Revue belge de numismatique et de sigillographie

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Revue belge de numismatique et de sigillographie
1
.
REVUE BELGE
DE
NUMISMATIQUE
ET DE SIGILLOGRAPHIE
SOUS LES AUSPICES DE LA SOCIÉTÉ ROYALE DE NUMISMATIQUE.
DIRECTEURS
MM.
li
V«B.
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JONGHE,lkC"> Th.
d«
:
LIMBURG-STIKUM ktA.de W1TTE.
SOIXANTE-SEPTIÈME ANNÉE.
BRUXELLES
J.
GOEMAERE, IMPRIMEUR DU ROI,
^Rue de
la
Limite. 2
191
1
237
une monnaie
Dissertation inédite sur
d'Auguste,
M.
écrite
vers
i73o
par
Bally de Montcarra.
F.-S.
Flodoard-Sébastien Bally de Montcarra (i6gi1767), conseiller
réuni,
au XVIII
e
au Parlement de Dauphiné, a
siècle,
une importante collection
de monnaies qui, en 1907, a passé par héritage
entre les
mains de M.
Viry (Haute-Savoie).
le
comte Pierre de Viry, à
Ne s'occupant pas de numis-
matique, M. de Viry a jugé à propos de se défaire
de cette collection qui a été vendue du 24 au
26 février 190g, par les soins de
MM. Spink et Son,
à Londres.
La
collection de Montcarra était
accompagnée
de quelques centaines de lettres adressées jadis à
M. Bally de Montcarra par divers numismates de
l'époque; on y trouve aussi quelques dissertations
restées manuscrites et le catalogue de plusieurs
collections.
M.
le
comte de Viry a bien voulu nous confier
dont il sera rendu compte
cet intéressant dossier,
dans un des prochains fascicules de
de numismatique.
M
Revue
suisse
Nous en détachons aujourd'hui
une dissertation anonyme, mais
minute par
la
écrite à l'état de
Bally de Montcarra. Elle était pro-
238
bablement destinée
M. de Mazaugues, con-
soit à
au Parlement de Provence,
seiller
Bimard de
au baron
soit
encore à l'abbé Charles
la Bastie, soit
de Rothelin, correspondants assidus de M. Bally
de Montcarra.
Explication d'une médaille d'Auguste
La
tête
Au
d'Auguste, sans légende.
revers
un capricorne avec un
Derrière
globe.
le
capricorne paroit une corne d'abondance. Pour légende
Augustus.
M.
Vaillant a
donné
l'explication de cette médaille en
suivant un guide avec lequel
s'égarer.
Il
semble
il
suppose qu'elle a esté frappée en mémoire de
l'heureuse naissance d'Auguste, sous
corne, ob felices,
Il
est
s'est
ne pouvoit
qu'il
dit-il,
le
signe du Capri-
sub Capricorni sidère natales.
fondé, sans doute, sur
le
passage de Suétone où
rapporté qu'Auguste étant à Apollonie, avant
la
de César (Suétone, Vie d'Auguste, p. 225, ad usum)
ayant consulté l'astrologue Théogène pour sçavoir
nements que
le sort
luy préparoit;
nion de sa destinée, entendant
logue, qu'il publia
de
la
monnoye
étoit le signe
fati
il
les
conçut une
luy-mesme son horoscope
sous lequel
ut
il
étoit né,
et
y
les évé-
telle
opi-
prédictions de l'astro-
d'argent, avec la figure
Augustus habuit
il
mort
et fit battre
du Capricorne qui
tantam
mox fiduciam
nummum-
thema suum vulgaverit
239
que argenteum nota sideris Capricorni quo natus
Ce sont
percusserit.
Qui ne
daille
les
paroles de Suétone.
M.
croiroit, avec
découverte
que
et
est,
Vaillant,
toute
que voilà notre mérecherche
autre
seroit
superflue.
Cependant
et
attention aux paroles
cements de
d'abandonner
l'on sera forcé
de convenir que Suétone
la vie
s'est
trompé,
si
cette explication
l'on fait
mesmes de Suétone sur
d'Auguste
et
les
quelque
commen-
à ce que tous les historiens
ont écrit pareillement du temps de
naissance de ce
la
prince.
Natus
Augustus,
est
de septembre.
bres, c'est-à-dire le 23
Dion (Dio.
mensem
quum
lib.
55i), dans la
p.
vie
d'Auguste
:
Augustum nominavit. Quod nomen
Septembri, quo mense natus esset Augustus,
ipse sextilem prœtulit;
indere vellent,
primum
55,
sextilem,
alii
Suétone, nono calendas Octo-
dit
consul factus, etc
(Ibid., lib. 56, p. 587)
,
vixit
:
et
dans
quod eo mense
un autre endroit
annos septuaginta quinque,
menses decem, dies viginti sex, siquidem natus
est
nono
calendas octobris.
Voilà donc
par Suétone
la
naissance d'Auguste établie par
mesme dans
personne n'ignore que
Capricorne que vers
le
entrer ensuite dans celuy
et
mois de septembre. Cependant
le
le
Dion
Soleil n'entre
21
dans
le
signe
du
du mois de décembre, pour
du Verseau au mesme temps du
mois suivant. L'explication du commentateur de Suétone
qui, pour concilier cet autheur avec luy-mesme, veut enten-
dre du temps de
il
est dit qu'il
bien frivole
est
la
conception d'Auguste
né sous
quand on
le
le
passage où
signe du Capricorne paroit
réfléchit sur les paroles
de l'autheur
qui ne pouvoit exprimer sa pensée plus clairement que par
240
ces
mots
:
nummumque argent eum
quo natus
Tous
nota sideris Capricorni
est percusserit.
les
simboles d'ailleurs que renferme
le tipe
de cette
médaille nous conduisent à une explication entièrement
conforme
à
divers traits
On
vie d'Auguste.
