la FMC - Amejjay
Transcription
la FMC - Amejjay
2259-001-fmc 19/09/03 13:05 Page I A la FMC du généraliste n° 22 59 vendredi 2 6 septembre 2 0 03 ALIX/PHANIE dossier Somm PAT H O LO G I E E N Q U E ST I O N S Les dysfonctions Le déficit androgénique lié à l’âge sexuelles érectiles D’origine endocrinienne, il toucherait 20 % des hommes de 60 ans p. VIII PAR LE DR PASCALE NAUDIN-ROUSSELLE, d’après un entretien avec le DR FRANÇOIS GIULIANO (service d’urologie, CHU de Bicêtre, Le Kremlin-Bicêtre) Sexualité et séquelles de traitements prostatiques Les interventions chirurgicales et la radiothérapie peuvent être responsables de troubles de l’érection p. X E X P LO RAT I O N Explorer sans excès La batterie d’examens complémentaires spécifiques et ses indications p. XI P RAT I Q U E EN I MAG ES Les injections intracaverneuses La technique de l’autoinjection par le menu p. XII RÉFLEXION « Mon mari ne me fait plus l’amour » Comment écouter cette femme et l’aider à réfléchir à ce problème p. XIV Le diagnostic et la prise en charge d’un trouble sexuel masculin nécessitent de considérer autant la dimension psychosociale que médicale du patient. L’entretien est la pierre angulaire de la consultation. Après 45 ans, l’insuffisance érectile est un trouble fréquent, pour lequel on dispose désormais de traitements efficaces. DR c a h i e r d é ta c h a b l e La sexualité des hommes de plus de 45 ans objectifs > Comment mener l’entretien p. III > Comment examiner et explorer p. IV > Les médicaments des dysfonctions érectiles p. VI 2259-003-007-fmc 19/09/03 13:21 Page III FMC dossier fmc les dysfonctions sexuelles érectiles Le temps de l’entretien L’exploration correcte d’une dysfonction sexuelle érectile nécessite du temps, un interrogatoire détaillé, et mérite une consultation spécifique. entretien est un moment fondamental de la consultation, et il est souhaitable de lui consacrer au moins quinze à vingt minutes, surtout lors de l’évaluation initiale du patient. Ce délai est difficilement compressible du fait de la nécessité d’explorer la plainte du patient dans toutes ses dimensions (médicale, sociale, psychologique). Par ailleurs, même si le sujet est suivi de façon régulière, il est préférable de prévoir avec lui une consultation spécifique, consacrée uniquement à ses troubles sexuels. impossibles les rapports avec pénétration, mais ne supprimant pas toute sexualité). L’âge en est le premier facteur de risque : entre 40 et 49 ans, la prévalence de l’insuffisance érectile est égale à 11 % ; entre 50 et 59 ans, elle passe à 23 % ; puis à 38 % entre 60 et 69 ans ; elle atteint 67 % au-delà de 70 ans. Le trouble est plus ou moins sévère, occasionnel ou constant, ou à type de rigidité insuffisante. « On ne peut parler de dysfonction érectile qu’en cas de persistance ou de récurrence des troubles pendant Décortiquer au moins trois mois », souligne les différentes le Dr Giuliano. LES ANTÉCÉDENTS phases de l’acte > Un élément important à rechercher ET LES PATHOLOGIES EN COURS sexuel est la présence d’érections spontanées L’interrogatoire fait d’abord le point sur nocturnes ou matinales. Le fait qu’elles les antécédents médico-chirurgicaux et les soient conservées n’implique pas nécessaipathologies en cours : un diabète, une hyperrement que le trouble soit d’origine psychogène. tension artérielle ou une maladie cardio-vascuCela signifie simplement que les mécanismes laire liée en particulier à l’athérosclérose, une locaux de l’érection ne sont pas altérés au point de intervention sur la prostate sont des facteurs de supprimer les érections nocturnes et matinales. risque de dysfonction sexuelle. La présence d’éven> Les troubles du désir, quant à eux, sont de plus tuels signes de dépression doit être systématiqueen plus fréquemment rapportés après 45 ans. ment recherchée, car un trouble sexuel révèle > Les troubles de l’éjaculation sont plutôt à type parfois un syndrome dépressif. d’éjaculation tardive, d’éjaculation douloureuse (évoquant un processus infectieux ou inflammaLES CARACTÉRISTIQUES PSYCHOSOCIALES toire), d’absence d’éjaculation. Dans ce dernier cas, > Il est essentiel de savoir dans quel contexte le il faudra faire la part des choses entre une anéjapatient vit sa sexualité. Pour cela, des questions culation vraie et une éjaculation rétrograde. spécifiques doivent être posées : célibat ou vie en > L’entretien recherche également des signes de couple, conflits conjugaux éventuels, changement dysurie. Une étude récente, MSAM-7 (Multinatiode partenaire, longue abstinence sexuelle... nal Survey of the Aging Male, voir encadré page > Il faut s’enquérir également des conditions de suivante), met l’accent sur le lien entre symptômes vie du sujet en dehors de la sexualité et des événeobstructifs du bas appareil urinaire et troubles ments pouvant exercer une influence : mise à la sexuels (insuffisance érectile, anéjaculation, éjacuretraite, chômage, problèmes familiaux, deuil... lation tardive, diminution de volume de l’éjaculat). > Le langage employé doit être simple mais clair, Aucun lien de cause à effet entre les deux types de et éviter les mots « scientifiques ». Le patient doit troubles n’a été démontré, « on constate seulement être encouragé à préciser la nature de son trouble. l’existence de cette association, qui est assez Certains hommes peuvent avoir du mal à explicimarquée », précise le Dr Giuliano. Pour l’heure, le ter leurs symptômes (« ça ne marche pas », « ça se généraliste peut interroger le patient qui se plaint passe mal »). Il faut alors les interroger préciséd’un problème d’érection sur la façon dont il urine ment sur les différentes phases de l’acte sexuel : (et inversement). phase de désir, érection, éjaculation et orgasme. > L’entretien résume enfin les traitements médicamenteux en cours. De nombreuses molécules LES SYMPTÔMES À RECHERCHER sont en effet impliquées dans la survenue de > Le symptôme le plus fréquemment évoqué est troubles sexuels. l’insuffisance d’érection (rendant difficiles ou L’ Un trouble d’abord secondaire Après 45 ans, les troubles sexuels sont généralement de type secondaire, c’est-à-dire qu’ils apparaissent dans la vie du sujet après une période d’activité sexuelle satisfaisante. Il est exceptionnel (< 1 %) qu’un homme consulte après 45 ans pour des troubles primaires (présents depuis le début de sa vie sexuelle). numéro 22 59 vendredi 2 6 septembre 2 0 03 III 2259-003-007-fmc 19/09/03 13:25 Page IV FMC dossier fmc les dysfonctions sexuelles érectiles Un tiers des hommes d’âge mûr « Plus de la moitié des hommes de 70 à 79 ans