le foncier la plus vive, d’autant qu’à
cette concurrence se greffent aussi les exigences et/ou la prudence des
municipalités, parfois réticentes à ouvrir l’urbanisation à des programmes
en collectif conformément aux possibilités offertes par les documents
d’urbanisme.
Cf. audition de M. Alain FERRASSE, président de la FPI Aquitaine / Poitou-Charentes, le 26 mars 2015
Les programmes d’aménagement d’ensemble ou PAE créé en 1985 était avant tout un dispositif de
financement particulier d’opérations d’aménagement. Il a été supprimé par une loi du 29 décembre 2010 et leur
création est devenue impossible depuis le 1er mars 2012.
109
110
266
Une autre contrainte tient au fait que pour écouler leur production la
plupart des promoteurs sont tenus de passer par des conseillers en
placement financier, canal privilégié par les propriétaires investisseurs
(hormis pour les promoteurs ayant intégré cette activité tels que le
groupe Pichet 111 , ce qui génère néanmoins des coûts de gestion), ceci
imposant des frais de communication relativement élevés (soit un surcoût
estimé à + 10 %). Par ailleurs, les promoteurs sont également tributaires
des conditions imposées par les banques, lesquelles n’apportent leur
concours pour le financement des travaux de construction qu’à partir
d’un taux de réservation de 50 % à 60 %. Au bout du compte, la marge
nette des promoteurs immobiliers se situe actuellement autour de 7 %.
Ces différentes contraintes expliquent pour partie la concentration de
l’offre de logements des promoteurs immobiliers dans les territoires les
plus attractifs (également favorisée par le zonage prioritaire en
investissement locatif – cf. chapitre 2.5), où elles contribuent à la spirale
des prix. De fait, une part relativement faible de cette production reste
accessible à des primo-accédants (environ 8 % des ventes), même si une
proportion significative de l’offre est vendue à des bailleurs sociaux
(environ 20 % au total). Les objectifs de mixité également recherchés par
les pouvoirs publics, avec des prix de vente de 2 000 à 2 500 € / m2 pour
la partie sociale du parc, ont une incidence sur le prix de vente de l’offre
en marché libre. Dans ce contexte, le développement de l’autopromotion
et de l’habitat participatif est un facteur d’inquiétude pour ces opérateurs.
Les bailleurs sociaux rassemblent tout un ensemble d’opérateurs
publics (offices HLM), et privés (entreprises sociales pour l’habitat,
collecteurs de la participation des employeurs à l’effort de construction,
sociétés coopératives…), rassemblés au sein de l’Union Sociale pour
l’Habitat (USH). Celle-ci regroupe 755 organismes et 5 fédérations :
Fédération des Offices Publics de l’Habitat (271 offices HLM), Fédération
des Entreprises Sociales pour l’Habitat (261), Fédération des
Coopératives d’HLM (169), Union d’économie sociale pour l’accession à
la propriété (56 sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif pour
l’accession sociale à la propriété ou SACICAP), Fédération des
associations régionales d’organismes d’habitat social). Dans son ensemble,
ce mouvement mobilise 12 000 administrateurs bénévoles et 82 000
salariés au plan national. Les organismes HLM investissent 16,9 Mds € par
an dans l’économie (année 2013). Cette même année, ils ont mis en
chantier (ou acquis) 98 000 logements et réhabilité 120 000 logements,
pour 85 000 mises en location et 10 900 logements mis en vente.
L’USH est représentée en Aquitaine par l’Association Régionale des
Organismes Sociaux pour l’Habitat (AROSHA), mais aussi par deux
associations départementales implantées en Gironde et en PyrénéesAtlantiques.
Le groupe Pichet, dont le siège est implanté à Bordeaux, livre environ 2 000 logements au plan national et
réalise un chiffre d’affaires de 255 M€. Il emploie 800 salariés dans ses différentes structures ou filiales.
111
267
Elle rassemble 35 organismes au niveau régional, dont 11 offices publics, 8
entreprises sociales pour l’habitat, 3 sociétés anonymes coopératives
d’intérêt collectif pour l’accession à la propriété (SACICAP), 5
coopératives HLM et 2 sociétés d’économie mixte. Les missions de l’USH
et de ses antennes régionales consistent à représenter les organismes
d’habitat social auprès des pouvoirs publics, d’animer l’action
professionnelle (information, coordination, capitalisation et échange de
pratiques) et d’offrir à leurs adhérents des espaces ressources. Les
organismes d’habitat social investissent 1,25 Mds € par an dans
l’économie régionale. Ils mobilisent 14 500 emplois directs et 6 000
emplois indirects. Pour les représentants régionaux de l’USH, les enjeux
actuels en matière d’habitat social concernent l’adaptation et le
développement du parc associé à une maîtrise des prix,
l’accompagnement social en considérant les problématiques territoriales
(métropole, littoral, espaces ruraux périphériques), la maîtrise des
charges (dont économies d’énergie) et le renforcement des politiques
locales d’habitat. L’accès au foncier, la maîtrise des coûts et la raréfaction
des financements sont les principales difficultés rencontrées par les
bailleurs sociaux (cf. également chapitre 3.3).
Une autre catégorie d’opérateurs incontournables dans cette chaîne de
métiers est celles des agents immobiliers (mais aussi administrateurs
et marchands de biens, syndics…). Ces professionnels sont organisés
autour de plusieurs fédérations et syndicats tels que la Fédération
Nationale de l’Immobilier (FNAIM, 12 000 adhérents au plan national et
100 000 salariés), le Syndicat National des Professionnels de l’Immobilier
(SNPI, près de 10000 adhérents au plan national) ou l’Union des Syndicats
de l’Immobilier (UNIS, 2 500 adhérents au plan national). Cet ensemble
recouvre des métiers diversifiés, de la transaction immobilière (agents
immobiliers, administrateurs et marchands de biens), syndics de
copropriétés mais également la location de vacances, l’immobilier
professionnel, du diagnostic immobilier, de la rénovation ou encore de la
promotion. L’exercice de ces activités est très réglementé, notamment en
application de la loi Hoguet de 1970, encadrement renforcé par certaines
dispositions de la loi « ALUR » de 2014. Ceci explique que la formation
soit l’un des axes de mobilisation importants de la plupart de ces
organisations professionnelles en direction de leurs adhérents, à travers
des structures dédiées (l’Ecole Supérieure de l’Immobilier pour la FNAIM
et l’UNIS, VHS Business School pour le SNPI). Certains de ces syndicats
ont également pris des engagements en matière d’éthique professionnelle
(ex : le code d’éthique et de déontologie de la FNAIM depuis 2005), mais
également en matière de bâtiment durable ou de responsabilité sociétale
(ex : l’UNIS est signataire du Global Compact, initiative internationale en
matière de responsabilité environnementale et sociale). Ces organisations
sont structurées à l’échelon régional (FNAIM, UNIS) ou départemental
(SNPI).
268
Elles sont parties prenantes du Conseil national de gestion de la
transaction immobilière, mis en place le 30 juillet 2014 en application de
la loi « ALUR » et auquel sont associées plusieurs associations de
consommateurs (l’Association Force Ouvrière de Consommateurs, la
Confédération Syndicale des Familles, la Confédération Nationale du
Logement, l’association Consommation Logement et Cadre de Vie et la
Confédération Générale du Logement). Le SNPI et l’UNIS sont avec
l’UNPI (cf. chapitre 3.4) parmi les membres fondateurs de l’association
CLAMEUR, outil de connaissance des loyers et d’analyse des marchés
urbains et ruraux.
En Aquitaine, la FNAIM compte près de 500 adhérents (une centaine
pour l’UNIS), soit le tiers des professionnels de l’immobilier déclarés en
Aquitaine112. Ces professionnels partagent le constat de la difficulté accrue
des ménages pour accéder au logement, en particulier sur le marché de
l’accession en neuf dans les zones tendues. Ils considèrent la nécessité
dans ce contexte d’améliorer la rotation du parc social par une gestion
plus attentive des règles d’attribution, par une mobilisation accrue du parc
privé vacant et par un ajustement de la fiscalité applicable aux bailleurs
privés qui sont en très grande majorité de petits propriétaires (moyenne :
1,2 logement par bailleur). S’ils approuvent les dispositions de la loi
« ALUR » relatives à la formation, à la déontologie et au contrôle des
professionnels, ils en dénoncent parallèlement celles portant sur les
modalités de calcul des frais d’agence déconnectées de la réalité du
marché ou encore les termes de calcul du loyer médian dans les zones
tendues.
Parmi l’ensemble des intervenants de la chaîne de production du cadre
bâti, les architectes occupent une position particulière. Par une loi du 3
janvier 1977, l’architecture s’est vu reconnaître une mission d’intérêt
public. La mission de l’architecte est, entre autre, de veiller à la qualité de
l’habitat. Au regard de l’enjeu du logement, entendu comme espace de vie
des ménages, de l’individuel sinon de l’intime, l’intervention de l’architecte
suppose de répondre à une série de questions : quelles sont les attentes
du commanditaire ou du destinataire ? Quel est le budget pour
matérialiser le projet ? Quelle esquisse ou forme donner à ce dernier ?
Comment le rendre compatible avec les règles d’urbanisme ? Quelles
prescriptions techniques donner pour la mise en œuvre du chantier, sa
réalisation et jusqu’à sa livraison ? Quel suivi assurer au terme de celle-ci ?
L’exercice du métier exige l’inscription à l’Ordre des Architectes, institué
par cette même loi de 1977, placé sous tutelle du Ministère de la culture
et de la communication. 113 A ce jour, 30 000 architectes exercent leur
profession en France, pour plus de la moitié à titre individuel et sans
salarié (1,8 salarié en moyenne pour un total de 38 000 salariés).
Cf. audition de MM. Bernard DESBIEYS et Frédéric LESVIGNE, représentants de la FNAIM, le 29 octobre
2014
113 Cf. auditions de Mme Marjane HESSAMFAR-VERONS (Ordre régional des architectes) et de M. François
PICHET (Union régionale des Syndicats Français d’Architectes), le 26 novembre 2014
112
269
Le mode d’exercice libéral et/ou indépendant de la profession, largement
dominant jusqu’alors, est en perte de vitesse (52% en 2013 contre 64 %
en 2000) au profit de l’exercice associé. 114
Source : « Archigraphie, chiffres et cartes de la profession d’architecte », Conseil national de l’Ordre
des architectes – IFOP, 2015
Un quart des architectes en exercice sont des femmes (44 % chez les
architectes de moins de 35 ans).
On compte près de 1 700 architectes en exercice en Aquitaine,
répertoriés par l’Ordre des Architectes d’Aquitaine, soit un taux
d’implantation relativement élevé au regard de la population régionale et
en forte progression au cours des quinze dernières années, dont une part
importante de jeunes architectes.
Malgré la reconnaissance de la profession et son caractère réglementé,
celle-ci n’est pas pour autant protégée et se trouve actuellement de plus
en plus fragilisée compte tenu de l’évolution des modes opératoires de la
maîtrise d’ouvrage. D’une part, le recours à un architecte n’est obligatoire
en France que pour les constructions dépassant 170 m2 (de surfaceplancher ou d’emprise au sol), contrairement à d’autres pays tels que
l’Allemagne où ce recours est obligatoire quelle que soit la taille du
projet. D’autre part, l’évolution de la nature du marché, par laquelle la
procédure du concours d’architecte qui garantit à la fois une qualité de
prestation et l’indépendance de l’architecte, est peu à peu délaissée. A
celle-ci, se substitue de plus en plus un marché de conception/réalisation
chez les principaux opérateurs (ex : bailleurs sociaux ou commande
publique), qui court-circuite le principe du concours.
Source : « Archigraphie, chiffes et cartes de la profession d’architecte », Conseil national de l’Ordre des
Architectes – IFOP, 2015
114
270
Dans ce mécanisme, le choix du prestataire s’opère moins en fonction de
la qualité du projet que de la capacité de l’architecte à répondre à des
exigences de coûts et de délais de réalisation. De même, la procédure des
« dialogues compétitifs » tend à un assèchement du produit tirant vers le
moindre coût ou le moins disant. Dans la production de logement social,
ce type de commande se développe, accentué par le recours à la VEFA,
c’est-à-dire à des promoteurs privés, dans lequel l’intervention de
l’architecte est limitée ou partielle (ainsi la mission de chantier lui
échappe, sans possibilité de vérification de la conformité des ouvrages au
projet initial). Un autre dispositif instauré par une loi du 1er juillet 2014, la
société d’économie mixte à opération unique (SEMOP), permet à des
entreprises ou groupes immobiliers de construire des logements clés-enmains en mobilisant des équipes d’architectes « maison », dont
l’indépendance est circonscrite par les intérêts de leur propre employeur.
Face aux grands opérateurs de la construction tels que les promoteurs
immobiliers, les architectes se retrouvent donc de plus en plus isolés, leur
intervention de plus en plus limitée et leur indépendance remise en cause.
Pour ces professionnels, celle évolution porte un risque réel de perte de
compétences. Outre ces difficultés, les architectes doivent aussi
composer à la fois avec l’impact accru des normes en matière de
construction, que certains qualifient de surenchère, et avec les évolutions
technologiques liées à l’habitat (exemple : domotique, « smart grids »…).
Afin de s’adapter et de surmonter ces mutations, les représentants
professionnels (Ordre des Architectes, Union Nationale des Syndicats
Français d’Architectes) insistent sur plusieurs pistes de mobilisation.
D’abord, par la prise en compte des attentes sociales et par une relation
plus étroite à l’usager ou à l’habitant, en considérant que le logement
relève d’abord de l’intérêt général et pas simplement d’une logique
financière. Cette orientation explique aussi l’implication croissante des
architectes dans des projets d’autopromotion ou d’habitat participatif.
Ensuite par l’innovation et la formation, qui doivent permettre de
favoriser une approche transdisciplinaire et la mise en œuvre de
nouveaux outils, tel que le « Building Information Modeling » (ou BIM),
c’est-à-dire la modélisation numérique en 3 dimensions de données du
bâtiment qui induit une approche en amont associant les différents
intervenants autour d’un projet (cf. 3.6). La mise en place d’un centre de
formation sur le site du « 308 » à Bordeaux, lieu ressource des
architectes aquitains, témoigne de cet enjeu de formation permanente et
continue.
On peut aussi mentionner le rôle particulier des notaires, soit 9 000 en
France répartis dans 4 500 offices. Les notaires sont des officiers publics
investis d’une mission de service public dans le cadre de l’exercice d’une
activité libérale. Ils interviennent obligatoirement dans les opérations de
mutation et de vente de biens immobiliers. Ces opérations immobilières
constituent la plus grande partie de l’activité des notaires. Les trois quarts
des frais d’acquisition ou notariés correspondent à des taxes reversées
aux pouvoirs publics.
271
En Aquitaine, on compte 255 offices mobilisant un peu moins de 600
notaires. A la date de juillet 2015 et sur l’année écoulée, le montant global
des mutations de biens immobiliers (dont logement) de droit commun
réalisées à titre onéreux se sont élevées à 9,38 milliards € en Aquitaine.
Ce volume de mutations a plus que doublé entre 2000 et 2015, traduisant
en cela l’inflation des prix immobiliers. Pour la dernière période annuelle
(juillet 2014 à juillet 2015), cela a généré 544 M€ de perception de taxes
au profit des collectivités locales (Conseils départementaux et
communes) hors honoraires et émoluments des notaires115.
Enfin, il convient de mentionner le rôle des divers organismes mobilisés
en matière de réhabilitation de logement ou d’insertion par l’habitat.
C’est par exemple le cas du mouvement des PACT (devenus SOLIHA ou
Solidaires pour l’Habitat par fusions avec Habitat & Développement), qui
rassemble au sein de sa fédération régionale 6 associations, 6 agences
immobilières sociales (SIRES), 1 bureau d’ingénierie urbaine et
immobilière et 1 coopérative d’habitat. Ce mouvement mobilise en
Aquitaine environ 250 salariés et 300 administrateurs bénévoles. Jusqu’à
la fusion avec Habitat & Développement, les PACT réalisaient chaque
année 10 000 diagnostics de logements, 5 000 logements adaptés, 150
logements en propre et près de 80 missions habitat pour le compte de
collectivités. Leur activité annuelle génère ainsi 92 M€ de travaux. Les
PACT accompagnent également des ménages dans leurs parcours
résidentiels, soit environ 30 missions d’intérêt général « habitat des plus
pauvres » (plus de 1 300 ménages accompagnés dont 570 pour un accès
au logement, 500 pour le maintien dans leur logement et 140 offres
nouvelles), une centaine de logements d’insertion produits, 1 700 places
d’hébergement gérées en Aquitaine et près de 1 500 familles
accompagnées dans et vers le logement116.
Le rôle des Associations Départementales d’Information sur le Logement
(ADIL) doit aussi être souligné. Ce réseau, représenté au plan national
par l’Agence Nationale d’Information sur le Logement, a été créé en 1975
et œuvre en matière d’information et de conseil (juridique et financier)
des ménages ou usagers (propriétaires, propriétaires bailleurs, accédants,
locataires), que ce soit dans leurs projets immobiliers ou dans les
relations bailleurs / locataires. Leur mission est encadrée par la loi. Les
ADIL sont présentes dans tous les départements aquitains et mobilisent
une cinquantaine de salariés mais avec une grande disparité de moyens,
sachant que leur développement se heurte aujourd’hui aux arbitrages
budgétaires nationaux et locaux. C’est pourquoi certaines ADIL ont
récemment déployé des activités à caractère commercial en complément
de leurs missions de service public.117
Les taux des taxes, fixés par l’État, sont actuellement de 4,5 % pour les Conseils départementaux et 1,2 %
pour les communes, à quoi il faut ajouter une part au bénéfice de l’État (2,37 % du montant de la taxe
départementale). Les autres frais correspondent aux frais de négociation (5 % en deçà de 45 735 € et 2,5 % audelà, soit 4 372 € pour un bien de 100 000 €), au certificat de propriété (0,5 %) et autres émoluments (tarif
applicable S1 de 4 % en deçà de 6 500 € à 0,825 % au-delà de 60 000 €)
116 Cf. audition de M. François-Xavier LEURET (Union Régionale des PACT Aquitaine), le 9 avril 2014
117 Cf. audition de M. Yannick BILLOUX (ADIL 33), le 7 mai 2014
115
272
Enfin, il importe de mentionner la place des structures de transfert de
technologie et de recherche, notamment compte tenu de leur rôle accru
face aux défis imposés par le relèvement des niveaux d’exigence en
matière de performances énergétiques et environnementales dans le
bâtiment. Le territoire aquitain est ainsi maillé de plusieurs réseaux
animés par des centres de ressources (CREAHd, Domolandes,
Nobatek…) et clusters (ex : CLE, ECLAIR…) qui témoignent d’une
dynamique particulière en région (cf. chapitre 3.6).
Par conséquent, la chaîne de la construction de logements et de l’habitat
mobilise un très large champ d’opérateurs et de métiers, notamment des
entreprises et artisans du bâtiment, soit entre 30 000 et 35 000
entreprises (dont professionnels libéraux) et environ 70 000 emplois à
l’échelle du territoire aquitain.
L’intérêt commun à cet ensemble d’opérateurs est de répondre aux
besoins de développement et d’amélioration de l’offre en logements et
d’habitat. Dans un contexte de difficultés accrues depuis 2007/2008, ils
partagent également dans leur ensemble le souhait d’une pause dans le
processus de production des lois, textes et normes qui s’est accéléré au
cours de la décennie passée.
Beaucoup de ces métiers se retrouvent plus ou moins confrontés à des
défis en termes d’adaptation de leurs compétences, aussi bien face à
l’évolution du cadre réglementaire ou normatif, face aux évolutions des
attentes et des marchés, face à certaines évolutions technologiques et aux
mutations que ces évolutions peuvent générer dans la pratique des
métiers respectifs.
C’est pourquoi la plupart des organisations professionnelles concernées
soulignent l’enjeu de la formation, de la qualification et de la mise à niveau
des compétences et déploient des initiatives en ce sens. Un autre chantier
ouvert pour cet ensemble d’opérateurs concerne l’innovation et la
certification, à la fois afin de parvenir à produire des types d’habitat ou de
logement accessibles ou abordables, répondant aux besoins sinon aux
attentes des ménages, aux normes ou exigences en termes de qualité
et/ou de performances (énergétiques / environnementales) mais aussi afin
de garantir plus largement la qualité des prestations proposées. Ces
évolutions induisent également de nouvelles approches et modes
opératoires permettant de mieux saisir la réalité de la demande ou bien
encore de favoriser la coordination opérationnelle dans l’acte de bâtir et
de mieux maîtriser les coûts.
273
3.2 Des acteurs du bâtiment et de la construction qui bénéficient
diversement de la dynamique régionale du marché
Les professionnels du secteur du bâtiment ont encaissé depuis 2007 les
contrecoups d’une crise qui a affecté tous les segments du marché
immobilier. Les éléments d’analyse développés dans la partie précédente
(Partie 2) apportent des indications sur les évolutions récentes des
différents segments du marché du logement en région. Selon leur
positionnement, leur structuration et leur localisation, tous les opérateurs
n’ont pas uniformément subi les retombées de la crise ni profité de la
relative reprise ou dynamique constatée. Ces aléas du marché de
l’immobilier ont été en partie atténués par les aides publiques à l’habitat
ou au logement, lesquelles ont plutôt bénéficié à certains segments de
l’offre (ex : habitat collectif, habitat social) et à certains territoires
(urbains, en zones tendues et/ou en zonages prioritaires).
