Hémodialyse

Transcription

Hémodialyse
Principes de l’hémodialyse
Thierry PETITCLERC
• Epuration extrarénale :
– épuration du plasma à travers une membrane
dialysante (imperméable à l’albumine et à ce qui
est plus gros).
• Hémodialyse :
– épuration extrarénale à travers une
membrane dialysante extracorporelle
(nécessité d’une ligne de circulation sanguine
extracorporelle).
1
Pompe
à sang
Egout
Dialyseur
Eau
A
Hémodialyse
conventionnelle
B
Concentré Concentré
acide
basique
2
LES TRANSFERTS PASSIFS
•
TYPE
DRIVING-FORCE
EXEMPLE
migration
électrique
gradient de
potentiel électrique
effet Donnan
convection
gradient
de pression
ultrafiltration
diffusion
gradient
de concentration
dialyse (soluté)
osmose (eau)
MIGRATION ELECTRIQUE
∆V
-
+
Cl-
3
CONVECTION
∆P
+
-
Convection
Taille du soluté
4
DIFFUSION
Diffusion
Taille du soluté
5
Urée
Taille du soluté
β2
m
Le flux diffusif :
• est dû à l’agitation thermique (sans direction privilégiée)
• augmente avec la température (loi d’Einstein)
• a une direction et un sens parfaitement définis (du
compartiment le plus concentré vers le compartiment le moins
concentré)
(2)
Flux net
(4)
(2)
6
LES DIFFERENTS MODES
D’EPURATION EXTRARENALE
•
solutés
eau
•
hémodialyse conv.
diffusion
filtration
•
hémofiltration
filtration
filtration
•
dialyse péritonéale
diffusion
diffusion
Préparation du dialysat
7
Dialysat ultrapur
• Dialysat
• Bactéries
• Endotoxines
classique
< 100 CFU/mL
< 0.25 EU/mL
ultrapur
< 100 CFU/L
< 0.25 EU/mL
égoût
eau
Filtration
égoût du dialysat
A B
Dialysat ultrapur
• Intérêt
- diminution incidence canal carpien
- diminution de l’activation monocytaire et
du relargage de cytokines pro-inflammatoires
- diminution de la CRP
- amélioration de l’anémie et des paramètres
nutritionnels
- préservation de la fonction rénale résiduelle
8
Composition du dialysat
• Solutés quantitativement importants dans le plasma :
– Solutés neutres : urée, glucose
– Cations : Na+ , K+ , Ca++ , Mg++
– Anions : HCO3- (et Cl- en quantité nécessaire et suffisante pour
assurer l’électroneutralité)
• Composition du dialysat :
– Solutés ci-dessus (sauf urée)
• Problème :
– HCO3- précipite en présence de Ca++ et Mg++
• Ca++ + 2 HCO3- → CaCO3 + CO2dissous (+ H2O)
– Il faut que HCO3- ne rencontre Ca++ et Mg++ qu’en présence de
CO2
• Dissoudre du CO2 dans le dialysat = acidifier le dialysat
CO2dissous → H+ + HCO3-
pH = 6,1 + log10(HCO3- / CO2dissous)
• Faire en sorte que HCO3- et Ca++ (et Mg++) se rencontrent seulement
dans le sang du patient (qui contient du CO2dissous)
• Remèdes :
– Introduction directe de CO2 dans le dialysat :
• peu commode
– Remplacement du bicarbonate par l’acétate*
• transformé en bicarbonate par le foie et les
muscles
CH3COO- + 3 O2 → 2 CO2 + HCO3- + H2O
• perte de bicarbonate dans le dialysat
– aggravation de l’acidose métabolique pendant la séance
• instabilité hémodynamique
*Mion et al, Trans ASAIO 1964, 10 : 110-115
9
• Remèdes :
- introduction de CO2 dans le dialysat
- remplacement du bicarbonate par l’acétate
- séparation des ions divalents (Ca++ et Mg++)
et du bicarbonate (dans 2 concentrés A et B
différents)
et adjonction d’acide dans le concentré sans
bicarbonates (concentré acide) : acidification du
dialysat entraînant la fabrication extemporanée
de CO2 lors du mélange
AH + HCO3A- + CO2dissous (+ H2O)
acide
anion
Quel Acide ?
Quel acide ?