déclarent avoir une activité sexuelle », explique le Dr François Giuliano sur la base d’une étude internationale (MSAM-7) menée en 2002 dans sept pays (Europe et États-Unis) chez l’homme vieillissant. En 1993, l’enquête Spira sur l’analyse des comportements sexuels en France estimait à 19 % le pourcentage d’hommes de 18 à 69 ans rapportant des troubles de l’érection. Pour la même tranche d’âge, la prévalence passe à 25 % dans une enquête française réalisée en 2002, et elle est de 44 % pour les hommes de plus de 45 ans. Dans une autre étude française récente menée en 2001, 32 % des hommes de 40 ans ou plus présentent une dysfonction érectile, et la majorité d’entre eux se déclarent insatisfaits à propos de leurs relations sexuelles avec leur partenaire. « Ces chiffres ne signifient pas pour autant qu’il faille traiter pour ce problème un tiers des hommes à partir de la sixième décennie. Tous en effet ne se plaignent pas de leur insuffisance érectile, et beaucoup vivent avec un problème d’érection tout en conservant une sexualité. » S’il est parfois nécessaire de recourir à l’avis d’un urologue, d’un psychothérapeute ou d’un sexologue, « la majorité des problèmes de sexualité masculine sont du ressort du médecin généraliste », conclut le Dr Giuliano. Examens clinique et paraclinique : que rechercher ? Les examens complémentaires sont moins centrés sur l’appareil génital lui-même que sur la recherche de pathologies endocriniennes cardio-vasculaires ou neurologiques LA SPHÈRE URO-GÉNITALE, PAS UNIQUEMENT Les organes génitaux externes > L’examen clinique doit comporter l’examen des organes génitaux externes, à la recherche d’anomalies anatomiques ou d’une pathologie caractérisée, telle la maladie de La Peyronie (induration des corps caverneux). > Après 50 ans, il existe un consensus pour recommander la pratique du toucher rectal. Car même si le trouble sexuel n’est pas directement induit par l’existence d’une pathologie prostatique, il est de bonne pratique de recueillir tous les éléments relatifs à la sphère uro-génitale afin d’éliminer un processus néoplasique prostatique. patient ne lui permet pas de réaliser cet effort-là, il n’est pas raisonnable de lui prescrire une aide à l’érection. La survenue d’un accident cardiaque après la prise de tels médicaments est cependant exceptionnelle. > L’examen général recherche des signes de diabète, un hypogonadisme, des signes de neuropathie périphérique ou une maladie neurologique centrale. UN BILAN MINIMUM MAIS SYSTÉMATIQUE > Seuls le dosage de la glycémie à jeun et le bilan lipidique sont à programmer dès la première consultation en l’absence de résultats antérieurs datant de moins de six mois. Ce bilan complémentaire, Glycémie bien que réduit, doit être systématique. Car à jeun et bilan s’il est vrai que la correction des perturbations Examen général lipidique, glycémiques ou lipidiques ne suffit pas à > L’examen cardio-vasculaire recherche une toujours. régler le trouble sexuel, il est essentiel de hypertension artérielle, des signes d’athéroprendre en charge ces facteurs de risque implisclérose, une insuffisance cardiaque, une coroqués dans de nombreuses pathologies. naropathie ou une pathologie artérielle. Il ne s’agit > Le dosage de la testostéronémie ne se justifie qu’en pas seulement d’établir un diagnostic étiologique, présence de signes cliniques d’hypogonadisme qui mais aussi d’apprécier de façon simple le risque doivent faire évoquer un déficit androgénique lié à cardio-vasculaire lié à l’éventuelle reprise d’une l’âge (voir « Pathologie en questions », page VIII). activité sexuelle par le patient (dans le cadre de la > Le dosage du PSA (Prostatic Specific Antigen) ne prescription d’un facilitateur de l’érection). fait pas partie du bilan paraclinique des dysfonctions L’effort correspondant à un rapport sexuel avec sexuelles. Il peut toutefois être inclus à la prescrippénétration a été chiffré : il équivaut à une demition dans le cadre du dépistage et du suivi concomiheure de marche en terrain plat (phase d’excitation), tants d’une maladie prostatique. Il est actuellement puis à la montée de deux étages (rapport avec recommandé au-delà de 50 ans. pénétration jusqu’à l’orgasme). Si l’état cardiaque du IV numéro 22 59 vendredi 2 6 septembre 2 0 03 19/09/03 13:48 Page V FMC 2259-003-007-fmc Les principales causes Les troubles sexuels sont d’origine multifactorielle. Le diabète est la première cause organique. Pour autant, il faut éliminer et donc évoquer toutes les étiologies facilement accessibles au traitement. La dépression Elle peut provoquer une baisse de la libido et une insuffisance érectile. Elle doit être traitée de façon spécifique par une prise en charge psychologique ou médicamenteuse. Mais les antidépresseurs sont aussi parfois responsables d’effets secondaires d’ordre sexuel. Le traitement du syndrome dépressif ne devant pas être retardé, l’opportunité d’une telle prescription est à discuter au cas par cas. D’autres pathologies neuropsychiatriques peuvent s’accompagner de perturbations sexuelles, mais elles relèvent d’une prise en charge spécialisée. Les neuropathies Les neuropathies périphériques à l’origine de troubles sexuels sont le diabète et l’alcoolisme. Des neuropathies centrales peuvent exister : sclérose en plaques, accident vasculaire cérébral, traumatisme médullaire. SUR LE PLAN MÉDICAL Toujours rechercher le trouble psychogène Il peut donner lieu à tous les types de dysfonctionnements sexuels. Inutile alors de proposer d’emblée une aide médicalisée si l’homme relate un conflit conjugal, une angoisse de performance à l’occasion d’un changement de partenaire, ou s’il manque de confiance en lui. La prise en charge est d’abord d’ordre psychosexologique. Attention toutefois à l’imbrication de causes psychogènes et de troubles organiques : les troubles sexuels sont très souvent d’origine multifactorielle. L’athérosclérose, grande responsable > Le diabète, la première cause organique de dysfonction érectile. Plus de la moitié des hommes diabétiques ont une insuffisance érectile altérant leur qualité de vie. Le diabète agit en induisant une artériopathie et une neuropathie périphérique. > Viennent ensuite les pathologies liées à l’athérosclérose (hypertension artérielle, cardiopathie, coronaropathie, artériopathie, insuffisance cardiaque) et leurs facteurs de risque (hyperlipidémie, tabagisme...). Les atteintes hormonales Elles sont représentées par l’hypoandrogénie (Dala, responsable d’une diminution de la libido et d’une insuffisance érectile, voir « Pathologie en questions », page VIII) et