Bien dans son corps, bien dans son sport
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Bien dans son corps, bien dans son sport
En collaboration avec NICOLAS DYON, préparateur physique de l’OGC Nice LA PRÉPARATION PREPARATION PHYSIQUE VOLET 5 : LES ÉTIREMENTS Bien dans son corps, bien dans son sport L’être humain possède 670 muscles répartis dans le corps pour un poids d’environ trente kilos à l’âge adulte, autant de risques potentiels de blessures si l’on n'y prend pas garde ! Une solution pour éviter l’accident : les étirements. CONTEXTE Le muscle ? Un faux dur qui se déchire pour un rien Paradoxe. Si le muscle symbolise la force et qu’on l’imagine souvent d’une solidité à toute épreuve, en vérité c’est le contraire. En fait, aussi étonnant que cela puisse paraître, il est l’un des tissus les plus fragiles de notre corps : un faux dur qui se déchire pour un rien. La prévention prend donc toute son importance quand on veut exploiter son corps dans un cadre professionnel ou sportif. Les étirements entrent dans ce cadre et à travers eux on recherche un bien-être corporel général. Position extrême Face aux étirements, appelés ainsi communément, les mentalités ont lentement évolué, favorablement depuis les dernières années, au point que ces exercices rentrent quotidiennement dans l’hygiène de vie du sportif. Reste cependant à préciser la définition qu’on veut bien leur donner pour mieux comprendre leur rôle et leurs limites. Littéralement, étirer un muscle c’est généralement chercher à lui faire atteindre une position extrême par balancement d’un membre. On appelle ça un mouvement pendulaire. L’exercice doit être auto-passif, sans à-coups brutaux. Il faut distinguer les étirements collectifs sur le terrain et les étirements individuels. En fait, on peut les diviser en trois types. Les premiers, appelés activo-dynamiques, ont pour but de préparer l’organisme à l’effort en début d’entraînement ou à l’échauffement d’avant-match. Ils s’effectuent sur le terrain. Tout en préparant le muscle à l’effort, on fait monter sa température et on augmente le flux sanguin. En position debout par une contraction musculaire statique (6 secondes) on peut enchaîner par un exercice dynamique talons/fesses à raison de deux séries par groupement musculaire. C’est l’échauffement classique du footballeur. La seconde catégorie concerne les étirements passifs de relaxation et récupération. Là aussi, on est sur le terrain, mais on intervient en fin d’entraînement ou de match. L’objectif est d’accélérer le retour veineux qui permet l’oxygénation du muscle, et d’en retrouver la longueur initiale après qu’il se soit un peu rabougri durant l’effort. On comprend donc qu’après une grosse séance, notamment après un exercice de musculation, les étirements passifs sont primordiaux pour combattre l’apparition des courbatures comme pour la relaxation mentale et physique… Confortablement installé en position assise ou couchée, on étire lentement le muscle sans PAGE 24 / Actufoot.06-n°218 tendre fort en se servant de son poids de corps ou l’aide d’une autre personne. Le mouvement dure entre 20 et 30 secondes. Une séance de 10 à 15 minutes en fin d’entraînement est recommandée. La troisième catégorie concerne le travail postural qui s’effectue en salle, sur une table et le plus souvent dirigée par un kinésithérapeute. Complémentaire de l’entraînement, la séance est individuelle et l’objectif est d’augmenter les gains d’amplitudes en combattant les contraintes articulaires. C’est un travail passif et actif, ça peut combiner pas mal de choses. On peut étirer un muscle de manière surprenante et gagner beaucoup en amplitude si l’on se montre régulier dans ce type de travail. Cela permet d’ôter certaines contraintes sur le muscle et d’améliorer significativement ses performances physiques. Une question de sensation Quoi qu’il en soit, s’il demeure des règles immuables, il ne faut pas négliger les sensations individuelles. Face au