• Acide acétique
CH3COOH + HCO3-
CH3COO- + CO2 (+ H2O)
acide acétique
(3 à 7 mmol/l)
acétate
(3 à 7 mmol/l)
Acetate plasmatic variation during
bicarbonate dialysis session
acétate dans le dialysat donc
augmentation de l’acétatémie (de
0.025 à 0.15 mmol/L)
Ridel et al, EDTA 2002
acétatémia (mmol/L)
CONSEQUENCE :
0,5
0,45
0,4
0,35
0,3
0,25
0,2
0,15
0,1
0,05
0
dialysis time
10
Dialysat au bicarbonate
Concentré A (acide) : Concentré B (basique) :
(liquide)
(poudre)
- NaCl : 103 mmol/l
- NaHCO3 : 35 mmol/l
- KCl : 2 mmol/l
- CaCl2 : 1,5 mmol/l
- MgCl2 : 0,5 mmol/l
- CH3COOH : 4 mmol/l
- Glucose : 5 mmol/l
Mélange
Na+ : 103 + 35 = 138 mmol/l
K+ :
2 mmol/l
++
Ca : 1,5 mmol/l
Mg++ : 0,5 mmol/l
CH3COO- : 4 mmol/l
HCO3- : 35 - 4 = 31 mmol/l
Cl- :
109 mmol/l
CO2 : 4 mmol/l
Glucose : 5 mmol/l
Inconvénients de l’acide acétique
• L’hyperacétatémie :
– Augmente la production de NO* :
• vasodilatation
– Augmente la production de TNF et IL1**
– Favorise les troubles lipidiques et
glycémiques***
*Amore et al, JASN 1997, 8 : 1431-1436
**Bingel et al, Lancet 1987, 2 : 14616
***Veech et al, KI 1988, 34 : 587-597
11
Quel acide ?
• Acide acétique
• Acide chlorhydrique
HCl + HCO3-
Cl- + CO2dissous (+ H2O)
acide chlorhydrique
(3 mmol/l)
chlorure
(3 mmol/l supplémentaires)
acide le plus physiologique*
plus particulièrement indiqué en HDF**
Inconvénient : acide fort, donc pH du concentré acide
beaucoup plus acide
Avantage :
ce qui limite la concentration de CO2dissous à 3 mmol/l
*Fournier et al, Artif Organs 1998, 22 : 608-613
**Pizzarelli et al, NDT 2006, 21 : 1648-1651
Dialysat au bicarbonate
Concentré A (acide) : Concentré B (basique) :
(liquide)
(poudre)
- NaCl : 103 mmol/l
- KCl : 2 mmol/l
- CaCl2 : 1,5 mmol/l
- MgCl2 : 0,5 mmol/l
- HCl : 3 mmol/l
- Glucose : 5 mmol/l
Mélange
- NaHCO3 : 35 mmol/l Na+ : 103 + 35 = 138 mmol/l
K+ :
2 mmol/l
Ca++ : 1,5 mmol/l
Mg++ : 0,5 mmol/l
HCO3- : 35 - 3 = 32 mmol/l
Cl- :
112 mmol/l
CO2 : 3 mmol/l
Glucose : 5 mmol/l
12
Quel acide ?
• Acide acétique
• Acide chlorhydrique
• Acide citrique
H3C6H5O7 + 3 HCO3-
C6H5O73- + 3 CO2 (+ 3 H2O)
acide citrique
citrate
(2,4 à 3,6 mEq/l)
(0,8 à 1,2 mmol/l)
(2,4 à 3,6 mEq/l)
(0,8 à 1,2 mmol/l)
(2,4 à 3,6 mmol/l)
Avantage : le citrate chélate une partie du calcium (et du
magnésium) du dialysat en donnant du citrate de calcium et de
magnésium :
2 C6H5O73- + 3 Ca2+ → Ca3(C6H5O7)2
- diminution du calcium ionisé et du risque de coagulation dans le
dialyseur
- le métabolisme du citrate de calcium et de magnésium libère ces
ions dans l’organisme du patient et conduit à la formation de bicarbonate
Ca3(C6H5O7)2 + 9 O2 → 6 CO2 + 6 HCO3- + 3 Ca2+ + 2 H2O
Dialysat au bicarbonate
Concentré A (acide) : Concentré B (basique) :
(liquide)
(poudre)
Mélange
- NaCl : 103 mmol/l
- NaHCO3 : 35 mmol/l Na+ : 103 + 35 = 138 mmol/l
- KCl : 2 mmol/l
K+ :
2 mmol/l
- CaCl2 : 1,5 mmol/l
Ca++ : 0,25 mmol/l
- MgCl2 : 0,5 mmol/l
Mg++ : 0,25 mmol/l
- H3C6H5O7 : 1 mmol/l
citrates (de Ca et Mg) : 1 mmol/l
- Glucose : 5 mmol/l
HCO3- : 35 - 3 = 32 mmol/l
Cl- :
109 mmol/l
CO2 : 3 mmol/l
Glucose : 5 mmol/l
Ahmad et al, AJKD 2000, 35 : 493-499
Sands et al, Blood Purif 2012, 333 : 199-204
