Abbaye de Vaucelles - Les Learning Centers - Région Nord

Transcription

Abbaye de Vaucelles - Les Learning Centers - Région Nord
Abbaye de Vaucelles
Vers la restitution numérique
de l’Abbaye de Vaucelles
Archéologie
du bâti
Abbaye de Vaucelles (Les-Rues-des-Vignes, 59)
palais abbatial
E 1.4
E 1.5
E 1.6
E 1.3
E 1.2
E 1.1
N
N
E 1.4
E 1.3
XII e siècle (1149-1179)
E 1.6
E 1.5
XIIIe siècle
E 1.2
fin XIV e - XVI e siècle
E 1.1
XVIIIe siècle
XIXe siècle
XXe siècle
Aile orientale, rez-de-chaussée : plan actuel et état au XIIe siècle
(relevés et DAO S. Conan, 2012).
0 1
5
10 m
Restitution sans certitude
(Travail en cours susceptible d'être modifié)
Une discipline scientifique
Dans les années 1980, l’archéologie du bâti se développe tout
d’abord dans le cadre de travaux de rénovation urbaine. Si elle
appartient à l’archéologie classique, elle concerne plus spécialement
l’étude des bâtiments en élévation, qu’ils soient religieux, militaires
ou civils.
Cette nouvelle pratique emprunte à l’archéologie sédimentaire la
méthode d’analyse. Il s’agit, à l’instar d’une fouille, de décomposer
les structures bâties d’un édifice en allant de son épiderme –
l’enduit ou le badigeon visible – vers son cœur – la maçonnerie
primitive – et cela du sol au faîte de la structure.
Chaque évènement ou action décelable – construction, destruction,
transformation ou restauration d’un mur, d’une porte, etc. – est
enregistré comme Unité Stratigraphique (U.S.) avant d’être l’objet
d’une description détaillée. Ce travail normalisé s’accompagne de
relevés d’ensemble (plan et élévation), de relevés pierre à pierre
et d’une couverture photographique comme support de l’analyse.
Cette méthode, destructrice lorsqu’elle nécessite la fouille ou
le démontage d’une partie des murs ou des structures, permet
de reconnaître les différentes phases de construction et de
modifications d’un bâtiment, de mesurer l’organisation du chantier
et de connaître une partie de son histoire.
Grâce à l’identification de phases bien différenciées,
l’archéologue du bâti propose une chronologie relative de la
construction, précisée à l’aide d’éléments datants, tels que le
type d’un appareil de maçonnerie, la forme d’une porte ou d’une
fenêtre, ou le style d’un décor. Il fait également appel aux textes
ainsi qu’à des disciplines de laboratoire comme, par exemple,
la dendrochronologie et la datation au 14C qui autorisent une
datation absolue de la construction.
De l’intérêt porté aux techniques de construction et aux méthodes
de façonnage des matériaux il résulte que l’archéologue du bâti
s’intéresse autant aux formes qu’aux hommes qui les ont engendrées
(maîtres d’œuvre et artisans) ou suscitées (commanditaires),
ouvrant ainsi le champ de l’archéologie à celui de l’anthropologie.
Escalier du dortoir, état postérieur au Moyen Âge et détruit
au milieu du XXe siècle. Reproduction d’une photographie
conservée à la DRAC du Nord-Pas de Calais.
Des études préalables aux travaux de restauration
L’archéologue du bâti intervient généralement avant la restauration
d’un édifice, voire avant sa destruction, pour permettre d’en
garder une trace.
Le rôle de l’archéologue du bâti, auquel sont adjoints d’autres
spécialistes (en histoire, en métallographie, en pétrographie, en
conservation/restauration, en méthodes de datation, etc.), est
primordial pour rendre compte de la nature des matériaux utilisés,
de leur mise en œuvre, de la présence de décors peints dissimulés
sous des enduits postérieurs, de l’organisation et de la distribution
primitive des espaces.
Son étude offre aux différents intervenants – les services de l’état,
les architectes en chef des Monuments historiques (ACMH) et les
architectes du patrimoine – des données à la fois indispensables
sur l’histoire de l’édifice et son état de conservation, et nécessaires
pour nourrir la réflexion sur le choix de restauration ou de mise en
valeur le plus pertinent.
Seul un dialogue constant entre les différents intervenants peut
mener à une plus grande connaissance de notre patrimoine et,
par-là même, à une meilleure conservation et valorisation auprès
des publics.
Salle capitulaire (photographie S. Conan).
Les précurseurs
Dans le prolongement des travaux de restauration de la SainteChapelle par Duban et de ceux de Saint-Denis par Debret
durant la décennie 1830, en 1840 Prosper Mérimée confie à
Viollet-le-Duc le chantier de la basilique Sainte-Marie-Madeleine de
Vézelay. À partir de cette décennie, la Commission des Monuments
historiques et le Service des édifices diocésains ouvrent divers chantiers
dans toute la France.