exceptionnellement par l’hyperprolactinémie. Le vieillissement Il peut modifier à lui seul les réactions sexuelles, mais il intervient aussi par l’intermédiaire des pathologies dont la fréquence augmente avec l’âge. LES CAUSES IATROGÈNES > Les médicaments classiquement incriminés dans l’apparition des dysfonctions sexuelles sont numéro 22 59 vendredi 2 6 septembre 2 0 03 V 2259-003-007-fmc 19/09/03 13:15 Page VI FMC dossier fmc les dysfonctions sexuelles érectiles nombreux : antihypertenseurs centraux, diurétiques, neuroleptiques, antidépresseurs, antiépileptiques, antiandrogènes, anti-ulcéreux de type anti-histaminiques H2. Les hypolipémiants ont également été mis en cause. Il est souvent malaisé de supprimer ou de remplacer le médicament suspecté, mais parfois le changement de molécule à l’intérieur d’une même classe peut s’avérer bénéfique. > La chirurgie pelvienne à visée carcinologique (vessie, côlon, prostate) et la radiothérapie externe pelvienne ont des effets délétères sur l’érection et l’éjaculation. Le traitement d’une pathologie prostatique bénigne ou maligne peut être à l’origine de divers troubles sexuels (voir l’encadré ci-dessous). De façon plus générale, toute intervention radicale modifiant l’image corporelle et la perception identitaire peut générer un dysfonctionnement sexuel. Les solutions existent À côté du traitement androgénique réservé aux hommes dont l’hypogonadisme a été prouvé et de la correction des facteurs de risque ou étiologies précités, la prise en charge symptomatique concerne essentiellement les troubles de l’érection. LES TRAITEMENTS ORAUX DES DYSFONCTIONS ÉRECTILES Les facilitateurs de l’érection restent inefficaces en cas de troubles du désir, de l’éjaculation ou de l’orgasme. Par ailleurs, certaines insuffisances érectiles, liées par exemple à une mésentente au sein du couple, ne relèvent pas logiquement d’un traitement pharmacologique de première intention. Les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 > Le traitement oral de première intention repose sur les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5. Ils agissent en favorisant l’afflux de sang dans les corps caverneux et la relaxation des fibres musculaires lisses du tissu érectile. Trois molécules sont actuellement disponibles : le sildénafil, le tadalafil et le vardénafil. « Aucune étude ne les a comparées entre elles, mais elles sont toutes trois efficaces et représentent une Troubles sexuels et traitement véritable révolution thérapeutique », indique des atteintes prostatiques le Dr Giuliano. La chirurgie de l’adénome rendu parfois responsable dans ce domaine. Après > Quelle que soit celle que l’on choisit, le de la prostate se de baisse de la libido, de radiothérapie, on observe patient doit être informé de la nécessité d’une complique fréquemment troubles du désir et de de façon retardée (un an stimulation sexuelle préalable. Plusieurs d’éjaculation rétrograde, troubles de l’érection ». ou un an et demi après) tentatives sont généralement nécessaires, quelle que soit la une altération de la qualité Les conséquences sexuelles technique chirurgicale et le patient ne doit pas se décourager au du traitement du cancer de de l’érection. Après employée. curiethérapie, technique premier échec. la prostate dépendent de la plus récente, les > La contre-indication majeure est la prise Certaines molécules méthode thérapeutique conséquences sur la utilisées dans le traitement choisie. Le traitement concomitante de dérivés nitrés, qui expose fonction sexuelle sont médical de l’hypertrophie d’un cancer localisé par au risque d’hypotension sévère. Les patholoprobablement moins bénigne de prostate sont prostatectomie radicale gies cardiaques qui interdisent au sujet de importantes, mais le recul susceptibles d’induire des avec exérèse des vésicules produire un effort équivalent à la réalisation est encore insuffisant. Dans troubles sexuels. Parmi les séminales supprime le cadre du traitement de l’acte sexuel représentent la seconde alphabloquants les plus définitivement l’éjaculation. palliatif du cancer de la contre-indication. couramment employés, Mais un nombre important prostate, la castration « la tamsulosine s’est de patients présentent > La prise s’effectue à la demande, environ rendue responsable également une insuffisance médicale (agonistes une demi-heure avant le rapport sexuel. de la LH-RH avec ou sans d’absence d’éjaculation érectile, qui justifie chez Plusieurs dosages sont disponibles pour chaque antiandrogènes) ou dans environ 10 % des cas, ceux qui le demandent molécule, permettant d’adapter la posologie. chirurgicale (pulpectomie) note le Dr Giuliano. Le une prise en charge Le délai d’action après la prise varie entre finastéride (inhibiteur de la pharmacologique soutenue. réduit de façon majeure 5-alpha réductase) est Des études sont en cours la libido. quatre et six heures pour le sildénafil et le vardénafil. Il est plus long pour le tadalafil : de VI numéro 22 59 vendredi 2 6 septembre 2 0 03 19/09/03 13:15 Page VII FMC 2259-003-007-fmc vingt-quatre à trente-six heures. La vitesse d’absorption est diminuée, et le délai d’action retardé si le sildénafil et le vardénafil sont ingérés avec un repas riche en graisses. Le tadalafil peut être absorbé indifféremment pendant ou en dehors d’un repas. > La posologie maximale recommandée est d’une seule prise par jour. Les principaux effets indésirables sont les rougeurs de la face, les céphalées, les troubles digestifs à type de dyspepsie, la congestion nasale. > Les principales interactions médicamenteuses concernent l’érythromycine, le kétoconazole, l’itraconazole, ainsi que certaines antiprotéases. Aucun des trois médicaments n’est remboursé par l’Assurance-maladie. Les autres traitements oraux de la dysfonction érectile > Le chlorhydrate d’apomorphine administré par voie sublinguale à la demande ou la yohimbine en trois prises orales quotidiennes sont passés au second plan du fait de leur moindre efficacité par rapport à celle des inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5. > À noter que la DHEA n’a jamais fait la preuve d’une quelconque efficacité dans la prise en charge des troubles sexuels de l’homme. LA VOIE LOCALE : UNE BONNE ALTERNATIVE POUR CERTAINS PATIENTS > En cas d’échec du traitement oral ou pour des raisons de préférence personnelle du patient, on peut conseiller le recours à l’autoadministration de prostaglandine E1 (alprostadil) par voie intra-urétrale ou intracaverneuse, une dizaine de minutes avant le rapport sexuel. > Un autre traitement local est