Le Paon du Congo une sombre histoire de plumes

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Le Paon du Congo une sombre histoire de plumes
Le Paon du Congo
une sombre histoire de plumes
C'est un oiseau mystérieux dont la découverte est tout aussi étonnante comme peut
l'être son rattachement à la Famille des Phasianidés et au genre Pavo. En Effet, il est le seul
représentant de la Famille des Phasianidés sur le continent africain, à plusieurs milliers de
kilomètres de ses plus proches cousins. Cette espèce est endémique en République
Démocratique du Congo.
Officiellement répertorié en 1936, il fut pourtant
évoqué dès 1591 par Filippo PIGAFETTA, qui en parle
dans son ouvrage « Relatione del reame di Congo et
delle circonvicine contrade). Il décrit l'usage
ornementale fait
par les indigènes des
plumes
d'autruches et d'un autre oiseau , le paon, pour la
confection des étendards et des drapeaux de guerre. Il
écrit également que l'élevage des paons un monopole
royale .
En 1637, Pierre d'AVITY décrit également dans
son ouvrage «Description générale de l'Afrique » des oiseaux connus des indigènes de la
« basse Ethiopie », territoire qui correspond aujourd'hui à la limite entre le Congo et
l'Angola. Les plumes et la description furent attribuées à un autre oiseau le Touraco géant
(Corythaela cristata).
Au début du 20ème siècle, la zoologie
ne connaît aucune espèce de paon en Afrique.
En 1909, le Muséum américain d'Histoires
Naturelles envoie une expédition au Congo
belge dirigée par le naturaliste allemand
Herbert LANG (1879-1957) et son assistant
James Paul CHAPIN (1889-1964). En 1913,
CHAPIN se trouve à AVAKUBI , dans la forêt
d' ITURI, où une coiffure de plumes d'un
indigène attire son attention. L'une des
plumes était rayée transversalement et qui
peut être identifiée comme appartenant à un
GALLIFORMES.
En 1915, de retour aux Etats-Unis,
l'ornithologue ne put que confirmer que la
plume n'appartenait à aucun oiseau connu.
Mais il fallut attendre 1936, pour que cette
nouvelle espèce soit décrite après que
CHAPIN ne puisse comparer la plume avec
celles de deux spécimens naturalisés, détenus
par le Musée du Congo belge de
TERVUEREN , en Belgique. Ces deux oiseaux, reçus de la Compagnie du Kasaï en 1914,
avaient été répertoriés dans le catalogue comme « Pavo cristatus, jeunes,importés». Il est
particulièrement étonnant que personne n'ait remarqué que l'on envoyé d'Afrique des
oiseaux originaires d'Asie. En 1937, de retour au CONGO, CHAPIN put capturer plusieurs
spécimens et ainsi les décrire. Ses conclusions furent publiées dans la Revue de Zoologie et
de Botanique Africaines (XXIX, I, 1936, p.2). Le récit complet de cette découverte livré par
CHAPIN lui-même figure dans le livre de Jean DELACOUR, « Tous les Faisans du
Monde ».
Le paon du Congo a longtemps fasciné les ornithologistes à cause de sa position
phylogénétique et de son inhabituelle zone géographique de distribution. Tandis que
certains chercheurs ont placé l'Afropavo comme un taxon voisin des vrais paons, Pavo ,
d'autres ont suggéré un lien avec la pintade ou une perdrix du vieux monde, Francolinus.
Ces opinions divergentes sont dues en partie dans un premier temps à des caractères
morphologiques uniques, à l'absence d'une ornementation élaborée et au système
d'accouplement monogame du Paon du Congo qui le différencie des autres Paons. Il
convient d'ajouter à ces éléments la zone de distribution réduite de l'Afropavo au Zaïre qui
est très éloignée de la zone de distribution asiatique de toutes les autres espèces de
Faisans.
Le Paon du Congo, Afropavo congensis, est donc probablement le plus célèbre des
oiseaux d'Afrique , à cause de son aire de distribution géographique inhabituelle et de ces
incertaines affinités taxonomiques qui ont laissé perplexes les ornithologistes depuis sa
découverte par CHAPIN en 1936. CHAPIN plaça initialement Afropavo dans un genre
mono spécifique allié des vrais paons , les espèces du groupe Pavo. Cependant, Afropavo
montre de substantielles différences morphologiques avec le genre Pavo. Par exemple,
chez Afropavo, le dimorphisme sexuel est léger. Au contrairement au genre Pavo,
Afropavo a perdu la traîne spectaculaire aux plumes spécialisées contenant les ocelles.
Au côté de ces différences dans le degré de dimorphisme sexuel, Afropavo diffère
également du genre Pavo dans son comportement de reproduction. Afropavo est
monogame, forme des couples durables dans le temps et pond de petites pontes de trois
oeufs environ. A l'opposé, Pavo est polygyne ou volage, n'établit pas de couple et les
femelles peuvent pondre six œufs ou plus.
La distribution unique, le comportement reproducteur ainsi que la morphologie du
Paon du Congo ont suscité plusieurs hypothèses sur ses relations parmi les Galliformes.
