Les Diligences Professionnelles
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Les Diligences Professionnelles
UNIVERSITE MONTPELLIER I CENTRE DU DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE Master II Droit de la consommation et Droit de la concurrence Les Diligences Professionnelles Par Pierre Heurtebise Mémoire réalisé sous la direction de Mr Malo Depincé Maître de conférences à la faculté de droit de Montpellier Année universitaire 2013 – 2014 2 UNIVERSITE MONTPELLIER I CENTRE DU DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE Master II Droit de la consommation et Droit de la concurrence Les Diligences Professionnelles Par Pierre Heurtebise Mémoire réalisé sous la direction de Mr Malo Depincé Maître de conférences à la faculté de droit de Montpellier Année universitaire 2013 – 2014 3 Sommaire Introduction……………………………………………………………………….Page 6 Partie 1 : Les diligences professionnelles, une notion aux multiples facettes..…. Page 10 Titre 1 : Les diligences professionnelles, entre définition nouvelle et prise en compte ancienne………………………………………………………...Page 11 Titre 2 : L’avenir des diligences professionnelles dans le développement croissant de l’autocontrôle professionnel…………………………………………….Page 26 Partie 2 : Le régime des diligences professionnelles, les enjeux majeurs d’une définition efficace………………………………………………………….Page 40 Titre 1 : Les diligences professionnelles dans l’application concrète de la directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales………………....Page 41 Titre 2 : L’autre avenir de la notion de diligences professionnelles à la française dans la déontologie les usages………………………………………....Page 56 Conclusion…………...……………………………………………………...……Page 68 4 REMERCIEMENTS ( Je tiens à adresser mes plus sincères remerciements à : Monsieur Malo Depincé, Maître de conférences à la Faculté de droit de Montpellier et Directeur du Master II Droit de la consommation et droit de la concurrence, pour m’avoir offert l’opportunité de suivre cette formation riche d’enseignements ainsi que pour m’avoir offert l’opportunité de faire un stage passionnant ouvrant d’intéressantes opportunités d’avenir. Monsieur le Professeur Daniel Mainguy, Professeur à la Faculté de droit de Montpellier et Directeur du Master II Droit privé économique pour l’ensemble des enseignements dispensés au cours de l’année universitaire 2013/2014. L’ensemble des membres de l’équipe pédagogique du Master II Droit de la consommation et droit de la concurrence ainsi que du Master II Droit privé économique pour les enseignements dispensés et les interventions enrichissantes ayant eu lieu dans le cadre de cette formation. L’ensemble de mes camarades de promotions, dits « les chafs », pour le soutient mutuel apporté lors de la rédaction de ce mémoire et de manière générale pour cette année forte agréable en leur compagnie. Maitre Christophe Blondeaut et l’ensemble des avocats associés et collaborateurs du cabinet DLJ à Montpellier pour leur accueil, leur disponibilité et leur volonté sans faille à me former efficacement à l’exercice de leur profession. 5 Introduction « Bougez les lignes, mais restez dans le cadre » Ce slogan de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité se rapproche de façon intéressante de ce que peut représenter au final la notion de diligences professionnelles : une certaine liberté du professionnel dans son action, encadrée dans un but de maintient de l’ensemble de l’image de la profession pour in fine une liberté conservée. Jurisprudence et doctrine ont dégagé depuis longtemps déjà les devoirs de renseignement et de conseil du professionnel. Le professionnel, pour conseiller en connaissance de cause, doit interroger son partenaire et procéder à des investigations1. Bien évidemment les conseils qu'il donne doivent être pertinents et, surtout, adaptés à la situation, et entre les diverses solutions possibles, il lui faut en toute diligence proposer celle qui est la plus favorable aux intérêts du client. Il est commun que le professionnel se doit d’être toujours au fait de son actualité, il se tient ainsi nécessairement au courant des évolutions juridiques et techniques. Pourtant, les diligences professionnelles reconnues en tant que telles n’ont qu’une existence récente en France, pour preuve, elles n’apparaissent dans les texte qu’à compter de la transposition de la directive 2005/29/CE relative aux pratique commerciales déloyales. Se sont cependant développées à partir des années 80 des éléments d’encadrement d’origine privée par les professionnels et en grande partie pour les professionnels dans le but affiché d’encadrer l’exercice et le développement d’une profession et souvent dans le but sous-entendu de maintenir une crédibilité nécessaire à la bonne tenue de la profession. 1 Com. 3 déc. 1985, Bull. civ. IV, n° 284 6 La diligence en tant que telle peut se définir en droit par le fait d’être attentif et ponctuel dans l’accomplissement de ses devoirs professionnels ou dans la gestion de ses biens personnels. La notion est rapprochée de celle, désormais défunte, du bon père de famille2. Dans la suite des choses, professionnel s’entend de ce qui est inhérent à la profession, lié à son exercice, qui a trait également à l’organisation de la profession et à la défense de ses intérêts. Il apparaît que la notion est peu développée par la doctrine puisqu’elle semble à première vue tomber sous le sens et pourrait être entendue classiquement comme étant le fait d’exercer de bonne fois sa profession. Au demeurant il est pourtant impossible de se satisfaire de la définition envisagée dans le cadre de la directive sur les pratiques commerciales déloyale. La suite des présents développements aura donc pour objectif principal de tenter d’envisager les diligences professionnelles sous un angle prospectif tout en tirant les conséquences tant pour le professionnel que pour le consommateur de ce qu’offre actuellement le développement de la notion. Il apparaît que les diligences professionnelles vont bien au delà du simple respect de la façon de faire de la profession visée. La définition apparaît extrêmement fluctuante partant du respect du principe de bonne foi jusqu’à l’édiction de normes impératives d’autocontrôle professionnel. Bien que les termes de diligences professionnelles n’apparaissent in extenso dans la loi qu’à partir de la directive européenne de 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales, il est cependant nécessaire que la notion se développe. En tant que critère d’application et de sanction il deviendra impératif d’en envisager la portée. 2 G. CORNU ; Vocabulaire juridique, PUF, 8ème édition 7 Le principal problème tient dans le fait qu’il apparaît rapidement qu’en réalité la notion est fondée principalement sur des standards de jugement. Partant, il est évident que l’appréciation par les juridictions de la notion et de la teneur des diligences professionnelles n’en sera que plus compliquée. Il conviendra de remarquer qu’une définition en des termes trop généraux est rapidement jugée inefficace et écartée de la pratique ou reléguée à un simple rôle secondaire. Il sera d’ailleurs observé que le risque s’avère pour l’instant avéré notamment au regard de la manière dont le régime des diligences professionnelles est envisagé par la Cour de Justice de l’Union Européenne et les juridictions nationales à sa suite. Pour autant outre le problème d’une définition compréhensible, efficace et surtout appréhendable par le professionnel, le fait que les diligences professionnelles prennent place dans l’ordonnancement juridique en tant que telles promet une portée accrue aux initiatives professionnelles visant à encadrer l’exercice d’une profession. Dès lors, il devient nécessaire de sortir du cadre de la directive et d’envisager les diligences professionnelles à l’aune d’un cadre beaucoup plus général au travers du développement de l’autocontrôle professionnel. En effet, c’est avant tout par ce mouvement d’origine privé, voulu par les professionnels que la notion de diligence professionnelle prend toute sa place. Et c’est par ces mouvements d’origine privée que la notion retrouvera tout son sens notamment s’agissant de sa place majeure dans l’appréciation des pratiques commerciales déloyales. Il sera opportun de rechercher l’origine et les fondements de l’autocontrôle professionnel pour en tirer toutes les conséquences quant au régime des diligences professionnelles. 8 Au demeurant, il conviendra de remarquer le rôle grandissant des organismes de régulation professionnelles d’origine privée prenant le relais d’une législation souvent défaillante et peu aux faits de la réalité de la profession. Les diligences professionnelles pourront ainsi apparaître comme faites dans l’objectif de protéger la profession et non pas seulement dans un objectif unique de protection du consommateur tel que l’envisage le législateur européen. La question majeure sera donc de rechercher comment, aux vues de sa définition et son régime actuel, la notion de diligences professionnelles peut retrouver une plein efficacité, véritablement nécessaire, dans l’avenir juridique français et plus largement européen. Il conviendra d’apprécier dans une première partie la notion aux multiplex facettes que sont les diligences professionnelles, et dans une seconde partie le régime des diligences professionnelles nécessairement amené à évoluer. 9 Partie 1 : Les diligences professionnelles, une notion aux multiples facettes 10 Titre 1 : Les diligences professionnelles, entre définition nouvelle et prise en compte ancienne. Chapitre 1 : Les diligences professionnelles, notion fondamentale du régime des pratiques commerciales déloyales. L’une des applications récentes de la notion de diligences professionnelles trouve écho dans le cadre de la législation européenne relative aux pratiques commerciales déloyales (Section 1). Pour autant, l’analyse des termes de la directive est délicate, ceux-ci faisant appel à des standards de jugement empêchant, de fait, une pleine et immédiate efficacité dans la recherche d’une définition claire et compréhensible de la notion par les professionnels (Section 2). Section 1 : Les diligences professionnelles dans le cadre de la directive relative aux pratiques commerciales déloyales. La notion de diligences professionnelles apparaît clairement citée en droit de l’Union Européenne dans le cadre de la directive du 11 mai 2005 relatives aux pratiques commerciales déloyales3. Le droit européen avance ainsi progressivement vers une « politique de protection du consommateur »4. Les cadres juridiques des pays membres apparaissent cependant extrêmement disparates. La Commission est donc intervenue pour réaliser une harmonisation complète des législations. 3 4 Directive n°2005/29/CE Christianos V., Picod F., Rép. Communautaire Dalloz, Vo Consommateurs 11 La notion de diligences professionnelles y apparaît explicitement et doit désormais être prise en compte dans l’appréciation de la loyauté des pratiques commerciales. L’appréciation sera par la suite à nuancer mais il convient de rechercher à l’origine ce qu’entendait la Commission par « la diligence professionnelle ». D’après la directive, une pratique commerciale se définie classiquement comme « toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d'un professionnel en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d'un produit aux consommateurs ». Une telle pratique commerciale devient déloyale sur la base de deux critères, a priori cumulatifs, à tout le moins suivant la lettre du législateur communautaire. La pratique devient déloyale dès lors qu’elle est a) contraire aux exigences de la diligence professionnelles et b) qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique par rapport au produit, du consommateur moyen qu’elle touche ou auquel elle s’adresse (…)5. La notion de diligence professionnelle apparaît donc comme critère central de la directive. Il semblerait en effet désormais, tout du moins dans le texte, que la notion soit un élément d’appréciation de la déloyauté d’une pratique commerciale déloyale. La maîtrise de la notion est cependant fluctuante puisque faisant appel au standard du professionnel diligent. Les difficultés commencent ici. Comme tout standard du droit, la notion est difficile à encadrer et sujette à interprétations diverses suivant les juridictions voire suivant les pays, il faut en effet préciser que l’on parle ici d’une disposition européenne d’harmonisation complète. Cette notion difficilement palpable repose avant tout sur des éléments d’appréciation à caractère principalement moral ou humain. 5 Directive n°2005/29/CE art 5 12 Le droit français et notamment le droit administratif connaît ces notions de standard que la doctrine a pu définir comme étant des « type de disposition indéterminée, plutôt utilisée par le juge, dont le caractère normatif est l’objet de contestations et qui met en jeu certaines valeurs fondamentales de normalité, de moralité ou de rationalité »6. La directive donne cependant une définition de ce qu’elle entend par les termes de diligence professionnelle. Il s’agirait « du niveau de compétence spécialisée et de soin dont le professionnel est raisonnablement censé faire preuve vis à vis du consommateur, conformément aux pratiques de marché honnêtes et/ou au principe général de bonne foi dans son domaine d’activité7 ». A première lecture, la définition apparaît parfaitement claire, le professionnel doit être finalement compétent et de bonne foi. A y regarder de plus près cette définition est totalement inefficace. Elle définie le standard du professionnel diligent par d’autres standard du droit tel que le niveau de compétence, honnêteté et la bonne foi. Autant dire qu’à chaque situation professionnelle sa définition ou son appréciation de la notion. En l’état, la diligence professionnelle se définie par une définition laissant place à une interprétation extrêmement extensive de chacun des termes envisagés. Il est certain que l’objectif de la directive d’harmonisation complète tendant à une meilleure sécurité juridique n’est pas atteint en l’état des textes et des transpositions. Il est également intéressant de remarquer qu’outre les différentes appréciations qui pourraient être faites par le professionnel, il ne faut pas oublier celles qui pourraient s’envisager du point de vue du consommateur. Le consommateur est ainsi en droit d’avoir une attente légitime eu égard à la qualité du professionnel ou à tout le moins qualité attendue. 