La plupart des entreprises et/ou artisans du bâtiment ont souffert du
recul de l’activité dans la construction neuve, notamment dans l’individuel
pur et groupé, qui constituent le plus gros de l’activité pour les
entreprises concernées dans les départements ruraux. Même si l’activité a
été plus soutenue en Aquitaine que dans nombre d’autres régions
françaises, le bilan est très contrasté selon les départements.
Les signes récents de reprise sur certains segments du marché courant
2015, tels que la hausse des autorisations en individuel groupé, restent
fragiles malgré les mesures de relance successives prises par les pouvoirs
publics (ex : élargissement du prêt à taux zéro). La déprime du marché de
la construction neuve a conduit certains constructeurs de maisons
individuelles à s’orienter vers le marché de l’entretien, générant une
concurrence accrue et un fléchissement des prix. Or, les deux tiers de
l’activité des artisans du bâtiment portent sur l’entretien-amélioration,
laquelle a eu tendance à fléchir dans la période récente malgré les
mesures prises en matière de rénovation énergétique du bâtiment. Dans
ce contexte, ce sont les TPE artisanales qui marquent le recul d’activité le
plus accusé. Le résultat de cette situation se traduit par une baisse du
nombre de créations d’entreprises et de l’emploi (y compris dans
l’intérim), par une hausse des défaillances et des cessations d’activité. 118
Le regain d’activité enregistré sur le marché de la construction neuve au
cours de l’année 2015, après plusieurs années de repli (chute de 50 % du
marché de la construction neuve en diffus en dix ans), apporte un regain
relatif d’optimisme, y compris parmi les constructeurs de maisons
individuelles.
Cf. dernières notes de conjoncture de la FFB, de la CAPEB et de la CEBATRAMA pour l’année 2015 en
cours.
118
274
Pour ces derniers, la progression des ventes constatée sur la dernière
année glissante 119 (+ 6% pour la France entière et pour le quart SudOuest) ne doit pas masquer certains obstacles de nature administrative
qui freinent ce marché (délais d’obtention de permis de construire et de
signature des actes notariés, délais d’instruction des prêts bancaires…).
Ces opérateurs attendent beaucoup des dispositions prises afin de
favoriser la solvabilité des accédants à la propriété (PTZ+ mais aussi
maintien de l’APL accession). S’ils partagent les objectifs en matière
d’économie d’énergie et d’habitat durable (ex : bâtiment à énergie
positive ou BEPOS), ils appellent à la prise en compte des délais de mise
en œuvre et des conditions de solvabilité des ménages, compte tenu de la
répercussion de ces mesures sur le prix de vente des logements.
Ce marché de l’habitat individuel pur concerne également les
aménageurs-lotisseurs, dans le segment de l’individuel aménagé (soit 11 %
de la production de logements neufs en Aquitaine, pour un prix moyen de
terrain de 96 700 € et une surface de 819 m2). La part des mises en
chantier dans l’individuel aménagé était de 9,2 % en 2013 et c’est dans les
Landes que la part de l’habitat individuel aménagé est la plus élevée.
EVOLUTION DES MISES EN CHANTIER DE LOGEMENTS
NEUFS PAR TYPE DE CONSTRUCTION
Sources : SNAl, SOeS/ELCN
Plus de la moitié des ventes réalisées dans l’individuel aménagé sont le fait
d’aménageurs lotisseurs privés.
119
Soit de date à date.
275
Sources : SNAl, SOeS/ELCN
Pour ces opérateurs, l’une des difficultés actuelles tient à l’incapacité
croissante de primo-accédants à acquérir un logement neuf dans les zones
tendues, notamment dans l’agglomération bordelaise. En Aquitaine, il faut
débourser 200 k€ à 240 k€ pour l’acquisition d’un T3, alors que le budget
moyen des primo-accédants est de 160 k€. Ce constat amène selon eux à
s’interroger sur la finalité d’une politique du logement (se loger ou se
constituer un capital retraite ?), car il soulève la question du parcours
résidentiel. Les tentatives des aménageurs lotisseurs de répondre à cette
demande dans l’agglomération bordelaise se sont heurtées à cette
contrainte du budget des ménages et ils se sont donc retirés de ce
marché, opérant essentiellement dans les périphéries de l’agglomération.
A l’inverse, le marché du logement neuf en territoires tendus est le
périmètre privilégié des promoteurs immobiliers, s’agissant notamment
de l’agglomération bordelaise (environ 200 opérations en cours dont la
moitié en secteur aménagé, tels que ceux des bassins à flot, de Ginko,
d’Euratlantique, de Brazza, de la caserne Niel…) et de la côte basque. Les
projets en secteurs aménagés, lancés par des collectivités locales
(exemple : programme des 50 000 logements de Bordeaux Métropole,
piloté par une société publique locale, La Fabrique métropolitaine),
assurent à cette catégorie d’opérateurs un volant d’activité. De fait, les
promoteurs sont des acteurs et bénéficiaires majeurs du marché de
l’immobilier neuf en Aquitaine. En 2013, 172 promoteurs ont réalisé une
activité de vente sur le territoire régional, dont 76 dans le périmètre du
bassin de vie de Bordeaux et une cinquantaine dans le bassin de vie de
Bayonne-Côte basque.
276
Dans l’agglomération bordelaise, l’analyse des derniers résultats
d’activité 120 révèle que les trois quarts des ventes concernent des
investisseurs, lesquels sont encore plus présents dans la gamme de
logements compris entre 3 500 et 5 000 € / m2. Les propriétaires
occupants sont plutôt positionnés dans des niveaux de prix en deçà de
3 500 € / m2, dont près du tiers dans le cadre d’une vente aidée. La baisse
de l’offre commerciale dans cette agglomération constatée au cours de
l’année 2015 (hors ville-centre) constitue un facteur d’inquiétude pour les
promoteurs, car elle est le signe de difficultés de lancement d’opérations.
Un autre problème soulevé tient à la structure de l’offre proposée au
regard des ventes réalisées.
STRUCTURE DES VENTES ET DE L’OFFRE PAR TYPE DE PRODUIT
SUR LA VILLE DE BORDEAUX (de janvier à septembre 2015)
Source : OISO / Adéquation, novembre 2015
Ainsi, sur le marché de Bordeaux, le quart de l’offre proposée est
composé de T4 (et 37 % de T4 / T5) mais cette catégorie de logements
réalise seulement 14 % des ventes (17 % pour les T4 / T5).
L’essentiel des ventes concerne des T2 / T3 (73 %). Les seuls T2
représentent plus du tiers (36 %) des ventes réalisées par les promoteurs
sur le marché bordelais121, alors qu’ils ne composent que 16 % de l’offre. Il
y a donc un décalage entre l’offre disponible et la réalité du marché. Là où
le délai d’écoulement d’un appartement est inférieur à 10 mois, il faut plus
de 2 ans pour les T4/T5. Ce décalage tient entre autre à la volonté de la
collectivité de favoriser l’accueil de familles, sans considération suffisante
des attentes et des capacités financières des ménages122.
Cf. «Activité de la promotion immobilière des 9 premiers mois de l’année 2015 et du 3ème trimestre 2015 », OISO,
conférence du 5 novembre 2015
121 Sur les 9 premiers mois de l’année 2015
122 Le prix moyen à la vente d’un T2 à Bordeaux est de 180 k€ et celui d’un T4 supérieur à 300 k€.
120
277
Ceci témoigne aussi d’une prise de conscience des opérateurs concernés
quant aux limites actuelles des marchés immobiliers dans les territoires
« tendus », qui laissent un nombre conséquent de candidats à l’accession
dans l’incapacité d’accéder à une offre devenue inabordable, compte tenu
de l’évolution des prix, avec des phénomènes de surenchère sur le
foncier hors secteurs aménagés, des conditions de financement des
opérations et des exigences des pouvoirs publics locaux.
Par conséquent, si les promoteurs immobiliers sont les parmi les
principaux acteurs et bénéficiaires du marché du logement neuf dans la
conjoncture actuelle, ils restent exposés aux faiblesses d’un système pris
dans ses contradictions et ses dérives.
Ce constat est dans une certaine mesure partagé par les professionnels
de la transaction immobilière. Même si le niveau des ventes immobilières
dans l’ancien se maintient, il a enregistré une baisse significative au cours
de la décennie écoulée (-7,3 % entre 2004 et 2014).
Nombre de ventes immobilières dans l'ancien
taxées au taux du droit commun - juillet 2014
80000
70000
66569 65651 67249 66248
62599
57628
60000
67741
62383 62165 61710
48410
50000
40000
30000
20000
10000
0
2004
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012
2013
Source : FNAIM, pour l’ensemble de la région Aquitaine
Cette baisse a été beaucoup plus radicale dans les départements ruraux
(-22,3 % en Dordogne, - 14,9 % en Lot-et-Garonne, - 8,5 % dans les
Pyrénées-Atlantiques, - 1,7 % en Gironde), hormis dans les Landes (+ 5,1
%). Dans ce marché de l’ancien, les prix ont progressé sur la même
période de + 21,4 % pour les maisons et de + 43,5 % pour les
appartements.
278
2014
En 2014, le prix moyen d’une maison vendue dans l’ancien était de 2 006
€ par m2 (3 467 € / m2 sur le marché bordelais) et celui d’un appartement
de 3 251 € par m2 (3 539 € / m2 sur le marché bordelais). Sur la dernière
période de référence (2013-2014), la progression enregistrée sur le seul
marché bordelais a été 2,5 fois plus élevée que celle constatée en
moyenne régionale (+ 4,4 % pour les appartements et + 4,3 % pour les
maisons).
MARCHÉ ENSEMBLE AQUITAINE
Statistique 2014
Prix (en €/m2)
Surface (en m2)
Appartements : 3251 €/m2 (+1,51% sur un an)
Détail par nombre de pièces
1 pièce
2 pièces
3 pièces
Moyenne
Minimum
Maximum
Moyenne
Minimum
Maximum
Statistique 2014
Prix (en €/m2)
Surface (en m2)
Moyenne
Minimum
Maximum
Moyenne
Minimum
Maximum
3659
3749
3422
1200
1026
886
7264
9355
7193
25
42
65
12
21
31
71
81
118
Maisons : 2006 €/m2 (+1,46% sur 1 an)
Détail par nombre de pièces
1 pièce
2 pièces
3 pièces
2112
800
5905
70
18
250
2010
800
4696
95
45
245
1865
805
4857
120
60
280
4 pièces
3157
704
6971
89
48
150
4 pièces
1928
800
5250
150
80
400
5 pièces et
plus
2907
686
5761
135
78
270
5 pièces et
plus
1975
800
5828
200
100
700
Source : FNAIM, 2014
Les tensions observées sur les marchés les plus attractifs accentuent les
phénomènes de découplage entre marchés immobiliers et activité
professionnelle, certains ménages choisissant d’habiter dans des
territoires parfois très éloignés de leur lieu d’activité (exemple : une
partie du marché immobilier du Lot-et-Garonne alimenté par ce
phénomène le long de l’axe TER Bordeaux-Agen).
279
Les agents immobiliers sont donc aussi témoins des difficultés accrues
d’accès au logement, notamment pour l’accession dans le neuf. Même s’il
y a encore des biens immobiliers vendus à prix « cassés » dans l’ancien, le
coût de la rénovation peut être relativement important. Dans le locatif,
une baisse relative des loyers a été enregistrée par l’observatoire des
loyers mis en place par la FNAIM, notamment du fait de la mise sur le
marché d’une offre nouvelle. Mais globalement le niveau actuel des prix
dans l’immobilier dans les zones tendues apparaît en décalage avec le
niveau de revenu des ménages, dans une région où le salaire moyen reste
relativement faible alors que le coût de la vie peut être parfois élevé (par
exemple en zone littorale), avec des ménages en situation de plus en plus
précaire et éclatés.
Comme la plupart des autres professions et métiers de la construction et
de l’habitat, les architectes ont subi les effets de la crise qui a affecté ce
secteur depuis 2007/2008. En outre, les disparités de revenus sont
relativement marquées dans la profession et ont eu tendance à se
creuser. Le revenu moyen des architectes était de 45 000 € en 2011 et le
revenu médian de 28 600 €123.
Or, un quart des architectes en exercice a dégagé un revenu annuel
inférieur à 6 500 € en 2013 et se retrouve en grande difficulté, avec parmi
ces derniers une baisse moyenne des bénéfices de – 42 % entre 2007 et
2012. Une proportion équivalente dispose de revenus supérieurs à 39 000
€. Le revenu net mensuel médian des architectes était de 2 700 € en
2012, très inférieur par exemple à celui des notaires (plus de 13 200 €).
Les graphiques présentés ci-dessous sont extraits de l’ouvrage « Archigraphie : chiffres et cartes de la profession
d’architecte », publié par le Conseil National de l’Ordre des Architectes en 2015
123
280
Il y a donc un très net contraste de situations au sein de la profession,
entre la plupart des petits cabinets et les agences dirigées par les grands
noms de l’architecture.
Si le taux de pénétration des architectes a eu tendance à progresser dans
les travaux de construction depuis début 2000, il reste modéré dans le
domaine du logement (un peu moins du tiers) et la commande publique a
joué un rôle d’amortisseur face à la baisse de la commande privée
(laquelle représente les deux tiers du marché des prestation
d’architectes).
La baisse constatée du taux de pénétration des architectes dans l’activité
du bâtiment à partir de 2008 s’explique essentiellement par le
ralentissement du marché de la construction neuve qui représente les
trois quarts de leur activité.
281
Dans cet ensemble, le logement représente un peu plus de la moitié de
l’activité des architectes (56 %), essentiellement alimentée par les travaux
réalisés pour des logements neufs en collectifs.
Sur le marché de la maison individuelle, le recours à l’architecte reste très
faible (4 %), y compris sur la part du marché des maisons de 170 m2 et
plus (13 %), seuil à partir duquel l’intervention de l’architecte devient
obligatoire. Cela représente néanmoins un volume de 2,3 milliards € de
travaux déclarés (en 2011).
282
Ces éléments témoignent de la fragilité des architectes, lesquels peinent à
s’imposer face aux autres opérateurs. Les petits cabinets ont de plus en
plus de mal à accéder à la commande, y compris à la commande publique
et plus du tiers des architectes ont enregistré une baisse de leur activité
dans la période récente. Le paradoxe est que l’importance des besoins en
logements serait de nature à mobiliser potentiellement un grand nombre
de ces professionnels.
Répondant à une commande officielle, un rapport récent a été remis en
juillet 2015 au Ministère de la Culture et de la Communication et formule
de nombreuses propositions afin de valoriser les métiers de
l’architecture, en termes de sensibilisation, d’innovation et de
développement.124
Cf. « Stratégie nationale pour l’architecture : Rapport des groupes de réflexion», Ministère de la Culture et de la
Communication, 7 juillet 2015
124
283
L’analyse de l’économie d’un projet type de de construction d’un
logement neuf permet de mieux saisir la répartition des coûts respectifs.
Cette analyse s’appuie sur une approche des bilans de promoteurs
immobiliers. Le projet type de référence concerne une opération de 2000
m2 de surface de plancher (soit 17 logements d’une surface unitaire de 60
m2). La charge foncière retenue est celle d’un terrain dans le périmètre
d’une agglomération (ex : agglomération bordelaise) de 350 € par m2. La
TVA appliquée est au taux de 20 %. Les frais de portage des promoteurs
et les honoraires de maîtrise d’œuvre sont médians.
Le coût de construction retenu est de 1 400 € / m2 de surface habitable
(hors stationnement).
Ainsi, pour un logement neuf de 60 m2 réalisé en promotion, le coût
strict de construction équivaut à 40 % du coût total, soit à une pièce de
24 m2. Les frais de portage du promoteur représentent le quart du coût,
soit une pièce de 15 m2. L’équivalent-surface de la fiscalité (TVA)
correspond à 10 m2. La charge foncière (15 % du coût total) représente
une pièce de 9 m2. Enfin, les honoraires d’architecte correspondent à un
peu plus de 3 % du coût total et à une surface de 2 m2.
284
L’évolution récente des marchés de l’immobilier et de la construction
souligne la relative disparité de situations des différentes catégories
d’opérateurs. Malgré quelques signes de reprise au cours de ces derniers
mois, les professionnels du bâtiment et de la construction connaissent
une conjoncture encore difficile, aussi bien sur le marché de la
construction neuve que sur celui de l’entretien-amélioration. La reprise
enregistrée sur le marché de la construction de maison individuelle, en
partie favorisée par les mesures fiscales et les aides publiques, ne doit pas
masquer les difficultés d’accession en neuf dans les territoires les plus
attractifs et tendus, hors de portée pour nombre de ménages.
Dans ces territoires, la production de logements neufs est largement
accaparée par la promotion immobilière, avec une problématique de coût
d’un foncier recherché mais difficilement accessible. Malgré le relatif
dynamisme de ce segment de production, entretenu par l’attractivité des
territoires concernés et l’importance de programmes en secteur aménagé
(agglomération bordelaise), le tassement récent des offres commerciales
préoccupe les professionnels concernés. Un autre constat largement
partagé est que cette offre nouvelle, très majoritairement prisée par des
investisseurs, même si elle contribue à une accalmie sur le marché locatif,
ne répond que très partiellement à la demande d’accession à la propriété
des ménages dans l’agglomération bordelaise, contraignant de ce fait les
parcours résidentiels et générant de e fait un découplage entre lieux
d’habitat et lieux d’activité professionnelle.
L’analyse de la situation actuelle de cet ensemble d’activités met en
exergue un véritable paradoxe. Alors que les besoins en logement
s’accroissent, que la demande en accession à la propriété se maintient,
plusieurs segments d’activité rencontrent des difficultés plus ou moins
marquées de nature conjoncturelle (cas des entreprises du bâtiment) ou
plus structurelle (cas des architectes). Cette situation a des conséquences
directes sur l’emploi mais aussi sur la capacité des opérateurs à conserver
et développer des compétences ou savoir-faire, au détriment de la qualité
de l’habitat.
285
3.3 Des bailleurs sociaux pris entre réponse à la demande sociale et
contraintes du marché
Plus de la moitié des ménages aquitains (57 %, soit 840 000 ménages),
disposant d’un revenu inférieur à 100 % du plafond HLM, seraient
potentiellement éligibles à un logement social. Plus précisément, les
éléments d’analyse développés précédemment (cf. chapitre 1.5) ont mis
en évidence que 169 000 ménages, disposant d’un revenu inférieur à 60 %
du plafond HLM, dont plus de 90 % locataires du parc privé, composent
une population théorique permettant de mesurer le volume du besoin en
logement social. Cela signifie d’une part que les besoins théoriques ou
potentiels sont supérieurs à l’ensemble de l’offre actuellement disponible
(soit un peu plus de 156 000 logements au 1er janvier 2014) et d’autre
part qu’une partie de ces besoins ne s’exprime pas par une demande
formelle auprès des bailleurs sociaux (rappel : plus de 73 000 demandes
en attente fin 2014). En outre, lorsqu’elle s’exprime, cette demande est
nécessairement tributaire de l’offre existante, masquant de ce fait la
réalité des besoins dans les territoires de vie, notamment en espaces
ruraux ou périurbains, peu couverts par l’offre des bailleurs sociaux.
L’offre régionale en logements sociaux a bénéficié d’un effet de rattrapage
relatif au cours de la décennie écoulée. Cependant, le développement
récent s’est concentré dans quelques territoires prioritaires (zones
tendues, cf. zonages chapitre 2.5) et s’est opéré par le biais d’un recours
croissant à la vente en état futur d’achèvement, plaçant ainsi les bailleurs
sociaux sous une relative dépendance des opérateurs du marché, c’est-àdire dans des conditions de maîtrise de leur parc plus aléatoire à terme.
L’envolée des prix fonciers dans les territoires tendus explique pour
l’essentiel cette évolution. Ce développement du parc social s’est
accompagné d’une hausse parallèle du montant des loyers. Néanmoins, les
bailleurs sociaux soulignent le fait que l’évolution des plafonds HLM au
cours des dernières années a été en deçà de la hausse relative des coûts
de production.
Le coût de revient moyen d’un logement social est de 1 884 € (hors
TVA) au m2 (moyenne 2010-2014) et à 1 967 € TTC, soit 130 000 € à
140 000 € par logement. Dans les territoires tendus, ce coût moyen
dépasse 2 000 € / m2.
Le niveau relativement élevé du coût de revient total par logement dans
certains territoires (ex : Lot-et-Garonne) tient à la part plus élevée de
maisons individuelles dans le parc social et à une surface moyenne plus
importante. Près de 70 % de ce coût est imputable aux travaux de
construction, 20 % à la charge foncière et 10 % aux honoraires ou
prestations d’assistance à la maîtrise d’œuvre. Le poids de la charge
foncière varie plus ou moins selon l’état de tension des marchés
immobiliers. Dans les territoires tendus, le coût du foncier peut
représenter jusqu’au quart du coût total.
