étudier la police: une nécessité démocratique - CEP

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étudier la police: une nécessité démocratique - CEP
CEP
ÉTUDIER LA POLICE :
UNE NÉCESSITÉ
DÉMOCRATIQUE
CHAMBRE DES REPRÉSENTANTS
ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
15 AVRIL 2003
CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
(AVEC LA COLLABORATION DU COMITÉ PERMANENT
DE CONTRÔLE DES SERVICES DE POLICE)
ÉTUDIER LA POLICE :
UNE NÉCESSITÉ
DÉMOCRATIQUE
CHAMBRE DES REPRÉSENTANTS
15 AVRIL 2003
CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
Art. 3 des statuts du Centre d'étude sur la police:
a pouréd.
GIL. L.“L’association
BOURDOUX,
but de promouvoir les études scientifiques et la réflexion sur la police.
ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
TABLE DES MATIÈRES
MARCEL SMITS, éd.
A cette fin, l’association désire s’appuyer sur une étroite collaboration entre
les pôles scientifique, policier, administratif et toute autre personne ayant
un intérêt pour l’objet social de l'association.
1. INTRODUCTION . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
La concrétisation du but de l’association s’appuie notamment sur l’organisation de journées d’étude, de colloques, de séminaires, de cycles de formation de niveau universitaire et autres, relatifs aux questions policières
ainsi que sur la diffusion de ces études et réflexions par divers moyens.”
1.1. MONSIEUR ANDRÉ VANDOREN, PRÉSIDENT DU COMITÉ
PERMANENT DE CONTRÔLE DES SERVICES DE POLICE . . . . . . . . . . . . . . . . .
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1.2. PRÉSENTATION DU CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE.
MONSIEUR MARCEL SMITS, DIRECTEUR DE L’ACADÉMIE DE POLICE
DE LA PROVINCE DE HAINAUT, PRÉSIDENT DU CENTRE D’ÉTUDES
SUR LA POLICE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
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2. INTERVENTIONS LIMINAIRES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
2.1. LES ATTENTES DU MONDE DE LA RECHERCHE :
QUE PEUT UN CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE ?
MONSIEUR CARROL TANGE, CHERCHEUR AU CENTRE
DE RECHERCHES CRIMINOLOGIQUES DE L’UNIVERSITÉ LIBRE
DE BRUXELLES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
2.1.1. Un premier niveau de sortie de la
méconnaissance : le développement des
savoirs pour et sur la police . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
2.1.2. Un deuxième niveau de sortie de la
méconnaissance qui s’annonce : l’interface
nécessaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
2.2. LES ATTENTES ET BESOINS DE LA POLICE À L’ÉGARD
DU CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE.
MONSIEUR GEORGES DUHAUT, DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT
DES RESSOURCES HUMAINES À LA POLICE FÉDÉRALE . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
2.2.1. Un nouveau forum . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
2.2.2. Considérer divers paramètres – dégager
des priorités . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
2.2.3. Un bref état des lieux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
Editeur responsable : M. Smits, Route d’Ath, 25 / 35 • 7050 Jurbise • Belgique
2.2.4. Faire ensemble . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
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CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
2.2.5. De réels besoins . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
4.2. Chercheurs et hélicos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
2.2.6. Les méthodes de travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
4.3. La neutralité scientifique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
2.2.7. Et les moyens ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
4.4. Recherche pour la police et recherche sur la police . . . . 56
2.2.8. En conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
3. RÉACTIONS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
3.1. MONSIEUR GASTON LADRIÈRE, PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS
LA COUR D’APPEL DE MONS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
3.2. POUR UN PARTENARIAT ENTRE LA POLICE ET
LE CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE.
MONSIEUR ERIC COBUT, DIRECTEUR DES RELATIONS INTERNES
DE LA POLICE FÉDÉRALE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
5. QUELQUES RÉFLEXIONS AU TITRE D’ÉPILOGUE . . . . 63
MONSIEUR HERMAN DE CROO, PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE
DES REPRÉSENTANTS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
6. LISTE DES PARTICIPANTS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
7. RÉFÉRENCES . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
3.2.1. Evolution du contexte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
3.2.2. Vers un nouveau partenariat . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
3.2.3. Conclusions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
3.3. UN CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE.
MONSIEUR THIERRY GILLIS, CHEF DE CORPS DE LA ZONE
DE POLICE UCCLE / WATERMAEL-BOITSFORT /AUDERGHEM . . . . . . . . . . 47
3.3.1. Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
3.3.2. Réaction aux attentes du monde
de la recherche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
3.3.3. Réaction aux attentes de la police . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
3.3.4. En guise de conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
4. CONCLUSIONS . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
LE CENTRE BELGE D’ÉTUDES SUR LA POLICE –
RÉACTIONS AUX ALLOCUTIONS.
MONSIEUR JEAN-PAUL BRODEUR, ENSEIGNANT-CHERCHEUR
À L’UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
4.1. Des voies parallèles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
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ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
1. INTRODUCTION
1.1. MONSIEUR ANDRÉ VANDOREN, PRÉSIDENT DU COMITÉ
PERMANENT DE CONTRÔLE DES SERVICES DE POLICE
C’est un plaisir et un honneur pour le Comité permanent de contrôle des services de police et plus particulièrement pour moi-même,
son président, de vous accueillir ici aujourd’hui et, surtout, de vous
recevoir dans l’enceinte même du Parlement.
Le président de la Chambre des représentants, dissoute la semaine
dernière, nous a fait l’honneur d’accorder son haut patronage au
présent événement, car c’est bien d’un événement qu’il s’agit. La
réussite de cette entreprise lui tient tout particulièrement à cœur
et c’est à regret qu’il n’est pas des nôtres aujourd’hui comme il le
fut sans faille à l’occasion de la journée d’étude consacrée au
contrôle d’Europol – Parlopol, au colloque que nous avons organisé
durant ces mois sur le thème du contrôle démocratique des services
de police et de leurs activités et où nous avons pour la première fois
réussi à rassembler les organismes européens en charge de cette
délicate question ou des plaintes à charge de fonctionnaires de
police ou contre les services de police ainsi que, plus récemment, la
semaine d’étude et de réflexion consacrée, toujours entre ces murs,
au thème « Policing, ethics and corruption » à l’occasion de laquelle
Monsieur le président De Croo a fait une intervention remarquée
et où nous avions pu réunir les représentants de 32 pays pour une
discussion fructueuse.
Toutes les questions constructives relatives à cette importante thématique des services de police, à leur bon fonctionnement et à leur
place dans une société démocratique lui tiennent à cœur en sa qualité de président de notre Commission parlementaire d’accompagnement, tout comme elles sont au centre de nos préoccupations
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CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
en tant que Comité permanent de contrôle des services de police.
Elles font l’objet de notre intérêt particulier et se situent à la croisée de nos activités, enquêtes et réflexions.
« Centre » qui prend son envol aujourd’hui laisse aussi augurer de
fructueuses collaborations à l’intersection des différents mondes
intéressés à la problématique comme cela fut et est toujours le cas
au sein du Centrum voor politiestudies dont je salue ici le fondateur, le professeur Lode van Outrive, et l’actuel président, le professeur Paul Ponsaers. Ce fut toujours un réel plaisir de collaborer avec
eux ou de procéder à des échanges de vues constructifs.
Nous sommes convaincus que les milieux académique et scientifique
ont un rôle important à assumer dans le suivi démocratique de « la
chose policière » dans notre pays. Nous avons d’ailleurs développé
plusieurs partenariats avec eux: généraux, au niveau de la réflexion
sur nos méthodes de travail et sur l’ensemble de nos activités en
tant qu’observatoire global de «la chose policière» dans notre pays
ou particuliers, comme nous venons encore de le faire dans notre
récente enquête sur les statistiques policières ou dans l’enquête de
contrôle relative aux activités d’une zone de police particulière.
Nous sommes convaincus, au travers des politiques de transparence,
de saine communication et de partenariat que le Comité permanent
P continuera de mener les prochains mois et années, que des échanges et collaborations fructueux continueront d’émailler nos routes
croisées.
Première pierre à l’édifice, le monde académique se doit de s’associer avec les responsables, la hiérarchie de la structure policière. Il
en va un peu de même du contrôle des services de police où nous
connaissons une pluralité de contrôleurs et de surveillants et où le
premier acteur et le premier intéressé à cette surveillance générale
et à ce contrôle est le service de police, ceux qui en assurent la direction ou ont autorité sur elle. Cette deuxième pierre est donc très
judicieusement ajoutée à l’édifice par le monde policier qui, sans
conteste, a toujours beaucoup apporté à la réflexion sur la recherche relative aux questions et aux problèmes de police. Les différents
intervenants, acteurs ou personnes issues du système que nous
aurons l’occasion d’entendre aujourd’hui auront sans aucun doute
l’occasion d’y revenir. La large présence ou représentation des écoles et centres de formation de police dans cette salle et dans le
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Le citoyen se situe aussi et sans conteste dans notre démocratie à
l’intersection, la croisée des mondes intéressés à la chose policière.
C’est pourquoi la tenue de la séance inaugurale du Centre d’études
sur la police, sur le thème Recherche, police et démocratie revêt
toute sa signification dans l’enceinte de notre Parlement fédéral.
Plus particulièrement encore dans cette salle, qui fut le siège des
travaux du Parlement bruxellois, autre institution à la croisée des
chemins belges.
Que cela ouvre la voie à une longue et intéressante route en dehors
des sentiers battus, à la réflexion sur cette question centrale dans
la vie de « la Cité », « Politeia ».
C’est avec plaisir que je cède maintenant la parole à monsieur Marcel
Smits, directeur de l’Académie de police de la Province de Hainaut
et président du Centre d’études sur la police.
1.2. PRÉSENTATION DU CENTRE D’ÉTUDES
SUR LA POLICE.
MONSIEUR MARCEL SMITS, DIRECTEUR DE L’ACADÉMIE
DE POLICE DE LA PROVINCE DE HAINAUT, PRÉSIDENT DU CENTRE
D’ÉTUDES SUR LA POLICE
Permettez-moi d’abord de remercier tout particulièrement monsieur
Herman De Croo, président de la Chambre des représentants, d’avoir
permis au Centre d’études sur la police de bénéficier de cet amphi9
CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
théâtre pour sa séance inaugurale, ainsi que Messieurs André
Vandoren, président du Comité permanent de contrôle des services
de police et Monsieur Gil. L. Bourdoux, conseiller, membre effectif
de ce Comité permanent P et, par ailleurs, administrateur délégué
du Centre d’études sur la police (CEP), d’avoir également mis tout en
œuvre pour que cette séance se passe sous les meilleurs auspices.
quait systématiquement l’intérêt de celle-ci pour les divers acteurs
de la sécurité et le regret de l’inexistence d’un alter ego francophone.
Ces regrets ont été exprimés pendant plus de 10 ans mais personne n’a pris l’initiative de relever ce défi.
Depuis de nombreuses années, en fait, depuis la fin des années
1980, l’idée d’un Centre d’études policières était évoquée. Une première initiative s’est concrétisée sous la forme du Centrum voor
Politiestudies. Les représentants des écoles de criminologie des universités flamandes (Louvain, Gand, Bruxelles, Limbourg et Anvers)
et des écoles de police néerlandophones se sont réunis pour la première fois le 7 décembre 1988. Au cours de cette réunion, on discuta des divers objectifs à atteindre et des missions à réaliser par la
création éventuelle de ce Centre. C’est ainsi qu’il fut érigé officiellement en tant qu’association de fait le 30 juin 1990 et constitué
sous forme d’A.S.B.L. en janvier 1993.
L’objet de ce centre était, par le biais d’une coopération intensive
entre les services de police et les universités : (1) de favoriser et d’utiliser des études sur et pour la police et d’assurer la formation permanente du cadre officier, notamment par l’organisation de journées et de cycles d’études de niveau universitaire ayant trait à la
police; (2) de stimuler et d’organiser la recherche et l’étude des problèmes policiers; (3) de donner une base plus scientifique et de rendre plus efficaces le travail policier et la politique policière par le
biais de groupes de travail et d’une expérience déterminée.
Une production scientifique très importante sur cette thématique
a pu se constituer durant cette dernière décennie.
Mais rien n’existait de semblable pour la partie francophone du
pays. Or, lorsque l’on parlait des diverses activités du CPS, on évo10
En 2002, un petit groupe de personnes issues de milieux professionnels différents mais ayant un intérêt marqué pour la problématique
de la sécurité se sont réunis pour combler ce manque dans la partie francophone du pays et mettre en pratique les propos d’André
Malraux pour qui « les idées ne sont pas faites pour être pensées
mais vécues » et je tiens à les remercier particulièrement, à savoir :
(1) Sybille Smeets et Carrol Tange de l’Université Libre de Bruxelles,
ce dernier assumant la fonction de vice-président du CEP; (2) Marianne
Desseille et Maurice Petit, respectivement directeurs de l’École nationale de recherche et de l’École nationale des officiers ; (3) Francis
Petroons et Jean-Claude Van Geem, respectivement directeurs-adjoints
de l’École régionale et intercommunale de police de Bruxelles et de
l’École nationale des officiers, ce dernier étant par ailleurs trésorier
du CEP; (4) Laura Szabo et Yves Van De Vloet, respectivement directeurs des services Politique Sécurité et Prévention et Secrétariat
Permanent à la Politique de Prévention du Service Public Fédéral
Intérieur, Madame Szabo assumant la fonction de secrétaire-adjoint
du CEP ; (5) Monsieur Jean-Claude Van Ouytsel, Directeur de l’Erip et
trésorier-adjoint du CEP ; (6) Monsieur Luc Tromont, Secrétaire de
l’Académie de police du Hainaut ainsi que du CEP ; (7) Monsieur Gil.
L. Bourdoux, conseiller, membre effectif du Comité permanent de
contrôle des services de police et, je l’ai déjà mentionné, administrateur délégué du CEP.
Je citerai aussi Monsieur Alain Dûchatelet, directeur général des ressources humaines de la police fédérale et Claude Durieux, député
permanent du Hainaut et président de l’Académie de police du
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CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
Hainaut dont l’aide a été et continuera à être très précieuse pour
le développement de ce Centre.
Je ne saurais citer ici tous les autres partenaires qui se sont réunis et
ont travaillé à sa constitution, issus des Services Publics Fédéraux de
l’Intérieur et de la Justice, de l’Université Libre de Bruxelles, de l’Université Catholique de Louvain, de l’Université de Liège, des Facultés
universitaires Notre Dame de la paix de Namur, du Centre universitaire de Charleroi, du Centre pour l’égalité des chances, de l’Institut
national de criminologie et criminalistique, des Écoles de police mais
aussi, il va de soi, de la police fédérale et de la police locale.