6 Stéphane RIALS Le juge administratif français et la technique du standard, essai sur le traitement juridictionnel de l’idée de normalité, thèse, LGDJ, Paris, 1980, p. 3, n°2 7 Directive 2005/29/CE Article 2h 13 Le critère central de la définition semble donc être le raisonnable, ce qui, il faut l’admettre, est susceptible de générer autant si ce n’est plus d’interprétations que ce que l’on connaît déjà avec la notion de bonne foi qui est également présente. C’est en cela que telle quelle, la définition proposée dans le cadre de la directive est inefficace et difficilement appréciable par les premiers concernés, les professionnels. En effet, si la directive 2005/29 est en principe destinée aux États membres afin qu’ils garantissent par la transposition, un niveau élevé de protection des consommateurs, elle s’adresse en premier lieu aux professionnels eux-mêmes, invités à moraliser les pratiques commerciales, via des codes de bonne conduite. La loi n°2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs est venue transposer la directive en droit français. Elle a été complétée ensuite par la loi n°2008-776 du 4 août 2008 sur la modernisation de l’économie. Aux termes de la transposition, l’article L120-1 du Code de la Consommation pose, dans les mêmes termes, l’interdiction des pratiques commerciales déloyales, reprenant la notion de diligence professionnelle. Les critères sont strictement identiques à ceux développés par l’article 5§2 de la directive du 11 mai 2005. Cependant, la loi Châtel ne transpose pas complètement la directive 2005/29/CE. La loi ne reprend pas en particulier l’incitation en faveur des codes de conduite. Cela pourrait éventuellement se comprendre quoi que manifestement dommageable. En effet, l’idée n’est pas nouvelle en France où il avait été proposé de codifier les bonnes pratiques existantes dans le Code de la consommation, mais face au peu d’enthousiasme et au nombre peu élevé de codes, l’idée fut abandonnée8. Cela aurait pourtant permis de déterminer avec plus de précision les contours concrets de la notion de diligence professionnelle, élément d’appréciation d’une pratique loyale. 8 cf. Osman F., Avis, directives, codes de bonne conduite, recommandations, déontologie, éthique, etc. : réflexion sur la dégradation des sources privées du droit, RTD civ. 1995, p. 509 14 Il conviendra donc, dans chaque cas futur de déloyauté, d’examiner finalement in abstracto ce que cette diligence aurait exigé. Il est également possible de regretter la reprise à l’identique des termes notamment de la diligence professionnelle sans aucun apport visant à une définition ou délimitation plus éclairante des dispositions. Le but de la directive et de la loi LME de 2008 était pourtant clairement affiché, il s’agissait d’accroitre la protection des consommateurs par le biais de la prohibition des pratiques commerciales déloyales. Pour autant, ni dans la directive, ni dans la transposition des outils n’apparaissent pour permettre une application claire et efficace des dispositions, sans avoir recours à des interprétations, qui nécessairement seront divergentes selon les cas. Sur une appréciation pure et simple de la notion, les juges du fond français semblent tendre vers une application cumulative des critères posés par la directive transposée. Il a ainsi été jugé que le code de la consommation exige que les deux conditions énoncées à l'art. L. 120-1 soient cumulativement remplies pour qu'une pratique commerciale soit déloyale9. Sur le plan français, l’appréciation du caractère cumulatif des critères est donc entérinée sur le modèle de ce qu’avait eu l’occasion de préciser la Cour de Justice de l’Union Européenne en 201010. Transposée telle quelle, la directive ne perd cependant pas sa généralité et ce n’est pas le droit français qui pourra venir dans l’immédiat apporter des précisions et redéfinir les standard de jugement évoqués. 9 T. com. Paris, 31 janv. 2012: Gaz. Pal. 2013. 2507 CJCE 9 nov. 2010, no C-540/08 10 15 Section 2 : Diligences professionnelles et standard de jugement, association malvenue. La directive de 2005 sur les pratiques commerciales déloyales donne, pour premier élément d’appréciation du critère de respect des diligences professionnelles, le niveau de compétence dont le professionnel est raisonnablement censé faire preuve à l’égard du consommateur. Le professionnel est censé être compétent au regard des prestations ou biens qu’il prétend vendre au consommateur et à ce titre, il doit tout mettre en œuvre pour faciliter l’achat du consommateur. Une telle définition implique un double raisonnement. D’une part il est nécessaire d’observer et de caractériser le niveau même de compétences du professionnel, ce qu’il sait et ce qu’il est censé savoir. D’autre part, une foi cette première appréciation effectuée, il est nécessaire d’observer comment le consommateur perçoit ce niveau de compétence. La diligence professionnelle est donc à rapprocher selon la définition de la directive à la compétence du professionnel dans son domaine et à la mise en œuvre de cette compétence. La compétence du professionnel serait donc un critère d’appréciation de la déloyauté de la pratique commerciale. Le problème majeur de cette définition tient dans le fait que la compétence du professionnel apparaît être un standard de jugement qui impose une appréciation au cas par cas et exclu toute possibilité d’envisager largement le critère de compétence. 16 La notion de raisonnable intervient donc pour tenter une généralisation du critère de compétence du professionnel. Le raisonnable peut ainsi s’analyser de deux façons. Il est possible d’envisager le raisonnable par rapport aux compétences même du professionnel mais également d’envisager le raisonnable par rapport à ce qui est attendu du professionnel du point de vue du consommateur. Au regard des compétences même du professionnel, le raisonnable n’aurait que peu d’intérêt puisque l’on retomberait dans une appréciation in concreto au cas par cas suivant le professionnel en cause. Une telle appréciation n’a pas lieu d’être puisque le but est d’obtenir une appréciation la plus sûr possible sur le plan juridique évitant d’innombrables et inévitables divergences jurisprudentielles. En revanche, analyser le raisonnable vis à vis de ce qui est attendu par le consommateur est plus intéressant. Il est ainsi fait appel à un standard de compétences attendues, qui peut être relié à ce que la profession attend de chacun de ses représentants. Las place des professionnels dans une telle analyse devient centrale et fait écho à la notion d’autocontrôle. La directive rajoute un certain contrôle de conformité aux compétences dont le professionnel doit raisonnablement faire preuve. Les compétences raisonnablement attendues doivent être conformes aux pratiques de marché honnêtes et/ou au principe général de bonne foi dans le domaine d’activité du professionnel. 17 Pratiques de marché honnêtes et bonne foi sont à rapprocher de la loyauté telle que décrite par Yves Picod qui estime que le devoir de loyauté d'une partie correspond à son obligation de « faciliter l'exécution de la prestation de l'autre chaque fois qu'elle est en mesure de le faire utilement11. De la même manière que ce que le législateur européen avait opéré dans la directive sur les clauses abusives12, l’appréciation générale se fonde ici sur une obligation générale de bonne foi. Il convient de se pencher en conséquence sur ce que la directive entend par « principe général de bonne foi ». On peut dès lors se demander s'il s'agit d'un principe général de droit européen de la consommation ou bien du principe général de bonne foi équivalent à ce que l’on connait de droit interne. La référence à un principe général de droit européen de la consommation est peu probable car la notion de bonne foi n'est pas définie en droit européen. Ainsi, ni le législateur, ni la Cour de Justice ne peuvent faire de renvois à un principe général de loyauté existant à l'échelle européenne. Cela explique que, lorsque le besoin s'en fait sentir, tant les textes que la jurisprudence vont se référer aux droits nationaux. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que le législateur français n'avait ainsi pas repris le critère de la bonne foi en matière de clauses abusives lorsqu'il avait transposé la directive au sein du Code de la consommation13. Pour autant, la notion de bonne foi était présente dans cette directive et il était précisé que celle-ci devait s’entende comme pouvant être « satisfaite par le professionnel en traitant de façon loyale et équitable avec l'autre partie dont il doit prendre en compte les intérêts légitimes ». 11 Y. Picod, «L’obligation de coopération dans l’exécution du contrat» : JCP G 1988, I, 3318, spéc. no 6 Dir. Cons. CE no 93/13, 5 janv. 1993, sur les clauses abusives, JOCE 21 avr., no L 95 13 Article L132-1 Code de la Consommation 12 18 En toute logique, il conviendrait donc de rapprocher l’exigence de bonne foi de la directive sur les pratiques déloyales de celle qui avait été précisée dans le cadre de la directive sur les clauses abusives. Le but est en effet le même, apporter une protection européenne au consommateur et les termes sont sensiblement équivalents. Cependant, les interprétations nationales des concepts visés par la directive rendent la mesure de l’application de ceux-ci difficile. Au surplus, encore une foi, c’est le niveau de protection des consommateurs qui en pâtira et qui sera à même de varier suivant les appréciations nationales de la notion de bonne foi, ce qui est le comble pour une directive qui se veut d’harmonisation complète. Au delà de la notion de diligence professionnelle contenue dans la directive, il apparaît nécessaire de généraliser et d’envisager la notion plus largement en observant comment une même notion dans des termes équivalents a pu être développée dans des domaines voisins, notamment par certaines instances d’autocontrôle professionnel. 19 Chapitre 2 : L’autorité des marchés financier et l’autorité de régulation professionnelle de la publicité à l’avant garde du développement des diligences professionnelles. La notion de diligences professionnelles, si elle n’apparaît dans les textes qu’à partir de la directive 2005 sur les pratiques commerciales déloyales est cependant bien présente et développé dans certaines branches professionnelles qui ont eu à se réguler pour maintenir un niveau élevé de crédibilité et d’efficacité. Deux développement distincts de la notion sont intéressant à développer dans le sens où l’intérêt de prôner le respect de diligences professionnelles est utile à des niveaux différents. Ainsi, l’Autorité des marchés financier les envisages comme un préalable, gage de sécurité, à toute opération (Section 1), là où l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité les envisages avant tout comme un moyen de maintenir une crédibilité soutenue de la profession (Section 2). Section 1 : Respect des Diligences Professionnelles et AMF, un préalable inamovible. Il est intéressant d’observer que l’Autorité des Marchés Financiers est venue encadrer de manière très stricte les introductions en bourse en se rapportant à la notion de diligence professionnelle. L'information financière diffusée par une société dans le cadre de son introduction en bourse peut de fait être source de responsabilités. Il est impératif que cette information financière soit de qualité : « exacte, précise et sincère ». 20 Dès lors il est intéressant de voir que l’on retrouve une certaine obligation de loyauté de l’information ce qui apparaît fort équivalent à la notion envisagée précédemment dans le cadre de la directive 2005/29/CE. A ce titre, la disposition essentielle en matière d'information financière est l'article 6321 du Règlement général de l'Autorité des marchés financiers. Ainsi, « Toute personne doit s'abstenir de communiquer, ou de diffuser sciemment, des informations, quel que soit le support utilisé, qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications inexactes, imprécises ou trompeuses sur des instruments financiers émis par voie d'appel public à l'épargne au sens de l'article L. 411-1 du Code monétaire et financier, y compris en répandant des rumeurs ou en diffusant des informations inexactes ou trompeuses, alors que cette personne savait ou aurait dû savoir que les informations étaient inexactes ou trompeuses». Dans le cadre de la préparation de la documentation préalable à une introduction en bourse, il faut remarquer que les professionnels réalisant ce document doivent être attentif au vocabulaire utilisé, éviter les ambiguïtés et les tournures trop commerciales. En ce sens, cet encadrement pourrait se rapprocher d’une réglementation visant à prohiber une pratique commerciale déloyale. On y retrouve au final la notion de bonne foi, et la volonté de ne pas tromper son partenaire, préalable à la conduite de toute opération. L’AMF est ainsi venue strictement encadrer les introductions en bourse par des règlementations qui sont assimilables à ce que pourrait être de la diligence professionnelle. Le but est tout trouvé, en effet, la réputation des intervenants dans le cadre d'une introduction en bourse peut être fortement atteinte par une introduction qui dégénère et qui serait susceptible de donner lieu à des commentaires dans la presse voire à du contentieux avec de possibles répercutions sur l’ensemble du marché boursier. 