Salviac - Patrimoine Lot

Transcription

Salviac - Patrimoine Lot
patrimoine architectural
Salviac
Église Saint-Jacques
le-Majeur
Les trésors
d’un édifice
restauré
SOMMAIRE
Salviac,
une cité médiévale en Bouriane
Pages 4 et 5
En septembre 2007, l’inauguration de l’église SaintJacques-le-Majeur de Salviac marquait le terme d’un
chantier initié quinze ans plus tôt. Celui-ci a profondément
modifié l’aspect intérieur de cet édifice construit au
XIIIe siècle et classé parmi les Monuments historiques.
Près de 1 million d’euros fut mobilisé par la municipalité
de Salviac avec le concours de l’association de sauvegarde
de l’église, de l’État, du Conseil régional de Midi-Pyrénées
et du Conseil général du Lot.
Cela permit de consolider les maçonneries supportant
le poids du clocher, remettre en état les parements
intérieurs, reprendre les peintures murales, nettoyer et
réajuster les fragments de vitraux, restaurer les retables,
statues et tableaux.
À l’heure d’une redistribution des rôles et d’une
implication de plus en plus forte des collectivités
territoriales dans le domaine du patrimoine, le Conseil
général du Lot propose de revenir sur un chantier
exemplaire conduit sous la direction du Ministère de la
Culture et de la Communication. À Salviac furent mobilisés
savoir-faire traditionnels et, parfois, des technologies plus
modernes.
Travaux forcément uniques en raison des spécificités
de l’édifice et de son état de conservation, mais
aussi représentatifs de la réflexion et des choix qui
accompagnent le temps nécessairement long de
la restauration.
Un
monument à la charnière
entre deux styles (XIIIe siècle)
Pages 6 et 7
Des
vitraux consacrés au martyre
d’un saint guérisseur (XVIe siècle)
Pages 8 et 9
Des
retables témoins de l’âge baroque
(XVIIIe siècle)
Pages 10 et 11
e
Un
décor peint néogothique (XIX siècle)
Pages 12 et 13
e
e
Le
temps de la restauration (XX et XXI siècles)
Pages 14 et 15
Ce guide de découverte tâche d’embrasser les principales
richesses de l’église de Salviac, à travers un parcours de
visite progressif, depuis la vue la plus générale sur son
architecture jusqu’à l’exploration minutieuse de ses trésors
intérieurs.
2
3
SALVIAC, UNE CITÉ MÉDIÉVALE
EN BOURIANE
L’église Saint-Jacques-le-Majeur se dresse au-dessus
des toits de Salviac, aujourd’hui bourgade d’un millier
d’habitants, véritable petite ville au Moyen Âge.
Un fief de la baronnie des Gourdon
En 1337, on dénombrait 460 feux derrière les murs de
Salviac, et pas moins de 1255 familles disséminées
dans la proche campagne correspondant à l’actuelle
commune. Signe de son importance, nobles et bourgeois
peuplaient ce chef-lieu d’un des quatorze archiprêtrés
du Quercy, circonscription religieuse regroupant plus
d’une trentaine de paroisses. Les textes anciens hésitent
d’ailleurs entre les termes villa et castrum, privilégiant
tantôt la dimension urbaine, rappelant tantôt l’empreinte
féodale de la cité. Les puissants barons de Gourdon sont
à l’origine de sa fondation, sans doute dès le Xe ou le
XIe siècle, au fond d’une petite vallée fertile affluent du
Céou, sur un terroir mis en culture depuis l’Antiquité. Leur
château fut largement détruit et la morphologie actuelle
de Salviac n’en conserve que peu de traces. Aujourd’hui,
l’agglomération est essentiellement marquée par le
maillage serré de maisons médiévales à proximité de
l’église et par le réduit circulaire autour de la turris de
cazetas, dite aussi château Lacoste, maison noble érigée
au XIIIe siècle par un chevalier vassal des barons
à l’emplacement du castrum primitif.
Porte
médiévale
P
lan schématique de la ville médiévale
de Salviac
5
Vers Le Vigan
Ruisseau de Paques
3
OTSI
Vers Cahors
Mairie
1
2
1
2
Vers Cazals
4
3
4
5
4
Église Saint-Jacques-le-Majeur (XIIIe siècle)
Emplacement supposé du castrum primitif
entouré de fossés
Château de Lacoste implanté sur l'ancienne
tour des Cazettes (XIIIe siècle)
Château des barons de Salviac au XIVe siècle
Chapelle Notre-Dame de l'Olm (XVIe siècle)
Emprise approximative de la ville médiévale.