286
Source : Cahiers de l’AROSHA, « Les conditions de production du logement social en
Aquitaine – Coûts et financements 2005-2013 », AROSHA 2015
287
Entre 2005 et 2013, le coût de production d’un logement social au m2 a
progressé de + 44 % et le coût total de + 30 %. Cette augmentation tient
à plusieurs facteurs : augmentation des coûts fonciers, hausse du prix des
matériaux de construction, impact des nouvelles normes (thermiques et
accessibilité notamment) mais aussi recentrage de la programmation sur
les territoires ou zones les plus tendus. Ainsi, sur les 5 dernières années,
la part des logements financés en zone C (soit hors des principales
agglomérations) équivaut au mieux à 10 % de l’ensemble.
LOGEMENTS SOCIAUX FINANCÉS PAR ZONE EN AQUITAINE
Source : bilans des logements aidés de 2010 à 2014, MEDDAT
Parallèlement, les besoins de financement nécessaires au développement
du parc doivent composer avec un contexte de baisse des aides directes
de l’État et de tassement des aides des collectivités territoriales ayant
reçu délégation des aides à la pierre 125 . Cette diminution des aides
directes à l’investissement est perceptible à travers les graphiques cidessous :
En Aquitaine, les collectivités concernées sont les Conseils départementaux de la Dordogne, de la Gironde
et des Pyrénées-Atlantiques, Bordeaux-Métropole, l’agglomération Côte Basque Adour, la Communauté
d’agglomération Pau-Pyrénées
125
288
Depuis 2010, on assiste donc à une baisse des subventions
d’investissement. S’agissant des aides de l’État, les crédits engagés par ce
dernier en Aquitaine (15,3 M€ en 2014) ne représente que 4 % des
engagements au plan national pour plus de 7 % du nombre de logements
financés. En outre, l’origine de ces aides directes varie assez sensiblement
d’un territoire à l’autre, selon le volontarisme des politiques locales mises
en œuvre. Dans les zones tendues où les coûts d’accès au foncier sont
élevés, le recours à la VEFA apporte une solution de compromis
séduisante à court terme, non sans déconvenues en termes de maîtrise
de la qualité des constructions, de maîtrise des charges locatives pour les
occupants et de maîtrise de la gestion à plus long terme pour les bailleurs
sociaux.
Il convient cependant de tenir compte des aides indirectes dont
bénéficient les bailleurs sociaux : exonération de taxes foncières pour une
durée de 25 ans (taxe sur le foncier bâti, pour les PLAI, PLUS et PLS : 747
M€ en 2013) ou autres taxes, exonération de l’impôt sur les sociétés
(1 Mds € en 2013), TVA à taux réduit (5,5 %), avantages de taux (au
« aides de circuit ») sur les emprunts consentis auprès notamment de la
Caisse des Dépôts et d’Action Logement (1,9 Mds € en 2013) mais aussi
avantages de durée (emprunts sur 40 ans sauf PLI).
289
Ainsi, le plan de financement type d’un logement social en Aquitaine
repose à 79 % sur l’emprunt et de plus en plus sur la mobilisation de
fonds propres (11 % du coût, soit une enveloppe de 15 000 € par
logement). Les aides publiques (État et collectivités territoriales)
correspondent à 10 % du financement des opérations de construction.
Afin de répondre aux besoins en logements abordables des ménages, le
financement de l’offre nouvelle du parc social s’appuie donc de plus en
plus sur la mobilisation des fonds propres des bailleurs sociaux, alimentés
essentiellement par le versement des loyers.
Source : Cahiers de l’AROSHA, « Les conditions de production du logement social en
Aquitaine – Coûts et financements 2005-2013 », AROSHA 2015
Cette tendance place d’ores et déjà les bailleurs sociaux face aux limites
de leur modèle, de plus en plus contraints à des choix difficiles entre
création d’une offre nouvelle et réhabilitation du parc existant, entre
affirmation de leur mission sociale ou maîtrise de la quittance pour les
locataires et nécessité de consolidation de leurs fonds propres…
290
Source : Cahiers de l’AROSHA, « Le logement social : un modèle économique cohérent
et pérenne », AROSHA 2014
L’équilibre économique de la production de logements sociaux est donc
questionné d’une part face aux tensions des marchés fonciers et
immobiliers dans les territoires cibles de développement du parc social,
d’autre part face aux arbitrages budgétaires des pouvoirs publics. Malgré
les multiples annonces officielles en faveur du parc social, telles celles du
Président de la République lors du dernier congrès national de l’Union
Sociale pour l’Habitat 126 en septembre 2015, les représentants des
bailleurs sociaux restent inquiets étant donné les signaux parfois
contradictoires donnés dans les orientations ou choix budgétaires. Preuve
en est la proposition de prélèvement supplémentaire de 150 M€ (portant
ce prélèvement à 270 M€ au total) sur les cotisations versées par les
bailleurs sociaux à la Caisse de garantie du logement locatif social pour
alimenter un nouveau Fonds national de développement des aides à la
pierre (avec création d’un établissement public)127, inscrit dans le projet
de loi de finances 2016. Cela permettrait de réduire l’effort budgétaire de
l’État d’un montant équivalent au titre du programme 135 et revient donc
à demander aux bailleurs sociaux d’assumer une part accrue du
financement de l’offre nouvelle en logements sociaux.
Doublement des aides de l’État dans le cadre du Fonds National des Aides à la Pierre (FNAP), maintien de
l’APL accession, baisse du taux de commissionnement des banques sur le livret A, possibilité donnée aux
bailleurs sociaux de se porter acquéreurs du foncier décoté de l’État, extension de cette décote foncière aux
logements à réhabiliter appartenant à l’État…
127 La création du FNAP se traduirait par la suppression du Fonds national de développement d’une offre de
logements locatifs très sociaux (FNDOLLTS), créé en 2013, alimenté par les majorations de pénalités imposées
aux communes en état de carence au regard des objectifs de la loi « SRU », et géré par la Caisse de garantie du
logement locatif social
126
291
Ces incertitudes incitent les bailleurs sociaux à étudier des pistes de
diversification de leurs recettes dans les limites d’activités annexes qui
leur sont permises, que ce soit par la vente d’une partie de leur
patrimoine, par le développement de l’accession sociale à la propriété ou
d’activités immobilières annexes (ex : locaux d’activités et équipements
liés aux opérations). Un autre axe de mobilisation porte sur la maîtrise
des coûts, aussi bien en agissant sur les coûts de production (politique
foncière, modes opératoires et processus de production), sur les coûts
de gestion et par la renégociation des dettes ou des prêts. 128 L’objectif
essentiel de ces bailleurs sociaux reste l’organisation d’une réponse
adaptée aux besoins accrus en logements abordables. C’est aussi
pourquoi l’AROSHA a initié une étude (en cours) sur l’importance et la
nature de ces besoins à horizon 2025129.
Parmi les acteurs clé du logement social, Action Logement (Union des
Entreprises et des Salariés pour le Logement, UESL) est l’organisme
paritaire chargé de la gestion de la participation des employeurs 130 à
l’effort de construction (PEEC), plus connu sous la dénomination du « 1 %
logement » institué en 1953. Cette participation obligatoire a été abaissée
à 0,45 % de la masse salariale en 1992, les entreprises ayant cependant
maintenu un taux de 0,95 % par intégration de la cotisation due par ces
dernières au titre du Fonds national d’aide au logement (FNAL), destiné
au financement des aides personnelles au logement. Le rôle d’Action
Logement s’est considérablement renforcé au cours du temps, aussi bien
dans la politique en matière de renouvellement urbain (900 M€ d’Action
Logement pour le financement de l’Agence Nationale de Renouvellement
Urbain, ANRU) que d’accès au logement (300 M€ reversés au profit du
FNAL) que dans le développement du parc de logements au bénéfice des
salariés. La mission d’Action Logement recouvre ces différents domaines
et repose sur l’activité des organismes collecteurs (une vingtaine de
Comités Interprofessionnels du Logement, mais aussi des chambres de
commerce et d’industrie), par ailleurs actionnaires de 80 entreprises
sociales pour l’habitat (ESH).
Il importe de souligner ici la perception plus ou moins aigue de la
question du logement par les entreprises, assez fréquemment sollicitées
par leurs salariés sur des problématiques de logement. Très rares sont
celles à avoir mis en place des interventions particulières dans ce domaine
mais la plupart de celles assujetties à la PEEC ont des relations avec leur
collecteur, même si peu expriment de manière proactive une demande
d’information, d’attribution de logement ou d’action dans ce registre.
Cf. Cahiers de l’AROSHA « Les limites du modèle économique du logement social : poursuivre le développement du
parc girondin et assurer son attractivité », AROSHA, Habitat et Territoires Conseil, Conférence départementale
des organismes sociaux pour l’habitat de Gironde, juin 2014
129 Cf. « Etude sur les besoins en logement en Aquitaine à l’horizon 2025 – Le diagnostic stratégique », AROSHA /
PLACE groupe Reflex, juillet 2015
130 Entreprises privées non agricoles de plus de 20 salariés. Participation étendue en 2007 aux entreprises
privées agricoles.
128
292
De manière générale, les entreprises concernées sont plutôt satisfaites
des relations établies avec leur collecteur mais plus les liens avec ce
dernier sont limités plus le degré de satisfaction est faible.131
Le montant collecté de participation des entreprises en 2013 a atteint
1,8 Mds € au plan national (1,6 Mds € de collecte nette, dont
compensation par l’État du relèvement de 10 à 20 salariés), pour 96 000
entreprises non agricoles cotisantes (sur 108 000 assujetties). Le montant
moyen de collecte par entreprise était de 15 740 €. A l’échelle de
l’Aquitaine, 42 M€ ont été collectés cette même année (en collecte nette)
pour 5 000 entreprises assujetties (montant moyen par entreprise : 8 000
€ à 9 000 €). Les autres ressources d’Action Logement recouvrent des
remboursements d’emprunts (1 Mds € de remboursements par les
ménages et plus de 600 M€ par les bailleurs sociaux ou autres personnes
morales) et des emprunts réalisés auprès de la Caisse des Dépôts (700
M€). Action Logement dispose donc de 4 Mds € par an de ressources
mobilisées en faveur du logement social.
Ces financements participent d’abord au développement de
l’investissement en locatif social et intermédiaire, en direction des
bailleurs sociaux (outre les 900 M€ affectés à l’ANRU, 684 M€ sous
forme de prêts et 261 M€ de subventions)132 mais aussi des salariés ou
particuliers (619 M€ en prêts d’accession ou travaux, qui ont bénéficié à
43 000 salariés en 2014). Ce soutien au développement de l’offre en
locatif social (soit un patrimoine total de 900 000 logements sociaux et
intermédiaires) a aussi permis à Action Logement d’attribuer en tant que
réservataire un logement à 72 000 ménages de salariés en 2014 au plan
national.
Cf. « Étude relative aux services des collecteurs de la PEEC vis-à-vis des entreprises », réalisée pour l’ANPEEC,
CREDOC, octobre 2014
132 Un peu plus d’un quart (27 %) des engagements ont bénéficié aux sociétés HLM filiales d’Action Logement,
29 % aux autres sociétés HLM, 22 % aux offices publics HLM et autant à d’autres bénéficiaires.
131
293
Par ailleurs, Action Logement accorde des aides aux salariés afin de les
accompagner et de les sécuriser dans leur parcours résidentiel, grâce à
divers dispositifs d’avance ou de garantie (Loca-Pass®), d’aides à la mobilité
(Mobili-Pass® et Mobili-Jeune®) et d’aides diverses accordées en cas de
difficultés (dont CIL-Pass Assistance®), qui ont concerné plus de 370 000
bénéficiaires en 2014. Les trois quarts des aides à la sécurisation de la
location ont concernés des jeunes de moins de 30 ans. Les partenaires
sociaux réunis dans Action Logement sont également à l’initiative de mise
en place d’un système de garantie des risques locatifs (ou GRL®), dont la
gestion a été confiée à une structure dédiée (l’association de gestion de
l’accès aux garanties locatives) jusqu’à fin 2015, avant la mise en place d’un
nouveau dispositif de sécurisation locative, notamment suite à l’adoption
de la loi « ALUR ». En 2014, ce dispositif a accueilli plus de 60 000
nouveaux bénéficiaires (montant des mises en jeu de la garantie locative
en 2013 : 62,4 M€).
Ainsi, pour la seule année 2014, Action Logement a mobilisé 3,5 M€ de
subventions et 15 M€ sous forme de prêts pour la construction de
logements en Aquitaine. En 2013, ce sont plus de 7 800 logements qui ont
été financés avec des fonds PEEC en Aquitaine pour un investissement
total de 28 M€ (soit 3 600 € par logement), ouvrant plus de 2 000 droits
de réservation. Par ailleurs, 45 M€ ont été consacrés à des aides à des
personnes physiques résidant en Aquitaine (4,8 % du total national), dont
la répartition est détaillée dans le tableau ci-dessous :
Aides PEEC
Prêts
Prêts
Avances
Mises en Transformation
personnes
accession
travaux
Locajeu de
de créances en
physiques
Pass
garantie
subventions
(année 2013)
locative
Montant
32,3 M€
4,4 M€
2,7 M€
2,4 M€
1,1 M€
Aquitaine
% France
4,9 %
3,7 %
3,9 %
3,5 %
Source : « Etude territoriale des financements de la PEEC 2013 », ANPEEC
Financement
Mobilité
3,2 M€
5,7 %
La convention signée en décembre 2014 entre l’État et Action Logement
pour les cinq années à venir prévoit :
-
-
Le soutien à la production de 600 000 logements sociaux et
intermédiaires sur la période quinquennale (mobilisant 6,8 Mds € d’ici
2019).
L’accompagnement du parcours résidentiel et professionnels des
salariés, notamment des jeunes actifs et des salariés en mobilité.
La mise en place d’un nouveau dispositif de sécurisation locative,
succédant à la GRL®, destiné en priorité aux salariés entrant dans un
emploi ou en emploi précaire et accédant à un logement du parc
privé locatif (mais également ouvert aux jeunes salariés de moins de
30 ans et aux ménages accompagnés dans le cadre d’une
intermédiation locative).
Le financement du programme national de rénovation urbaine,
intégrant le nouveau programme (engagement à hauteur de 5 Mds €
en équivalent subvention, dont 40 % sous forme de prêts).
294
En Aquitaine, les principaux organismes collecteurs (sur étaient jusqu’en
2014 le CIL du Sud-Ouest qui a son siège à Bordeaux (CILSO, 56% de la
collecte régionale), le groupe GIC (basé en Ile-de-France, 11,2 % de la
collecte), Cilgère (10,3 % de la collecte) et Aliance 1% Logement (5,75 %
de la collecte régionale, basé en Lorraine). Le CILSO était également le
premier collecteur de la région Limousin. Il réalisait près de 80 % de sa
collecte en Aquitaine et 16 % en Limousin.
Dans le mouvement de restructuration entamé en 2010 (jusqu’à cette
date, il existait plus d’une centaine d’organismes collecteurs au niveau
national), qui avait abouti à la création du CILSO, ce dernier a fusionné en
2014 avec Aliance 1 % Logement pour devenir Aliance Territoires.
ALIANCE TERRITOIRES
Données consolidées : 105 M€ de collecte, 6 700 entreprises cotisantes (15 600 € en moyenne par entreprise),
68 M€ d’aides aux personnes morales, 65 M€ d’aides aux personnes physiques, 20 000 logements financés133
133
Source : « Étude territoriale des ressources et des emplois de la PEEC, données 2013 », ANPEEC,
295
L’intérêt de cette fusion tenait au fait que le CILSO avait plutôt une
activité de bâtisseur ou constructeur (jusqu’à 4 200 logements livrés par
an, patrimoine de 49 000 logements, pour un montant de collecte de
l’ordre de 30 M€) et Aliance 1% Logement une activité de collecteur bien
implanté au plan national (au 6ème rang avec plus de 75 M€ de collecte en
2013, mais seulement 2 700 logements livrés par an). La création
d’Aliance Territoires, dont le siège était à Bordeaux, donnait donc une
dimension nationale à cette nouvelle entité (implantation sur 15 des 22
régions actuelles)134.
En avril 2015, l’État et Action Logement ont décidé d’une refonte radicale
de ce système, par la création d’une entité nationale unique, dotée d’une
« gouvernance paritaire renforcée, implantée localement au plus près des
besoins », qui devrait prendre effet dès 2016 avec la mise en place de 13
délégations régionales. Cette opération s’est traduite dès le mois de mai
2015 par un amendement autorisant le gouvernement à procéder par
ordonnance pour mettre en œuvre cette réforme. Le nouveau groupe
disposera de délégations dans chacune des 13 régions, où seront mis en
place des Comités Régionaux Action Logement. Cette nouvelle
organisation est synthétisée dans le schéma ci-après :
Les bénéfices affichés de ce nouveau dispositif sont un renforcement du
lien logement/emploi, la mutualisation et l’homogénéisation de l’offre de
produits et de services en veillant à leur adaptation aux contextes
territoriaux des bassins d’emploi, une meilleure lisibilité et efficience du
dispositif et une amélioration de l’équité de traitement envers les
entreprises et leurs salariés.
Cf. audition de M. Norbert HIERAMENTE et de Mme Cécile BARTHE (CILSO / Aliance Territoires), le 4
septembre 2014
134
296
Ce lien au territoire est une préoccupation forte des acteurs régionaux
d’Action Logement, notamment par la mise en place de comités
territoriaux de bassins d’emploi suite à la signature d’un accord national
interprofessionnel impliquant l’ensemble des organisations d’employeurs
et de salariés. Un protocole cadre de partenariat entre Action Logement
et plusieurs associations de collectivités (communautés urbaines, grandes
villes, communautés) a également été signé en ce sens en juin 2013. Ainsi,
un comité territorial de bassin d’emploi a été installé à l’échelle de
l’agglomération bordelaise et d’autres sont prévus à Pau et Bayonne.
L’objectif est de mieux prendre en compte les besoins des entreprises et
des salariés et de les porter à l’adresse des pouvoirs publics locaux (par
exemple dans le cadre des Programmes Locaux de l’Habitat), afin de
renforcer les partenariats locaux.
Il faut souhaiter que cet objectif de lien au territoire soit maintenu et
réaffirmé dans le cadre du futur groupe national. Une autre question en
suspens tient au devenir des liens organiques et financiers établis entre les
CIL et les entreprises sociales pour l’habitat, en attendant la création de la
structure de portage prévue à cet effet.
A ce jour, plusieurs Entreprises Sociales pour l’Habitat interviennent sur
le territoire régional. Parmi elles, les entités filiales du groupe Aliance
Territoires :
-
La plus importante est Domofrance, qui gère un patrimoine de
23 600 logements sur l’agglomération bordelaise et de 435 locaux
professionnels ou commerciaux. En 2014, cette ESH a réalisé 184 M€
de chiffre d’affaires (dont 113 M€ de loyers et 30 M€ de charges
locatives). Cette même année, elle a réalisé 206 M€
d’investissements (plus de 1 200 logements en production). Elle a
enregistré 21 600 demandes de logements dans l’année (dont 20 000
primo-demandeurs) et accueilli 2 600 nouveaux ménages locataires.
-
Clairsienne, SA HLM héritière du mouvement des Castors, qui
intervient en périphérie de l’agglomération bordelaise et sur
plusieurs départements (Gironde, Dordogne, Landes et Lot-etGaronne), engagée dans l’habitat durable (projet d’éco-quartier Les
Akènes à Lormont, production récente sous label Effinergie et
« Habitat & Environnement »). Elle gère plus de 7 200 logements.
-
La SH HLM Habitelem, premier bailleur social créé dans la région en
1911 (sous le nom de « Société Paloise d’Habitation à Bon Marché »),
qui intervient dans le sud de l’Aquitaine (région paloise, Pays Basque,
sud des Landes) et gère 3 800 logements.
-
Logévie est une filiale plus spécialisée dans le logement des personnes
âgées (2 900 logements familiaux et plus de 1 500 logements en
établissement pour personnes âgées autonomes dans 33 logementsfoyers mais aussi des logements pour personnes âgées dépendantes).
297
-
Le Foyer de la Gironde est une société anonyme coopérative
d’intérêt collectif pour l’accession à la propriété (filiale de la
SACICAP Procivis Gironde), qui opère sur le bassin d’Arcachon et le
nord de l’agglomération bordelaise. Elle gère un parc de 2 000
logements. La SACICAP de la Gironde est membre du réseau
Procivis et de l’Union de l’Economie Sociale pour l’Accession à la
Propriété (UESAP). Elle contrôle la Compagnie Immobilière et
Foncière d’Aquitaine (CIFA) à laquelle sont adossées plusieurs
sociétés de construction (dont IGC, 3ème constructeur de maisons
individuelles en France et 40 agences dans le quart Sud-Ouest).
A travers ces différentes entités, le groupe Aliance Territoires s’efforce
de couvrir l’intégralité du parcours résidentiel (de la résidence pour
étudiants à l’EHPAD). Il totalise 38 000 logements sur le territoire
aquitain (79 % en collectif), dont 90 % en PLUS, 6 % en PLS et 4 % en
PLAI. En 2013, 5 600 ménages ont bénéficié d’une attribution de logement
dans l’une ou l’autre des ESH de ce groupe.