21 Cette exigence de rigueur attendue par l'AMF s’explique par la volonté de maintenir une crédibilité effective de toute introduction en bourse et la nécessité de garantir une sécurité du marché. Dans le cadre d'une introduction en bourse, les banquiers réalisent des audits de la société. Ces diligences répondent à des pratiques professionnelles telles que décrites dans le règlement général de l’AMF. Les banquiers introducteurs préparent sur la base de l'audit de la société et des entretiens avec les dirigeants, une attestation de prestataire de services d'investissement qui confirme à l'AMF que les diligences professionnelles d'usage ont bien été effectuées et que ces diligences n'ont révélé dans le contenu du prospectus aucune inexactitude ni aucune omission significative de nature à induire l'investisseur en erreur ou à fausser son jugement14. Au sens de ce que prévoit l’AMF, les diligences professionnelles seraient donc là pour encadrer une introduction en bourse afin qu’aucun problème n’intervienne, empêchant ainsi tout contentieux et à terme la décrédibilisation de la profession. Dans cet exemple, ce qui apparaît le plus intéressant c’est la vérification effective et préalable du respect des diverses diligences professionnelles qui est effectuée. Le même principe se retrouve dans la gestion des mandats d'introduction en bourse. Le service d’investissement participant à l'introduction en bourse est ainsi soumis aux règles de bonne conduite qui figurent le Code monétaire et financier15. Ces règles prévoient notamment que : les prestataires« agissent d'une manière honnête, loyale et professionnelle, servant au mieux les intérêts des clients »16. Avec cette disposition, une nouvelle notion est susceptible de venir compléter la définition générale de ce que peut être la ou les diligences professionnelles : la notion d’intérêt du client. 14 RGAMF, art. 222-16 C. monet. fin., art. L. 533-11 et s. 16 C. monét. fin., art. L. 533-11 15 22 L’intérêt du client est sensiblement à rapprocher de la notion de bonne foi, encore qu’il faille poser une limite ici par rapport à ce qui pourrait être envisagé dans la directive sur les pratiques commerciales déloyales. En effet, ici les diligences professionnelles doivent se faire au bénéfice du client étant dans le cadre d’un mandat d’introduction en bourse. On se retrouve beaucoup plus sur le terrain de la responsabilité professionnelle que dans le cadre de la directive sur les pratiques commerciales déloyale où la notion même de commerce est à prendre en compte et où l’intérêt du client est à mettre en balance avec la notion de « dolus bonus ». Aux vues des définitions des diligences professionnelles telles qu’appréciées et proposées par l’AMF, les règles relatives à la bonne tenue des diligences professionnelles s’apparente surtout à un préalable à toute action, visant à garantir un minimum l’opération. Le respect des diligences professionnelles servent ainsi de base solide à toute l’opération et servent en quelque sorte de garantie a minima. Ainsi, dans le cadre d’opération boursières, si les parties ne sont pas certaines de l’issue de l’opération, elles peuvent cependant être certaines que l’issue ne dépendra pas de la compétence du professionnel à l’origine de l’action et du non respect des principes de base de la profession, ou alors si c’est le cas, les responsabilités sont immédiates. Le respect des diligences professionnelles permet ainsi d’instaurer un climat de confiance minimum entre les parties permettant la bonne conduite de la suite de l’opération. Les diligences professionnelles prennent ici un sens dans une optique de sécurité de la relation. 23 Section 2 : Respect des diligences et l’ARPP, une crédibilité professionnelle recherchée. L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité a pour but affiché de mener « toute action en faveur d’une publicité loyale, véridique et saine, dans l’intérêt des consommateurs, du public et des professionnels de la publicité ». En d’autres termes, sa mission est de parvenir à concilier liberté d’expression publicitaire et respect des consommateurs. Le maintien de cet équilibre entre créativité et responsabilité est au cœur de l’autodiscipline publicitaire. Elle est l’exemple type de la part grandissante des diligences professionnelles. En matière de publicité, les diligences professionnelles apparaissent prépondérante notamment dans l’aspect de loyauté du message. En ce sens il est intéressant d’observer que dans ce cas, la notion de loyauté va au delà de la simple bonne foi dans l’exercice de la profession. A ce titre, il est possible de tirer une définition approfondie de la loyauté au sens où l’entend l’ARP. Elle précise en effet que la communication commerciale doit être conçue de manière à ne pas abuser de la confiance des consommateurs ou à ne pas exploiter le manque d’expérience ou de connaissance des consommateurs. Le niveau de capacité ou de connaissance du consommateur étant ici nécessairement à prendre en compte. L’ARPP précise elle même le but de ces recommandation en notant que, « développées dans les années 70 pour faire face à l’explosion des supports publicitaires, à la montée du consumérisme et au renforcement de la législation en matière de publicité trompeuse. Elles complètent et renforcent les obligations légales qui encadrent le discours publicitaire » Les professionnels de la publicité se donnent ainsi volontairement des règles pour que la publicité en France soit exemplaire, au-delà de la simple application des lois qui peuvent déjà la réglementer. 24 On y trouve également une première raison de faire le lien entre diligence professionnelle et l’autorégulation volontaire des professionnels. Ainsi, une publicité et une communication commerciale responsables, fondées sur des codes de conduite d’autodiscipline largement respectés, permettent dans les faits la reconnaissance par la communauté des affaires de ses obligations sociétales L’atout fondamental de l’autorégulation réside dans sa capacité à susciter, à intensifier et à entretenir la confiance des consommateurs à l’égard de la communauté des entreprises et, partant, à l’égard des marchés eux-mêmes. Une autorégulation efficace constitue également un outil précieux dans la sauvegarde de l’image et de la réputation d’une entreprise. De nouveaux codes d’autorégulation sont sans cesse rédigés et améliorés à la lumière des transformations sociétales, technologiques et économiques. C’est en ce sens, qu’il est nécessaire d’élargir la notion de diligences professionnelles au principe plus général de l’autorégulation professionnelle. 25 Titre 2 : L’avenir des diligences professionnelles dans le développement croissant de l’autocontrôle professionnel. Chapitre 1 : L’Autocontrôle professionnel et l’émergence des codes de bonne conduite. La notion de diligence professionnelle fait écho plus largement au développement croissant de l’autocontrôle professionnel. Si un tel autocontrôle apparaît nécessaire, opportun et particulièrement intéressant pour les professionnels, (Section 1) il convient cependant d’en apprécier la valeur et la légitimité (Section 2). Section 1 : Le développement croissant de l’autocontrôle professionnel. L’autocontrôle professionnel se développe dans différents secteurs d'activité régis par le système juridique français. L'usage de règles de conduite sociale et économique d’origine privée, codifiées en tant que code d'éthique, de déontologie, directives, recommandations et autres codes de bonne conduite est de nature à alimenter la définition large de ce que peuvent être les diligences professionnelles. De manière générale, l’autocontrôle professionnel est en passe de prendre une place de plus en plus importante dans l’ordonnancement juridique français après pourtant un départ plus que timide. A ce titre, il est de nature à faire naître certaines obligations pour le professionnel ou à tout le moins fournir une certaine feuille de route à suivre par le « bon professionnel ». 26 Les professionnels commencent nettement à prendre conscience de l’intérêt de développer ce genre d’autocontrôle que ce soit pour maintenir une certaine cohérence dans la profession ou encore maintenir une bonne image dans l’opinion et auprès des autres acteurs économiques, voire redorer le blason d’une profession à la dérive moralement. L’exemple type peut être observé la volonté immédiate de développer une traçabilité transparente dans le domaine de la vente de viande à la suite du scandale retentissant de la viande de cheval en France en 2013. Se pose cependant la question de la définition et la portée de ces règles, si l’on peut appeler cela des règles, à tout le moins une certaine organisation contrôlée de la profession. L’intérêt est majeur, puisque le juge français, à l'instar de ses homologues étrangers, confère une portée nouvelle à ce nouveau type d'instruments et en sanctionne la violation, a minima sur le principe de bonne foi et de loyauté, a maxima lorsque des sanctions spécifiques sont prévues. Il apparaissait que les instruments auxquels la pratique tend à recourir pour réglementer une activité économique donnée, en dépit de leur indéniable diversité, ne répondent pas suffisamment aux besoins des opérateurs privés. Aussi, tout naturellement a-t-on assisté, à côté de cette forme de production normative, au développement d'actes que certains auteurs qualifient de droit mou, droit vert ou soft law en échos à une terminologie anglo-saxonne. La doctrine a vu, dans l'émergence de ces sources de droit privé à la juridicité affaiblie, la preuve de l'exigence de normes techniques, et l'existence de pouvoirs privés économiques17. 17 G. Farjat, Réflexions sur les codes de conduites privés, in Le droit des relations économiques internationales. p. 56-57 27 Ethique, code de bonne conduite, déontologie, apparaissent ainsi comme donnant naissance à une complémentarité nécessaire entre normes publiques et privées. La doctrine pu ainsi en déduire une volonté de moralisation de la branche par l'énoncé de principes d'éthique professionnelle. Les secteurs professionnels ayant une certaine volonté d’encadrer leur profession par des normes édictées par eux et pour eux sont multiples. Sont ainsi visées tant les activités sportives, que celles de mandataire de justice dans les faillites 18 ou de commissaire aux comptes, des établissements de crédit 19 et des établissements financiers. Les activités purement commerciales qui pourraient par définition être opposées à toute réglementation à visée contraignante ne sont cependant pas en reste et développent également des dispositions d’autocontrôle, et ce assez tôt à partir du début des années 90. Il en va ainsi du marketing direct20, de la téléphonique21, ou encore la publicité, la vente par correspondance22 et les assurances. Il est intéressant de remarquer que cette réglementation est incorporée dans des documents que les opérateurs qualifient de « code ». Le parallélisme avec les réglementations étatiques est bien évidemment volontaire. Mais la similitude s’arrête là. En effet, ces codes apparaissant comme des instruments d'autodiscipline ou autocontrôle dont l'objet est l'énoncé de règles de déontologie ou de bonne conduite. Ils sont avant tout là à destination des professionnels eux-mêmes avant d’être à l’information du public ou des ordres judiciaires. 18 G. Bolard, La déontologie des mandataires de justice, D. 1988.Chron.261-266 Ph. Lagayette, Déontologie et contrôle des établissements de crédit, Rev. Banque, n° 513, févr. 1991, p. 119-122 20 Où dès 1993 a été publié, sous l'égide de l'Union française du marketing direct un « code déontologie des professionnels du marketing vis-à-vis de la protection des données à caractère personnel » 21 Code de déontologie du marketing téléphonique rédigé par le Syndicat du marketing téléphonique 22 Code professionnel de la vente par correspondance, rédigé sous les auspices du Syndicat des entreprises de vente par correspondance 19 28 En outre, la réception des normes non juridiques des ordres privés peut également constituer un moyen de combler un vide juridique au sein de l'ordonnancement juridique de source étatique. Il est également possible de distinguer l’autocontrôle de la déontologie des professionnels. Il apparaît que, là où la déontologie est avant tout présente pour organiser techniquement la vie professionnelle, les règles d’autocontrôle ajoutent une dimension morale ou en tout cas de surveillance de la profession. Il est ainsi possible de distinguer deux définitions, l’une présentant l’autocontrôle comme contenant la déontologie et des règles morales et l’autre présentant autocontrôle moral avec à coté la déontologie. La clé de distinction pourrait se trouver dans la sanction du non respect de ces différentes règles. Il apparaît que plus facilement les règles de bonne conduite peuvent être retenues devant le juge étatique, la plupart du temps sur le fondement de la morale ou de la loyauté. Dans un autre sens, déontologie est plus synonyme de justice privée, propre à la profession avec des sanctions en interne. En ce sens, les diligences professionnelles correspondent parfaitement à ce que l’on peu attendre en réalité d’un autocontrôle professionnel. Elles correspondent à la bonne pratique de la profession, au respect des règles propres à celle-ci et sont potentiellement sanctionnables en ce qu’elles correspondent pour le juge étatique à une obligation de loyauté, de respect de la bonne foi et des bonnes pratiques, voire des règles de l’art. 29 Section 2 : L’autocontrôle professionnel, valeur normative et intérêt fondé. La question fondamentale en matière d’autocontrôle professionnel est celle de la valeur et de la portée de ces règles privées, mais également de la motivation qui pousse les professionnels à adopter des règles impératives. L’autorégulation d'une branche d'activité par ses propres opérateurs est loin d'être envisagée pour le simple plaisir des professionnels. En effet, il n'est pas rare que l'objectif soit avant tout de prévenir le développement d'une réglementation étatique trop sévère. L’intérêt est majeur, on le comprend bien, et le sentiment qui anime la profession dans la mise en place de règles d’autocontrôle conduit rarement à l'adoption de codes de conduite plus sévères que ce qu’aurait éventuellement pu envisager le droit étatique. Un autre intérêt majeur tient dans le fait que l'élaboration de ces règles de conduite permet également aux opérateurs privés d'échapper à des poursuites notamment, en cas d'atteinte au droit de la concurrence. De même c'est en vue de se plier à des contraintes extérieures que les professionnels se fixent des normes qui prétendent guider leur comportement dans leur domaine d’activité. Il est logique de penser que, si les professionnels éprouvent le besoin de se soumettre à des règles morales ou de bonne conduite, c'est avant tout dans le but de mener leurs politiques commerciales en toute sécurité voire en toute tranquillité sous le couvert de règles soi-disant moralisatrices de la profession. 