Ces entreprises de restauration favorisent l’étude archéologique des
monuments et la naissance d’une nouvelle discipline : l’archéologie du bâti.
Cette dernière a pour objet une étude indépendante des monuments que
le chercheur investit au même titre qu’un document écrit.
Dès 1843 en effet, Viollet-le-Duc et Lassus, dans le cadre du chantier
de Notre-Dame de Paris, insistent sur l’intérêt d’étudier le bâti pour luimême et sans confrontation avec une éventuelle recherche en archives.
La démarche est réaffirmée en 1845 par Ludovic Vitet, président de
la Commission des Monuments historiques, dans sa monographie de la
cathédrale de Noyon1.
Dès lors, et à la faveur des connaissances apportées par d’autres comme
Arcisse de Caumont et Raymond Bordeaux, l’étude matérielle des
monuments est inaugurée et, parallèlement, des outils d’enregistrement
sont créés, comme l’attachement polychrome ou l’estampage.
Le monument devient la source première de sa connaissance.
Saint-Sernin de Toulouse chevet restauré.
Eugène Viollet-Le-Duc.
© Photo RMN-Grand Palais - D. Arnaudet.
1
Vitet L., Monographie de l’église
de Notre-Dame de Noyon, plans, coupes,
élévations et détails de Daniel Ramée,
Paris,1845.
Le projet
scientifique
Abbaye cistercienne de Vaucelles, vue aérienne (collection particulière).
Située à une dizaine de kilomètres au sud de Cambrai, dans la vallée de l’Escaut, l’abbaye est fondée en 1131 par Hugues
d’Oisy. Dès sa fondation, le succès de l’abbaye de Vaucelles est considérable. La première église en pierre du lieu-dit,
Vallis cella, est consacrée le 26 mai 1149 tandis que les bâtiments réguliers sont achevés à la fin des années 1170. L’abbatiale
est reconstruite entre 1190 et 1235. Son chevet est reproduit au XIIIe siècle par Villard de Honnecourt dans son Carnet1 . De
cette nouvelle église, la plus grande église cistercienne d’Europe, il ne reste rien puisqu’elle sert de carrière après sa vente
à la Révolution. Classée Monuments historiques en 1920, l’abbaye est ensuite acquise dans les années 1970 par une société
privée et ouverte au public.
La restitution 3D
Le Learning Center de l’université Lille 3 est thématisé en Archéologie/
Égyptologie. Il s’appuie donc sur deux disciplines importantes de
l’enseignement et de la recherche de l’université et a pour mission
de valoriser la richesse des collections et des ressources aussi
bien muséales que documentaires de l’établissement, d’informer
et d’initier le public sur ces disciplines, en collaboration avec ses
partenaires tant au niveau régional, que national et international.
Lieu de transmission et de médiation, le Learning Center place
l’innovation pédagogique, la démocratisation des savoirs et l’accès
aux connaissances au cœur de son projet. La création du Learning
Center est inscrite dans le cadre du Plan Campus et du Contrat de
projets État-Région 2007-2013, en lien avec la rénovation de la
Bibliothèque centrale de l’université Lille 3, et est placée sous la
maîtrise d’ouvrage de la Région Nord-Pas de Calais.
Le Learning Center inscrit l’étude de l’abbaye de Vaucelles au
centre d’un programme de recherche, d’inventaire et d’innovation
pédagogique. Le projet est d’offrir, sur le fondement d’une étude
exhaustive des vestiges matériels, des textes et de l’iconographie,
une restitution virtuelle en 3D de l’ensemble des bâtiments grâce
à l’image numérique, à l’instar de ce qui a été fait avec qualité à
l’abbaye de Cluny, en Bourgogne. Ce travail ambitieux et de longue
haleine nécessite la participation d’une équipe pluridisciplinaire.
becHΜANN R., ERLANDE-BRANDENBURG A., GIMPEL J. et pernoud r., Carnet de Villard de Honnecourt : d’après le manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale
de Paris, n˚19093, Paris, 1986.
1
Vue du lapidaire en cours d’inventaire
(photographies S. Conan)
La méthode de travail
L’inventaire lapidaire
Ce projet est l’occasion de faire le point sur les connaissances de
l’abbaye et de commencer une étude détaillée des vestiges.
Les pierres appartenant à l’abbaye, encore éparses sur le site,
sont nombreuses. Celles-ci proviennent probablement des fouilles
successives et des oublis, l’abbaye ayant servi de carrière. Certaines
pierres ont été récupérées et remployées dans les nouvelles
constructions du XIXe siècle.