Celui-ci a travaillé sur plusieurs projets innovants susceptibles de
favoriser la mixité dans l’habitat ou sur la prise en compte de besoins
spécifiques (ex : projet intergénérationnel sur le site des bassins à flots
avec salles de pratiques musicales, résidence hôtelière à vocation sociale,
résidence « Moov’Access » pour jeunes en mobilité, résidence de 71
logements pour chercheurs-étudiants avec laboratoire intégré sur le
campus de l’université de Bordeaux à Pessac, projet pour travailleurs
saisonniers sur la côte basque…).
298
Des réflexions sont également en cours autour de l’habitat modulaire.
Enfin, depuis ses origines, le CILSO (ex-CIL girondin) a développé une
politique d’acquisition foncière qui lui a permis d’assurer le
développement de ses projets.
D’autres entités d’ESH irriguent le territoire régional. Il s’agit d’une part
de Mésolia Habitat, née en 2008 de la transformation du groupe Maison
Girondine (dont la société coopérative de production HLM le Toit
Girondin et sa filiale la Maison Girondine, devenus groupe Toit Girondin
adossé au groupe Arcade) et de la création du groupe Guyenne (incluant
également Périgordia Habitat en Dordogne et Soliance Habitat à
Libourne, devenu le groupe TG). Mésolia gère un patrimoine de 15 000
logements en Gironde et Dordogne. Elle a livré 500 logements neufs en
2013 dont 345 en locatif.
D’autre part, le groupe Ciliopée (ex CIL 47), implanté en Lot-et-Garonne,
est une ESH filiale de Cilgère, (3ème collecteur national). Il intervient
essentiellement sur ce département mais aussi en Limousin et MidiPyrénées.
Compte-tenu des caractéristiques de ces territoires (ruraux, forte
précarité), ce groupe a développé une politique sociale intégrant une offre
diversifiée en logement et en hébergement, ainsi qu’un accompagnement
social de personnes ou familles fragilisées ou en difficulté. Il a aussi mis en
place une démarche de responsabilité sociale des entreprises (label
européen Dicerno/CSR). Le groupe Ciliopée réalise 20 M€ de chiffre
d’affaires par an. Il loge 3 000 familles (chiffre 2013), dont plus de la
moitié de personnes isolées, un quart de familles monoparentales, plus de
60 % de bénéficiaires d’une aide au logement. Cette même année, il a livré
580 logements et enregistré 2 100 demandes.
L’offre nouvelle du groupe répond aux exigences de performance
thermique (cela depuis 2003 et désormais en bâtiment basse
consommation). Afin de répondre aux besoins de ménages en situation de
précarité, Ciliopée a créé en 2003 une filiale, « CILIOHPAJ », qui propose
une cinquantaine de places en centres d’hébergement et de réadaptation
sociale (CHRS), dont l’un dédié à l’accueil de femmes victimes de
violences, à quoi s’ajoute une soixantaine de places en maisons-relais, 2
pensions de familles, 12 logements en allocation logement temporaire et
18 logements foyers pour personnes âgées. CILIOHPAJ assure également la
gestion du « 115 » en matière d’hébergement d’urgence (4 500 appels en
2013). En direction des jeunes, le groupe a développé une réponse pour
le logement des apprentis en partenariat avec la Chambre des métiers et
de l’artisanat du Lot-et-Garonne, intitulée « Apprentoit »135, qui se traduit
par la mise à disposition d’une trentaine de logements en parc ancien
répartis dans les bourgs du département.
135
Cette initiative a été retenue dans le cadre des projets d’investissement d’avenir (PIA)
299
Elle gère également 140 logements sur le campus de Bordeaux destinés
aux étudiants lot-et-garonnais réalisant leurs études dans l’agglomération
bordelaise et a construit une résidence « BBC » de 56 logements sur le
pôle universitaire d’Agen. Le groupe a enfin mis en place depuis 2010 une
politique spécifique en faveur des personnes âgées isolées, en créant un
fonds d’adaptation des logements, venant en complément des autres aides
existantes.136
La société Coligny est une ESH filiale régionale de la Société Nationale
Immobilière (groupe SNI), elle-même filiale du groupe Caisse des Dépôts
(cf. ci-après). Le groupe SNI est le premier bailleur de France avec un
patrimoine de 345 000 logements, dont 185 000 logements sociaux (3
800 livrés en 2014), 90 000 logements intermédiaires et un parc sur le
marché libre. Son offre est en partie destinée à de grands réservataires
publics (dont plusieurs ministères). Pour la période 2013-2018, ce groupe
s’est engagé à produire 50 000 logements et 37 000 logements
intermédiaires pour classes moyennes sur la période 2015-2019, via un
fonds spécifique de la Caisse des Dépôts. Le groupe SNI est représenté
par un établissement Sud-Ouest, avec deux entités (GIE), dont un GIE
territoire Aquitaine qui regroupe la SA HLM Coligny et l’établissement
SNI Sud-Ouest.
Ce dernier gère 11 000 logements dont près de 6 000 logements sociaux
localisés dans l’actuelle région Aquitaine (5 500 sur la seule agglomération
bordelaise). Parmi les opérations les plus récentes, on peut signaler la
rénovation du quartier de Santillane à Talence dans l’agglomération
bordelaise ou encore l’opération de logement du futur campus de la
société Thalès, dans le cadre d’un partenariat avec le GIC, collecteur de la
PEEC au sein du groupe Caisse des Dépôts et membre d’Action
Logement. Le groupe SNI a également investi sur quelques opérations
innovantes, tel que le programme de maisons « MUSE », via un procédé
industriel de construction à ossature bois, développé à La Teste sur le
bassin d’Arcachon (résidence Square), en partenariat avec la société
Bénéteau.
Les acteurs du « 1% logement » partagent les mêmes constats et
préoccupations que les autres bailleurs sociaux. Ils doivent composer
avec l’instabilité de plusieurs facteurs exogènes, relatifs à la pérennisation
des financements publics, à la fiscalité et aux normes, à la solvabilité des
locataires… Ces données contextuelles influencent les stratégies
patrimoniales, avec la nécessité de produire en baissant les coûts de
production tout en préservant les objectifs de qualité et de performances
énergétiques, mais aussi en adaptant l’offre au vieillissement des
occupants. La réduction des concours publics doit être compensée par la
mobilisation accrue des fonds propres, dégagés notamment par la gestion
du patrimoine (par vente ou cession).
136
Cf. audition de Mme Muriel BOULMIER (Ciliopée / Cilgère) le 4 septembre 2014
300
En outre, la hausse des coûts de production, liée à la hausse des prix du
foncier et à l’impact des normes, est un autre facteur de contraintes.
Cette proximité d’analyse et d’intérêt avec le mouvement HLM a
d’ailleurs récemment donné lieu à la signature d’une convention entre
l’Union Sociale pour l’Habitat et Action Logement, qui prévoit entre autre
la création d’un « comité des partenaires du logement social » et la mise
en place de cadres de référence permettant de décliner ce partenariat à
l’échelle régionale137.
Un autre constat souligné par certains partenaires sociaux est le fait que
la réduction des aides publiques s’est combinée à une mobilisation
croissante de la collecte PEEC pour le financement de politiques d’Etat
(ex : ANRU, FNAL) et à une hausse des prélèvements à cette fin, au
détriment de la mission première d’Action Logement en direction des
salariés. Par ailleurs, le projet de création d’une Garantie Universelle des
Loyers (GUL) inscrite dans la loi « ALUR » (article 23), gérée par un
nouvel établissement public, met à mal les mécanismes de mutualisation et
de sécurisation instaurés par Action Logement avec la Garantie des
Risques Locatifs (GRL) à laquelle la GUL est appelée à se substituer au
1er janvier 2016.138
En conséquence de quoi les opérateurs régionaux d’Action Logement
appellent à une plus grande stabilité et pérennisation des politiques
publiques en matière de logement, tenant compte de la durée des cycles
de production et de gestion du patrimoine. Ils prônent aussi une
clarification du rôle des différents échelons de compétences (avec
détermination d’un échelon de coordination) et l’élaboration de politiques
sectorielles plus intégrées (logement, urbanisme, déplacements,
développement économique, emploi, action sociale). Une autre
préoccupation exprimée touche à l’impact financier du traitement de
l’amiante et à ses implications en termes d’affectation des fonds propres
et sur la gestion du patrimoine des bailleurs sociaux.
Dans le contexte souligné de réduction des subventions d’investissement,
le développement de l’offre des bailleurs sociaux repose donc sur un
recours croissant aux fonds propres mais également sur le recours à
l’emprunt, notamment auprès de la Caisse des Dépôts. Le groupe
Caisse des Dépôts accompagne les priorités des pouvoirs publics à moyen
et long terme, notamment dans le cadre du Pacte de compétitivité, du
Plan logement et des investissements d’avenir.
Convention signée le 10 novembre 2015
Cf. auditions de M. Norbert HIERAMENTE (Aliance Territoires) le 4 septembre 2014 et de M. Hervé
CAPDEVIELLE (CFDT) le 26 mars 2014
137
138
301
En matière de logement, la stratégie du groupe Caisse des Dépôts vise à
participer à la relance de la production de logements (16,4 Mds € en
faveur du logement et de la politique de la ville en 2013, avec un objectif
de réalisation de 135 000 logements sociaux par an à horizon 2016, y
compris via ses filiales spécialisées ICADE et SNI), la rénovation
énergétique et la réhabilitation du parc de logements sociaux et privés, ou
encore la réponse aux besoins de populations spécifiques (personnes
âgées, étudiants, jeunes actifs).En matière de financement du logement, le
groupe Caisse des Dépôts opère en mobilisant le fonds d’épargne, lequel
centralise et assure la sécurité et la liquidité d’une partie de l’épargne
réglementée (livret A, livret de développement durable et livret d’épargne
populaire).
Source :
Rapport d’activité 2014 du
groupe Caisse des Dépôts
Sur un encours guichet de 412 Mds € à fin 2014, le fonds d’épargne de la
Caisse des Dépôts centralise 243 Mds €, complétés par 18 Mds € de
fonds propres et autres ressources. Près des deux tiers de ce fonds
d’épargne (64 %) sont mobilisés sous forme de prêts à long terme et un
peu plus du tiers en actifs financiers. Les prêts à long terme sont
consentis à tous les organismes et collectivités sur la base d’une
appréciation des risques et de la capacité d’emprunt. L’État apporte sa
garantie au fonds d’épargne et perçoit à ce titre un prélèvement (368 M€
en 2013) 139 . Ce fonds d’épargne constitue un outil contra-cyclique au
service de l’économie sous la forme de prêts à long ou très long terme,
dans un contexte où les besoins de financement sont accrus.
A noter que les collectivités territoriales, notamment les délégataires d’aide à la pierre, peuvent de même
apporter leur garantie aux emprunts consentis par les bailleurs sociaux.
139
302
En volume annuel, ce sont 20 Mds € de nouveaux prêts qui sont
consentis chaque année (20,5 Mds € en 2014), dont plus de 80 % en
faveur du logement social et de la politique de la ville (16,7 Mds € de
nouveaux prêts en 2014).
Les objectifs affichés par les pouvoirs publics en matière de production de
logements sociaux et très sociaux (150 000 logements par an en PLAI,
PLUS), de rénovation thermique des logements sociaux (objectif de
120 000 logements par an) ou encore en matière de réhabilitation ont eu
pour effet l’accroissement du volume de prêt, l’augmentation de la quotité
de prêt par opération et l’accélération des éco-prêts. Pour répondre à
ces objectifs, le groupe Caisse des Dépôts a mis en place plusieurs outils :
prêt GAIA en matière d’aménagement et de portage foncier, Prêt Projet
Urbain (PPU) pour le développement des quartiers, Prêt Renouvellement
Urbain – Aménagement, outre les prêts plus classiques en matière de
financement de la construction, de l’acquisition ou de l’amélioration de
logements sociaux (PLAI, PLUS, PLS, PLI…), prêts spécifiques de
réhabilitation du patrimoine (Prêt Réhabilitation, éco-prêts…)… En 2013,
le groupe Caisse des Dépôts a ainsi contribué au financement de 110 000
logements sociaux et places d’hébergement (hors SNI, avec 6 000
logements dont 3 900 logements sociaux et 2 700 intermédiaires), à la
réhabilitation de 253 000 logements et à la rénovation thermique de
44 000 logements à l’échelle nationale. Il a aussi permis la création de
18 000 places en établissements pour personnes âgées et 8 000 places en
réhabilitation.
En 2013, le groupe Caisse des Dépôts a octroyé 883 M€ de prêts en
Aquitaine, dont 538 M€ en faveur du logement locatif social, 78 M€ pour
les projets urbains de la politique de la ville et 75,5 M€ pour l’habitat
spécifique (dont personnes âgées). Elle a accompagné dans ce cadre 32
bailleurs sociaux (11 ESH, 11 offices publics HLM, 8 sociétés anonymes
d’économie mixte et 2 structures coopératives), lesquels détenaient 4,9
Mds € d’encours fin 2013. Au cours de cette année, le groupe Caisse des
Dépôts a aidé au financement de 5 000 logements locatifs sociaux et d’un
millier de logements spécifiques (pour personnes âgées et jeunes). Les
représentants régionaux de la Caisse des Dépôts soulignent plusieurs
contraintes dans ce domaine :
-
L’état du marché du logement dans les territoires et l’adéquation
entre les besoins réels et les types d’agrément délivrés,
La difficulté d’accès au foncier et la maîtrise des coûts de
construction, marqués par un doublement du coût moyen et de la
part de fonds propres mobilisés par les bailleurs sociaux en dix ans,
ce qui équivaut à une multiplication par un facteur 5 à 6 du montant
moyen de fonds propres mobilisés par logement (de 2 400 € en 2001
à 13 600 € en 2012). Si dans le même temps la part relative du prêt
consenti par la Caisse des Dépôts a diminué sur la même période (de
84 % à 75 %), son montant moyen a quasiment doublé (passant de
50 400 € par logement à 93 000 €).
303
-
-
Ces évolutions ont des répercussions sur les stratégies patrimoniales
des bailleurs sociaux, soumis à des arbitrages entre construction
neuve et réhabilitation du parc existant. Elles pèsent sur les marges
financières des bailleurs sociaux (pour 100 € de loyer perçu, 46 €
sont consacrés aux annuités de la dette et la marge
d’autofinancement se réduit, (passée de 13,5 % en 2005 à 8,5 % en
2012).
Dans ce contexte, certains bailleurs ont recours à de la cession de
patrimoine et peuvent être tentés de privilégier une offre de produits
orientés vers le logement social (PLS) au détriment du logement très
social (PLAI) pour lequel la demande s’accroît.
Face à cette situation, le groupe Caisse des Dépôts a mis en œuvre
plusieurs mesures telles que l’assouplissement des conditions d’éligibilité à
l’éco-prêt (taux préférentiel de 0,5 % sur 15 ans), un prêt foncier à très
long terme (60 ans) pour les zones tendues, un relèvement du soutien
financier pour la réalisation de logements très sociaux (PLAI et PLUS) et
ajusté selon le zonage, la simplification du processus d’instruction des
contrats de prêts. Il a également mis en place une approche globale et
prospective du risque des organismes (en rupture avec la notion
d’équilibre unitaire de leurs opérations), assortie de préconisations de
solutions et/ou montages de financement, et le cas échéant d’un travail
sur la dette.140
Considérée dans sa globalité, la situation financière des bailleurs sociaux
régionaux est plutôt bonne à moyen terme (+ 5/6 ans) et ils disposent de
fonds propres encore suffisants. Leur stratégie de cession d’appartements
ne soulève pas de difficulté dès lors qu’elle est compensée par la création
d’un offre nouvelle et par la constitution d’un patrimoine neuf. Cette
analyse régionale rejoint celle établie au plan national pour l’année 2013, à
savoir une situation relativement saine favorisée par des taux d’intérêt au
plus bas.
Si les projections à + 20 ans de rythmes soutenus de production et de
réhabilitation se confirment, une dégradation de la situation financière des
bailleurs sociaux est probable et devrait placer ces opérateurs sous
tension. Leur capacité d’absorption de cet effort d’investissement est
fortement tributaire du maintien et de l’intensité des aides publiques,
parallèlement à la mise en place de mécanismes propres à ce secteur
(mutualisation de fonds propres, adaptation du parc et lutte contre la
vacance, limitation des impayés…).141
Cf. audition de Mme Sophie TIANOU et de M. Arnaud BEYSSEN (groupe Caisse des Dépôts), le 3 avril 2014
Cf. « Analyse financière rétrospective et prospective des bailleurs sociaux », revue Perspectives – étude annuelle
du fonds d’épargne sur le logement social, Groupe Caisse des Dépôts, septembre 2015
140
141
304
Par conséquent, le rôle des bailleurs sociaux reste déterminant dans la
construction de la réponse à une demande et à des besoins croissants de
logements abordables, notamment dans les territoires aux marchés
tendus. Toutefois, le développement de cette offre et l’action des
bailleurs sociaux se heurtent actuellement à plusieurs contraintes, à
commencer par la hausse des prix du foncier et des coûts de
construction depuis le début des années 2000, conjuguée à une baisse des
aides publiques directes à l’investissement au cours des toutes dernières
années. La hausse des coûts de production s’explique en partie par les
effets d’une surenchère d’exigences normatives durant cette période,
auxquelles les opérateurs concernés doivent faire face. Un autre facteur
d’inquiétude tient à l’instabilité relative des politiques publiques (à la fois
par la succession de nouvelles mesures et par les arbitrages budgétaires),
qui peuvent impacter parfois de manière structurelle l’activité d’une partie
de ces bailleurs sociaux. C’est manifestement le cas des acteurs d’Action
Logement, impactés à la fois en tant qu’organismes collecteurs de la
participation des entreprises à l’effort de construction que développeurs
et gestionnaires d’une offre et de services à destination des salariés à
travers leurs filiales (entreprises sociales pour l’habitat). Ce contexte
général, aggravé par la précarisation d’une partie de la population (liée au
chômage, aux divorces ou séparations, au vieillissement…), impose aux
bailleurs sociaux des arbitrages difficiles entre leur mission d’offre de
logements accessibles à des ménages aux revenus modestes ou moyens, à
savoir la maîtrise des loyers et des charges locatives d’une part et d’autre
part les exigences de développement et d’adaptation ou de réhabilitation
de leur parc de logements dans des conditions de financement de plus en
plus contraintes.
Le recours accru aux fonds propres conduit tantôt à privilégier le
développement d’une offre nouvelle au détriment de la réhabilitation du
parc existant, tantôt à rehausser les niveaux de loyers jusqu’aux plafonds
autorisés au risque de limiter les possibilités d’accès à certains ménages,
tantôt à développer la vente ou la cession d’appartements avec les limites
que cela induit en termes de gestion future du parc. Face à cette situation,
la diversification vers des activités annexes offre quelques alternatives
dans les limites fixées par la loi. Le maintien de bonnes conditions
d’emprunt auprès de la Caisse des Dépôts, interlocuteur central dans le
financement du logement social, à des taux préférentiels et sur du très
long terme, est aussi une condition indispensable pour permettre aux
bailleurs sociaux de répondre aux besoins sociaux et aux divers objectifs
des pouvoirs publics en matière de logement. Cela étant, face aux enjeux
d’intérêt général présents et à venir (développement d’une offre
accessible dans les territoires tendus, adaptation du parc à la structure et
au vieillissement des ménages, transition énergétique, mises aux normes,
désamiantage…), il importe également pour cet ensemble d’opérateurs
de disposer de soutiens publics inscrits dans la durée, aussi bien directs
(subventions) qu’indirects (TVA à taux réduit, exonérations fiscales…)
305
3.4 Propriétaires et bailleurs privés : une place déterminante en
Aquitaine
Actuellement, un quart des ménages aquitains est locataire dans le parc
privé et les locataires du parc privé représentent plus des deux tiers des
ménages locataires dans cette région (soit 380 000 ménages). Près de 70
% des jeunes ménages de moins de 25 ans louent dans ce parc privé et 44
% des ménages de 25-39 ans. Ce mode d’occupation est en progression, y
compris parmi certaines générations de ménages plus âgés (40-54 et 5564 ans).
La moitié des ménages locataires du parc privé est bénéficiaire d’une aide
au logement, s’agissant en grande partie d’étudiants, de personnes isolées
et à faibles ou très faibles revenus (pour près de la moitié inférieur à 60 %
du plafond HLM), dont 37 % avec un taux d’effort supérieur à 30 %. Cette
population de ménages locataires du parc privé se concentre surtout dans
les grandes agglomérations et dans certaines stations balnéaires du littoral
(cf. chapitre 1.1). Autrement dit, il y a plus de locataires à bas revenus
actuellement locataires dans le parc privé que de locataires dans
l’ensemble du parc social.
Les propriétaires et copropriétaires sont représentés au plan national par
l’Union Nationale de la Propriété Immobilière (UNPI) et au niveau local
par des chambres syndicales (120 au plan national rassemblant 250 000
adhérents et 5 dans l’actuelle région Aquitaine mais pas d’implantation en
Dordogne couverte par l’antenne de Bordeaux).
Le rôle de ce réseau est d’apporter un conseil et des formations aux
propriétaires bailleurs, tout en défendant leurs intérêts auprès des
pouvoirs publics. L’UNPI publie une revue spécialisée (« 25 millions de
propriétaires ») et participe au plan national à l’animation de l’observatoire
des loyers « CLAMEUR » (Connaître les Loyers et Analyser les Marchés
dans les Espaces Urbains et Ruraux, cf. également 3.2). L’UNPI a
également mis en place un observatoire des taxes foncières applicables
aux propriétaires et propriétaires bailleurs.
