Salviac - Patrimoine Lot
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Salviac - Patrimoine Lot
patrimoine architectural Salviac Église Saint-Jacques le-Majeur Les trésors d’un édifice restauré SOMMAIRE Salviac, une cité médiévale en Bouriane Pages 4 et 5 En septembre 2007, l’inauguration de l’église SaintJacques-le-Majeur de Salviac marquait le terme d’un chantier initié quinze ans plus tôt. Celui-ci a profondément modifié l’aspect intérieur de cet édifice construit au XIIIe siècle et classé parmi les Monuments historiques. Près de 1 million d’euros fut mobilisé par la municipalité de Salviac avec le concours de l’association de sauvegarde de l’église, de l’État, du Conseil régional de Midi-Pyrénées et du Conseil général du Lot. Cela permit de consolider les maçonneries supportant le poids du clocher, remettre en état les parements intérieurs, reprendre les peintures murales, nettoyer et réajuster les fragments de vitraux, restaurer les retables, statues et tableaux. À l’heure d’une redistribution des rôles et d’une implication de plus en plus forte des collectivités territoriales dans le domaine du patrimoine, le Conseil général du Lot propose de revenir sur un chantier exemplaire conduit sous la direction du Ministère de la Culture et de la Communication. À Salviac furent mobilisés savoir-faire traditionnels et, parfois, des technologies plus modernes. Travaux forcément uniques en raison des spécificités de l’édifice et de son état de conservation, mais aussi représentatifs de la réflexion et des choix qui accompagnent le temps nécessairement long de la restauration. Un monument à la charnière entre deux styles (XIIIe siècle) Pages 6 et 7 Des vitraux consacrés au martyre d’un saint guérisseur (XVIe siècle) Pages 8 et 9 Des retables témoins de l’âge baroque (XVIIIe siècle) Pages 10 et 11 e Un décor peint néogothique (XIX siècle) Pages 12 et 13 e e Le temps de la restauration (XX et XXI siècles) Pages 14 et 15 Ce guide de découverte tâche d’embrasser les principales richesses de l’église de Salviac, à travers un parcours de visite progressif, depuis la vue la plus générale sur son architecture jusqu’à l’exploration minutieuse de ses trésors intérieurs. 2 3 SALVIAC, UNE CITÉ MÉDIÉVALE EN BOURIANE L’église Saint-Jacques-le-Majeur se dresse au-dessus des toits de Salviac, aujourd’hui bourgade d’un millier d’habitants, véritable petite ville au Moyen Âge. Un fief de la baronnie des Gourdon En 1337, on dénombrait 460 feux derrière les murs de Salviac, et pas moins de 1255 familles disséminées dans la proche campagne correspondant à l’actuelle commune. Signe de son importance, nobles et bourgeois peuplaient ce chef-lieu d’un des quatorze archiprêtrés du Quercy, circonscription religieuse regroupant plus d’une trentaine de paroisses. Les textes anciens hésitent d’ailleurs entre les termes villa et castrum, privilégiant tantôt la dimension urbaine, rappelant tantôt l’empreinte féodale de la cité. Les puissants barons de Gourdon sont à l’origine de sa fondation, sans doute dès le Xe ou le XIe siècle, au fond d’une petite vallée fertile affluent du Céou, sur un terroir mis en culture depuis l’Antiquité. Leur château fut largement détruit et la morphologie actuelle de Salviac n’en conserve que peu de traces. Aujourd’hui, l’agglomération est essentiellement marquée par le maillage serré de maisons médiévales à proximité de l’église et par le réduit circulaire autour de la turris de cazetas, dite aussi château Lacoste, maison noble érigée au XIIIe siècle par un chevalier vassal des barons à l’emplacement du castrum primitif. Porte médiévale P lan schématique de la ville médiévale de Salviac 5 Vers Le Vigan Ruisseau de Paques 3 OTSI Vers Cahors Mairie 1 2 1 2 Vers Cazals 4 3 4 5 4 Église Saint-Jacques-le-Majeur (XIIIe siècle) Emplacement supposé du castrum primitif entouré de fossés Château de Lacoste implanté sur l'ancienne tour des Cazettes (XIIIe