Les Diligences Professionnelles

Transcription

Les Diligences Professionnelles
UNIVERSITE MONTPELLIER I
CENTRE DU DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE
Master II Droit de la consommation et Droit de la concurrence
Les Diligences Professionnelles
Par Pierre Heurtebise
Mémoire réalisé sous la direction de Mr Malo Depincé
Maître de conférences à la faculté de droit de Montpellier
Année universitaire 2013 – 2014
2
UNIVERSITE MONTPELLIER I
CENTRE DU DROIT DE LA CONSOMMATION ET DU MARCHE
Master II Droit de la consommation et Droit de la concurrence
Les Diligences Professionnelles
Par Pierre Heurtebise
Mémoire réalisé sous la direction de Mr Malo Depincé
Maître de conférences à la faculté de droit de Montpellier
Année universitaire 2013 – 2014
3
Sommaire
Introduction……………………………………………………………………….Page 6
Partie 1 : Les diligences professionnelles, une notion aux multiples facettes..…. Page 10
Titre 1 : Les diligences professionnelles, entre définition nouvelle
et prise en compte ancienne………………………………………………………...Page 11
Titre 2 : L’avenir des diligences professionnelles dans le développement
croissant de l’autocontrôle professionnel…………………………………………….Page 26
Partie 2 : Le régime des diligences professionnelles, les enjeux majeurs
d’une définition efficace………………………………………………………….Page 40
Titre 1 : Les diligences professionnelles dans l’application concrète
de la directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales………………....Page 41
Titre 2 : L’autre avenir de la notion de diligences professionnelles
à la française dans la déontologie les usages………………………………………....Page 56
Conclusion…………...……………………………………………………...……Page 68
4
REMERCIEMENTS
(
Je tiens à adresser mes plus sincères remerciements à :
Monsieur Malo Depincé, Maître de conférences à la Faculté de droit de Montpellier et
Directeur du Master II Droit de la consommation et droit de la concurrence, pour
m’avoir offert l’opportunité de suivre cette formation riche d’enseignements ainsi que
pour m’avoir offert l’opportunité de faire un stage passionnant ouvrant d’intéressantes
opportunités d’avenir.
Monsieur le Professeur Daniel Mainguy, Professeur à la Faculté de droit de Montpellier
et Directeur du Master II Droit privé économique pour l’ensemble des enseignements
dispensés au cours de l’année universitaire 2013/2014.
L’ensemble des membres de l’équipe pédagogique du Master II Droit de la
consommation et droit de la concurrence ainsi que du Master II Droit privé économique
pour les enseignements dispensés et les interventions enrichissantes ayant eu lieu dans
le cadre de cette formation.
L’ensemble de mes camarades de promotions, dits « les chafs », pour le soutient mutuel
apporté lors de la rédaction de ce mémoire et de manière générale pour cette année forte
agréable en leur compagnie.
Maitre Christophe Blondeaut et l’ensemble des avocats associés et collaborateurs du
cabinet DLJ à Montpellier pour leur accueil, leur disponibilité et leur volonté sans faille
à me former efficacement à l’exercice de leur profession.
5
Introduction
« Bougez les lignes, mais restez dans le cadre »
Ce slogan de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité se rapproche de
façon intéressante de ce que peut représenter au final la notion de diligences
professionnelles : une certaine liberté du professionnel dans son action, encadrée dans
un but de maintient de l’ensemble de l’image de la profession pour in fine une liberté
conservée.
Jurisprudence et doctrine ont dégagé depuis longtemps déjà les devoirs de
renseignement et de conseil du professionnel. Le professionnel, pour conseiller en
connaissance de cause, doit interroger son partenaire et procéder à des investigations1.
Bien évidemment les conseils qu'il donne doivent être pertinents et, surtout, adaptés à la
situation, et entre les diverses solutions possibles, il lui faut en toute diligence proposer
celle qui est la plus favorable aux intérêts du client.
Il est commun que le professionnel se doit d’être toujours au fait de son actualité, il se
tient ainsi nécessairement au courant des évolutions juridiques et techniques.
Pourtant, les diligences professionnelles reconnues en tant que telles n’ont qu’une
existence récente en France, pour preuve, elles n’apparaissent dans les texte qu’à
compter de la transposition de la directive 2005/29/CE relative aux pratique
commerciales déloyales.
Se sont cependant développées à partir des années 80 des éléments d’encadrement
d’origine privée par les professionnels et en grande partie pour les professionnels dans
le but affiché d’encadrer l’exercice et le développement d’une profession et souvent
dans le but sous-entendu de maintenir une crédibilité nécessaire à la bonne tenue de la
profession.
1
Com. 3 déc. 1985, Bull. civ. IV, n° 284
6
La diligence en tant que telle peut se définir en droit par le fait d’être attentif et ponctuel
dans l’accomplissement de ses devoirs professionnels ou dans la gestion de ses biens
personnels. La notion est rapprochée de celle, désormais défunte, du bon père de
famille2.
Dans la suite des choses, professionnel s’entend de ce qui est inhérent à la profession,
lié à son exercice, qui a trait également à l’organisation de la profession et à la défense
de ses intérêts.
Il apparaît que la notion est peu développée par la doctrine puisqu’elle semble à
première vue tomber sous le sens et pourrait être entendue classiquement comme étant
le fait d’exercer de bonne fois sa profession. Au demeurant il est pourtant impossible de
se satisfaire de la définition envisagée dans le cadre de la directive sur les pratiques
commerciales déloyale.
La suite des présents développements aura donc pour objectif principal de tenter
d’envisager les diligences professionnelles sous un angle prospectif tout en tirant les
conséquences tant pour le professionnel que pour le consommateur de ce qu’offre
actuellement le développement de la notion.
Il apparaît que les diligences professionnelles vont bien au delà du simple respect de la
façon de faire de la profession visée.
La définition apparaît extrêmement fluctuante partant du respect du principe de bonne
foi jusqu’à l’édiction de normes impératives d’autocontrôle professionnel.
Bien que les termes de diligences professionnelles n’apparaissent in extenso dans la loi
qu’à partir de la directive européenne de 2005, relative aux pratiques commerciales
déloyales, il est cependant nécessaire que la notion se développe.
En tant que critère d’application et de sanction il deviendra impératif d’en envisager la
portée.
2
G. CORNU ; Vocabulaire juridique, PUF, 8ème édition
7
Le principal problème tient dans le fait qu’il apparaît rapidement qu’en réalité la notion
est fondée principalement sur des standards de jugement. Partant, il est évident que
l’appréciation par les juridictions de la notion et de la teneur des diligences
professionnelles n’en sera que plus compliquée.
Il conviendra de remarquer qu’une définition en des termes trop généraux est
rapidement jugée inefficace et écartée de la pratique ou reléguée à un simple rôle
secondaire.
Il sera d’ailleurs observé que le risque s’avère pour l’instant avéré notamment au regard
de la manière dont le régime des diligences professionnelles est envisagé par la Cour de
Justice de l’Union Européenne et les juridictions nationales à sa suite.
Pour autant outre le problème d’une définition compréhensible, efficace et surtout
appréhendable par le professionnel, le fait que les diligences professionnelles prennent
place dans l’ordonnancement juridique en tant que telles promet une portée accrue aux
initiatives professionnelles visant à encadrer l’exercice d’une profession.
Dès lors, il devient nécessaire de sortir du cadre de la directive et d’envisager les
diligences professionnelles à l’aune d’un cadre beaucoup plus général au travers du
développement de l’autocontrôle professionnel.
En effet, c’est avant tout par ce mouvement d’origine privé, voulu par les professionnels
que la notion de diligence professionnelle prend toute sa place.
Et c’est par ces mouvements d’origine privée que la notion retrouvera tout son sens
notamment s’agissant de sa place majeure dans l’appréciation des pratiques
commerciales déloyales.
Il sera opportun de rechercher l’origine et les fondements de l’autocontrôle
professionnel pour en tirer toutes les conséquences quant au régime des diligences
professionnelles.
8
Au demeurant, il conviendra de remarquer le rôle grandissant des organismes de
régulation professionnelles d’origine privée prenant le relais d’une législation souvent
défaillante et peu aux faits de la réalité de la profession.
Les diligences professionnelles pourront ainsi apparaître comme faites dans l’objectif de
protéger la profession et non pas seulement dans un objectif unique de protection du
consommateur tel que l’envisage le législateur européen.
La question majeure sera donc de rechercher comment, aux vues de sa définition et son
régime actuel, la notion de diligences professionnelles peut retrouver une plein
efficacité, véritablement nécessaire, dans l’avenir juridique français et plus largement
européen.
Il conviendra d’apprécier dans une première partie la notion aux multiplex facettes que
sont les diligences professionnelles, et dans une seconde partie le régime des diligences
professionnelles nécessairement amené à évoluer.
9
Partie 1 :
Les diligences professionnelles, une notion aux
multiples facettes
10
Titre 1 :
Les diligences professionnelles, entre définition nouvelle
et prise en compte ancienne.
Chapitre 1 :
Les diligences professionnelles, notion fondamentale du régime
des pratiques commerciales déloyales.
L’une des applications récentes de la notion de diligences professionnelles trouve écho
dans le cadre de la législation européenne relative aux pratiques commerciales déloyales
(Section 1). Pour autant, l’analyse des termes de la directive est délicate, ceux-ci faisant
appel à des standards de jugement empêchant, de fait, une pleine et immédiate efficacité
dans la recherche d’une définition claire et compréhensible de la notion par les
professionnels (Section 2).
Section 1 : Les diligences professionnelles dans le cadre de la directive
relative aux pratiques commerciales déloyales.
La notion de diligences professionnelles apparaît clairement citée en droit de l’Union
Européenne dans le cadre de la directive du 11 mai 2005 relatives aux pratiques
commerciales déloyales3.
Le droit européen avance ainsi progressivement vers une « politique de protection du
consommateur »4.
Les cadres juridiques des pays membres apparaissent cependant extrêmement
disparates. La Commission est donc intervenue pour réaliser une harmonisation
complète des législations.
3
4
Directive n°2005/29/CE
Christianos V., Picod F., Rép. Communautaire Dalloz, Vo Consommateurs
11
La notion de diligences professionnelles y apparaît explicitement et doit désormais être
prise en compte dans l’appréciation de la loyauté des pratiques commerciales.
L’appréciation sera par la suite à nuancer mais il convient de rechercher à l’origine ce
qu’entendait la Commission par « la diligence professionnelle ».
D’après la directive, une pratique commerciale se définie classiquement comme « toute
action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la
publicité et le marketing, de la part d'un professionnel en relation directe avec la
promotion, la vente ou la fourniture d'un produit aux consommateurs ».
Une telle pratique commerciale devient déloyale sur la base de deux critères, a priori
cumulatifs, à tout le moins suivant la lettre du législateur communautaire.
La pratique devient déloyale dès lors qu’elle est a) contraire aux exigences de la
diligence professionnelles et b) qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière
substantielle le comportement économique par rapport au produit, du consommateur
moyen qu’elle touche ou auquel elle s’adresse (…)5.
La notion de diligence professionnelle apparaît donc comme critère central de la
directive. Il semblerait en effet désormais, tout du moins dans le texte, que la notion soit
un élément d’appréciation de la déloyauté d’une pratique commerciale déloyale.
La maîtrise de la notion est cependant fluctuante puisque faisant appel au standard du
professionnel diligent. Les difficultés commencent ici.
Comme tout standard du droit, la notion est difficile à encadrer et sujette à
interprétations diverses suivant les juridictions voire suivant les pays, il faut en effet
préciser que l’on parle ici d’une disposition européenne d’harmonisation complète.
Cette notion difficilement palpable repose avant tout sur des éléments d’appréciation à
caractère principalement moral ou humain.
5
Directive n°2005/29/CE art 5
12
Le droit français et notamment le droit administratif connaît ces notions de standard que
la doctrine a pu définir comme étant des « type de disposition indéterminée, plutôt
utilisée par le juge, dont le caractère normatif est l’objet de contestations et qui met en
jeu certaines valeurs fondamentales de normalité, de moralité ou de rationalité »6.
La directive donne cependant une définition de ce qu’elle entend par les termes de
diligence professionnelle.
Il s’agirait « du niveau de compétence spécialisée et de soin dont le professionnel est
raisonnablement censé faire preuve vis à vis du consommateur, conformément aux
pratiques de marché honnêtes et/ou au principe général de bonne foi dans son domaine
d’activité7 ».
A première lecture, la définition apparaît parfaitement claire, le professionnel doit être
finalement compétent et de bonne foi.
A y regarder de plus près cette définition est totalement inefficace. Elle définie le
standard du professionnel diligent par d’autres standard du droit tel que le niveau de
compétence, honnêteté et la bonne foi. Autant dire qu’à
chaque situation
professionnelle sa définition ou son appréciation de la notion.
En l’état, la diligence professionnelle se définie par une définition laissant place à une
interprétation extrêmement extensive de chacun des termes envisagés. Il est certain que
l’objectif de la directive d’harmonisation complète tendant à une meilleure sécurité
juridique n’est pas atteint en l’état des textes et des transpositions.