Kossmann et al, CJASN 2009, 4 : 1459-1464
Aniort et al, Blood Purif 2012, 34 : 336-343
13
Dialyse au bicarbonate et équilibre acido-basique
L’excès de bicarbonate tend à alcaliniser le sang dans le dialyseur
L’excès de CO2 tend à acidifier le sang dans le dialyseur
L’acidification l’emporte sur l’alcalinisation :
le sang s’acidifie lors de son passage dans le dialyseur
L’acidification favorise les réactions d’intolérance (bradykinines)
Entrée du sang
[HCO3-] = 20 mmol/l
PCO2 = 38 mmHg soit [CO2dissous] = 1,1 mmol/l
pH = 7,36
HCO3-
Sortie du sang
[HCO3-] = 28 mmol/l
[CO2dissous] = 1,8 mmol/l soit PCO2 = 60 mmHg
pH = 7,29
CO2dissous
Entrée du dialysat
[HCO3-] = 30 mmol/l
[CO2dissous] = 3 mmol/l soit PCO2 = 100 mmHg
pH = 7,1
L’excès de CO2 est éliminé par les poumons : Petitclerc et al, Néphrol Ther
le sang du patient tend à s’alcaliniser 2011, 7 : 92-98
Dialyse sans acide (sans CO2)
biofiltration sans acétate
NaHCO3 :
isotonique (# 6
L/séance)
Dialyse moderne :
- dialyse sans acétate et
sans acide
- transfert convectif
Générateur simplifié :
- 1 seul concentré
- peu d’encrassement
Meilleure tolérance
MAIS
Movilli et al, AJKD 1996, 27 : 541-547
Noris et al, AJKD 1998, 32 : 115-124
Surcoût
NaCl
KCl
CaCl2
MgCl2
glucose
14
• Dialyse sans acide (sans CO2) :
* hémodialyse sans acétate
Dialyse sans acétate et sans acide
Générateur simplifié
NaHCO3 :
hypertonique
(# 1 à 2 L/séance)
Dialyse économique :
- 1 litre seulement de réinjection
- membrane faible pente
Inconvénient :
- nécessité d’ajuster précisément le
débit de ré-infusion (asservissement sur la
dialysance ionique ?)
NaCl
KCl
CaCl2
MgCl2
glucose
Debure et al, J Am Soc Nephrol 1994, 5 : 142 (abstract)
Duranti, Blood Purif 2004, 22 : 446-452
Harzallah et al, Saudi J Kidney Dis Transpl 2008, 19 : 215-21
Anticoagulation régionale au citrate :
on pourrait remplacer l’acide citrique par le citrate de sodium
Lebourg et al (soumis à publication)
15
Quelle concentration de
sodium dans le dialysat ?
Quel sodium dans le dialysat ?
Retour sur le passé
•
Années 70 :
– Sodium bas (133-135 mmol/l)
• Justification : pour obtenir une élimination diffusive de la charge
sodée (perte d’eau libre obtenue par gradient osmotique comme en
DP)
•
Années 80 :
– Sodium haut (143-147 mmol/l)
• Justification : pour compenser en partie l’élimination convective de
sodium (perte d’eau salée liée à l’ultrafiltration)
• Avantage : amélioration de la tolérance intradialytique
• Inconvénient : surcharge chronique (HTA, HVG)
•
Années 90
– Profils de sodium
• But : améliorer la tolérance en évitant la surcharge
• Inconvénient : difficulté de prescription
16
Quel sodium dans le dialysat ?
Les leçons du passé
• Leçon n°1 :
– La concentration sodée du dialysat
• ne doit pas être fixée pour obtenir une tolérance correcte
• doit être fixée pour obtenir un bilan sodé correct (pas de
surcharge)
• Leçon n°2 :
– La détermination de la concentration sodée du dialysat
• doit permettre d’atteindre la natrémie souhaitée en fin de séance
– Quelle natrémie prescrire en fin de séance ?
• de même que la détermination de l’ultrafiltration permet
d’atteindre le poids souhaité en fin de séance
– Quel poids prescrire en fin de séance ?