le vacuum. Ce dispositif mécanique crée un vide dans un cylindre placé autour de la verge, ce qui provoque l’érection. Celleci est maintenue grâce à un anneau élastique glissé à la base de la verge, après retrait du cylindre. > La pose d’un implant pénien est une technique peu diffusée en Europe, mais qui garde une place en dernière intention. « Il s’implante entre 200 et 300 prothèses péniennes par an en France », observe le Dr Giuliano. SUR LE PLAN PSYCHOLOGIQUE Si le généraliste est à même de traiter la plupart des dysfonctions sexuelles de l’homme après 45 ans, il est parfois nécessaire de passer la main au sexothérapeute, au psychothérapeute ou au psychiatre. La psychothérapie ou la sexothérapie permettent au sujet de faire le point sur sa relation de couple, son identité masculine et sur les troubles sexuels qui altèrent sa qualité de vie. Ce qu’il faut retenir > L’entretien doit aborder l’aspect psychosocial du trouble sexuel tout autant que l’aspect médical. > Ne pas omettre de rechercher des signes de dépression. > Prendre le temps pour l’examen clinique local et général. > Le bilan sanguin : glycémie à jeun et bilan lipidique. > Une dysfonction sexuelle est souvent d’origine multifactorielle. > Le diabète est la première cause organique de dysfonctions érectiles, suivi par les maladies cardio-vasculaires. > Les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 représentent le traitement oral de première intention de l’insuffisance érectile. Sources > « Médicaments et sexualité. Progrès en urologie », S. Droupy, FMC [on line] septembre 2002 ; 2 : 24-8 [cited 2003-09-01] URL : http://www.urofrance.org/BaseUrofrance/PF-200200020024/TEXF-PF-2002-00020024.PDF > « Les traitements pharmacologiques de l’insuffisance érectile » F. Giuliano, urofrance 2001 [cited 2003-09-04] URL : http://www.urofrance.org//lienbiblio.php?ref=C1-2001-00010001 > « Troubles sexuels », Y. Plais, Rev. Prat. Méd. Gén., 2001 ; 524 : 157-73. > « Dysfonction érectile : connaissances, souhaits et attitudes. Résultats d’une enquête française réalisée auprès de 5 099 hommes âgés de 18 ans à 70 ans » P. Costa, C. Avances, L. Wagner, Prog. Urol. 2003 ; 13 (1) : 85-91. > « Prevalence of Erectile Dysfunction in France : Results of an Epidemiological Survey of a Representative Sample of 1 004 Men » F. Giuliano, M. Chevret-Measson, A. Tsatsaris, C. Reitz, M. Murino, P. Thonneau, Eur. Urol. 2002 ; 42 (4) : 382-9. numéro 22 59 vendredi 2 6 septembre 2 0 03 VII 2259-008-009-fmc 19/09/03 12:51 Page VIII PAT H O LO G I E E N Q U E ST I O N S FMC D R CATH ERI N E FREYDT d’après un entretien avec le D R JACQUES BUVAT, endocrinologue et président de l’International Society for Sexual and Impotence Research Déficit androgénique lié à l’âge : un diagnostic et un traitement sur les rails Le dosage de la testostéronémie fait partie du bilan paraclinique de base devant des troubles sexuels chez le senior. 20 % des hommes de plus de 60 ans en souffrent. «A la fin de la consultation, au moment de partir, cet homme de 68 ans, retraité, me signale une incapacité à avoir des rapports sexuels satisfaisants. En l’interrogeant, j’apprends qu’il a de moins en moins souvent envie de faire l’amour et que ses érections nocturnes et matinales ont très nettement diminué. Il aime sa femme et souhaiterait retrouver une vie sexuelle normale, mais se sent “morose”, irritable et peu en forme. Ce patient traité uniquement par de la flécaïnide pour un trouble du rythme, n’est ni fumeur, ni diabétique, ni dyslipidémique. Son TR est normal, de même que ses PSA, récemment contrôlées. Je lui demande de réaliser un dosage de la testostéronémie biodisponible dont le résultat revient : 0,52 ng/ml, taux spécifié par le laboratoire comme physiologique dans sa tranche d’âge. » Comment affirmer un déficit androgénique lié à l’âge ? Le déficit androgénique lié à l’âge (Dala) correspond à une baisse trop importante du taux de testostérone dans le sang. Chez le sujet vieillissant, le dosage le plus fiable est effectivement celui demandé ici par le médecin, c’est-à-dire celui auto-questionnaire « adam » Ce questionnaire nommé Adam, basé sur la symptomatologie peut permettre d’évoquer un déficit en testostérone en cas de réponse OUI à au moins une des deux questions sur la sexualité ou à trois des autres questions. VIII 1 Éprouvez-vous une baisse du désir sexuel ? Oui Non 6 Êtes-vous triste et/ou maussade ? Oui Non 2 Éprouvez-vous une baisse d’énergie ? Oui Non 7 Vos érections sont-elles moins fortes ? Oui Non 3 Éprouvez-vous une diminution de force et/ou d’endurance ? Oui Non 8 Avez-vous noté une altération récente de vos capacités ? Oui Non 4 Votre taille a-t-elle diminué ? Oui Non 9 Vous endormez-vous après le dîner ? Oui Non 5 Avez-vous noté une diminution de votre « joie de vivre » ? Oui Non 10 Votre rendement professionnel s’est-il réduit ? Oui Non numéro 22 59 vendredi 2 6 septembre 2 0 03 Adam (tableau ci-dessous), qui de la testostéronémie biodiscomporte dix questions dont ponible ou fraction non liée à aucune n’est individuellement la SHBG (Sex Hormon Binding spécifique. Les signes cliniques Globulin) qui est, biologiquehabituels dans cette tranche ment parlant, la seule active d’âge sont, comme chez ce dans l’organisme. En cas patient, une baisse ou une d’anomalie, il est de bonne disparition de la libido et une règle de le vérifier par une raréfaction ou une altération seconde prise de sang, le taux de la qualité étant labile des érecet sujet à des Un homme tions, en variations sur cinq particulier temporaires après 60 ans nocturnes. liées à des S’y associent facteurs inLa fonction endocrine habituelletercurrents. des testicules décroît physiologiquement avec l’âge ment une Le déficit anet la fréquence diminution drogénique de l’hypogonadisme chez de la masse est confirmé les hommes de plus de musculaire, par un taux 60 ans est évaluée à 20 %. une moinde testostédre force rone biodismusculaire, une inflation de la ponible inférieur à la limite graisse abdominale et viscérale statistique la plus basse dans la et des troubles de l’humeur population des hommes jeunes (difficultés de concentration, (moins de 50 ans), soit 0,7 ng/ml. irritabilité ou dépression). Ce déficit est considéré comme sévère si le taux est inférieur à la norme inférieure des Envisager et choisir hommes de la même tranche un traitement d’âge que le patient. C’est dire androgénique la nécessité pour les laboraÀ partir du moment ou cet toires d’indiquer ces valeurs de homme se plaint de signes référence. et que le Dala est authentifié Attention : on ne traite pas biologiquement, en l’absence un dosage et un Dala ne peut de contre-indications il est être résumé à ce seul parajustifié de le traiter en lui mètre biologique. Il est indisproposant par exemple un pensable de repérer et d’évatraitement d’épreuve de trois luer des symptômes cliniques mois. compatibles avec un déficit anL’androgénothérapie vise drogénique. Des questionà restaurer un taux circulant naires d’évaluation existent de testostérone dans les dont le plus connu le test limites de la normale. 