Il est également intéressant de remarquer qu’outre les différentes appréciations qui
pourraient être faites par le professionnel, il ne faut pas oublier celles qui pourraient
s’envisager du point de vue du consommateur. Le consommateur est ainsi en droit
d’avoir une attente légitime eu égard à la qualité du professionnel ou à tout le moins
qualité attendue.
6
Stéphane RIALS Le juge administratif français et la technique du standard, essai sur le traitement
juridictionnel de l’idée de normalité, thèse, LGDJ, Paris, 1980, p. 3, n°2
7
Directive 2005/29/CE Article 2h
13
Le critère central de la définition semble donc être le raisonnable, ce qui, il faut
l’admettre, est susceptible de générer autant si ce n’est plus d’interprétations que ce que
l’on connaît déjà avec la notion de bonne foi qui est également présente.
C’est en cela que telle quelle, la définition proposée dans le cadre de la directive est
inefficace et difficilement appréciable par les premiers concernés, les professionnels.
En effet, si la directive 2005/29 est en principe destinée aux États membres afin qu’ils
garantissent par la transposition, un niveau élevé de protection des consommateurs, elle
s’adresse en premier lieu aux professionnels eux-mêmes, invités à moraliser les
pratiques commerciales, via des codes de bonne conduite.
La loi n°2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service
des consommateurs est venue transposer la directive en droit français.
Elle a été complétée ensuite par la loi n°2008-776 du 4 août 2008 sur la modernisation
de l’économie.
Aux termes de la transposition, l’article L120-1 du Code de la Consommation pose,
dans les mêmes termes, l’interdiction des pratiques commerciales déloyales, reprenant
la notion de diligence professionnelle. Les critères sont strictement identiques à ceux
développés par l’article 5§2 de la directive du 11 mai 2005.
Cependant, la loi Châtel ne transpose pas complètement la directive 2005/29/CE.
La loi ne reprend pas en particulier l’incitation en faveur des codes de conduite.
Cela pourrait éventuellement se comprendre quoi que manifestement dommageable.
En effet, l’idée n’est pas nouvelle en France où il avait été proposé de codifier les
bonnes pratiques existantes dans le Code de la consommation, mais face au peu
d’enthousiasme et au nombre peu élevé de codes, l’idée fut abandonnée8.
Cela aurait pourtant permis de déterminer avec plus de précision les contours concrets
de la notion de diligence professionnelle, élément d’appréciation d’une pratique loyale.
8
cf. Osman F., Avis, directives, codes de bonne conduite, recommandations, déontologie, éthique, etc. :
réflexion sur la dégradation des sources privées du droit, RTD civ. 1995, p. 509
14
Il conviendra donc, dans chaque cas futur de déloyauté, d’examiner finalement in
abstracto ce que cette diligence aurait exigé.
Il est également possible de regretter la reprise à l’identique des termes notamment de la
diligence professionnelle sans aucun apport visant à une définition ou délimitation plus
éclairante des dispositions.
Le but de la directive et de la loi LME de 2008 était pourtant clairement affiché, il
s’agissait d’accroitre la protection des consommateurs par le biais de la prohibition des
pratiques commerciales déloyales.
Pour autant, ni dans la directive, ni dans la transposition des outils n’apparaissent pour
permettre une application claire et efficace des dispositions, sans avoir recours à des
interprétations, qui nécessairement seront divergentes selon les cas.
Sur une appréciation pure et simple de la notion, les juges du fond français semblent
tendre vers une application cumulative des critères posés par la directive transposée. Il a
ainsi été jugé que le code de la consommation exige que les deux conditions énoncées à
l'art. L. 120-1 soient cumulativement remplies pour qu'une pratique commerciale soit
déloyale9.
Sur le plan français, l’appréciation du caractère cumulatif des critères est donc entérinée
sur le modèle de ce qu’avait eu l’occasion de préciser la Cour de Justice de l’Union
Européenne en 201010.
Transposée telle quelle, la directive ne perd cependant pas sa généralité et ce n’est pas
le droit français qui pourra venir dans l’immédiat apporter des précisions et redéfinir les
standard de jugement évoqués.
9
T. com. Paris, 31 janv. 2012: Gaz. Pal. 2013. 2507
CJCE 9 nov. 2010, no C-540/08
10
15
Section 2 : Diligences professionnelles et standard de jugement,
association malvenue.
La directive de 2005 sur les pratiques commerciales déloyales donne, pour premier
élément d’appréciation du critère de respect des diligences professionnelles, le niveau
de compétence dont le professionnel est raisonnablement censé faire preuve à l’égard du
consommateur.
Le professionnel est censé être compétent au regard des prestations ou biens qu’il
prétend vendre au consommateur et à ce titre, il doit tout mettre en œuvre pour faciliter
l’achat du consommateur.
Une telle définition implique un double raisonnement. D’une part il est nécessaire
d’observer et de caractériser le niveau même de compétences du professionnel, ce qu’il
sait et ce qu’il est censé savoir.
D’autre part, une foi cette première appréciation effectuée, il est nécessaire d’observer
comment le consommateur perçoit ce niveau de compétence.
La diligence professionnelle est donc à rapprocher selon la définition de la directive à la
compétence du professionnel dans son domaine et à la mise en œuvre de cette
compétence.
La compétence du professionnel serait donc un critère d’appréciation de la déloyauté de
la pratique commerciale.
Le problème majeur de cette définition tient dans le fait que la compétence du
professionnel apparaît être un standard de jugement qui impose une appréciation au cas
par cas et exclu toute possibilité d’envisager largement le critère de compétence.
16
La notion de raisonnable intervient donc pour tenter une généralisation du critère de
compétence du professionnel.
Le raisonnable peut ainsi s’analyser de deux façons. Il est possible d’envisager le
raisonnable par rapport aux compétences même du professionnel mais également
d’envisager le raisonnable par rapport à ce qui est attendu du professionnel du point de
vue du consommateur.
Au regard des compétences même du professionnel, le raisonnable n’aurait que peu
d’intérêt puisque l’on retomberait dans une appréciation in concreto au cas par cas
suivant le professionnel en cause. Une telle appréciation n’a pas lieu d’être puisque le
but est d’obtenir une appréciation la plus sûr possible sur le plan juridique évitant
d’innombrables et inévitables divergences jurisprudentielles.
En revanche, analyser le raisonnable vis à vis de ce qui est attendu par le consommateur
est plus intéressant. Il est ainsi fait appel à un standard de compétences attendues, qui
peut être relié à ce que la profession attend de chacun de ses représentants.
Las place des professionnels dans une telle analyse devient centrale et fait écho à la
notion d’autocontrôle.
La directive rajoute un certain contrôle de conformité aux compétences dont le
professionnel doit raisonnablement faire preuve.
Les compétences raisonnablement attendues doivent être conformes aux pratiques de
marché honnêtes et/ou au principe général de bonne foi dans le domaine d’activité du
professionnel.
17
Pratiques de marché honnêtes et bonne foi sont à rapprocher de la loyauté telle que
décrite par Yves Picod qui estime que le devoir de loyauté d'une partie correspond à son
obligation de « faciliter l'exécution de la prestation de l'autre chaque fois qu'elle est en
mesure de le faire utilement11.
De la même manière que ce que le législateur européen avait opéré dans la directive sur
les clauses abusives12, l’appréciation générale se fonde ici sur une obligation générale
de bonne foi.
Il convient de se pencher en conséquence sur ce que la directive entend par « principe
général de bonne foi ».
On peut dès lors se demander s'il s'agit d'un principe général de droit européen de la
consommation ou bien du principe général de bonne foi équivalent à ce que l’on connait
de droit interne.
La référence à un principe général de droit européen de la consommation est peu
probable car la notion de bonne foi n'est pas définie en droit européen.
Ainsi, ni le législateur, ni la Cour de Justice ne peuvent faire de renvois à un principe
général de loyauté existant à l'échelle européenne. Cela explique que, lorsque le besoin
s'en fait sentir, tant les textes que la jurisprudence vont se référer aux droits nationaux.
Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que le législateur français n'avait ainsi pas
repris le critère de la bonne foi en matière de clauses abusives lorsqu'il avait transposé
la directive au sein du Code de la consommation13. Pour autant, la notion de bonne foi
était présente dans cette directive et il était précisé que celle-ci devait s’entende comme
pouvant être « satisfaite par le professionnel en traitant de façon loyale et équitable avec
l'autre partie dont il doit prendre en compte les intérêts légitimes ».
11
Y. Picod, «L’obligation de coopération dans l’exécution du contrat» : JCP G 1988, I, 3318, spéc. no 6
Dir. Cons. CE no 93/13, 5 janv. 1993, sur les clauses abusives, JOCE 21 avr., no L 95
13
Article L132-1 Code de la Consommation
12
18
En toute logique, il conviendrait donc de rapprocher l’exigence de bonne foi de la
directive sur les pratiques déloyales de celle qui avait été précisée dans le cadre de la
directive sur les clauses abusives. Le but est en effet le même, apporter une protection
européenne au consommateur et les termes sont sensiblement équivalents.
Cependant, les interprétations nationales des concepts visés par la directive rendent la
mesure de l’application de ceux-ci difficile. Au surplus, encore une foi, c’est le niveau
de protection des consommateurs qui en pâtira et qui sera à même de varier suivant les
appréciations nationales de la notion de bonne foi, ce qui est le comble pour une
directive qui se veut d’harmonisation complète.
Au delà de la notion de diligence professionnelle contenue dans la directive, il apparaît
nécessaire de généraliser et d’envisager la notion plus largement en observant comment
une même notion dans des termes équivalents a pu être développée dans des domaines
voisins, notamment par certaines instances d’autocontrôle professionnel.
19
Chapitre 2 :
L’autorité des marchés financier et l’autorité de régulation
professionnelle de la publicité à l’avant garde du développement
des diligences professionnelles.
La notion de diligences professionnelles, si elle n’apparaît dans les textes qu’à partir de
la directive 2005 sur les pratiques commerciales déloyales est cependant bien présente
et développé dans certaines branches professionnelles qui ont eu à se réguler pour
maintenir un niveau élevé de crédibilité et d’efficacité. Deux développement distincts
de la notion sont intéressant à développer dans le sens où l’intérêt de prôner le respect
de diligences professionnelles est utile à des niveaux différents.
Ainsi, l’Autorité des marchés financier les envisages comme un préalable, gage de
sécurité, à toute opération (Section 1), là où l’Autorité de régulation professionnelle de
la publicité les envisages avant tout comme un moyen de maintenir une crédibilité
soutenue de la profession (Section 2).
Section 1 : Respect des Diligences Professionnelles et AMF, un préalable
inamovible.
Il est intéressant d’observer que l’Autorité des Marchés Financiers est venue encadrer
de manière très stricte les introductions en bourse en se rapportant à la notion de
diligence professionnelle.
L'information financière diffusée par une société dans le cadre de son introduction en
bourse peut de fait être source de responsabilités.
Il est impératif que cette information financière soit de qualité : « exacte, précise et
sincère ».
20
Dès lors il est intéressant de voir que l’on retrouve une certaine obligation de loyauté de
l’information ce qui apparaît fort équivalent à la notion envisagée précédemment dans
le cadre de la directive 2005/29/CE.
A ce titre, la disposition essentielle en matière d'information financière est l'article 6321 du Règlement général de l'Autorité des marchés financiers.
Ainsi, « Toute personne doit s'abstenir de communiquer, ou de diffuser sciemment, des
informations, quel que soit le support utilisé, qui donnent ou sont susceptibles de donner
des indications inexactes, imprécises ou trompeuses sur des instruments financiers émis
par voie d'appel public à l'épargne au sens de l'article L. 411-1 du Code monétaire et
financier, y compris en répandant des rumeurs ou en diffusant des informations
inexactes ou trompeuses, alors que cette personne savait ou aurait dû savoir que les
informations étaient inexactes ou trompeuses».
Dans le cadre de la préparation de la documentation préalable à une introduction en
bourse, il faut remarquer que les professionnels réalisant ce document doivent être
attentif au vocabulaire utilisé, éviter les ambiguïtés et les tournures trop commerciales.
En ce sens, cet encadrement pourrait se rapprocher d’une réglementation visant à
prohiber une pratique commerciale déloyale. On y retrouve au final la notion de bonne
foi, et la volonté de ne pas tromper son partenaire, préalable à la conduite de toute
opération.
L’AMF est ainsi venue strictement encadrer les introductions en bourse par des
règlementations qui sont assimilables à ce que pourrait être de la diligence
professionnelle.
Le but est tout trouvé, en effet, la réputation des intervenants dans le cadre d'une
introduction en bourse peut être fortement atteinte par une introduction qui dégénère et
qui serait susceptible de donner lieu à des commentaires dans la presse voire à du
contentieux avec de possibles répercutions sur l’ensemble du marché boursier.
21
Cette exigence de rigueur attendue par l'AMF s’explique par la volonté de maintenir
une crédibilité effective de toute introduction en bourse et la nécessité de garantir une
sécurité du marché.