• Leçon n°3 :
– La prescription d’un profil décroissant de sodium
• ne doit pas modifier la natrémie en fin de séance
• doit permettre d’améliorer la tolérance à la séance
– à condition d’être associée à un profil décroissant d’ultrafiltration
Aucun profil
Profil Na
Song et al, JASN 2005, 16 : 237-246
Profil UF
Profil UF + Na
17
Contrôle de l’hydratation
en hémodialyse
• Le rétablissement d’un volume
extracellulaire correct est obtenu par un
ajustement adéquat de l’ultrafiltration
• Le rétablissement d’une hydratation
cellulaire correcte nécessite de rétablir
la valeur correcte de l’osmolalité
efficace par un ajustement adéquat de
la concentration sodée du dialysat
Contrôle de l’hydratation en hémodialyse
Volume extracellulaire
osmolalité efficace
ultrafiltration
hydratation cellulaire
natrémie
Stock sodé
Concentration sodée du dialysat
Quelle concentration sodée du dialysat prescrire ?
18
Quelle concentration sodée du dialysat
prescrire ?
• Prescription empirique : concentration sodée
du dialysat :
– ni trop haute afin d’éviter les complications
interdialytiques :
• Soif
– Prise de poids interdialytique
• Surcharge cardiovasculaire
– HTA, HVG
– ni trop basse afin d’éviter les complications
intradialytiques :
?
• Hyperhydratation cellulaire :
– crampes, céphalées, nausées et vomissements
• Hypovolémie
– hypotension symptomatique, tachycardie
– Stimulation du SRA (soif)
Quelle concentration sodée dans le dialysat ?
•
Ce que montre l’expérience :
– La natrémie prédialytique n’est pas corrélée à la concentration sodée du
dialysat
Concentration sodée du dialysat
140
145
Natrémie postdialytique
139
142
Natrémie prédialytique
139
140
∆P (kg)
1,8
2,3
Gotch et al, Proc Dial Transplant Forum 1980, 10 : 12-17.
– La natrémie prédialytique est très variable d’un patient à l’autre :
• extrêmes : 122 – 145 mmol/l
– La natrémie prédialytique est peu variable pour un même patient :
• coefficient de variation sur 1 an : 1,6%
• mais variation jusqu’à 7 mmol/l
Peixoto et al, Blood Purif 2010, 29 : 264-267 : 100 patients suivis sur 1 an
19
Hémodialyse isonatrique :
le concept du « set-point »
Flux osmotique (watershift)
du
compartiment cellulaire
vers le
compartiment extracellulaire
Apports sodés
hypernatrémie
Excrétion
urinaire de sodium
↑ VEC
Déshydratation cellulaire
-
Soif
(+ stimulation ADH)
Apports
hydriques
Excrétion
urinaire d’eau
inhibition
ADH
Quelle concentration sodée dans le dialysat ?
Prescription raisonnée :
– Éviter une augmentation de natrémie pendant la
séance
• Pour éviter la soif et l’augmentation de la prise de poids
interdialytique
– Éviter une diminution de natrémie pendant la
séance
• Pour éviter l’hyperhydratation cellulaire et l’hypovolémie
– Donc dialyse isonatrique
• Concentration sodée du dialysat = natrémie prédialytique
– Natrémie prédialytique = moyenne de 12 mesures sur les 3
derniers mois
» Dialyse en moyenne isonatrique
– Natrémie prédialytique mesurée en ligne et en temps réel à
chaque séance
» Dialyse isonatrique à chaque séance
20
RESULTATS : dialyse isonatrique en moyenne
37 patients stables hémodynamiquement.
Contrôle (9 séances) : concentration sodée du dialysat égale à
138 mmol/l.
Isonatrique (9 séances) : concentration sodée du dialysat égale
à moyenne des natrémies prédialytiques de la période contrôle
(pas d’utilisation de profils décroissants d’UF et de Na).
contrôle
134
isonatrique
134
p
NS
Natrémie
postdialytique
136
133
< 0.001
∆P (kg)
2,9
2,3
< 0.001
Natrémie
prédialytique
De Paula et al, Kidney Int 2004, 66 : 1232-1238
De Paula et al, Kidney Int 2004, 66 : 1232-1238
21
Mesure en ligne de la natrémie
• La mesure en ligne et en temps réel de la
natrémie par le Diascan (Hospal-Gambro),
l’OCM (Fresenius) ou le Na-sensor (HFRBellco) est en réalité une mesure de la
conductivité
– le résultat obtenu (mS/cm) est simplement
multiplié par 10 (mmol/L)
– il devrait être interdit d’afficher un résultat de
« natrémie »
– Une dialyse isonatrique sur le générateur est en
réalité une dialyse isoconductive
Dialyse isotonique à chaque session
• Réduction de la prise de poids interdialytique
• Diminution des épisodes d’hypotension
perdialytique (2% vs 9%)
• Amélioration du contrôle tensionnel chez les
sujets hypertendus
• Moret et al, NDT 2002, 17 : 1463-1469
22

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