30 Toutefois ces éléments de régulation professionnelle ne sont pas toujours sans poser des problèmes d'ambiguïté. En effet, il est également possible de penser que l’excuse de l’existence d’un autocontrôle professionnel est tout à fait de nature à empêcher en réalité des règlementations nettement plus contraignantes de la part des Etats ou en tout cas profiter d’un encadrement a minima pour laisser se développer des pratiques dommageables sous le couvert du principe de l’autorégulation. Se pose également le problème de la réception par le juge de ces éléments d’autocontrôle. La plupart de ces codes de bonne conduite ou d'éthique apparaissent comme des documents à caractère exclusivement incitatif, en raison de leur volonté de prévoir un contenu incitatif. Cependant, ils peuvent progressivement acquérir un caractère obligatoire. Il en est ainsi lorsque de telles normes assument la fonction de standards permettant au juge étatique d'apprécier le comportement des opérateurs privés. En effet, beaucoup de ces normes définissent de manière assez large et plus ou moins précisément le comportement d'un professionnel normalement prudent et avisé. Il s'agit de standards au même titre que le principe de bonne foi ou de loyauté ou encore des attention d'un bon père de famille quoi que les jours de ce dernier se trouvent désormais révolus. Ces standards reprennent en réalité, sur le plan des ordres juridiques privés, le respect de normes de prudence et de diligence plus rigoureuses, fondé sur une présomption de compétence de l’ensemble de la profession couverte. En réalité, dans son effectivité, l’autocontrôle professionnel tend à être de plus en plus pris en compte par le juge. L’autocontrôle professionnel n'est pas condamné à une ineffectivité en raison de son caractère non contraignant. La doctrine soutient que sa juridicité doit être dissociée de son effectivité. 31 De ce fait l'ordre juridique étatique participe à l'effectivité d'une norme de conduite élaborée par un ordre juridique privé, à partir du moment où le juge peut commencer à considérer la norme d’autocontrôle comme basée sur un standard professionnel dont la violation est constitutive d'une faute. L’autocontrôle professionnel ne revêt pas de caractère spécifiquement contraignant, mais son contenu n'a pas pour autant une nature juridique immobile. Il peut acquérir une effectivité conditionnée par la manière dont il a été adopté, ainsi que par son contenu. Ce qui compte c’est finalement moins son aspect formel que son contenu. A partir du moment où contenu est le reflet de règles principalement acceptées comme des coutumes, des standards de comportement, voire des principes généraux du droit, on peut conclure que les juges étatiques sont autorisés à leur conférer le statut de source du droit et en conséquence en tirer toutes les conclusions qui s’imposent quant à la sanction de leur irrespect par le professionnel. Cependant, dans un soucis de plein efficacité, il conviendra, en toute logique, pour la juridiction saisie de dissocier nettement les dispositions qui font l'objet d'une large diffusion, et qui sont acceptées comme le reflet de pratiques acquises, de celles qui ne le sont pas. 32 Chapitre 2 : L’autocontrôle professionnel : l’exemple de l’encadrement du message publicitaire. L’exemple de l’encadrement du message publicitaire par des mécanismes d’autocontrôle professionnel est particulièrement illustratif de l’intérêt pour les professionnels de prendre acte et de faire des efforts dans la mise en place de tels mécanismes. En effet, si le contrôle de la lisibilité du message publicitaire est particulièrement avancé (Section 1), l’impossibilité de trouver des règles d’autocontrôle efficaces s’agissant de la publicité sur internet via les commentaires et les blogs a conduit les pouvoirs publics à prendre des dispositions d’encadrement ayant un impact certainement plus important pour les professionnels qu’une éventuelle organisation interne (Section 2). Section 1 : Le contrôle avancé de la lisibilité du message publicitaire. L’Autorité de la régulation Professionnelle de la Publicité est l’exemple type d’un autocontrôle professionnelle pleinement efficace et crédible. Les Recommandations de l’ARPP sont ainsi au cœur du dispositif de régulation professionnelle de la publicité. Exemple peut être pris de l’évolution de l’autocontrôle des publicitaires en matière de lisibilité et crédibilité du message publicitaire. Les publicités renvoyant à des précisions ou conditions générales par des astérisques ont eu à faire l’objet d’une certaine autorégulation professionnelle. 33 Le BVP avait ainsi pris soin d'éditer une recommandation "Mentions et Renvois" en décembre 2005, reprise ensuite par l'ARPP. Le texte recommande que, quel que soit le support de la publicité, les mentions rectificatives et informatives soient lisibles dans des conditions normales de lecture. Entre autre à titre d’exemple, cela implique que les mentions figurent à l'horizontale, dans une taille de caractères suffisante, dans une police de caractères qui permet une lecture aisée, sans pour autant que cette police soit uniforme dans toute la publicité, dans une couleur de caractères qui contraste par rapport à celle utilisée pour le fond de la publicité, avec des caractères normalement espacés. Dans le même sens, il a pu être développé le fait que dans les messages publicitaires faisant apparaitre des mentions au sein d'un bandeau déroulant, la vitesse de déroulement du bandeau doit permettre au consommateur de lire l'intégralité́ des informations y figurant sans que ce dernier soit obligé d'attendre une nouvelle diffusion du message. De la même manière, l’ARPP a pu venir encadrer et obliger les professionnels de la publicité à communiquer un message publicitaire simple permettant au consommateur une appréciation non erronée. Le professionnel devant être notamment attentif « au respect des principes d’un langage simple, direct, précis et non équivoque ». A ce sujet, il est intéressant de se pencher sur l’évolution du message publicitaire visant les forfaits illimités dans la téléphonie mobile, exemple parfait s’agissant d’une tentative de régulation professionnelle non respectée par certains et incidemment sanctionnée. Le Conseil national de la consommation avait très tôt été interpellé, en particulier par les associations de consommateurs, sur la question de l'utilisation de l'argument "illimité" dans les publicités pour Internet et les mobiles. 34 Dans son avis du 23 juin 2006 relatif à la publicité écrite dans le secteur des communications électroniques, il avait recommandé que "lorsqu'une publicité met en avant le terme "illimité" comme caractéristique essentielle d'une offre, la mention rectificative à ce terme figure dans des caractères suffisamment importants ; elle s'inscrit dans le document publicitaire de façon distinctive des autres mentions rectificatives et légales, et est clairement identifiée comme venant rectifier la mention principale". Pour autant, ces recommandations n'ont pas suffi comme le démontre l'affaire Free qui avait été portée devant le Tribunal de grande instance de Paris le 7 février 201223. 23 TGI Paris, 7 févr. 2012, 31e ch., n° 0700396023 35 Section 2 : Loyauté du message publicitaire sur internet : réglementation à défaut d’autocontrôle efficace. La Cour de cassation définit de façon constante la publicité comme un "moyen d'information destiné à permettre au client potentiel de se faire une opinion sur les caractéristiques des biens ou services qui lui sont proposés"24. Quel que soit le degré de captation, le message porté par les professionnels doit respecter des principes cardinaux, élémentaires25. Ainsi, dès l'article 1er, il est exposé que "toute communication de marketing doit se conformer aux lois, être décente, loyale et véridique. Toute communication de marketing doit être conçue avec un juste sens de la responsabilité sociale et professionnelle et doit être conforme aux principes de la concurrence loyale telle qu'ils sont généralement admis dans les relations commerciales. Aucune communication ne doit être de nature à dégrader la confiance que le public doit pouvoir porter au marketing". Il est évident qu’un tel code a avant tout une finalité pédagogique, mais il est important de noter les termes particulièrement forts de l’article. On notera qu’au delà de la loyauté entre les acteurs concernés, l’argument majeur est le maintien de la confiance du public ce qui illustre bien encore une fois la volonté des professionnels de s’autocontrôler dans un but commun à l’ensemble de la profession. A la lecture du code ICC, la publicité loyale est donc celle qui est honnête, qui ne cherche pas à tromper sa cible. L'article 3 retient que "la communication commerciale doit être conçue de manière à ne pas abuser de la confiance des consommateurs ou à ne pas exploiter le manque d'expérience ou de connaissance des consommateurs". 24 25 Cass. crim., 23 mars 1994 : Bull. crim. 1994, n° 114 Code international sur les pratiques de publicité et de communication de marketing 36 Il est intéressant d’observer l’application de ces règles d’autocontrôle dans le domaine de la publicité sur internet. On en effet ici dans un domaine en pleine expansion avec un large public cible. Pour autant il commence à apparaître primordial pour les annonceurs de commencer à encadrer la diffusion de la publicité pour internet pour maintenir une certaine acceptation du message par le public. La légitimité des sites, des blogs, des forums passent nécessairement par leur crédibilité. Tout ces supports dématérialisés ont donc tout intérêt à s'autoréguler et à respecter une certaine contrainte volontaire. Les professionnels, de façon individuelle, tentent de réagir. Certains sites veillent à contrôler cette publicité cachée notamment pour garantir leur crédibilité. La solution principale et certainement celle qui sera la plus efficace et adaptée pourrait venir de l'autorégulation professionnelle et du respect subséquent de certaines diligences professionnelles. La révision du Code ICC sur les pratiques de publicité́ et de communication commerciale en 2011 a ainsi été l'occasion d'intégrer une partie "medias interactifs numériques" prenant en compte ces pratiques potentiellement déloyales et surtout extrêmement néfastes pour l’ensemble de la profession. L'article D1 recommande ainsi que : « Lorsqu’une communication commerciale numérique est individuellement adressée à un consommateur, l'objet du message et le contexte doivent faire clairement apparaitre sa nature commerciale. L'objet du message ne doit pas induire en erreur et la nature commerciale de la communication ne doit pas être dissimulée. La nature commerciale de recommandation ou avis sur des produits manant des professionnels de la communication doit être clairement indiquée. Ces recommandations ou avis ne doivent pas être présentés comme émanant de consommateurs individuels ou d'organismes indépendants » 37 Dans un avis du 6 février 2013, Identification de la publicité, le Conseil Paritaire de la Publicité, a quant à lui demandé à l’ARPP réactualiser sa Recommandation Identification de la publicité au regard des évolutions du Code ICC. Parallèlement, le Comité d'éthique publicitaire dans son avis du 25 novembre 2011 a réaffirmé les frontières entre information et publicité. Il observe que la question des blogs est essentielle, en raison de leur importance, de leur essor, et des investissements consentis par les marques dans ce secteur. Le Comité d’éthique propose une solution intéressante du point de vue des diligences professionnelles puisqu’il envisage d’initier un système d’autocontrôle par les internautes eux-mêmes, ceux-ci étant par la même, assimilés à ce qu’on pourrait appeler des « professionnels du commentaire » Le Comité d’éthique propose ainsi de créer un label garantissant le statut du bloggeur qui serait obligé de citer ses sources pour pouvoir s'exprimer sur une marque ou un produit. Ce label fonctionnerait un peu comme la norme européenne "CE" apposée sur les produits techniques, les jouets, etc. à l'initiative des fabricants. La norme en question ne sanctionne pas un bon comportement vérifié (par une autorité indépendante), mais elle signale un bon comportement vérifiable. Celui qui se prévaut du label se trouverait moralement engagé, de telle manière qu'il ait un devoir de transparence auprès des lecteurs du blog. L’idée d’autorégulation est ici intéressante mais difficile à mettre en œuvre. Elle est illustratrice de la difficulté que peuvent avoir les professionnels à organiser et se soumettre à un autocontrôle dès lors que leurs intérêts ne sont pas convergents. Pour autant, les professionnels en la matière ne pourront que regretter d’avoir manqué une telle possibilité. 