HDA Renaud Hexagone - Histoire sans parole

Transcription

HDA Renaud Hexagone - Histoire sans parole
HDA – Hexagone, Renaud
Ils s'embrassent au mois de Janvier,
car une nouvelle année commence,
Ils commémorent au mois de juin
un débarquement d'Normandie,
mais depuis des éternités
ils pensent au brave soldat ricain
l'a pas tell'ment changé la France.
qu'est v'nu se faire tuer loin d'chez lui,
Passent les jours et les semaines,
ils oublient qu'à l'abri des bombes,
y a qu'le décor qui évolue,
les Français criaient "Vive Pétain",
la mentalité est la même :
qu'ils étaient bien planqués à Londres,
tous des tocards, tous des faux culs.
qu'y avait pas beaucoup d'Jean Moulin.
Ils sont pas lourds, en février,
Etre né sous l'signe de l'hexagone,
à se souvenir de Charonne,
des matraqueurs assermentés
qui fignolèrent leur besogne,
la France est un pays de flics,
c'est pas la gloire, en vérité,
et le roi des cons, sur son trône,
me dites pas qu'il est portugais.
à tous les coins d'rue y'en a 100,
Ils font la fête au mois d'juillet,
pour faire régner l'ordre public
en souv'nir d'une révolution
ils assassinent impunément.
qui n'a jamais éliminé
la misère et l'exploitation,
Quand on exécute au mois d'mars,
ils s'abreuvent de bals populaires,
de l'autr' côté des Pyrénées,
d'feux d'artifice et de flonflons,
un anarchiste du Pays basque,
pour lui apprendre à s'révolter,
ils pensent oublier dans la bière
qu'ils sont gouvernés comme des pions.
ils crient, ils pleurent et ils s'indignent
de cette immonde mise à mort,
Au mois d'août c'est la liberté,
mais ils oublient qu'la guillotine
après une longue année d'usine,
chez nous aussi fonctionne encore.
ils crient : "Vive les congés payés",
ils oublient un peu la machine,
Etre né sous l'signe de l'hexagone,
en Espagne, en Grèce ou en France,
et le roi des cons, sur son trône,
et par leur unique présence,
c'est pas c'qu'on fait d'mieux en c'moment,
j'parierai pas qu'il est all'mand.
ils vont polluer toutes les plages,
abîmer tous les paysages.
On leur a dit, au mois d'avril,
Lorsqu'en septembre on assassine,
à la télé, dans les journaux,
un peuple et une liberté,
de pas se découvrir d'un fil,
au cœur de l'Amérique latine,
que l'printemps c'était pour bientôt,
ils sont pas nombreux à gueuler,
les vieux principes du seizième siècle,
un ambassadeur se ramène,
et les vieilles traditions débiles,
bras ouverts il est accueilli,
ils les appliquent tous à la lettre,
le fascisme c'est la gangrène
y m'font pitié ces imbéciles.
à Santiago comme à Paris.
Ils se souviennent, au mois de mai,
Etre né sous l'signe de l'hexagone,
d'un sang qui coula rouge et noir,
d'une révolution manquée
qui faillit renverser l'Histoire,
j'me souviens surtout d'ces moutons,
effrayés par la Liberté,
s'en allant voter par millions
pour l'ordre et la sécurité.
c'est vraiment pas une sinécure,
et le roi des cons, sur son trône,
il est français, ça j'en suis sûr.
Finies les vendanges en octobre,
le raisin fermente en tonneaux,
ils sont très fiers de leurs vignobles,
leurs "Côtes-du-Rhône" et leurs "Bordeaux",
ils exportent le sang de la terre
un peu partout à l'étranger,
leur pinard et leur camembert
c'est leur seule gloire à ces tarés.
En Novembre, au salon d'l'auto,
ils vont admirer par milliers
l'dernier modèle de chez Peugeot,
qu'ils pourront jamais se payer,
la bagnole, la télé, l'tiercé,
c'est l'opium du peuple de France,
lui supprimer c'est le tuer,
c'est une drogue à accoutumance.