physique, nous ne sommes pas tous égaux, donc nos besoins diffèrent et nos habitudes aussi. Certains préfèrent faire très peu d’étirements alors que d’autres en ont besoin. C’est assez subjectif et c’est la raison pour laquelle l’investissement personnel est primordial. C’est au joueur de savoir gérer son corps au-delà des séances d’étirements collectifs. Et s’il demeure difficile de quantifier l’apport de ce travail, la certitude est que cela reste très bénéfique en terme de confort corporel et de prévention. Cela permet aussi de mieux connaître son corps et d’améliorer la performance motrice. Trop souvent négligés, les étirements ne sont pas une partie de plaisir certes, mais ils sont garants du plaisir d’être bien dans son corps et dans son sport. Y.P. INTERVIEW Philippe Boulon : “Disponible et attentif envers son corps” Kinésithírapeute de l’OGC Nice, Philippe Boulon rappelle les grandes règles à respecter en matière d’étirements. Il évoque également l’importance d’un investissement individuel pour mener à bien ce travail primordial pour le corps. Un organisme contient 670 muscles, peut-on tous les étirer ? Bien sûr ! On peut étirer tous les muscles. Après, il faut prendre garde à ce que l’on entend par le mot étirement. Par uxemple, certaines personnes se demandent pourquoi elles ont des crampes au mollet quand elles s’étirent au réveil. En fait, en tirant les bras vers le haut, ils cherchent à s’étendre et accompagnent le mouvement par un fléchissement de la pointe du pied et donc une contraction du mollet. Tout ça pour dire que les étirements sont avant tout une question de posture. Il y a des règles à respecter. D’un point de vue général peut-on dire que les footballeurs étirent mal leurs muscles ? Ils ne sont pas les seuls, loin de là, mais puisqu’en l’occurrence nous parlons de football, il est clair qu’en la matière les joueurs ont des progrès à faire. Beaucoup étirent effectivement mal leurs muscles, c’est pour cela qu’il faut insister sur le positionnement du bassin qui joue un rôle primordial dans le mouvement. Il faut aussi répondre aux exigences de la pratique du football. Dans la frappe de balle la jambe qui tire part en oblique et provoque une rotation du tronc, c’est pour cela qu’il faut étirer toute la chaîne musculaire sollicitée et pas seulement le bas du corps comme beaucoup peuvent le penser. Le travail des chaînes musculaires permet de retrouver l’amplitude articulaire que chaque personne perd durant la croissance et à cause de son mode de vie. La position assise, avec les jambes rapprochées du torse, réduit par exemple le psoas, le muscle qui permet la flexion du tronc. Pensez au nombre d’heures qu’un enfant passe dans cette position à l’école. Et là, ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres… On retrouve cette perte d’amplitude partout et la pratique sportive de haut niveau crée elle aussi des disfonctionnement. On peut même affirmer que les problèmes de « Monsieur Tout-le-monde » s’amplifient quand on est sportif de haut niveau. Malgré tout, on ne travaille jamais assez les étirements qui permettent de lutter contre ce phénomène de réduction musculaire. Durant l’entraînement, si on les faisait comme il faudrait vraiment les faire on ne toucherait pas le ballon ! Quels sont les problèmes spécifiques rencontrés par les footballeurs aux niveaux musculaire et articulaire ? Le bas du corps est très sollicité, mais on ne peut parler de problème spécifique. Cela dépend de la morphologie des gens. Tout le monde est plus ou moins rétracté musculairement, mais selon les personnes certains groupes musculaires sont plus rétractés que d’autres. Certains souffrent des genoux, d’autres souffrent de tendinite, il n’y a pas de règle précise mais toujours une solution pour atténuer et prévenir ces problèmes. Doit-on souffrir pour réaliser un bon étirement ? L’étirement d’un muscle n’est pas une partie de plaisir, mais on ne doit pas nécessairement souffrir pour réaliser un