38 En effet, les pouvoirs publics ont pris le relai par le biais de l'AFNOR, et tentent de moraliser la pratique. Ainsi, en janvier 2012, l'AFNOR a mis en place un groupe de travail pour élaborer une norme sur les avis en ligne des consommateurs. Le projet de norme a été finalisé en décembre 2013 et l'AFNOR a lancé une enquête publique afin de recueillir la position des acteurs concernés26. L’exemple de l’autocontrôle de la publicité cachée et des avis sur internet est symptomatique de la problématique des diligences professionnelles. Dans le cas présent, les professionnelles ont manqué une occasion et devront maintenant se conformer à une norme étatique sans doute beaucoup plus contraignante que ce qu’elle aurait pu être si eux-mêmes avaient pris l’initiative de se contrôler et d’encadrer les règles de la profession en la matière. Il est impératif pour les professionnels de comprendre qu’ils ont la possibilité d’avoir l’initiative dans l’encadrement de leur profession et qu’ils ont tout à gagner à s’engager sur cette voie. 26 AFNOR, PR NF Z74-501, févr. 2013, Avis en ligne des consommateurs 39 Partie 2 : Le régime des diligences professionnelles, les enjeux majeurs d’une définition efficace. 40 Titre 1 : Les diligences professionnelles dans l’application concrète de la directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales. Chapitre 1 : La prise en compte en réalité subsidiaire du respect des diligences professionnelles Dans l’appréciation que font les juridictions de la notion de diligences professionnelles dans le cadre de l’application de la directive 2005/29/CE transposée, il particulièrement intéressant de remarquer qu’en réalité l’utilisation effective de la notion n’est que subsidiaire, et dès lors se pose la question de sa portée réelle (Section 1). Pour autant, lorsqu’elle reçoit pleine application, il convient de noter que les juridictions font nettement écho à la notion de loyauté et d’obligation d’information, obligation qui semble être l’application réelle majeure de la notion (Section 2). Section 1 : La subsidiarité de la notion de diligence professionnelle. La directive 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales est sans équivoque quand aux conditions de la déloyauté de la pratique commerciale. La pratique devient déloyale dès lors qu’elle est a) contraire aux exigences de la diligence professionnelles et b) qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique par rapport au produit, du consommateur moyen qu’elle touche ou auquel elle s’adresse (…)27. 27 Directive n°2005/29/CE art 5 41 Depuis la transposition de la directive 2005/29/CE, les juridictions nationales et européennes ont eu à connaître de pratiques susceptibles de relever de ce texte. Il est intéressant de remarquer que les juridictions sont loin d’une application claire et sans peine des termes de la directive et notamment de l’interprétation à faire de la notion de diligence professionnelle. Il est à noter que l’on est plutôt dans une pratique visant à cantonner la notion à un rôle subsidiaire faut sans doutes de savoir comment en tirer meilleur parti. Suivant les termes de la directive, les deux conditions posées à l’article 5 sont cumulatives et doivent être appréciées conjointement à chaque fois que la pratique pourrait apparaître comme déloyale. Il faut cependant remarquer que la prise en compte des diligences professionnelles n’intervient qu’en deuxième rideau lors de l’analyse d’une pratique commerciale par les juridictions. L’article 3§1, de la directive 2005/29/CE énonce que les pratiques déloyales sont définies dans son article 5 comme il l’a été précisé auparavant. Cette disposition présente deux critères cumulatifs d’identification et insiste dans un second temps sur les pratiques trompeuses et agressives qui par hypothèse, sont toujours déloyales. Il apparaît que les magistrats recherchent en réalité en premier lieu si la pratique correspond aux pratiques commerciales interdites en toutes circonstances28. Puis en second lieu les juges viennent se référer éventuellement au critère du respect des exigences de la diligence professionnelle29. Il apparaît que la CJUE opère également une lecture à deux niveaux. En effet, elle précise dans un arrêt du 19 septembre 2013 que dès lors qu’une pratique commerciale déloyale répond aux critères de la pratique commerciale trompeuse, il n’y a pas lieu de vérifier si la pratique est contraire à la diligence professionnelle30. 28 v. annexe 1 de la directive 2005/29/CE v. en ce sens Cass. Com. 13 juillet 2010, n°09-15.304 30 CJUE 19 septembre 2013, aff. C-435/11 CHS Tour Services Gmbh c/ Team4 Travel 29 42 La réflexion est différente de celle opérée par la Cour de Cassation, puisqu’ici ce ne sont pas les pratiques interdites spécifiquement qui sont prises en compte en premier mais tout simplement celles que l’ont peut qualifier de trompeuses. Le raisonnement est tout à fait logique puisqu’une pratique trompeuse est nécessairement déloyale. Vient cependant se poser l’intérêt du double critère de l’article 5 de la directive 2005/29/CE. En effet, on imagine difficilement une pratique qui ne serait pas trompeuse mais pourtant déloyale, et la jurisprudence ne fait que renforcer ce sentiment. Le critère du respect de la diligence professionnelle semble donc à exclure de l’appréciation du caractère trompeur d’une pratique commerciale. Il convient dès lors de s’interroger sur l’utilité réelle de la notion de diligence professionnelle telle qu’envisagée dans la directive 2005/29/CE. L’interprétation qu’en fait la CJUE laisse à penser qu’il faudrait interpréter le critère comme étant secondaire. Il y aurait une sorte de hiérarchie entre les deux notions où serait privilégié le caractère trompeur de la pratique. Dès lors faut-il en déduire que la déloyauté s’apprécierait seulement lorsque le caractère trompeur n’est pas observé ou difficilement appréciable ? Il paraît cependant difficile d’imaginer que des pratiques commerciales seraient déloyales sans pour autant être ni trompeuses ni agressives. A contrario on voit difficilement comment une pratique commerciale qui ne serait, ni trompeuse ni agressive, pourrait cependant par défaut se retrouver déloyale. C’est donc une analyse in concreto qui permettra alors de déterminer si la pratique commerciale peut être prohibée31. Au demeurant, la notion et l’appréciation des diligences professionnelles n’ont d’utilité que couplées à la seconde condition à savoir l’altération du comportement du consommateur. 31 v. en ce sens notamment CJCE, 23 avr. 2009, aff. C-261/07 43 Cette altération doit être la conséquence directe du non respect des diligences professionnelles. On en déduit donc que les diligences professionnelles en soit, non respectées, n’ont aucune incidence et ne sauraient amener à elle seule une sanction. Ainsi, il a pu être jugé qu’une pratique, en l’espèce un comparateur de prix sponsorisé, n'est trompeuse au sens de l'article L. 120-1 du Code de la consommation, que si une autre condition est remplie, la démonstration que la pratique altère la décision d'achat du consommateur 32. La notion de diligence professionnelle n’est donc rien sans sa mise en balance avec l’appréciation que peut faire le consommateur du respect de ces diligences et ce qu’il en attend. Le non respect de la diligence professionnelle en soit n’emportant aucune sanction, on comprend donc bien le peu d’intérêt pour les professionnels français pour la mise en place de la notion, sauf à ce qu’ils y aient un intérêt particulier tel que l’image de la profession notamment ou qu’ils y soient contraint par un organisme de régulation ou des instances disciplinaires propres à la profession. 32 Cass. com., 27 avr. 2011, n° 10-15.648, SAS Univers Pharmacie et alii c/ Sté Galec 44 Section 2: Les diligences professionnelles recevant application, prolongement de la bonne fois. Bien que la notion de diligence professionnelle semble considérée comme étant subsidiaire dans l’appréciation du caractère illégal d’une pratique commerciale, elle trouve tout de même écho dans certaines décisions qui sont de nature à venir préciser dans les faits comment les juges du fond apprécient réellement les contours de la disposition. En tout état de cause, il apparaît que la notion est principalement entendue comme un prolongement de la notion de bonne foi. Elle apparaît finalement comme un critère malléable, particulièrement soulevé par défaut lorsqu’il s’agit de tenter de condamner une pratique non interdite per se. Au demeurant, il conviendra de remarquer que si elle sert facilement de prétexte à condamnation, il est nécessaire qu’elle soit systématiquement à apprécier au regard du second critère, l’impact sur le comportement du consommateur moyen. A ce titre, aucune décision n’a été confortée par la Cour de Cassation lorsque seul le non respect des diligences professionnelles, en réalité le principe de loyauté, était soulevé comme motif de condamnation. En outre, il apparaît que les diligences professionnelles sont sujettes à une appréciation aux multiples facettes par les juges mais qu’en réalité, se dégagent deux principales obligations qui pourraient déterminer les contours de ce que peuvent être réellement les diligences professionnelles en dehors de tout encadrement propre à la profession, l’obligation d’information et de loyauté du professionnel. La jurisprudence est ainsi venue sanctionner le professionnel pour n'avoir pas informé le consommateur des conditions d'utilisation des logiciels toujours à la lumière de l'interprétation de l'article L. 121-1 du Code de la consommation par le droit communautaire33. 33 v. en ce sens Cass. 1re civ., 6 oct. 2011 : D. 2011, p. 2464, obs. X. Delpech 45 On remarque ici une potentielle ouverture intéressante de la notion de diligence professionnelle qui s’orienterait vers une certaine obligation d’information du consommateur. L’obligation d’information du consommateur pourrait être considérée comme la diligence professionnelle a minima en dehors de toute réglementation propre à la branche professionnelle visée. Cette analyse n’est cependant pas admise de manière générale. En effet, il a ainsi pu être admis que si la vente d'ordinateurs prééquipés d'un logiciel d'exploitation constitue une vente liée, il n'empêche qu'elle n'est pas, en soi ou per se, une vente prohibée. Il faut qu'elle soit déloyale pour qu'une telle pratique commerciale soit désormais condamnable en droit interne et externe. La Cour de cassation décide que ne constitue pas une pratique commerciale déloyale le fait pour un professionnel de proposer sur son site Internet la vente d'ordinateurs prééquipés d'un logiciel d'exploitation, dès lors que le consommateur dispose de la faculté d'acquérir sur un site Internet lié le même ordinateur « nu ». En revanche il faut noter ici qu’il n’est nullement fait état d’une quelconque information du consommateur sur cette possibilité, et en l’espèce elle n’existait pas. Il persistait la possibilité d’acquérir l’ordinateur nu, mais sur un site professionnel, autant dire que les barrières à l’acquisition étaient et restes énormes pour le consommateur moyen non spécifiquement renseigné. La Cour de cassation met en évidence qu'à partir du moment où le professionnel offrait aux consommateurs la possibilité d'acquérir sur un premier site des ordinateurs prééquipés d'un logiciel d'exploitation et sur un second site mais lié des ordinateurs dépourvus de tout logiciel d'exploitation, cela retirait à la pratique litigieuse tout caractère délictueux. En outre, la Cour de Cassation s’appuie sur le fait que le consommateur n'est certainement pas apte à installer lui-même un logiciel d'exploitation. Il semblerait donc qu’il faille également prendre en compte le consommateur moyen visé, le caractère déloyale de la pratique en dépendant. 46 La doctrine a pu en déduire qu’il faudrait raisonner en offre globale pour apprécier le caractère déloyal de l'opération commerciale34. A partir de là se pose la question de l’application de cette analyse à une offre en magasin et pas seulement sur internet. Paradoxalement, la notion de diligences professionnelles et les pratiques commerciales déloyales apparaissent difficiles à mettre en œuvre sur internet là où elles devraient certainement être le plus utiles. La faute sans doute à la difficulté de réguler largement le marché sur internet. Il semblerait que les diligences professionnelles sur internet restent encore longtemps cantonnées à la simple appréciation de la bonne foi dans mise en œuvre de la pratique commerciale. Au demeurant, sur la notion même de diligence professionnelle, il est intéressant de noter que l’arrêt de Cour d’Appel, bien que cassé, retient, que cette pratique est contraire aux exigences de la diligence professionnelle au motif que la société, qui prétend n'être que distributeur, se trouve toutefois en lien direct avec le constructeur lequel s'il n'a que des droits d'utilisation tirés de la licence qui lui a été concédée conserve un intérêt à adapter sa concession de licence à la demande en s'adressant à l'éditeur du logiciel d'exploitation, que la société ne peut justifier l'absence de proposition d'ordinateurs sans préinstallation puisqu'elle les propose aux professionnels et qu'il n'existe pas d'obstacle technique à l'absence de proposition sans préinstallation, ni à la désactivation lors de la vente. On notera ici que la diligence professionnelle tient dans le potentiel conflit d’intérêt ou plutôt l’intérêt commun que distributeurs et fournisseurs auraient à pratiquer des ventes liées. Il faudrait en retenir qu’à première vue, est contraire à la diligence professionnelle le fait de maintenir une pratique, probablement néfaste pour le consommateur, du fait de ses liens étroits avec le fournisseur du produit, la pratique alors néfaste profitant tant au fournisseur qu’au distributeur. 34 V. en ce sens, X. Delpech, Dalloz Actualités, 23 juill. 