Des héritiers à l’origine
de la construction de l’église ?
En 1246, la seigneurie de Salviac est transmise
par Guillaume de Gourdon à son gendre
Aymeric de Malemort, sénéchal du roi en
Quercy. Elle est ensuite vendue en 1310 à la
famille Balène, avant d’être achetée en 1337
par Philippe de Jean, seigneur des Junies, qui
fait de Salviac sa résidence habituelle.
Issus d’une famille de caorsins, riches
marchands anoblis de Cahors, Philippe et
son oncle Gaucelm de Jean, cardinal-évêque
d’Albano (Italie), fondateur du monastère des
Junies, ont longtemps été considérés comme
les commanditaires de l’actuelle église
Saint-Jacques-le-Majeur ; ils ne sont cependant
responsables que de simples remaniements
dans un édifice construit près d’un siècle plus
tôt, au milieu du XIIIe siècle. Peu avant 1387,
la cité échoue dans les mains des Cazeton,
qui portent désormais le titre de barons de
Salviac ; ils la transmettent à partir de 1438 aux
Durfort, qui la conservent jusqu’à la Révolution.
Rocamadour
Gourdon
Salviac
Cazals
Figeac
CONQUES
LE PUY EN VELAY
AGEN
LA ROMIEU
Cahors
Itinéraire secondaire
via Rocamadour
Itinéraire principal via
Figeac et Cahors
MOISSAC
TOULOUSE
Sur les chemins de Saint-Jacques
de Compostelle
C arte du Lot et des chemins
de Saint-Jacques-de-Compostelle.
édaillon avec personnage en buste sur la façade
M
Renaissance de la chapelle Notre-Dame de l’Olm.
Salviac est une des seules églises du Lot, avec celles
de Calès, Grèzes et Pomarède, consacrées au patron des
pèlerins, l’apôtre du Christ qui aurait reçu, le jour de la
Pentecôte, la mission d’évangéliser l’Espagne.
Si son tombeau fut découvert en Galice au IXe siècle, le
pèlerinage vers Compostelle ne se développe réellement
qu’au XIIe siècle, dans un contexte de reconquête
chrétienne des territoires espagnols placés sous domination
musulmane.
À côté de l’itinéraire principal partant du Puy-en-Velay,
Salviac devient une étape du chemin secondaire menant
à Rocamadour, haut lieu de vénération de la Vierge Noire.
Les pèlerins arrivant de Gourdon passaient devant la
chapelle Notre-Dame de l’Olm, pour rentrer dans la cité, et
repartaient en direction de Cazals puis Agen, pour retrouver
l’itinéraire principal à La Romieu, peu avant Condom.
Malmenée et transformée en temple de la Raison pendant
la Révolution, souffrant des assauts du temps et laissée sans
entretien, l’église de Salviac est dans un état déplorable
tout au long du XIXe siècle, selon les sources écrites de
l’époque. La valeur patrimoniale de l’édifice est cependant
reconnue dès 1913, grâce au classement parmi les
Monuments historiques qui lance, dès lors, près d’un siècle
de travaux de restauration.
5
EXTÉRIEUR -INTÉRIEUR
UN MONUMENT À LA
CHARNIÈRE ENTRE DEUX STYLES
(XIIIe SIÈCLE)
Trapue, l’église de Salviac est une des rares du Lot à être
entièrement couverte en lauzes calcaires. C’est aussi
a priori la seule à disposer d’une charpente en béton
armé, posée en 1961-1962 pour remédier, en vain, aux
problèmes suscités par la fragilité et la perméabilité
de ce matériau.
Une architecture librement inspirée
du gothique français
L e portail ouest en arc brisé se distingue par sa triple
voussure surmontée d’une archivolte ornée de motifs
de style roman.
Le haut clocher rectangulaire, les corbeaux à double
enroulement sous la toiture du chevet, la coupole
nervée du chœur, les croisées d’ogives, les bases
carrées des colonnes dans la nef : ces dispositions de
l’église de Salviac évoquent l’art gothique, qui pénètre
progressivement le comté de Toulouse, bientôt rattaché
au royaume de France.
