Monsieur le Préfet, Vous n`y échapperez pas, mais c`est de votre faute

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Monsieur le Préfet, Vous n`y échapperez pas, mais c`est de votre faute
Monsieur le Préfet,
Vous n’y échapperez pas, mais c’est de votre faute : quand on
postule un poste de responsabilité comme celui de préfet dans un athénée aussi
prestigieux que l’Athénée Provincial de La Louvière, on s’expose inévitablement à
devoir subir, le jour du grand départ, un ou deux discours officiel(s), placé(s) entre
l’émouvante gerbe de fleurs remise, comme dans les course cyclistes, par la miss
locale et le cadeau dont on se demande ensuite pendant dix ans où on va bien pouvoir
le cacher, avant de le refiler à la tombola de la paroisse ou aux Petits Riens qui
soulagent les détresses.
Eh bien tant pis, vous l’aurez voulu : vous devrez nous écouter
quelques minutes avant de nous offrir ce verre que nous attendons toutes et tous avec
impatience et que nous devinons savoureux malgré l’état désastreux des finances
provinciales et de la Caisse Noire de notre établissement.
Les statistiques de la Communauté Française nous révèlent qu’en
moyenne les préfets y exercent leurs fonctions durant 14 ans et 6 mois. Vous aurez fait
un peu plus court… Mais les statistiques, c’est comme la minijupe : ça donne à rêver
mais ça cache l’essentiel ! Et l’essentiel, c’est donc la qualité et non pas la durée.
L’essentiel, c’’est par exemple le Comité des Élèves que vous avez ardemment soutenu
depuis le début dans ce qu’il faut bien appeler l’indifférence, voire l’hostilité
générales. Or la démocratie ou l’apprentissage de la démocratie, c’est comme la
Sainte Vierge : quand elle n’apparaît pas de temps en temps, le doute s’installe …
Quand Anne et Françoise m’ont proposé de prononcer ces
quelques mots, j’ai d’abord pensé qu’il serait malaisé d’éviter l’évocation des moments
difficiles que nous avons connus ensemble : votre arrivée d’abord, en septembre 96
(j’y reviendrai) ; la confection des horaires et des attributions ensuite, plus ardue que
la constitution de l’Orange bleue : comment concilier en effet, par exemple, le fait que
Ginette devait absolument se rendre chez son coiffeur le vendredi matin alors que
Christian, qui devait la tempérer dans ses ardeurs capillaires multicolores, tenait à
surveiller le rangement impeccable de sa cave à vin. D’autres soucis ? : le pavement
qui se décolle, les murs qui se couvrent de mousse et de tags, les labos de physique
sous eau ; les tuyauteries et les canalisations perforées par la chute intempestive des
décors gréco-romains de Georges Van Campenhout ; le remplacement de 17 portes
de classes martyrisées par Christian Gourmeur sortant furibard de l’une ou l’autre
délibération ; et enfin les soubresauts capricieux de l’informatique, heureusement
maîtrisés par Raymond Delcuve, dit Raymond la Science, Alexis Jonet, dit le Rocco
Siffredi de l’adsl et la souris hypersensible et donc inoubliable de Marianne Linders.
Vous avez fait face à tout cela avec bonhomie et sérénité. Il faut dire
qu’au moment où tous ces tsunamis nous criblaient de soucis, de nombreux élèves
issus de l‘école que vos dirigiez, s’illustraient aux quatre coins de l’Europe dans de
multiples activités sportives, culturelles ou associatives. Ainsi pour ne citer que ceux et
celles qui nous ont rendu visite récemment : la violoniste Claire Lechien, fleuron de
l’Orchestre de la Monnaie ; Flore Eggermont, virtuose de la bande dessinée et auteur
de multiples séries dans le « Spirou », notamment Jack le Sanguinaire, devenu un héros
dans toute l’Afrique ; Anne Maistriau, membre des chœurs et bientôt soliste de l’Opéra
de Metz ; Hannie Ziaei, secrétaire particulière de la Prix Nobel de la Paix Sherin
Ebadi ; Sébastien Laurent, lauréat de multiples concours de dessins et organisateur du
Festival des Arts, Hélène Cambier, violoniste virtuose elle aussi, accompagnatrice de
Miam Monster Miam et chef d’orchestre classique, mais aussi syndicaliste de choc
puisque c’est elle qui négocie avec la Ministre Simonet toute la problématique des
étudiants dans les manières artistiques. Mais la musique, la natation, le dessin, le
design, le football, la diplomatie, l’escrime aussi avec Jonathan Duvivier …. ne doivent
pas nous faire oublier des disciplines parfois injustement méprisées par le grand
public : ainsi, n’est-ce pas sous votre préfectorat éclairé qu’une vaillante triplette
constituée de Louis Eggermont, Eddy Bollue et Octavio Cenerino accéda, dès sa
première participation, aux plays off du Tournoi de Couyon du Café du Chef avant de
conquérir la victoire l’année suivante.