2012 47 Le respect de la diligence professionnelle voudrait alors que le professionnel distribuant un produit propose celui-ci avec ou sans vente liée quel que soit son niveau d’interrelation avec le constructeur du produit. En matière de comparateur de prix, la diligence professionnelle a pu s’apprécier au regard du fait de s’afficher comme indépendant alors qu’in concreto l’activité principale était en réalité publicitaire. La Cour de Cassation 35 précisait que la Cour d'Appel avait ainsi retenu que le comparateur de prix ne comparait en réalité que les prix des entreprises qui avaient obtenu un référencement payant auprès de lui, ce qui jetait une ombre sur le caractère objectif de la comparaison. Le soi-disant « meilleur prix » que le visiteur était censé trouver sur le site, ne résultait pas d'une comparaison de toutes les offres existantes sur le marché. Par conséquent, pour les juges, le comparateur de prix sur internet avait en réalité une activité publicitaire et, en ne s'identifiant pas clairement en tant que site publicitaire, cette société enfreignait les dispositions de la loi LCEN du 21 juin 200436, et se rendait coupable de pratiques déloyales et trompeuses. Il en va de même pour le défaut de mise à jour en temps réel des prix affichés, pour le défaut de mention de la période de validité des offres, pour l'absence d'information relative aux frais de livraison, pour le silence gardé sur les conditions de garantie et les principales caractéristiques des produits comparés. Au final, on pouvait penser qu'il était contraire aux exigences de la diligence professionnelle ce que l'on est en droit d'attendre, certainement naïvement, d'un comparateur de prix. 35 Cass. com., 29 nov. 2011, n° 10-27.402, FS-P+B, SAS Kelkoo c/ SA Concurrence : JurisData n° 2011026643 36 Loi du 21 juin 2004, Art. 20 48 Au regard de cette pratique jurisprudentielle, il apparaît qu’en réalité la notion de diligence professionnelle est avant tout utilisée, lorsqu’elle l’est, afin de caractériser une pratique visiblement répréhensible. Etant donné la largesse de la définition de la notion, elle se prête aisément au jeu de la qualification par défaut. En réalité, s’il faut retenir un critère commun aux différentes appréciations que les juridictions opèrent, il ne fait aucun doute que diligence professionnelle, au sens de la directive 2005/29/CE, rime avec loyauté de la pratique, indépendamment de la spécificité de la profession ou des éventuels usages ou déontologie en la matière. 49 Chapitre 2 : L’impact des diligences professionnelles sur la relation consommateur-professionnel. Au delà de la simple appréciation par les juridictions de la notion de diligences professionnelles, il faut observer que le développement de celle-ci n’est pas sans impact sur d’une part la place du consommateur dans le régime général (Section 1) ni sans conséquences pour le professionnel (Section 2). Section 1 : La place du consommateur dans le régime des diligences professionnelles. Il convient de s’interroger sur les conséquences que peut avoir la double lecture qu’opèrent les juridictions dans la pratique sur le régime des diligences professionnelles et la place du consommateur dans celui-ci. A partir du moment où les magistrats constatent le non respect des diligences professionnelles mais en subordonnant systématiquement la sanction de la pratique au révélateur de l’impact de celle-ci sur le consommateur, il semble que le juge judiciaire français retienne la liberté de contracter du consommateur comme l’élément de référence. Il ne suffit pas que les diligences professionnelles soient respectées, ce qui en soit pose un souci d’efficacité et de réalité de l’effet concret d’une obligation de respect de cellesci. Le régime des diligences professionnelles passe nécessairement en pratique par une appréciation de celles-ci au regard de la situation du consommateur. Ainsi, les diligences professionnelles ne sont pas des obligations per se mais plutôt des guides de bonne conduite ou de bonne pratique mouvant suivant chaque perception que pourrait en avoir le consommateur. 50 Au final, l’appréciation des critères de la déloyauté des pratiques commerciales telle que prévue dans la directive 2005/29/CE révèle les difficultés à établir l’équilibre entre les intérêts économiques du professionnel vendeur et ceux du consommateur sur le même marché. Au regard de la directive, les diligences professionnelles se cantonnent à une énième appréciation de la loyauté et de la bonne foi. C’est tout juste s’il faut prendre en compte les caractéristiques de la profession. Dans l’application du principe, l’inefficacité apparaît d’autant plus. En effet, non content d’apprécier le bon respect des diligences au regard de la bonne foi, ce qui déjà peut entrainer d’importantes divergences suivant les pays et même les juridictions, les magistrats apprécient ensuite les diligences effectuées au regard de l’attente du consommateur moyen. Avec évidemment tous les problèmes liés à la définition du consommateur moyen. Il est évident qu’il conviendrait de dire que la première des diligences professionnelles tient dans l’obligation d’information du professionnel à l’égard du consommateur. Cette obligation devrait pouvoir exister sans le filtre de l’appréciation du consommateur. La portée des diligences professionnelles en est ainsi pourtant grandement réduite. La jurisprudence relative à la qualification de pratique commerciale déloyale des ventes liées de logiciel d’exploitation d’ordinateur avec l’ordinateur neuf est une bonne illustration du problème. En partant du postulat que le professionnel, pour respecter les diligences dues doit, a minima, délivrer une information au consommateur, en l’espèce la possibilité d’acheter l’ordinateur nu, et qu’il ne le fait pas, il convient de remarquer qu’à première vue, la pratique est potentiellement déloyale, il n’a pas respecté les diligences professionnelles qui lui était imparties. La sanction en l’état est donc parfaitement envisageable. 51 Pourtant, au révélateur de l’impact sur le comportement du consommateur, le respect ou non des diligences est totalement indifférent. En effet, il n’est pas du tout certain que le consommateur moyen qui achète un ordinateur modifiera son achat lorsqu’il aura pris connaissance de la possibilité de se le procurer vide de tout logiciel d’exploitation. Le consommateur veut avant tout un ordinateur clé en main, qui marche dès le premier allumage. Au final que le professionnel lui ait indiqué ou non la possibilité de l’achat nu, le consommateur moyen a peu de chance de modifier son comportement d’achat, sauf à prendre en compte le consommateur qui maîtrise parfaitement l’installation d’un logiciel d’exploitation tiers, mais ici on se retrouve déjà dans le cadre d’une appréciation du consommateur à la limite du professionnel qui par définition n’est pas un consommateur moyen. Il aurait été plus intéressant de prévoir un régime distinct du respect de la diligence professionnel, imposant comme tout préalable à la conclusion d’une opération un certain respect des règles de loyauté de la profession. Avec encore une fois tout le problème d’arriver à placer le curseur entre déloyauté et pratique du commerce. Dans la pratique il n’y a donc pas les diligences et le comportement du consommateur, il y a les diligences en fonction du comportement du consommateur. Dès lors, la place du consommateur devient fondamentale pour apprécier l’étendue du régime des diligences professionnelles. Au regard des deux critères posés par la directive européenne, peut-être aurait-on pu penser que les exigences de la diligence professionnelle échapperaient, contrairement à la condition plus explicite de l’altération substantielle du comportement du consommateur, à la question de la liberté du consommateur. 52 Il apparaît cependant que les deux conditions mènent les juridictions à l’enjeu de la protection de la liberté du consommateur, justifiant une utilisation des critères européens à la lumière de ce seul élément. La pratique finalement ne serait pas trompeuse ou contraire à la diligence professionnelle en ce que la présentation de l’offre du professionnel ne serait pas susceptible d’induire le consommateur en erreur préservant sa liberté de choix. A titre d’exemple en ce sens, la Cour de cassation37 a pu considérer que même que la liberté de choix est garantie dès lors que le consommateur élit « son opérateur en considération des services associés et donc de la capacité des offreurs de se différencier de leurs concurrents ». Le sens donné aux critères de la déloyauté prend sa source dans la conception européenne de la liberté du consommateur qui s’attache très objectivement à la possibilité pour ce dernier de ne pas souscrire. En acceptant ainsi que l’intérêt du consommateur ne soit plus qu’une composante du fonctionnement économique du marché, le fondement retenu pour apprécier le caractère déloyal de la pratique commerciale serait finalement, à titre principal, le droit de la concurrence38. En retenant ce passage obligé par le filtre de la perception du consommateur, la directive qui se veut au départ protectrice du consommateur vient au final limiter ses propres intérêts. 37 Cass. com., 13 juill. 2010, nos 09-15.304 et 09-66.970, Bull. civ. IV, no 127 v. ce sens, CJUE, 11 mars 2010, aff. C-522/08, Telekomunicaja Polska SA w Waeszawie, Comm. com. électr. 2010, comm. 63, note Chagny M. 38 53 Section 2 : L’impact du régime des diligences professionnelles sur le professionnel. S’agissant du professionnel, le régime des diligences professionnelles, telles qu’envisagées par la directive 2005/29/CE et la jurisprudence, n’est pas non sans soulever d’importants problèmes. Il va sans dire que les nombreux standards de jugement sur lesquels est basé la définition des diligences professionnelles est source d’une importante insécurité juridique, nettement plus marquée du coté du professionnel que de celui du consommateur. Le professionnel, dans l’absolu, devra nécessairement essayer d’apprécier s’il a un comportement loyal ou déloyal, si ce qu’il vend est de nature à caractériser un non respect des diligences professionnelles qu’hypothétiquement il doit respecter. En l’absence de toute liste ou définition préciser, on comprend bien qu’il est et sera pour le moment éminemment difficile pour le professionnel de distinguer s’il est dans le respect de la directive ou non. Il est d’autant plus difficile pour le professionnel français d’arriver à faire la part des choses, que le respect et l’exécution dans le respect d’une certaine loyauté, que le principe ne correspond pas du tout à sa culture contrairement à d’autres pays européens39. Il est nécessaire, pour que le professionnel français pour accepter une régulation ou un code de bonne conduite d’arriver à lui prouver qu’il doit y trouver un certain intérêt notamment dans la sauvegarde de l’image de la profession ou l’instauration d’un climat de confiance. En ce sens, le régime des diligences professionnelles telles que prévues dans la directive 2005/29/CE est de nature à commencer à faire changer l’avis des professionnels sur le sujet. 39 Osman F., Avis, directives, codes de bonne conduite, recommandations, déontologie, éthique, etc. : réflexion sur la dégradation des sources privées du droit, RTD civ. 1995, p. 509 54 L’information à tout va du consommateur et sa prise charge par les professionnels de correspond pas du tout à ce qui peut se passer en France, où la protection du consommateur passe avant tout par des règles de nature législative plus que par l’autoréglementation des professionnels eux-mêmes. On comprend donc que l’avenir est nécessairement dans le développement de l’autorégulation professionnelle, là où il y a de l’intérêt à y avoir de l’autorégulation, que ce soit par des codes de déontologie ou par la surveillance d’un organisme de régulation. Il est en effet important de noter que la directive s’adresse davantage aux professionnels eux-mêmes et, en France, aux associations de consommateurs. L’incitation est faite en faveur du développement et de l’application de codes de bonne conduite40. Il s’agit ici, d’une forme revendiquée d’autorégulation, vantée pour la souplesse et l’adéquation des normes adoptées par les parties en présence. Il ne faut pas douter du fait que pour apprécier et rechercher un régime efficace des diligences professionnelles, il est nécessaire de se détourner des principes généraux de la bonne foi et de la loyauté et se pencher sur la mise en place de l’autorégulation professionnelle. C’est en tout cas le but non affiché de la Commission Européenne. La doctrine relevant à ce titre que « la directive témoigne davantage d’un véritable droit du marché qu’un droit de la consommation, tel qu’on le définit traditionnellement en France »41. 40 41 v. notamment en ce sens les articles 2, f et 10 de la directive Cédric MONTFORT, Revue Lamy Droit des Affaires – 2008 p23 55 Titre 2 : L’autre avenir de la notion de diligences professionnelles à la française dans la déontologie et les usages. Chapitre 1 : Diligences professionnelles et déontologie, un régime analogue. Dans la recherche d’un régime cohérent des diligences professionnelles, il est intéressant de se pencher sur la déontologie. S’il est impossible d’assimiler entièrement déontologie et diligences professionnelles, il convient de remarquer que deux sources peuvent s’en rapprocher, les codes déontologiques des professions libérales (Section 1) et l’encadrement légal des professions règlementées (Section 2). Section 1 : Déontologie et exercice libéral : codes déontologiques et diligences professionnelles. L’exercice libéral est marqué par des codes de déontologie et de bonne conduite que l’on peut assimiler à de la diligence professionnelle, encore que les deux notions peuvent être distinguées. En effet, là où les diligences telles qu’entrevues par la directive 2005/29/CE se borne à une obligation de loyauté et de bonne foi, les codes déontologique dans leur application sont avant tout un encadrement de la profession et une forme détournée d’autocontrôle visant à la bonne tenue et au maintient de l’image de la profession. Ainsi, les notaires restent encadrés par des règles déontologiques engageant, à la différence du pan de la notion de diligences professionnelles évoqué précédemment, leur responsabilité immédiate. 