Guillaume de Gourdon, qui a fait allégeance à Louis IX en
1243, ou son héritier Aymeric de Malemort, représentant
du roi en Quercy, sont probablement à l’origine de
la construction de cette église, qu’ils ont sans doute
souhaitée en « style français ».
Elle n’a cependant rien de comparable avec la cathédrale
de Saint-Denis ou la Sainte Chapelle à Paris : des murs
épais, percés seulement de quelques fenêtres et renforcés
de contreforts plats, lui donnent une allure massive,
caractéristique du gothique du Midi, soulignée par les
lignes horizontales des corniches.
Quelques éléments de sculpture,
permanence du roman languedocien
La régularité de l’appareil de calcaire blanc laisse
à l’extérieur peu de place à des motifs sculptés
particulièrement discrets. Les palmettes ornant l’archivolte
des portails et les billettes autour de la grande rose
appartiennent ostensiblement au vocabulaire de
l’art roman du siècle précédent. Contemporaines et
parfaitement liées à la construction, elles ne peuvent
toutefois être le fruit d’un remploi.
La présence de tels décors traduit l’attachement aux
formes traditionnelles, face à l’arrivée d’une nouvelle
architecture qui ne parvient pas à s’affirmer pleinement.
6
Elle atteste surtout d’une divergence entre le concepteur
de l’édifice et les artisans chargés du chantier, de cultures
ou d’origines différentes.
Manifestation de ces antagonismes, l’église de Salviac a
sans doute été érigée entre 1240 et 1260, à l’heure où
le style roman s’efface, comme c’est aussi le cas dans
le chœur des cathédrales de Cahors et Agen, l’église de
Rudelle ou la lanterne des morts de Sarlat.
L’architecture gothique ne s’est réellement épanouie
en Quercy qu’à partir de la fin du XIIIe siècle à travers,
localement, les églises de Léobard (monastère cistercien
de l’Abbaye Nouvelle), du Vigan (collégiale Notre-Dame)
puis de Gourdon (églises Saint-Pierre et des Cordeliers).
Milieu XIIIe siècle (1240 - 1260 ?)
Seconde moitié XIIIe siècle
Fin XIIIe siècle
XIVe siècle
XIXe siècle
Des chapelles rajoutées postérieurement
L’église primitive était composée d’un chœur, d’un faux
transept bordé de deux petites chapelles et d’une grande
nef à trois travées. Peu de temps après fut rajoutée au
Nord une grande chapelle carrée, possédant un enfeu
extérieur où l’on retrouve les même motifs de palmettes
romanes, suivie d’une seconde chapelle de taille similaire
au Sud dont les voûtes et culots sculptés sont par contre
caractéristiques de la fin du XIIIe siècle.
La symétrie du plan en croix latine est aussi rompue par la
présence de la chapelle Saint-Eutrope, grand volume carré
érigé au cours du XIVe siècle contre la façade sud de la nef.
Aujourd’hui ouverte par le seul portail ouest, celle-ci
était percée de deux petites portes latérales en arc brisé,
rapidement bouchées par des fenêtres en plein cintre
serties de grilles à moustaches, elles-mêmes condamnées
par le rajout au XIXe siècle d’une sacristie et d’une
chapelle.
Les maçonneries intérieures de la nef ont quant à elles
été piquées en 1971 et restaurées au cours des années
1990, faisant alors le choix de laisser la pierre apparente.
otifs romans sur la façade ouest : corde tressée
M
et palmettes sur l’archivolte du portail ; billettes
sur la voussure de la rose.
otifs gothiques à l’intérieur : demi colonne
M
engagée reposant sur une base carrée ; clé de
voûte du chœur ornée de l’Agneau pascal avec
des peintures médiévales sur les nervures.
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CHAPELLE SAINT-EUTROPE
DES VITRAUX CONSACRÉS AU
MARTYRE D’UN SAINT GUÉRISSEUR
(XVIe SIÈCLE)
À droite de l’entrée principale, la chapelle sud bordant
la nef a fait l’objet d’une mise à nu des murs au début
des années 2000, travaux qui ont permis d’y découvrir
diverses armoires liturgiques et placards muraux.