Dans le cadre d'une introduction en bourse, les banquiers réalisent des audits de la
société. Ces diligences répondent à des pratiques professionnelles telles que décrites
dans le règlement général de l’AMF.
Les banquiers introducteurs préparent sur la base de l'audit de la société et des entretiens
avec les dirigeants, une attestation de prestataire de services d'investissement qui
confirme à l'AMF que les diligences professionnelles d'usage ont bien été effectuées et
que ces diligences n'ont révélé dans le contenu du prospectus aucune inexactitude ni
aucune omission significative de nature à induire l'investisseur en erreur ou à fausser
son jugement14.
Au sens de ce que prévoit l’AMF, les diligences professionnelles seraient donc là pour
encadrer une introduction en bourse afin qu’aucun problème n’intervienne, empêchant
ainsi tout contentieux et à terme la décrédibilisation de la profession. Dans cet exemple,
ce qui apparaît le plus intéressant c’est la vérification effective et préalable du respect
des diverses diligences professionnelles qui est effectuée.
Le même principe se retrouve dans la gestion des mandats d'introduction en bourse.
Le service d’investissement participant à l'introduction en bourse est ainsi soumis aux
règles de bonne conduite qui figurent le Code monétaire et financier15.
Ces règles prévoient notamment que : les prestataires« agissent d'une manière honnête,
loyale et professionnelle, servant au mieux les intérêts des clients »16.
Avec cette disposition, une nouvelle notion est susceptible de venir compléter la
définition générale de ce que peut être la ou les diligences professionnelles : la notion
d’intérêt du client.
14
RGAMF, art. 222-16
C. monet. fin., art. L. 533-11 et s.
16
C. monét. fin., art. L. 533-11
15
22
L’intérêt du client est sensiblement à rapprocher de la notion de bonne foi, encore qu’il
faille poser une limite ici par rapport à ce qui pourrait être envisagé dans la directive sur
les pratiques commerciales déloyales.
En effet, ici les diligences professionnelles doivent se faire au bénéfice du client étant
dans le cadre d’un mandat d’introduction en bourse.
On se retrouve beaucoup plus sur le terrain de la responsabilité professionnelle que dans
le cadre de la directive sur les pratiques commerciales déloyale où la notion même de
commerce est à prendre en compte et où l’intérêt du client est à mettre en balance avec
la notion de « dolus bonus ».
Aux vues des définitions des diligences professionnelles telles qu’appréciées et
proposées par l’AMF, les règles relatives à la bonne tenue des diligences
professionnelles s’apparente surtout à un préalable à toute action, visant à garantir un
minimum l’opération.
Le respect des diligences professionnelles servent ainsi de base solide à toute
l’opération et servent en quelque sorte de garantie a minima.
Ainsi, dans le cadre d’opération boursières, si les parties ne sont pas certaines de l’issue
de l’opération, elles peuvent cependant être certaines que l’issue ne dépendra pas de la
compétence du professionnel à l’origine de l’action et du non respect des principes de
base de la profession, ou alors si c’est le cas, les responsabilités sont immédiates.
Le respect des diligences professionnelles permet ainsi d’instaurer un climat de
confiance minimum entre les parties permettant la bonne conduite de la suite de
l’opération. Les diligences professionnelles prennent ici un sens dans une optique de
sécurité de la relation.
23
Section 2 : Respect des diligences et l’ARPP, une crédibilité
professionnelle recherchée.
L’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité a pour but affiché de mener
« toute action en faveur d’une publicité loyale, véridique et saine, dans l’intérêt des
consommateurs, du public et des professionnels de la publicité ».
En d’autres termes, sa mission est de parvenir à concilier liberté d’expression
publicitaire et respect des consommateurs. Le maintien de cet équilibre entre créativité
et responsabilité est au cœur de l’autodiscipline publicitaire.
Elle est l’exemple type de la part grandissante des diligences professionnelles. En
matière de publicité, les diligences professionnelles apparaissent prépondérante
notamment dans l’aspect de loyauté du message. En ce sens il est intéressant d’observer
que dans ce cas, la notion de loyauté va au delà de la simple bonne foi dans l’exercice
de la profession.
A ce titre, il est possible de tirer une définition approfondie de la loyauté au sens où
l’entend l’ARP. Elle précise en effet que la communication commerciale doit être
conçue de manière à ne pas abuser de la confiance des consommateurs ou à ne pas
exploiter le manque d’expérience ou de connaissance des consommateurs. Le niveau de
capacité ou de connaissance du consommateur étant ici nécessairement à prendre en
compte.
L’ARPP précise elle même le but de ces recommandation en notant que, « développées
dans les années 70 pour faire face à l’explosion des supports publicitaires, à la montée
du consumérisme et au renforcement de la législation en matière de publicité trompeuse.
Elles complètent et renforcent les obligations légales qui encadrent le discours
publicitaire »
Les professionnels de la publicité se donnent ainsi volontairement des règles pour que la
publicité en France soit exemplaire, au-delà de la simple application des lois qui
peuvent déjà la réglementer.
24
On y trouve également une première raison de faire le lien entre diligence
professionnelle et l’autorégulation volontaire des professionnels.
Ainsi, une publicité et une communication commerciale responsables, fondées sur des
codes de conduite d’autodiscipline largement respectés, permettent dans les faits la
reconnaissance par la communauté des affaires de ses obligations sociétales
L’atout fondamental de l’autorégulation réside dans sa capacité à susciter, à intensifier
et à entretenir la confiance des consommateurs à l’égard de la communauté des
entreprises et, partant, à l’égard des marchés eux-mêmes.
Une autorégulation efficace constitue également un outil précieux dans la sauvegarde de
l’image et de la réputation d’une entreprise.
De nouveaux codes d’autorégulation sont sans cesse rédigés et améliorés à la lumière
des transformations sociétales, technologiques et économiques. C’est en ce sens, qu’il
est nécessaire d’élargir la notion de diligences professionnelles au principe plus général
de l’autorégulation professionnelle.
25
Titre 2 :
L’avenir des diligences professionnelles dans le
développement croissant de l’autocontrôle professionnel.
Chapitre 1 :
L’Autocontrôle professionnel et l’émergence des codes de bonne
conduite.
La notion de diligence professionnelle fait écho plus largement au développement
croissant de l’autocontrôle professionnel. Si un tel autocontrôle apparaît nécessaire,
opportun et particulièrement intéressant pour les professionnels, (Section 1) il convient
cependant d’en apprécier la valeur et la légitimité (Section 2).
Section 1 : Le développement croissant de l’autocontrôle professionnel.
L’autocontrôle professionnel se développe dans différents secteurs d'activité régis par le
système juridique français.
L'usage de règles de conduite sociale et économique d’origine privée, codifiées en tant
que code d'éthique, de déontologie, directives, recommandations et autres codes de
bonne conduite est de nature à alimenter la définition large de ce que peuvent être les
diligences professionnelles.
De manière générale, l’autocontrôle professionnel est en passe de prendre une place de
plus en plus importante dans l’ordonnancement juridique français après pourtant un
départ plus que timide. A ce titre, il est de nature à faire naître certaines obligations pour
le professionnel ou à tout le moins fournir une certaine feuille de route à suivre par le «
bon professionnel ».
26
Les professionnels commencent nettement à prendre conscience de l’intérêt de
développer ce genre d’autocontrôle que ce soit pour maintenir une certaine cohérence
dans la profession ou encore maintenir une bonne image dans l’opinion et auprès des
autres acteurs économiques, voire redorer le blason d’une profession à la dérive
moralement.
L’exemple type peut être observé la volonté immédiate de développer une traçabilité
transparente dans le domaine de la vente de viande à la suite du scandale retentissant de
la viande de cheval en France en 2013.
Se pose cependant la question de la définition et la portée de ces règles, si l’on peut
appeler cela des règles, à tout le moins une certaine organisation contrôlée de la
profession.
L’intérêt est majeur, puisque le juge français, à l'instar de ses homologues étrangers,
confère une portée nouvelle à ce nouveau type d'instruments et en sanctionne la
violation, a minima sur le principe de bonne foi et de loyauté, a maxima lorsque des
sanctions spécifiques sont prévues.
Il apparaissait que les instruments auxquels la pratique tend à recourir pour réglementer
une activité économique donnée, en dépit de leur indéniable diversité, ne répondent pas
suffisamment aux besoins des opérateurs privés.
Aussi, tout naturellement a-t-on assisté, à côté de cette forme de production normative,
au développement d'actes que certains auteurs qualifient de droit mou, droit vert ou soft
law en échos à une terminologie anglo-saxonne.
La doctrine a vu, dans l'émergence de ces sources de droit privé à la juridicité affaiblie,
la preuve de l'exigence de normes techniques, et l'existence de pouvoirs privés
économiques17.
17
G. Farjat, Réflexions sur les codes de conduites privés, in Le droit des relations économiques
internationales. p. 56-57
27
Ethique, code de bonne conduite, déontologie, apparaissent ainsi comme donnant
naissance à une complémentarité nécessaire entre normes publiques et privées.
La doctrine pu ainsi en déduire une volonté de moralisation de la branche par l'énoncé
de principes d'éthique professionnelle.
Les secteurs professionnels ayant une certaine volonté d’encadrer leur profession par
des normes édictées par eux et pour eux sont multiples.
Sont ainsi visées tant les activités sportives, que celles de mandataire de justice dans les
faillites 18 ou de commissaire aux comptes, des établissements de crédit 19 et des
établissements financiers. Les activités purement commerciales qui pourraient par
définition être opposées à toute réglementation à visée contraignante ne sont cependant
pas en reste et développent également des dispositions d’autocontrôle, et ce assez tôt à
partir du début des années 90.
Il en va ainsi du marketing direct20, de la téléphonique21, ou encore la publicité, la vente
par correspondance22 et les assurances.
Il est intéressant de remarquer que cette réglementation est incorporée dans des
documents que les opérateurs qualifient de « code ».
Le parallélisme avec les réglementations étatiques est bien évidemment volontaire. Mais
la similitude s’arrête là. En effet, ces codes apparaissant comme des instruments
d'autodiscipline ou autocontrôle dont l'objet est l'énoncé de règles de déontologie ou de
bonne conduite.
Ils sont avant tout là à destination des professionnels eux-mêmes avant d’être à
l’information du public ou des ordres judiciaires.
18
G. Bolard, La déontologie des mandataires de justice, D. 1988.Chron.261-266
Ph. Lagayette, Déontologie et contrôle des établissements de crédit, Rev. Banque, n° 513, févr. 1991, p.
119-122
20
Où dès 1993 a été publié, sous l'égide de l'Union française du marketing direct un « code déontologie
des professionnels du marketing vis-à-vis de la protection des données à caractère personnel »
21
Code de déontologie du marketing téléphonique rédigé par le Syndicat du marketing téléphonique
22
Code professionnel de la vente par correspondance, rédigé sous les auspices du Syndicat des entreprises
de vente par correspondance
19
28
En outre, la réception des normes non juridiques des ordres privés peut également
constituer un moyen de combler un vide juridique au sein de l'ordonnancement
juridique de source étatique.
Il est également possible de distinguer l’autocontrôle de la déontologie des
professionnels. Il apparaît que, là où la déontologie est avant tout présente pour
organiser techniquement la vie professionnelle, les règles d’autocontrôle ajoutent une
dimension morale ou en tout cas de surveillance de la profession. Il est ainsi possible de
distinguer deux définitions, l’une présentant l’autocontrôle comme contenant la
déontologie et des règles morales et l’autre présentant autocontrôle moral avec à coté la
déontologie.
La clé de distinction pourrait se trouver dans la sanction du non respect de ces
différentes règles. Il apparaît que plus facilement les règles de bonne conduite peuvent
être retenues devant le juge étatique, la plupart du temps sur le fondement de la morale
ou de la loyauté. Dans un autre sens, déontologie est plus synonyme de justice privée,
propre à la profession avec des sanctions en interne.
En ce sens, les diligences professionnelles correspondent parfaitement à ce que l’on peu
attendre en réalité d’un autocontrôle professionnel. Elles correspondent à la bonne
pratique de la profession, au respect des règles propres à celle-ci et sont potentiellement
sanctionnables en ce qu’elles correspondent pour le juge étatique à une obligation de
loyauté, de respect de la bonne foi et des bonnes pratiques, voire des règles de l’art.
29
Section 2 : L’autocontrôle professionnel, valeur normative et intérêt fondé.
La question fondamentale en matière d’autocontrôle professionnel est celle de la valeur
et de la portée de ces règles privées, mais également de la motivation qui pousse les
professionnels à adopter des règles impératives.
L’autorégulation d'une branche d'activité par ses propres opérateurs est loin d'être
envisagée pour le simple plaisir des professionnels.
En effet, il n'est pas rare que l'objectif soit avant tout de prévenir le développement
d'une réglementation étatique trop sévère.
L’intérêt est majeur, on le comprend bien, et le sentiment qui anime la profession dans
la mise en place de règles d’autocontrôle conduit rarement à l'adoption de codes de
conduite plus sévères que ce qu’aurait éventuellement pu envisager le droit étatique.