À cette énonciation, par rapport à d’autres constructions similaires,
vous constaterez que nous avons voulu être le plus œcuménique
possible, dans le sens étymologique s’entend...
Quant au Centre d’études sur la police, quels sont ses buts ?
Les buts de ce centre, comme cela vous a été précisé sur l’invitation,
sont de promouvoir les études scientifiques et la réflexion sur la
police.
Il se veut une interface, un espace de dialogue indépendant permettant de débattre des questions qui entourent la police dans nos
sociétés démocratiques, espace où se rencontreront et collaboreront des personnes issues des milieux, des pôles scientifiques, policiers, judiciaires, administratifs mais aussi tous les citoyens manifestant un intérêt pour le développement d’une réflexion sur la police.
etc. mais aussi via l’outil informatique, avec entre autres la création
d’un site Internet.
Lorsque la volonté est présente, beaucoup de choses peuvent se
faire et il nous appartient de faire nôtres les propos de Walt Disney
souvent évoqués : « If you can dream it, you can do it », « si on peut
le rêver, on peut l’accomplir». Il appartient donc à tous ceux qui ont
œuvré pour la constitution de ce Centre de faire en sorte qu’il se
développe au bénéfice de tous.
Je vous remercie de votre attention et cède la parole à Carrol Tange,
vice-président du Centre.
Quant à la manière de mettre en œuvre, de concrétiser tout cela,
le Centre d’études sur la police se propose d’organiser: (1) des journées d’étude ; (2) des colloques ; (3) des séminaires ; (4) des cycles de
formation de niveau universitaire et – pourquoi pas ? – des aprèsmidi de formation ou des forums de discussions relatifs aux questions policières et de sécurité en général.
Il se propose également de diffuser ces études et réflexions par le
biais de moyens aussi variés que des publications, rapports, revues,
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ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
2. INTERVENTIONS LIMINAIRES
2.1. LES ATTENTES DU MONDE DE LA RECHERCHE :
QUE PEUT UN CENTRE D’ÉTUDES SUR
LA POLICE ?
MONSIEUR CARROL TANGE, CHERCHEUR AU CENTRE DE RECHERCHES
CRIMINOLOGIQUES DE L’UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES*
Dominique Monjardet énonçait en 1985 la nécessité de « sortir de
la méconnaissance » qui prévalait entre police et sociologie en
France. La même année voyait en Belgique la mise en place par le
ministre de l’Intérieur du programme de recherche « police et sécurité du citoyen ». À l’heure où nous nous trouvons réunis pour célébrer la naissance tant attendue d’un Centre francophone d’études
sur la police (CEP), où en sommes-nous dans cette sortie de la
méconnaissance? Plus spécifiquement, que peut-on attendre d’une
initiative comme le CEP lorsque l’on se préoccupe de recherche
scientifique en matière de police ?
C’est, si l’on veut, aborder le sujet de ce que peut le CEP en gardant
à l’esprit cette délicate question que l’on retrouve formulée en
conclusion de travaux récents sur les relations entre justice et santé
mentale 1 : comment s’assurer qu’une initiative intersectorielle ne se
fasse pas au détriment de la logique d’un secteur, logique qui
deviendrait centrale? Comment éviter l’écueil consistant à voir cette
* La présente intervention s’appuie sur diverses réflexions tirées d’un bilan des connaissances en matière de police dans le cadre d’une action de recherche concertée menée au sein
du Centre de recherches criminologiques de l’ULB. Pour un exposé plus exhaustif de ce
bilan et des rapports entre science et police, voy. TANGE, C., « La police », in MARY, Ph.,
dir., Le système pénal en Belgique. Bilan critique des connaissances, Bruxelles Bruylant,
Collection de l’École des sciences criminologiques, 2002, pp. 31-78 et TANGE, C., « Conflits
d’altérité. Police et science », in DUHAUT, G., PONSAERS, P., PYL, G. et VAN DE SOMPEL, R.,
dir., Pour suite d’enquête. Essais sur la police et son rôle dans la société, Bruxelles, Politeia,
2002, pp. 133-162.
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CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
initiative se limiter au développement d’échanges formels et creux
ou, tout simplement, s’éteindre ?
large, la police s’affirme au titre d’enjeu politique important, mobilisant des ressources nouvelles, se traduisant également par le souhait de développer un savoir utile sur les forces de police. Dans ce
cadre, selon L. Van Outrive, tout comme les policiers belges, les cabinets politiques et les administrations se seraient trouvés, lors de
contacts avec des collègues étrangers, confrontés à leur propre indigence en matière de résultats de recherche exploitables afin d’appuyer leur position ou permettant d’illustrer et de légitimer leurs
initiatives 3. C’est donc avec un retard notable vis-à-vis de l’Amérique
du Nord et de bon nombre de pays européens 4, et après la période
troublée de la première moitié des années ‘80 (tueries du Brabant,
terrorisme des CCC, tragédie du Heysel) que le gouvernement marquera le coup par diverses initiatives, notamment une stimulation
de l’activité de recherche scientifique dans le champ policier.
2.1.1. Un premier niveau de sortie de la méconnaissance :
le développement des savoirs pour et sur la police
Semblant provisoirement m’éloigner de la mise en miroir des attentes respectives des mondes de la recherche et de la police, je m’attacherai tout d’abord à mettre en évidence le rôle déterminant du
monde politique dans le développement de « tout ce que l’on sait
sans que tout le monde le sache », en particulier dans le monde de
la recherche scientifique.
2.1.1.1. Diversité des lieux de constitution d’un savoir
scientifique sur la police : qui sait ?
Dans un contexte très différent de la France, c’est le monde politique qui, en Belgique, va donner l’impulsion déterminante au
développement d’études universitaires sur la police, appel qui sera
entendu. Sur fond d’études encore très rarement empiriques qui se
développaient de manière timide depuis la fin des années ’70, cette
sortie de la méconnaissance s’inscrit ainsi dans le cadre de motivations diverses et en définitive relativement convergentes de diverses sphères s’intéressant à la chose policière : (1) celle, bien entendu, de certains politiques; (2) celle de la recherche et de l’enseignement universitaire ; (3) celle de la police elle-même.
Certaines polices n’attendront, en effet, pas les initiatives politiques 2. Ainsi, par exemple en matière de coopération policière
internationale, les accords passés entre services de police européens
et les échanges de vues se multiplient, produisant un brassage
d’idées qui va influer sur la dynamique belge.
Dans le même temps, manifestant une tendance européenne plus
16
Dès fin 1985, année que l’on peut a posteriori estimer emblématique de ce qui allait suivre, le gouvernement commande un audit
des services de police à un organisme privé et finance un programme
de recherches universitaires concernant « la police et la sécurité du
citoyen» dont les objectifs annoncés sont: (1) situer le rôle de la police dans la société; (2) préciser la nature et l’étendue de ses missions
(3) mais aussi permettre d’avoir une meilleure connaissance de son
fonctionnement et de ses besoins. Le mot d’ordre, rappelé en 1991,
est « une bonne police a besoin d’une bonne base scientifique » 5.
Dès lors et jusqu’à il y a peu encore, les initiatives du ministère de
l’Intérieur allaient grandement contribuer à une explosion, si pas
toujours qualitative, en tous cas quantitative, des recherches produites sur la police en Belgique. Nous pouvons, en effet, dresser
après une quinzaine d’années le bilan de plus de 120 études ciblant
l’un ou l’autre aspect du travail policier (dont plus de 80 produisent
ou s’appuient sur des données empiriques).
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CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
Dès l’abord, la recherche scientifique s’est donc vue chargée d’une
coloration de mesure politique précipitée par des préoccupations
événementielles. Par ailleurs, on peut relever la non-concordance
des problèmes soulevés par ces événements 6 avec l’orientation des
recherches financées. Les premières recherches, pour l’essentiel
exploratoires, porteront ainsi pour la plupart sur la police communale et la sécurité au plan local, laissant la gendarmerie, pourtant
au cœur des événements et des remises en cause de l’appareil policier, à ses propres réflexions, disposant même pour ce faire de ressources propres.
On voit à quel point il est indispensable de replacer le pôle politique
entre les pôles de la police et de la recherche. S’il est légitime pour
le pôle politique de vouloir éclairer ses choix afin de mieux assumer
ses responsabilités, en particulier dans le cadre du lien étroit qui le
lie à l’institution policière, son implication entre les pôles policier et
scientifique va conditionner leurs échanges et lourdement influer
sur la production des savoirs sur la police.
riales et techniques sur la police. L’intérêt du monde scientifique
pour les études « sur » la police – et non « pour » la police – s’était
dans un premier temps principalement manifesté au départ des écoles de criminologie et de divers centres de recherche d’orientation
sociologique qui allaient répondre à la demande venant de l’État
fédéral. L’évolution se caractérise désormais par l’apparition ou
l’adaptation d’un certain nombre d’organismes universitaires qui
s’alignent sur l’évolution du marché public de la recherche. Du sein
même des universités et non plus seulement au sein d’organismes
privés ou dépendant de l’État, ils s’inscrivent de manière croissante
dans une optique pluridisciplinaire, assez technique et peut-être
moins exclusivement attachée aux finalités scientifiques.
Selon l’acteur envisagé, la demande de savoir sur et pour la police
s’est dès l’abord traduite dans des initiatives de recherche aux ancrages institutionnels fort variés. À cet égard, la recherche universitaire constitue, parmi d’autres sources de savoir en développement,
une source elle-même assez contrastée.
La question des relations – et de l’indépendance – entre les mondes
politique et scientifique va encore se complexifier. Parmi les initiatives politiques, parallèlement au financement de recherches effectuées par des centres dits indépendants, on trouve en effet la création de structures à vocation scientifique et technique d’appui au
politique et aux services de police, essentiellement des structures
ministérielles 7. On notera également les activités de certains centres d’études des partis politiques ou encore des études produites
par le Comité permanent de contrôle des services de police dans le
cadre de ses missions.
Enfin, on remarquera surtout le développement manifeste, tant au
sein qu’autour et à l’entour des universités, des travaux se réclamant
de l’audit, marquant l’affirmation des études résolument managé18
En première approximation, face à cette multiplicité de sources de
production de savoirs à caractère plus ou moins strictement scientifique, polarisée par leur inscription dans un champ où prédomine
l’initiative politiquement connotée, la nécessaire indépendance
d’une réflexion « sur » la police (qui n’est pas opposée par principe
à l’apport d’éléments utiles à la police) se trouve réaffirmée.
2.1.1.2. Diversité des savoirs scientifiques produits sur la
police : que sait « la recherche » et pour quoi faire ?
Si on parle d’attentes plus spécifiques, de manques à combler au
profit du développement d’un savoir scientifique sur la police, un
portrait pourrait être dressé tant au travers de ce que l’on sait que
via ce que l’on ignore encore, que ce savoir soit encore inaccessible
ou en attente d’être produit. Les zones d’ombre des savoirs produits
19
CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
par les équipes universitaires et – on peut fréquemment le postuler –
l’absence de systématisation du recueil des savoirs présents au sein
même des services de police donnent tout son sens à la création du CEP.
place des femmes et des soi-disant allochtones, leur nombre et
répartition au sein des corps de police reste à approfondir de façon
spécifique. Si la corruption a été effleurée, les illégalismes policiers,
tels la bavure, sont restés quasi-inexplorés. On peut également y
ajouter, en suivant L. Van Outrive, les grands maintiens de l’ordre,
les services de sécurité et de renseignements ou encore le lien entretenu par la capacité policière avec le contexte politique et/ou socioéconomique (aspects financiers et budgétaires) 8.
Au fil des ans, la détermination des thèmes d’étude a eu à compter
avec les préoccupations des commanditaires et l’évolution de la politique en matière de police. Parmi les thèmes les plus étudiés, on
trouve d’abord (et de loin) les relations police-public, les modalités
d’organisation du travail policier ainsi que la prévention au plan
local ; viennent ensuite la statistique criminologique, la collaboration entre services de police en Belgique ainsi que la coopération
policière internationale. Parmi ces thèmes, ceux qui ont été étudiés
avec une relative continuité sont surtout la statistique criminologique intégrée et les relations police-public.
Par ailleurs, certains sujets ont été peu ou pas abordés. Ainsi, on
n’en a guère appris sur les pratiques de la gendarmerie puisqu’il y
a eu focalisation sur la police communale. Sans se limiter aux polices judiciaires près les parquets, on peut dire que le secteur judiciaire, surtout spécialisé, restera assez fermé alors qu’il est pointé de
manière récurrente lors des remises en cause du système policier ;
les études se limitent le plus souvent aux aspects technico-opérationnels et légaux, abordant au mieux les principes généraux de
répartition des tâches. Les savoirs en matière de police scientifique
et technique ont été peu abordés en tant que tels. Les relations
entre police et autorités de police – judiciaire en particulier – ont
été abordées quant à elles le plus souvent de manière indirecte. Le
terrorisme et le grand banditisme, pourtant au cœur des motivations politiques initiales, n’ont quasiment pas été approchés. Les
choses semblent depuis peu devoir évoluer mais dans un cadre d’urgence politique et de recherche d’efficacité immédiate. La gestion
de la sécurité routière, promue récemment au rang d’enjeu politique, n’a pas été abordée, hormis via les statistiques. De même, la
20
Voilà pour certaines pistes qui pourraient faire l’objet d’une exploration ou d’une confrontation des savoirs au sein du CEP.
Abordons à présent la diffusion des résultats de recherche. Même
si, jusqu’à il y a peu encore, la politique de publication des recherches commanditées par le ministère de l’Intérieur permettait a priori
une large diffusion de leurs enseignements, ceux-ci semblent pourtant n’avoir qu’assez peu pénétré le milieu professionnel policier,
particulièrement une fois dépassé le cercle des hauts responsables
policiers. Inversement, les études et réflexions initiées en interne
par les polices, sources potentielles d’informations précieuses pour
les chercheurs, sont encore trop rarement accessibles.
2.1.2. Un deuxième niveau de sortie de la méconnaissance
qui s’annonce : l’interface nécessaire
Pour pallier ce manque de contacts, souvent laissés aux opportunités et aléas des initiatives individuelles de professionnels policiers
ou de scientifiques particulièrement motivés, la création de certaines interfaces entre le monde policier et le monde scientifique doit
permettre de ménager un espace préservant dans une large mesure
les spécificités et attentes de chacun.