Une chapelle de pèlerinage
La chapelle Saint-Eutrope présente aujourd’hui trois
enfeus jusqu’alors obstrués, dont l’un conserve quelques
traces ténues d’un décor peint médiéval. Aménagées
dans les murs, ces grandes niches en arc brisé ont peutêtre servi de sépulture à la famille de Jean qui reçut en
1381 l’autorisation du pape Clément V d’être enterrée
dans l’église de Salviac. Témoin de la réussite sociale
et financière des seigneurs de Salviac à la fin du XIVe
siècle, cette bulle papale a sans doute induit en erreur les
historiens locaux qui attribuaient aux de Jean l’édification
de l’église. En 1326, Salviac accueillait d’après les textes
des pèlerins venus implorer saint Eutrope, un des sept
mythiques saints fondateurs de l’Église de Gaule, réputé
guérir les estropiés et les hydropiques (personnes
présentant une maladie de peau). Au centre du retable
ornant la chapelle, une statue en bois polychrome de
la fin du XVIIIe siècle le représente dans les attributs de
sa fonction épiscopale de premier évêque de Saintes
(Charentes). Le culte de saint Eutrope est attesté à Salviac
par de nombreux documents anciens et se poursuit
jusqu’au XIXe siècle avant de tomber en désuétude.
Une verrière, entre légende et réalité
Deux niches du XIVe siècle.
étail du vitrail ouest de la chapelle sud, figurant
D
probablement le corps dénudé de saint Eutrope.
Localisation des vitraux anciens.
statue de saint Eutrope porte la crosse et la mitre
La
des évêques.
8
Dans cette chapelle, le vitrail orienté à l’ouest figure très
vraisemblablement le martyre de saint Eutrope, fouetté,
lapidé et frappé d’un coup de hache sur la tête pour avoir
converti Eustelle, fille d’un gouverneur romain du Ier siècle
après J.-C. Une légende tenace est pourtant née au XIXe
siècle, croyant y reconnaître au contraire le supplice de
l’évêque de Cahors, Hugues de Géraldi.
L’histoire rapporte en effet un différend entre la famille
de Jean et ce prélat, condamné en 1317 à être écorché vif
et brûlé : au début du XIXe siècle, les habitants de Salviac
pensaient que leur ancien seigneur avait fait figurer ce
supplice sur les grandes verrières en même temps qu’il
aurait fait érigé l’édifice. Cette hypothèse est néanmoins
incompatible avec la chronologie, les vitraux ayant sans
doute été commandés par les Durfort au début du XVIe
siècle.
Une mosaïque peu lisible
Vandalisés pendant la Révolution, les vitraux ont été
maladroitement recomposés dans cinq baies en 1870 par
un verrier improvisé. Ils forment aujourd’hui une sorte de
puzzle inintelligible, qui ne permet pas d’identifier avec
certitude les personnages.
Certains d’entre eux sont cependant reconnaissables par
leurs attributs. Ainsi, la figure de l’évêque de Saintes
semble peupler plusieurs verrières, auréolé et coiffé
d’une mitre, représenté soumis au supplice, nu et les
mains liées, ailleurs vêtu d’une chape rouge ou violette.
D’autres personnages se démarquent par leur taille, tel
le Christ auréolé sous le corps martyrisé de saint Eutrope,
ou encore saint Blaise, identifié par un cartouche aux
lettres gothiques dans le bras nord du transept. Dans la
nef, surmontant une femme en pleurs, le chevet d’une
église est peint sur le verre, tandis que de très nombreux
éléments architecturaux intérieurs et extérieurs, fenêtres à
remplage, tours, voûtes, carrelages... sont dispersés dans
l’ensemble des vitraux.
Les couleurs chaudes, le rendu des reliefs, l’expression des
visages et les motifs d’architecture s’inscrivent dans le
même style, caractéristique du début de la Renaissance,
que les célèbres vitraux d’Auch, exécutés entre 1507 et
1513 par l’atelier d’Arnaud de Moles, ou encore ceux
de Martel, réalisés en 1511-1512 par un maître verrier
dénommé Redon.
itrail sud de la nef figurant différents personnages sous le visage
V
d’une femme en pleurs pouvant être sainte Eustelle.
Figure de saint Blaise (vitrail du bras nord du transept).
étail de la grande verrière de l’église Saint-Maur de Martel,
D
figurant le corps blafard du Christ au moment de la Flagellation.