siècle) Château des barons de Salviac au XIVe siècle Chapelle Notre-Dame de l'Olm (XVIe siècle) Emprise approximative de la ville médiévale. Des héritiers à l’origine de la construction de l’église ? En 1246, la seigneurie de Salviac est transmise par Guillaume de Gourdon à son gendre Aymeric de Malemort, sénéchal du roi en Quercy. Elle est ensuite vendue en 1310 à la famille Balène, avant d’être achetée en 1337 par Philippe de Jean, seigneur des Junies, qui fait de Salviac sa résidence habituelle. Issus d’une famille de caorsins, riches marchands anoblis de Cahors, Philippe et son oncle Gaucelm de Jean, cardinal-évêque d’Albano (Italie), fondateur du monastère des Junies, ont longtemps été considérés comme les commanditaires de l’actuelle église Saint-Jacques-le-Majeur ; ils ne sont cependant responsables que de simples remaniements dans un édifice construit près d’un siècle plus tôt, au milieu du XIIIe siècle. Peu avant 1387, la cité échoue dans les mains des Cazeton, qui portent désormais le titre de barons de Salviac ; ils la transmettent à partir de 1438 aux Durfort, qui la conservent jusqu’à la Révolution. Rocamadour Gourdon Salviac Cazals Figeac CONQUES LE PUY EN VELAY AGEN LA ROMIEU Cahors Itinéraire secondaire via Rocamadour Itinéraire principal via Figeac et Cahors MOISSAC TOULOUSE Sur les chemins de Saint-Jacques de Compostelle C arte du Lot et des chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle. édaillon avec personnage en buste sur la façade M Renaissance de la chapelle Notre-Dame de l’Olm. Salviac est une des seules églises du Lot, avec celles de Calès, Grèzes et Pomarède, consacrées au patron des pèlerins, l’apôtre du Christ qui aurait reçu, le jour de la Pentecôte, la mission d’évangéliser l’Espagne. Si son tombeau fut découvert en Galice au IXe siècle, le pèlerinage vers Compostelle ne se développe réellement qu’au XIIe siècle, dans un contexte de reconquête chrétienne des territoires espagnols placés sous domination musulmane. À côté de l’itinéraire principal partant du Puy-en-Velay, Salviac devient une étape du chemin secondaire menant à Rocamadour, haut lieu de vénération de la Vierge Noire. Les pèlerins arrivant de Gourdon passaient devant la chapelle Notre-Dame de l’Olm, pour rentrer dans la cité, et repartaient en direction de Cazals puis Agen, pour retrouver l’itinéraire principal à La Romieu, peu avant Condom. Malmenée et transformée en temple de la Raison pendant la Révolution, souffrant des assauts du temps et laissée sans entretien, l’église de Salviac est dans un état déplorable tout au long du XIXe siècle, selon les sources écrites de l’époque. La valeur patrimoniale de l’édifice est cependant reconnue dès 1913, grâce au classement parmi les Monuments historiques qui lance, dès lors, près d’un siècle de travaux de restauration. 5 EXTÉRIEUR -INTÉRIEUR UN MONUMENT À LA CHARNIÈRE ENTRE DEUX STYLES (XIIIe SIÈCLE) Trapue, l’église de Salviac est une des rares du Lot à être entièrement couverte en lauzes calcaires. C’est aussi a priori la seule à disposer d’une charpente en béton armé, posée en 1961-1962 pour remédier, en vain, aux problèmes suscités par la fragilité et la perméabilité de ce matériau. Une architecture librement inspirée du gothique français L e portail ouest en arc brisé se distingue par sa triple voussure surmontée d’une archivolte ornée de motifs de style roman. Le haut clocher rectangulaire, les corbeaux à double enroulement sous la toiture du chevet, la coupole nervée du chœur, les croisées d’ogives, les bases carrées des colonnes dans la nef : ces dispositions de l’église de Salviac évoquent l’art gothique, qui pénètre progressivement le comté de Toulouse, bientôt rattaché au royaume de France. Guillaume de Gourdon, qui a fait allégeance à Louis IX en 1243, ou son héritier Aymeric de Malemort, représentant du roi en Quercy, sont probablement à l’origine de la construction de cette église, qu’ils ont