Les représentants locaux de l’UNPI soulignent l’augmentation modérée
des loyers au cours des dernières années (de l’ordre de +4 % à + 5 % en
moyenne régionale entre 2008 et 2015), après une hausse très nette au
début des années 2000. On constate même une légère tendance à la
baisse sur la dernière année de référence.
306
Source : CLAMEUR, mise à jour août 2015
Cette moyenne régionale masque de profondes disparités selon les
territoires et la tendance haussière se maintient néanmoins dans certains
territoires "tendus » (cf. également chapitre 1.4).
Source : CLAMEUR, mise à jour août 2015
307
Source : CLAMEUR, mise à jour août 2015
Source : CLAMEUR, mise à jour août 2015
Le loyer moyen au m2 varie du simple au double selon les territoires
concernés (de 6 € / m2 dans certains territoires ruraux de Dordogne à
plus de 12 € / m2 dans l’agglomération bordelaise). La part d’incidents de
paiements de loyers reste relativement faible (3 % environ) mais les
difficultés sont plus lourdes à surmonter après le second mois de retard.
La mobilité résidentielle parmi les locataires du parc privé est
relativement élevée puisqu’elle atteint 37,4 % en moyenne régionale et ce
taux de mobilité est encore plus marqué pour les petits logements
(T1/T2). Au départ des locataires, environ le quart des logements font
l’objet d’une remise en état. La part de relocations après travaux, qui a eu
tendance à chuter nettement entre 2009 et 2014 (de 42 % à 13 %),
semble de nouveau repartie à la hausse en 2015.
308
Le taux de relocation est plus élevé pour les petits logements. De même,
la durée de vacance est plus courte pour ces derniers, alors qu’elle a très
sensiblement augmenté pour les logements de plus grande taille (du T4 et
au-delà). De problème affecte plus fortement les territoires ruraux, du
fait du caractère dégradé d’une partie du parc immobilier et de la faible
solvabilité d’une partie des propriétaires142. Dans certains départements
ruraux, des propriétaires ont été abusés par l’attrait de produits
défiscalisés (de Robien, Scellier), déconnectés de la réalité des besoins et
des marchés (ex : Agen, Marmande, Périgueux, Mont-de-Marsan …).
Si les propriétaires bailleurs partagent les objectifs nationaux en matière
d’offre de logements accessibles et d’amélioration des performances
thermiques des logements, ils mettent en évidence certaines contraintes
qui ont eu pour conséquence la disparition de nombre d’investisseurs
et/ou l’attentisme de ces derniers, marqué par un investissement moindre
dans leur patrimoine immobilier, sachant que 80 % à 85 % sont de petits
propriétaires (1 ou 2 logements), seulement 5 % pouvant être considérés
comme de « gros » propriétaires (10 logements et au-delà). Cela tient à la
fois au contexte économique général, avec une baisse du rendement
attendu de leur patrimoine, mais aussi aux incertitudes et à l’instabilité du
cadre législatif et fiscal.
A ce propos, la hausse des taxes foncières locales au cours des dernières
années, parallèlement au tassement des loyers, a eu pour résultat de
gommer l’effet de certains avantages fiscaux et de retarder, sinon de
dissuader, les décisions d’investissement de certains propriétaires. Le
tableau ci-dessous apporte quelques indications sur le niveau de hausse
constatée des taxes foncières dans les départements aquitains au cours
des cinq dernières années (2009-2014) :
TAXES
FONCIERES
(évolution
2009/2014)
Taux en %
Montant
2014
(en €)
moyen
Dordogne
Gironde
Landes
Lot-etGaronne
Pyrénées
Atlantiques
+ 13,65 %
+ 18,9 %
+ 14 %
+ 11,4 %
+ 14,7 %
17,98 €
18,86 €
16,00 €
16,27 €
10,65 €
Source : UNPI (évolutions tenant compte de la majoration des bases d’imposition et des taux
d’imposition – Hors taxe d’enlèvement des ordures ménagères Les valeurs locatives ont
automatiquement augmenté de 7,94 % entre 2009 et 2014)
Dans plusieurs communes, notamment des communes rurales ou périurbaines, l’accroissement des taxes foncières a bondi au-delà de + 30 %
(une quarantaine de communes concernées, notamment en Gironde et
Pyrénées-Atlantiques) voire + 50 % (8 communes, notamment en
Pyrénées-Atlantiques) sur la même période.
Pour mémoire, près de 158 000 ménages propriétaires occupants disposent d’un revenu inférieur à 60 % du
plafond HLM et 40 000 un revenu inférieur à 30 % de ce même plafond.
142
309
Cette hausse des taxes foncières peut avoir des conséquences
désastreuses sur la situation de certains petits propriétaires, au détriment
de la réhabilitation d’une partie du parc ancien. Cette problématique
fiscale est d’autant plus délicate que les propriétaires fonciers ou
immobiliers constituent une « cible » fiscale assez facile car par essence
captive. Ceci a pour conséquence une moindre attractivité du bien
immobilier, la rentabilité d’un bien loué oscillant entre 2 % et 5 % selon
les cas. Une manière de compenser cette situation et de reconnaître le
rôle social d’une partie du parc locatif privé pourrait consister dans la
relance du conventionnement de ce parc ... à ceci près que le système de
financement correspondant est limité et essentiellement concentré dans
les zones tendues.
Ce resserrement du modèle économique propre aux bailleurs privés a
aussi une incidence sur leurs capacités à entretenir leur patrimoine,
lesquels consacrent en moyenne 12 % à 13 % du revenu des loyers à
l’entretien ou à la réparation, ce qui reste souvent insuffisant et génère
des retards et une dégradation des biens mis en location.
La prise en compte de la transition énergétique est un objectif que
partagent les propriétaires bailleurs, avec les contraintes économiques
évoquées précédemment qui pèsent sur les décisions d’investissement.
Ainsi, le coût moyen d’une réhabilitation thermique est de l’ordre de
30 000 €. Un tel investissement est difficile à assumer sans augmentation
parallèle des loyers et malgré les aides prévues à cet effet, avec par
conséquent un taux de retour assez long, sauf en cas de vente du bien
après travaux (sachant que le délai moyen de vente d’une maison après
acquisition est de 30 ans en moyenne en France – seulement 15 ans en
Allemagne).
Une autre problématique touche à la situation des copropriétaires au
regard des pratiques de certains syndics, y compris en tenant compte des
dispositions prévues dans la loi « ALUR ». Ainsi, la loi a-t-elle rendu
obligatoire la création de comptes bancaires séparés (ou d’un souscompte individualisé) plutôt qu’un compte unique par syndic. Cette
obligation (qui existait déjà dans les dispositions introduites par la loi SRU
de décembre 2000 mais très peu appliquées dans les faits) a conduit à une
surfacturation par les syndics du passage au compte séparé. Le résultat
est que nombre de copropriétés étaient toujours au compte unique après
l’adoption de la loi ALUR, alors même que ce système plus défavorable
aux copropriétaires. Il faut dire que l’obligation de création d’un compte
séparé n’est applicable que depuis le 24 mars 2015 et rendu obligatoire
seulement pour les copropriétés composées d’un moins 15 lots,
relativisant la portée de la loi pour les petites copropriétés.
310
Cette même loi ALUR (cf. décret 2015-342 du 26 mars 2015 sur le
contrat type de copropriété) devrait également assainir les pratiques de
facturation de prestations pourtant obligatoires mais présentées
comme « particulières », autrement dit avec des contrats aux forfaits soidisant « tout compris » mais avec une kyrielle de prestations connexes
facturées au prix fort. Sans omettre certains cas de doubles
rémunérations. Malgré l’obligation de la loi ALUR visant à sortir des
contrats la rémunération au pourcentage pour travaux « exceptionnels »
les honoraires de travaux restent indexés sur le montant des travaux et
sans dégressivité (entre 7,2 % et 7,8 %). Enfin, pour certaines prestations
particulières dites « privatives » (ex : mutation de lot, impayés de charge),
certains syndics continuent de profiter de l’extrême captivité des
copropriétaires pour surfacturer leurs prestations (ex : un état daté
facturé 480 € ou la transmission d’un dossier à un avocat pour 420 €)143.
Autrement dit, si la loi « ALUR » comporte des mesures d’assainissement
de certaines pratiques, la vigilance s’impose afin d’éviter certains abus qui
pèsent sur la situation de petits copropriétaires.
L’accompagnement et le conseil auprès des accédants à la propriété et
des propriétaires bailleurs est aussi l’une des missions des Associations
Départementales d’Information sur le Logement. Le conseil auprès des
accédants (ex : établissement de plans de financement) est d’autant plus
important compte tenu des difficultés accrues d’accès à la propriété dans
des territoires tendus, alors que le budget moyen des ménages concernés
est compris entre 130 K€ et 200 k€. Une autre mission est
l’accompagnement des propriétaires bailleurs, notamment en matière de
fiscalité mais aussi dans la gestion de situations d’impayés, les ADIL ayant
par ailleurs une mission parallèle de prévention des expulsions locatives
en direction de personnes en difficulté.144
De manière générale, les revendications des propriétaires et
copropriétaires portent essentiellement sur le souhait d’une pause
législative et d’une politique publique inscrite sur le long terme d’une part
et d’autre part d’une simplification réglementaire, fiscale et normative.
143
144
CF. audition de Mme Nadine PRUÉ-PESSOTTO (UFC Que Choisir), le 4 juin 2014
Cf. audition de M. Yannick BILLOUX (ADIL 33), le 7 mai 2014
311
Les propriétaires et propriétaires bailleurs occupent une place décisive
dans l’offre régionale de logements, avec un quart des ménages logés dans
le parc privé lequel accueille 70 % des ménages locataires bénéficiaires
d’une aide au logement. Une partie de ce parc privé joue de fait un rôle
social, étant donné le niveau de ressources des occupants.
Or, le rôle de ces bailleurs privés, en très grande majorité petits bailleurs,
reste peu ou mal considéré. Leur situation actuelle s’inscrit dans un
contexte de stabilisation des loyers et de progression des charges (liées à
la fiscalité et aux normes) qui ne favorise pas les décisions
d’investissement quand elles pourraient s’imposer (problème de vacance,
de confort, de performance thermique…). Cette difficulté est accentuée
par l’instabilité récurrente du cadre législatif et se répercute aussi sur les
dépenses d’entretien et/ou de réparation, générant des retards et une
dégradation des logements mis en location. Le risque est qu’une part
croissante des petits bailleurs privés ne retire leur bien de la mise en
location, sans reprise de ce patrimoine par d’autres bailleurs (dont
bailleurs sociaux), le laissant ainsi vacant et se dégrader, notamment dans
des territoires ou bassins de vie ruraux. La conséquence serait alors une
incapacité accrue à répondre à la demande sociale de locataires à revenus
modestes dans certains territoires, aggravant de ce fait la problématique
d’accès au logement hors des zones tendues. Par ailleurs, la situation des
copropriétaires mérite également attention au regard de certains abus
dans les pratiques de syndics de copropriété.
C’est pourquoi, tout en partageant les
offre de logements accessibles et
propriétaires bailleurs appellent à
simplification règlementaire et fiscale
inscrite dans la durée.
312
objectifs de développement d’une
de transition énergétique, les
une pause législative, à une
et à une politique du logement
3.5 Exigences normatives et de qualité du bâti : entre obstacles et
opportunités
L’enjeu de qualité de l’habitat souligné entre autre par les architectes
reste une question d’actualité pour l’ensemble de la filière, comme en
témoignent les données issues du tableau de bord su Système de collecte
des désordres (SYCODÉS)145, relevées par l’Observatoire de la qualité de
la construction (géré par l’Agence Qualité Construction, AQC). Les nonqualités représentent un coût équivalent à 10 % du chiffre d’affaires du
secteur (selon l’observatoire, le coût de la sinistralité dans le bâtiment
serait de 15 Mds €). Or, de ce point de vue, l’Aquitaine se caractérise par
un taux de « désordres » (défauts de construction, malfaçons…)
supérieur à celui constaté au plan national.
Ainsi, le coût de réparation des « désordres » survenus dans la période
de garantie décennale en Aquitaine a oscillé entre 4,8 % et 6,4 % pour les
constructions réalisées entre 1996 et 2003 et sinistrés entre 1996 et
2012 en Aquitaine. Au plan national, ce coût a varié entre 2,8 % et 3,9 %
au cours de la même période de référence. Autrement dit, le coût relatif
des « désordres » en Aquitaine équivaut au double du coût des
prestations intellectuelles dans la construction d’un appartement T3
réalisé en promotion.
Source : SYCODES régional 2013 Aquitaine, Observatoire de la Qualité de la Construction
Malgré la tendance à une régression du coût de ces désordres, il apparaît
donc que l’Aquitaine affiche des coûts relatifs plus élevés que ceux constatés
au plan national. Le principal défaut constaté est dans plus de la moitié des
cas un défaut d’étanchéité à l’eau.
Les désordres pris en compte correspondent aux défauts déclarés dans le cadre de l’assurance construction
(déclaration de sinistre à caractère décennal).
145
313
En Aquitaine, on relève par ailleurs une plus forte fréquence des défauts de
stabilité, dus à la nature des sols (ex : effets du retrait-gonflement des argiles
et au tassement différentiel qu’il provoque sur les constructions). Ceci peut
également expliquer une plus forte part de désordres liés à un défaut de
conception (13 % en Aquitaine, moins de 10 % au plan national), même si les
défauts d’exécution restent très largement majoritaires (à l’origine des trois
quarts des désordres constatés).
Dans le secteur résidentiel, c’est dans les bâtiments collectifs que le nombre
de désordres enregistrés sur la période 1995-2012 a été le plus important
(54 % du total, notamment sous maîtrise d’ouvrage des promoteurs à 51 %),
devant l’individuel diffus (les particuliers constituant le tiers des maîtres
d’ouvrage concernés). Néanmoins, c’est dans cette dernière catégorie de
construction que le coût relatif des défauts est le plus élevé.
S’agissant des désordres ou défauts constatés dans la construction de
maisons individuelles, l’Aquitaine se distingue par le poids relatif des
problèmes liés aux réseaux d’eau intérieur (10,4 % sur la période 1995-2012
contre 7,7 % au plan national), aux fondations superficielles (8 % contre 5,1
%), aux réseaux extérieurs, à l’équipement sanitaire, à la charpente ou au
plafond.
Source : SYCODES régional 2013 Aquitaine, Observatoire de la Qualité de la Construction
314
Source : SYCODES régional 2013 Aquitaine, Observatoire de la Qualité de la Construction
Considérés du point de vue de leur coût, ce sont les réparations de
problèmes de fondations superficielles (adaptation au sol ou fondation sur
sol hétérogène) qui ont eu l’impact le plus fort (31 % du coût total des
réparations en Aquitaine contre 23 % au plan national), leur part relative
ayant nettement progressé au cours des années 2000.
Ainsi, sur l’ensemble de la période considérée (1995-2012), le coût moyen
de réparation des défauts de construction de maisons individuelles a-t-il été
plus élevé en Aquitaine qu’au plan national, soit de 6 380 € pour un coût
moyen national de 5 440 € (+ 17 %). Cependant l’écart s’est nettement
creusé pour les sinistres apparus depuis 2004 (écart + 24 % pour un coût
moyen respectif de 7 310 € en Aquitaine et de 5 890 € au plan national).
Cet écart s’explique en raison du poids économique relatif des défauts de
fondation (coût moyen de réparation : 28 000 € en Aquitaine, 23 500 € au
plan national) et du fait que les coûts moyens de réparation s’avèrent un peu
plus élevés dans la région, quelle que soit la nature des travaux à réaliser.
Dans les bâtiments collectifs, les principaux défauts constatés concernent
principalement les réseaux d’eau intérieurs, le revêtement de sol intérieur, la
couverture en petits éléments et des problèmes de façades… La fréquence
relative de ces divers types de défauts est relativement plus marquée en
Aquitaine qu’en moyenne nationale.
315
14,0%
12,0%
% désordres Aquitaine
10,0%
% désordres France
8,0%
6,0%
4,0%
2,0%
0,0%
Source : SYCODES régional 2013 Aquitaine, Observatoire de la Qualité de la Construction
L’incidence coûts des réparations confirment l’impact des défauts de
revêtement de sols et des réseaux d’eau dans les bâtiments collectifs à
vocation résidentielle. Les coûts de réfection de voirie, de murs enterrés
ou de soubassements et des réseaux extérieurs distinguent également
l’Aquitaine au regard de leur impact relatif dans le coût global des
réparations réalisées dans des bâtiments collectifs.
316
Pour cette catégorie de construction résidentielle, le coût moyen de
réparation constaté sur la période de référence reste nettement plus
élevé en Aquitaine (5 540 € contre 4 370 € en moyenne nationale, soit +
27 %). Ce sont les travaux de réfection des murs enterrés ou
soubassements qui affichent les coûts moyens les plus élevés et pour
lesquels l’écart avec le coût moyen national est le plus criant, avec une
forte augmentation du coût dans la période récente (depuis 2004) : 12
400 € en coût moyen régional et 4 660 € en moyenne nationale, soit 2,7
fois moins élevé. De même, les coûts de réparation des défauts de
revêtement de sol présentent une large différence (coût moyen régional
8 700 €, + 30 % par rapport au coût moyen national).
Selon l’AQC, les principaux points d’alerte pour la région au regard des
défauts constatés portent sur les fondations superficielles et dallages en
maisons individuelles, générés par des tassements différentiels, aux
fissurations de carrelages (collés ou scellés), aux désordres de murs
enterrés ou de soubassements et aux infiltrations dans les couvertures ou
au droit des balcons dans les bâtiments collectifs, aux fissurations de
façades ou de plafond, aux déformations de charpente traditionnelle ou
encore aux fuites sur les canalisations et réseaux extérieurs.
La plupart de ces défauts tient soit à un problème d’exécution des travaux
soit à un problème de conception, qui entachent l’image de la profession
et contribuent indirectement à un effet de surenchérissement des coûts
de production. Néanmoins, il convient aussi de souligner que la nature
des défauts de construction enregistrés dus au tassement différentiel
soulève la question de la responsabilité des collectivités locales et de
certains intermédiaires en matière d’information des maîtres d’ouvrage
(particuliers ou opérateurs), notamment quant aux conditions
d’ouverture à l’urbanisme de terrains susceptibles de présenter une
vulnérabilité au risque de retrait-gonflement des argiles. Il n’est pas inutile
de rappeler ici que cet aléa concerne potentiellement et de manière
significative 29 % de la superficie de la région, une proportion équivalente
des logements existants (dont 320 000 maisons individuelles pour un total
de 467 000 logements en 2006) et 30 % de la population régionale,
notamment en Gironde et en Lot-et-Garonne. 146 Or, les solutions
techniques, correctives ou préventives, sont connues et les informations
disponibles auprès de l’Agence Qualité Construction.
Pour les professionnels concernés du bâtiment, la première norme qui
s’impose est celle des « documents techniques unifiés » (DTU), lesquels
définissent en quelque sorte les règles de l’art minimales relatives aux
procédés ou produits du bâtiment et à leur mise en œuvre, telles
qu’établies par une commission générale de normalisation du bâtiment
animée par le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment.
Cf. rapport et avis du CESER Aquitaine « L’Aquitaine face aux risques naturels : mieux connaître et prévenir pour
ne pas subir », octobre 2012
146
317
Cet organisme détient jusqu’à ce jour un monopole en matière de
normalisation dans le secteur du BTP. Il a également un rôle en matière
de recherche, d’accompagnement de l’innovation et de transfert
technologique en direction de ce secteur d’activité dans la perspective
affirmée du bâtiment et de la ville durables 147 , tel que précisés dans le
contrat d’objectifs et de performances entre l’État et le CSTB pour la
période 2014-2017. Toutefois, certains opérateurs de la chaîne du
bâtiment critiquent la toute-puissance de cet organisme, l’influence
exercée par certains industriels et les délais d’homologation ou
d’agrément de certains produits innovants (cf. chapitre 3.6). L’avis rendu
récemment par l’Autorité de la concurrence sur le processus français de
normalisation/certification au regard des règles de concurrence est à ce
propos significatif puisqu’il recommande d’appliquer au BTP le processus
de droit commun et de redéfinir le rôle du CSTB. Plus précisément, il
souligne le caractère « foisonnant et dérogatoire » de la normalisation dans
ce secteur, marqué par une production importante de « quasi-normes »
non validées par l’AFNOR, autorité nationale en principe compétente
dans ce domaine, en citant le cas des DTU, dont l’intégration dans le
socle normatif réglementaire (NF-DTU) est en cours. Il en va de même
des documents techniques d’application (DTA) portant sur les produits
innovants, sachant que certains de ces produits sont parfois utilisés depuis
longtemps et/ou ont déjà pu obtenir une autorisation à l’échelle
européenne148. L’Office Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques
et Technologiques (OPESCT) avait déjà critiqué le caractère « opaque,
bureaucratique et trop centralisé » de ce système, dans un rapport visant à
lever les freins réglementaires à l’innovation en matière d’économies
d’énergie dans le bâtiment149.