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BRAS NORD DU TRANSEPT
DES RETABLES TÉMOINS DE
L’ÂGE BAROQUE (XVIIIe SIÈCLE)
Face au vitrail portant le monogramme entrelacé du Christ
et la Vierge, le retable latéral nord est peut-être l’œuvre,
au début du XVIIIe siècle, des ateliers de la famille Tournié,
sculpteurs installés à Gourdon et dont la renommée
s’étendait au-delà des frontières du Quercy.
La plupart du mobilier baroque a connu à la fin du
XIXe siècle une importante remise en peinture, conservée
telle quelle lors de la dernière campagne de restauration
en 2002.
Un livre d’images mettant en exergue
la Crucifixion
Suite au Concile de Trente (1545-1563), l’Église catholique
entreprit pour contrer la religion protestante une réforme
de ses institutions et réaffirma les fondements de la foi
chrétienne, reposant notamment sur le culte des images.
Le retable devint alors un instrument de cette reconquête
et un outil d’éducation du peuple.
La Passion du Christ, sujet général du retable nord, est un
des thèmes privilégiés de la Contre-Réforme catholique.
Le Christ sur la croix est entouré de Marie et de saint
Jean, qui tournent vers lui un regard implorant. Au-dessus
de la corniche, Dieu le Père, parmi les nuées, ouvre les
bras pour accueillir son fils. Les traits de son visage sont
imprégnés de désolation, tandis que Jésus apparaît plus
serein.
Au-dessus du tabernacle, quatre anges sculptés en rondebosse portent les instruments de la Passion, tandis que le
Christ de la résurrection s’élève vers les cieux. Les figures
des quatre évangélistes entourent une Vierge à l’Enfant,
complétées par deux scènes de l’Arrestation et de la
Flagellation.
Le retable de la Crucifixion.
L es yeux expressifs ou le foisonnement des cheveux
et de la barbe de Dieu le Père sont caractéristiques
de la sculpture des Tournié.
Panneau sculpté latéral gauche figurant l’Arrestation.
10
Une architecture en miniature
Empreinte d’émotions, cette iconographie témoigne
de la théâtralité et du sens de la mise en scène
caractéristiques de l’art baroque.
Soulignée par quelques touches de dorures, la structure
du retable se compose de motifs inspirés de l’architecture
monumentale, tels que les colonnes torsadées,
l’entablement surmonté d’un fronton curviligne ou la
travée verticale entourée de petites volutes qui évoquent
la façade d’une église.
Dans le bras sud du transept, la composition architecturale
prend presque le pas sur le message liturgique, porté
uniquement par la monumentale statue de Piéta où le
corps du Christ s’écroule aux pieds de la Vierge.
Placées en quinconce, les quatre colonnes torses où des
putti se mêlent aux feuilles de vigne constituent l’une des
plus remarquables sculptures du Quercy baroque.
Ces deux autels secondaires ne formaient pourtant pas la
pièce majeure de l’église de Salviac, dont le chœur était
vraisemblablement jusqu’à la Révolution meublé d’un
maître-autel consacré à saint Jacques le Majeur.
Seule la dimension des trois statues parvenues jusqu’à
nous laisse imaginer la monumentalité de ce retable
disparu, placé derrière une balustrade en pierre servant
aujourd’hui de clôture dans les bras du transept.
Les figures de saint Pierre et saint Paul ont été
entièrement repeintes au XIXe siècle, par la même main
qui restaura l’ensemble des polychromies et dorures des
retables, vraisemblablement abîmées et plus au goût du
jour, en même temps qu’elle exécuta des peintures sur
l’ensemble des murs de l’édifice.
S tatue en ronde-bosse du retable sud figurant la Vierge de
Pitié.
F igures humaines parmi les pampres des colonnes
du retable sud.
É lément de balustrade, datant du XVIIe siècle, initialement
dans le chœur et remployé dans le bras sud du transept.
11
BRAS SUD DU TRANSEPT
UN DÉCOR PEINT
NÉOGOTHIQUE (XIXe SIÈCLE)
Derrière le retable de la Piéta, le mur porte la signature
manuscrite d’Albert Bertoletti, peintre d’origine italienne
installé en Dordogne. La fabrique paroissiale de Salviac lui
avait commandé en 1871 la réalisation de peintures dans
l’intégralité de l’église. Ayant subi d’importants dégâts
des eaux, ces décors n’ont été conservés et restaurés que
dans les bras du transept.