Près de dix ans après que le Centrum voor politiestudies ait débuté
ses travaux, un rôle essentiel du CEP, lié à sa large composition,
serait de permettre la mise en lumière au bénéfice de chacun des
21
CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
savoirs produits sur la police, mais aussi pour la police. Les premiers
en particulier ont jusqu’ici encore trop souvent été confinés aux
sphères institutionnelles des uns et des autres.
Un autre apport du CEP, lié à son indépendance, pourra par ailleurs
être la mise en évidence et une première exploration de nouveaux
champs d’investigation de « ce que fait la police ».
cheurs et d’enseignants, ait des attentes spécifiques est sans doute
vrai. Mais limiter les attentes de cet univers à ses propres intérêts
de penseur dans sa tour d’ivoire serait trop simple. En réalité, surtout face aux enjeux de société dont la police est porteuse, le rôle
sociétal de la recherche devrait aussi être de s’assurer qu’un équilibre soit préservé entre les utilités sectorielles d’un savoir, sa mise au
service des finalités des services de police par exemple, et la distance
critique devant présider à son élaboration.
Savoir « ce que fait la police » et « ce que ne fait pas la police » est
du plus haut intérêt tant dans le développement du savoir scientifique en soi que dans l’optique d’apporter une pierre essentielle à
un débat éclairé sur « ce que doit ou devrait faire la police ».
Mieux connaître la police est indéniablement à la confluence d’enjeux scientifiques, policiers et sociétaux (donc politiques). Et si je
parle ici plus des attentes du monde de la recherche, celles-ci sont
inévitablement conditionnées par les relations avec d’autres acteurs
de la société. Si un conflit de finalités principales est fort logique,
on imagine pourtant sans peine que des recouvrements existent
aussi, qui ne correspondent pas forcément aux frontières sectorielles.
Le CEP pourrait être un lieu de mise en débat tant des savoirs de
chacun que des finalités assignées au développement d’un savoir
sur la police par les uns et les autres, quitte à dépasser les frontières sectorielles sur fond d’une réflexion plus large de la place de
chacun dans son champ propre et de ce champ parmi d’autres au
sein de la société.
S’il est clair que des enjeux de société provoquent souvent l’émergence d’un intérêt scientifique, ce développement d’une approche
respectueuse d’une certaine rigueur scientifique offre en retour un
intérêt pour la clarification de choix politiques et policiers. D’où l’intérêt et à vrai dire l’enjeu crucial de préserver une certaine variété dans
les savoirs sur et pour la police. Que « la recherche », tant dans ses
principes que comme ensemble d’institutions et d’équipes de cher22
La création aujourd’hui d’un tel centre est aussi et volontairement
une question de personnes. Des volontés diverses, auparavant trop
dispersées, rares ou isolées du côté francophone, se sont aujourd’hui
conjuguées pour faire face à un éclatement des lieux de production
des savoirs sur la police. Concrètement, la simple confrontation des
diverses connaissances sur la police pourrait aboutir à une production de savoirs utilisables par chacun en fonction de son agenda, de
sa temporalité, tout en enrichissant sa contribution potentielle à
une discussion sur les finalités de la police en société, faisant émerger de nouveaux problèmes à investiguer scientifiquement.
S’agissant d’un Centre d’études sur la police, la diversité des études,
des auteurs de celles-ci, des approches adoptées et des finalités assignées aux connaissances produites soulignent, si besoin est, que la
première approximation institutionnelle en « mondes » se faisant
face, avec leurs attentes, est à la fois nécessaire et caricaturale.
Caricaturale de par le fait que chacun peut se trouver individuellement pris en même temps dans divers univers et leurs finalités idéales.
Nécessaire dans la mesure où est soulignée l’importance de disposer d’un lieu de rencontre, d’un terrain neutre, où chacun puisse
tenter d’assumer son rôle pour un « mieux », un bien commun qui
se définit constamment, et ce sans avoir à sacrifier d’entrée de jeu
sa vision de ce mieux.
23
CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
L’un des grands défis du CEP est d’avoir à être un lieu permettant
d’accueillir l’expression d’attentes tant divergentes – d’où la nécessaire indépendance – que convergentes – autour de certaines
valeurs démocratiques, interprétables il est vrai, mais qui permettent de comprendre qu’une telle variété de points de vue ait abouti
à sa création.
À chacun son rôle. Pour ma part, il me semble que, dans un tel lieu
de réflexion, le scientifique doit plaider de manière apparemment
paradoxale pour le maintien du caractère politique (au sens le plus
large et le plus noble du terme) de la question policière. La naturalisation ou la technicisation de la fonction de police est préjudiciable
aux spécificités tant de la police que de la recherche.
Pour jouer son rôle, la recherche scientifique, de provenance aussi
variée soit-elle, doit pouvoir faire entendre sa voix de manière spécifique, faire connaître à tous les participants au débat démocratique entourant la police les fruits de ses travaux et, enfin, faire état
des impératifs indispensables à la poursuite de son travail.
œuvre au sein de la police, semble ici également être indispensable
et ce, afin d’apprécier la portée, la pertinence et la légitimité de ces
applications.
Afin de ne pas anticiper sur certaines interventions, je ne parlerai
pas ici des éventuelles spécificités des études pour ou appliquées à
la police, il est vrai le plus souvent ancrées dans le champ des sciences naturelles sans toutefois s’y limiter (expertise psychologique, par
exemple). Faisant écho à de récentes interventions de D. Monjardet
et J.-P. Brodeur 9, je me limiterai à relever que le fait de mener ces
études et de les mettre au service d’objectifs policiers, même dans
une perspective de développement, revient me semble-t-il à les
inscrire de manière manifeste dans le débat souhaitable autour des
savoirs présents et mis en œuvre au sein de l’institution policière.
Ce faisant, on ne fait que souligner une nouvelle fois la grande
diversité des domaines susceptibles d’intéresser les études sur la
police. Une position extérieure à la sphère policière, nécessitant
d’être au fait de la technicité du savoir que l’on entend mettre en
24
En fin de compte, s’il fallait aujourd’hui dresser un bilan d’étape de
l’évolution des rapports entre monde policier et monde de la recherche, ce serait que, après le constat initial d’une méconnaissance de
la police, on se trouve face à une méconnaissance résiduelle mais
cruciale, celle des savoirs produits. Le CEP devrait donc se profiler
comme lieu où faire se parler des savoirs et susciter des pistes de
développement de nouvelles recherches.
Si le CEP semble pouvoir constituer un lieu d’échanges fructueux de
points de vue et de connaissances, il devrait également permettre
à chacun, et donc également à la recherche, d’affirmer en quoi elle
est ou non en mesure, en vertu de ses finalités propres, de jouer de
manière pertinente un rôle sur une scène plus large, celle du développement des savoirs permettant d’éclairer les questions d’ordres
multiples posées par l’exercice de la fonction policière en société.
2.2. LES ATTENTES ET BESOINS DE LA POLICE
A L’ÉGARD DU CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE.
MONSIEUR GEORGES DUHAUT, DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT
DES RESSOURCES HUMAINES À LA POLICE FÉDÉRALE
2.2.1. Un nouveau forum
Ainsi donc, le Centrum voor Politiestudies a enfin un petit frère. Une
naissance qui s’est fait longtemps attendre et dont nous nous
réjouissons d’autant plus. Il était en effet temps que le CPS trouve
son pendant du côté francophone, à plus forte raison du fait que
le paysage policier est en pleine mutation. Nous avions donc grand
besoin d’« un espace de dialogue et d’échanges entre milieux poli25
CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
ciers et académiques, deux mondes qui se côtoient sans pour autant
toujours partager leurs ressources à bon escient » 10.
Encore faut-il que, comme le ruisseau du poète, le géant futur ne
meure pas petit et qu’il ne soit pas englouti par le grand lac des
tempêtes partisanes. Sa pluralité, son pluralisme pourront constituer sa force... ou sa faiblesse.
Forum réunissant les divers acteurs potentiels de la sécurité, nous le
voudrions un lieu d’écoute active, de réflexion, de critique constructive, voire d’innovation. En somme, ces attentes générales du monde
policier sont bien en harmonie avec la finalité définie par l’Assemblée générale constitutive du CEP.
Nous nous attacherons à en réaliser ici une première approche un
peu plus concrète. Notre propos est de contribuer à ce que puisse
être produit ensuite, de manière consensuelle, un agenda qui détermine les priorités d’étude et les thèmes de réflexion, et ce dans la
perspective d’un partenariat d’avenir qui maximise nos énergies et
nos résultats au profit de la société.
lequel doit agir la police et du nouveau statut de son personnel ;
(6) la diversité qui caractérise désormais la composition du personnel, la structure de la police, le fonctionnement de celle-ci et les
situations qu’elle doit gérer.
2.2.2. Considérer divers paramètres – dégager des priorités
Nous avons pu affirmer que les responsables au sein de la police
devaient désormais tenir compte de divers paramètres qui ne sont
pas sans influence sur leur manière de penser et d’agir en tant que
leaders et que managers11.
Parmi ces paramètres, relevons : (1) l’incertitude qui caractérise le
contexte de travail de la police et qui impose à cette dernière de
gérer le risque de manière optimale, en particulier par une lecture
rapide et une interprétation correcte de la réalité; (2) les contradictions et ambiguïtés régnant au sein de la société et forcément de
la police qui en fait partie intégrante ; (3) l’internationalisation de
la criminalité et de la sécurité ; (4) le foisonnement de règlements
en matière de sécurité publique; (5) la complexité du contexte dans
26
Ceci entraîne une révision des modes de gestion qui se caractérise
entre autres par : (1) une plus grande responsabilisation (empowerment) de la police et des policiers ; (2) un recours plus fréquent à la
planification ainsi qu’à l’évaluation de l’efficacité et de l’efficience
policières ; (3) un rehaussement des standards de qualité du service
rendu, en particulier pour ce qui est de la légitimité des interventions, de l’intégrité, de l’orientation vers les bénéficiaires et vers la
résolution effective des problèmes de sécurité ; (4) la spécificité de
l’expertise, des méthodes et des techniques que la police est censée
devoir mettre en oeuvre avec un souci de professionnalisme ; (5) le
souci de rendre compte aux autorités de l’engagement des moyens
alloués et des résultats obtenus.
Ces constats nous prouvent qu’un large champ s’ouvre à notre nouvelle communauté d’étude mais, devant l’abondance de matières
et la relative pauvreté des moyens, il convient de déterminer des
priorités qui soient communes aux milieux académiques, policiers
et sociocommunautaires.
2.2.3. Un bref état des lieux
La question qui se pose à nous est donc de savoir quel peut être,
dans ce contexte, l’apport du Centre d’études policières.
Récemment a vu le jour au Québec le Centre d’intégration et de diffusion de la recherche en activités policières. Cette initiative résulte
du constat « que l’intervention dans le champ sécuritaire doit être
systémique et non plus compartimentée » 12. Plutôt que de se résigner au choix classique de « faire » ou de « faire faire » l’étude ou la
27
CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
recherche, les Canadiens ont choisi de la faire ensemble. C’est un
peu dans cet esprit qu’a été lancée en Belgique l’idée d’une Plateforme de concertation justice /sécurité, un concept qui, à notre
connaissance, ne fait pas ou pas encore l’unanimité.
Par rapport à des instances qui bénéficient d’une reconnaissance
institutionnelle plus formelle et qui disposent ou peuvent espérer
disposer de moyens plus substantiels, le CEP ne peut porter aussi
loin ses ambitions. Ceci ne signifie nullement qu’il n’a pas un rôle
spécifique à jouer.
matière de police, de sécurité ou de criminalité. Peut-être ont-elles,
dans certains cas, été rétives à accepter des démarches qu’elles
considéraient comme inutilement intrusives ou dénuées d’intérêt
pratique. Ou se sont-elles refusées à jouer les porteurs d’eau au profit des chercheurs en assumant à leur place une partie du travail,
voire à aider ces derniers à tresser la corde pour se faire pendre ?
Une attitude parfois aussi, il faut l’admettre, dictée par une forme
d’orgueil de la part de certains responsables policiers. Persuadés
qu’ils étaient de pouvoir amener le coche sans aucune aide au sommet de la côte. Convaincus d’y arriver plus facilement s’ils n’étaient
pas importunés par l’agitation stérile et les piqûres douloureuses
des chercheurs qui les agaçaient comme autant de mouches du coche.
Il suffit pour s’en convaincre d’analyser la manière dont sont décidées, opérées et exploitées les études relatives à la police ou à son
champ d’action. Que le commanditaire en soit le département de
la Politique scientifique, celui de l’Intérieur, celui de la Justice ou
encore la police elle-même, il nous faut déplorer que peu de cas soit
fait d’une forte proportion desdites études. Est-ce parce que leur
thème n’est pas pertinent ? Est-ce parce que leurs résultats ne s’avèrent pas crédibles ou exploitables ? Ou tout simplement parce
qu’ils ne sont pas portés à la connaissance de ceux qu’ils peuvent
intéresser ? Ou encore arrivent-ils à contretemps ? Il y a sans doute
un peu de tout cela.
En tout état de cause, voilà des problèmes sur lesquels peut se pencher
le CEP, même si ses moyens budgétaires et humains restent limités.
Disons-le tout net: il apportera une contribution consistante s’il parvient à s’imposer comme un forum de discussions structurées et de
diffusion de l’information relative à la recherche sur les questions
policières.
2.2.4. Faire ensemble
Les instances policières ont, par le passé, fort peu été impliquées
dans la détermination des axes et des modalités des études en
28
Certains indices nous portent à croire que, dans la tourmente de la
réforme des polices, les mentalités ont évolué. Un peu. Assez, peutêtre, pour repartir sur des bases plus solides.
En tant que policiers, nous savons désormais que nous devrons y
mettre du nôtre. Certainement au plan de l’état d’esprit. Il faudra
que nous fassions montre de transparence authentique et d’ouverture en favorisant la recherche sur nos pratiques et le fonctionnement de nos services. Le bon pli est pris en matière de stages et de
mémoires d’étudiants.
Des chercheurs, nous attendons des garanties suffisantes quant à la
validité scientifique, à l’objectivité et au pragmatisme des démarches auxquelles nous sommes censés collaborer. Le débat politique
et philosophique engagé n’est pas notre fait, pas davantage que les
luttes d’influence. Nous sommes par contre soucieux de neutralité,
nous voulons promouvoir les valeurs éthiques de notre profession,
réfléchir sur le sens et les modalités de nos actes. Engagés en permanence dans l’action, nous cherchons des réponses cohérentes à
des situations concrètes. Vous pouvez nous soutenir dans cette voie.