sans doute souhaitée en « style français ». Elle n’a cependant rien de comparable avec la cathédrale de Saint-Denis ou la Sainte Chapelle à Paris : des murs épais, percés seulement de quelques fenêtres et renforcés de contreforts plats, lui donnent une allure massive, caractéristique du gothique du Midi, soulignée par les lignes horizontales des corniches. Quelques éléments de sculpture, permanence du roman languedocien La régularité de l’appareil de calcaire blanc laisse à l’extérieur peu de place à des motifs sculptés particulièrement discrets. Les palmettes ornant l’archivolte des portails et les billettes autour de la grande rose appartiennent ostensiblement au vocabulaire de l’art roman du siècle précédent. Contemporaines et parfaitement liées à la construction, elles ne peuvent toutefois être le fruit d’un remploi. La présence de tels décors traduit l’attachement aux formes traditionnelles, face à l’arrivée d’une nouvelle architecture qui ne parvient pas à s’affirmer pleinement. 6 Elle atteste surtout d’une divergence entre le concepteur de l’édifice et les artisans chargés du chantier, de cultures ou d’origines différentes. Manifestation de ces antagonismes, l’église de Salviac a sans doute été érigée entre 1240 et 1260, à l’heure où le style roman s’efface, comme c’est aussi le cas dans le chœur des cathédrales de Cahors et Agen, l’église de Rudelle ou la lanterne des morts de Sarlat. L’architecture gothique ne s’est réellement épanouie en Quercy qu’à partir de la fin du XIIIe siècle à travers, localement, les églises de Léobard (monastère cistercien de l’Abbaye Nouvelle), du Vigan (collégiale Notre-Dame) puis de Gourdon (églises Saint-Pierre et des Cordeliers). Milieu XIIIe siècle (1240 - 1260 ?) Seconde moitié XIIIe siècle Fin XIIIe siècle XIVe siècle XIXe siècle Des chapelles rajoutées postérieurement L’église primitive était composée d’un chœur, d’un faux transept bordé de deux petites chapelles et d’une grande nef à trois travées. Peu de temps après fut rajoutée au Nord une grande chapelle carrée, possédant un enfeu extérieur où l’on retrouve les même motifs de palmettes romanes, suivie d’une seconde chapelle de taille similaire au Sud dont les voûtes et culots sculptés sont par contre caractéristiques de la fin du XIIIe siècle. La symétrie du plan en croix latine est aussi rompue par la présence de la chapelle Saint-Eutrope, grand volume carré érigé au cours du XIVe siècle contre la façade sud de la nef. Aujourd’hui ouverte par le seul portail ouest, celle-ci était percée de deux petites portes latérales en arc brisé, rapidement bouchées par des fenêtres en plein cintre serties de grilles à moustaches, elles-mêmes condamnées par le rajout au XIXe siècle d’une sacristie et d’une chapelle. Les maçonneries intérieures de la nef ont quant à elles été piquées en 1971 et restaurées au cours des années 1990, faisant alors le choix de laisser la pierre apparente. otifs romans sur la façade ouest : corde tressée M et palmettes sur l’archivolte du portail ; billettes sur la voussure de la rose. otifs gothiques à l’intérieur : demi colonne M engagée reposant sur une base carrée ; clé de voûte du chœur ornée de l’Agneau pascal avec des peintures médiévales sur les nervures. 7 CHAPELLE SAINT-EUTROPE DES VITRAUX CONSACRÉS AU MARTYRE D’UN SAINT GUÉRISSEUR (XVIe SIÈCLE) À droite de l’entrée principale, la chapelle sud bordant la nef a fait l’objet d’une mise à nu des murs au début des années 2000, travaux qui ont permis d’y découvrir diverses armoires liturgiques et placards muraux. Une chapelle de pèlerinage La chapelle Saint-Eutrope présente aujourd’hui trois enfeus jusqu’alors obstrués, dont l’un conserve quelques traces ténues d’un décor peint médiéval. Aménagées dans les murs, ces grandes niches en arc brisé ont peutêtre servi de sépulture à la famille de Jean qui reçut en 1381 l’autorisation du pape Clément V d’être enterrée dans l’église de