Aujourd’hui, l’objectif est de procéder à un inventaire le plus
complet possible de l’ensemble de ces éléments, de les regrouper
et de les protéger des intempéries. L’inventaire consiste en une
base de données dans laquelle chaque élément est décrit, mesuré,
photographié. À chaque fois que cela est possible, la provenance
de l’élément est donnée (l’abbatiale, le réfectoire, le cloître, etc.), sa
localisation et sa fonction précisées (voûte, piédroit, arc, etc.).
Cet enregistrement rigoureux des éléments s’inscrit dans l’étude
globale de l’abbaye afin de rendre possible une restitution de
l’abbatiale et des bâtiments monastiques.
Aile orientale, dortoir : restitution d’un support engagé recevant
la retombée des croisées d’ogives qui couvraient l’espace
au XIIe siècle (photographie, relevé et DAO, S. Conan).
Tailloir
Chapiteau
à godrons
Culot
fenêtre du XIXe siècle
fenêtre du XIXe siècle
traces du support laissées sur les pierres retaillées.
ébrasement gauche d’une fenêtre médiévale masquée par l’ébrasement d’une
nouvelle fenêtre construite au XIXe siècle.
XIIe siècle (1149-1179)
Reprise XVe siècle ?
tailloir et chapiteau à godrons de la salle nord du rez-de-chaussée (E1.5).
XIXe et XXe siècles
L’étude globale de l’abbaye
L’étude est complétée par celle des résultats, pour certains
encore inédits, des fouilles exécutées aux XIXe et XXe siècles. Une
opération menée en 1988, par Bernard Florin et Denis Gaillard,
sur le chevet de l’abbatiale a permis de vérifier que son plan
correspondait bien au dessin exécuté par Villard de Honnecourt
au XIIIe siècle.
Des bâtiments monastiques ne subsistent aujourd’hui en élévation
que l’aile qui fermait le cloître à l’est. Bel exemple caractéristique
de l’architecture cistercienne, le rez-de-chaussée comprend la
sacristie, la salle du chapitre, le passage, le parloir et la salle
des moines, et le premier étage est occupé par le dortoir. Restent
encore des caves médiévales, sous le palais abbatial reconstruit
au XVIIIe siècle, et une partie du bâtiment des convers qui longeait
l’aile ouest du cloître. Un aqueduc court encore à l’est du bâtiment
des moines.
L’ensemble des données recueillies, accompagné d’une recherche
en archives, va permettre à terme de proposer une restitution de
l’abbatiale et des bâtiments monastiques, de sa fondation à sa
fermeture après la Révolution.
L’archéologie du bâti porte aujourd’hui un nouveau regard sur
ces bâtiments. Chaque espace est l’objet d’un plan d’ensemble
et de détails. Chaque élévation est décortiquée afin de bien
comprendre la construction, l’organisation des bâtiments et leur
distribution originelles ainsi que les transformations opérées
jusqu’à nos jours.
La connaissance de l’abbaye de Vaucelles nous permettra de nous
interroger sur la place de l’abbaye dans la création architecturale
du Moyen Âge et sur son influence au niveau régional. Cette
étude s’inscrit également dans une dynamique forte, comme en
témoignent les recherches menées ces dernières années sur les
abbayes cisterciennes de la région telles que Marquette ou Loos.
Vue cavalière du XVIIe siècle, Archives départementales
du Nord, 50Fi1673 (reproduction S. Conan).
Les acteurs du projet
Martine Benoit,
Vice-présidente déléguée Humanités numériques
et Documentation en charge du Learning Center
Archéologie/Égyptologie, Université Lille 3.
Sandrine Conan,
Archéologue du bâti et doctorante en histoire de l’art
médiéval : « L’abbaye cistercienne de Vaucelles aux XIIe
et XIIIe siècles : étude archéologique et architecturale »,
sous la direction de Christian Heck, Université Lille 3.
Camille De Visscher,
Porteur de projet - mission Learning Center Archéologie/
Égyptologie, Université Lille 3.
Catherine Fallara-Kemicha,
Conseillère technique projet « Learning Centers », Conseil
Régional Nord-Pas de Calais.
Alain, Marie-Maxellende et Anne Lagoutte,
Propriétaires de l’abbaye de Vaucelles.
Serge Schneidermann,
Chef de projet « Learning Centers », Conseil Régional
Nord-Pas de Calais.
Responsables de la rédaction : Sandrine Conan, Camille De Visscher, Arnaud Timbert l Conception - réalisation : Cellule Communication Lille 3
Impression : Imprimerie Lille 3 l Crédits photographiques : Sandrine Conan, Lucile Gueuret, Abbaye de Vaucelles l Janvier 2013
l