Des motifs géométriques appliqués
au pochoir
oûte étoilée dans
V
le bras sud du transept.
F igure de la Vierge
des Sept Douleurs,
sur l’arc d’entrée du
bras sud du transept.
ochoir recouvert de
P
fusain utilisé pour
les fleurs bleues
derrière le retable sud.
Trois ans furent nécessaires au jeune Bertoletti, âgé
seulement de dix-neuf ans au début du chantier, pour
mener à bien un projet qu’il avait au préalable esquissé
sur des feuilles volantes et des calques lui servant de
modèles reproductibles. Les nombreux pochoirs étaient
simplement épinglés à même l’enduit de plâtre, avant
d’être surlignés au fusain pour y tracer sommairement les
figures souhaitées.
Dans le bras sud, les murs se parent d’un carroyage
régulier, constitué de losanges aux lettres rouges alternant
avec des fleurs bleues pâles sur un fond beige. Au contact
des colonnes, le décor se transforme en frises végétales,
grimpant ensuite sur les nervures aux teintes d’or, faisant
écho aux étoiles des voûtains peints d’un bleu vif. En
face, des motifs de facture similaire structurent de la
même façon différents registres horizontaux et soulignent
l’architecture gothique.
Seuls les arcs séparant ces chapelles de la nef portent
des figures plus travaillées, un grand calice ou une Vierge
des Sept Douleurs, représentées parmi des cartouches
alternativement ronds et allongés, ornés de grandes fleurs
dorées, de croix ou de rubans gris plissés.
Un choix de teintes vives
Aujourd’hui, une ambiance colorée bleue-verte caractérise
le bras nord du transept, alors que dominent au sud
des tonalités plus rouges. Dans le chœur et la nef, le
dégagement des décors du XIXe siècle en très mauvais
état permit de retrouver, au cours des années 1990,
quelques traces de peintures murales plus anciennes,
datant sans doute de la fin du Moyen Âge. L’alternance de
coloris vifs, néanmoins différents des motifs modernes,
contraste avec la nudité actuelle des pierres.
Les retables baroques furent aussi restaurés par Bertoletti,
ainsi que les deux statues du chœur sur lesquelles il
appliqua les mêmes teintes vives que pour les murs,
bleues, rouges ou vertes, rehaussées d’étoiles et de
galons dorés. Les peintures murales assurent une
transition entre l’architecture et les retables, renforçant
l’impression d’un foisonnant décor de théâtre.
Un décorum caractéristique
du goût de l’époque
Ces peintures s’inscrivent dans un programme global
de remise en valeur de l’église, décidé à la fin du XIXe
siècle par la communauté religieuse de Salviac. Si la
municipalité prit en main les travaux sur l’enveloppe
architecturale, les fidèles de la paroisse contribuèrent au
renouvellement progressif du très important mobilier
liturgique intérieur : autels en pierre et plâtre, chaire
monumentale, tableaux pieux, chemin de croix et statues
saint-sulpiciennes témoignent encore aujourd’hui de
cette période faste. Le décor néogothique de l’église a
été parachevé par la commande en plusieurs temps de
nouveaux vitraux, auprès de l’atelier toulousain de LouisVictor puis Henri Gesta. Voisinant la verrière ancienne dans
la chapelle sud, une grande baie reprend le thème du
martyre de saint Eutrope et témoigne de la permanence
du culte guérisseur. Une petite fenêtre de la chapelle
bordant le chœur au nord rappelle enfin la localisation de
l’édifice sur les chemins de pèlerinage de Saint-Jacquesde-Compostelle.
Vitrail figurant saint
Jacques en prière
devant Notre-Dame
du Pilar.
Vue générale
intérieure (carte
postale, années
1950 ?).
Statue de saint Paul
avec ses décors peints
du XIXe siècle.
S ignature manuscrite
de Bertoletti sur
un des calques.
12
13
CHŒUR
LE TEMPS DE LA RESTAURATION
(XX ET XXIe SIÈCLES)
e
Au-dessus de l’autel moderne du chœur, la statue de saint
Jacques le Majeur a retrouvé la place qu’elle occupait sans
doute à l’origine, au centre du retable majeur.