2259-008-009-fmc 19/09/03 12:51 Page IX Quelles contre-indications à l’androgénothérapie ? Un traitement androgénique est absolument contre-indiqué en cas de cancer de la prostate. Il l’est aussi en cas de cancer du sein (rare chez l’homme), de polyglobulie ou d’insuffisance cardiaque sévère. Il ne doit être utilisé que sous surveillance étroite en cas de symptomatologie prostato-urinaire et de syndrome d’apnées du sommeil qu’il est susceptible d’aggraver. Un traitement à dose physiologique ne majore pas les paramètres lipidiques. Le bilan préalable comporte, en conséquence, un contrôle du poids et de la PA, un palper des seins, un TR systématique et un bilan biologique incluant NF, bilan lipidique et PSA. L’échographie prostatique systématique n’est pas justifiée. Une densimétrie osseuse peut être un élément de décision chez certains sujets âgés (l’hypogonadisme facilite l’ostéoporose). Il n’est pas inutile de spécifier qu’en dépit de l’opinion générale qui veut que les androgènes soient dangereux pour le système cardiovasculaire, nombreuses sont les données récentes qui suggèrent que ce serait plutôt l’hypogonadisme qui serait un facteur de risque vasculaire. Quels bénéfices et quelle surveillance ? La première consultation, trois mois plus tard, apprécie les améliorations vécues par le patient concernant son asthénie, ses troubles de l’humeur, sa libido et son activité sexuelle. En l’absence d’amélioration nette, il est inutile de poursuivre le traitement. Cette consultation est l’occasion de contrôler le poids, la PA et le TR, de rechercher d’éventuelles apnées du sommeil et de doser PSA, NF et, à ce stade, la testostéronémie biodisponible douze à vingtquatre heures après application du gel ou en cas d’injection, le matin précédant la nouvelle injection, pour adapter la dose. Ce taux est un bon reflet de l’adéquation de la posologie (sauf pour la voie orale où les fluctuations de l’absorption digestive rendent ce paramètre moins fiable). Il doit être situé dans la moitié inférieure des valeurs de référence de l’homme de moins de 50 ans. Une élévation du taux de PSA audelà de 4, voire seulement de 3 ng/ml (une très légère augmentation dans les limites de la normale est attendue), une dysurie sévère par obstacle prostatique doivent faire interrompre le traitement et demander un avis urologique. L’apparition d’une polyglobulie ou d’un hématocrite supérieur à 50 % amènera à diminuer la dose jusqu’à normalisation des taux. Cette surveillance clinique (avec toujours un TR) et biologique (NF, PSA, bilan lipidique) sera ensuite régulière, tous les six mois pendant deux ans puis annuelle. Une fois l’objectif atteint, le traitement peut être poursuivi, sans limite de durée ou d’âge, sous réserve de l’apparition d’une situation de contreindication. G. BLANCHET FMC Approche clinique du déficit androgénique Le traitement La testostérone est actuellement disponible sous trois formes : une forme orale, une forme injectable et une forme transdermique. > La forme transdermique a l’avantage d’éviter un premier passage hépatique, d’être bien tolérée, d’obtenir un taux stable de testostérone et d’exposer peu au risque d’utilisation abusive. Après application, la testostérone pénètre dans la peau, d’où elle diffuse dans la circulation générale. Sa présentation sous forme de sachets unidose de 25 et 50 mg et son absorption rapide rendent son utilisation facile. L’application du gel est quotidienne, au niveau des épaules, des avant-bras ou de l’abdomen, avec une dose initiale de 50 mg. La possibilité d’un transfert transcutané de la testostérone à la partenaire paraît improbable mais peut être prévenue par précaution avec une douche si un rapport sexuel doit survenir moins de deux heures après l’application du gel. Cette forme galénique a l’inconvénient de n’être pas à l’heure actuelle remboursée par la Sécurité sociale. > La forme orale de testostérone est remboursée par la Sécurité sociale mais nécessite deux prises par jour, au milieu des repas, et une conservation au réfrigérateur. > La forme injectable dont la durée d’action est de quinze jours à trois semaines a l’avantage d’un prix réduit mais l’inconvénient d’une instabilité des taux circulants, avec un taux supraphysiologique en première semaine suivi d’un déclin rapide, qui expose au risque de surdosage et restreint son utilisation chez le sujet âgé. > Une forme orale stable à température ambiante et des patchs cutanés devraient bientôt être commercialisés en France. numéro 22 59 vendredi 2 6 septembre 2 0 03 IX 2259-fmc-10 19/09/03 11:52 Page X PAT H O LO G I E E N Q U E ST I O N S FMC D R MARC KREUTER, d’après un entretien avec le P R B ERTRAN D DUFOU R (chirurgien urologue, hôpital Necker, Paris) Chirurgie prostatique : des séquelles inconstantes VOISIN/PHANIE Les interventions chirurgicales et la radiothérapie portant sur la prostate peuvent être suivies des troubles de l’érection. Ce n’est ni systématique ni irrémédiable. Cancer prostatique ayant franchi la capsule sur une échographie. Les traitements chirurgicaux de l’adénome de la prostate respectent la prostate ellemême et ses rapports immédiats. Ils ne peuvent altérer les capacités d’érection. Mais, le cancer de prostate, lui, exige le sacrifice chirurgical ou radiothérapique de la prostate, lésant au passage des éléments du système vasculaire en jeu dans l’érection. Une impuissance, au moins transitoire, est inévitable. Aujourd’hui, ces problèmes se posent plus fréquemment et de façon d’autant plus aiguë que le dépistage plus systématique conduit à faire le diagnostic de cancer de la prostate chez des hommes plus jeunes et plus nombreux. LA PROSTATECTOMIE TOTALE LÈSE LES PÉDICULES La prostatectomie totale, indiquée dans le cancer de la prostate, provoque toujours un traumatisme des pédicules vasculo-nerveux latéro-pros- X numéro 22 59 vendredi 2 6 septembre 2 0 03 tatiques impliqués dans l’érection. C’est pourquoi cette intervention est pratiquement toujours suivie d’une impuissance complète, qui dans un certain nombre de cas s’améliorera. L’érection