A ces règles ou normes techniques applicables aux métiers du bâtiment et
de la construction, sont venues se greffer tout un ensemble de normes
répondant à des exigences diverses. Relevant ou bien de priorités
d’intérêt général liées à des choix politiques (transition énergétique,
accessibilité) ou bien d’intérêts plus particuliers, et discutables, s’agissant
par exemple d’intérêts industriels. La surenchère normative a été
dénoncée par la plupart des acteurs professionnels auditionnés dans le
cadre de ce travail. Au point que ces derniers se retrouvent pris dans une
sorte d’étau, entre d’une part les contraintes imposées par le marché,
marquées par une hausse des coûts de production à laquelle les normes
contribuent (outre le foncier, 30 % de cette hausse serait imputable aux
normes selon les professionnels du bâtiment), l’objectif de produire des
logements à des prix de sortie abordables pour les ménages d’autre part
et enfin par l’exigence d’une amélioration des performances énergétiques
et de la qualité ou du confort des logements.
Cela recouvre les axes énergie-environnement, santé-confort, la maîtrise des risques, le numérique, les
usages, l’économie et les mutations des filières ; Cf. « Contrat d’objectifs et de performances État-CSTB 20142017 »
148 Avis n°15-A-16, du 16 novembre 2015 portant sur l’examen, au regard des règles de concurrence, des activités de
normalisation et de certification, Autorité de la Concurrence (section V)
149 Rapport de l’OPESCT présenté par MM. Jean-Yves LE DÉAUT et Marcel DENEUX, le 9 juillet 2014
147
318
Autrement dit, il leur est demandé de produire plus, mieux et moins cher,
dans un contexte de raréfaction des aides publiques.
On mesure d’autant le défi que la très grande majorité des opérateurs
concernés sont des TPE ou des entreprises de taille artisanale, pour
lesquelles ce degré d’exigence doit se conjuguer aussi avec un objectif de
maintien de l’activité sinon de survie.
Parmi les dérives réglementaires et normatives les plus contestées, on
peut citer la norme NFC 15-100, parue en 2002 modifiée en 2008 et
2010, laquelle oblige à
l’installation de prises RJ45 dans toutes les pièces
principales … ce qui peut
paraître démesuré à l’ère
des communications sans
fil (wifi) et de l’évolution
des usages. Un autre
exemple est donné par la
réglementation
contre
l’infiltration
de
neige
poudreuse,
classant
Bordeaux en zone A2 au
même titre que … Saint
Etienne, La Mongie ou
Gourette (NV65 2009 en
cf. application norme NFEN 1991-1-3 de 2007 ; Cf.
carte ci-contre).
Un autre cas de figure relève d’une mesure de précaution ou de
prévention d’accidents, par l’interdiction de marches arrière pour les
camions de ramassage des ordures ménagères. Cette disposition impose
dans les lotissements la réalisation de voies en impasse avec des rondspoints surdimensionnés. Cela a pour conséquence de bloquer des formes
d’urbanisation en individuel aménagé dans les zones relativement dense,
étant donné les coûts fonciers et les surcoûts générés.
D’autres normes ou règlementations suscitent une adhésion de principe
de la plupart des opérateurs, à conditions d’être appliquées avec plus de
discernement ou de mesure et en tenant compte des délais nécessaires à
leur mise en œuvre en termes opérationnels, aussi bien sur le plan
économique que technique. Du point de vue de certains professionnels
du bâtiment, ces normes sont autant génératrices de contraintes que
d’opportunités, car elles apportent aussi des voies de diversification et
d’innovation et constituent des marchés spécifiques
319
Ainsi en est-il de la réglementation en matière d’accessibilité pour les
personnes à mobilité réduite, prise en application de la loi du 11 février
2005 150 , qui impose les normes pout tous les logements des bâtiments
d’habitation collectifs. Ceci étant, les représentants de l’artisanat du
bâtiment ont initié une marque « Handibat ®» afin d’accompagner les
professionnels, avec un programme de formation associé (plus de 130
artisans concernés en Aquitaine).
Un autre grand chantier producteur de réglementation, de normes, de
pratiques et de certification porte sur les performances énergétiques et
environnementales dans le bâtiment. Les objectifs réglementaires
découlent ici des engagements internationaux de la France en matière de
réduction des émissions de gaz à effet de serre et de leur déclinaison
successive depuis le début des années 2000 : Plan national de lutte contre
le réchauffement climatique en 2000, Plan Climat en 2004, loi de
programmation fixant des objectifs en matière de politique énergétique en
2005 avec un objectif de réduction au facteur 4 à horizon 2050, lois du
Grenelle de l’environnement (loi « Grenelle 1 » de juillet 2009 et loi
« Grenelle 2 » de juin 2010), loi sur la transition énergétique et la
croissance verte d’août 2015. Ce processus législatif témoigne de
l’importance d’un enjeu largement partagé par les opérateurs de la
construction et du bâtiment.
Cette évidence ressort aussi du fait que le secteur du bâtiment
(résidentiel ou non) représente 44 % de la consommation énergétique en
France et génère 123 millions de tonnes d’émission de CO2 chaque
année.
En Aquitaine, le bâtiment représente 42 % de la consommation finale
d’énergie, dont 30 % pour le seul secteur résidentiel, soit 2,3 millions de
TEP (tonnes équivalent pétrole) ou 28,7 GWh. Il contribue pour 20 % aux
émissions régionales de gaz à effet de serre (3,9 Mt CO2/an) 151 . C’est
aussi le premier émetteur régional de composés organiques volatils non
méthaniques (solvants, peintures…). Une autre considération tient au fait
que près de 160 000 ménages aquitains sont en situation de vulnérabilité
énergétique due au logement (cf. chapitre 1.6). Pour les professionnels
régionaux de la construction et du bâtiment, il s’agit donc de s’adapter à
cette transition énergétique, en considérant l’enjeu économique pour les
entreprises du secteur, particulièrement sur le marché de la rénovation
énergétique (14 % du chiffre d’affaires en rénovation en 2013). Cet enjeu
spécifique tire parti du fait qu’il entre en cohérence avec un objectif
macro-économique national, que l’adaptation énergétique dans le
bâtiment modifie assez peu les usages et que l’impact sociétal attendu est
important, tant sur le plan environnemental que social.
Loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté
des personnes handicapées ; décret d’application n°2006-555 du 17 mai 2006, arrêté du 1er août 2006 et
circulaire DGUHC 2007-53 du 30 novembre 2007
151 Source : « Chiffres clés énergie-climat-air en Aquitaine », édition 2014, ORECCA
150
320
L’une des premières traductions concrètes de ces engagements en
matière de transition énergétique dans le bâtiment touche à la
réglementation thermique, qui fixe les limites maximales de
consommation d’énergie des bâtiments neufs. Cette réglementation a
évolué au cours des années 2000, avec des seuils de consommation
énergétique progressivement abaissés. Celle applicable actuellement est la
RT 2012 (qui succède à la RT 2005 et à la RT 2000), adoptée en juillet
2010 et applicable aux constructions neuves depuis le 1er janvier 2013.
Toutefois, son impact sur le coût de construction des logements neufs
n’est pas neutre, estimé entre 8 % et 12 %.
Plusieurs labels développés en lien avec les professionnels ont anticipé
cette évolution réglementaire, allant pour certains au-delà des exigences
imposées par la réglementation en matière de performances énergétiques
et/ou environnementales des bâtiments. C’est notamment le cas des
labels lancés dès 2005 : Haute Performance Énergétique (consommation
maximale – 10%, avec ou sans recours aux énergies renouvelables), Très
Haute Performance Énergétique (consommation maximale – 20 % ou – 30
% avec utilisation d’énergies renouvelables) ou encore le label Bâtiment
Basse Consommation (BBC, consommation maximale de 50
KWhep/m2/an, soit environ – 50 % par rapport à la norme RT 2005, tel
que le label BBC-Effinergie). En 2009, les labels Haute Performance
Énergétique et BBC applicables aux travaux de rénovation sont apparus
(avec des seuils respectifs de consommation de 150 KWhep/m2/an et de
80 KWhep/m2/an). La RT 2012 s’est alignée sur le niveau de performance
énergétique du label BBC 2005, en attendant une prochaine version déjà
annoncée et anticipée vers la Réglementation Bâtiment Responsable 2020,
à savoir des bâtiments à énergie positive.
Du côté du marché, la tendance récente de l’investissement pour des
travaux d’amélioration énergétique dans le bâtiment semble bien
orientée, favorisée par une série de mesures et de dispositifs publics (cf.
4.7) et par une conjoncture un peu plus favorable.
Source : « Bâtiment
durable, l’actualité du
développement durable sur
les marchés du bâtiment »,
n°3, CEBATRAMA,
octobre 2015
321
Source : « Bâtiment durable, l’actualité trimestrielle du développement durable sur les marchés du
bâtiment », n°3, CEBATRAMA, octobre 2015
Au cours de l’année 2014, près de 60 000 actions de travaux de
rénovation énergétique ont été engagées par les ménages aquitains dans
le cadre du Crédit d’Impôt Développement Durable (CIDD, remplacé par
le Crédit d’Impôt Transition Énergétique ou CITE), touchant 4,3 % des
propriétaires occupants dans la région, pour un montant de 272 M€ (soit
6 000 € par logement en moyenne).
D’autres dispositifs témoignent d’une réceptivité plus ou moins marquée
des ménages pour ce type de travaux, moins du fait d’un désintérêt sur le
sujet que de la méconnaissance, de la complexité ou des incertitudes
inhérentes aux politiques publiques et à leur évolution. C’est par exemple
le cas de l’éco-prêt à taux zéro (ou Éco-PTZ) ou du programme « Habiter
Mieux » de l’Agence Nationale pour l’Amélioration de l’Habitat.
322
Source : « Bâtiment durable, l’actualité trimestrielle du développement durable sur les marchés du
bâtiment », n°3, CEBATRAMA, octobre 2015
Les demandes de labellisation du type BBC-Effinergie rénovation restent
encore relativement modestes (846 logements depuis 2008 pour 1 195
demandes).
323
Source : « Bâtiment durable, l’actualité trimestrielle du développement durable sur les marchés du
bâtiment », n°3, CEBATRAMA, octobre 2015
Depuis la mise en œuvre de la RT 2012, de nouveaux labels ont vu le
jour, avec des niveaux d’exigence supérieurs en termes d’objectifs de
performances énergétiques et/ou environnementales. Il s’agit des labels
BBC-Effinergie +, RT 2012 -10 %, RT 2012 -20 % et BEPOS (Bâtiment à
Énergie Positive), qui concernent le marché du logement neuf.
Depuis 2009, la mise en place du label déjà existant BBC-Effinergie a
concerné près de 32 000 logements (dont un peu plus de 1 300 au cours
du premier semestre 2015).
Source : « Bâtiment durable, l’actualité trimestrielle du développement durable sur les marchés
du bâtiment », n°3, CEBATRAMA, octobre 2015
324
Dans le registre de la qualité environnementale, les demandes de
labellisation de logements Haute Qualité Environnementale ou « Habitat
& Environnement » progressent et ont concerné 2 269 logements en
2014 et près de 600 pour le seul premier trimestre 2015.
Source : « Bâtiment durable, l’actualité trimestrielle du développement durable sur les marchés du
bâtiment », n°3, CEBATRAMA, octobre 2015
Un autre indicateur est fourni par le nombre de Certificats d’Economie
d’Energie (C2E), attribués essentiellement aux fournisseurs d’énergie (ou
« obligés »), avec des objectifs nationaux d’économie fixés à 700 TWh
d’énergie finale cumulée actualisée (ou « cumac ») pour la troisième
période d’application de ce dispositif (2015-2018), lancé en 2006 en
application de la loi programme fixant les orientations de la politique
énergétique (dite « POPE ») du 23 juillet 2005. Cette nouvelle génération
de C2E s’inscrit aussi dans le cadre des objectifs définis à l’échelle
européenne par la directive 2012/27 du 25 octobre 2012 relative à
l’efficacité énergétique (soit une réduction de 20 % de consommation
d’énergie à horizon 2020). A cela, s’ajoutent les dispositions de la récente
loi relative à la transition énergétique et à la croissance verte, qui instaure
une nouvelle obligation d’économie d’énergie au bénéfice des ménages en
situation de précarité énergétique (objectif de 150 TWh cumac d’ici fin
2017).
Entre 2006 et fin septembre 2015, le volume d’économies réalisées a été
estimé à 860,2 TWh cumac, au profit de 1 485 bénéficiaires (448
« obligés » et 1037 « non obligés », notamment collectivités territoriales et
bailleurs sociaux) et a donné lieu à près de 12 300 décisions. Un peu plus
des deux tiers des économies réalisées ont concerné le secteur
résidentiel.
325
Les principaux types d’opérations conduites dans ce cadre en secteur
résidentiel portent sur l’installation d’une chaudière individuelle ou
collective de type condensation avec ou sans contrat de maintien du
rendement énergétique, sur l’isolation de combles ou de toitures et sur
l’isolation des murs. Pour l’Aquitaine, le volume d’économies réalisées
atteint 40 000 GWh cumac en octobre 2015 pour les opérations
effectuées dans la région (période 2006-2015).
Source : Lettre
d ‘information
« Certificats d’économie
d’énergie », octobre
2015, MEDDE
Face à ces évolutions, les organisations du bâtiment et de la construction
ont pris des initiatives afin d’accompagner les professionnels et
entreprises dans l’adaptation et la qualification de leurs compétences et
savoir-faire.
L’un des principaux indicateurs de cet effort d’adaptation est l’évolution
du nombre d’artisans et d’entreprises qualifiés « Reconnu Garant de
l’Environnement » (RGE), désormais incontournable pour accéder au
marché de la rénovation énergétique, car il conditionne l’accès aux aides
publiques (CIDD ou CITE, éco-PTZ) pour les particuliers ou maîtres
d’ouvrage. Cela explique l’emballement des demandes de qualification,
malgré le coût de la démarche et les délais d’obtention. Car depuis la
parution des décrets sur l’éco-conditionnalité des aides en juillet 2014, le
rythme des demandes s’est nettement accéléré. Sur les 40 000
entreprises labellisées « RGE » au plan national à ce jour, 14 000
demandes ont été enregistrées depuis le 1er janvier 2015 (soit un rythme
de 5 000 demandes par mois depuis le début de cette année).
326
Les professionnels labellisés ont désormais la responsabilité d’attester de
l’éligibilité des travaux de rénovation bénéficiant d’un éco-prêt à taux
zéro, rôle auparavant dévolu aux banques, ce qui avait tendance à gripper
le déclenchement de l’éco-prêt.A fin septembre 2015, près de 3 100
entreprises du bâtiment sont labellisées « RGE », ce qui représente 10 %
des entreprises aquitaines du bâtiment, avec une très forte progression
de cet effectif en 1 an (x 3). Un tiers des entreprises labellisées sont
localisées en Gironde, un quart en Pyrénées-Atlantiques, 15 % à 16 % en
Dordogne et dans les Landes et 12 % en Lot-et-Garonne.
Les professionnels du bâtiment ont parallèlement pris des initiatives en
matière de sensibilisation des professionnels (par exemple sur la RT 2012,
sur
la
rénovation
énergétique,
sur
l’éco-conditionnalité…),
d’accompagnement individualisé de leurs adhérents et de formation (ex :
formations FEE-BAT en plusieurs modules et module « RENOVE » pour
les économies d’énergie qui a enregistré plus de 5 200 stagiaires en 2014,
soit 3 fois plus que l’année précédente). Un système de cours en ligne
(MOOC Bâtiment durable) a été annoncé au cours de l’été 2015 et
devrait être opérationnel d’ici fin 2015.
Tous les opérateurs de la filière logement-construction sont donc
mobilisés par ce chantier de la réhabilitation énergétique ou de la
construction neuve à haute performance énergétique.
Source : « Bâtiment durable, l’actualité trimestrielle du développement durable sur les marchés du bâtiment », n°3,
CEBATRAMA, octobre 2015
327
Malgré cela et l‘ensemble des dispositifs mis en place, ce marché a du mal
à « décoller », ainsi qu’en témoignent les derniers résultats de
l’Observatoire Permanent de l’Amélioration Énergétique du logement
(OPEN) mis en place par l’ADEME, lesquels portent cependant sur une
période antérieure aux dernières dispositions législatives et fiscales.
Ceux-ci révèlent qu’entre 2006 et 2013, le nombre de chantiers
d’amélioration énergétique du logement a progressé mais à un rythme
modéré, avec un montant moyen de travaux en réduction.
Ce marché a subi l’impact généralisé de la crise dans l’immobilier,
notamment sur le segment de l’acquisition-amélioration, phase
préférentielle durant laquelle s’opèrent les travaux de rénovation à impact
énergétique. En 2013, les travaux ayant eu un réel impact énergétique ont
atteint un montant de 12,8 Mds € (15 Mds € en 2008) et concerné 2,6
millions de logements rénovés au plan national. Le point positif est que les
solutions techniques sont de plus en plus performantes. Les travaux
d’amélioration énergétique qui ont de ce point de vue gagné en efficacité
sont par exemple les travaux d’isolation thermique des toitures et façades
et le niveau de performance des ouvertures (fenêtres, portes-fenêtres).
Malgré cela, les consommations d’énergie dans l’habitat continuent
d’augmenter, en partie du fait des évolutions démographiques et de
l’accroissement du parc immobilier.
L’explication de ces résultats mitigés est aussi à trouver dans l’évolution
parallèle des motivations des propriétaires, influencés à la fois par le
climat économique conjoncturel et le faible retour sur investissement à
court terme de ce type d’opération, découragés aussi par la complexité,
l’instabilité et l’opacité des dispositifs d’aide mis en place.
Une autre difficulté tient à la diversité des corps de métiers
potentiellement concernés et à l’organisation de l’offre de travaux.
De plus, la réalisation de travaux d’économie d’énergie ne se traduit pas
toujours en économies réelles car les ménages concernés peuvent
adopter d’autres comportements d’usage qui annulent au moins
partiellement les gains attendus. Par ailleurs, certains équipements
installés dans des bâtiments résidentiels peuvent être mal utilisés ou
présenter des dysfonctionnements qui ne sont pas toujours
immédiatement repérés.
Enfin, la fragilité économique actuelle du secteur constitue un facteur
limitant pour atteindre les objectifs identifiés d’amélioration énergétique
du parc existant (rappel : 392 000 logements à réhabiliter en Aquitaine à
horizon 2023, soit 39 000 par an au lieu de 11 900 au rythme actuel – cf.
chapitre 2.3). Alors que le tissu des entreprises est fragilisé par la
conjoncture, la réponse aux objectifs du Plan de Rénovation Energétique
de l’Habitat (PREH) au niveau régional nécessiterait la création de 8 700
emplois supplémentaires dans la filière à horizon + 5 ans (soit 2 000 par
an) mais la tendance récente est plutôt à la réduction des effectifs ce qui
obère d’autant les capacités de l’appareil de production.
328
C’est pourquoi la plupart des professionnels et experts entendus 152
insistent sur l’enjeu d’une meilleure information et d’un meilleur
accompagnement des particuliers, sur la lisibilité et la simplification des
dispositifs d’aide (ex : homogénéisation des performances et des dossiers,
réduction des délais d’instruction…), tout en donnant une visibilité dans
le temps aux politiques mises en œuvre et dispositifs associés (au moins 2
ans pour les clients et 5 à 6 ans pour les entrepreneurs). La mise en place
de plateformes d’information, s’appuyant sur les Espaces Info Énergie
territoriaux et sur les Points Rénovation Info Service, constitue une voie
déjà expérimentée dans certaines régions (dont Limousin et PoitouCharentes).153
En Aquitaine, cette mission d’information et d’accompagnement en
direction des particuliers (propriétaires occupants ou bailleurs, accédants
à la propriété, locataires), est pour partie confiée aux associations
départementales d’Information sur le Logement (ADIL).
Celles-ci renseignent et conseillent les particuliers aussi bien sur leurs
projets d’acquisition d’un logement qu’en direction des propriétaires
bailleurs, notamment dans leurs projets d’amélioration de l’habitat et de
rénovation énergétique. Dans ce dernier registre, la tâche est plus
complexe étant donné la diversité des dispositifs, leur manque de lisibilité
et parfois de cohérence.
Dans ce domaine, d’autres associations ou organismes contribuent à
l’information des usagers en tant qu’Espaces Info Énergie (12 EIE répartis
en Aquitaine). Parmi eux, c’est le cas du Centre Régional d’Ecoénergétique d’Aquitaine (CREAQ) implanté à Bordeaux. Cette association
apporte une assistance en matière de lutte contre la précarité
énergétique en direction des ménages et des professionnels notamment
par l’animation d’un réseau d’alerte girondin Préca Energie, qui associe
des travailleurs sociaux, des collectivités et des associations de terrain. Ce
réseau est appelé à prendre une dimension régionale, à l’instar de ce qui
existe dans certaines régions (ex : Poitou-Charentes). Le CREAQ joue
aussi un rôle d’Espace Info Energie (EIE), par l’organisation d’ateliers
collectifs d’information, par l’organisation de rencontres techniques
(ouvertes aux particuliers ou ciblées vers certains opérateurs tels que les
bailleurs sociaux) ou par la mise en œuvre d’actions exploratoires (ex :
service local d’intervention pour la maîtrise de l’énergie).