Antoine
défait
et
lit
que
l'histoire
nous apprend de
la
dans Dion qu'Auguste, après avoir
Cléopâtre à
bataille d'Actium, après
la
avoir réduit l'Egypte en province et soumis à sa domina-
Rome,
tion tous les peuples de l'Asie, revint à
où
ses victoires furent célébrées par trois
l'an
725,
triomphes consé-
cutifs. (Ibid., lib. 5i, p. 458.)
L'année suivante,
s'étant affermi
dans son autorité par
ses soins à procurer l'abondance et la félicité publique,
crut pouvoir hazarder
lademandeau Sénat
de l'administration des affaires
souveraine puissance entre
Mais
le
Sénat
et le
et
d'estre déchargé
proposa de rétablir
mains de
les
il
la
la
République.
peuple, ainsy qu'Auguste l'avoit prévu,
bien loin de consentir qu'il se démit de la suprême authorité, la
luy confirma, dans
premiers jours de
les
l'an
(Ibid., lib. 53, pp. 5o2-5o6), avec tous les titres qui
roient la relever davantage, et
règlements pour augmenter son
cette
année
même temps divers
pouvoir. On peut regarder
fit
en
comme un nouveau commencement
pour Auguste
et
l'entier
727
pour-
de règne
établissement de sa puissance.
C'est à cette occasion sans doute qu'il faut rapporter l'ins-
cription de Gruter dans laquelle on
lit
(Gruter, p. 229),
qu'Auguste avoit commencé son empire sur toute
le
la terre
7 de janvier. C'est véritablement en ce temps que règne
la constellation
qui est
du Capricorne;
marqué par
senté au devant
c'est
cette médaille.
donc
cet
événement
Le globe qui
du Capricorne désigne
la
est repré-
souveraine puis-
sance attribuée à Auguste sur tout ce qui
obéissoit
à
24
La corne d'abondance exprime
l'empire romain.
et la
fe'licité
et à ses
bonheur
le
de l'empire, dus principalement à ses travaux
grands exploits. La le'gende Augustus est encore
une nouvelle preuve de l'explication qu'on propose, puisque
mesme
ce fut sous celte
jours seulement après l'arrest
peuple
et le
p. 5o6),
lui
donnèrent
comme pour
sacré et de divin qui
l'élevoit
du Capricorne, dix
constellation
le
du 7
nom
e
janvier,
que
le
d'Auguste (Ibid.,
Sénat
lib.
53,
exprimer en luy quelque chose de
le
distinguoit particulièrement et qui
au-dessus des autres hommes.
L'argumentation de M. de Montcarra, semble
revenir à ceci
:
lorsque Suétone indique
sance d'Auguste (23 septembre),
la
il
la
nais-
veut parler de
naissance de l'homme (Caïusjulius CaesarOcta-
vianus), tandis que lorsqu'il parle de la naissance
comme
du prince,
s'étant produite sous le signe
du Capricorne,
il entend désigner la naissance du
suprêmes honneurs de l'empire, la
naissance de l'Auguste, événement qui aurait été
dignitaire aux
rappelé par la
On
monnaie
ci-dessus.
pourrait faire observeraussi, et cela à l'avan-
tage de l'hypothèse de M. de Montcarra, que
Suétone avait voulu
faire allusion
à
d'Auguste à côté de sa naissance,
doute mentionné
avant
le
le
si
la
conception
il
aurait sans
premier de ces événements
second, c'est-à-dire qu'en premier lieu
il
nous aurait
dit qu'Auguste était né sous le signe
du Capricorne (conception), puis ensuite qu'il
était
né
le
23 septembre (naissance
qu'il a interverti ces
deux époques.
réelle),
tandis
242
Nous avons communiqué
la dissertation
de
M. de Montcarra à M. Imhoof Blumer qui nous a
répondu ce qui suit
:
«
Comme
on a
roscope d'Antiochus
sur
la
le
dernièrement
établi
Commagène
de
I
jour de naissance du
conception,
il
l'horoscope d'Auguste, né
janvier, soit
»
se base
non
mais sur celui de
roi,
le
23 septembre, se cal-
mois plus
donc sous
que l'ho-
permis de supposer que
est bien
cule également neuf
(1)
le
tôt, soit
décembre-
signe du Capricorne.
L'explication proposée dans la dissertation
est ingénieuse, nouvelle et serait
cante
s'il
faisait
que des contes.
était possible
presque convain-
de dire que Suétone ne
»
Nous n'avons garde de contredire notre savant
ami. Nous nous bornerons seulement à lui faire
observer que Suétone, en nous parlant de nais-
sance alors qu'il s'agissait de conception, nous
aurait fait en réalité un conte tout aussi... oriental
que
si
par naissance
il
avait voulu désigner l'avè-
nement de l'empereur à
mée par
le
mot
l'ultime puissance expri-
Auguste.
Eug. Demole.
(1)
Humann
1890, p. 333.
t.
gf
Puchstein, Reisen in Kleinasien wid Syrie. Berlin,
— Gardthausen,
II, p. 18, etc.
Augustus und seine
Zeit. Berlin, 1891,