Salviac. Témoin de la réussite sociale et financière des seigneurs de Salviac à la fin du XIVe siècle, cette bulle papale a sans doute induit en erreur les historiens locaux qui attribuaient aux de Jean l’édification de l’église. En 1326, Salviac accueillait d’après les textes des pèlerins venus implorer saint Eutrope, un des sept mythiques saints fondateurs de l’Église de Gaule, réputé guérir les estropiés et les hydropiques (personnes présentant une maladie de peau). Au centre du retable ornant la chapelle, une statue en bois polychrome de la fin du XVIIIe siècle le représente dans les attributs de sa fonction épiscopale de premier évêque de Saintes (Charentes). Le culte de saint Eutrope est attesté à Salviac par de nombreux documents anciens et se poursuit jusqu’au XIXe siècle avant de tomber en désuétude. Une verrière, entre légende et réalité Deux niches du XIVe siècle. étail du vitrail ouest de la chapelle sud, figurant D probablement le corps dénudé de saint Eutrope. Localisation des vitraux anciens. statue de saint Eutrope porte la crosse et la mitre La des évêques. 8 Dans cette chapelle, le vitrail orienté à l’ouest figure très vraisemblablement le martyre de saint Eutrope, fouetté, lapidé et frappé d’un coup de hache sur la tête pour avoir converti Eustelle, fille d’un gouverneur romain du Ier siècle après J.-C. Une légende tenace est pourtant née au XIXe siècle, croyant y reconnaître au contraire le supplice de l’évêque de Cahors, Hugues de Géraldi. L’histoire rapporte en effet un différend entre la famille de Jean et ce prélat, condamné en 1317 à être écorché vif et brûlé : au début du XIXe siècle, les habitants de Salviac pensaient que leur ancien seigneur avait fait figurer ce supplice sur les grandes verrières en même temps qu’il aurait fait érigé l’édifice. Cette hypothèse est néanmoins incompatible avec la chronologie, les vitraux ayant sans doute été commandés par les Durfort au début du XVIe siècle. Une mosaïque peu lisible Vandalisés pendant la Révolution, les vitraux ont été maladroitement recomposés dans cinq baies en 1870 par un verrier improvisé. Ils forment aujourd’hui une sorte de puzzle inintelligible, qui ne permet pas d’identifier avec certitude les personnages. Certains d’entre eux sont cependant reconnaissables par leurs attributs. Ainsi, la figure de l’évêque de Saintes semble peupler plusieurs verrières, auréolé et coiffé d’une mitre, représenté soumis au supplice, nu et les mains liées, ailleurs vêtu d’une chape rouge ou violette. D’autres personnages se démarquent par leur taille, tel le Christ auréolé sous le corps martyrisé de saint Eutrope, ou encore saint Blaise, identifié par un cartouche aux lettres gothiques dans le bras nord du transept. Dans la nef, surmontant une femme en pleurs, le chevet d’une église est peint sur le verre, tandis que de très nombreux éléments architecturaux intérieurs et extérieurs, fenêtres à remplage, tours, voûtes, carrelages... sont dispersés dans l’ensemble des vitraux. Les couleurs chaudes, le rendu des reliefs, l’expression des visages et les motifs d’architecture s’inscrivent dans le même style, caractéristique du début de la Renaissance, que les célèbres vitraux d’Auch, exécutés entre 1507 et 1513 par l’atelier d’Arnaud de Moles, ou encore ceux de Martel, réalisés en 1511-1512 par un maître verrier dénommé Redon. itrail sud de la nef figurant différents personnages sous le visage V d’une femme en pleurs pouvant être sainte Eustelle. Figure de saint Blaise (vitrail du bras nord du transept). étail de la grande verrière de l’église Saint-Maur de Martel, D figurant le corps blafard du Christ au moment de la Flagellation. 