Cf. audition de MM. Jean-Louis BROITMAN (entrepreneur du bâtiment), Jean-Bernard MARON et Brice
MUET (FFB Aquitaine), Sébastien PERRUCHOT (CEBATRAMA), le 29 octobre 2014 ; audition de MM. Patrick
LALANNE et Benoit TABASTE (CAPEB Aquitaine), le 28 janvier 2015 ; audition de M. Eric AUFAURE (ADEME
Aquitaine), le 18 février 2015
153 Cf. également sur ce volet « Rénovation énergétique, construction durable ; Bilan, enjeux et perspectives 20132014 », CEBATRAMA-GIE Réseau des CERC-ORECCA, avril 2015
152
329
D’autres pistes d’amélioration ont été avancées, telles que la
structuration collective de l’offre artisanale (ex : groupements
d’entreprises), l’appui à la conduite d’équipements, ou encore l’installation
de capteurs peu coûteux permettant de suivre la consommation en temps
réel (exemple cité aux Pays-Bas, avec des dispositifs visibles en pieds
d’immeubles collectifs ou installés sur les compteurs en maisons
individuelles). Certains interlocuteurs ont insisté sur la nécessité d’une
approche qui ne se limite pas à la recherche de la simple performance
pour gérer cette phase de transition énergétique dans le secteur
résidentiel. Il convient d’intégrer des problématiques de confort, de
valeur du patrimoine, plus largement de préservation des ressources. Il
est par exemple courant de considérer que l’habitat ancien se caractérise
par ses mauvaises performances énergétiques. Or, cela concerne surtout
les logements construits durant la période 1950/1975 et des
copropriétés. On intervient parfois lourdement et inefficacement sur des
immeubles très anciens alors qu’ils présentent un bon équilibre
thermique. Par ailleurs, il conviendrait aussi de considérer l’énergie
« grise » consommée lors de la phase de construction, en utilisant les
analyses de cycle de vie.
Enfin, l’approche actuelle de l’amélioration énergétique dans le bâtiment
prend en compte la problématique des économies de chauffage durant la
période de pointe hivernale. Or, dans une politique pensée sur le long
terme, il conviendrait également d’intégrer la question de la climatisation
dans la perspective de répétition d’épisodes de fortes chaleurs en lien
avec l’adaptation au changement climatique.
Ainsi, la question de la normalisation et de la qualité dans l’habitat
recouvre des enjeux multiples, qui imposent aux différents opérateurs de
la filière des efforts d’adaptation parfois importants.
330
La prolifération des normes et le relèvement des niveaux d’exigence
enregistrés au cours de ces dernières années, compte tenu de leurs
incidences économiques, sociales et sur les métiers, exigent du temps
pour leur mise en œuvre et pour en mesurer les résultats. C’est pourquoi
il paraît nécessaire à la fois de stabiliser ce processus normatif et
réglementaire, de le rendre plus transparent, le simplifier autant que
possible et d’anticiper plus sérieusement les impacts des futures normes
ou règlements à venir. Il importe à ce propos de renvoyer aux
conclusions du rapport du groupe de travail rendues en février 2014 sur
la simplification réglementaire et la normalisation dans le cadre de la
démarche « Objectifs 500 000 ».154
Pour les professionnels, cette contrainte normative peut aussi être une
source d’opportunités dès lors qu’elle ouvre des perspectives d’activité,
sous réserve qu’elle prenne en compte certaines réalités économiques
et/ou limites liées aux pratiques, aux usages et aux modes d’habiter. En ce
sens, le chantier engagé en matière d’amélioration des performances
énergétiques dans le bâtiment illustre l’étendue des conséquences et des
enjeux induits par les mécanismes réglementaires et de normalisation, en
termes d’adaptation des métiers et/ou des compétences, de formation et
de qualification, d’accompagnement des maîtres d’ouvrage et des maîtres
d’œuvre, d’information et de conseil auprès des ménages ou usagers
(dont ceux en situation de précarité énergétique), d’harmonisation et de
mise en cohérence des dispositifs d’aide.
Il importe aussi de considérer les limites imposées par le contexte
économique général, qui pèse sur les entreprises du bâtiment et
compromet les capacités de réponse de l’appareil productif aux objectifs
parfois ambitieux des politiques publiques.
De manière générale et quasi unanime, la production réglementaire et
normative exige une stabilité et une inscription dans la durée, sinon à
entretenir la confusion, l’attentisme des opérateurs et l’échec de
politiques dont le bien-fondé est pourtant très largement partagé.
Rapport du groupe de travail 1 « Simplifier la réglementation et l’élaboration des normes de construction et de
rénovation », remis à Mme Cécile DUFLOT, Ministre de l’égalité des territoires et du logement, le 21 février
2014 – Rapporteur général : Mme Nadia BOUYER, conseillère à la Cour des Comptes
154
331
3.6 L’innovation comme réponse aux enjeux et difficultés en
matière de logement et d’habitat
Les multiples exigences économiques, normatives ou réglementaires
rencontrées par les opérateurs mais aussi la pression des besoins et des
attentes de la société en matière d’habitat et de logement offrent un
terrain d’innovations et incitent certains acteurs à imaginer de nouvelles
solutions, de nouveaux procédés, de nouveaux modes d’habiter ou de
concevoir sa relation à l’habitat.
Ces innovations sont de nature très diverses et ne se limitent pas au seul
volet technologique. Elles ont aussi organisationnelles et recouvrent des
dimensions culturelles et juridiques. Elles imposent aux différents
opérateurs des stratégies d’anticipation et des efforts d’expérimentation.
Pour les opérateurs de la filière, l’une des premières questions touche
aux possibilités d’économies sur les coûts de production, permettant
d’offrir des logements en accession plus largement abordables,
notamment dans les territoires aux marchés tendus. Plus largement, la
question soulevée est de savoir si l’on peut construire mieux, avec de la
qualité et du confort, et moins cher.
Plusieurs pistes ont été explorées dans ce registre et évoquées lors des
travaux en commission. L’introduction de procédés industriels de
construction n’est pas nouvelle, ayant déjà donné lieu à quelques
tentatives dès le milieu du XXème siècle mais sans rencontrer de grand
succès en France. Au cours des décennies récentes, des prototypes
industriels de logements ont été testés, par exemple sous forme de
produits d’habitat modulaire à base métallique ou bois, mais n’ont porté
que sur des projets de constructions temporaires. La standardisation de
la construction se heurte non seulement aux attentes ou habitudes mais
aussi à la diversité des environnements (sols, climats, types
d’architectures…). Ceci étant, certains ont tenté et réussi l’expérience de
la construction industrialisée modulaire et se sont regroupés au seine
d’une association (ACIM), laquelle rassemble près d’une trentaine
d’entreprises, mobilisant près de 4 000 emplois et réalisant un chiffres
d’affaires annuel de 760 M€ (à 60 % sur le marché locatif). Parmi eux, on
trouve l’entreprise landaise DASSÉ Constructions, qui travaille un
concept modulaire à base bois.
L’une des expériences les plus probantes dans ce domaine est celle
développée par l’office HLM de l’agglomération bordelaise, Aquitanis. Cet
opérateur a conçu un système de construction modulaire préfabriqué à
ossature bois (« Sylvania »), économique (coût de production compris
entre 1 100 € / m2 et 1 300 € / m2) et durable (label « Habitat &
Environnement »), en partenariat avec Egeris Construction, une entreprise
industrielle régionale spécialisée dans ce domaine. Plus d’une centaine de
logements de ce type ont été programmés et pour partie déjà livrés.
332
L’industrialisation de composants de l’habitat offre une autre réalité, avec
des avancées déjà enregistrées (par exemple pour les menuiseries
extérieures, les cloisons, les salles de bain…). Toutefois, si ces
développements démontrent les possibilités d’utilisation de composants
industriels, ils ne se traduisent pas nécessairement par des gains qualitatifs
ou en termes de prix.
Quelques composants pourraient faite l’objet d’une centralisation de la
préfabrication (ex : parquets) mais cela génère des coûts de transport
supplémentaires. 155 Dans la région de Pau, une résidence universitaire a
été construite en 3 semaines avec un système de préfabriqué béton. Plus
récemment, on assiste à l’émergence de projets de construction de
maisons par imprimante 3D (ex : Winsun, Contour Crafting, BetAbram ou en
France Machines-3D avec un projet de résidence pour étudiants de 1 000
chambres en région lilloise). Ces nouveaux procédés restent encore à
l’état expérimental et leur développement génère de nombreuses
questions (qualité et esthétique de l’habitat, conformité aux
réglementations et normes existantes…).
Une grande part des innovations récentes en matière de construction et
d’habitat portent sur la performance énergétique du bâtiment, dans la
perspective de maisons ou bâtiments à énergie passive. En Aquitaine, plus
de 80 projets de maisons ou bâtiments à basse consommation (dont une
cinquantaine dans le résidentiel) sont répertoriés par l’Observatoire BBC,
géré par le pôle régional de construction et d’habitat durables (CREAHd).
Plusieurs de ces projets s’inscrivent dans le cadre de l’appel à projet
PREBAT (programme de recherche et d’expérimentation sur l’énergie
dans le bâtiment) lancé entre 2012 et 2014. Quelques projets innovants
peuvent être mentionnés dans ce registre à titre d’illustration, tels que :
-
le projet Fourminergie porté par Valorem à l’échelle d’un quartier
(Malartic à Gradignan en banlieue bordelaise), en lien avec les
habitants, afin d’atteindre un objectif de performance énergétique de
80 KWh/m2/an. Il s’agit d’accompagner les habitants en leur
proposant des outils leur permettant d’identifier les travaux
d’amélioration
prioritaires.
Cet
accompagnement
intègre
l’organisation collective des habitants, la mobilisation de solutions
juridiques et financières, la mobilisation de systèmes domotiques
pour la gestion des flux d’énergie (« smart grids »), l’évaluation des
performances obtenues et le développement d’outils d’aide à la
décision.
-
Le projet EDEN, porté par la société ADIM immobilier Sud-Ouest,
permettant le retour d’expérience sur les comportements des
habitants, leurs usages, à la fois par une méthode de rétroconception au regard des objectifs environnementaux (Qualité
Cf. audition de MM. Jean-Louis BROITMAN, Jean-Bernard MARON, Brice MUET (FFB Aquitaine), le 29
octobre 2014
155
333
Environnementale du Bâtiment) et/ou sociaux (retour d’expérience
dans la conception du bâti). Ce projet est expérimenté notamment à
Bègles dans la banlieue bordelaise (30 logements concernés).
-
Le projet CRIBA (pour Construction et Rénovation Industrialisées
Bois Acier), retenu dans le cadre des investissements d’avenir, est
porté par l’office public HLM des Landes en collaboration avec
Syrthea, l’École des Mines, Domolandes et Fly-N-Sense. Il vise à la
réhabilitation énergétique de 110 logements dans une résidence
d’habitat social située à Saint-Paul-les Dax dans les Landes, avec un
objectif de consommation de 25 KWh/m2/an par logement. Ce
projet, qui associe également les habitants, a pour objet de
développer une solution industrialisée pour la rénovation
d’immeubles collectifs, de proposer une solution logicielle permettant
de configurer la réponse technique de rénovation, de préfigurer une
chaîne industrielle de préfabrication des composants.
Nombre d’autres innovations portent sur des composants ou produits,
permettant également de diminuer les consommations énergétiques et
plus largement d’améliorer les performances environnementales de
l’habitat. La construction de logements est consommatrice d’énergie, de
ressources naturelles, d’eau. Elle génère aussi des émissions de gaz à effet
de serre et des déchets.
Parmi les tendances récentes encouragées par la réglementation et la
normalisation, on assiste au développement croissant de matériaux dits
« biosourcés » ou encore « biomatériaux » dans la construction. Un label
« bâtiment biosourcé » a été reconnu par décret en avril 2012.156 Cette
filière est en cours de structuration avec l’appui des pouvoirs publics (4
groupes de travail ont été mis en place au niveau national en mars 2014 à
ce sujet), compte tenu du développement soutenu de l’utilisation de ces
biomatériaux, essentiellement en tant qu’isolants (isolation intérieure et
extérieure), en vrac, en panneaux ou rouleaux ou encore par intégration
de ces matériaux dans des éléments de structure (ex : bétons végétaux,
bottes de paille).
Actuellement, les principaux biomatériaux utilisés sont la ouate de
cellulose, les produits connexes du bois (granulats, fibre de bois), la paille
(bâtiments et panneaux), le chanvre (liants, laines isolantes, blocs de
béton à maçonner, éléments préfabriqués), le lin (paille de lin, laines et
feutres de lin isolants, panneaux de lin agglomérés), les textiles recyclés, la
laine d’ovins, le miscanthus et le liège (la filière de la plume de canard
ayant été abandonnée)157.
Cf. décret n°2012-518 du 19 avril 2012 relatif au « bâtiment biosourcé »
Cf. « Etude sur le secteur et les filières de production des matériaux et produits bio-sourcés utilisés dans la
construction (à l’exception du bois ») – Rapport final - Nomadéis, MEDDE, août 2012
156
157
334
L’Aquitaine est présente dans quelques-unes de ces filières, notamment
pour la ouate de cellulose (avec 2 fabricants, la SOPREMA et Ouatéco),
les produits connexes du bois (fabricants de fibre de bois et de granulats
dont Granuland), le chanvre (avec un fabricant de liant pour bétons et
mortiers), la laine d’ovins (dont la société Naturlaine implantée à Ogeules-Bains) ou encore dans la filière du liège (association Liège Gascon)…
L’Aquitaine se distingue également comme région motrice pour la mise en
œuvre de panneaux de paille dans la construction. L’utilisation du bois
dans la construction reste pour cette région une autre voie privilégiée
d’innovation et d’expérimentation, comme en attestent de nombreux
projets développés dans l’habitat individuel et collectif, avec des
techniques bois de grande hauteur. Certains projets tels celui porté par la
société anonyme coopérative Axanis à Bègles (projet d’habitat participatif
de La Ruche) associe la construction à ossature bois et un remplissage
paille. Un projet de « béton », chaux et enduits à base d’aiguilles de pin
(Fisoland) n’a pu totalement aboutir. Des entreprises développent des
gammes de produits d’isolation associant la chaux et le chanvre (ex :
société Chaux et Enduits de Saint Astier). Certains sous-produits du bois
peuvent également être valorisés, à l’image du projet Biocompactif, qui
porte sur la fabrication d’éco-panneaux à base de lignine comme
matériaux à changement de phase biosourcés.
Un autre type de procédé consiste à végétaliser certaines composantes
des constructions (les toitures et parois notamment). Cette solution, déjà
utilisée dans plusieurs pays, est expérimentée et commercialisée, par
exemple par la société Natura Dream avec le NaturaDome (maisons
voutes végétalisées utilisant d’anciens hangars d’avion), ou encore avec le
procédé de toiture végétalisée Vertige®. Ces procédés sont très
intéressants pour créer des couches isolantes, pour donner de la
fraicheur et pour lutter contre la pollution atmosphérique. 158 Ils
contribuent aussi au maintien d’une biodiversité.
Une autre série d’innovations s’adosse à de nouvelles applications
technologiques dans le bâtiment. Cela concerne le développement de
matériaux actifs, tels des vitrages qui filtrent à la fois la lumière, la chaleur
et le bruit, des bétons autonettoyants ou des peintures qui dépolluent
l’atmosphère (ex : Ecopaint). Des gammes de bétons innovants font
également leur apparition avec des propriétés variées (ex : béton
Ductal®, bétons photovoltaïques…). Des systèmes de cristaux liquides et
solaires sont désormais intégrés aux vitrages. Enfin, des matériaux
thermo-chromes, à couleur changeante en fonction de la température,
font également partie des dernières innovations technologiques.
Cf. auditions de MM. Eric AUFAURE (ADEME Aquitaine), de M. Mathieu DESSANS (CREAHd) et de Mme
Bétina LE GALIARD (NOBATEK), le 18 février 2015.
158
335
Un autre champ privilégié de déploiement des nouvelles technologies
dans le bâtiment touche aux applications numériques et à la connectivité
(domotique), jusqu’à la robotique appliquée aux métiers de la
construction et aux équipements et objets de mobilier connectés.
Ces technologies numériques sont aussi mises à profit pour favoriser des
innovations organisationnelles impliquant plusieurs opérateurs de la
chaîne de construction (de la conception à l’exécution des travaux), en
permettant une meilleure coordination des travaux et une anticipation
des défauts éventuels. Le Build Information Modeling (« BIM ») ou
modélisation des données du bâtiment fait appel à la numérisation en 3
dimensions. Celle-ci facilite la conception, la visualisation, la simulation et
la coordination ou coopération des intervenants autour d’un projet
immobilier. Elle permet de rationaliser les coûts de construction et
d’exploitation d’un projet. En Aquitaine, la technopôle Domolandes
spécialisée dans la construction durable (cf. ci-après) a été l’une des
premières en France à proposer cette application, en offrant un espace de
construction virtuelle accessible aux PME/TPE et acteurs de la filière. Cet
outil conceptuel génère actuellement une très forte demande, aussi bien
parmi les architectes que chez divers opérateurs de la chaîne du bâtiment
(entreprises du bâtiment, bailleurs sociaux…). Il suppose une adaptation
des pratiques professionnelles dans un sens plus collaboratif mais il
interroge aussi sur les capacités financières et techniques d’appropriation
et de mise en œuvre de ce type d’outil pour les petites entreprises (ex :
artisans, petits cabinets d’architecture). La dimension stratégique du
déploiement du numérique dans le bâtiment a récemment été soulignée
dans le rapport de mission remis en décembre 2014 à la Ministre en
charge du logement, soulignant les apports de cette transition numérique
en termes d’économies, de productivité, d’amélioration de la qualité des
constructions et de création d’emplois qualifiés pour la filière159.
Les travaux réalisés par la Fédération Française du Bâtiment, par
l’Observatoire de la Qualité des Constructions (OQC) et par la Caisse
des Dépôts ont estimé l’importance de ces gains. Dans la construction
neuve, l’économie générée par l’usage d’outils numériques tels que le
« BIM » pourrait atteindre 35 € / m2 et 2,3 € / m2 pour les gestionnaires
de patrimoine immobilier, soit 7 % d’économies pour les organismes HLM
sur les budgets des travaux d’entretien (soit 3 M€ pour un patrimoine de
1,5 millions de m2 pour un investissement initial du même montant et
avec un temps de retour sur investissement rapide, inférieur à 3 ans).
Enfin, ces moyens numériques permettraient de réduire fortement les
coûts de sinistralité.
159
Cf. rapport de la mission numérique dans le bâtiment remis par Bertrand DELCAMBRE, le 2 décembre 2014
336
L’une des réponses possibles à ce questionnement passe par la
structuration et l’organisation des entreprises, par exemple sous la forme
de « clusters » ou grappes d’entreprises. Il existe en Aquitaine trois
groupements ou réseaux d’entreprises mobilisées sur l’habitat durable
et/ou l’écoconstruction.
Il s’agit du réseau CLE dans les Landes, hébergé par la technopôle
Domolandes, et du cluster ECLAIR en Lot-et-Garonne, soutenu par le
Conseil départemental. Le cluster landais CLE regroupe une soixantaine
d’acteurs (une quarantaine d’entreprises, une dizaine d’institutions et
collectivités et autant de partenaires technologiques). Son objet est
d’accompagner les opérateurs locaux de l’éco-construction dans leur
développement économique, financier, technique et humain.
Ce cluster soutient les projets d’éco-rénovation énergétique et
d’écoconstruction de ses adhérents (ex : projet « Maison 2020 »), en
favorisant la mutualisation et les synergies, les échanges et opportunités
commerciales et en assurant la promotion du réseau. Il assure une veille
technologique, propose des conférences et formations à destination de
ses membres et partenaires. Il a mis en place un label spécifique adossé à
une charte. Dans ce cadre, plusieurs entreprises adhérentes ont créé une
société d’éco-rénovation énergétique 160 . L’accompagnement des
entreprises dans le domaine de l’écoconstruction est également le rôle
confié au cluster lot-et-garonnais ECLAIR, lequel associe l’Ecole Nationale
Supérieure d’Architecture et du Paysage de Bordeaux. Au Pays basque, le
cluster BTP Eskal Eureka regroupe une cinquantaine d’entreprises
adhérentes et travaille depuis plusieurs années sur des projets
d’innovation (120 projets traités depuis 2002, 13 projets collaboratifs). Il
est à l’initiative d’un projet retenu dans le cadre des investissements
d’avenir, « REHABITATSYSTEM », dont l’objet est de moderniser et
optimiser les procédés de réhabilitation. Il s’est aussi mobilisé sur la
promotion de la maquette numérique (BIM).
La technopôle Domolandes est née en 2011 avec l’appui du Conseil
départemental des Landes et de la Communauté de communes de
Maremne Adour Côte Sud, pour répondre aux besoins des entreprises
du secteur de la construction en matière d’habitat durable et de
numérique appliqué à l’habitat. L’activité de cette société publique locale,
implantée à Saint Geours de Maremne dans les Landes sur le site
d’Atlantisud, intègre une pépinière et un hôtel d’entreprises. Elle propose
un service d’accompagnement complet, du développement de projet (par
exemple pour favoriser l’innovation dans des entreprises de sciage en
difficulté ou par le biais du cluster CLE), à l’ingénierie financière (via un
fonds de dotation) et par le transfert de technologies. Près d’une
trentaine d’entreprises sont accueillies sur le site de cette technopôle,
soit une cinquantaine d’emplois.