reprendra progressivement au fil des mois. Les deux tiers des malades recouvriront leur puissance sexuelle en douze à dix-huit mois. Le pronostic dépend de la technique opératoire, qui tente de respecter ces pédicules, de l’âge du malade, de la qualité de ses érections antérieures, et surtout de la rapidité avec laquelle on traite cette impuissance et des stimulations dont il bénéficie. Mais il ne faut pas oublier le versant psychologique, qui peut être déterminant sur le succès ou l’échec des traitements proposés. LA RADIOTHÉRAPIE ET LA CURIETHÉRAPIE Les traitements physiques du cancer de la prostate (radiothérapie et curiethérapie) s’accompagnent aussi de lésions neuro-vasculaires, mais celles-ci ne se manifestent que très progressivement. Au début, tout se passe bien puis, au bout de quelques mois, peu à peu le malade voit ses érections diminuer. ADÉNOME ET CHIRURGIE Les traitements chirurgicaux de l’adénome de la prostate, adénomectomie ou résection endo-urétrale, n’ont en revanche aucun effet négatif sur l’érection. La seule gêne consécutive à ces interventions est l’éjaculation rétrograde, qui n’a rien à voir avec l’érection. Conduite à tenir > Après prostatectomie, un homme jeune, chez qui le chirurgien a réussi à préserver les pédicules neurovasculaires, a des chances de retrouver rapidement des érections, surtout si on les aide par des injections intracaverneuses. Par la suite, il pourra se passer d’injections. En revanche, pour d’autres malades, les injections intracaverneuses sont d’emblée efficaces, mais seront définitivement indispensables pour obtenir des érections. En cas d’échec des injections intracaverneuses, ou d’emblée, si le malade le souhaite, on peut lui proposer une prothèse pénienne. Rigide, semi-rigide ou gonflable, elle a l’avantage d’assurer la raideur de la verge, même sans désir. > Après radiothérapie, les difficultés d’érection sont plus progressives. Leur origine en partie vasculaire fait proposer un médicament de la dysfonction érectile (sildénafil, vardénafil, tadalafil), qui suffit parfois. Si ces traitements sont insuffisants, on passe aux injections intracaverneuses. 2259-011-fmc 19/09/03 11:44 Page XI E X P LO RAT I O N FMC D R MARC KREUTER, d’après un entretien avec le Dr Ronald Virag , du Centre d’exploration et de traitement de l’impuissance (C ETI), Paris DYSFONCTIONS ÉRECTILES Explorer sans excès ne difficulté érectile qui dure depuis un certain temps, qui a pu faire l’objet d’une première prescription inefficace ou qui serait secondaire au traitement d’un cancer de prostate peut nécessiter des explorations complémentaires. Le but est de faire un diagnostic précis pour décider d’un traitement adapté efficace. U L’EXPLORATION DE L’ÉTAT VASCULAIRE Cet examen comporte un écho-doppler et un test d’érection pharmacologique. L’écho-doppler Il explore les vaisseaux artériels et veineux péniens, hypogastriques et aorto-iliaques. Le test d’érection pharmaceutique Le test d’érection, associé si possible à une stimulation sexuelle, est fait par l’injection intracaverneuse d’un mélange de trois produits : papavérine, tartrate d’ifenprodil et alprostadil. Pour le Pr Virag, cette association est nécessaire car elle couvre l’essentiel des réactions locales. Cette véritable étude hémodynamique est le meilleur moyen d’explorer la capacité érectile résiduelle et de la rapporter à une cause : est-ce une insuffisance d’apport (arrivée sanguine insuffisante), insuffisance de maintien (dysfonction veinoocclusive) ? Cette insuffisance veineuse est-elle purement veineuse ou associée à un problème neurologique ? Un nouveau test Ce test, récemment mis au point par le Pr Virag, est encore plus simple. On mesure à l’écho-doppler le diamètre de l’artère caverneuse avant et après une occlusion artérielle maintenue durant cinq minutes au niveau du pénis. L’intensité de la réponse est proportionnelle à la quantité d’oxyde nitrique délivrée après occlusion dans les corps caverneux. Ce test semble fiable et pourrait être un test de débrouillage, évitant pour certains malades le test d’érection provoquée. y a une atteinte de la voie nerveuse. ÉTUDE ÉLECTROMYOGRAPHIQUE En centre spécialisé, on complète le bilan somatique avec un entretien psychologique et un MMPI pour dépister un état dépressif, une psychose, une déviance sexuelle. L’électromyogramme du réflexe bulbo-caverneux, avec étude des potentiels évoqués somesthésiques, permet de dire de façon indirecte s’il LE BILAN HORMONAL Il doit systématiquement comporter le dosage de la testostérone biodisponible après 40 ans et, en cas d’impuissance totale, la prolactinémie, pour éliminer un rare mais curable adénome à prolactine. L’ÉVALUATION PSYCHOLOGIQUE bon usage des examens paracliniques C’est la clinique qui guide la stratégie du bilan complémentaire. L’écho-doppler est demandé d’emblée en présence d’au moins deux facteurs de risque vasculaire important (diabète, HTA, tabagisme, dyslipidémie, affection d’origine athéroscléreuse) ou d’un traitement de cancer de la prostate. Le dosage de la testostérone est le premier examen à demander, si l’état vasculaire semble correct et si les érections sont médiocres. En effet, il est inutile de prescrire du sildénafil, du vardénafil ou du tadalafil si le taux de testostérone est effondré, inférieur à 0,3 ng/ml. Dans ce cas, il faut d’abord équilibrer le taux de testostérone par un traitement hormonal (voir page VIII), puis essayer les médicaments de la dysfonction érectile pendant un à deux mois. Une consultation spécialisée avec un bilan complet (vasculaire, neurologique, endocrinien, psychologique) est proposée si le traitement échoue, si l’on soupçonne une affection neurologique ou chez un malade très inquiet, avant le moindre essai thérapeutique. numéro 22 59 vendredi 2 6 septembre 2 0 03 XI OS É TORRES PHANIE Dans la batterie d’examens complémentaires spécifiques aux dysfonctions érectiles, seul le dosage hormonal pourrait être systématique. fmc-2259-12 13-prat 19/09/03 13:12 Page XII P RAT I Q U E E N I M A G E S D R MARC KREUTER, d’après un entretien avec le D R RONALD VI RAG, (C E N TR E ET D E TRA IT E M E N T D E L ’ I M P U I SS A N C E , Paris) D ’ E X P LO RATI O N FMC L’auto-injection intracaverneuse L’auto-injection intracaverneuse est simple, efficace et très rarement source de complica tio sont indispensables. Il faut bien expliquer le geste au patient, le prévenir des effets sec on LE PRINCIPE les techniques L’auto-injection est pratiquée par le patient lui-même pour provoquer l’érection au moment de l’acte sexuel. Elle doit s’effectuer