29
CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
« Personne ne peut (en effet) plus intervenir en ne se préoccupant
que de sa seule sphère d’activités ; qu’il s’agisse de crises ponctuelles, ou encore de la mise sur pied d’initiatives de prévention à plus
ou moins long terme, nul ne peut plus prétendre agir sans s’interroger sur les conséquences potentielles de son action sur les sphères d’activités des multiples autres intervenants touchés » 13.
Sur le plan de la recherche en tant que telle, ceci passe par la constitution d’alliances qui favoriseraient la formation de masses critiques nécessaires et/ou qui actualiseraient et rendraient visibles des
potentiels de travail autrement dispersés. De la sorte, nous pourrions profiter de l’existence de ces capacités pour créer une structure d’étude et de recherche susceptible de répondre aux besoins de
l’ensemble des paliers d’intervention et de toutes les disciplines
scientifiques qui touchent, de près ou de loin, aux multiples dimensions de la sécurité publique et de la criminalité.
Dans cette optique, la sécurité publique serait ainsi appréhendée
comme un champ d’études inter- et multidisciplinaire, croisement
des disciplines tant humaines que techniques et administratives.
Là se situerait le champ d’action idéal du CEP, mais nous n’y sommes pas encore, loin s’en faut et, en tout état de cause, le rôle du
Centre est plus modeste que cela.
Il est, à notre sens, impératif de faire en sorte que tout ce travail ne
soit pas effectué en vase clos, mais bien dans un climat et une optique d’échanges et de transferts. Cela implique, premier sujet de
débats, que soient entreprises des recherches pertinentes et valides.
Cela suppose aussi, deuxième fonction du CEP, que leur existence et
leurs résultats fassent l’objet d’une diffusion idoine et en temps
opportun. Cela demande enfin, troisième axe de travail, qu’une traduction opportune en soit opérée au plan conceptuel et en termes
opérationnalisables. Les autorités devraient aussi trouver leur compte dans une synthèse et une interprétation adéquate des résultats.
30
ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
2.2.5. De réels besoins
Sur le plan du fond, les besoins du monde policier peuvent se répartir en deux grands domaines. L’un de ces domaines est la sphère
opérationnelle comprenant elle-même, d’une part la sécurité vue
sous l’angle de la police administrative, d’autre part la criminalité
ou le volet de la police judiciaire. Une distinction, il est vrai, parfois
artificielle. Le second de ces domaines est le management de et à
la police.
Expertise, professionnalisme et approche planifiée s’imposent
comme des impératifs. « Cela signifie en premier lieu que les problèmes de sécurité sur lesquels la police doit travailler soient identifiés et que l’on en définisse clairement la priorité... (et que) les
choix qui ont été faits puissent être argumentés et justifiés » 14.
Dans la sphère opérationnelle, c’est d’abord et avant tout l’image
des phénomènes à traiter qui nous intéresse. Nous attendons du
CEP qu’il nous aide à circonscrire et à comprendre les situations auxquelles nous sommes confrontés, les tendances qui se dessinent sur
le plan de la criminalité et de la sécurité, d’en saisir les causes et l’impact tant objectif que subjectif, de dégager et d’engager judicieusement les moyens, en particulier la marge de manœuvre disponible, de prévoir les nouveaux enjeux opérationnels de manière à les
appréhender de façon proactive et préventive, de gérer les risques
de manière optimale.
Une indication est que pour 2003-2004, les phénomènes prioritaires suivants ont été retenus : (1) l’insécurité routière, plus précisément les accidents avec lésions corporelles ; (2) l’immigration illégale et le trafic d’êtres humains comme partie du phénomène de la
traite des êtres humains ; (3) le terrorisme ; (4) les vols commis avec
armes ou avec violences; (5) les vols qualifiés sans violences ainsi que
ceux commis dans les habitations ; (6) les atteintes à l’intégrité physique ; (7) les infractions relatives aux drogues ; (8) les vols de véhi31
CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
cules ; (9) les atteintes à l’environnement ; (10) le blanchiment ; (11)
les infractions relatives aux armes.
La plupart de ces phénomènes constituent aussi des formes de criminalité organisée et internationale dont l’impact humain et économique s’avère très lourd. On constate même souvent de la part
des milieux criminels et terroristes le déploiement de contre-stratégies offensives ou défensives qui compliquent singulièrement l’action de la police et des autorités.
pourront plus adéquatement développer des programmes idoines,
perfectionner leurs outils et améliorer les services.
Toutefois, l’approche par phénomène n’est pas la seule qui puisse
induire des initiatives de la part du CEP. Celui-ci pourrait utilement
appréhender des thèmes dont le fondement sociologique est d’ordre plus fondamental et qui ont a fortiori des incidences directes
ou indirectes mais sensibles sur le rôle et l’action de la police.
Pensons par exemple aux besoins et attentes des citoyens en matière
de sécurité, à l’élargissement de l’Union européenne et à ses diverses conséquences, aux développements en matière de politique
internationale, à la mondialisation, au multiculturalisme, à l’égalité des chances, aux débats éthiques actuels, au vieillissement de la
population, aux évolutions technologiques de toutes natures, aux
nouveaux acquis sur le plan des sciences et techniques policières, à
la problématique de l’environnement, aux conséquences de la création du parquet fédéral, à la protection des témoins, aux méthodes
de recherches particulières, à la répartition de la charge de la preuve,
des prérogatives et responsabilités policières, etc.
Dans cette perspective plus large, les membres de la police sont bien
sûr intéressés par l’évolution des idées et des connaissances en
matière de criminologie, de sociologie, de psychologie, de sciences
de la communication, ainsi que dans les disciplines du droit et de la
gestion. Ce serait un plus pour eux de pouvoir compter sur l’aide
des milieux universitaires pour obtenir une vue critique, synthétique
et actualisée dans ces différents domaines. Pourvu de ce bagage, ils
32
Comme le formulait Florent Gagne, il s’agit ici « d’un pragmatisme
axé sur les finalités, mais qui n’exclut pas non plus toute réflexion
sur le contexte dans lequel nous vivons » 15.
Ces mêmes milieux universitaires pourraient, avec une certaine systématique, nous aider à analyser ce qui se fait ailleurs et à identifier les meilleures pratiques. Leur contribution à la définition des
besoins en formation du personnel pourrait, dans cette perspective, s’avérer très riche en enseignements pour la police intégrée.
Il va de soi que des partenaires étrangers, experts, praticiens et formateurs, surtout ceux issus des pays environnants, devraient être
les bienvenus.
Sur le plan du management policier, diverses fonctionnalités se prêtent à un regard critique. Citons parmi celles-ci : (1) l’examen de la
validité du processus décisionnel de ou concernant la police; (2) une
collaboration à l’harmonisation et à l’affinement des outils de
management; (3) l’examen de la pertinence et de la congruence des
finalités, objectifs généraux et objectifs spécifiques et mesurables
de la police tout comme des autorités de police ; (4) l’analyse des
résultats directs ainsi que des effets obtenus sur le plan de la sécurité et de la criminalité ; (5) l’étude de l’efficacité, de l’efficience, de
la légitimité et de la qualité ; (6) une vue globale claire de l’utilisation de la capacité policière et des éventuels transferts de moyens ;
(7) la critique de la crédibilité des études opérées au sein de la police ; (8) une clarification de la définition de certains concepts (diversité, police communautaire, etc.) ; (9) l’amélioration des stratégies
internes et externes de communication.
2.2.6. Les méthodes de travail
Face à une telle diversité de thèmes, il serait nécessaire d’impliquer
33
CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
dans les activités du CEP un public assez diversifié et de favoriser au
maximum l’implication de chacun.
Dans ce cadre, l’expérience du Centrum voor politiestudies devrait
constituer un excellent exemple, à condition, nous semble-t-il, de
privilégier davantage l’approche scientifique des sujets traités.
Colloques, workshops, panels, travail en atelier ont fait leurs preuves et leurs coûts d’organisation pourraient être maintenus dans
des limites raisonnables. En outre, la participation à certains séminaires du CEP pourrait peut-être même se voir valorisée au titre de
formation continuée des cadres de la police.
peu l’occasion de formuler. Je me suis fait aujourd’hui leur interprète et me suis efforcé de ne pas trahir leur vision des choses. Espérons
qu’ils ne seront pas déçus.
2.2.7. Et les moyens ?
Les ressources budgétaires se révèlent chroniquement réduites.
Nous informer réciproquement sur les possibilités de financement
à exploiter et esquisser en partenariat les dossiers de projet de
recherches y relatifs constituerait un chantier supplémentaire susceptible d’entrer dans les cordes du CEP. Peut-être l’Union européenne offrira-t-elle des opportunités à ce propos ? La technologie
nous permet, par ailleurs, d’intensifier et de faciliter les contacts
ultérieurs entre des personnes qui se seraient rencontrées dans le
cadre du CEP. La création, à investissement raisonnable, d’un site
Internet, si possible commun au CPS et au CEP, offrirait divers avantages évidents, spécialement pour ce qui est de l’échange permanent des informations, de la préparation des activités ou encore de
la coordination ou de l’exploitation de publications professionnelles.
2.2.8. En conclusion
Aux yeux des policiers belges, en particulier les francophones, la
création du Centre d’études policières n’est pas chose anodine. Ils
ont, à l’égard de cette nouvelle instance, des besoins et attentes
multiples et concrets qu’ils ont eu, jusqu’ici et dans l’absolu, trop
34
35
ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
3. REACTIONS
3.1. MONSIEUR GASTON LADRIÈRE, PROCUREUR GÉNÉRAL
PRÈS LA
COUR D’APPEL DE MONS
Mais que fait donc la police ?
Rassurez-vous, il n’entre pas dans mes intentions, par cette apostrophe aussi populaire ou popularisée qu’elle en est éculée, de
ramener dans l’ordre de l’anecdote la gravité des préoccupations
qui vous ont conduits à porter sur les fonts baptismaux un Centre
d’études sur la police.
J’en veux pour seule preuve ou témoignage la spontanéité de ma
réaction, approbatrice et même enthousiaste, lorsque Monsieur le
directeur de l’Académie de police de Jurbise me fit part du projet
en même temps qu’il m’annonçait sa concrétisation.
Mais que fait donc la police ?
Vous l’aurez deviné. Je n’entends évidemment pas par cette interpellation stigmatiser le corps ou la fonction qui sont l’objet de notre
attention ni même mettre en exergue quelque travers ou quelque
dérive qui leur seraient consubstantiels.
Quoique... Si l’on mettait la question en situation...
Je puis, Monsieur Tange, l’adresser au représentant du monde scientifique ou académique que vous êtes en votre qualité de chercheur.
Et l’on perçoit immédiatement l’aura que ce contexte confère à ce
qui devient un questionnement relevant soit de l’ordre conceptuel
soit de la dissection ou de la description froidement analytique. Un
peu comme si l’on interrogeait sur un sujet politique, et plus particulièrement en période électorale, un docte représentant du CRISP.
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CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
Mais je puis aussi, Monsieur Duhaut, adresser la même question au
digne représentant du monde policier que vous incarnez en l’occurrence.
Et l’on perçoit cette fois la somme charnellement concrète d’attentes insatisfaites que traduit plus prosaïquement ce qui devient une
exigence.
paraît aujourd’hui communément admise. Mais l’on sait aussi qu’il
est souvent difficile de combler le fossé qui sépare la parole ou l’idée
de son incarnation ou de sa mise en œuvre effective.
Vous vous souviendrez avec moi de la phrase du mathématicien
Poincaré – que nul ayant fréquenté votre université, M. Tange, ne
saurait ignorer – suivant laquelle – je cite de manière incomplète et
de mémoire – la pensée ne doit jamais se soumettre, ni à un dogme,
ni à une idée préconçue, ni à quoi que ce soit si ce n’est aux faits
eux-mêmes car, pour elle, se soumettre serait cesser d’être.
La même interpellation formelle se décline ainsi tantôt comme un
appel à la réflexion, tantôt comme un appel à l’action.
Il s’agit pourtant bel et bien de la même interrogation fondamentale, qui porte sur le rôle et sur la place de la police dans une société
déterminée et sur la fonction de la force de contrainte qu’elle constitue.
Autrement dit, elle porte tout simplement – mais quel programme!
– sur la légitimité de la fonction policière et de la manière dont elle
est exercée.
Pouvait-on rêver meilleur cadre que ce cadre parlementaire pour
lancer la question comme l’on procède à des semailles ou meilleur
aréopage que le vôtre pour la faire germer et fructifier ?
Je ne le dis pas par souci de vaine flatterie ou de politesse de circonstance ou de composition, mais parce que, sauf incompréhension majeure de ma part, vous vous êtes précisément constitués en
Centre d’études avec le désir – au sens que le 18e siècle donnait à
ce terme – de tenter d’apporter une réponse à cette question de la
légitimité de l’action policière ou plus vraisemblablement, dans un
monde évolutif aux changements désormais perceptibles, d’esquisser une série de réponses qui se présenteront elles-mêmes la plupart du temps en forme d’interrogations nouvelles, car telle est la
démarche scientifique.
Démarche scientifique et liberté académique vont de pair. Le rappeler sera peut-être considéré comme une tautologie tant la notion
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Il vous paraîtra sans doute que nous nous sommes éloignés – et vous
voudrez bien, le cas échéant, m’en excuser – des considérations
scientifiques d’ordre plus technique que vous auriez peut-être trouvé plus appropriées à la circonstance.
Mais il y a plus important à mon sens: il y a que le dogme ne se rencontre pas que dans le domaine philosophique. Il y a que les partis
et les parti pris règnent. Il y a que les factions et les intérêts rôdent.
Il y a surtout que les idées préconçues envahissent quotidiennement
et naturellement notre réflexion.
Et puis, après tout, la préservation à tout prix de cette liberté de
penser est un bien trop précieux pour que l’on s’abstienne d’y insister lorsqu’il est question, comme l’évoque l’invitation à cette séance inaugurale, de promouvoir les études scientifiques et la réflexion
sur la police, et de concevoir un lieu indépendant de débat des
questions qui entourent la police dans une société démocratique.
Cette liberté de penser est certes d’abord une ascèse qui se nourrit
de la liberté ou de la capacité à observer et concevoir.
Mais elle est aussi la source et le sens de la liberté de recherche ou
de la liberté d’expression parmi d’autres.
Une étude scientifique n’est pas faite pour être mise sous le boisseau mais au contraire pour enrichir le patrimoine commun des
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CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
connaissances, pour être librement diffusée et soumise à la contradiction.
Mon propos – je vous l’assure – n’est pas aussi banal ou dénué d’intérêt pratique qu’on pourrait l’imaginer.