9 BRAS NORD DU TRANSEPT DES RETABLES TÉMOINS DE L’ÂGE BAROQUE (XVIIIe SIÈCLE) Face au vitrail portant le monogramme entrelacé du Christ et la Vierge, le retable latéral nord est peut-être l’œuvre, au début du XVIIIe siècle, des ateliers de la famille Tournié, sculpteurs installés à Gourdon et dont la renommée s’étendait au-delà des frontières du Quercy. La plupart du mobilier baroque a connu à la fin du XIXe siècle une importante remise en peinture, conservée telle quelle lors de la dernière campagne de restauration en 2002. Un livre d’images mettant en exergue la Crucifixion Suite au Concile de Trente (1545-1563), l’Église catholique entreprit pour contrer la religion protestante une réforme de ses institutions et réaffirma les fondements de la foi chrétienne, reposant notamment sur le culte des images. Le retable devint alors un instrument de cette reconquête et un outil d’éducation du peuple. La Passion du Christ, sujet général du retable nord, est un des thèmes privilégiés de la Contre-Réforme catholique. Le Christ sur la croix est entouré de Marie et de saint Jean, qui tournent vers lui un regard implorant. Au-dessus de la corniche, Dieu le Père, parmi les nuées, ouvre les bras pour accueillir son fils. Les traits de son visage sont imprégnés de désolation, tandis que Jésus apparaît plus serein. Au-dessus du tabernacle, quatre anges sculptés en rondebosse portent les instruments de la Passion, tandis que le Christ de la résurrection s’élève vers les cieux. Les figures des quatre évangélistes entourent une Vierge à l’Enfant, complétées par deux scènes de l’Arrestation et de la Flagellation. Le retable de la Crucifixion. L es yeux expressifs ou le foisonnement des cheveux et de la barbe de Dieu le Père sont caractéristiques de la sculpture des Tournié. Panneau sculpté latéral gauche figurant l’Arrestation. 10 Une architecture en miniature Empreinte d’émotions, cette iconographie témoigne de la théâtralité et du sens de la mise en scène caractéristiques de l’art baroque. Soulignée par quelques touches de dorures, la structure du retable se compose de motifs inspirés de l’architecture monumentale, tels que les colonnes torsadées, l’entablement surmonté d’un fronton curviligne ou la travée verticale entourée de petites volutes qui évoquent la façade d’une église. Dans le bras sud du transept, la composition architecturale prend presque le pas sur le message liturgique, porté uniquement par la monumentale statue de Piéta où le corps du Christ s’écroule aux pieds de la Vierge. Placées en quinconce, les quatre colonnes torses où des putti se mêlent aux feuilles de vigne constituent l’une des plus remarquables sculptures du Quercy baroque. Ces deux autels secondaires ne formaient pourtant pas la pièce majeure de l’église de Salviac, dont le chœur était vraisemblablement jusqu’à la Révolution meublé d’un maître-autel consacré à saint Jacques le Majeur. Seule la dimension des trois statues parvenues jusqu’à nous laisse imaginer la monumentalité de ce retable disparu, placé derrière une balustrade en pierre servant aujourd’hui de clôture dans les bras du transept. Les figures de saint Pierre et saint Paul ont été entièrement repeintes au XIXe siècle, par la même main qui restaura l’ensemble des polychromies et dorures des retables, vraisemblablement abîmées et plus au goût du jour, en même temps qu’elle exécuta des peintures sur l’ensemble des murs de l’édifice. S tatue en ronde-bosse du retable sud figurant la Vierge de Pitié. F igures humaines parmi les pampres des colonnes du retable sud. É lément de balustrade, datant du XVIIe siècle, initialement dans le chœur et remployé dans le bras sud du transept. 