sur la verge flasque. Injecter sur une verge déjà tumescente risque d’envoyer le produit dans la circulation générale, ce qui rendrait l’injection inefficace et pourrait déclencher des effets secondaires : flushes et hypotension artérielle. LES PRODUITS PHOTOS VOISIN/PHANIE On injecte l’alprostadil en monothérapie. En cas d’inefficacité, on utilise des associations, par exemple de papavérine, d’infenprodil et d’alprostadil. LES EFFETS DE L’INJECTION > Les effets positifs de l’injection sont ressentis dans un délai de deux à dix minutes, d’autant plus vite qu’il y a une stimulation sexuelle efficace. La détumescence ne se produit pas forcément alors que l’orgasme ou l’éjaculation se sont produits. L’érection peut durer au-delà, permettant un rapport plus prolongé. > Les doses de produit sont réglées en fonction de la demande du patient, mais de sorte que l’érection ne dépasse jamais deux heures à deux heures et demie. Le dosage exact du produit injecté est établi par le médecin, lors des tests au cabinet et par une augmentation progressive des doses, pour éviter l’érection prolongée. On pourrait faire une injection quotidienne, mais en pratique, on préfère limiter à trois injections par semaine, en respectant toujours un délai de vingt-quatre heures entre deux injections. 1 L’injection se pratique sur le bord latéral du pénis. On change de côté à chaque injection. LES COMPLICATIONS POSSIBLES 2 Il faut décalotter la verge. > Les hématomes sont fréquents, anodins et traités par application d’un produit comme le pentosane polysulfate. > Les nodules se produisent rarement et sont le fait d’injections mal faites (le plus souvent en forçant alors qu’on ressentait un obstacle). > La seule complication qu’il faut absolument prévenir est l’érection prolongée, qui peut aller jusqu’au priapisme. > Le patient sous auto-injections est muni d’un antidote qu’il peut pratiquer lui-même dans les mêmes conditions techniques, sous forme d’une injection intracaverneuse de 0,6 ml d’étiléfrine. Après cette injection, à condition qu’elle ait été faite dans un délai de trois heures, dans 95 % des cas l’érection va tomber toute seule. Dans le cas contraire, une deuxième injection, une demi-heure après, achèvera de supprimer l’érection prolongée. > Le patient doit avoir accès vingt-quatre heures sur vingtquatre au praticien responsable du traitement. C’est une obligation médico-légale. XII XII numéro 22 59 vendredi 2 6 septembre 2 0 03 Les quatre pièges à éviter 1. Ne pas injecter sur une verge tumescente ou en semiérection. 2. Ne pas piquer sur le dos de la verge, pour ne pas toucher le réseau vasculaire et neurologique. 3. Ne pas faire une piqûre oblique qui risque d’embrocher l’urètre. 4. Ne pas injecter en force, sous pression. 19/09/03 13:12 Page XIII FMC fmc-2259-12 13-prat ca tions. Mais sa prescription est l’affaire du spécialiste. Des tests préalables c ondaires possibles, le munir de l’antidote et lui laisser un contact téléphonique. 5 On pratique une désinfection avec une lingette alcoolisée par exemple. 3 Les doigts sont positionnés en pince au niveau distal et proximal, de manière à exposer la région à injecter. 4 Le site d’injection se situe au niveau du tiers moyen du pénis, sur le bord latéral. Bien noter la position des doigts. 6 On introduit l’aiguille entière montée sur la seringue, perpendiculairement à la peau. On utilise une seringue et une aiguille à insuline ultrafine 30 G. Les seringues sont de 30, 50 ou 100 UI, suivant le volume à injecter. 8 Une fois l’injection faite, on retire l’aiguille d’un coup sec et l’on masse la zone pour bien faire diffuser le produit. 7 L’injection doit être assez lente, sous une pression extrêmement légère, sans difficulté ni douleur. En cas de douleur, on cesse d’injecter et l’on imprime à l’aiguille des petits mouvements latéraux, avant de reprendre l’injection en sentant que le liquide passe bien. 9 Le patient constate le résultat positif. L’érection complète se produit entre deux et dix minutes, suivant la quantité de produit injecté, l’étiologie et la stimulation. numéro 22 59 vendredi 2 6 septembre 2 0 03 XIII 2259-014-015-fmc 19/09/03 11:41 Page XIV RÉFLEXION FMC ENTRETI EN AV EC LE D R SYLVAI N M I MOU N, gynécologue, andrologue, directeur du centre d’andrologie (hôpital Cochin, Paris) Une affaire de couple : « Mon mar i La conjointe est parfois la première à s’ouvrir à son médecin d’un problème de panne sexuelle dans le couple. Comment écouter cette femme et l’aider à réfléchir à ce problème ? PROPOS RECUEI LLIS PAR LE D R MARC KREUTER Comment entendre ces propos d’une femme qui peut avoir entre 40 et 60 ans ? S’inquiète-t-elle plutôt de ses capacités de séduction ou bien des fonctions physiologiques de son mari ? DR SYLVAIN MIMOUN. Tout d’abord, par ces mots, cette femme exprime une plainte. Plus que du manque de l’activité sexuelle elle-même, elle souffre essentiellement de n’être plus désirée. Différences de sexe, quand il y a un problème d’érection, les hommes, plus sensibles aux faits, sont touchés quand ils ne se sentent plus virils et les femmes lorsqu’elles ne sont plus désirées. Or, érection et désir, ce n’est pas la même chose. Cette inquiétude sur ses capacités de séduction s’aggrave-t-elle précisément après la ménopause ? DR S. M. Au contraire, ce problème est particulièrement aigu pour une femme de 40 ans, car à cet âge, elle imagine avec anxiété ce que pourrait être la ménopause avec, croit-elle, la perte de ses charmes, de sa beauté et de sa fraîcheur. Après la ménopause, c’est autre chose, en fait. Elle vivra les changements de son corps, tentera d’y remédier ou de les accepter, mais ne sera plus exclusivement envahie de pensées XIV négatives. Il est primordial d’entendre cette dimension anxieuse et de la pointer, la femme en prendra progressivement conscience. À son mari défaillant, elle demande une reconnaissance de séduction, mais lui peut se sentir harcelé par les regards inquiets de son épouse. Il s’angoisse à son tour. Il s’enferme. Il ne la sollicite plus. Un processus de blocage à deux se met en route. On entre dans le cercle vicieux de l’échec conjugal. Par ces propos, cette femme vient-elle demander ce qu’elle peut faire pour rallumer les feux de l’amour ? Un comportement, des mots, des gestes, des médicaments à conseiller à son mari ? DR S. M. En effet, souvent cette femme vient consulter pour elle, mais pour lui aussi. Avant tout, elle veut parler, souvent simplement se rassurer. Parfois, elle pose beaucoup de questions. Dois-je porter des dessous sexy ? Dois-je le stimuler ? Parfois, elle