Que dit-il en substance ?
« Le rôle de la police dans une société démocratique est vital si l’on
souhaite continuer à affirmer le principe de la primauté du droit, à
protéger les droits de l’homme et à en garantir à tous l’exercice.
Dans ce contexte, il n’est pas contradictoire d’affirmer que la police, notamment chargée de protéger la vie des citoyens, leur liberté, leur vie privée, leur foyer, etc., constitue un élément essentiel de
la protection des droits de l’homme dans une société démocratique,
mais que la nature même de sa tâche peut également la rendre
responsable de violations de ces droits, notamment par un recours
excessif à la force, des pratiques discriminatoires, etc. Pour le
meilleur comme pour le pire, l’exercice de la fonction de police a
donc des incidences sur les droits fondamentaux de l’homme et les
libertés individuelles. »
Ces libertés sont au cœur du principe démocratique judicieusement
mis en exergue dans l’invitation à la présente séance inaugurale.
Je forme le vœu qu’il demeure le guide premier des futurs travaux
du Centre d’études sur la police.
Pour ma part, en fin de compte, j’assume le caractère volontiers
impertinent de ma question initiale et revendique sans l’ombre d’un
doute une volonté d’émettre un paradoxe, sa parfaite pertinence
en ce qu’elle a d’essentiel et d’existentiel.
Le Centre d’études sur la police s’appuiera – je cite – sur une étroite collaboration de personnes issues des pôles tant scientifique que
policier ou administratif et, plus généralement, de toute personne
manifestant un intérêt pour le développement d’une réflexion sur
la police.
Le scientifique est taraudé par le désir de connaître.
L’acteur social directement impliqué qu’est le policier est taraudé
par le désir de remplir la fonction de régulation sociale qui lui est
impartie.
Le pari est celui de la complémentarité sans instrumentalisation.
L’étude des polices : Une nécessité démocratique, disions-nous.
La balle est donc dans votre camp.
Il suffit peut-être, pour gagner ce pari de la complémentarité, de
considérer que la police elle-même est une nécessité démocratique
et que l’objectif premier de son fonctionnement est de se plier à
cette exigence.
Vous me permettrez de terminer cette brève adresse de manière
elliptique.
Camus disait de Sisyphe se chargeant chaque fois à nouveau et
imperturbablement de son rocher qu’il faut l’imaginer heureux. Je
vous souhaite un plein et entier bonheur et vous remercie de votre
attention.
C’est ce qu’expose Gilles L. Bourdoux dans sa contribution à l’ouvrage collectif Pour suite d’enquête.
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J’aurais souhaité, vous l’imaginez, vous livrer quelques autres
réflexions, touchant notamment au risque d’instrumentalisation de
la fonction judiciaire par l’activité policière. Mais que fait donc la
Justice ?
Le temps que m’autorise à libérer l’activité quotidienne d’un parquet général manquant plus qu’il n’est permis d’effectifs ne m’en
a pas laissé le loisir dans des conditions acceptables. Vous noterez
que cette constatation est, en elle-même, une considération lourde
de sens et d’interpellations.
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CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
3.2. POUR UN PARTENARIAT ENTRE LA POLICE
ET LE CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE.
MONSIEUR ERIC COBUT, DIRECTEUR DES RELATIONS INTERNES
DE LA POLICE FÉDÉRALE
3.2.1. Evolution du contexte
Depuis plus d’une vingtaine d’années, nous sommes confrontés à
des réorganisations successives d’entreprises et la police ne fait pas
exception à ce phénomène.
Monsieur Duhaut l’a mentionné à propos des paramètres avec lesquels nous devons désormais compter, cette accélération dans le
changement résulte de l’incertitude qui caractérise plus qu’auparavant notre société actuelle.
Le 11 septembre 2001, personne, pas même les plus grands spécialistes, n’avaient imaginé une attaque terroriste par le ciel sur les plus
grands symboles des Etats-Unis. Quelques mois plus tard, c’est encore
toujours avec autant d’étonnement qu’on assistait à l’écrasement
des différentes bourses, à travers le monde. Dans un autre registre,
lorsqu’en 1997, la gendarmerie fêtait son bicentenaire, aucun gendarme n’imaginait que son institution disparaîtrait quelques années
plus tard...
Cette évolution de notre société a pour effet qu’il n’est plus concevable actuellement de recourir à la gestion prévisionnelle à long
terme.
Aujourd’hui, dit Stacey, professeur britannique de management
stratégique 16, « le but du management stratégique, dans la pensée
conventionnelle des managers occidentaux, serait de réduire le
niveau de surprise..., pour connaître le succès, les organisations
devraient opérer dans des états de stabilité... Bien au contraire, la
véritable fonction du management est de conduire les exceptions,
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ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
rapidement et sous pression, quand elles surviennent de façon non
prévue....
La véritable mission des responsables est de traiter la non-prédictibilité, l’instabilité, l’irrégularité, le non-sens et le désordre ».
La maîtrise de l’information. La réponse à ce nouveau défi se situe
davantage dans la quête et la maîtrise de l’information.
Au plus vite l’information sera disponible, au mieux le système
pourra s’autoréguler et répondre adéquatement au défi qui s’impose à lui.
Mais dans un environnement qui s’est considérablement complexifié et où les jeux et les enjeux n’apparaissent plus aussi clairement,
il n’est plus possible d’appréhender ou d’apprivoiser seul cette information.
Les organisations et la police en l’occurrence n’ont pas d’autre choix,
dans le nouveau contexte qui nous concerne, que de chercher des
alliances et de privilégier des approches partenariales. Telle est déjà
l’attitude de la police dans le traitement de la sécurité lorsqu’elle
recherche des synergies auprès des autres composantes de la société, que ce soient les acteurs sociaux, le citoyen, les autorités, le
monde de la recherche, etc.
3.2.2. Vers un nouveau partenariat
Dans la chaîne de sécurité globale, le Centre d’études sur la police
est un nouveau partenaire.
Comme tout jeune promu, il respire la vitalité, l’entrain, le dynamisme, la volonté de faire bouger les choses.
Il est source d’évolution et de changement. Néanmoins, il n’aura de
véritable intérêt pour les différents acteurs en présence que s’il leur
apporte une plus-value, que s’il les aide, précisément, à mieux gérer
la non-prédictibilité.
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CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
Gérer le paradoxe. Le principal défi auquel le Centre d’études sur
la police sera confronté sera de définir sa position et, au-delà, de
traduire sa mission en actions concrètes.
ce pourrait prioritairement et dans un premier temps, s’axer sur
quelques actions comme par exemple: (1) veiller au rapprochement
entre chercheurs et praticiens par une communication mutuelle des
attentes des uns et des autres ; (2) stimuler l’échange d’études
menées tant dans le monde universitaire que policier sur la base du
principe de « la bonne information, au bon destinataire et au bon
moment»; (3) contribuer à la traduction pratique de réflexions d’un
certain niveau théorique et d’abstraction par la conduite de discussions et de débats entre les auteurs des recherches et ceux chargés
de les mettre en œuvre ; (4) influencer l’orientation des domaines
de recherche en suggérant certaines pistes d’investigation.
À cet égard, monsieur Tange a brossé un certain nombre de possibilités. Il a cité la gestion routière, le terrorisme et le grand banditisme, la capacité policière, les illégalismes policiers ainsi que la place
des femmes et des allochtones dans les services de police. Mais il en
est une qui nous semble encore peu explorée : le management
humain !
Le Centre est situé en fait à la croisée de deux mondes aux attentes
et aux préoccupations bien différentes.
D’un côté se trouve le monde de la police : (1) qui voit ses problèmes sous un angle opérationnel; (2) qui attend des réponses concrètes et pragmatiques ; (3) et qui, surtout, sous la pression des événements, doit agir et réagir dans l’immédiat ou tout au plus dans le
court terme.
Elle attend avant tout, des études pour la police exploitables aux
différents niveaux de son organisation et qui puissent être facilement mises en œuvre.
À l’autre extrême, figurent les chercheurs – entre autres, le monde
universitaire – dont la démarche est menée dans une perspective
plus globale, plus abstraite et plus scientifique. Les travaux et les
recherches qui sont ici menés se présentent davantage comme des
études sur la police.
C’est en réalité un véritable paradoxe qui s’impose au Centre d’études sur la police. Dans un tel contexte, sa crédibilité et son utilité
seront essentiellement jugées sur sa capacité à créer un espace commun où les différents acteurs, tout en tenant compte de leurs spécificités, pourront à la fois faire connaître leurs attentes respectives
et y trouver les réponses nécessaires.
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Le management humain : une nouvelle voie. De manière générale,
la littérature policière consacre plutôt peu d’espace à l’étude des
ressources humaines.
Nous ne pensons pas qu’il s’agisse là d’un manque d’intérêt pour la
question mais peut-être, parce que cette matière relève davantage
de la partie non visible du fonctionnement de la police, suscitet-elle moins de questions.
L’offre de service. Lorsqu’un nouveau venu fait son apparition sur
la scène, la tendance toute naturelle est de fonder en lui de nombreux espoirs.
Or, n’est-ce pas le personnel qui reste le premier ambassadeur de la
police ? De la nature même de son action ou de son intervention
dépendront à la fois, la qualité du service rendu au citoyen et aux
autorités et l’image de la police elle-même.
Après coup, on est souvent un peu déçu. C’est pourquoi, dans un
souci de réalisme, il nous semble que le Centre d’études sur la poli-
D’autre part, il nous semble illusoire de penser que les études
menées sur cette problématique, tant au sein du secteur privé que
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CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
public, suffisent à appréhender le facteur humain. Ce serait, à notre
sens, ignorer que la police est une culture particulière et spécifique.
Avec la réforme des polices et l’entrée en vigueur du nouveau statut policier, la police n’a pas échappé au phénomène de la
«Nouvelle Gestion Publique» dont les objectifs affirmés s’articulent
sur les éléments essentiels de la sémantique managériale : qualité,
efficacité, recours au mandat, flexibilité, souci de l’usager rebaptisé
« client »... 17. Cette nouvelle gestion publique a modifié en profondeur les formes de régulation qui prévalaient au sein des services
de police belges.
Cette problématique et le contexte qui l’accompagne constituent,
à notre sens, un champ d’étude intéressant où le Centre d’études
sur la police pourrait certainement faire figure de leader.
3.2.3. Conclusions
Les défis qui s’imposent au Centre d’études sur la police sont importants et les attentes, grandes.
Nous n’attendons certainement pas que le Centre se positionne en
tant qu’organisme chargé de résoudre les problèmes que nous
posons et encore moins qu’il apporte des réponses à toutes nos
attentes.
Ce serait d’ailleurs incompatible avec notre approche de l’incertitude.
Néanmoins, nous espérons qu’il puisse apparaître comme le lieu où
puisse se développer un esprit de partenariat indispensable pour
gérer la non-prédictibilité.
L’action et la collaboration de la police fédérale s’inscriront dans
cette perspective. Et je ne doute pas un seul instant que nous sommes au début d’une longue histoire...
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ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
3.3. UN CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE.
MONSIEUR THIERRY GILLIS, CHEF DE CORPS DE LA ZONE DE POLICE
UCCLE / WATERMAEL-BOITSFORT / AUDERGHEM
3.3.1. Introduction
C’est avec plaisir et enthousiasme que je saisis l’occasion qui m’est
offerte de m’adresser à vous en cette séance inaugurale du Centre
d’études sur la police. Lorsque Carrol Tange m’a informé de la naissance du Centre et de ce qu’il attendait d’un acteur de terrain, je
n’ai pas longtemps hésité à lui assurer ma participation. Le projet
et le moment sont trop importants pour se permettre de rester sans
réaction face à ce besoin gigantesque que se propose de combler
le CEP. Je réagirai donc d’abord à l’intervention de Carrol Tange,
représentant le monde universitaire et ensuite à celle de Georges
Duhaut, représentant le monde policier.
3.3.2. Réaction aux attentes du monde de la recherche
Historiquement, le politique a pris l’initiative des recherches en
matière de police. On visait surtout les polices communales, myriade de petites entités indépendantes ou autonomes où chacun pensait qu’il agissait correctement. Le but était, pour un chef de corps,
que tout se passe bien et que ni l’autorité administrative ni l’autorité judiciaire n’aient des motifs de se plaindre. Pour le reste, les
objectifs d’efficacité, d’efficience, de problem solving, de compte
à rendre n’étaient pas encore à l’ordre du jour. Le modèle policier
était celui du crime fighting et la police vivait en autarcie. La présente réforme bouscule tous ces acquis pour les remplacer par
d’autres piliers et par une obligation de résultat plutôt que de
moyens.
C’est à l’occasion de l’entrée dans les rangs policiers de personnes
de niveau universitaire, tant policiers que civils et de la mise en
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CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
place de ces recherches que les policiers ont compris qu’ils faisaient
l’objet de recherche et que la police s’est, en interne, mise à l’heure d’une remise en question. Que doit donc faire la police, qu’en
attend-on réellement, quelles sont les bonnes et les mauvaises pratiques policières ? Beaucoup de questions ont vu le jour mais hélas
peu de réponses ont été apportées. Chacun réfléchit dans son cénacle.
garants de qualité et de neutralité car l’exigence de spécificité et
de maintien du caractère politique permettent au chercheur de
pousser ses investigations dans des champs propres de réflexion en
n’excluant pas de porter le débat jusqu’au niveau de compréhension le plus adéquat, du micro au macrosocial, de l’interaction individuelle aux nouvelles tendances de politiques criminelles ou sociales.
En donnant un rôle d’interface au CEP, Carrol Tange fixe clairement
pour cette institution la clé vers le succès pour autant, je le répète,
que les savoir récoltés sur la fonction policière servent au quotidien
aux policiers de terrain par une traduction des connaissances nouvelles en termes de politiques policières testées et éprouvées sur le
terrain. Trop souvent aujourd’hui, on attend du policier de terrain
qu’il s’approprie un savoir théorique pour voir comment il va être
capable ou non de le mettre en pratique. Le monde de la recherche
gagnera et gardera la confiance et la collaboration des policiers de
terrain au prix de théories traduites en actions de terrain bien spécifiques.
Les policiers ont donc été courtisés par les chercheurs, observés par
eux et leurs assistants ou stagiaires; des observations, constatations
et conclusions furent couchées sur papier mais bien peu furent rendues publiques. Le fruit de tout ce savoir n’est pas revenu dans la
police: un CEP peut combler cette lacune, satisfaire à ce besoin présent chez les policiers de terrain. Il faudra toutefois le rendre accessible, compréhensible et pragmatique si l’on veut que le monde
policier dans toutes ses composantes et à tous les niveaux s’approprie ce savoir sur sa pratique professionnelle.
