LES DISQUES NOUVEAUTÉS
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LES DISQUES NOUVEAUTÉS
66-91_CD-DVD-BIB-MAQ*_vu.qxp:Mise en page 1 31/05/15 19:54 Page 74 GREG NAGY – STRANDED – Big O 2421 / gregnagy.com LES DISQUES NOUVEAUTÉS JOHN MILK – TREAT ME RIGHT – Underdog / Believe SOUL ★★ Nouveau venu sur la prolifique scène soul lyonnaise, le chanteur et claviériste John Milk publie un recueil de dix morceaux originaux (auxquels s’ajoutent deux remixes) pour lequel il a bénéficié de l’aide du producteur et bassiste Bruno “Patchworks” Hovart. Le résultat est un album de funk “à l’ancienne”, très inspiré des productions de la scène de Philadelphie des années 70, dans une démarche qui évoque celle d’un Mayer Hawthorne. Reste que, si la touche chaleureuse de Patchworks fait à nouveau merveille, comme sur les albums de Mr Day et de Hawa, le répertoire peine à dépasser le stade du pastiche, et nombre de morceaux semblent tourner à vide, voire se contenter de recycler des clichés déjà bien éventés, comme le quasi instrumental Dirty funky ou la ballade Give me more than time. S’y ajoute un chant qui, contrairement à l’accompagnement, n’a pas tout à fait les moyens de ses ambitions, surtout lors de montées mal maîtrisées en falsetto. Malgré l’enthousiasme des participants, un disque pas vraiment convaincant. FRÉDÉRIC ADRIAN VAN MORRISON DUETS: RE-WORKING THE CATALOGUE RCA 88875068442 / Sony Music ★★★ JAZZ & SOUL Au rugby, le plus souvent, c’est quinze contre quinze ; là, c’est un (seul) contre seize (autres). On ne l’appelle pas Van The Man pour rien. Il en a, l’Irlandais, du coffre et de l’audace. L’un après l’autre, légende ou jeunot, Morrison les prend sur son terrain à lui et les terrasse, en toute confraternité bien sûr. Après tout, ils savaient à quoi s’attendre : ça fait un demi-siècle qu’il donne de la voix et il n’a pas perdu un iota de ses capacités. Malheureusement, on ne peut pas en dire de même de ceux dont on attendait le plus, Mavis Staples et Bobby Womack. Ils ouvrent le disque mais ne sont que les ombres d’eux-mêmes. Pour le regretté Womack, on peut comprendre, mais Mavis ? D’autant qu’avec ses accents religieux, le titre retenu aurait dû lui convenir. Bien dommage. La suite est douloureuse. Pourtant, difficile, le plus souvent, de distinguer la plus-value apportée par des invités qui brillent le plus souvent par leur discrétion. On peine par exemple à reconnaître la guitare de George Benson. Et la fine Joss Stone semble bien légère face au mastodonte. Difficile, on l’imagine, de s’approprier un répertoire qui n’est pas le sien propre mais celui du partenaire que l’on a juste en face de soi… Pourtant, les Britanniques, eux, parviennent à se démarquer : c’est le cas de Clare Teal, la jazzwoman qui vaut de l’or, de Mick Hucknall, l’admirateur de Bobby Bland, et de Stevie Winwood, ancien acteur du blues boom. Dans ces cas-là, une rencontre se produit. Dans les autres, on a juste affaire à de nouvelles versions de titres de Van Morrison par lui-même. Et c’est déjà beaucoup pour les fans d’un artiste décidément hors norme. JULIEN CRUÉ AURÉLIEN MORRO & THE CHECKERS CHECK IT OUT ! Vocation VOC5941 / aurelien-morro-and-the-checkers.com ★★★ BLUES ROCK FUNK Primés au tremplin de Cahors et finalistes à celui des Rendez-Vous de l’Erdre, Aurélien Morro & The Checkers pratiquent un blues rock très funky dont voici le premier disque en vraie grandeur. Quatre originaux et neuf reprises mettent la guitare d’Aurélien en valeur, soutenue par des claviers bien présents et une section de cuivres en appoint. Les compositions offrent une palette étendue, jump blues modernisé par des incursions funk ou reggae, comme sur le très bon I need you et ses changements de rythmes bienvenus, qui montre que le groupe peut s’inscrire dans la durée. Les reprises (Tommy Castro, Freddie King, Tab Benoit, Matt Schofield, Stevie Ray Vaughan, Jimi Hendrix, Meters) sont solides et, hormis sur le Dirty pool de SRV, Aurélien y fait preuve d’une retenue qui confirme sa capacité à ne pas se laisser prendre aux clichés du genre. Au chant, il a encore des marges de manœuvre dans la puissance, d’autant plus que la production le met en retrait. The wind cries Mary de Jimi Hendrix, pris sans débordements, et Cissy strut des Meters clôturent ce premier album convaincant. CHRISTOPHE MOUROT 74 / SOUL BAG_N°219 SOUL BLUES ★★★★ Chanteur notable – on pense à Tad Robinson –, ce jeune quinquagénaire qui nage parfaitement en eaux soul est à découvrir d’urgence. Réalisé durant le terme d’un mariage de vingt-cinq ans, « période la plus sombre de ma vie » , concède-t-il, ça