Un autre intérêt majeur tient dans le fait que l'élaboration de ces règles de conduite
permet également aux opérateurs privés d'échapper à des poursuites notamment, en cas
d'atteinte au droit de la concurrence.
De même c'est en vue de se plier à des contraintes extérieures que les professionnels se
fixent des normes qui prétendent guider leur comportement dans leur domaine
d’activité.
Il est logique de penser que, si les professionnels éprouvent le besoin de se soumettre à
des règles morales ou de bonne conduite, c'est avant tout dans le but de mener leurs
politiques commerciales en toute sécurité voire en toute tranquillité sous le couvert de
règles soi-disant moralisatrices de la profession.
30
Toutefois ces éléments de régulation professionnelle ne sont pas toujours sans poser des
problèmes d'ambiguïté.
En effet, il est également possible de penser que l’excuse de l’existence d’un
autocontrôle professionnel est tout à fait de nature à empêcher en réalité des
règlementations nettement plus contraignantes de la part des Etats ou en tout cas profiter
d’un encadrement a minima pour laisser se développer des pratiques dommageables
sous le couvert du principe de l’autorégulation.
Se pose également le problème de la réception par le juge de ces éléments
d’autocontrôle.
La plupart de ces codes de bonne conduite ou d'éthique apparaissent comme des
documents à caractère exclusivement incitatif, en raison de leur volonté de prévoir un
contenu incitatif. Cependant, ils peuvent progressivement acquérir un caractère
obligatoire.
Il en est ainsi lorsque de telles normes assument la fonction de standards permettant au
juge étatique d'apprécier le comportement des opérateurs privés.
En effet, beaucoup de ces normes définissent de manière assez large et plus ou moins
précisément le comportement d'un professionnel normalement prudent et avisé.
Il s'agit de standards au même titre que le principe de bonne foi ou de loyauté ou encore
des attention d'un bon père de famille quoi que les jours de ce dernier se trouvent
désormais révolus.
Ces standards reprennent en réalité, sur le plan des ordres juridiques privés, le respect
de normes de prudence et de diligence plus rigoureuses, fondé sur une présomption de
compétence de l’ensemble de la profession couverte.
En réalité, dans son effectivité, l’autocontrôle professionnel tend à être de plus en plus
pris en compte par le juge.
L’autocontrôle professionnel n'est pas condamné à une ineffectivité en raison de son
caractère non contraignant.
La doctrine soutient que sa juridicité doit être dissociée de son effectivité.
31
De ce fait l'ordre juridique étatique participe à l'effectivité d'une norme de conduite
élaborée par un ordre juridique privé, à partir du moment où le juge peut commencer à
considérer la norme d’autocontrôle comme basée sur un standard professionnel dont la
violation est constitutive d'une faute.
L’autocontrôle professionnel ne revêt pas de caractère spécifiquement contraignant,
mais son contenu n'a pas pour autant une nature juridique immobile.
Il peut acquérir une effectivité conditionnée par la manière dont il a été adopté, ainsi
que par son contenu. Ce qui compte c’est finalement moins son aspect formel que son
contenu.
A partir du moment où contenu est le reflet de règles principalement acceptées comme
des coutumes, des standards de comportement, voire des principes généraux du droit, on
peut conclure que les juges étatiques sont autorisés à leur conférer le statut de source du
droit et en conséquence en tirer toutes les conclusions qui s’imposent quant à la sanction
de leur irrespect par le professionnel.
Cependant, dans un soucis de plein efficacité, il conviendra, en toute logique, pour la
juridiction saisie de dissocier nettement les dispositions qui font l'objet d'une large
diffusion, et qui sont acceptées comme le reflet de pratiques acquises, de celles qui ne le
sont pas.
32
Chapitre 2 :
L’autocontrôle professionnel : l’exemple de l’encadrement du
message publicitaire.
L’exemple de l’encadrement du message publicitaire par des mécanismes
d’autocontrôle professionnel est particulièrement illustratif de l’intérêt pour les
professionnels de prendre acte et de faire des efforts dans la mise en place de tels
mécanismes.
En effet, si le contrôle de la lisibilité du message publicitaire est particulièrement
avancé (Section 1), l’impossibilité de trouver des règles d’autocontrôle efficaces
s’agissant de la publicité sur internet via les commentaires et les blogs a conduit les
pouvoirs publics à prendre des dispositions d’encadrement ayant un impact
certainement plus important pour les professionnels qu’une éventuelle organisation
interne (Section 2).
Section 1 : Le contrôle avancé de la lisibilité du message publicitaire.
L’Autorité de la régulation Professionnelle de la Publicité est l’exemple type d’un
autocontrôle professionnelle pleinement efficace et crédible.
Les Recommandations de l’ARPP sont ainsi au cœur du dispositif de régulation
professionnelle de la publicité.
Exemple peut être pris de l’évolution de l’autocontrôle des publicitaires en matière de
lisibilité et crédibilité du message publicitaire.
Les publicités renvoyant à des précisions ou conditions générales par des astérisques ont
eu à faire l’objet d’une certaine autorégulation professionnelle.
33
Le BVP avait ainsi pris soin d'éditer une recommandation "Mentions et Renvois" en
décembre 2005, reprise ensuite par l'ARPP.
Le texte recommande que, quel que soit le support de la publicité, les mentions
rectificatives et informatives soient lisibles dans des conditions normales de lecture.
Entre autre à titre d’exemple, cela implique que les mentions figurent à l'horizontale,
dans une taille de caractères suffisante, dans une police de caractères qui permet une
lecture aisée, sans pour autant que cette police soit uniforme dans toute la publicité,
dans une couleur de caractères qui contraste par rapport à celle utilisée pour le fond de
la publicité, avec des caractères normalement espacés.
Dans le même sens, il a pu être développé le fait que dans les messages publicitaires
faisant apparaitre des mentions au sein d'un bandeau déroulant, la vitesse de
déroulement du bandeau doit permettre au consommateur de lire l'intégralité́ des
informations y figurant sans que ce dernier soit obligé d'attendre une nouvelle diffusion
du message.
De la même manière, l’ARPP a pu venir encadrer et obliger les professionnels de la
publicité à communiquer un message publicitaire simple permettant au consommateur
une appréciation non erronée.
Le professionnel devant être notamment attentif « au respect des principes d’un langage
simple, direct, précis et non équivoque ».
A ce sujet, il est intéressant de se pencher sur l’évolution du message publicitaire visant
les forfaits illimités dans la téléphonie mobile, exemple parfait s’agissant d’une
tentative de régulation professionnelle non respectée par certains et incidemment
sanctionnée.
Le Conseil national de la consommation avait très tôt été interpellé, en particulier par
les associations de consommateurs, sur la question de l'utilisation de l'argument
"illimité" dans les publicités pour Internet et les mobiles.
34
Dans son avis du 23 juin 2006 relatif à la publicité écrite dans le secteur des
communications électroniques, il avait recommandé que "lorsqu'une publicité met en
avant le terme "illimité" comme caractéristique essentielle d'une offre, la mention
rectificative à ce terme figure dans des caractères suffisamment importants ; elle
s'inscrit dans le document publicitaire de façon distinctive des autres mentions
rectificatives et légales, et est clairement identifiée comme venant rectifier la mention
principale".
Pour autant, ces recommandations n'ont pas suffi comme le démontre l'affaire Free qui
avait été portée devant le Tribunal de grande instance de Paris le 7 février 201223.
23
TGI Paris, 7 févr. 2012, 31e ch., n° 0700396023
35
Section 2 : Loyauté du message publicitaire sur internet : réglementation à
défaut d’autocontrôle efficace.
La Cour de cassation définit de façon constante la publicité comme un "moyen
d'information destiné à permettre au client potentiel de se faire une opinion sur les
caractéristiques des biens ou services qui lui sont proposés"24.
Quel que soit le degré de captation, le message porté par les professionnels doit
respecter des principes cardinaux, élémentaires25.
Ainsi, dès l'article 1er, il est exposé que "toute communication de marketing doit se
conformer aux lois, être décente, loyale et véridique. Toute communication de
marketing doit être conçue avec un juste sens de la responsabilité sociale et
professionnelle et doit être conforme aux principes de la concurrence loyale telle qu'ils
sont généralement admis dans les relations commerciales. Aucune communication ne
doit être de nature à dégrader la confiance que le public doit pouvoir porter au
marketing".
Il est évident qu’un tel code a avant tout une finalité pédagogique, mais il est important
de noter les termes particulièrement forts de l’article. On notera qu’au delà de la loyauté
entre les acteurs concernés, l’argument majeur est le maintien de la confiance du public
ce qui illustre bien encore une fois la volonté des professionnels de s’autocontrôler dans
un but commun à l’ensemble de la profession.
A la lecture du code ICC, la publicité loyale est donc celle qui est honnête, qui ne
cherche pas à tromper sa cible.
L'article 3 retient que "la communication commerciale doit être conçue de manière à ne
pas abuser de la confiance des consommateurs ou à ne pas exploiter le manque
d'expérience ou de connaissance des consommateurs".
24
25
Cass. crim., 23 mars 1994 : Bull. crim. 1994, n° 114
Code international sur les pratiques de publicité et de communication de marketing
36
Il est intéressant d’observer l’application de ces règles d’autocontrôle dans le domaine
de la publicité sur internet. On en effet ici dans un domaine en pleine expansion avec un
large public cible. Pour autant il commence à apparaître primordial pour les annonceurs
de commencer à encadrer la diffusion de la publicité pour internet pour maintenir une
certaine acceptation du message par le public.
La légitimité des sites, des blogs, des forums passent nécessairement par leur crédibilité.
Tout ces supports dématérialisés ont donc tout intérêt à s'autoréguler et à respecter une
certaine contrainte volontaire.
Les professionnels, de façon individuelle, tentent de réagir. Certains sites veillent à
contrôler cette publicité cachée notamment pour garantir leur crédibilité.
La solution principale et certainement celle qui sera la plus efficace et adaptée pourrait
venir de l'autorégulation professionnelle et du respect subséquent de certaines diligences
professionnelles.
La révision du Code ICC sur les pratiques de publicité́ et de communication
commerciale en 2011 a ainsi été l'occasion d'intégrer une partie "medias interactifs
numériques" prenant en compte ces pratiques potentiellement déloyales et surtout
extrêmement néfastes pour l’ensemble de la profession.
L'article D1 recommande ainsi que :
« Lorsqu’une communication commerciale numérique est individuellement adressée à
un consommateur, l'objet du message et le contexte doivent faire clairement apparaitre
sa nature commerciale. L'objet du message ne doit pas induire en erreur et la nature
commerciale de la communication ne doit pas être dissimulée. La nature commerciale
de recommandation ou avis sur des produits manant des professionnels de la
communication doit être clairement indiquée. Ces recommandations ou avis ne doivent
pas être présentés comme émanant de consommateurs individuels ou d'organismes
indépendants »
37
Dans un avis du 6 février 2013, Identification de la publicité, le Conseil Paritaire de la
Publicité, a quant à lui demandé à l’ARPP réactualiser sa Recommandation
Identification de la publicité au regard des évolutions du Code ICC.
Parallèlement, le Comité d'éthique publicitaire dans son avis du 25 novembre 2011 a
réaffirmé les frontières entre information et publicité.
Il observe que la question des blogs est essentielle, en raison de leur importance, de leur
essor, et des investissements consentis par les marques dans ce secteur.
Le Comité d’éthique propose une solution intéressante du point de vue des diligences
professionnelles puisqu’il envisage d’initier un système d’autocontrôle par les
internautes eux-mêmes, ceux-ci étant par la même, assimilés à ce qu’on pourrait appeler
des « professionnels du commentaire »
Le Comité d’éthique propose ainsi de créer un label garantissant le statut du bloggeur
qui serait obligé de citer ses sources pour pouvoir s'exprimer sur une marque ou un
produit.
Ce label fonctionnerait un peu comme la norme européenne "CE" apposée sur les
produits techniques, les jouets, etc. à l'initiative des fabricants.
La norme en question ne sanctionne pas un bon comportement vérifié (par une autorité
indépendante), mais elle signale un bon comportement vérifiable. Celui qui se prévaut
du label se trouverait moralement engagé, de telle manière qu'il ait un devoir de
transparence auprès des lecteurs du blog.
L’idée d’autorégulation est ici intéressante mais difficile à mettre en œuvre. Elle est
illustratrice de la difficulté que peuvent avoir les professionnels à organiser et se
soumettre à un autocontrôle dès lors que leurs intérêts ne sont pas convergents. Pour
autant, les professionnels en la matière ne pourront que regretter d’avoir manqué une
telle possibilité.
38
En effet, les pouvoirs publics ont pris le relai par le biais de l'AFNOR, et tentent de
moraliser la pratique.
Ainsi, en janvier 2012, l'AFNOR a mis en place un groupe de travail pour élaborer une
norme sur les avis en ligne des consommateurs. Le projet de norme a été finalisé en
décembre 2013 et l'AFNOR a lancé une enquête publique afin de recueillir la position
des acteurs concernés26.