Pour rester dans le domaine sportif, vous avez-vous-même
participé, M. le Préfet, à cette grande classique du calendrier athlétique qui s’appelle
la Corrida de l’Athénée. Oserais-je dire que le temps que vous aviez réalisé ce
samedi-là n’a pas mis en péril le record de l’épreuve, toujours détenu par Eric Solas en
24’15 … Mais l’essentiel n’était-il pas de participer ? Vous n’avez pas renouvelé
l’exploit les années suivantes mais sans doute redoutiez-vous, comme nous tous, la
capiteuse expérience du dossard coquin de Catherine Parent, encore appelé le
dossard aux 18 épingles !
Une belle histoire, commencée le 5 septembre 1971 est peut-être
en train de se terminer aujourd’hui avec votre départ et celui de tant de collègues
depuis quelques mois et dans les semaines à venir. Une autre histoire commence, qui
sera belle aussi et passionnante, mais autre et la génération intermédiaire – Lydia,
Danièle, Marcel, Annie, Karine, Laurence, Pascale, Michel – assurera le relais. Tout est
donc pour le mieux dans le meilleur des mondes et tout n’est pas négatif dans cette
succession des générations pédagogiques. Un exemple ? Alain Lacroix est notre vieux
copain à tous et le restera : ses révélations sur les biorythmes de Michel Gosset m’ont
beaucoup aidé à devancer plusieurs fois celui-ci dans les 20 km de Bruxelles. Mais
Alain nous en voudra-t-il si nous avouons que nous aurions préféré passer une heure
de fourche – sans jeu de mots – avec sa remplaçante Cécile Nopère qu’avec luimême ? Quel beau symbole de la féminisation du métier !
Mais justement, à ce sujet, l’angoisse m’étreint, M. le Préfet : ne
partons-nous pas trop tôt, vous et moi ? Pouvons-nous laisser sans crainte nos jeunes
collègues débutantes : Céline Martinez, Esther Scilia, Isabelle Debari et notre Monica
Bellucci – Claudia Bruni à nous, Carmine Russo, sous la coupe d’un quarteron de
vétérans magnifiques, certes, mais crispés sur leur droit d’aînesse : Michel Bougard,
Guy Chaudron, Alexis Jonet et Christian Gourmeur, encore lui. Ils font partie de la
Société des Silver Back ou Dos Argentés et vous savez que chez les gorilles seuls les
Dos Argentés peuvent se reproduire …
Vous allez donc rejoindre définitivement Béatrice, votre épouse,
mais aussi vos filles Delphine et Virginie, et vos petits-enfants Perinne, Maxence et
Célestine, née hier soir à 19 h., le jour anniversaire de son Papy
, pour
exercer le plus beau métier du monde – et je sais de quoi je parle – celui de grandpère. Vous allez aussi rester d’une manière plus constante auprès d’Elsa,, de Clean et
de Torie, vos trois juments. Que ce dernier mot n’éveille pas la suspicion chichiteuse
des professeurs de morale et de vertu. Je rassure Jacqueline Rectem, notre
Commissaire aux Mœurs, qui a toujours veillé à ce que l’Ordre Moral continue à
régner dans notre Salle des professeurs : quand je dis « juments », le mot est à prendre
au sens propre : l’élevage des chevaux de trait est en effet une passion à laquelle vous
allez dorénavant vous livrer avec plus d’enthousiasme encore.
Laissez-moi terminer en m’inspirant du très beau texte que
Monique Vandensavel vous avait adressé lors de ses adieux en juin 2006. En
septembre 96, nous vous avions accueilli d’une manière glaciale : nous sortions
meurtris d’un très long conflit contre les mesures Onkelinx et la désignation d’un
préfet extérieur à l’Athénée pour succéder à Jean-Pierre Janssens nous semblait une
humiliation supplémentaire. Nous vous avions laissé dans ce local où nous sommes
pour aller réchauffer nos souvenirs d’anciens combattants syndicaux en suivant
Philippe Van Hoenacker à la 45. Malgré ce lourd handicap initial, vous avez peu à peu
gagné notre estime : c’est pour moi le plus bel hommage que nous pouvions nous
rendre à l’issue de cette journée, de ce GME, Grand moment d’émotion, qui restera à
tout jamais pour vous - croyez-en ceux qui comme moi sont passés par là – une
journée lumineuse très particulière.
Francis DELMOTTE 21 décembre 2007

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