a été pour lui l’occasion de transmuter la peine en optimisme, l’épreuve en combat, l’abattement en résilience. Sa version intelligente d’Ain’t no love in the heart of the city est toute personnelle ; pudique, épurée et transfigurée, c’est un modèle de reprise dont pourraient s’inspirer bien des artistes. Les talents d’écriture de Greg Nagy éclatent par ailleurs ; Still doin’ fine coule en douceur sur tempo medium, Long way to Memphis, sombre et habité, séduit et convainc par son côté profondément bluesy. Been such a long time, sautillant et enfiévré, nous replonge dans le groove cher aux années Stax. Quatorze musiciens au total – Zach Zunis et Dave Gross en sont les plus connus – ont collaboré au son globalement “dentelé” de ce disque remarquable, au mixage soigné dont on a exclu toute fioriture. Surprenante, puis captivante, cette apparente simplicité de traitement de la musique, apanage des grands artistes, sert habilement un répertoire pénétrant. MARC LOISON AARON PARNELL BROWN THE TIN MAN Expansion / aaronparnellbrown.com ★★★★ SOUL Un peu moins de trois ans après son premier LP publié sous la bannière Aaron & the Spell, ce chanteur de Philadelphie dévoile son patronyme. Et met le cap plus franchement sur la soul, en trouvant un bon dosage entre son ancrage gospel et ses influences blues et jazz. Comme Shayna Steele récemment, que l’on retrouve ici aux chœurs, APB bénéficie d’une production organique chatoyante signée Matt Pierson, servie une fois encore par une dream-team new-yorkaise. Empreinte d’une certaine majesté à la Donny Hathaway, l’entrée en piste est impressionnante : le baryton enveloppant du leader s’enroule autour du piano avant de décoller, porté par des chœurs célestes à la puissance saisissante, souligné par un sax ténor qui ira de son solo juteux. Si, à part Can’t stop et sa slide menaçante, l’intensité du reste de l’album ne se hisse pas tout à fait au même niveau que sur ce Bleed me dry, on tient là une solide suite de ballades qui font honneur à l’esprit de la soul du tournant des seventies. Sans pour autant paraître figées dans une codification passéiste. On aime les variations rythmiques du bien nommé Changes, la manière de “groovivifier” les deux reprises non téléphonées (Elton John et les Black Keys), les interventions inspirées des sidemen en solo (dont le guitariste Lage Lund et son coulé jazz sur deux titres), la rythmique souple funky d’un Somewhere around qui suit les traces d’un D.J. Rogers. Davantage de mordant dans la voix ou dans l’écriture aurait évité une légère baisse de tension à mi-parcours, mais au terme de ces quarante minutes rondement menées, Aaron Parnell Brown apparaît bien comme un nouveau nom à suivre attentivement. NICOLAS TEURNIER BILLY PRICE & OTIS CLAY THIS TIME FOR REAL Bonedog BDRCD-46 / bonedogrecords.com ★★★✩ SOUL Quelques mois à peine après un disque très réussi partagé avec le chanteur et guitariste Johnny Rawls, Otis Clay est de retour avec un nouvel album en duo. Cette fois-ci, il partage le micro avec le chanteur Billy Price. Découvert aux côtés de Roy Buchanan dans les années 1970 et connu chez nous pour sa collaboration avec le guitariste Fred Chapellier, le chanteur de Pittsburgh revendique de longue date l’influence de Clay, avec qui il a régulièrement partagé la scène. Pour ce projet commun, Price a laissé son groupe habituel à la maison et fait appel à Duke Robillard, qui signe également la production, et à ses musiciens (dont le clavier Bruce Bears, remarquable), auxquels s’ajoutent les choristes habituelles d’Otis Clay. Pour Price, le présent disque constitue un retour vers l’orientation musicale de son album de 1997, “Soul Collection”, auquel participait déjà Otis Clay, avec un répertoire constitué de reprises pour l’essentiel obscures. On retrouve ainsi au programme l’accrocheur Broadway walk de Bobby Womack ou Somebody’s changing my baby mind de Johnny Sayles, un clin d’œil aux années chicagoanes de Clay, même si le morceau est traité façon Memphis soul. L’ensemble baigne dans une ambiance “à l’ancienne” qui renvoie pour l’essentiel aux enregistrements Hi de Clay. Bien qu’il n’ait plus la puissance de sa jeunesse (comme le montre une nouvelle version dispensable de Love don’t love nobody), Clay continue à tenir brillamment son rôle, tandis que Price, bien qu’il soit un peu en retrait, ne démérite pas, même s’il n’a pas avec son partenaire la complicité naturelle d’un Johnny Rawls. C’est cependant le côté prévisible et lisse du résultat qui constitue la principale faiblesse du disque, dont la production “vintage” manque quelque peu d’âme. FRÉDÉRIC ADRIAN