travail efficace. Un muscle est élastique dans le temps. On peut tenir une posture dans une amplitude maximale sans forcer. Assis, les jambes écartées, si le sujet n’a pas été à la limite, il ne peut pas gagner en amplitude en s’étirant de manière progressive. Mais cela demande un investissement de la part du sujet… Pour les joueurs, la traditionnelle séance d’étirements collectifs n’est pourtant pas spécialement prise au sérieux… En ce moment j’ai tendance à vouloir éliminer de mon vocabulaire technique ce mot « étirement » qui selon moi a été galvaudé. Je préfère parler de récupération articulaire et musculaire ou de relaxation. Et pour cela, la concentration est très importante pour avoir une meilleure perception de son corps. La respiration l’est aussi. La séance d’étirements n’est donc pas une séance de bavardage. Il faut se montrer disponible et attentif envers son corps, sinon elle ne sert pas à grandchose. Quelle lacune avez-vous remarquée en matière d’étirement chez le footballeur ? Je pense que par rapport aux sports individuels, il y a un investissement personnel moins important. Pourtant, on remarque très régulièrement que les gens qui se prennent davantage en charge vont de suite beaucoup mieux. Au foot, la séance collective se substitue souvent à la séance personnelle qui doit être complémentaire. Il faut comprendre l’importance de ce travail individuel. Les gens qui ont souffert de blessures en prennent généralement conscience durant leur rééducation, mais c’est quand même dommage d’en arriver là pour le réaliser. Y.P. LA PRÉPARATION Les exercices de la semaine TOUS LES MUSCLES Trois exercices différents permettant de préparer l’effort, d’atténuer la fatigue ou de gagner en amplitude. Les 8 grands principes Le respect des règles Le joueur doit adapter sa technique d’étirements en fonction du moment et de ses objectifs. Il doit aussi respecter quelques fondamentaux pour mener à bien ce travail. 1 À CHAUD ! 2 EN POSITION 3 BASSIN DÉCLENCHEUR Les étirements ne se font pas à froid, ils s’intègrent à l’échauffement mais ne le remplacent en aucun cas ( voir étirements activo-dynamiques dans rubrique contexte). Dix minutes de course pour augmenter la température du corps sont recommandées avant de s’étirer. Le sportif doit respecter des positions de base. Les étirements actifs se feront le plus souvent debout tandis que les étirements passifs de récupération et le travail postural se feront assis ou couché. EXO 1 : TALON-FESSE Debout, genoux rapprochés, on attrape le bout du pied pour ramener le talon vers la fesse. Une légère flexion de la jambe d’appui permet de ramener le bassin en rétroversion et d’effectuer correctement le mouvement. L’idéal est de s’appuyer sur un poteau ou un coéquipier pour se tenir droit et étirer toute la chaîne musculaire. En travail activo-dynamique (avant l’effort), le mouvement dure six secondes environ. externe (pied tourné vers l’extérieur) pour solliciter les fibres et l’enveloppe musculaire dans leur intégralité. En travail passif (après l’effort), le mouvement dure entre quinze et vingt secondes. Genou au sol et jambe tendue devant, les mains de dos, le buste droit, on descend progressivement en avant sans à-coups. On part jambe droite puis en rotation interne (pied tourné vers l’intérieur) et 4 SENS VARIABLES 5 RECTO-VERSO Le joueur doit faire évoluer ses étirements dans trois positions : neutre, en rotation interne ou externet (voir exercice 2). Les fibres musculaires ne sont jamais strictement droites, il faut donc pouvoir solliciter les fibres qui sont diagonales. Cela permet aussi d’échauffer les aponévroses qui sont les enveloppes musculaires. EXO 3 : TRAVAIL POSTURAL DU PSOAS EXO 2 : GENOU-TÊTE Pour bien s’étirer il faut un point fixe et un point mobile, c’est le bassin qui est déclencheur de l’étirement. Pour cela il faut apprendre au débutant le passage d’une antéversion (fesse en avant) à une rétroversion (dos plat, fesses en arrière) du