11 BRAS SUD DU TRANSEPT UN DÉCOR PEINT NÉOGOTHIQUE (XIXe SIÈCLE) Derrière le retable de la Piéta, le mur porte la signature manuscrite d’Albert Bertoletti, peintre d’origine italienne installé en Dordogne. La fabrique paroissiale de Salviac lui avait commandé en 1871 la réalisation de peintures dans l’intégralité de l’église. Ayant subi d’importants dégâts des eaux, ces décors n’ont été conservés et restaurés que dans les bras du transept. Des motifs géométriques appliqués au pochoir oûte étoilée dans V le bras sud du transept. F igure de la Vierge des Sept Douleurs, sur l’arc d’entrée du bras sud du transept. ochoir recouvert de P fusain utilisé pour les fleurs bleues derrière le retable sud. Trois ans furent nécessaires au jeune Bertoletti, âgé seulement de dix-neuf ans au début du chantier, pour mener à bien un projet qu’il avait au préalable esquissé sur des feuilles volantes et des calques lui servant de modèles reproductibles. Les nombreux pochoirs étaient simplement épinglés à même l’enduit de plâtre, avant d’être surlignés au fusain pour y tracer sommairement les figures souhaitées. Dans le bras sud, les murs se parent d’un carroyage régulier, constitué de losanges aux lettres rouges alternant avec des fleurs bleues pâles sur un fond beige. Au contact des colonnes, le décor se transforme en frises végétales, grimpant ensuite sur les nervures aux teintes d’or, faisant écho aux étoiles des voûtains peints d’un bleu vif. En face, des motifs de facture similaire structurent de la même façon différents registres horizontaux et soulignent l’architecture gothique. Seuls les arcs séparant ces chapelles de la nef portent des figures plus travaillées, un grand calice ou une Vierge des Sept Douleurs, représentées parmi des cartouches alternativement ronds et allongés, ornés de grandes fleurs dorées, de croix ou de rubans gris plissés. Un choix de teintes vives Aujourd’hui, une ambiance colorée bleue-verte caractérise le bras nord du transept, alors que dominent au sud des tonalités plus rouges. Dans le chœur et la nef, le dégagement des décors du XIXe siècle en très mauvais état permit de retrouver, au cours des années 1990, quelques traces de peintures murales plus anciennes, datant sans doute de la fin du Moyen Âge. L’alternance de coloris vifs, néanmoins différents des motifs modernes, contraste avec la nudité actuelle des pierres. Les retables baroques furent aussi restaurés par Bertoletti, ainsi que les deux statues du chœur sur lesquelles il appliqua les mêmes teintes vives que pour les murs, bleues, rouges ou vertes, rehaussées d’étoiles et de galons dorés. Les peintures murales assurent une transition entre l’architecture et les retables, renforçant l’impression d’un foisonnant décor de théâtre. Un décorum caractéristique du goût de l’époque Ces peintures s’inscrivent dans un programme global de remise en valeur de l’église, décidé à la fin du XIXe siècle par la communauté religieuse de Salviac. Si la municipalité prit en main les travaux sur l’enveloppe architecturale, les fidèles de la paroisse contribuèrent au renouvellement progressif du très important mobilier liturgique intérieur : autels en pierre et plâtre, chaire monumentale, tableaux pieux, chemin de croix et statues saint-sulpiciennes témoignent encore aujourd’hui de cette période faste. Le décor néogothique de l’église a été parachevé par la commande en plusieurs temps de nouveaux vitraux, auprès de l’atelier toulousain de LouisVictor puis Henri Gesta. Voisinant la verrière ancienne dans la chapelle sud, une grande baie reprend le thème du martyre de saint Eutrope et témoigne de la permanence du culte guérisseur. Une petite fenêtre de la chapelle bordant le chœur au nord rappelle enfin la localisation de l’édifice sur les chemins de pèlerinage de Saint-Jacquesde-Compostelle. Vitrail figurant saint Jacques en prière devant Notre-Dame du Pilar. Vue générale intérieure (carte postale, années 1950 ?). Statue de saint Paul avec ses décors peints du XIXe siècle. S ignature manuscrite de Bertoletti sur un des calques. 