L’exemple de l’autocontrôle de la publicité cachée et des avis sur internet est
symptomatique de la problématique des diligences professionnelles.
Dans le cas présent, les professionnelles ont manqué une occasion et devront maintenant
se conformer à une norme étatique sans doute beaucoup plus contraignante que ce
qu’elle aurait pu être si eux-mêmes avaient pris l’initiative de se contrôler et d’encadrer
les règles de la profession en la matière.
Il est impératif pour les professionnels de comprendre qu’ils ont la possibilité d’avoir
l’initiative dans l’encadrement de leur profession et qu’ils ont tout à gagner à s’engager
sur cette voie.
26
AFNOR, PR NF Z74-501, févr. 2013, Avis en ligne des consommateurs
39
Partie 2 :
Le régime des diligences professionnelles, les enjeux
majeurs d’une définition efficace.
40
Titre 1 :
Les diligences professionnelles dans l’application concrète
de la directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales
déloyales.
Chapitre 1 :
La prise en compte en réalité subsidiaire du respect des diligences
professionnelles
Dans l’appréciation que font les juridictions de la notion de diligences professionnelles
dans le cadre de l’application de la directive 2005/29/CE transposée, il particulièrement
intéressant de remarquer qu’en réalité l’utilisation effective de la notion n’est que
subsidiaire, et dès lors se pose la question de sa portée réelle (Section 1).
Pour autant, lorsqu’elle reçoit pleine application, il convient de noter que les juridictions
font nettement écho à la notion de loyauté et d’obligation d’information, obligation qui
semble être l’application réelle majeure de la notion (Section 2).
Section 1 : La subsidiarité de la notion de diligence professionnelle.
La directive 2005/29/CE relative aux pratiques commerciales déloyales est sans
équivoque quand aux conditions de la déloyauté de la pratique commerciale.
La pratique devient déloyale dès lors qu’elle est a) contraire aux exigences de la
diligence professionnelles et b) qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière
substantielle le comportement économique par rapport au produit, du consommateur
moyen qu’elle touche ou auquel elle s’adresse (…)27.
27
Directive n°2005/29/CE art 5
41
Depuis la transposition de la directive 2005/29/CE, les juridictions nationales et
européennes ont eu à connaître de pratiques susceptibles de relever de ce texte.
Il est intéressant de remarquer que les juridictions sont loin d’une application claire et
sans peine des termes de la directive et notamment de l’interprétation à faire de la
notion de diligence professionnelle. Il est à noter que l’on est plutôt dans une pratique
visant à cantonner la notion à un rôle subsidiaire faut sans doutes de savoir comment en
tirer meilleur parti.
Suivant les termes de la directive, les deux conditions posées à l’article 5 sont
cumulatives et doivent être appréciées conjointement à chaque fois que la pratique
pourrait apparaître comme déloyale.
Il faut cependant remarquer que la prise en compte des diligences professionnelles
n’intervient qu’en deuxième rideau lors de l’analyse d’une pratique commerciale par les
juridictions.
L’article 3§1, de la directive 2005/29/CE énonce que les pratiques déloyales sont
définies dans son article 5 comme il l’a été précisé auparavant. Cette disposition
présente deux critères cumulatifs d’identification et insiste dans un second temps sur les
pratiques trompeuses et agressives qui par hypothèse, sont toujours déloyales.
Il apparaît que les magistrats recherchent en réalité en premier lieu si la pratique
correspond aux pratiques commerciales interdites en toutes circonstances28. Puis en
second lieu les juges viennent se référer éventuellement au critère du respect des
exigences de la diligence professionnelle29.
Il apparaît que la CJUE opère également une lecture à deux niveaux. En effet, elle
précise dans un arrêt du 19 septembre 2013 que dès lors qu’une pratique commerciale
déloyale répond aux critères de la pratique commerciale trompeuse, il n’y a pas lieu de
vérifier si la pratique est contraire à la diligence professionnelle30.
28
v. annexe 1 de la directive 2005/29/CE
v. en ce sens Cass. Com. 13 juillet 2010, n°09-15.304
30
CJUE 19 septembre 2013, aff. C-435/11 CHS Tour Services Gmbh c/ Team4 Travel
29
42
La réflexion est différente de celle opérée par la Cour de Cassation, puisqu’ici ce ne
sont pas les pratiques interdites spécifiquement qui sont prises en compte en premier
mais tout simplement celles que l’ont peut qualifier de trompeuses.
Le raisonnement est tout à fait logique puisqu’une pratique trompeuse est
nécessairement déloyale. Vient cependant se poser l’intérêt du double critère de l’article
5 de la directive 2005/29/CE. En effet, on imagine difficilement une pratique qui ne
serait pas trompeuse mais pourtant déloyale, et la jurisprudence ne fait que renforcer ce
sentiment.
Le critère du respect de la diligence professionnelle semble donc à exclure de
l’appréciation du caractère trompeur d’une pratique commerciale.
Il convient dès lors de s’interroger sur l’utilité réelle de la notion de diligence
professionnelle telle qu’envisagée dans la directive 2005/29/CE. L’interprétation qu’en
fait la CJUE laisse à penser qu’il faudrait interpréter le critère comme étant secondaire.
Il y aurait une sorte de hiérarchie entre les deux notions où serait privilégié le caractère
trompeur de la pratique.
Dès lors faut-il en déduire que la déloyauté s’apprécierait seulement lorsque le caractère
trompeur n’est pas observé ou difficilement appréciable ?
Il paraît cependant difficile d’imaginer que des pratiques commerciales seraient
déloyales sans pour autant être ni trompeuses ni agressives. A contrario on voit
difficilement comment une pratique commerciale qui ne serait, ni trompeuse ni
agressive, pourrait cependant par défaut se retrouver déloyale.
C’est donc une analyse in concreto qui permettra alors de déterminer si la pratique
commerciale peut être prohibée31.
Au demeurant, la notion et l’appréciation des diligences professionnelles n’ont d’utilité
que couplées à la seconde condition à savoir l’altération du comportement du
consommateur.
31
v. en ce sens notamment CJCE, 23 avr. 2009, aff. C-261/07
43
Cette altération doit être la conséquence directe du non respect des diligences
professionnelles. On en déduit donc que les diligences professionnelles en soit, non
respectées, n’ont aucune incidence et ne sauraient amener à elle seule une sanction.
Ainsi, il a pu être jugé qu’une pratique, en l’espèce un comparateur de prix sponsorisé,
n'est trompeuse au sens de l'article L. 120-1 du Code de la consommation, que si une
autre condition est remplie, la démonstration que la pratique altère la décision d'achat du
consommateur 32.
La notion de diligence professionnelle n’est donc rien sans sa mise en balance avec
l’appréciation que peut faire le consommateur du respect de ces diligences et ce qu’il en
attend.
Le non respect de la diligence professionnelle en soit n’emportant aucune sanction, on
comprend donc bien le peu d’intérêt pour les professionnels français pour la mise en
place de la notion, sauf à ce qu’ils y aient un intérêt particulier tel que l’image de la
profession notamment ou qu’ils y soient contraint par un organisme de régulation ou
des instances disciplinaires propres à la profession.
32
Cass. com., 27 avr. 2011, n° 10-15.648, SAS Univers Pharmacie et alii c/ Sté Galec
44
Section
2:
Les
diligences
professionnelles
recevant
application,
prolongement de la bonne fois.
Bien que la notion de diligence professionnelle semble considérée comme étant
subsidiaire dans l’appréciation du caractère illégal d’une pratique commerciale, elle
trouve tout de même écho dans certaines décisions qui sont de nature à venir préciser
dans les faits comment les juges du fond apprécient réellement les contours de la
disposition.
En tout état de cause, il apparaît que la notion est principalement entendue comme un
prolongement de la notion de bonne foi. Elle apparaît finalement comme un critère
malléable, particulièrement soulevé par défaut lorsqu’il s’agit de tenter de condamner
une pratique non interdite per se.
Au demeurant, il conviendra de remarquer que si elle sert facilement de prétexte à
condamnation, il est nécessaire qu’elle soit systématiquement à apprécier au regard du
second critère, l’impact sur le comportement du consommateur moyen.
A ce titre, aucune décision n’a été confortée par la Cour de Cassation lorsque seul le
non respect des diligences professionnelles, en réalité le principe de loyauté, était
soulevé comme motif de condamnation.
En outre, il apparaît que les diligences professionnelles sont sujettes à une appréciation
aux multiples facettes par les juges mais qu’en réalité, se dégagent deux principales
obligations qui pourraient déterminer les contours de ce que peuvent être réellement les
diligences professionnelles en dehors de tout encadrement propre à la profession,
l’obligation d’information et de loyauté du professionnel.
La jurisprudence est ainsi venue sanctionner le professionnel pour n'avoir pas informé le
consommateur des conditions d'utilisation des logiciels toujours à la lumière de
l'interprétation de l'article L. 121-1 du Code de la consommation par le droit
communautaire33.
33
v. en ce sens Cass. 1re civ., 6 oct. 2011 : D. 2011, p. 2464, obs. X. Delpech
45
On remarque ici une potentielle ouverture intéressante de la notion de diligence
professionnelle qui s’orienterait vers une certaine obligation d’information du
consommateur. L’obligation d’information du consommateur pourrait être considérée
comme la diligence professionnelle a minima en dehors de toute réglementation propre
à la branche professionnelle visée.
Cette analyse n’est cependant pas admise de manière générale. En effet, il a ainsi pu être
admis que si la vente d'ordinateurs prééquipés d'un logiciel d'exploitation constitue une
vente liée, il n'empêche qu'elle n'est pas, en soi ou per se, une vente prohibée. Il faut
qu'elle soit déloyale pour qu'une telle pratique commerciale soit désormais condamnable
en droit interne et externe.
La Cour de cassation décide que ne constitue pas une pratique commerciale déloyale le
fait pour un professionnel de proposer sur son site Internet la vente d'ordinateurs
prééquipés d'un logiciel d'exploitation, dès lors que le consommateur dispose de la
faculté d'acquérir sur un site Internet lié le même ordinateur « nu ».
En revanche il faut noter ici qu’il n’est nullement fait état d’une quelconque information
du consommateur sur cette possibilité, et en l’espèce elle n’existait pas. Il persistait la
possibilité d’acquérir l’ordinateur nu, mais sur un site professionnel, autant dire que les
barrières à l’acquisition étaient et restes énormes pour le consommateur moyen non
spécifiquement renseigné.
La Cour de cassation met en évidence qu'à partir du moment où le professionnel offrait
aux consommateurs la possibilité d'acquérir sur un premier site des ordinateurs
prééquipés d'un logiciel d'exploitation et sur un second site mais lié des ordinateurs
dépourvus de tout logiciel d'exploitation, cela retirait à la pratique litigieuse tout
caractère délictueux.
En outre, la Cour de Cassation s’appuie sur le fait que le consommateur n'est
certainement pas apte à installer lui-même un logiciel d'exploitation. Il semblerait donc
qu’il faille également prendre en compte le consommateur moyen visé, le caractère
déloyale de la pratique en dépendant.
46
La doctrine a pu en déduire qu’il faudrait raisonner en offre globale pour apprécier le
caractère déloyal de l'opération commerciale34.
A partir de là se pose la question de l’application de cette analyse à une offre en
magasin et pas seulement sur internet. Paradoxalement, la notion de diligences
professionnelles et les pratiques commerciales déloyales apparaissent difficiles à mettre
en œuvre sur internet là où elles devraient certainement être le plus utiles. La faute sans
doute à la difficulté de réguler largement le marché sur internet.
Il semblerait que les diligences professionnelles sur internet restent encore longtemps
cantonnées à la simple appréciation de la bonne foi dans mise en œuvre de la pratique
commerciale.
Au demeurant, sur la notion même de diligence professionnelle, il est intéressant de
noter que l’arrêt de Cour d’Appel, bien que cassé, retient, que cette pratique est
contraire aux exigences de la diligence professionnelle au motif que la société, qui
prétend n'être que distributeur, se trouve toutefois en lien direct avec le constructeur
lequel s'il n'a que des droits d'utilisation tirés de la licence qui lui a été concédée
conserve un intérêt à adapter sa concession de licence à la demande en s'adressant à
l'éditeur du logiciel d'exploitation, que la société ne peut justifier l'absence de
proposition d'ordinateurs sans préinstallation puisqu'elle les propose aux professionnels
et qu'il n'existe pas d'obstacle technique à l'absence de proposition sans préinstallation,
ni à la désactivation lors de la vente.
On notera ici que la diligence professionnelle tient dans le potentiel conflit d’intérêt ou
plutôt l’intérêt commun que distributeurs et fournisseurs auraient à pratiquer des ventes
liées. Il faudrait en retenir qu’à première vue, est contraire à la diligence professionnelle
le fait de maintenir une pratique, probablement néfaste pour le consommateur, du fait de
ses liens étroits avec le fournisseur du produit, la pratique alors néfaste profitant tant au
fournisseur qu’au distributeur.
34
V. en ce sens, X. Delpech, Dalloz Actualités, 23 juill. 2012
47
Le respect de la diligence professionnelle voudrait alors que le professionnel distribuant
un produit propose celui-ci avec ou sans vente liée quel que soit son niveau
d’interrelation avec le constructeur du produit.