Une majorité d'études a conclu que le Paon du Congo était suffisamment distinct pour
justifier un placement dans une sous-famille mono-spécifique, les Afropavoninae.
Cependant, il existe un désaccord au sujet du placement chez les Galliformes. En se basant
sur les caractères anatomiques, VERHEYEN (1956) observa que les Afropavoninae étaient
plus proches de la pintade africaine. Mainardi (1963) utilisant les différences
immunologiques, trouva que le genre Pavo était plus proche de la pintade, et conclut qu'il
était mieux de relier Afropavo à la pintade. Ghigi (1949) décrit Afropavo comme un
francolin aberrant, et suggéra que les Afropavoninae soient rattachés au Francolinus et aux
pintades.
D'autres études ont démontré un
relation entre Afropavo et Pavo.
Une étude génétique réalisée en
1997 a conclu au placement de Afropavo
et de Pavo dans un clade qui est une
partie des Faisans et de la lignée des
perdrix. Cela renforce les conclusions
initiales de CHAPIN (1936) et de ceux
qui ont basé ce classement sur la
morphologie. Ce rapport étroit est
surprenant compte tenu des différences
morphologiques et comportementales entre Afropavo et Pavo alors que la divergence entre
Afropavo et Pavo n'est seulement plus anciennes dans le temps que de deux ou trois
périodes équivalentes à la divergence entre les deux espèces similaires de Paons (Paon
bleu et Paon vert) qui date elle, d' il y a d'environ 70,000 ans.
La distribution géographique d' Afropavo est unique parmi les Faisans , mais pas
inexplicable. Une passerelle a existé entre l'Asie et l'Afrique au Miocène (17 millions
d'années), permettant la dispersion des espèces entre ces deux continents. Cette hypothèse
est confortée par les similarités entre l' avifaune indienne et éthiopienne. Des découvertes
de fossiles suggèrent que les Paons avaient une aire de distribution plus vaste que celle
d'aujourd'hui , avec des fossiles datant du Pliocène découverts en France et en Moldavie ,
identifiés comme étant du genre Pavo , et distinct d' Afropavo. Ces fossiles montrent que la
distribution moderne du genre Pavo est du à une diminution de son aire de distribution au
Pliocène ou Pléistocène , et que la présence d' Afropavo en Afrique peut être le relief d'une
distribution plus ancienne de l'ancêtre de Pavo et Afropavo qui incluait l'Afrique, l'Asie et
l'Europe.
La chronologie de cette divergence entre les espèces s'appuie sur de multiples
lignées de fossiles. Ceci inclut les fossiles de Pavo datant du Pliocène, 4 Millions d'années,
le début de la radiation entre les faisans et les perdrix approximativement il y a 32 millions
d'années et la divergence entre les Pintades et les Faisans entre 35 et 40 millions d'années.
La divergence du pré-Pliocène entre Afropavo et Pavo est elle aussi confortée par la
découverte de fossiles.
Afropavo n'a pas le riche plumage iridescent qui est présent chez les mâles des deux
autres espèces de Pavo. Le plus frappant chez Afropavo est l'absence complète de la traîne
ornementale supportant les ocelles, pour laquelle les espèces Pavo sont si célèbres. Pavo et
Argusianus possèdent toutes deux des plumes ocellées, suggérant par ailleurs que leurs
absences chez Afropavo représente soit la perte de ce caractère, soit que les ocelles sont
apparues indépendamment chez Pavo et Argusianus. La distribution des ocelles et la
structure spécialisée des plumes ocellées est unique pour chaque taxon, suggérant que leur
élaboration n'est apparue qu'après la divergence de chaque lignage, même si les ocelles
sont primitives. Les espèces Pavo ont des ocelles uniquement sur les longues plumes de
couvertures de la queue. Au contraire, les ocelles chez Argusianus sont concentrées sur les
très longues plumes secondaires de l'aile, tandis que la queue et les sus-caudales n'ont pas
d'ocelles.
Aujourd'hui, cette espèce est classée comme vulnérable par l'UICN. Ce classement
se justifie par la petite taille de sa population (estimée entre 2500 et 10,000 individus) qui
est supposée être en déclin en raison de la chasse et de la destruction de son habitat,
phénomène accentué par la guerre qui ravage la région et les réfugiés. Des études récentes
ont montré que de large territoire de son aire de distribution était inoccupée ce qui
implique que sa population est morcelée en petites sous-populations.
IDENTIFICATION :
Le mâle mesure environ 64 à 70 centimètres. Oiseau
timide aux parties supérieures vertes. Les mâles sont le plus
souvent de couleur bleu foncé avec un mélange de vert
métallique et de teinte pourpre et ont une queue plus courte
(sans ocelle) que les espèces asiatiques. La crête verticale qu'ils
portent sur la tête est blanche en partie avant avec quelques
plumes sombres à l'arrière. La face nue est gris bleuâtre et celle
du cou nu est rouge vif , le bec est gris plombé et les pattes sont
grises. Ils possèdent un éperon blanchâtre à chaque patte. Les plumes de couverture des
ailes, de la poitrine et l'extrémité des plumes de queue sont bleu-violet. L' Iris est brun
foncé.