56 Les notaires sont ainsi avant tout tenus d’un devoir de conseil destiné à assurer la validité et l’efficacité de leurs actes42. Ils doivent, par ailleurs, quel que soit l’acte qu’ils rédigent, effectuer des recherches préalables de nature à éviter la nullité de ce dernier. Ils sont par exemple tenus de s’assurer de l’identité des parties, de leur capacité, de leur situation matrimoniale et de leur consentement. Ces formes et solennités ont été définies, pour les notaires, par la loi du 25 ventôse de l'an XI contenant organisation du notariat et réglant des actes notariés, et à sa suite le décret 71-941 du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires. Ces dispositions quoiqu’anciennes ne sont pas à négligées puisque fondement récent de la responsabilité de notaires peu diligents dans la rédaction de leurs actes43. La jurisprudence a ainsi pu déterminer que le notaire doit fournir aux parties, et pas seulement à son client 44 , l'ensemble des éléments d'information en sa possession susceptibles de les éclairer sur la nature et la portée de leurs engagements45, tout en s'assurant non seulement de la validité́ des actes auxquels il apporte son concours, mais aussi de leur efficacité46. Il est intéressant de remarquer qu’ici les diligences professionnelles prennent une toute autre dimension dans le sens où le notaire est considéré comme un sachant ayant l’obligation de renseigner les parties. Ses capacités sont au service du client et il doit faire preuve de la plus grande diligence dans l’exercice de sa mission, mais diligence au sens de capacité et compétence professionnelle et pas seulement bonne foi ou loyauté. Il est possible de faire un rapprochement de cette situation avec celle du professionnel informant le consommateur sur le bien ou le service rendu avec cette différence que dans le cas d’un notaire, la teneur de l’obligation d’information est inchangée et ce quel que soit le niveau de compétence des personnes s’adressant à lui. 42 Cass. 3e civ., 21 févr. 2001, n° 98-20.817, Bull. civ. III, n° 20 V. en ce sens CA Aix-en-Provence, 20 septembre 2013, n°12/04328. 44 Cass. 1re civ., 27 avr. 1978 : JCP G 1978, IV, p. 194 45 Cass. 1re civ., 20 juill. 1994 : Juris-Data n° 1994-001648 46 Cass. 3e civ., 21 févr. 2001 : Juris-Data n° 2001-008299 43 57 La notion de diligence professionnelle prend alors tout son sens dans la mesure où elles correspondent à un savoir précis, propre à la profession. C’est toute la différence avec une relation purement commerciale où la notion sera obligatoirement atténuée par la nature même de celle-ci. Il est cependant intéressant de remarquer qu’il est tout à fait envisageable de faire rentrer la question de la compétence du professionnel dans la définition de la diligence professionnelle. C’est ce qui a pu amener certains auteurs à remarquer que l'obligation d'information qui pèse sur le notaire se rapproche parfois de la pédagogie47. Il est évident qu’on voit difficilement un commerçant faire œuvre de pédagogie sauf à ce qu’il y soit obligé ou qu’il y trouve un réel intérêt. Mais la nature même de la relation commerciale est par définition opposée à cela. On imagine difficilement une obligation pour le professionnel d’être entièrement compétent au delà de la simple bonne foi. La question se règlera par la suite si un préjudice du fait de l’incompétence survient, mais en tout état de cause, la compétence du professionnel n’est pas un préalable à la conclusion de l’opération, il reste en effet au consommateur à ce renseigner et se faire une idée de la personne avec qui il entend conclure, restant libre de contracter ou non. En outre, le notaire doit nécessairement se renseigner sur l’ensemble de l’opération qu’il prépare. Il a ainsi pu être jugé qu’il appartenait au notaire, dans l’exécution de sa mission d’authentification des actes, de s’assurer de l’origine de propriété du bien cédé et de procéder, à cette fin, à toutes vérifications indispensables avant d’instrumenter. 47 François PASQUALINI La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 32, 5 Août 2004, 1192 58 Les magistrats en ont ainsi déduit que le notaire avait manqué à l’obligation de diligence lui incombant, et ce notamment en ne procédant pas à des investigations plus approfondies, en particulier auprès de son confrère, qu’il se devait non seulement de mettre en garde les parties mais aussi de s’abstenir d’instrumenter et qu’en prêtant son concours à la vente de l’immeuble litigieux48. De manière générale, les diligences professionnelles du notaire peuvent se résumer en grande partie dans les compétences spécifiques qu’ils sont censés présenter et dans le devoir général de conseil qui leur incombe. Il en outre intéressant de remarquer que la notion de diligences professionnelles du professionnel libéral ou règlementé diffère en réalité nettement dans la pratique de ce qui peut être attendu d’un professionnel commerçant. L’analyse cependant du régime des diligences des professions libérales amène à penser qu’il serait potentiellement intéressant pour les professionnels commerçants de s’orienter dans une optique d’autocontrôle comme semble le prôner la législation européenne en prenant en compte l’impact des codes déontologiques établis dans les professions libérales qui pourtant tiennent dans le temps. 48 Cass. 1re civ., 29 mai 2013, n° 12-21.781 59 Section 2 : Déontologie et commissaires aux comptes : obligations légales et diligences professionnelles. Le législateur a entendu mieux contrôler les commissaires au comptes, notamment en instituant un Haut Conseil chargé de veiller à l'indépendance et à la déontologie des commissaires aux comptes, tout en permettant aux professionnels d'exercer avec plus de pertinence leurs missions49. C’est cette fois la loi qui est à l’origine d’un certain nombre de diligences professionnelles à respecter50. Il est intéressant ici de noter que c’est le législateur qui est venu encadrer la profession. On comprend aisément la motivation, le commissaire aux comptes étant un élément indispensable de la bonne tenue d’une entreprise. La responsabilité civile du commissaire aux comptes envers les sociétés dont il contrôle les comptes51 est de nature délictuelle en raison de la dimension légale de la mission d'intérêt général qu'il assure. Cette responsabilité s'apprécie au regard de ses diligences professionnelles, même si la jurisprudence discute fréquemment, en termes d'obligation de moyens et d'obligation de résultat. Ainsi, les fautes imputables au commissaire sont celles qu'un professionnel normalement compètent, prudent, attentif, actif et diligent n'aurait pas commises dans les mêmes circonstances52. Le commissaire a ainsi le devoir de ne pas limiter ses diligences à un programme de contrôle de base et doit adapter autant que de besoin ses contrôles en fonction des particularités de la société́ au profit de laquelle il intervient. 49 A. Couret et M. Tudel, Le nouveau contrôle légal des comptes : D. 2003, p. 2290 Loi de sécurité́ financière du 1er août 2003 L. n° 2003-706, art. 100 et s. 51 C. com., art. L. 225-241, al. 1 52 J. Monéger et T. Granier, Le commissaire aux comptes, Dalloz, 1995 50 60 L’intérêt majeur ici est de remarquer un parallèle avec ce qu’il a pu être développé précédemment. En effet, les diligences sont à adapter suivant l’entreprise et ses particularités. Ce n’est pas sans rappeler la nécessaire adaptation, à tout le moins en principe, du professionnel diligent au consommateur qu’il a devant lui. On remarquera encore une fois que le niveau de compétence entre en compte dans l’appréciation qui est faite des diligences effectuées. La diligence s’appréciera en fonction d’un professionnel normalement diligent placé dans les mêmes circonstances. Les diligences professionnelles prennent ici une nouvelle dimension et l’on retrouve ce que l’on peut connaître en matière d’appréciation du consommateur moyen, un standard de professionnel moyen. En outre, il apparaît également que les diligences peuvent être interprétées de manière très extensive. L’Autorité des Marché Financier est ainsi venue sanctionner un commissaire aux comptes ayant communiqué des informations fausses lors d’une offre au public. Elle précise ainsi que les insuffisances, que le commissaire ne pouvaient ignorer, du contrôle interne de la société, que l'importance et la sensibilité, dans le secteur de la distribution, auraient dû le conduire à recourir à davantage de diligences, notamment, au recoupement d'informations et à la diversification d'interlocuteurs au sein de la société53. 53 Décision AMF du 5 juillet 2007 de sanctions à l'égard des sociétés Marionnaud Parfumeries, KPMG SA, Cofirec et de MM. Marcel et Gérald Frydman ainsi que de MM. Yves Gouhir et Gérard Caro 61 Chapitre 2 : Usages et diligences professionnelles, une interaction évidente. Autre notion relativement proche des diligences professionnelles, les usages ne reflètent pas entièrement les critères envisagés en terme de définition des diligences professionnelles. Pour autant, il est particulièrement remarquable d’observer l’évolution de la prise en compte des usages pour envisager un modèle similaire s’agissant des diligences professionnelles. Il est donc possible d’envisager la place des usages face aux diligences professionnelles (Section 1) ainsi que la perception de certains de ces usages en tant que diligences professionnelles (Section 2 ). Section 1 : La place des usages face aux diligences professionnelles. Usages et diligences professionnelles peuvent apparaître synonymes tant dans leur définition que dans la réalité des faits. Pour autant, il convient d’apprécier qu’en réalité tous les usages ne sont pas des diligences professionnelles, certains reflètent avant tout une certaine façon de faire du professionnel, propre à chaque corporation, là où les diligences professionnelles peuvent être appréciées de la même manière dans différentes branches professionnelles. L'usage de commerce est généralement défini en doctrine comme la pratique commerciale couramment suivie et considérée comme normale dans un milieu déterminé. Le rôle des usages s'explique par des raisons logiques. Dans la mesure où la loi ne peut pas toujours prévoir ni suivre les mutations quelquefois rapides de la vie économique, elle est amenée à accorder une place aux usages, plus appropriés en la matière, pour fournir les règles à adopter. 62 Pourtant, en dépit de leur importance, les usages ne font pas l'objet d'une définition légale. En cela il est possible de les rapprocher des diligences professionnelles telles que vues précédemment, les diligences et règles d’autocontrôle sont là pour fournir un encadrement adapté au professionnel et aux évolutions de la matière. Il convient de remarque que la plupart des usages commerciaux contemporains sont l'expression de pratiques formalisées par des documents de nature diverse : contrats types, règlements professionnels, codes d'usage ou code de conduite émanant des milieux professionnels ou produits d'une concertation entre agents privés et agents publics. De façon générale, la matière commerciale étant particulièrement sensible aux innovations de toute sorte, les usages y présentent une certaine mutabilité qui diffère des caractères que l'on retrouve traditionnellement dans les usages dans d'autres domaines. A l’instar des diligences professionnelles, l'usage émane aujourd'hui essentiellement des organisations professionnelles, notamment les chambres syndicales de commerçants. Celles-ci sont à l'origine d'une réglementation qui peut prendre la forme de « clauses générales, notamment dans le but d’instaurer des contrats types. On peut alors se pose la question de savoir si le respect de ces contrats types comme base contractuelle peut s’apparenter à un respect des diligences professionnelles. L'existence d'un milieu professionnel fortement structuré et doté de la capacité d'imposer ses règles à ses membres renforce le processus d'objectivation de l'usage conventionnel. 63 A titre d’exemple, il est possible de remarquer que le développement des usages dans le milieu bancaire illustre bien cette observation. Par le poids économique des banques, par la forte cohésion de leurs organisations professionnelles mais aussi en raison de l'attitude bienveillante des pouvoirs publics qui s'abstiennent de légiférer dans certains secteurs de l'activité bancaire, le milieu est favorable à l'éclosion et l'épanouissement des usages professionnels. En cela on retrouve l’idée d’autocontrôle des professionnels, les mieux à mêmes pour se règlementer et toujours frileux à l’égard d’une prise de position législative. Il est cependant impossible d'assimiler toutes les dispositions contenues dans ces codes à des usages et par conséquent, toutes les diligences professionnelles à des usages. Dans la mesure où l'usage s'entend seulement d'une pratique suffisamment précise pour servir de modèle aux professionnels, il faut exclure de la catégorie les déclarations d'intention et les simples recommandations encore trop vagues pour lier les professionnels. A ce titre, il est donc possible d’en déduire que la simple obligation de loyauté ou de bonne foi n’est pas un usage, mais est au dessus de l’usage, il est possible de l’envisager comme une diligence générale à rapprocher du principe de bonne foi dans la conclusion et l’exécution des contrat. En revanche, toutes les règles de déontologie qui font l'objet d'une reconnaissance incontestée par le milieu professionnel constituent des usages. Il est ainsi possible de considérer que certains codes d’autocontrôle mélangent usages et recommandations dans une relation ambiguë, alors que d'autres constituent de véritables codes d'usages. Les usages peuvent donc constituer une part de la diligence professionnelle mais en aucun cas la diligence professionnelle ne saurait se limiter à la définition des usages. 