Seul objet de la période de l’époque baroque à ne pas
avoir été repeint au XIXe siècle, il a connu une restauration
en 2007, dernier épisode concluant le long chantier de
l’église de Salviac.
Le saint patron de l’église
et protecteur des pèlerins
La statue dans
le caisson
d’irradiation du
CEA à Grenoble.
D
étail du
visage avant
restauration.
L a statue de
saint Jacques
dans le chœur.
Mesurant 1,95 m de haut, le saint est représenté
«grandeur nature», vêtu en habits de pèlerin.
Il porte un surcot orné de deux coquilles Saint-Jacques
et une pèlerine, long manteau retombant sur son épaule,
ainsi que des chausses nouées de sangles. Il tient dans
sa main droite un bourdon, bâton de marche terminé par
une boule, auquel est attachée une calebasse servant de
gourde. Ses yeux révulsés par l’extase, le foisonnement
des cheveux, l’index pointé vers les cieux et la qualité
des drapés en font une œuvre sculptée de grande qualité,
similaire à d’autres statues lotoises attribuées avec
certitude aux Tournié, telles qu’à Lherm ou Gourdon.
La technologie moderne au service
d’une œuvre ancienne
Lauréate du concours 2006 organisé par le Commissariat
à l’Énergie Atomique (CEA) et l’association des maires
de France, la municipalité de Salviac s’est vue offrir
la restauration de la statue de saint Jacques. Conduite
à Grenoble par l’atelier régional de conservation ArcNucléart, cette opération a bénéficié d’une technique
unique en France, l’exposition radioactive aux rayons
gamma, destinée à éradiquer sans produit chimique tout
insecte xylophage ou champignon. Après un décrassage
et un lent nettoyage des ors et des polychromies, les
dorures manquantes ont été partiellement restituées par
la pose d’une aquarelle, afin de ne pas perturber la lecture
globale de l’œuvre. Cela permet aujourd’hui de distinguer
de près l’or ancien des ajouts modernes. Conformément
à la déontologie, il fut enfin décidé de ne pas remodeler
le nez cassé du personnage, considérant que cet accident
de l’histoire n’altère en rien la compréhension du visiteur
mais suscite au contraire son imagination.
14
Un siècle de travaux
Les registres des délibérations de la commune de Salviac
regorgent depuis le début du XIXe siècle de plaintes sur
le mauvais état de l’église et de projets de travaux de
réfection des couvertures. Obtenu en 1913, le classement
parmi les Monuments historiques a permis la réalisation
de travaux financés par les ministères des Beaux-Arts
puis de la Culture : dès lors, architectes en chef des
Monuments historiques et architectes des Bâtiments de
France se penchèrent à tour de rôle sur l’église, chacun
restant néanmoins confronté au problème récurrent
des infiltrations par la toiture. Entre 1960 et 1989, les
travaux consistèrent essentiellement en la restauration
extérieure du bâtiment : consolidation de la couverture,
remplacement de la charpente en bois par une structure
en béton armé, assainissement des murs. Les décors
intérieurs subirent néanmoins les assauts du temps et
pâtirent de l’absence d’intérêt pour l’art du XIXe siècle :
en 1971, les jeunes bénévoles du Club du Vieux Manoir
furent appelés pour piquer sur une hauteur de 4 à 6 m
l’intégralité des peintures murales de la nef et du chœur.
Un changement de sensibilité intervint à la fin des années
1990, alors que le chantier de restauration intérieure
était déjà engagé et avait conduit à la mise à nu des
maçonneries. Signe d’une évolution de la conscience
patrimoniale des professionnels et des habitants, il fut
alors fait le choix de conserver et restaurer les décors
néogothiques des bras du transept, en bien meilleur état.
Parallèlement à la restauration de la chapelle Saint-Eutrope,
les vitraux anciens firent en 2003 l’objet d’un nettoyage
et d’un changement de plombs. A la suite des retables
et des grandes statues, dont les décors du XIXe siècle
furent conservés, le mobilier religieux de l’église fut à
son tour progressivement restauré : panneau sculpté de
la Visitation du XVIIe siècle, toile peinte du XVIIIe siècle
figurant la Mise au tombeau, chemin de croix du XIXe
siècle...