160
Cf. audition de M. André SABLON (Domolandes / cluster CLE), le 25 février 2015
337
En 2015, le site de Domolandes arrivait à saturation, les entreprises
accueillies étant accompagnées sur un cycle de 2 à 3 ans. Domolandes a
lancé depuis 2012 un concours à destination d’entreprises innovantes,
doté de 60 000 €, qui lui permet de repérer des projets innovants, mais
également d’entretenir des partenariats avec des centres de recherche et
grandes écoles (ex : CSTB, Ecole des Mines, Ecole des Travaux Publics,
Centrale, Ecole des Ponts…), de grandes entreprises (Bouygues, EDF,
SPIE Batignolles…), fédérations professionnelles et institutions. Chaque
année, 140 projets sont ainsi présentés, une cinquantaine sont examinés,
8 soumis à un jury national et 2 retenus (1 sur le concept ou la
technologie, 1 sur la création d’entreprise innovante). Parmi les projets
présentés, 60 % portent sur de nouveaux matériaux, 30 % sur de
nouvelles conceptions ou procédés et 10 % sur des technologies.
Domolandes offre également un espace de construction virtuelle (ou
« BIM », cf. plus haut), conçu comme laboratoire pour la transition
numérique des entreprises locales du bâtiment. La technopôle a participé
au projet de rénovation CRIBA évoqué précédemment en cours de
réalisation à Saint Paul les Dax. Cet opérateur souligne la fragilité
économique de certaines entreprises innovantes et leur difficulté à passer
au stade d’industrialisation. Ce constat souligne la nécessité du soutien à
l’innovation et au développement de projets d’entreprises, par exemple
en favorisant l’accès des PME/TPE au crédit impôts recherche ou en
intégrant un volet innovation dans les appels d’offre publics en matière de
construction. Un autre enjeu est de convaincre les entreprises, parfois
concurrentes, de travailler de manière collective et en mode collaboratif,
ce à quoi peuvent contribuer les outils de modélisation numérique de la
construction en 3D161.
L’Aquitaine dispose également d’un centre de ressources privé de
dimension régionale spécialisé en matière d’habitat durable. Créé en
2004, NOBATEK est un centre de ressources technologique dont le siège
est situé à Anglet et qui dispose d’un plateau technique sur le campus de
l’université de Bordeaux (Talence). Il mobilise 55 salariés dont une
trentaine d’ingénieurs, auxquels s’ajoutent des doctorants en contrat de
recherche. NOBATEK travaille en partenariat étroit avec la fondation
basque Tecnalia, dont il s’inspire pour partie. Plusieurs entreprises et
organisations professionnelles sont membres de ce centre de ressources
(fédérations du bâtiment, des travaux publics, des industries du bois…),
parmi lesquels figurent également des bailleurs sociaux (ex : le COL,
l’office public de l’habitat des Pyrénées-Atlantiques…). Le réseau
partenarial de NOBATEK rassemble plus de 80 acteurs impliqués dans la
construction et le bâtiment durable. L’activité de ce centre de ressources
porte sur la recherche appliquée, l’expertise vers le marché et le codéveloppement d’innovations.
Cf. audition de MM. Jean FONE-TCHOURA, André SABLON et Matthieu DEFENIN (Domolandes), le 25
février 2015
161
338
Elle recouvre trois axes ou pôles de production. L’un est destiné aux
maîtres d’œuvre et vise l’innovation pour l’architecture et l’urbanisme
durables (enveloppes et façades actives avec le projet FACADACTIV,
utilisation d’outils numériques, méthodes d’évaluation environnementale).
L’autre est orienté vers les technologies de la construction et s’adresse
aux industriels et opérateurs technologiques (ex : enrobé
environnemental et acoustique à partir de récupération de granulats et
résidus de pneumatiques, outil de mesure de la qualité de l’air intérieur).
Le troisième pôle concerne l’efficacité énergétique et environnementale, à
destination des maîtres d’ouvrage et collectivités (ex : optimisation et
maîtrise de l’énergie à l’échelle de la paroi, du bâtiment, de l’îlot et du
quartier, schéma directeur énergie pour les territoires…).
NOBATEK est la structure porteuse de l’Institut pour la Transition
Energétique INEF4, centre d’excellence national en matière de recherche
et d’innovation pour la construction durable, retenu au titre des
investissements d’avenir. Outre NOBATEK, ses autres membres
fondateurs sont le Conseil régional d’Aquitaine, le centre technique
industriel forêt-bois-construction-ameublement (FCBA), l’Université de
Bordeaux et le cercle Promodul qui rassemble des industriels pour
promouvoir la performance énergétique et le confort thermique du
bâtiment. Une trentaine d’opérateurs ont adhéré à ce projet, qui mobilise
également d’autres partenaires tels que le CSTB, Tecnalia et le pôle de
compétitivité Xylofutur dédié aux « produits et matériaux des forêts
cultivées » 162 ou encore le cluster Eco-origin et le CREAHd (cf. cidessous).
L’objectif de ce programme d’innovation dite ouverte INEF4, qui mobilise
120 acteurs, est de « préparer la transition énergétique et d’accélérer le
processus d’accès au marché des projets innovants dans la réhabilitation des
bâtiments et la construction durable ». INEF4 comporte trois axes
d’intervention : la conception d’outils et de méthodes multicritères
(prédiction de la performance énergétique et modélisation économique
en matière de réhabilitation et de construction durables), la réalisation
architecturale et de solutions constructives (enveloppes énergétiques,
solutions sèches préfabriquées) et l’exploitation de bâtiments intégrant les
interfaces homme/système (mesure et contrôle de la qualité de l’air et du
confort intérieur, réseaux à énergie intelligente ou « smarts grids »…).
L’objet d’INEF4 est de prendre en compte les projets précompétitifs en
amont (soit des projets à risques répondant aux signaux faibles
d’évolution du marché mais porteurs potentiels de technologies de
rupture) et les projets précompétitifs d’aval, visant la mise sur le marché
de solutions ou technologies. NOBATEK est dépositaire de brevets, dont
celui relatif au rafraichissement passif avec des matériaux à changement
de phase développé avec I2M.
Le pôle de compétitivité Xylofutur compte 150 adhérents dont 90 entreprises, mobilise 37 organismes de
recherche et/ou de formation. Il a labellisé 144 projets.
162
339
NOBATEK est par ailleurs partie prenante dans plusieurs programmes de
recherche-développement à l’échelle européenne ou internationale
(Built2Spec sur les technologies avancées d’auto-inspection, E2Vent sur la
réhabilitation d’enveloppes, Hit2Gap sur le pilotage du bâtiment usager
/big data, Opteemal sur la rénovation énergétique des quartiers). Dans le
cadre du programme européen Horizon 2020 (H2020), il coordonne ainsi
les projets H2020 Built2Spec (Built to Specifications) et E2Vent (Energy
Efficient Ventilated facades). Ce centre de ressources est le premier
opérateur français du secteur de la construction H2020 de l’énergie et de
la performance durable du bâtiment.163
Le pôle Construction Ressources Environnement Aménagement et
Habitat Durable (CREAHd), créé en 2006, est un centre de ressources
régional membre du réseau Bâti Environnement Espace Pro (BEEP),
destiné à accompagner et promouvoir l’innovation dans la filière BTP et
matériaux. Il rassemble une centaine d’acteurs dont une soixantaine
d’entreprises, une quinzaine de structures de recherche et formation et
une vingtaine de maîtres d’ouvrage ou collectivités. Le CREAHd est
impliqué dans l’inter-cluster régional et dans un inter-clusters national
Plan Bâtiment Durable. Il accompagne les porteurs de projets innovants et
gère l’Observatoire aquitain BBC Effinergie. La prise en compte du
vieillissement dans l’habitat et l’urbanisme s’inscrit parmi les priorités du
CREAHd, dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt sur la « Silver
economie » lancé en 2014 par la région Aquitaine, notamment par des
solutions technologiques et organisationnelles favorisant le maintien à
domicile.164
Le pôle de compétitivité sur les industries du pin maritime du futur
« Xylofutur », créé en 2005, rassemble environ 150 adhérents. Il travaille
en partenariat avec le CREAHD, Domolandes et prévoit d’intégrer le
programme INEF4. Le secteur du bâtiment fait partie des thèmes cibles
de ce pôle dans ses missions d’animation économique et d’innovation. La
feuille de route stratégique 2015-2018 de Xylofutur en matière de
bâtiment porte sur la construction bois, le bois dans la construction et
sur les matériaux biosourcés. Le bois est actuellement utilisé dans 13 %
des maisons individuelles et dans 4 % de l’habitat collectif. Ce matériau
consomme 4 fois moins de CO2 que le béton, 60 fois moins que l’acier et
30 fois moins que l’aluminium. L’Aquitaine est région pionnière sur
certains projets (ex : ABOVE, procédé d’aboutage bois vert) et participe à
plusieurs projets structurants (BAOBAB pour l’industrialisation de
solutions bois dans le bâtiment de grande hauteur, ARBRE pour la
réhabilitation de bâtiments par des solutions bois).
163
164
Cf. audition de Mme Bettina LE GALIARD (NOBATEK), le 18 février 2015
Cf. audition de M. Mathieu DESSANS (CREAHd), le 18 février 2015
340
Les orientations du pôle pour les années à venir concernent le
développement de nouveaux composants bois industriels, le
développement de composants à base bois intelligents (murs à
changements de phase), la durabilité des performances, le développement
de systèmes de pose facile, de systèmes absorbants de COV et
fonctionnalisés.
Enfin, il convient de mentionner ici les activités de recherche déployées
au sein de l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de
Bordeaux, laquelle travaille sur plusieurs axes notamment dans le cadre
des équipes « Profession Architecture Ville Environnement » (PAVE), « Groupe
de Recherche Environnement, Conception Architecturale et Urbaine »
(GRECAU), « Architecture, Recherche et Pratique Expérimentale à la Grande
Échelle » (ARPEGE) …
L’Aquitaine dispose par conséquent d’un système régional de recherche
et d’innovation en matière de construction et d’habitat durables,
susceptible de favoriser l’adaptation des opérateurs régionaux aux défis
imposés par la transition énergétique et environnementale dans le
bâtiment.
L’existence de centres de ressources et des réseaux de recherchedéveloppement qu’ils animent présente un incontestable intérêt pour la
filière mais leur action se heurte à plusieurs difficultés. La première tient à
la structure des entreprises du secteur, essentiellement des TPE/PME, qui
ne disposent que rarement des moyens adaptés pour développer ou
mettre en œuvre de nouvelles technologies ou procédés. L’enjeu est à ce
niveau celui de la structuration collective d’entreprises confrontées à une
conjoncture économique difficile et en concurrence, pour lesquelles
l’innovation n’est pas toujours perçue comme prioritaire si ce n’est
lorsqu’elle est imposée par la réglementation ou par les normes.
Pour les entreprises porteuses d’innovations, l’un des principaux
obstacles tient à la procédure de normalisation, c’est-à-dire au coût et à la
durée d’homologation de certains produits ou procédés, qui peuvent
dissuader certains porteurs de projets (CSTB : 30 à 40 k€ et 8 à 10 mois
pour une mise sur le marché).
Or, les aides publiques mobilisées en matière d’innovation et/ou
d’accompagnement de l’innovation ne leur sont pas toujours accessibles
ou s’avèrent inadaptées car ne prenant pas en charge la phase pilote ou
pré-commerciale. Enfin, des considérations économiques peuvent freiner
la mise en œuvre de certaines solutions et leur déploiement sur le
marché.
De ce point de vue, le rôle de la commande publique en matière de
logement et d’habitat peut s’avérer essentiel, notamment en direction des
bailleurs sociaux.
341
Enfin, un autre facteur d’évolution à prendre en compte, qui participe à la
dynamique d’innovation dans le secteur de la construction et du bâtiment,
relève de l’émergence de démarches participatives impliquant des
habitants ou futurs occupants dans des projets de construction et
d’habitat. Qu’il s’agisse de l’auto-construction ou de l’autopromotion, ces
démarches mettent en œuvre des processus d’ingénierie sociale trop
rarement pris en considération dans les logiques d’innovation techniques
et organisationnelles. Ces démarches rencontrent également des
difficultés particulières, en termes d’ingénierie financière et/ou du point
de vue assurantiel (par exemple dans le cas d’appartements livrés « en
volume capable », soit sans finition du second œuvre, laissé à la réalisation
des futurs occupants afin d’abaisser les coûts d’acquisition – cas de
l’opération d’habitat participatif conduite par le COL sur le quartier
Brazza à Bordeaux165).
Il importe de souligner ici l’intérêt d’un accompagnement des innovations
technologiques par l’innovation sociale, en impliquant les usagers ou
occupants, afin de faciliter une appropriation par les usages des procédés
ou techniques qui peuvent avoir des incidences non négligeables sur les
pratiques d’habiter.
L’anticipation des évolutions futures participe de cette démarche
d’innovation, à l’instar d’initiatives observées dans le monde artisanal.166
Dans ce projet d’une vingtaine de logements, le coût pour l’acquéreur est compris entre 1 850 € et 2 100 € /
m2 au lieu de 3 000 € à 3 500 € / m2
166 Cf. « Quels artisans en 2025 ? » Collection Les Cahiers de tendances de l’artisanat du bâtiment, CAPEB
165
342
Les contraintes économiques, règlementaires et normatives ont poussé
les acteurs de la filière du bâtiment et de la construction, y compris des
usagers ou habitants, à développer des solutions innovantes. Ces
innovations concernent essentiellement des matériaux, produits,
procédés et démarches favorisant l’amélioration des performances
énergétiques et environnementales dans l’habitat. Elles apportent
également des réponses de portée organisationnelle, en mobilisant des
outils numériques collaboratifs ou bien encore en favorisant l’implication
des habitants ou futurs occupants dans la conduite de projets.
Ces stratégies d’innovation sont déterminantes car elles permettent
d’inscrire les opérateurs de la construction et du bâtiment dans une
logique d’adaptation et de positionnement face aux nouveaux marchés
ouverts par les enjeux énergétiques et environnementaux d’une part mais
aussi par de nouvelles attentes sociales en lien avec l’habitat. Elles les
invitent aussi à investir plus structurellement et stratégiquement l’univers
des applications numériques.
Dans ce registre, l’actuelle région Aquitaine bénéficie d’atouts par la
présence de plusieurs centres de ressources technologiques (CREAHd,
Domolandes, Nobatek) et clusters, dont l’activité favorise les
collaborations entre centres technologiques et entreprises et
l’accompagnement de projets innovants. Le territoire régional est aussi le
terrain d’émergence d’innovations sociales, par l’expérimentation de
projets d’habitat participatif.
Cependant, ces démarches d’innovations se heurtent encore à divers
obstacles tenant à la fois au profil du tissu économique sectoriel, composé
pour l’essentiel de TPE, à la difficulté induite de structuration collective
dans le développement de projets innovants, à certaines insuffisances des
dispositifs de soutien financier en matière d’expérimentation et à une
prise en compte encore trop timide de l’innovation dans les appels d’offre
publics en matière de logement et d’habitat.
343
EN RÉSUMÉ…
La chaîne des opérateurs de la construction et de l’habitat rassemble près de
35 000 entreprises et mobilise au moins 70 000 emplois sur l’ensemble du
territoire de l’actuelle région Aquitaine. Liés par un intérêt commun de réponse
aux besoins de développement et d’adaptation de l’offre, ils rencontrent
cependant des difficultés depuis plusieurs années. Celles-ci tiennent à une
situation économique qui fragilise le budget des ménages et la commande
publique, mais aussi à une surenchère réglementaire et normative ainsi qu’à
l’instabilité des politiques publiques et de leur financement.
Les conséquences en termes d’emploi et de pertes de compétences de ces
difficultés constituent un risque réel dès lors qu’elles compromettent les
capacités de réponse de l’appareil productif régional aux besoins de
développement et d’amélioration de l’offre de logements.
On constate néanmoins des disparités de situations selon les opérateurs et
leur positionnement sur les marchés de l’immobilier. Le tissu des entreprises
et artisans du bâtiment reste dans une situation assez incertaine, notamment
en raison du recul du marché de la construction neuve de maisons
individuelles et du peu de dynamisme de l’entretien-amélioration. Il en va de
même pour les constructeurs de maisons individuelles, en dépit d’une reprise
très récente. Ce constat témoigne des difficultés accrues d’accession à la
propriété et/ou d’accès à un logement abordable pour les ménages,
notamment dans les territoires au marché « tendu », où la dynamique de
l’offre est portée par les promoteurs immobiliers mais relativement sélective
et essentiellement au profit d’une clientèle d’investisseurs extérieurs. D’autres
segments d’activité rencontrent des difficultés encore plus marquées (ex : cas
des architectes). Ces disparités de situations expriment un véritable
paradoxe au regard des besoins de développement et d’amélioration du parc
de logements.
344
Le rôle des bailleurs sociaux et parmi eux des opérateurs d’Action Logement
reste dans ce contexte déterminant afin de développer une offre de logements
abordables, aussi bien en locatif qu’en accession sociale à la propriété. Le
développement de ce parc social se heurte cependant à plusieurs contraintes :
hausse des prix du foncier en territoires « tendus », hausse des coûts de
production, en partie alimentée par l’accumulation normative, et réduction
des aides publiques directes d’État à l’investissement. Un autre facteur
d’inquiétude tient à l’instabilité des politiques publiques et à certains choix
budgétaires nationaux, dont l’impact peut affecter structurellement l’activité des
opérateurs concernés.
Ces contraintes particulières, conjuguées à la précarisation croissante d’une
partie de la population, impose aux bailleurs sociaux des arbitrages difficiles
entre création d’une offre nouvelle accessible aux plus modestes et
amélioration du parc existant. Afin de répondre à leurs missions, les
opérateurs du logement social ont de plus en plus recours à la mobilisation de
leurs fonds propres, à la vente d’une partie de leur patrimoine ou à des
formules qui limitent leur maîtrise des conditions de production et de gestion
du parc (ex : VEFA). Dans ce contexte, le maintien de bonnes conditions
d’emprunt auprès de la Caisse des Dépôts, partenaire essentiel du secteur,
et l’inscription dans la durée de soutiens publics directs et indirects sont des
facteurs déterminants pour permettre aux bailleurs sociaux de répondre aux
multiples objectifs d’intérêt général qui sont les leurs.
Pour ces mêmes raisons, la place des bailleurs privés mérite d’être
pleinement reconnue. En effet, ces derniers logent 70 % des ménages
bénéficiaires d’une aide au logement et une partie du parc privé joue un
véritable rôle social faute d’une offre insuffisante dans le parc social public. Or,
la situation de ces bailleurs, notamment des petits bailleurs privés, s’est
fragilisée du fait de la stabilisation récente des loyers, de la progression des
charges et de la précarisation de certains locataires. La faiblesse du
rendement locatif et l’incertitude liée à l’instabilité législative et fiscale
tendent au mieux à générer de l’attentisme et un report des décisions
d’investissement, au pire à dissuader les propriétaires, avec le risque
d’alimenter la vacance et la dégradation de ce parc privé.
345
La plupart des opérateurs de la construction et de l’habitat sont tenus de
composer avec la prolifération des normes et le relèvement des seuils
d’exigence depuis le début des années 2000. L’adaptation à ces diverses
contraintes demande du temps, étant donné leurs incidences économiques,
techniques et sociales pour tous les métiers concernés. D’où la nécessité
exprimée d’une pause, la demande d’une simplification et d’un plus fort
discernement dans l’application, en partie entendue par les autorités
publiques.
Toutefois, cette contrainte normative constitue parallèlement un puissant
facteur de changement et d’opportunités pour les professionnels de la
construction et du cadre bâti. Les chantiers ouverts en matière
d’amélioration des performances énergétiques et environnementales dans le bâtiment suscitent une réelle mobilisation et génèrent des
besoins importants en termes de compétences et de qualification,
d’accompagnement de la maîtrise d’ouvrage et de la maîtrise d’œuvre,
d’information et de conseil auprès des ménages.
La réussite des politiques et des démarches engagées nécessite aussi une
stabilité et une meilleure visibilité dans le temps de l’action réglementaire
et normative.
La réponse à ces multiples défis et contraintes passe sans nul doute par
l’innovation technologique, organisationnelle et sociale. Nombre d’acteurs
professionnels se sont déjà engagés dans cette voie, par la valorisation de
matériaux, produits, technologies, procédés ou démarches innovants. Dans
le contexte décrit, le soutien à l’innovation peut s’avérer déterminant dès
lors qu’il favorise l’accès à de nouveaux marchés, qu’il permet de
répondre à de nouvelles attentes et permet des économies. Plusieurs
centres de ressources et réseaux se sont constitués à cet effet à l’échelle
régionale (CREAHd, Domolandes, Nobatek…), favorisant les synergies et
collaborations, l’émergence de projets et l’accompagnement des porteurs.
Dans ce registre, l’un des enjeux essentiels consiste dans l’appui et la
structuration d’un tissu composé surtout de TPE, afin de leur permettre
l’accès à l’innovation et/ou le portage de projets jusqu’au stade précommercial mais aussi de répondre aux défis d’une double transition,
énergétique et numérique. Un autre enjeu est celui de la prise en compte de
l’innovation dans la commande publique en matière de logement et
d’habitat.
346

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