En décembre c'est l'apothéose,
la grande bouffe et les p'tits cadeaux,
ils sont toujours aussi moroses,
mais y a d'la joie dans les ghettos,
la Terre peut s'arrêter d'tourner,
ils rat'ront pas leur réveillon;
moi j'voudrais tous les voir crever,
étouffés de dinde aux marrons.
Etre né sous l'signe de l'hexagone,
on peut pas dire qu'ca soit bandant
si l'roi des cons perdait son trône,
y aurait 50 millions de prétendants
Paroles et musique : Renaud Séchan
Titre extrait de l’album Amoureux de Paname, 1975
Titre
Hexagone
Auteur
Compositeur
Renaud Séchan (1952-)
Genre
Chanson française
Interprète
Identification :
1975
De quoi parle-ton ?
Contexte historique –
Trouver dans le texte la
phrase qui rappelle ce
contexte
Période des Trente Glorieuses, de croissance
économique incarnée politiquement par de
Gaulle (1958-1969) puis G. Pompidou (19691975).
C’est une période d’émergence d’une
contestation juvénile et étudiante qui trouve son
apogée avec la révolte de mai 1968 en France et
dans le monde.
Durée
5 min 32
-
Elle se compose de quatre couplets de 3
strophes, chaque couplet étant consacré à un
trimestre dans la vie des Français (le premier
couplet évoque les mois de janvier, février et
Le texte :
- structure,
- versification,
- rimes
- niveau de langue
mars, le deuxième couplet évoque les mois
d’avril, mai et juin…). Le texte est très long
contrairement aux habitudes de la chanson
française.
vers.
-
Description :
-
Que voit-on ?
Chaque strophe est composée de huit
Les rimes sont croisées (ABAB) et pauvres
Renaud
utilise un
familier et parfois du verlan
Qu’entend-on ?
langage populaire,
Renaud passe en revue, mois après mois, les
Thème de la chanson
tares qu’il attribue au peuple français, sur un
ton sarcastique, mais néanmoins très dur. C’est
un portrait satirique de la France et surtout des
Français. Il dit ses quatre vérités à la France.
On entend un harmonica et une guitare sèche.
La musique
Une batterie apparaît lors du refrain.
Hautbois ?
Elle ne comprend que 2 accords à la guitare.
Avec ce titre rageur, Renaud se lance dans une
dénonciation en règle de tout ce qu'il exècre. Et
le moins que l'on puisse dire, c'est que tout le
monde en prend pour son grade. Dans la veine
Analyse : Que
signifie cette
œuvre ?
Anarchiste et libertaire,
anarchiste et libertaire de ses débuts, il propose
violemment le monde
certaines de ses pages les plus sombres, en
Renaud critique
dans lequel il vit. Que
déteste-t-il d’après
cette chanson ?
sa version de l'histoire de France en évoquant
égrenant les mois d'une année :
- En janvier, il dénonce le conservatisme
ambiant.
- Février lui permet d'évoquer l'assassinat par
la police de 9 personnes qui manifestaient, le 8
février 1962, "pour la paix en Algérie et contre
l'OAS", au métro Charonne. Cette manifestation
avait été interdite par le gouvenement mais elle
a eu lieu quand même et le préfet de police de
Paris, M. Papon, qui avait en tant que préfet de
Bordeaux donné l’ordre de déportation des Juifs
de Gironde pendant la guerre, donne l’ordre de
répliquer.
- En mars, il pourfend l'attitude de la France
qui continue d'exécuter. Il faudra en effet
attendre 1981, avec l'élection de François
Mitterrand, pour la peine de mort soit enfin
abolie. L'Espagne, qui vient pourtant tout juste
de sortir de la dictature, la précède de trois
ans... Renaud met en parallèle la situation de la
France et celle de l'Espagne franquiste, en
évoquant l'exécution de deux militants du MIL
dont l'anarchiste catalan Salvador Puig i Antich,
le 2 mars 1974.