64 Section 2 : La perception des usages en tant que diligences professionnelles. Il est possible de remarquer que de manière générale, la jurisprudence s'oriente, vers la prise en compte de la juridicité des usages déontologiques. La perception des usages par les juridictions est extrêmement utile dans la recherche de l’appréciation que pourrait avoir les juridictions des diligences professionnelles dans le sens où il est possible, par assimilation, d’en tirer un régime général qui pourrait s’appliquer aux diligences professionnelles. La position de la Cour de cassation cependant en reste à considérer que ces usages ne peuvent constituer des règles d'ordre public dont la méconnaissance par les contractants entraînerait la violation de leur convention54. Mais les magistrats admettent, dans le même temps, que le manquement à une règle déontologique peut constituer une faute susceptible d'entraîner la responsabilité délictuelle ou contractuelle de son auteur55. Ainsi, il est intéressant de noter que la jurisprudence tient compte en règle générale de l'usage pour déterminer le contenu de l'obligation de diligence et de prudence qu'impose la référence aux articles 1382 et 1383 du code civil56. Il faut toutefois préciser que cette portée est en principe limitée aux professionnels concernés par le contrat type. On présume que ces derniers ne peuvent, en raison de leur activité ou de leur profession, ignorer l'existence des usages incorporés dans un contrat type. Cette présomption s'applique en réalité pour tous les usages chaque fois qu'un professionnel contracte dans son secteur d'activité. 54 Cass. 1re civ. 5 nov. 1991, RTD civ. 1992. 383, obs. J. Mestre Cass. 1re civ. 3 mars 1993, Resp. civ. et assur. 1993, comm. 200. 56 V. en ce sens Cass. 3e civ. 4 févr. 1976, JCP 1976 55 65 Cette position est très intéressante dans le cadre de l’appréciation de la valeur juridique des diligences professionnelles. En effet, la conséquence tirée est importante pour le professionnel ne respectant pas les diligences qui lui incombe. En dehors de toute sanction interne, les régimes de responsabilités classiques lui sont potentiellement applicables. C’est en cela qu’il est possible d’affirmer que les diligences professionnelles ne sont au final que des obligations de bonne fois et de loyauté générales, adaptées à une situation propre, spécifique à la profession visée. La question de l’opposabilité des usages et par conséquents de certaines diligences professionnelles est également envisageable. Il apparaît en effet que la présomption est traditionnellement écartée lorsqu'il s'agit d'apprécier l'opposabilité des usages aux non-professionnels ou aux professionnels agissant dans un secteur d'activité qu'ils ignorent. La Cour de cassation très tôt57 a, en effet, clairement énoncé que les « usages d'une place ou d'une profession sont inopposables aux personnes étrangères à cette place et à cette profession si elles n'ont pas été informées de leur existence et n'ont pas consenti, expressément ou tacitement, à leur application ». Il en résulte que le non-professionnel ou le professionnel agissant en dehors de son activité doit manifester son acceptation de l'usage pour que celui-ci puisse lui être opposé58. Il est possible d’en déduire que les éventuelles diligences professionnelles ne s’imposent pas au professionnel agissant hors de sa sphère de compétence. Il est cependant important de ne pas oublier que les usages élaborés par une profession ont vocation à régir non seulement les membres de cette profession mais aussi les relations de ces derniers avec la clientèle. Or, si le professionnel ne doit pas pouvoir opposer à un client des usages que celui-ci ignorait ou est censé ignore ce dernier doit en revanche pouvoir se prévaloir contre le premier de tels usages, puisqu'il a l'obligation de les connaître. 57 58 Cass. 3e civ. 8 oct. 1956, Bull. civ. III, no 225 Cass. com. 16 déc. 1997, RJDA 4/1998, no 527 66 S'agissant de l'opposabilité des usages aux non-professionnels, la règle selon laquelle celle-ci dépend de la connaissance59 ou de l'acceptation expresse60 par ces derniers de l'usage semble être maintenue, sauf lorsque l’usage, par sa notoriété, ne pouvait être ignoré. Il en est ainsi lorsque l'usage ayant fait l'objet d'une large diffusion par l'organisme professionnel concerné, le client ne pouvait pas ne pas le connaître61. Se pose alors la question de savoir si certaines diligences professionnelles largement diffusées, telles que les règles d’autocontrôle de l’ARP par exemple, sont de nature à être opposées aux clients. Il conviendra alors de distinguer les diligences professionnelles à vocation strictement d’autocontrôle et de moralisation de l’activité de celles qui sont destinées à la relation entre professionnel et client et qui pourraient dans une certaine mesure faire naitre des droits à l’encontre de ce même client. 59 Cass. com. 25 juin 1973, Bull. civ. IV, no 217 Cass. com. 31 mai 1988, Bull. civ. IV, no 189 61 V. en ce sens Cass. com. 17 juill. 2001, Bull. civ. IV, no 147, D. 2001, AJ 2738, obs. X. Delpech 60 67 Conclusion Les diligences professionnelles apparaissent comme étant une notion mouvante, pouvant être définies de différentes façon suivant la matière où elles apparaissent. Ainsi dans le cadre de l’application de la directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales, on notera une forte tendance à une assimilation à la bonne foi et la loyauté des relations, voire à un respect certains des usages ayant cours dans le commerce. Le consommateur a en outre une place centrale dans l’appréciation finale des diligences professionnelles, tout du moins au sens de la Commission Européenne qui a fait de la protection du consommateur son cheval de bataille. Pour autant, le régime des diligences professionnelles reste extrêmement flou et finalement peu efficace comme le prouve la relégation de la notion au rang de critère subsidiaire d’appréciation d’une pratique trompeuse et par conséquent déloyale. Il est possible de le regretter, en effet, une appréciation efficace des diligences professionnelles aurait entrainé immédiatement une prise en compte par les professionnels d’une nécessité de s’organiser et s’imposer un certain autocontrôle à peine d’être systématiquement apprécié au regard de leur loyauté vis à vis du consommateur, le consommateur lui en serait sorti gagnant. Il est donc dommageable que la Commission qui, soucieuse dans ses principes du consommateur n’ait finalement pas donné les outils nécessaires à une appréciation efficace de la notion. Pour autant, il est impossible de ne pas prendre en compte, dans une appréciation plus large, les règles dites « de diligence » issues des organismes d’autocontrôle professionnel qui sont de nature à s’imposer au professionnel volontaire. Il faut en effet relativiser ces préconisations dans la mesure où pour la plupart elles se s’adressent qu’aux signataires ou adhérents du syndicat professionnel auteur. Pour autant, il est certain que les diligences professionnelles sont l’avenir de l’encadrement professionnel. On aura bien compris l’intérêt certain pour les professionnels d’organiser et se soumettre volontairement à un certain autocontrôle. 68 Ce qu’ils perdent en liberté vis à vis des règles de leur profession, ils gagnent en liberté vis à vis des législations étatiques. A charge pour eux de se donner les moyens de parvenir à une organisation des relations profitable à tous. Le consommateur y gagne en sécurité et confiance et les professionnels quant à eux y gagnent en crédibilité et image de marque. Reste que l’on comprend aisément les difficultés d’acceptation d’un autocontrôle professionnel face au principe général de liberté du commerce, la solution étant sans doute dans l’acceptation volontaire de cet autocontrôle permettant à terme de mettre à la marge les quelques réticents au principe. ) 69 Bibliographie Législation : Directive 2008/48/CE du parlement européen et du conseil, concernant les contrats de crédit aux consommateurs, 23 avril 2008. Directive 2007/64/CE du parlement européen et du conseil, concernant les services de paiement dans le marché intérieur, 13 novembre 2007. Directive 2005/29/CE du parlement européen et du conseil, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis à vis des consommateurs dans le marché intérieur, 11 mai 2005. Directive 2002/65/CE du parlement européen et du conseil, concernant la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs, 23 septembre 2002. 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TAUPIAC-NOUVEL, La protection du consommateur dans les pratiques commerciales : une question d’appréciation, Revue Lamy Droit des Affaires, 2011. 75 Ouvrages : Lamy Droit Economique, Les ventes et prestations de services subordonnées, 2014 Vocabulaire Juridique, Gérard CORNU ; PUF, 8ème édition. Sites Internet : http://www.amf-france.org/ http://www.favv-afsca.be/autocontrole-fr/guides/ http://www.arpp-pub.org/ http://www.efl.fr/ http://www.dalloz.fr/ http://lamyline.lamy.fr/ http://www.lexisnexis.fr/ 76 LISTE DES ABREVIATIONS act. aff. ARPP AMF Bull. civ. BVP c/ CEE CJCE CJUE Civ. coll. Comm. CE Comm. eur. comm. Cons. Conc. Cons. de l’Union eur. D. Déc. Dir. éd. Ibid. Infra JO JOCE JORF p. et pp. P.U.F. Rec. Supra TPICE UE V. Actualité Affaire Autorité de régulation professionnelle de la publicité Autorité des marchés financiers Bulletin des arrêts des Chambres civiles de la Cour de cassation Bureau de vérification de la publicité Contre Communauté économique européenne Cour de justice des Communautés européennes Cour de justice de l’Union européenne Arrêt d’une Chambre civile de la Cour de cassation Collection Commission des communautés européennes Commission européenne Commentaire Décision du Conseil de la concurrence Conseil de l’Union européenne Recueil Dalloz Décision Directive Edition Ibidem, au même endroit Plus bas Journal officiel Journal officiel des Communautés européennes Journal officiel de la République française Page et pages Presses Universitaires de France Recueil Plus haut Tribunal de première instance des Communautés européennes Union européenne Voir 77 Table des matières Sommaire……………………………………………………………………….Page 4 Remerciements…………………………………………………………………Page 5 Introduction……………………………………………………………………..Page 6 Partie 1 : Les diligences professionnelles, une notion aux multiples facettes.....Page 10 Titre 1 : Les diligences professionnelles, entre définition nouvelle....................Page 11 et prise en compte ancienne. Chapitre 1 : Les diligences professionnelles, notion fondamentale du régime des pratiques commerciales déloyales……………………....Page 11 Section 1 : Les diligences professionnelles dans le cadre de la directive relative aux pratiques commerciales déloyales…….Page 11 Section 2 : Diligences professionnelles et standard de jugement, association malvenue…………………………….Page 16 Chapitre 2 : L’autorité des marchés financier et l’autorité de régulation professionnelle de la publicité à l’avant garde du développement des diligences professionnelles……………………….Page 20 Section 1 : Respect des Diligences Professionnelles et AMF, un préalable inamovible……………………………………….Page 20 Section 2 : Respect des diligences et l’ARPP, une crédibilité professionnelle recherchée…………………….Page 24 78 Titre 2 : L’avenir des diligences professionnelles dans le développement croissant de l’autocontrôle professionnel………………………………………..Page 26 Chapitre 1 : L’Auto contrôle professionnel et l’émergence des codes de bonne conduite……………………………………………..Page 26 Section 1 : Le développement croissant de l’autocontrôle professionnel……………………………………………………...Page 26 Section 2 : L’autocontrôle professionnel, valeur normative et intérêt fondé…………………………………………………….Page 30 Chapitre 2 : L’autocontrôle professionnel : l’exemple de l’encadrement du message publicitaire…………………………………...Page 33 Section 1 : Le contrôle avancé de la lisibilité du message publicitaire………………………………………………………...Page 33 Section 2 : Loyauté du message publicitaire sur internet : réglementation à défaut d’autocontrôle efficace……………….....Page 36 79 Partie 2 : Le régime des diligences professionnelles, les enjeux majeurs d’une définition efficace………………………………………………………..Page 40 Titre 1 : Les diligences professionnelles dans l’application concrète de la directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales………….Page 41 Chapitre 1 : La prise en compte subsidiaire du respect des diligences professionnelles………………………………………….Page 41 Section 1 : La subsidiarité de la notion de diligence professionnelle……………………………………………….....Page 41 Section 2 : Les diligences professionnelles recevant application, prolongement de la bonne fois……………………..Page 45 Chapitre 2 : L’impact des diligences professionnelles sur la relation consommateur-professionnel…………………………………..Page 50 Section 1 : La place du consommateur dans le régime des diligences professionnelles…………………………………..Page 50 Section 2 : L’impact du régime des diligences professionnelles sur le professionnel……………………………………………….Page 54 80 Titre 2 : L’autre avenir de la notion de diligences professionnelles à la française dans la déontologie les usages…………………………………………Page 56 Chapitre 1 : Diligences professionnelles et déontologie, un régime commun…………………………………………………….....Page 56 Section 1 : Déontologie et exercice libéral : codes déontologiques et diligences professionnelles…………………………………......Page 56 Section 2 : Déontologie et commissaires aux comptes : obligations légales et diligences professionnelles……………...…Page 60 Chapitre 2 : Usages et diligences professionnelles, une interaction évidente………………………………………………......Page 62 Section 1 : La place des usages face aux diligences professionnelles………………………………………………...…Page 62 Section 2 : La perception des usages en tant que diligences professionnelles…………………………………...…...Page 65 Conclusion…………………………………………………………………......…Page 68 Bibliographie……………………………………………………………...…...…Page 70 Liste des abréviations…………………………………………………………….Page 77 81