La vie d’un édifice tel que l’église Saint-Jacques-leMajeur de Salviac ne s’arrête cependant pas à la fin
d’un tel chantier. Des travaux réguliers d’entretien des
maçonneries et couvertures restent essentiels pour assurer
la transmission de l’édifice aux générations futures, de
même que la surveillance et la mise en valeur des objets
d’art qu’il renferme.
Chantier de restauration des lauzes de la nef
(années 1950).
E xtrait du livre des comptes de la fabrique
paroissiale de Salviac, listant les travaux financés
entre 1860 et 1873.
Le chœur vu en 1991 avant travaux.
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Le Ministère de la Culture et de la Communication
a pour mission de protéger le patrimoine, de
programmer et surveiller les travaux de restauration
et d’entretien sur les immeubles et objets classés ou
inscrits parmi les Monuments historiques.
La direction régionale des Affaires culturelles de MidiPyrénées (conservation régionale des Monuments
historiques) a mené entre 1992 et 2006 pour le compte
de la commune de Salviac les travaux de restauration
de l’église Saint-Jacques-le-Majeur.
Le Conseil régional de Midi-Pyrénées apporte
son soutien financier aux travaux de restauration
des édifices et objets mobiliers, protégés ou non,
appartenant aux communes et particuliers.
Il a en charge depuis 2004 l’Inventaire général du
patrimoine culturel qu’il mène en partenariat avec les
départements et les autres collectivités locales.
Le Conseil général du Lot est la seule collectivité
en France à expérimenter entre 2007 et 2010 une
décentralisation des crédits auparavant affectés par
l’État à la sauvegarde des Monuments historiques.
Il mène depuis 2005 une opération d’inventaire et
d’étude de l’architecture médiévale du Lot, ayant
permis de renouveler la connaissance sur l’église de
Salviac.
Bibliographie
L’église Saint-Jacques-le-Majeur n’a pas fait
l’objet de publications scientifiques récentes.
On consultera donc essentiellement les
références suivantes sur l’histoire de Salviac
et de l’édifice :
- C hanoine Edmond Albe, Autour de Jean
XXII, les familles du Quercy, 1902.
-G
uillaume Lacoste, Histoire générale de la
province de Quercy, 1883-1886.
-B
aron Chaudruc de Crazannes, « Rapport au
Ministère des Beaux-Arts sur les vitraux de
Salviac (1838) », in Annuaire du Lot, 1840.
-A
rticles publiés dans le Bulletin de la
Société des Études du Lot par Jean Lartigaut
(« La baronnie de Salviac », 1992), Pierre
Dalon (« Le culte de saint Eutrope dans le
diocèse de Cahors. XIIIe-XXe siècle », 2003)
et Patrice Foissac (« La paroisse de Salviac
en 1388-1389 d’après les comptes de G. de
Saint Clair », 2007).
- Les Études préalables avant travaux et
Dossiers des ouvrages exécutés établis
par les architectes en chef des Monuments
historiques François Corrouge (1991, 1999)
et Jean-Louis Rebière (2001, 2006), DRAC
Midi-Pyrénées.
Remerciements
Jean-Pierre Cabanel et le conseil municipal
de Salviac, Alain Faucon et l’association
de sauvegarde de l’église de Salviac,
Louis Ducombeau, Gilles Séraphin,
Maurice Scelles, Jean-Louis Rebière,
la Conservation régionale des Monuments
historiques, le Service Départemental
de l’Architecture et du Patrimoine du Lot.
Textes et coordination :
Cyrielle Olivier, Nicolas Bru
Service Culture - Patrimoine historique
Conseil général du Lot
Cette brochure a été réalisée par le Conseil général du
Lot avec le concours financier du Conseil régional de
Midi-Pyrénées dans le cadre d’un partenariat dans le
domaine du patrimoine entre 2008 et 2010.
Découvrez le patrimoine du Lot sur le site
www.patrimoine-lot.com
Crédits iconographiques :
Nelly Blaya pour Conseil général du Lot,
2008 ; sauf page 4 : Gilles Séraphin,
pages 13 et 15 (carte postale et document
d’archives) : collection particulière de
Louis Ducombeau, page 14 : Arc-Nucléart,
CEA 2007, page 15 (photographies) :
Étienne Cuquel (SDAP du Lot),
François Corrouge (DRAC Midi-Pyrénées).
Maquette : Studio-Bacharach
Impression :
2009 - n°3