a déjà essayé tout cela en vain. Ses efforts ne sont pas récompensés et son inquiétude s’en accroît d’autant. Il faut calmer l’excès d’empressement de cette femme, lui rappeler que pour qu’un homme ait un bon fonctionnement sexuel, il doit être d’abord rassuré avant d’être numéro 22 59 vendredi 2 6 septembre 2 0 03 stimulé. On peut utiliser la métaphore de la voiture : pour qu’elle avance, il faut commencer par enlever le frein, puis accélérer. Si l’on fait l’inverse ou les deux en même temps, elle reste immobile. On peut se témoigner de la tendresse, des caresses et surtout rechercher une complicité, une connivence. Si l’érection se fait, on l’encourage, sinon ce n’est pas grave, du moment que l’on a envie l’un de l’autre, que l’on a envie de se plaire. Ainsi, il arrive que l'homme ait une érection, ou une quasiérection et que celle-ci cesse lorsque sa femme le caresse. Cette situation est très mal vécue par le couple ; par lui, qui se juge incapable d'une érection valable ; par elle qui se juge maladroite et mal aimée. On explique à cette femme que ce n'est pas elle qui est responsable de cet échec, mais l'inquiétude du mari, qui craint que son érection soit sous le feu du regard... Si cette femme demande un médicament favorisant l’érection, peut-on lui faire une ordonnance afin que le couple fasse un essai ? DR S. M. Non. Les médicaments de la dysfonction érectile (sildénafil, vardénafil, tadalafil) sont très efficaces, mais il ne faut pas les galvauder. Ils agissent comme un levier pour débloquer une situation. Les utiliser à la légère c’est s’exposer à des échecs cuisants et durables. Si la femme donne un comprimé à son mari, tous deux vont en attendre passivement l’effet. S’il s’avère inefficace, l’homme perdra encore plus espoir, pensant que rien ne marchera plus jamais. En revanche, en cas de succès, l’homme (et la femme) pensera que c’est le médicament qui est efficace et pas lui. Il n’est donc pas recommandé que cette femme donne un médicament à son mari pour faire l’amour. Il doit régler luimême ce problème, rassuré par sa femme, éventuellement aidé par un médecin qui, lui, fera en la commentant la prescription de ce type de médicament. L’homme doit rester dans une démarche de séduction, manifester son désir et prendre au bon moment son médicament, peut-être pas en cachette, mais discrètement, sans trop prévenir sa femme du moment de la prise, de sorte qu’elle ne se « déprogramme » pas dans cette relation. Ainsi, quand l’homme a une érection, c’est son érecen savoir tion. Il reprend de la puissance. Il reprend confiance et Savoir+jaune sort de la spirale de l’échec. [email protected] Il est motivé par ses érections Savoir+jaune black plus c11 stables, il retrouve ses 20 ans. Son inquiétude tombe Savoir+jaune [email protected] il peut sentir un climat de connivence favorable avec sa femme. plus 19/09/03 11:41 Page XV FMC 2259-014-015-fmc r i ne me fait plus l’amour » Dans « mon mari ne me fait plus l’amour », fautil entendre une inquiétude de la part de cette femme sur son propre appétit sexuel ? D R S. M. Il peut y avoir de cela. Quand un couple commence à être dans le blocage des relations sexuelles, l’homme et la femme agissent en miroir. Ils se renvoient une image d’inquiétude et attendent une réassurance réciproque. Le médecin doit les aider à être en phase positive et à se redonner confiance mutuellement. Peut-elle ainsi exprimer un doute sur la fidélité de son mari, craignant que s'il ressent une impuissance avec elle, il n'essaie avec une autre ? DR S. M. Si elle pense que son mari a des difficultés sexuelles avec elle mais qu'il a une maîtresse, elle a de grandes chances de faire erreur. D'ailleurs quand un homme a des difficultés érectiles, et qu'il souhaite vérifier si cela va mieux avec une maîtresse, il risque d'être déçu. Cela peut sembler paradoxal, mais il est fréquent que les hommes aient moins de difficultés avec leur femme qu'avec une autre partenaire. Dans cette situation, ils ont des preuves à faire et manquent d'assurance. Enfin, les hommes sont généralement moins entiers que les femmes. Ils peuvent tromper leur femme, mais lui faire cependant l'amour. L'inverse est moins vrai, bien que cela soit en train de changer. Depuis une dizaine d'années, il y a plus de femmes qu'avant qui se plaignent du peu d'envie de leur partenaire. Osent-elles plus s'exprimer qu'avant ? Les hommes sont-ils plus inhibés qu'autrefois ? Il n'y a pas d'explication définitive à ce phénomène croissant, cependant encore minoritaire. Cette femme vient-elle préparer la consultation de son mari ? D R S. M. Cela est bien possible. Un portrait du mari fait par cette femme peut permettre de choisir un cadre thérapeutique. À un mari très pragmatique, on proposera la formule rassurante du checkup de la cinquantaine, où l’on ne manquera pas de doser la testostérone biodisponible et aussi le PSA pour éliminer un cancer de prostate avant un éventuel traitement androgénique, s’il le fallait. C’est un moyen de faire venir cet homme. Si la testostérone biodisponible (N = 0,8 à 3 ng/ml) Peut-on conseiller des livres à ce couple ? DR S. M. Le livre a en effet l’avantage de permettre l’instauration d’un dialogue dans ce couple. Ils ne parleront pas d’eux-mêmes, mais des hommes et des femmes en situation dans le livre. Cela est moins angoissant. Mais ce n’est jamais un livre de recettes. Le livre facilite également les relations entre le couple et le médecin. On peut recommander le Nouveau Rapport Hite (Robert Laffont), Mars et Vénus sous la couette, de John Gray (J’ai lu), qui éclaire bien les problèmes relationnels, l’Univers masculin des Drs Sylvain Mimoun et Élisabeth Chaussin (Le Seuil). Ces livres permettent aux conjoints d’aborder divers aspects de leur problème sans mettre l’autre en cause. numéro 22 59 vendredi 2 6 septembre 2 0 03 XV OS É TORRES VOISIN/PHANIE est effondrée à 0,3 ng/ml, par exemple, on donne un traitement hormonal en l’absence de contre-indication. On peut aussi partir des signes cliniques, qui peuvent nous orienter vers un déficit en testostérone : somnolence, surtout postprandiale, baisse du dynamisme, moindre désir, absence d’érection. L’interrogatoire doit être prudent et comporter des questions ouvertes, pour commencer : « Comment ça va chez vous ? » Si l’homme élude les questions suivantes plus intimes, il faut respecter son repli. Il n’est pas encore prêt à venir sur ce terrain, mais il sait qu’il est entendu et qu’il pourra revenir lorsqu’il le souhaitera. À partir des résultats du bilan, le dialogue devient un peu plus facile.