Un CEP indépendant, entendez non lié à l’organisation policière par
un lien fonctionnel ou hiérarchique, non soumis à la production
d’un savoir en phase avec l’idéologie politique du moment sera
aussi un facteur critique de succès dans sa quête de diffusion d’un
savoir neutre, scientifique et donc acceptable par tous. Nous sommes tous conscients des biais inhérents aux « lois » en sciences
humaines mais ils sont d’ordre épistémologique et constituent donc
une constante pour tout le monde policier. Un savoir critique, argumenté et respectant une méthodologie stricte ne pourra plus être
ignoré ni par les chercheurs eux-mêmes, ni par les policiers et surtout pas par les autorités politiques, judiciaires ou policières lorsqu’elles définiront les futures politiques policières voire les futures
politiques de sécurité à l’échelle du pays.
Aux fins de produire un savoir utile pour la pratique policière et
indépendant des idéologies politiques prédominantes ou politiquement correctes, les exigences du monde de la recherche sont des
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3.3.3. Réaction aux attentes de la police
Dans son intervention, Georges Duhaut fixe d’entrée de jeu les nouvelles caractéristiques de la gestion policière. À mon sens, il faudrait
aussi y ajouter le souci de trouver ou de participer activement à
l’émergence de la solution au problème du citoyen que la police est
amenée à gérer ou à révéler. Le community policing ne se conçoit
pas sans un certain niveau d’obligation de résultats alors qu’antérieurement, nous avions, je le répète, surtout une obligation de
moyens.
Il fixe au CEP l’objectif de devenir un forum de discussions structurées et de diffusion de l’information relative aux études sur la question policière. Il vise aussi la nécessité de conserver un champ d’études inter et multidisciplinaire et de traduire un savoir en termes
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CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
opérationnalisables et, pour le policier de terrain que je suis, c’est
là que réside le noeud du problème et la clé du succès pour un CEP.
Le policier de terrain n’est pas demandeur de plus d’études, de plus
de rapports avec analyses et recommandations. L’architecture policière actuelle en produit en masse et leur cohérence n’est pas toujours aisée à découvrir. Même les notes internes ou directives de
travail deviennent très longues, alambiquées et très complexes à
mettre en œuvre. Par contre, il a besoin de concepts opérationnels
testés et validés : des plans d’actions « clé sur porte » lui sont plus
utiles au jour le jour que la Xième analyse écrite en un verbe trop
théorique ou technocratique.
récurrente, si simple et si complexe, est bien celle du «mais que doit
faire la police?». Une société démocratique doit se donner un outil
pour répondre à ce questionnement. Ce n’est qu’en exprimant clairement ce que l’on attend au XXIe siècle de la police qu’on lui
redonnera un cap et que des résultats probants seront engrangés
par les policiers de terrain. En effet, les moyens humains et financiers étant limités, il faut plus que jamais les utiliser à ce qui est vraiment important et oser dire ce que la police ne doit plus ou pas
faire à l’avenir. J’ai l’impression que l’on en demande trop à la police, et ce en trop de matières qui ne sont pas toujours sa spécialité
ou son champ d’expertise. « Qui trop embrasse mal étreint ! ». Si la
police doit fournir des solutions, il faut cibler les problèmes à endiguer. Le CEP peut jouer un rôle essentiel dans cette définition du
rôle de la police dans notre société. En fixant, en police administrative et judiciaire, les nouveaux enjeux et leurs conditions d’émergences, un vide sera comblé. Le CEP fournira peut-être le savoir utile
à une planification et au développement de politiques de gestion
en lieu et place de notre quotidien fait de réactivité ou de vision à
très court terme, et ce malgré l’effort louable des Plans de sécurité
nationaux, fédéraux et locaux.
Puisque les modes de gestion comprennent les concepts de responsabilisation, de planification, d’évaluation, de qualité, de résolution
de problèmes pour ne citer que les plus innovants, il faut développer
une fois pour toute la structure policière des procédures simples et
pragmatiques implémentées technologiquement en tentant d’utiliser la pratique actuelle et de demander aux ordinateurs de retravailler l’information afin de produire les nouveaux rapports, documents, listes, tableaux ou groupe de données. Trop souvent, pour
obtenir les données voulues, un service central ou une direction particulière demande aux acteurs de terrain des données sous une forme
particulière qui lui est propre au lieu d’essayer d’obtenir le même
résultat en extrayant soi-même des systèmes les données recherchées.
De plus, il n’est pas rare que le service voisin ou l’autre direction de
la même direction générale ait demandé les mêmes choses présentées autrement quelques jours avant. Un champ de réflexion interne
sur nos méthodes de travail est une piste à développer. Le CEP peut
nous aider par une approche systémique à dégager des solutions.
Si, en plus, de par la confrontation des mondes et des savoirs, le CEP
arrive à apporter la réponse à la question fondamentale de la fonction policière, il aura comblé un vide bicentenaire. Cette question
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En termes de management, le CEP peut aussi en toute indépendance aider le policier de terrain à mettre en place une pratique avérée et testée déjà disponible çà et là à petite échelle, sous forme de
pratiques implémentées aux résultats probants. Actuellement, trop
de théories nous sont proposées sans garantie de succès et, surtout,
sans nécessairement avoir adapté la théorie issue par exemple du
monde économique ou privé au monde de la fonction publique ou
de la police en particulier. Ce type d’importation pure et dure de
savoir est une recette de désastre car on nie ainsi la spécificité de
l’action policière et de son unique mode de production d’action :
l’offre de services aux citoyens et à leurs représentants élus.
51
CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
3.3.4. En guise de conclusion
Vous voyez donc bien que le CEP éveille dans l’âme du policier de
terrain un espoir de solution à ses questions de gestion de la chose
policière. Le besoin réside dans l’extraction des savoirs théoriques
déjà cumulés au sein de la police et du monde universitaire, de pratiques et de méthodes nouvelles de travail qui offrent un certain
degré de résultat. Cette obligation de résultat est la marque de
fabrique de notre nouvelle police. Un policier ne peut plus se satisfaire de constater, d’assister au développement d’une problématique qui affecte tout ou partie de la population. Il a le devoir d’œuvrer à prévenir son occurrence et de participer à la réalisation de la
solution. Le CEP trouve là toute sa raison d’être. Qu’il devienne le
creuset dont sortiront savoir et pratique et il sera alimenté, par effet
de son succès, par la recherche et la pratique des acteurs qu’il a pour
mission de rapprocher.
Le besoin étant là, l’outil d’y satisfaire existe enfin. Unissons nos
efforts, nos besoins, nos idées, notre enthousiasme et les fruits du
succès mûriront très vite.
ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
4. CONCLUSIONS
LE CENTRE BELGE D’ÉTUDES SUR LA POLICE –
RÉACTIONS AUX ALLOCUTIONS.
MONSIEUR JEAN-PAUL BRODEUR, ENSEIGNANT-CHERCHEUR À
L’UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL
Permettez-moi d’abord de vous remercier de m’avoir invité et de
saluer la collaboration séculaire, sinon la vielle complicité qui existe entre chercheurs belges et québécois. Cette amitié, sur laquelle
je reviendrai, ne me paraît pas le fruit du hasard puisqu’elle réunit
des collègues issus d’entités politiques hybrides dont le métissage
même peut se révéler un atout précieux pour la recherche.
Un certain nombre d’expressions sont revenues fréquemment dans
les propos des intervenants précédents, telles que le poids du politique, la distinction (omniprésente) entre recherche sur et pour la
police, l’exigence de neutralité scientifique, le souhait d’une traduction dans la pratique des résultats de la recherche et d’un retour du
travail effectué aux policiers eux-mêmes, le besoin d’une interface
et même d’un partenariat entre chercheurs et intervenants policiers,
la volonté d’en savoir plus sur la gestion des ressources humaines.
Même si cette liste n’est certes pas exhaustive, je ne peux pas aborder tous ces sujets dans le temps restreint qui m’est imparti.
Ceux qui m’ont précédé à cette tribune ont beaucoup parlé des
objets de la recherche. Je parlerai de la recherche elle-même, à la
lumière de ma proximité avec celle-ci depuis plus de trente ans.
4.1. DES VOIES PARALLÈLES
Dans son analyse sévère des lacunes des appareils policiers et des
agences de renseignements dans les mois ayant précédé les atten52
53
CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
tats du 11 septembre 2001, le sénateur Shelby parvient à cette constatation : « Les analystes du renseignement feraient sans doute de
pauvres policiers et il est devenu très clair que les policiers font euxmêmes de pauvres analystes du renseignement ». Entre la production du savoir et le travail policier, il y a moins antagonisme que
parallélisme : ces deux activités se déploient sans se rencontrer. Il
faut, me semble-t-il, renoncer à l’euphorie de certains chercheurs
qui sont amenés à définir les policiers comme des travailleurs du
savoir. Le savoir se déploie sur le moyen et le long terme, alors que
le temps policier est largement celui de l’immédiateté dans sa plus
grande contingence.
4.2. CHERCHEURS ET HÉLICOS
Dans son texte, Carrol Tange souligne que les policiers belges, les
cabinets politiques et les administrations se seraient trouvés
« confrontés lors de contacts avec des collègues étrangers, à leur
propre indigence en matière de résultats afin d’appuyer leur position ou permettant d’illustrer et de légitimer leurs initiatives ». J’ai
été moi-même souvent étonné que les policiers canadiens et québécois faisaient plus grand cas de mes recherches dans les réunions
internationales, où j’étais une manière de Ferrari, que dans mon
pays où je redevenais cyclomoteur. Dans une économie du savoir, la
mise sur pieds d’un centre de recherches a d’abord une valeur symbolique. C’est ce qu’il faut afficher pour montrer qu’on est encore
dans le coup, comme l’acquisition d’un hélicoptère dont on ne peut
souvent payer le pilote.
Mon propos n’est pas ici déflationniste mais plutôt tonique. Les
pouvoirs publics tiennent au symbole et sont ainsi prêts à concéder
à la recherche une période de temps suffisante pour qu’elle fasse
post hoc la preuve de son utilité. Il faut donc que les chercheurs profitent de cette occasion.
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ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
4.3. LA NEUTRALITÉ SCIENTIFIQUE
On a beaucoup insisté dans les interventions sur la rigueur méthodologique de la recherche et sur la neutralité de la science. Il y a
dans cette exigence l’expression voilée d’un souhait qu’on pourrait
formuler ainsi: la recherche ne doit pas être une entreprise de délégitimation de la police. Ce souhait est raisonnable et il faut y donner suite en évitant les travestissements qui sont imposés par les
approches partisanes. Il est néanmoins tout aussi important de
négocier patiemment avec l’institution policière son acceptation du
fait que la recherche sur la police ne peut être de façon ultime, neutre.
A. L’histoire : un examen de l’histoire de la recherche sur la police
enseigne au moins deux choses. (1) La recherche sur la police a toujours eu une visée réformatrice de l’institution elle-même, de ses
finalités et de ses modes d’intervention. (2) En Amérique du Nord,
les premières recherches sur la police ont été effectuées par des praticiens, à savoir, par des avocats réclamant un respect plus strict de
l’obligation de moyens et, de façon plus importante, par des cadres
policiers comme August Vollmer, O.W. Wilson et Herman Golstein
qui sont parvenus à accomplir sa professionnalisation, pour les deux
premiers, et à modifier radicalement son style d’intervention, pour
le second. Certains de ces policiers novateurs ont, comme John
Alderson au Royaume-Uni, payé très cher le discours réformateur
qu’ils tenaient.
B. La médiatisation : l’une des questions les plus menaçantes pour
la police est « que fait-elle ? » La raison de cette méfiance n’est pas
que la réponse révélera son incurie ou ses abus de pouvoir. Elle est
ailleurs. En effet, la police est la profession la plus médiatisée, non
seulement par la presse mais par tout un complexe de productions
écrites, cinématographiques et télévisuelles qui relèvent de la fiction policière. Or, l’image de la police qui est ainsi construite est très
55
CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
largement positive – héroïsante même – et elle est complètement
disproportionnée par rapport aux activités effectives de la police.
Que fait donc la police, à s’en rapporter à l’image médiatique présente? Réponse: tous les policiers emploient tout leur temps à attraper des serial killers et jouent au foot avec les enfants des cités entre
deux traques d’assassins. Répondre en vérité à la question «que fait
la police?» ne peut donc que produire des effets de démystification
de l’image médiatique de la police. Or, même si les policiers sont les
premiers à se moquer entre eux de cette image, ils n’apprécient pas
trop qu’on la dévalue en public car ils en perdent les bénéfices, qui
sont très réels au plan du prestige de la profession, de son acceptation et ainsi de suite. Il est crucial de montrer aux policiers qu’il y a
d’importants désavantages à cette surappréciation médiatique, qui
provoque des attentes de la part du public qu’aucun service ne
pourra remplir.
J’aimerais illustrer ce processus de démystification par un exemple.
L’Association canadienne des chefs de police a commandité une
recherche sur les principales difficultés que rencontraient les chefs
de police au sein des forces qu’ils dirigeaient. Parmi la dizaine de
difficultés découvertes, il n’en est aucune qui soit relative à la
répression du crime et à l’application des lois. La plus grande difficulté que rencontre un cadre est de faire face à la critique quand il
est promu chef d’une force policière à laquelle il n’appartenait pas
auparavant (par exemple, lorsque le sous-directeur de la police de
Trois-Rivières est nommé directeur de celle de Laval). Les problèmes
des cadres policiers sont en général peu différents de ceux des autres
fonctionnaires et mêmes des gestionnaires du secteur privé.
déshonorant de faire des recherches pour elle et tolérable de faire
des recherches sur elle, pourvu qu’elles fussent le plus « critique »
possible. Cette question de l’affrontement de la recherche «pour» et
de la recherche «sur» est complexe et je devrai la simplifier beaucoup.
4.4. RECHERCHE POUR LA POLICE ET RECHERCHE
SUR LA POLICE
Quand j’ai commencé à faire des recherches sur la police, il était
56
A. Le bénéfice pour la police. Il faut d’abord reconnaître une donnée de base : on ne peut faire de recherche pour ou sur la police
contre son gré. Si la police refuse son concours, on ne produira sur
elle que des recherches anecdotiques qui reproduiront la chronique
journalistique des faits divers. Or, on ne voit pas comment un corps
professionnel consentirait à être examiné s’il n’y trouvait aucun profit. Dissocier de manière intransigeante la recherche sur la police de
la recherche pour la police conduit à brève échéance à l’attrition de
toute recherche.