12 13 CHŒUR LE TEMPS DE LA RESTAURATION (XX ET XXIe SIÈCLES) e Au-dessus de l’autel moderne du chœur, la statue de saint Jacques le Majeur a retrouvé la place qu’elle occupait sans doute à l’origine, au centre du retable majeur. Seul objet de la période de l’époque baroque à ne pas avoir été repeint au XIXe siècle, il a connu une restauration en 2007, dernier épisode concluant le long chantier de l’église de Salviac. Le saint patron de l’église et protecteur des pèlerins La statue dans le caisson d’irradiation du CEA à Grenoble. D étail du visage avant restauration. L a statue de saint Jacques dans le chœur. Mesurant 1,95 m de haut, le saint est représenté «grandeur nature», vêtu en habits de pèlerin. Il porte un surcot orné de deux coquilles Saint-Jacques et une pèlerine, long manteau retombant sur son épaule, ainsi que des chausses nouées de sangles. Il tient dans sa main droite un bourdon, bâton de marche terminé par une boule, auquel est attachée une calebasse servant de gourde. Ses yeux révulsés par l’extase, le foisonnement des cheveux, l’index pointé vers les cieux et la qualité des drapés en font une œuvre sculptée de grande qualité, similaire à d’autres statues lotoises attribuées avec certitude aux Tournié, telles qu’à Lherm ou Gourdon. La technologie moderne au service d’une œuvre ancienne Lauréate du concours 2006 organisé par le Commissariat à l’Énergie Atomique (CEA) et l’association des maires de France, la municipalité de Salviac s’est vue offrir la restauration de la statue de saint Jacques. Conduite à Grenoble par l’atelier régional de conservation ArcNucléart, cette opération a bénéficié d’une technique unique en France, l’exposition radioactive aux rayons gamma, destinée à éradiquer sans produit chimique tout insecte xylophage ou champignon. Après un décrassage et un lent nettoyage des ors et des polychromies, les dorures manquantes ont été partiellement restituées par la pose d’une aquarelle, afin de ne pas perturber la lecture globale de l’œuvre. Cela permet aujourd’hui de distinguer de près l’or ancien des ajouts modernes. Conformément à la déontologie, il fut enfin décidé de ne pas remodeler le nez cassé du personnage, considérant que cet accident de l’histoire n’altère en rien la compréhension du visiteur mais suscite au contraire son imagination. 14 Un siècle de travaux Les registres des délibérations de la commune de Salviac regorgent depuis le début du XIXe siècle de plaintes sur le mauvais état de l’église et de projets de travaux de réfection des couvertures. Obtenu en 1913, le classement parmi les Monuments historiques a permis la réalisation de travaux financés par les ministères des Beaux-Arts puis de la Culture : dès lors, architectes en chef des Monuments historiques et architectes des Bâtiments de France se penchèrent à tour de rôle sur l’église, chacun restant néanmoins confronté au problème récurrent des infiltrations par la toiture. Entre 1960 et 1989, les travaux consistèrent essentiellement en la restauration extérieure du bâtiment : consolidation de la couverture, remplacement de la charpente en bois par une structure en béton armé, assainissement des murs. Les décors intérieurs subirent néanmoins les assauts du temps et pâtirent de l’absence d’intérêt pour l’art du XIXe siècle : en 1971, les jeunes bénévoles du Club du Vieux Manoir furent appelés pour piquer sur une hauteur de 4 à 6 m l’intégralité des peintures murales de la nef et du chœur. Un changement de sensibilité intervint à la fin des années 1990, alors que le chantier de restauration intérieure était déjà engagé et avait conduit à la mise à nu des maçonneries. Signe d’une évolution de la conscience patrimoniale des professionnels et des habitants, il fut alors fait le choix de conserver et restaurer les décors néogothiques des bras du transept, en bien meilleur état. Parallèlement à la restauration de la chapelle Saint-Eutrope, les vitraux anciens firent en 2003 l’objet d’un nettoyage et d’un changement de plombs. A la suite des retables et des grandes statues, dont les décors du XIXe siècle furent conservés, le mobilier religieux de l’église fut à son tour progressivement restauré : panneau sculpté de la Visitation du XVIIe siècle, toile peinte du XVIIIe siècle figurant la Mise au tombeau, chemin de croix du XIXe siècle... La vie d’un édifice tel que l’église Saint-Jacques-leMajeur de Salviac ne s’arrête cependant pas à la fin d’un tel chantier. Des travaux réguliers d’entretien des maçonneries et couvertures restent essentiels pour assurer la transmission de l’édifice aux générations futures, de même que la surveillance et la mise en valeur des objets d’art qu’il renferme. Chantier de restauration des lauzes de la nef (années 1950). E xtrait du livre des comptes de la fabrique paroissiale de Salviac, listant les travaux financés entre 1860 et 1873. Le chœur vu en 1991 avant travaux. 