La femelle qui est elle aussi très différente des paons asiatiques, est légèrement plus
petite (entre 60 et 63 centimètres, la couronne et la huppe sont roux-châtain, comme la
nuque et l'arrière du cou. Une poitrine rousse ainsi que les parties inférieures, le ventre est
noir. Le dos et les parties supérieures sont vert métallique.
Il semble que le Paon du Congo soit monogame. La saison de reproduction semble
dépendre de la pluviométrie locale.
Les œufs sont roux fauve, sans taches, mesurant environ 58-60 x 45-49 mm .
L'incubation dure environ 26 jours par la femelle seule. En captivité, ils déposent leur
ponte de 2 à 4 œufs dans un nid surélevé ou sur des plates-formes placés à environ 1,50 m
(5 pieds) du sol. Les poussins dépendent énormément des insectes au cours de leur
première semaine d'existence.
Son cri qui ne retentit que la nuit est en réalité un duo d'environ 20 à 30 répétitions
entre la femelle et le mâle celui-ci émettant le cri le plus haut « gowe » tandis que la
femelle lui répond par un « gowe » plus bas. Ces duos sont généralement précédés de
gloussement bas « ar rro-ho-ho-oa ».
REPARTITION & POPULATIONS :
Le Paon du Congo est présent dans la partie Est de la
République Démocratique du Congo (RDC). Des recherches
menées en 1993-1995 ont confirmé sa présence dans 13 des 20
zones d'enquête, bien qu'il ne soit pas abondant dans toutes. Ces
travaux ont également permis d'identifier de nouveaux sites qui
étendent l'aire de répartition au nord-est dans la forêt d' ITURI.
On le trouve ensuite au nord de la rivière LOMAKO et le long de la
rivière YEKOKORA ainsi que plus au sud, entre les rivières
SANKURU et LUKENIE. Les forêts entre les rivières LOMANI et
CONGO pourraient également abriter des concentrations importantes, mais les
informations provenant de cette zone restent limitées.
Son habitat se compose de plusieurs types de forêts mais il apparaît souvent sur les
pentes entre les bassins hydrographiques sur des sols supportant des forêts sèches avec un
sous-bois ouvert. Cette espèce semble préférer la haute canopée et les sols recouverts. Sa
faible densité et sa répartition irrégulière peuvent correspondre en partie avec la
disponibilité limitée de ce type d'habitat. Son régime alimentaire ne semble pas être
spécialisé, il a été observé mangeant des fruits des diverses espèces d'arbres communes
dans la région mais aussi des insectes et d'autre invertébrés.
MENACES & CONSERVATION :
Historiquement, sa population a probablement été réduite à cause de la
déforestation et de la chasse. Aujourd'hui, son habitat est en train de disparaître, en
plusieurs endroits, à cause de l'exploitation minière, de l'agriculture de subsistance et de
l'exploitation forestière. L'exploitation minière et les activités humaines qui y sont
associées impliquent l'accès à des zones jusque-là protégées, à l'augmentation de la
pression de la chasse de subsistance et commerciale. La surveillance et les sondages ont
révélé une augmentation de la pression de la chasse dans la région de Kisangani et au
autour du Parc National de la SALONGA. Le taux de capture pour cette espèce pour
chaque village autour du Parc National de SALONGA est d'environ 20 oiseaux par an qui
sont piégés par des pièges en fil de fer qui sont parfois appâtés. Ces pièges en fil de fer
fixes qui sont normalement utilisés pour la capture des petits mammifères et des antilopes
sont très répandus. De plus, les œufs de ces oiseaux sont ramassés. La présence de
combattants de la guérilla et d'un grand nombre de réfugiés venus du RWANDA dans l'est
de la République Démocratique du Congo depuis 1994 pèsent également comme une
menace en raison de la pression de la chasse et de la destruction de l'habitat.
Les mesures de conservation de cette espèce sont en cours. Cette espèce a été étudié
en détail au Zoo d'Anvers depuis le début du programme d'élevage qui a débuté en 1962, y
compris des travaux de recherches sur la taxonomie. Des tentatives d'élevage en captivité
ont aussi été réalisées dans d'autres parcs zoologiques à travers le Monde, même si tous ces
efforts sont limités par des difficultés telles que la grande sensibilité de cette espèce aux
maladies. Le cheptel captif s'élève à environ 120 spécimens. Seule espèce de faisan
africain, très rare et seulement détenue dans des zoos de renommée mondiale tels que le
zoo d’ANVERS, le BURGER ZOO, les zoo de ROTTERDAM, de LOS ANGELES et le parc
de WALSRODE. La conservation de cette espèce passe donc par des populations vivant
dans des zones protégées où la chasse pourrait être limitée ou interdite. Actuellement,
d'importantes populations existent les parcs nationaux de MAIKO et probablement
également dans le parc de SALONGA où subsiste un réel potentiel de conservation à long
terme. Plusieurs nouveaux projets concernant la conservation des forêts situées dans la
zone de présence de l'espèce sont en cours de développement et des recherches écologiques
sont menées dans le parc de SALONGA.
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