bassin (voir exercice 1). Sur une table, une jambe pliée et pendante en bout de table, l’autre tendue en l’air et maintenue droite par un kiné, un coach ou un coéquipier également en appui sur la jambe pliée. En poussant les bras vers le haut, le sujet sollicite particulièrement le psoas (fléchisseur de la hanche) qui est un muscle très utilisé et souvent trop rétracté quand on observe de longues positions assises. Cet exercice permet de gagner en amplitude. L’évolution Un travail continu Si on leur accorde plus de temps durant la préparation physique d’avant-saison, les étirements doivent être réalisés avec régularité pour être efficaces. Quantitativement réguliers quelle que soit la période en ce qui concerne la préparation à l’effort (étirements actifs), les étirements doivent être modulés en fonction des efforts fournis quand il s’agit d’intervenir après un entraînement ou un match (étirements passifs). Durant la préparation estivale, ces derniers constituent 50% du travail de récupération et restent surtout centrés sur les mollets, très sollicités par les courses et les sauts à répétition. Mais s’ils diminuent quelque peu dans le courant de la saison, ils ne doivent échapper à aucun entraînement comme aucun match. À une exception près : les veilles de compétition. En effet, dans ces circonstances, il n’est pas recommandé d’effectuer des étirements passifs car le muscle peut quelque peu s’endormir et ce n’est pas le but recherché alors que l’on veut l’exploiter au maximum dans un laps de temps réduit. Enfin, il est utile pour conclure de rappeler que les étirements nécessitent une culture sportive qui peut et doit être inculquée dès le plus jeune âge. Il faut étirer agoniste et antagoniste, c’est-à-dire que les étire|ents doivent être symétriques. Par exemple, si l’on travaille sur les quadriceps, il faut également solliciter les ischios-jambiers. 6 7 SANS À-COUPS 8 ZEN Le joueur s’étire sans mouvement ressort, l’étirement est progressif pour ne pas provoquer de contraction réflexe de défense. TRAVAIL À LA CHAÎNE On étire une chaîne musculaire et pas un muscle isolé. Lors d’un étirement passif des ischiosjambiers le tronc et les membres supérieurs participent à l’action d’étirement. Il est donc très important de respecter les postures, car le haut du corps permet de bien étirer le bas quand il est bien positionné. Les étirements sont réalisés dans le calme. La concentration et la respiration jouent un rôle primordial pour gagner en amplitude. Les bavardages sont donc proscrits, les effets s’en ressentent d’autant plus… POUR TOUT RENSEIGNEMENT : [email protected] L’anecdote De vrais bons amis En matière d’étirements, le football se met au diapason mais a encore quelques progrès à faire selon Nicolas Dyon et Philippe Boulon. ICOLAS DYON : « Généralement, les joueurs n’aiment pas faire les étirements quand il fait froid, mais un jour à StEtienne j’ai vu le Spartak de Moscou qui s’étirait par -10 pendant plus d’une demiheure ! Les Russes ont l’habitude du froid et ça se voit. En revanche, même chez eux, les étirements avec à-coups qui émanaient des pays de l’Est ont tendance à disparaître. Aujourd’hui, on travaillle le muscle de manière continue et progressive, ce qui permet de réaliser des progrès plus conséquents tout en minimisant les risques. » N étirements reste réduit par rapport à certaines disciplines comme la gym où la souplesse a une importance primordiale. On y accorde de plus en plus d’importance, mais il reste encore pas mal de chemin à faire pour que les joueurs prennent conscience. Les étirements, ce n’est pas forcément marrant, mais ce sont de vrais bons amis pour les muscles. » HILIPPE BOULON : « Généralement les joueurs de football ne sont pas très souples, mais il existe certaines exceptions et un travail qui permet d’effectuer des progrès exceptionnels, surtout au niveau du psoas illiaque et de l’ischio-jambier. Mais le temps accordé au travail des P PAGE 25 / Actufoot.06-n°218