15 Le Ministère de la Culture et de la Communication a pour mission de protéger le patrimoine, de programmer et surveiller les travaux de restauration et d’entretien sur les immeubles et objets classés ou inscrits parmi les Monuments historiques. La direction régionale des Affaires culturelles de MidiPyrénées (conservation régionale des Monuments historiques) a mené entre 1992 et 2006 pour le compte de la commune de Salviac les travaux de restauration de l’église Saint-Jacques-le-Majeur. Le Conseil régional de Midi-Pyrénées apporte son soutien financier aux travaux de restauration des édifices et objets mobiliers, protégés ou non, appartenant aux communes et particuliers. Il a en charge depuis 2004 l’Inventaire général du patrimoine culturel qu’il mène en partenariat avec les départements et les autres collectivités locales. Le Conseil général du Lot est la seule collectivité en France à expérimenter entre 2007 et 2010 une décentralisation des crédits auparavant affectés par l’État à la sauvegarde des Monuments historiques. Il mène depuis 2005 une opération d’inventaire et d’étude de l’architecture médiévale du Lot, ayant permis de renouveler la connaissance sur l’église de Salviac. Bibliographie L’église Saint-Jacques-le-Majeur n’a pas fait l’objet de publications scientifiques récentes. On consultera donc essentiellement les références suivantes sur l’histoire de Salviac et de l’édifice : - C hanoine Edmond Albe, Autour de Jean XXII, les familles du Quercy, 1902. -G uillaume Lacoste, Histoire générale de la province de Quercy, 1883-1886. -B aron Chaudruc de Crazannes, « Rapport au Ministère des Beaux-Arts sur les vitraux de Salviac (1838) », in Annuaire du Lot, 1840. -A rticles publiés dans le Bulletin de la Société des Études du Lot par Jean Lartigaut (« La baronnie de Salviac », 1992), Pierre Dalon (« Le culte de saint Eutrope dans le diocèse de Cahors. XIIIe-XXe siècle », 2003) et Patrice Foissac (« La paroisse de Salviac en 1388-1389 d’après les comptes de G. de Saint Clair », 2007). - Les Études préalables avant travaux et Dossiers des ouvrages exécutés établis par les architectes en chef des Monuments historiques François Corrouge (1991, 1999) et Jean-Louis Rebière (2001, 2006), DRAC Midi-Pyrénées. Remerciements Jean-Pierre Cabanel et le conseil municipal de Salviac, Alain Faucon et l’association de sauvegarde de l’église de Salviac, Louis Ducombeau, Gilles Séraphin, Maurice Scelles, Jean-Louis Rebière, la Conservation régionale des Monuments historiques, le Service Départemental de l’Architecture et du Patrimoine du Lot. Textes et coordination : Cyrielle Olivier, Nicolas Bru Service Culture - Patrimoine historique Conseil général du Lot Cette brochure a été réalisée par le Conseil général du Lot avec le concours financier du Conseil régional de Midi-Pyrénées dans le cadre d’un partenariat dans le domaine du patrimoine entre 2008 et 2010. Découvrez le patrimoine du Lot sur le site www.patrimoine-lot.com Crédits iconographiques : Nelly Blaya pour Conseil général du Lot, 2008 ; sauf page 4 : Gilles Séraphin, pages 13 et 15 (carte postale et document d’archives) : collection particulière de Louis Ducombeau, page 14 : Arc-Nucléart, CEA 2007, page 15 (photographies) : Étienne Cuquel (SDAP du Lot), François Corrouge (DRAC Midi-Pyrénées). Maquette : Studio-Bacharach Impression : 2009 - n°3