En matière de comparateur de prix, la diligence professionnelle a pu s’apprécier au
regard du fait de s’afficher comme indépendant alors qu’in concreto l’activité principale
était en réalité publicitaire.
La Cour de Cassation 35 précisait que la Cour d'Appel avait ainsi retenu que le
comparateur de prix ne comparait en réalité que les prix des entreprises qui avaient
obtenu un référencement payant auprès de lui, ce qui jetait une ombre sur le caractère
objectif de la comparaison. Le soi-disant « meilleur prix » que le visiteur était censé
trouver sur le site, ne résultait pas d'une comparaison de toutes les offres existantes sur
le marché.
Par conséquent, pour les juges, le comparateur de prix sur internet avait en réalité une
activité publicitaire et, en ne s'identifiant pas clairement en tant que site publicitaire,
cette société enfreignait les dispositions de la loi LCEN du 21 juin 200436, et se rendait
coupable de pratiques déloyales et trompeuses.
Il en va de même pour le défaut de mise à jour en temps réel des prix affichés, pour le
défaut de mention de la période de validité des offres, pour l'absence d'information
relative aux frais de livraison, pour le silence gardé sur les conditions de garantie et les
principales caractéristiques des produits comparés.
Au final, on pouvait penser qu'il était contraire aux exigences de la diligence
professionnelle ce que l'on est en droit d'attendre, certainement naïvement, d'un
comparateur de prix.
35
Cass. com., 29 nov. 2011, n° 10-27.402, FS-P+B, SAS Kelkoo c/ SA Concurrence : JurisData n° 2011026643
36
Loi du 21 juin 2004, Art. 20
48
Au regard de cette pratique jurisprudentielle, il apparaît qu’en réalité la notion de
diligence professionnelle est avant tout utilisée, lorsqu’elle l’est, afin de caractériser une
pratique visiblement répréhensible. Etant donné la largesse de la définition de la notion,
elle se prête aisément au jeu de la qualification par défaut.
En réalité, s’il faut retenir un critère commun aux différentes appréciations que les
juridictions opèrent, il ne fait aucun doute que diligence professionnelle, au sens de la
directive 2005/29/CE, rime avec loyauté de la pratique, indépendamment de la
spécificité de la profession ou des éventuels usages ou déontologie en la matière.
49
Chapitre 2 :
L’impact des diligences professionnelles sur la relation
consommateur-professionnel.
Au delà de la simple appréciation par les juridictions de la notion de diligences
professionnelles, il faut observer que le développement de celle-ci n’est pas sans impact
sur d’une part la place du consommateur dans le régime général (Section 1) ni sans
conséquences pour le professionnel (Section 2).
Section 1 : La place du consommateur dans le régime des diligences
professionnelles.
Il convient de s’interroger sur les conséquences que peut avoir la double lecture
qu’opèrent les juridictions dans la pratique sur le régime des diligences professionnelles
et la place du consommateur dans celui-ci.
A partir du moment où les magistrats constatent le non respect des diligences
professionnelles mais en subordonnant systématiquement la sanction de la pratique au
révélateur de l’impact de celle-ci sur le consommateur, il semble que le juge judiciaire
français retienne la liberté de contracter du consommateur comme l’élément de
référence.
Il ne suffit pas que les diligences professionnelles soient respectées, ce qui en soit pose
un souci d’efficacité et de réalité de l’effet concret d’une obligation de respect de cellesci. Le régime des diligences professionnelles passe nécessairement en pratique par une
appréciation de celles-ci au regard de la situation du consommateur. Ainsi, les
diligences professionnelles ne sont pas des obligations per se mais plutôt des guides de
bonne conduite ou de bonne pratique mouvant suivant chaque perception que pourrait
en avoir le consommateur.
50
Au final, l’appréciation des critères de la déloyauté des pratiques commerciales telle que
prévue dans la directive 2005/29/CE révèle les difficultés à établir l’équilibre entre les
intérêts économiques du professionnel vendeur et ceux du consommateur sur le même
marché.
Au regard de la directive, les diligences professionnelles se cantonnent à une énième
appréciation de la loyauté et de la bonne foi. C’est tout juste s’il faut prendre en compte
les caractéristiques de la profession.
Dans l’application du principe, l’inefficacité apparaît d’autant plus. En effet, non
content d’apprécier le bon respect des diligences au regard de la bonne foi, ce qui déjà
peut entrainer d’importantes divergences suivant les pays et même les juridictions, les
magistrats apprécient ensuite les diligences effectuées au regard de l’attente du
consommateur moyen. Avec évidemment tous les problèmes liés à la définition du
consommateur moyen.
Il est évident qu’il conviendrait de dire que la première des diligences professionnelles
tient dans l’obligation d’information du professionnel à l’égard du consommateur. Cette
obligation devrait pouvoir exister sans le filtre de l’appréciation du consommateur.
La portée des diligences professionnelles en est ainsi pourtant grandement réduite.
La jurisprudence relative à la qualification de pratique commerciale déloyale des ventes
liées de logiciel d’exploitation d’ordinateur avec l’ordinateur neuf est une bonne
illustration du problème.
En partant du postulat que le professionnel, pour respecter les diligences dues doit, a
minima, délivrer une information au consommateur, en l’espèce la possibilité d’acheter
l’ordinateur nu, et qu’il ne le fait pas, il convient de remarquer qu’à première vue, la
pratique est potentiellement déloyale, il n’a pas respecté les diligences professionnelles
qui lui était imparties. La sanction en l’état est donc parfaitement envisageable.
51
Pourtant, au révélateur de l’impact sur le comportement du consommateur, le respect ou
non des diligences est totalement indifférent.
En effet, il n’est pas du tout certain que le consommateur moyen qui achète un
ordinateur modifiera son achat lorsqu’il aura pris connaissance de la possibilité de se le
procurer vide de tout logiciel d’exploitation. Le consommateur veut avant tout un
ordinateur clé en main, qui marche dès le premier allumage.
Au final que le professionnel lui ait indiqué ou non la possibilité de l’achat nu, le
consommateur moyen a peu de chance de modifier son comportement d’achat, sauf à
prendre en compte le consommateur qui maîtrise parfaitement l’installation d’un
logiciel d’exploitation tiers, mais ici on se retrouve déjà dans le cadre d’une
appréciation du consommateur à la limite du professionnel qui par définition n’est pas
un consommateur moyen.
Il aurait été plus intéressant de prévoir un régime distinct du respect de la diligence
professionnel, imposant comme tout préalable à la conclusion d’une opération un
certain respect des règles de loyauté de la profession. Avec encore une fois tout le
problème d’arriver à placer le curseur entre déloyauté et pratique du commerce.
Dans la pratique il n’y a donc pas les diligences et le comportement du consommateur,
il y a les diligences en fonction du comportement du consommateur. Dès lors, la place
du consommateur devient fondamentale pour apprécier l’étendue du régime des
diligences professionnelles.
Au regard des deux critères posés par la directive européenne, peut-être aurait-on pu
penser que les exigences de la diligence professionnelle échapperaient, contrairement à
la condition plus explicite de l’altération substantielle du comportement du
consommateur, à la question de la liberté du consommateur.
52
Il apparaît cependant que les deux conditions mènent les juridictions à l’enjeu de la
protection de la liberté du consommateur, justifiant une utilisation des critères
européens à la lumière de ce seul élément.
La pratique finalement ne serait pas trompeuse ou contraire à la diligence
professionnelle en ce que la présentation de l’offre du professionnel ne serait pas
susceptible d’induire le consommateur en erreur préservant sa liberté de choix.
A titre d’exemple en ce sens, la Cour de cassation37 a pu considérer que même que la
liberté de choix est garantie dès lors que le consommateur élit « son opérateur en
considération des services associés et donc de la capacité des offreurs de se différencier
de leurs concurrents ».
Le sens donné aux critères de la déloyauté prend sa source dans la conception
européenne de la liberté du consommateur qui s’attache très objectivement à la
possibilité pour ce dernier de ne pas souscrire.
En acceptant ainsi que l’intérêt du consommateur ne soit plus qu’une composante du
fonctionnement économique du marché, le fondement retenu pour apprécier le caractère
déloyal de la pratique commerciale serait finalement, à titre principal, le droit de la
concurrence38.
En retenant ce passage obligé par le filtre de la perception du consommateur, la
directive qui se veut au départ protectrice du consommateur vient au final limiter ses
propres intérêts.
37
Cass. com., 13 juill. 2010, nos 09-15.304 et 09-66.970, Bull. civ. IV, no 127
v. ce sens, CJUE, 11 mars 2010, aff. C-522/08, Telekomunicaja Polska SA w Waeszawie, Comm. com.
électr. 2010, comm. 63, note Chagny M.
38
53
Section 2 : L’impact du régime des diligences professionnelles sur le
professionnel.
S’agissant du professionnel, le régime des diligences professionnelles, telles
qu’envisagées par la directive 2005/29/CE et la jurisprudence, n’est pas non sans
soulever d’importants problèmes.
Il va sans dire que les nombreux standards de jugement sur lesquels est basé la
définition des diligences professionnelles est source d’une importante insécurité
juridique, nettement plus marquée du coté du professionnel que de celui du
consommateur.
Le professionnel, dans l’absolu, devra nécessairement essayer d’apprécier s’il a un
comportement loyal ou déloyal, si ce qu’il vend est de nature à caractériser un non
respect des diligences professionnelles qu’hypothétiquement il doit respecter.
En l’absence de toute liste ou définition préciser, on comprend bien qu’il est et sera
pour le moment éminemment difficile pour le professionnel de distinguer s’il est dans le
respect de la directive ou non.
Il est d’autant plus difficile pour le professionnel français d’arriver à faire la part des
choses, que le respect et l’exécution dans le respect d’une certaine loyauté, que le
principe ne correspond pas du tout à sa culture contrairement à d’autres pays
européens39.
Il est nécessaire, pour que le professionnel français pour accepter une régulation ou un
code de bonne conduite d’arriver à lui prouver qu’il doit y trouver un certain intérêt
notamment dans la sauvegarde de l’image de la profession ou l’instauration d’un climat
de confiance. En ce sens, le régime des diligences professionnelles telles que prévues
dans la directive 2005/29/CE est de nature à commencer à faire changer l’avis des
professionnels sur le sujet.
39
Osman F., Avis, directives, codes de bonne conduite, recommandations, déontologie, éthique, etc. :
réflexion sur la dégradation des sources privées du droit, RTD civ. 1995, p. 509
54
L’information à tout va du consommateur et sa prise charge par les professionnels de
correspond pas du tout à ce qui peut se passer en France, où la protection du
consommateur passe avant tout par des règles de nature législative plus que par
l’autoréglementation des professionnels eux-mêmes.
On comprend donc que l’avenir est nécessairement dans le développement de
l’autorégulation professionnelle, là où il y a de l’intérêt à y avoir de l’autorégulation,
que ce soit par des codes de déontologie ou par la surveillance d’un organisme de
régulation.
Il est en effet important de noter que la directive s’adresse davantage aux professionnels
eux-mêmes et, en France, aux associations de consommateurs. L’incitation est faite en
faveur du développement et de l’application de codes de bonne conduite40.
Il s’agit ici, d’une forme revendiquée d’autorégulation, vantée pour la souplesse et
l’adéquation des normes adoptées par les parties en présence. Il ne faut pas douter du
fait que pour apprécier et rechercher un régime efficace des diligences professionnelles,
il est nécessaire de se détourner des principes généraux de la bonne foi et de la loyauté
et se pencher sur la mise en place de l’autorégulation professionnelle. C’est en tout cas
le but non affiché de la Commission Européenne.
La doctrine relevant à ce titre que « la directive témoigne davantage d’un véritable droit
du marché qu’un droit de la consommation, tel qu’on le définit traditionnellement en
France »41.
40
41
v. notamment en ce sens les articles 2, f et 10 de la directive
Cédric MONTFORT, Revue Lamy Droit des Affaires – 2008 p23
55
Titre 2 :
L’autre avenir de la notion de diligences professionnelles à
la française dans la déontologie et les usages.
Chapitre 1 :
Diligences professionnelles et déontologie, un régime analogue.
Dans la recherche d’un régime cohérent des diligences professionnelles, il est
intéressant de se pencher sur la déontologie.
S’il est impossible d’assimiler entièrement déontologie et diligences professionnelles, il
convient de remarquer que deux sources peuvent s’en rapprocher, les codes
déontologiques des professions libérales (Section 1) et l’encadrement légal des
professions règlementées (Section 2).
Section 1 : Déontologie et exercice libéral : codes déontologiques et
diligences professionnelles.
L’exercice libéral est marqué par des codes de déontologie et de bonne conduite que
l’on peut assimiler à de la diligence professionnelle, encore que les deux notions
peuvent être distinguées.
En effet, là où les diligences telles qu’entrevues par la directive 2005/29/CE se borne à
une obligation de loyauté et de bonne foi, les codes déontologique dans leur application
sont avant tout un encadrement de la profession et une forme détournée d’autocontrôle
visant à la bonne tenue et au maintient de l’image de la profession.