- Avril lui donne l'occasion de se moquer des
expressions éculées ("en avril, ne te découvre
pas d'un fil") et plus généralement le caractère
traditionaliste des Français.
- Le mois de mai s'avère particulièrement
chargé puisque Renaud revient à la fois sur la
"Semaine sanglante" (du 22 au 28 mai 1871), qui
met un terme à l'expérience révolutionnaire de
la Commune de Paris ; mais aussi sur les
manifestations étudiantes de mai 1968 et le
triomphe électoral final des gaullistes à la fin du
mois de juin, qui sont parvenus à convaincre le
plus grand nombre de voter pour "l'ordre et la
sécurité" :
la
gauche
considérée
comme
responsable du désordre de mai 68 n’obtient que
91 sièges sur 394 pour le RPF de De Gaulle.
- En juin, en rupture avec l'exaltation de la
résistance française, Renaud rappelle que les
Français apportèrent dans l'ensemble un soutien
solide au maréchal Pétain, jusqu'à la Libération
du territoire. D'autre part, il assimile l'exil
londonien de nombreux résistants à une forme
de dérobade. Seule la résistance intérieure,
incarnée ici par Jean Moulin, trouve grâce à ses
yeux.
- La commémoration de la fête nationale et les
feux d'artifice qui accompagnent ce 14 juillet
permettent
à
Renaud
d'affirmer
que
la
Révolution française est restée inaboutie, une
révolution au seul bénéfice de la bourgeoisie en
quelque sorte.
- En août, le bon peuple de France oublie ses
soucis et son aliénation en partant en vacances.
Il rappelle cette conquête sociale du Front
Populaire qui date seulement de 1936 tout en
critiquant
ce
tourisme
de
masse
qui
se
développe.
- Renaud revient ensuite sur le coup d'Etat de
Pinochet le 11 septembre 1973 au Chili. Appuyé
en sous-main par la CIA, Pinochet renverse le
gouvernement
démocratiquement
élu
de
Salvador Allende (qui se suicide dans son palais
présidentiel).
- En octobre, le chanteur s'en prend aux
fleurons de la gastronomie française et image
stéréotypée des Français, le vin et le fromage.
- En
novembre
et
décembre,
il
dénonce
l'apathie des Français, le conformisme étriqué
dans lequel nous restons confinés en déformant
la citation de Karl Marx, « la religion c’est
l’opium du peuple ». Il fait allusion à la chanson
de Charles Trénet « Y a d’la joie », symbole de
l’aveuglement
et
de
l’optimisme
du
gouvernement français face à la montée du
nazisme.
Il évoque les pages noires de l’histoire du peuple
Et si on résume ces
douze attaques ?
français.
Il injure ses compatriotes qu’il traite de « cons »
« faux culs » « tocards » « imbéciles » ou encore
« tarés »
Pourquoi malgré la
censure de l’une des
seules radios de
L'originalité
des
paroles,
leur
irrévérence
expliquent sans aucun doute le statut culte de
cette chanson.
l’époque, France Inter,
le titre est-il un grand
succès ?
L’artiste engagé doit
défendre une cause, des
valeurs, veut dénoncer,
faire réfléchir et
émouvoir, l’indigner.
Il défend la liberté sous toutes ses formes :
liberté d’expression bien sûr, lutte contre
l’oppression et la dictature, lutte contre les
idées et le conformisme bourgeois
Quelles valeurs défend-il
ici ?
Style
Chanson engagée
-
Mourir pour des idées (Georges Brassens)
-
Les Anarchistes (Léo Ferré)
Quelles autres œuvres
Liens avec
d’autres œuvres
du panel ou hors panel
peuvent être en
résonnance avec cette
œuvre ? Pourquoi ?
-
Poulailler’s song (Alain Souchon)
Antisocial (Trust)
Un jour en France (Noir Désir)
-
Fils de France, Saez
-
Le bruit et l’odeur, Zebda
-
Regard critique/sensible.
Les bourgeois (Jacques Brel)
35 %, Arkol
Sunday bloody Sunday, U2
Je suis Charlie, J.B. Bullet