B. La privatisation de la recherche. L’entreprise privée n’a pas d’état d’âme à faire des recherches sur la police. On parle beaucoup
de la privatisation de la police. On devrait également avoir souci de
la privatisation du savoir sur et pour la police. La flexibilité des firmes privées leur permet de répondre beaucoup plus rapidement
aux besoins de recherche de la police, qui se révèlent souvent de
manière soudaine.
C. Police scientifique et police technologique. Les chercheurs en
sciences sociales se créent parfois de faux dilemmes. Le poids le plus
lourd de la recherche pour la police – le développement d’armes et
d’équipements performants, le matériel de surveillance et d’interception des communications privées, la biométrie – est complètement en dehors des compétences des sciences sociales. Après les
attentats du 11 septembre, la firme Raytheon qui produit des armes
pour le ministère américain de la Défense a lancé le projet YANKEE,
dont le but est d’examiner comment l’expertise militaire dont
dispose la compagnie pourrait être mise à contribution pour recy57
CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
cler dans la lutte contre le terrorisme les produits fournis à l’armée.
1. Accès et dissémination. Le test véritable de l’acceptation d’un
centre de recherche par les forces policières tient dans leur volonté
de faciliter l’accès aux données dont ils disposent et dont l’examen
est nécessaire à l’accomplissement d’une recherche. Après de nombreuses péripéties, on peut considérer que cet accès est relativement
acquis en Amérique du Nord. Par exemple, je poursuis présentement des recherches sur l’enquête de police judiciaire à Montréal
de 1990 à aujourd’hui et j’ai obtenu un accès complètement libre
aux archives du service grâce à l’appui du directeur. De façon générale, il est plus facile d’obtenir à cet égard la collaboration des petites organisations (de type police communale) que des grandes (de
type gendarmerie). En outre, plus un fonctionnaire dispose de pouvoir et moins il se laissera mettre sous la loupe du chercheur. C’est
pourquoi on en sait beaucoup plus sur les effectifs en tenue que sur
les enquêteurs en civil. Il est un second test d’acceptation d’un centre de recherche : c’est l’acceptation de l’établissement d’un protocole négocié qui laisse au Centre la décision finale et responsable
sur la publication de la recherche.
D. L’évaluation. Une des façons les plus simples de concilier recherche sur la police et recherche pour la police est d’évaluer de manière rigoureuse certains des programmes d’intervention de la police,
surtout quand ils présentent une innovation comme dans le domaine de la police de proximité. La recherche évaluative est le prototype d’une intégration de la rigueur méthodologique à une prise
de partie. Le recueil de données pertinentes à l’évaluation, de
même que l’analyse de leur signification, doit obéir à toutes les
règles garantissant l’impartialité de l’enquête. Par contre, une évaluation doit finir par rendre son jugement : dans quelle mesure le
programme produit-il les effets promis ? Même s’il est absolument
fondé sur les procédures rigoureuses antérieures, un jugement fait
toujours des insatisfaits dans la mesure où il est mesuré.
E. Les alternatives à la force. On a tort de penser qu’une recherche
pour la police ne puisse en même temps être aussi pour les autres
citoyens. Dans le cadre d’une démocratie, il est tout à fait pensable
de faire une recherche qui soit autant bénéfique à la police qu’au
corps social. On sait que la police est investie du pouvoir d’user de la
force légitime. On sait également que le recours à la violence est une
ressource ultime qu’il est préférable d’éviter quand cela est possible.
On peut donc, par exemple, se pencher sur les modes les plus efficaces de maintenir l’ordre et de contrôler les foules sans avoir recours
à la force physique. Il est facilement concevable que l’on découvre
ainsi des façons de procéder sans violence qui soient plus efficaces et
moins coûteuses que la coercition physique. Une telle découverte
bénéficierait autant aux policiers qu’à d’éventuels manifestants.
Sans être dépréciatifs, mes propos ont été jusqu’ici relativement austères et peu euphorisants. Que faut-il donc faire dans un centre de
recherche sur la police ? Je ferai trois suggestions.
58
2. L’animation. On a insisté avec raison sur la nécessité de créer une
interface avec les policiers et d’en faire des partenaires. Je crois que
la tâche première d’un centre de recherche sur la police est de
convaincre l’institution policière de l’avantage qu’elle trouvera à
s’ouvrir à des apports extérieurs et à engager un dialogue authentique avec des non-policiers. Il y a tout un ensemble de façons de
parvenir à ce résultat, la production de recherches et la tenue de
conférences étant des moyens parmi d’autres. L’une de ces façons
est pour un organisme de recherche d’assumer la fonction de centre d’aiguillage, qui oriente les intervenants vers les lieux où ils trouveront l’information dont ils ont besoin, dans un contexte particulier. La somme des facteurs qui influent sur les tâches policières est
considérable et s’étendent des flux migratoires aux derniers instru59
CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
ments permettant de pirater des CD-ROM. Si nul ne possède toute
cette information, quelqu’un pourrait s’efforcer de reconstituer le
réseau permettant d’y avoir accès.
sur la police, sur ce qu’elle fait et sur ce qu’elle devrait faire. Il n’y
a plus grand-chose de caché à cet égard, le véritable défi étant d’agir en conformité avec ce que l’on sait.
3. Le répertoire. Je suis toujours étonné que, dans le champ des
affaires policières, tout doive être perpétuellement recommencé.
En fait, il y a plus de traits communs que de différences entre les
opérations policières de terrain, le localisme n’étant pas une fatalité de la police. C’est pourquoi avant de s’interroger sur les recherches sur et pour la police et sur un ensemble de questions qui sont
finalement assez abstraites, il pourrait être assez intéressant d’examiner le stock international de connaissances que nous possédons
déjà, afin de répertorier des pratiques policières à la fois fécondes
et exportables dans un contexte différent de celui qui leur a donné
naissance. Par exemple, l’expérience de Kansas City a montré, de
façon à mon sens convaincante, que le simple déploiement de policiers (motorisés ou pédestres) sans cible précise était d’un piètre rapport. On a aussi montré qu’il était inutile de faire cavaler policesecours à toute vitesse dans une ville, si on éduquait les gens à
contacter la police dans le temps le plus court après un incident. Il
ne sert à rien aux ambulanciers de briser des records de vitesse si on
a laissé le patient se vider de son sang avant de les appeler. Ces
exemples de « best practices » pourraient être multipliés.
Je pense enfin que nous manquons cruellement de processus de
totalisation du savoir dont nous disposons effectivement. Imaginons,
en effet, qu’au lieu de faire une étude de plus sur ce que fait un
policier dans telle commune, on fasse la somme de ce que nous
apprennent toutes les études précises qui ont été effectuées sur ce
que fait la police. Je pense que des pays comme la Belgique et le
Canada, dont les cauchemars ne sont pas peuplés par des tours de
Babel, peuvent jouer un rôle éminent de passeur de ce que l’on sait
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61
ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
5. QUELQUES RÉFLEXIONS
AU TITRE D’ÉPILOGUE
MONSIEUR HERMAN DE CROO, PRÉSIDENT DE LA CHAMBRE
DES REPRÉSENANTS
C’est un réel plaisir pour moi de vous saluer toutes et tous et je vous
saurais gré de bien vouloir pardonner mon retard. Permettez-moi
d’exprimer toute ma satisfaction quant à l’existence de deux centres
d’études sur la police – situation que, Monsieur le professeur de
l’Université de Montréal, vous comprenez aisément de par le bilinguisme qui caractérise aussi votre pays. S’il existait – et s’il existe
toujours – un centre d’études néerlandophone, le Centrum voor
politiestudies, dont deux des acteurs incontournables sont Messieurs
Lode Van Outrive et Paul Ponsaers, l’heure est à présent venue d’inaugurer le Centre d’études sur la police.
Les interventions d’hommes de terrain tels que Messieurs Smits,
Tange et Duhaut, le procureur général Ladrière, compagnon d’étude et ami depuis de nombreuses années, et enfin celles de Messieurs
Cobut et Gillis m’ont permis de constater les efforts qu’ils ont
déployés en vue d’effectuer un «galop d’essai» dans le domaine de
l’étude scientifique de la police et de développer différentes considérations à ce sujet.
« J’ai 35 ans de Maison », comme on le dit ici ; je suis un parlementaire d’une grande ancienneté et il m’a même été donné de présider
la Commission d’accompagnement du Comité permanent P au cours
de ces quatre dernières années. La collaboration avec Monsieur
Vandoren, Monsieur Bourdoux ainsi que d’autres collègues m’a
offert moult occasions d’ouvrir les yeux sur certains points et de les
approfondir sur la base d’études fouillées.
Vous le savez sans doute aussi, j’ai encore la qualité de maire d’une
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63
CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
petite ville et de responsable de la zone de police de ma région.
Aussi le domaine policier ne m’est-il pas inconnu; j’ai conscience de
ce que représente un tel travail sur le terrain et dans la vie de tous
les jours.
naturellement – est fondamentalement bon. Tout contrôle préalable ou intrusion dans la vie privée par des écoutes téléphoniques,
enquêtes ou autres moyens est dès lors à bannir. Il existe du côté
politique une sorte de disponibilité perpétuelle à l’indignation. La
police agit et est parfois amenée de par les circonstances à moins
bien agir. Or, le fait est que les médias ont un faible – et surtout un
fort – pour souligner ce type de situations. Il importe de s’y arrêter
et de mener une réflexion à cet égard.
Il importe de préciser qu’il est ici question d’un centre d’études sur
la police et non sur les polices, ce qui, en soi, représente déjà une
importante évolution par rapport à la situation d’après-guerre dans
laquelle nos communes connaissaient différentes sortes de police :
la gendarmerie, la police judiciaire près les parquets et la police
communale. Sans compter la diversité qui existait d’une ville à l’autre, voire d’une commune à l’autre. Des efforts non négligeables en
matière de recherche ont déjà été consentis par le passé. C’est
d’ailleurs dans ce contexte que des écoles provinciales de police ont
aussi été créées, leur but ayant été d’améliorer le niveau de recrutement et de formation de base des polices municipales.
J’ai également l’honneur et le plaisir, comme d’aucuns le savent,
d’être professeur à l’Université libre de Bruxelles VUB. Ce qui m’a
toujours frappé à ce titre, c’est qu’il est bon de parfois se méfier des
professeurs « détenteurs » de la science qu’on leur attribue et de la
manière dont la société pourrait s’en servir. En effet, on leur confie
souvent – peut-être même trop souvent – les problèmes qui s’avèrent difficiles voire inextricables, avec pour résultat que lesdits problèmes se complexifient encore un peu plus ou semblent encore
plus insolubles. Je plaiderais cependant pour l’optimisme car la
science et la recherche permettent malgré tout d’analyser toute une
série de sujets, de trouver des éléments de correspondance plus
généraux et universels, et enfin de mettre le tout par écrit, ce qui
est en quelque sorte rassurant.
On constate au sein du monde politique et scientifique une sorte
de croyance « à la Rousseau » selon laquelle l’homme – et la femme
64
La démocratie est une valeur aussi fondamentale que complexe.
Jusqu’où va la séparation des pouvoirs, l’inquisition nécessaire et
constructive ? C’est ce qui me permet de dire que les différentes
polices pratiquent une forme d’autocontrôle. Soit on décide d’édicter des préceptes absolus et le moindre dérapage est alors sanctionnable voire sanctionné, soit on forme « convenablement » les personnes afin qu’elles puissent, avec talent et ingéniosité, « s’autobien conduire » au sens policier et sociétal du terme. On suppose
donc qu’il y ait à la fois considération pour la police, formation et
indépendance d’action dans les limites du contrôle démocratique.
Un tel contrôle démocratique est parfois gênant. Nous en faisons
chaque jour l’expérience, tant au Parlement qu’au Comité permanent de contrôle des services de police. Monsieur Brodeur, je sais
que vous avez vous-même fait partie du Comité du contrôle des
polices au Québec et que, par conséquent, vous connaissez un peu
le système. Soit on intervient au nom de la démocratie, pouvoir
suprême et synonyme de souveraineté temporaire (puisqu’elle peut
être modifiée, adaptée et contrôlée), soit on instaure une mentalité de permanence et de légitimité de la justice, qu’elle commence
pourtant à perdre au travers de certaines administrations. La permanence des cadres administratifs, la sécurité du système de perpétuité sont battues en brèche sous de tels systèmes ou situations en
Belgique que l’on appelle parfois « Copernic ». L’attribution des
65
CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
mandats s’applique également à la police et à la justice, ce qui est
loin d’être une mauvaise chose.
mineures sont confiées à du personnel non spécifiquement policier.
En d’autres termes, des tâches de rapportage et de détection sont
confiées à des citoyens qui n’ont pas une autorité mais une perceptivité. Le risque est néanmoins de voir la police se réfugier dans une
sorte de système scientifique, mentalement et matériellement interventionniste en ce sens qu’elle deviendrait une réserve d’intervention permanente. Ils constituent en quelque sorte un ressort bien
serré avec sa prévention, ses enquêtes, sa détection, sa disponibilité
et sa rapidité d’intervention. C’est ainsi que la gendarmerie est devenue dans le passé une « force civile » au département de l’Intérieur.
Les polices sont toujours nombreuses et diversifiées. Elles créent une
sorte de mentalité de disponibilité optimale dans la recherche, la
défense policière au sens actif du terme et l’autogestion de son
contrôle, de sa perception des choses et de sa raison de police
comme la raison d’État. Tout cela, vis-à-vis d’un pouvoir politique
qui, par définition versatile dans sa variabilité, peut créer un État
dans l’État devant un système démocratique qui a du mal à l’encadrer totalement dans sa perception et qui est limité par ses besoins
de confidentialité. Un État qui se créerait dans l’État – ce qui n’est
fort heureusement pas le cas en Belgique – permettrait peut-être
d’obtenir une rentabilité convenable et une efficacité certaine par
rapport à la grande criminalité et au terrorisme mais il faut garder
à l’esprit qu’il n’existerait aucun recours face à une sorte de parallélisme démocratique. Il est évident que la démocratie pêche parfois
par manque d’efficacité ou de sérieux, qu’elle peut être spectaculaire ou médiatique. Pourtant, l’absence d’une correspondance permanente ou de possibilités de correspondance optimales entre la police et cette sorte de variabilité démocratique provoquerait tôt ou
tard des divergences, séparations et contradictions auxquelles la police ne survivrait pas. La démocratie même n’y survivrait pas.