Ainsi, les notaires restent encadrés par des règles déontologiques engageant, à la
différence du pan de la notion de diligences professionnelles évoqué précédemment,
leur responsabilité immédiate.
56
Les notaires sont ainsi avant tout tenus d’un devoir de conseil destiné à assurer la
validité et l’efficacité de leurs actes42.
Ils doivent, par ailleurs, quel que soit l’acte qu’ils rédigent, effectuer des recherches
préalables de nature à éviter la nullité de ce dernier. Ils sont par exemple tenus de
s’assurer de l’identité des parties, de leur capacité, de leur situation matrimoniale et de
leur consentement.
Ces formes et solennités ont été définies, pour les notaires, par la loi du 25 ventôse de
l'an XI contenant organisation du notariat et réglant des actes notariés, et à sa suite le
décret 71-941 du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires. Ces
dispositions quoiqu’anciennes ne sont pas à négligées puisque fondement récent de la
responsabilité de notaires peu diligents dans la rédaction de leurs actes43.
La jurisprudence a ainsi pu déterminer que le notaire doit fournir aux parties, et pas
seulement à son client 44 , l'ensemble des éléments d'information en sa possession
susceptibles de les éclairer sur la nature et la portée de leurs engagements45, tout en
s'assurant non seulement de la validité́ des actes auxquels il apporte son concours, mais
aussi de leur efficacité46.
Il est intéressant de remarquer qu’ici les diligences professionnelles prennent une toute
autre dimension dans le sens où le notaire est considéré comme un sachant ayant
l’obligation de renseigner les parties. Ses capacités sont au service du client et il doit
faire preuve de la plus grande diligence dans l’exercice de sa mission, mais diligence au
sens de capacité et compétence professionnelle et pas seulement bonne foi ou loyauté.
Il est possible de faire un rapprochement de cette situation avec celle du professionnel
informant le consommateur sur le bien ou le service rendu avec cette différence que
dans le cas d’un notaire, la teneur de l’obligation d’information est inchangée et ce quel
que soit le niveau de compétence des personnes s’adressant à lui.
42
Cass. 3e civ., 21 févr. 2001, n° 98-20.817, Bull. civ. III, n° 20
V. en ce sens CA Aix-en-Provence, 20 septembre 2013, n°12/04328.
44
Cass. 1re civ., 27 avr. 1978 : JCP G 1978, IV, p. 194
45
Cass. 1re civ., 20 juill. 1994 : Juris-Data n° 1994-001648
46
Cass. 3e civ., 21 févr. 2001 : Juris-Data n° 2001-008299
43
57
La notion de diligence professionnelle prend alors tout son sens dans la mesure où elles
correspondent à un savoir précis, propre à la profession. C’est toute la différence avec
une relation purement commerciale où la notion sera obligatoirement atténuée par la
nature même de celle-ci.
Il est cependant intéressant de remarquer qu’il est tout à fait envisageable de faire
rentrer la question de la compétence du professionnel dans la définition de la diligence
professionnelle.
C’est ce qui a pu amener certains auteurs à remarquer que l'obligation d'information qui
pèse sur le notaire se rapproche parfois de la pédagogie47.
Il est évident qu’on voit difficilement un commerçant faire œuvre de pédagogie sauf à
ce qu’il y soit obligé ou qu’il y trouve un réel intérêt. Mais la nature même de la relation
commerciale est par définition opposée à cela.
On imagine difficilement une obligation pour le professionnel d’être entièrement
compétent au delà de la simple bonne foi.
La question se règlera par la suite si un préjudice du fait de l’incompétence survient,
mais en tout état de cause, la compétence du professionnel n’est pas un préalable à la
conclusion de l’opération, il reste en effet au consommateur à ce renseigner et se faire
une idée de la personne avec qui il entend conclure, restant libre de contracter ou non.
En outre, le notaire doit nécessairement se renseigner sur l’ensemble de l’opération qu’il
prépare. Il a ainsi pu être jugé qu’il appartenait au notaire, dans l’exécution de sa
mission d’authentification des actes, de s’assurer de l’origine de propriété du bien cédé
et de procéder, à cette fin, à toutes vérifications indispensables avant d’instrumenter.
47
François PASQUALINI La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 32, 5 Août 2004, 1192
58
Les magistrats en ont ainsi déduit que le notaire avait manqué à l’obligation de
diligence lui incombant, et ce notamment en ne procédant pas à des investigations plus
approfondies, en particulier auprès de son confrère, qu’il se devait non seulement de
mettre en garde les parties mais aussi de s’abstenir d’instrumenter et qu’en prêtant son
concours à la vente de l’immeuble litigieux48.
De manière générale, les diligences professionnelles du notaire peuvent se résumer en
grande partie dans les compétences spécifiques qu’ils sont censés présenter et dans le
devoir général de conseil qui leur incombe. Il en outre intéressant de remarquer que la
notion de diligences professionnelles du professionnel libéral ou règlementé diffère en
réalité
nettement dans la pratique de ce qui peut être attendu d’un professionnel
commerçant.
L’analyse cependant du régime des diligences des professions libérales amène à penser
qu’il serait potentiellement intéressant pour les professionnels commerçants de
s’orienter dans une optique d’autocontrôle comme semble le prôner la législation
européenne en prenant en compte l’impact des codes déontologiques établis dans les
professions libérales qui pourtant tiennent dans le temps.
48
Cass. 1re civ., 29 mai 2013, n° 12-21.781
59
Section 2 : Déontologie et commissaires aux comptes : obligations légales
et diligences professionnelles.
Le législateur a entendu mieux contrôler les commissaires au comptes, notamment en
instituant un Haut Conseil chargé de veiller à l'indépendance et à la déontologie des
commissaires aux comptes, tout en permettant aux professionnels d'exercer avec plus de
pertinence leurs missions49.
C’est cette fois la loi qui est à l’origine d’un certain nombre de diligences
professionnelles à respecter50.
Il est intéressant ici de noter que c’est le législateur qui est venu encadrer la profession.
On comprend aisément la motivation, le commissaire aux comptes étant un élément
indispensable de la bonne tenue d’une entreprise.
La responsabilité civile du commissaire aux comptes envers les sociétés dont il contrôle
les comptes51 est de nature délictuelle en raison de la dimension légale de la mission
d'intérêt général qu'il assure.
Cette responsabilité s'apprécie au regard de ses diligences professionnelles, même si la
jurisprudence discute fréquemment, en termes d'obligation de moyens et d'obligation de
résultat.
Ainsi, les fautes imputables au commissaire sont celles qu'un professionnel
normalement compètent, prudent, attentif, actif et diligent n'aurait pas commises dans
les mêmes circonstances52.
Le commissaire a ainsi le devoir de ne pas limiter ses diligences à un programme de
contrôle de base et doit adapter autant que de besoin ses contrôles en fonction des
particularités de la société́ au profit de laquelle il intervient.
49
A. Couret et M. Tudel, Le nouveau contrôle légal des comptes : D. 2003, p. 2290
Loi de sécurité́ financière du 1er août 2003 L. n° 2003-706, art. 100 et s.
51
C. com., art. L. 225-241, al. 1
52
J. Monéger et T. Granier, Le commissaire aux comptes, Dalloz, 1995
50
60
L’intérêt majeur ici est de remarquer un parallèle avec ce qu’il a pu être développé
précédemment. En effet, les diligences sont à adapter suivant l’entreprise et ses
particularités. Ce n’est pas sans rappeler la nécessaire adaptation, à tout le moins en
principe, du professionnel diligent au consommateur qu’il a devant lui.
On remarquera encore une fois que le niveau de compétence entre en compte dans
l’appréciation qui est faite des diligences effectuées.
La diligence s’appréciera en fonction d’un professionnel normalement diligent placé
dans les mêmes circonstances. Les diligences professionnelles prennent ici une nouvelle
dimension et l’on retrouve ce que l’on peut connaître en matière d’appréciation du
consommateur moyen, un standard de professionnel moyen.
En outre, il apparaît également que les diligences peuvent être interprétées de manière
très extensive.
L’Autorité des Marché Financier est ainsi venue sanctionner un commissaire aux
comptes ayant communiqué des informations fausses lors d’une offre au public.
Elle précise ainsi que les insuffisances, que le commissaire ne pouvaient ignorer, du
contrôle interne de la société, que l'importance et la sensibilité, dans le secteur de la
distribution, auraient dû le conduire à recourir à davantage de diligences, notamment, au
recoupement d'informations et à la diversification d'interlocuteurs au sein de la
société53.
53
Décision AMF du 5 juillet 2007 de sanctions à l'égard des sociétés Marionnaud Parfumeries, KPMG
SA, Cofirec et de MM. Marcel et Gérald Frydman ainsi que de MM. Yves Gouhir et Gérard Caro
61
Chapitre 2 :
Usages et diligences professionnelles, une interaction évidente.
Autre notion relativement proche des diligences professionnelles, les usages ne reflètent
pas entièrement les critères envisagés en terme de définition des diligences
professionnelles. Pour autant, il est particulièrement remarquable d’observer l’évolution
de la prise en compte des usages pour envisager un modèle similaire s’agissant des
diligences professionnelles.
Il est donc possible d’envisager la place des usages face aux diligences professionnelles
(Section 1) ainsi que la perception de certains de ces usages en tant que diligences
professionnelles (Section 2 ).
Section 1 : La place des usages face aux diligences professionnelles.
Usages et diligences professionnelles peuvent apparaître synonymes tant dans leur
définition que dans la réalité des faits. Pour autant, il convient d’apprécier qu’en réalité
tous les usages ne sont pas des diligences professionnelles, certains reflètent avant tout
une certaine façon de faire du professionnel, propre à chaque corporation, là où les
diligences professionnelles peuvent être appréciées de la même manière dans différentes
branches professionnelles.
L'usage de commerce est généralement défini en doctrine comme la pratique
commerciale couramment suivie et considérée comme normale dans un milieu
déterminé.
Le rôle des usages s'explique par des raisons logiques. Dans la mesure où la loi ne peut
pas toujours prévoir ni suivre les mutations quelquefois rapides de la vie économique,
elle est amenée à accorder une place aux usages, plus appropriés en la matière, pour
fournir les règles à adopter.
62
Pourtant, en dépit de leur importance, les usages ne font pas l'objet d'une définition
légale.
En cela il est possible de les rapprocher des diligences professionnelles telles que vues
précédemment, les diligences et règles d’autocontrôle sont là pour fournir un
encadrement adapté au professionnel et aux évolutions de la matière.
Il convient de remarque que la plupart des usages commerciaux contemporains sont
l'expression de pratiques formalisées par des documents de nature diverse : contrats
types, règlements professionnels, codes d'usage ou code de conduite émanant des
milieux professionnels ou produits d'une concertation entre agents privés et agents
publics.
De façon générale, la matière commerciale étant particulièrement sensible aux
innovations de toute sorte, les usages y présentent une certaine mutabilité qui diffère des
caractères que l'on retrouve traditionnellement dans les usages dans d'autres domaines.
A l’instar des diligences professionnelles, l'usage émane aujourd'hui essentiellement des
organisations professionnelles, notamment les chambres syndicales de commerçants.
Celles-ci sont à l'origine d'une réglementation qui peut prendre la forme de « clauses
générales, notamment dans le but d’instaurer des contrats types.
On peut alors se pose la question de savoir si le respect de ces contrats types comme
base contractuelle peut s’apparenter à un respect des diligences professionnelles.
L'existence d'un milieu professionnel fortement structuré et doté de la capacité
d'imposer ses règles à ses membres renforce le processus d'objectivation de l'usage
conventionnel.
63
A titre d’exemple, il est possible de remarquer que le développement des usages dans le
milieu bancaire illustre bien cette observation. Par le poids économique des banques,
par la forte cohésion de leurs organisations professionnelles mais aussi en raison de
l'attitude bienveillante des pouvoirs publics qui s'abstiennent de légiférer dans certains
secteurs de l'activité bancaire, le milieu est favorable à l'éclosion et l'épanouissement
des usages professionnels. En cela on retrouve l’idée d’autocontrôle des professionnels,
les mieux à mêmes pour se règlementer et toujours frileux à l’égard d’une prise de
position législative.
Il est cependant impossible d'assimiler toutes les dispositions contenues dans ces codes
à des usages et par conséquent, toutes les diligences professionnelles à des usages. Dans
la mesure où l'usage s'entend seulement d'une pratique suffisamment précise pour servir
de modèle aux professionnels, il faut exclure de la catégorie les déclarations d'intention
et les simples recommandations encore trop vagues pour lier les professionnels.
A ce titre, il est donc possible d’en déduire que la simple obligation de loyauté ou de
bonne foi n’est pas un usage, mais est au dessus de l’usage, il est possible de l’envisager
comme une diligence générale à rapprocher du principe de bonne foi dans la conclusion
et l’exécution des contrat.
En revanche, toutes les règles de déontologie qui font l'objet d'une reconnaissance
incontestée par le milieu professionnel constituent des usages. Il est ainsi possible de
considérer que certains codes d’autocontrôle mélangent usages et recommandations
dans une relation ambiguë, alors que d'autres constituent de véritables codes d'usages.
Les usages peuvent donc constituer une part de la diligence professionnelle mais en
aucun cas la diligence professionnelle ne saurait se limiter à la définition des usages.
64
Section 2 : La perception des usages en tant que diligences
professionnelles.
Il est possible de remarquer que de manière générale, la jurisprudence s'oriente, vers la
prise en compte de la juridicité des usages déontologiques. La perception des usages par
les juridictions est extrêmement utile dans la recherche de l’appréciation que pourrait
avoir les juridictions des diligences professionnelles dans le sens où il est possible, par
assimilation, d’en tirer un régime général qui pourrait s’appliquer aux diligences
professionnelles.
La position de la Cour de cassation cependant en reste à considérer que ces usages ne
peuvent constituer des règles d'ordre public dont la méconnaissance par les contractants
entraînerait la violation de leur convention54.
Mais les magistrats admettent, dans le même temps, que le manquement à une règle
déontologique peut constituer une faute susceptible d'entraîner la responsabilité
délictuelle ou contractuelle de son auteur55.
Ainsi, il est intéressant de noter que la jurisprudence tient compte en règle générale de
l'usage pour déterminer le contenu de l'obligation de diligence et de prudence qu'impose
la référence aux articles 1382 et 1383 du code civil56.
Il faut toutefois préciser que cette portée est en principe limitée aux professionnels
concernés par le contrat type. On présume que ces derniers ne peuvent, en raison de leur
activité ou de leur profession, ignorer l'existence des usages incorporés dans un contrat
type.
Cette présomption s'applique en réalité pour tous les usages chaque fois qu'un
professionnel contracte dans son secteur d'activité.
54
Cass. 1re civ. 5 nov. 1991, RTD civ. 1992. 383, obs. J. Mestre
Cass. 1re civ. 3 mars 1993, Resp. civ. et assur. 1993, comm. 200.
56
V. en ce sens Cass. 3e civ. 4 févr. 1976, JCP 1976
55
65
Cette position est très intéressante dans le cadre de l’appréciation de la valeur juridique
des diligences professionnelles. En effet, la conséquence tirée est importante pour le
professionnel ne respectant pas les diligences qui lui incombe.
En dehors de toute sanction interne, les régimes de responsabilités classiques lui sont
potentiellement applicables.
C’est en cela qu’il est possible d’affirmer que les diligences professionnelles ne sont au
final que des obligations de bonne fois et de loyauté générales, adaptées à une situation
propre, spécifique à la profession visée.
La question de l’opposabilité des usages et par conséquents de certaines diligences
professionnelles est également envisageable.
Il apparaît en effet que la présomption est traditionnellement écartée lorsqu'il s'agit
d'apprécier l'opposabilité des usages aux non-professionnels ou aux professionnels
agissant dans un secteur d'activité qu'ils ignorent.
La Cour de cassation très tôt57 a, en effet, clairement énoncé que les « usages d'une
place ou d'une profession sont inopposables aux personnes étrangères à cette place et à
cette profession si elles n'ont pas été informées de leur existence et n'ont pas consenti,
expressément ou tacitement, à leur application ».
Il en résulte que le non-professionnel ou le professionnel agissant en dehors de son
activité doit manifester son acceptation de l'usage pour que celui-ci puisse lui être
opposé58. Il est possible d’en déduire que les éventuelles diligences professionnelles ne
s’imposent pas au professionnel agissant hors de sa sphère de compétence.
Il est cependant important de ne pas oublier que les usages élaborés par une profession
ont vocation à régir non seulement les membres de cette profession mais aussi les
relations de ces derniers avec la clientèle. Or, si le professionnel ne doit pas pouvoir
opposer à un client des usages que celui-ci ignorait ou est censé ignore ce dernier doit
en revanche pouvoir se prévaloir contre le premier de tels usages, puisqu'il a l'obligation
de les connaître.
57
58
Cass. 3e civ. 8 oct. 1956, Bull. civ. III, no 225
Cass. com. 16 déc. 1997, RJDA 4/1998, no 527
66
S'agissant de l'opposabilité des usages aux non-professionnels, la règle selon laquelle
celle-ci dépend de la connaissance59 ou de l'acceptation expresse60 par ces derniers de
l'usage semble être maintenue, sauf lorsque l’usage, par sa notoriété, ne pouvait être
ignoré.
Il en est ainsi lorsque l'usage ayant fait l'objet d'une large diffusion par l'organisme
professionnel concerné, le client ne pouvait pas ne pas le connaître61.
Se pose alors la question de savoir si certaines diligences professionnelles largement
diffusées, telles que les règles d’autocontrôle de l’ARP par exemple, sont de nature à
être opposées aux clients.
Il conviendra alors de distinguer les diligences professionnelles à vocation strictement
d’autocontrôle et de moralisation de l’activité de celles qui sont destinées à la relation
entre professionnel et client et qui pourraient dans une certaine mesure faire naitre des
droits à l’encontre de ce même client.
59
Cass. com. 25 juin 1973, Bull. civ. IV, no 217
Cass. com. 31 mai 1988, Bull. civ. IV, no 189
61
V. en ce sens Cass. com. 17 juill. 2001, Bull. civ. IV, no 147, D. 2001, AJ 2738, obs. X. Delpech
60
67
Conclusion
Les diligences professionnelles apparaissent comme étant une notion mouvante,
pouvant être définies de différentes façon suivant la matière où elles apparaissent.
Ainsi dans le cadre de l’application de la directive 2005/29/CE sur les pratiques
commerciales déloyales, on notera une forte tendance à une assimilation à la bonne foi
et la loyauté des relations, voire à un respect certains des usages ayant cours dans le
commerce. Le consommateur a en outre une place centrale dans l’appréciation finale
des diligences professionnelles, tout du moins au sens de la Commission Européenne
qui a fait de la protection du consommateur son cheval de bataille. Pour autant, le
régime des diligences professionnelles reste extrêmement flou et finalement peu
efficace comme le prouve la relégation de la notion au rang de critère subsidiaire
d’appréciation d’une pratique trompeuse et par conséquent déloyale.
Il est possible de le regretter, en effet, une appréciation efficace des diligences
professionnelles aurait entrainé immédiatement une prise en compte par les
professionnels d’une nécessité de s’organiser et s’imposer un certain autocontrôle à
peine d’être systématiquement apprécié au regard de leur loyauté vis à vis du
consommateur, le consommateur lui en serait sorti gagnant.
Il est donc dommageable que la Commission qui, soucieuse dans ses principes du
consommateur n’ait finalement pas donné les outils nécessaires à une appréciation
efficace de la notion.
Pour autant, il est impossible de ne pas prendre en compte, dans une appréciation plus
large, les règles dites « de diligence » issues des organismes d’autocontrôle
professionnel qui sont de nature à s’imposer au professionnel volontaire. Il faut en effet
relativiser ces préconisations dans la mesure où pour la plupart elles se s’adressent
qu’aux signataires ou adhérents du syndicat professionnel auteur.
Pour autant, il est certain que les diligences professionnelles sont l’avenir de
l’encadrement professionnel. On aura bien compris l’intérêt certain pour les
professionnels d’organiser et se soumettre volontairement à un certain autocontrôle.
68
Ce qu’ils perdent en liberté vis à vis des règles de leur profession, ils gagnent en liberté
vis à vis des législations étatiques.
A charge pour eux de se donner les moyens de parvenir à une organisation des relations
profitable à tous. Le consommateur y gagne en sécurité et confiance et les
professionnels quant à eux y gagnent en crédibilité et image de marque. Reste que l’on
comprend aisément les difficultés d’acceptation d’un autocontrôle professionnel face au
principe général de liberté du commerce, la solution étant sans doute dans l’acceptation
volontaire de cet autocontrôle permettant à terme de mettre à la marge les quelques
réticents au principe.
)
69
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commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs, 23
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70
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http://www.efl.fr/
http://www.dalloz.fr/
http://lamyline.lamy.fr/
http://www.lexisnexis.fr/
76
LISTE DES ABREVIATIONS
act.
aff.
ARPP
AMF
Bull. civ.
BVP
c/
CEE
CJCE
CJUE
Civ.
coll.
Comm. CE
Comm. eur.
comm.
Cons. Conc.
Cons. de l’Union eur.
D.
Déc.
Dir.
éd.
Ibid.
Infra
JO
JOCE
JORF
p. et pp.
P.U.F.
Rec.
Supra
TPICE
UE
V.
Actualité
Affaire
Autorité de régulation professionnelle de la publicité
Autorité des marchés financiers
Bulletin des arrêts des Chambres civiles de la Cour de cassation
Bureau de vérification de la publicité
Contre
Communauté économique européenne
Cour de justice des Communautés européennes
Cour de justice de l’Union européenne
Arrêt d’une Chambre civile de la Cour de cassation
Collection
Commission des communautés européennes
Commission européenne
Commentaire
Décision du Conseil de la concurrence
Conseil de l’Union européenne
Recueil Dalloz
Décision
Directive
Edition
Ibidem, au même endroit
Plus bas
Journal officiel
Journal officiel des Communautés européennes
Journal officiel de la République française
Page et pages
Presses Universitaires de France
Recueil
Plus haut
Tribunal de première instance des Communautés européennes
Union européenne
Voir
77
Table des matières
Sommaire……………………………………………………………………….Page 4
Remerciements…………………………………………………………………Page 5
Introduction……………………………………………………………………..Page 6
Partie 1 : Les diligences professionnelles, une notion aux multiples facettes.....Page 10
Titre 1 : Les diligences professionnelles, entre définition nouvelle....................Page 11
et prise en compte ancienne.
Chapitre 1 : Les diligences professionnelles, notion fondamentale
du régime des pratiques commerciales déloyales……………………....Page 11
Section 1 : Les diligences professionnelles dans le cadre de
la directive relative aux pratiques commerciales déloyales…….Page 11
Section 2 : Diligences professionnelles et standard
de jugement, association malvenue…………………………….Page 16
Chapitre 2 : L’autorité des marchés financier et l’autorité de
régulation professionnelle de la publicité à l’avant garde du
développement des diligences professionnelles……………………….Page 20
Section 1 : Respect des Diligences Professionnelles et AMF,
un préalable inamovible……………………………………….Page 20
Section 2 : Respect des diligences et l’ARPP,
une crédibilité professionnelle recherchée…………………….Page 24
78
Titre 2 : L’avenir des diligences professionnelles dans le développement
croissant de l’autocontrôle professionnel………………………………………..Page 26
Chapitre 1 : L’Auto contrôle professionnel et l’émergence
des codes de bonne conduite……………………………………………..Page 26
Section 1 : Le développement croissant de l’autocontrôle
professionnel……………………………………………………...Page 26
Section 2 : L’autocontrôle professionnel, valeur normative
et intérêt fondé…………………………………………………….Page 30
Chapitre 2 : L’autocontrôle professionnel : l’exemple de
l’encadrement du message publicitaire…………………………………...Page 33
Section 1 : Le contrôle avancé de la lisibilité du message
publicitaire………………………………………………………...Page 33
Section 2 : Loyauté du message publicitaire sur internet :
réglementation à défaut d’autocontrôle efficace……………….....Page 36
79
Partie 2 : Le régime des diligences professionnelles, les enjeux majeurs
d’une définition efficace………………………………………………………..Page 40
Titre 1 : Les diligences professionnelles dans l’application concrète
de la directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales………….Page 41
Chapitre 1 : La prise en compte subsidiaire du respect
des diligences professionnelles………………………………………….Page 41
Section 1 : La subsidiarité de la notion de diligence
professionnelle……………………………………………….....Page 41
Section 2 : Les diligences professionnelles recevant
application, prolongement de la bonne fois……………………..Page 45
Chapitre 2 : L’impact des diligences professionnelles sur la
relation consommateur-professionnel…………………………………..Page 50
Section 1 : La place du consommateur dans le régime
des diligences professionnelles…………………………………..Page 50
Section 2 : L’impact du régime des diligences professionnelles
sur le professionnel……………………………………………….Page 54
80
Titre 2 : L’autre avenir de la notion de diligences professionnelles à la
française dans la déontologie les usages…………………………………………Page 56
Chapitre 1 : Diligences professionnelles et déontologie,
un régime commun…………………………………………………….....Page 56
Section 1 : Déontologie et exercice libéral : codes déontologiques
et diligences professionnelles…………………………………......Page 56
Section 2 : Déontologie et commissaires aux comptes :
obligations légales et diligences professionnelles……………...…Page 60
Chapitre 2 : Usages et diligences professionnelles,
une interaction évidente………………………………………………......Page 62
Section 1 : La place des usages face aux diligences
professionnelles………………………………………………...…Page 62
Section 2 : La perception des usages en tant que
diligences professionnelles…………………………………...…...Page 65
Conclusion…………………………………………………………………......…Page 68
Bibliographie……………………………………………………………...…...…Page 70
Liste des abréviations…………………………………………………………….Page 77
81