Il se pose dans tous les cas une question épineuse : faut-il créer une
sorte d’autonomie de corps, de recherche, de prévention, de bras
séculier de la répression qui s’autogère ? Ou faut-il en faire un
instrument de justice et éventuellement de politique? Je me suis
toujours efforcé, au cours de ma vie publique déjà bien longue, de
conserver une certaine distance – d’aucuns prétendront à l’instar
d’un « Bismark » –, de laisser faire au maximum le corps organisé et
structuré de la police ainsi que celui de la justice. Un éclairage scientifique, des thèses, des concertations et analyses, des miroirs où l’on
peut à la fois se voir et se percevoir n’en restent pas moins incontournables.
Vous avez abordé à la fin de votre synthèse la délicate question du
caractère privatisant des services publics, notamment des polices.
Nous connaissons un système de privatisation sournois des services
de police dont il faudrait à la fois se méfier et s’enquérir. La privatisation concerne un tiers des 50 000 hommes et femmes au service
de la Nation, disposant, bien entendu, de fonctions limitées et
contrôlées qui relèvent de services de protection privée. S’ajoute à
cela une sorte de frange qui suscite en moi quelque préoccupation:
les « buurtinformatienetwerken », comme on les appelle en néerlandais. Il s’agit de citoyens organisés à la façon des anciennes gardes civiques qui, finalement, égratignent une partie du pouvoir. Il
s’agit d’une situation dangereuse qui, si elle ne fait pas l’objet d’une
attention permanente du monde politique, constituerait un danger pour les régimes.
Ces citoyens s’occupent également de tâches casuelles, «déchargent» surtout l’ancienne police communale d’une série de missions
qu’elle assumait auparavant, ce qui est positif puisque les tâches
66
Il est donc juste que ces questions, recherches et attentes fassent
67
CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
l’objet d’un examen approfondi du monde universitaire, en correspondance avec le monde de la pratique policière journalière.
Telle est probablement l’une des pierres de touche de la séance
inaugurale de ce Centre d’études sur la police.
Monsieur le Professeur, Mesdames et Messieurs du monde académique, je souhaite rappeler que notre pays connaît une certaine
propension à l’autosuffisance : que ce soit le professeur d’une université néerlandophone ou celui d’une université francophone, chacun s’estime supérieur à l’autre dans sa recherche de connaissances.
Une telle attitude revient à occulter le besoin d’échanges de valeurs
universelles et de concepts scientifiques. Permettez-moi, Mesdames
et Messieurs, de vous souhaiter une fructueuse collaboration avec
le Centrum voor Politiestudies.
Ni au sein du Comité permanent de contrôle des services de police
ni au Comité permanent de contrôle des services de renseignements, je n’ai relevé de distinctions d’ordre philosophique ou linguistique. Les professeurs d’universités et les chercheurs ne connaissent pas non plus de frontières d’ordre linguistique, politique
ou structurel. Mon vœu est que le Centre d’études sur la police
connaisse également cet état d’esprit, ainsi que les orateurs qui ont
eu l’amabilité d’intervenir aujourd’hui. Enfin, je tiens à vous remercier pour la qualité et la liberté de pensée qui ont présidé à l’ensemble des travaux.
6. LISTE DES PARTICIPANTS
Monsieur J.-F. Adam, chef de zone ;
Monsieur M. Adans-Dester, commissaire divisionnaire CGL ;
Monsieur P. Aerts, capitaine, accompagné de Monsieur M. Haem,
école de Roubaix ;
Monsieur M. Arend, chef de zone ;
Monsieur Atilgan, officier en stage de la police fédérale ;
Madame J. Balcaen, aspirant inspecteur principal, accompagnée
de Monsieur B. Dupuis ;
Monsieur Y. Berrendorf, directeur coordinateur administratif ;
Monsieur E. Berton, chef de zone ;
Monsieur Cl. Bottamedi, chef de zone ;
Monsieur J.-M. Brabant, chef de zone ;
Madame D. Branders-Reinier, bourgmestre-présidente de la ville
de Châtelet ;
Monsieur M. Celliere, directeur coordinateur administratif ;
Monsieur J.-M. Chaumont, chercher au FNRS et professeur à l’UCL ;
Monsieur J.-M. Claes, directeur coordinateur administratif ;
Monsieur E. Cobut, directeur des relations internes police fédérale ;
Monsieur Ph. Dangin, commandant de police ;
Monsieur R. Dantine, aspirant inspecteur principal POSA Liège ;
Monsieur Fr. Daubechies, psychologue ;
Monsieur J. De Lentdecker, avocat général, accompagné de
Monsieur A. Van Oudenhove, procureur général ;
68
69
CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
Monsieur C. De Troch, directeur général police fédérale ;
Monsieur R. Deblire, commissaire, consultant CGL ;
Madame V. Deblire, collaboratrice Convention Police – Centre pour
l’égalité des chances, accompagnée de Monsieur Cl. Modolo ;
Monsieur M. Haem, directeur de l’École nationale de polcie
de Roubaix ;
Monsieur G. Hardy, chef de zone ;
Monsieur Y. Hendrix, commissaire de police ;
Monsieur G. Deconinck, criminologue ;
Monsieur J.-P. Henin, chef de zone ;
Monsieur E. Dehon, conseiller-adjoint ministère de la Justice ;
Monsieur M. Herbiet, professeur à l’ULg ;
Monsieur G. Dejaiffe, adjoint chef de corps, accompagné de
Monsieur J. Vigneron, chef de zone ;
Monsieur J. Hezel, directeur judiciaire ;
Monsieur M. Delpierre, directeur du Centre de formation
du Brabant ;
Monsieur D. Kutgen, chef de zone ;
Monsieur L. Demol, chef de zone ;
Monsieur D. Deridder, directeur coordinateur administratif ;
Monsieur G. Jomaux, chef de zone ;
Monsieur F. Kubiak, directeur judiciaire ;
Monsieur G. Ladrière, procureur général ;
Monsieur J.-P. Legros, chef de zone ;
Monsieur A. Desenfants, directeur coordinateur administratif ;
Monsieur J. Leroy, secrétaire à l’Académie de police de Namur ;
Madame M. Desseille, directrice de l’École nationale de recherche ;
Monsieur O. Libois, chef de zone ;
Madame M.-S. Devresse, assistante à l’UCL ;
Madame Cl. Lobet-Maris, professeur au FUNDP ;
Monsieur J.-P. Donneux, directeur judiciaire ;
Monsieur P. Ludinant, directeur judiciaire ;
Monsieur J.-P. Doraene, directeur judiciaire ;
Monsieur A. Mahaux, directeur de formation ;
Madame V. Druitte, journaliste RTBF ;
Monsieur E. Maillet, chef de zone ;
Monsieur A. Dûchatelet, directeur général des ressources humaines
police fédérale ;
Monsieur Chr. Marchal, directeur coordinateur administratif ;
Monsieur B. Dupuis, conseiller police fédérale Inforevue ;
Monsieur J.-Ph. Elise, directeur judiciaire ;
Monsieur M. Fontaine, directeur judiciaire ;
Monsieur J.-L. Galetta, chef de zone ;
Monsieur Fr. Goffaux, chef de zone ;
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ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
Monsieur Th. Marchandise, procureur du Roi ;
Monsieur O. Marichal, CP POSA Liège ;
Monsieur Ph. Mary, professeur ;
Monsieur P. Maton, chef de zone ;
Monsieur A. Maudechon, commissaire de police DPL ; accompagné
de Ph. Boisdequin, chef de zone ;
71
CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
Monsieur Cl. Michaux, procureur du Roi ;
Madame S. Smeets, maître de conférence ;
Monsieur Cl. Modolo, coordinateur du service formation Centre
pour l’égalité des chances ;
Monsieur M. Smits, directeur de l’académie de police de Jurbise
et président du CEP ;
Monsieur E. Moulard, chef de zone ;
Monsieur M. Terf, CP POSA Liège ;
Monsieur D. Nisolle, assistant social, criminologue SPAP Baudour,
accompagné de Fr. Daubechies ;
Monsieur C. Tange, chercheur au Centre de recherches criminologiques de l’Université Libre de Bruxelles et vice-président du CEP ;
Monsieur J.-P. Ohles, directeur CEIP ;
Madame F. Toro, assistante de recherche de l’unité criminologie
de l’UCL ;
Monsieur D. Pernet, secrétaire-adjoint Commission permanente ;
Monsieur M. Petit, directeur de l’École nationale des officiers ;
Monsieur P. Petry, chef de service, criminologue, direction des
relations avec la police locale ;
Monsieur Pinnewaert, officier de liaison, cabinet du gouverneur
de l’arrondissement de Bruxelles-Capitale ;
Monsieur Chr. Pinot, coordinateur appui fédéral ;
Monsieur E. Platteau, DGP / DPF / GSD ;
Monsieur J.-Cl. Podlecki, directeur de l’Académie de police
de Namur ;
Monsieur B. Renard, assistant de recherche INCC ;
Monsieur J. Rener, directeur adjoint de l’École de police de Liège ;
Monsieur M. Rompen, directeur coordinateur administratif ;
Monsieur A. Schmit, directeur coordinateur administratif ;
Monsieur L. Trillet, inspecteur général adjoint police fédérale ;
Monsieur L. Tromont, secrétaire Académie de police de Jurbise,
secrétaire administratif CEP ;
Madame N. Van Coppenolle, commissaire de police, accompagnée
de Madame Fr. Biot, représente le cabinet du ministre Van
Cauwenberghe ;
Monsieur J.-Cl. Van Geem, CDP ;
Monsieur D. Van Nuffel, président de la Commission permanente ;
Monsieur Lode Van Outrive, professeur émérite à la KUL ;
Monsieur J.-Cl. Van Ouytsel, directeur ERIP ;
Monsieur G. Van Wymersch, inspecteur général adjoint police
fédérale ;
Monsieur M. Vande Waele, commissaire divisionnaire adjoint
chef de zone ;
Monsieur D. Schreiber, commissaire d’arrondissement, représente
le gouverneur de la province du Hainaut ;
Monsieur P. Vandeberghe, conseiller adjoint SPF Intérieur ;
Monsieur V. Seron, service criminologie de l’ULg ;
Monsieur Verbrugghe, directeur de cabinet du gouverneur de
l’arrondissement de Bruxelles-Capitale ;
Monsieur Y. Sieuw, chef de zone ;
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ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
Monsieur J. Vandenbosch, chef de zone ;
73
CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
7. RÉFÉRENCES
Monsieur Chr. Voreux, lieutenant ;
Monsieur J. Waelput, commissaire adjoint ;
Madame A. Wyvekens, responsable du département de la recherche et de la valorisation IHESI Paris ;
1
Nous faisons référence à la présentation de Y. Cartuyvels, le 28 février 2003, dans le cadre des interlabos du GERN, d’une recherche
réalisée au sein du Centre d’études sociologiques des FUSL.
2
Bourdoux, G. L., « Réaction », in Mary Ph., dir., Le système pénal
en Belgique. Bilan critique des connaissances, Bruxelles Bruylant,
Collection de l’École des sciences criminologiques, 2002, pp. 89-95.
3
Van Outrive, L., « Réaction », in Mary Ph., dir., Le système pénal
en Belgique. Bilan critique des connaissances, Bruxelles Bruylant,
Collection de l’École des sciences criminologiques, 2002.
4
De Laet, C. et Van Outrive, L., «Actualités bibliographiques: recherches sur la police, 1978-1982. Première et deuxième partie »,
Déviance et Société, 1984, vol. 8, n° 3, pp.267-294 et vol. 8, n° 4,
pp.377-414.
5
Conférence de presse du ministre de l’Intérieur du 19 mars 1991,
intitulée « Police communale, sécurité des citoyens et recherche
scientifique ».
6
Comme le souligne L. Van Outrive, seuls les commissions parlementaires et les chercheurs sur fonds propres abordent quelque
peu ces questions (2002).
7
Institut national de criminologie et de criminalistique, Service de
la politique criminelle et, dans une certaine mesure, le Service
général d’appui policier qui se trouve aujourd’hui intégré au sein
de la police fédérale (avec ses capacités de réalisation d’études
sur base d’outils qu’il produit et administre, par exemple le moniteur de sécurité ou les ex-statistiques criminelles interpolicières
intégrées).
8
Van Outrive, L. (2002).
Représentants de la presse.
74
75
CENTRE D’ÉTUDES SUR LA POLICE
76
9
Dans le cadre de la Soirée anniversaire de la revue Les Cahiers de
la sécurité intérieure qui s’est tenue le 6 février 2003 à Paris (Institut des Hautes Études de la Sécurité Intérieure), tout en s’interrogeant sur l’existence et la teneur d’un « modèle anglo-saxon »
de police, ils se sont livrés à un examen de la question de l’apport
envisageable de la part de la recherche au travail de police.
10
Texte de l’Assemblée Générale Constitutive de l’ASBL CEP du
19 novembre 2002, Jurbise, p.1.
11
Cf. DELARUE, D. et DUHAUT, G., « Leadership policier : un mot
d’ordre, flexibilité ! », in Duhaut, G., Ponsaers, P., Pyl, G., et Van
de Sompel, R., Eds, Pour suite d’enquête…, Essais sur la police et
son rôle dans notre société, Bruxelles, Politeia, 2002, pp. 599 et s.
Voir aussi VAILLANCOURT, R., «Présentation du colloque – L’environnement externe et interne de l’intervention policière. Essai de
synthèse », Les objectifs de recherche en matière policière, actes
du colloque des 27 et 28 novembre 2001, Québec, École Nationale
de Police du Québec, 2002, pp. 9 et s.
12
GAGNON-GAUDEREAU, L., «Discours d’ouverture», op. cit., pp.19
et s.
13
ALAIN, M., «Modalités de recherche en matière policière au Québec
et ailleurs… », op. cit., p. 34.
14
Police Fédérale, Projet de plan national de sécurité 2003-2004,
version du 11 février 2003, p.29.
15
GAGNE, Fl. « Une lecture de l’environnement de l’intervention
policière le point de vue des organisations policières », Les objectifs de recherche en matière policière, op. cit., p.42.
16
STACEY, R, in Strategic Management and Organisational Dynamics,
Pitman, London, 1996.
17
EMERY, Y et GIAUQUE, D, «Le dilemme motivationnel des agents
ÉTUDIER LA POLICE : UNE NÉCESSITÉ DÉMOCRATIQUE
publics. Régulations émergentes au sein d’organisations publiques engagées dans des réformes de type ‘nouvelle gestion
publique’ et leurs impacts sur la motivation du travail », in
DUVILLIER, T., GENARD, J.-L. et PIRAUX, A, Sld., La motivation au
travail dans les services publics, L'harmattan, Paris, 2003.
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