• L`homme qui tua Liberty Valance relu par Dumézil Ou comment les

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• L`homme qui tua Liberty Valance relu par Dumézil Ou comment les
 L’homme qui tua Liberty Valance relu par Dumézil
Ou comment les trois fonctions indo-européennes (belliqueuse, rituelle, fécondatrice)
se retrouvent dans le mythe de fondation Fordien
Stoddard, homme du Droit, est l’avatar de la fonction Juridico-religieuse
Stoddard est nommé par Wayne, tout au long du film : le Pèlerin --- the Pilgrim…
…. car le religieux, et le légal, sont toujours unis dans la triade fonctionnel indoeuropéenne: justice et religion sont deux faces de la même ‘fonction’. Il s’agit, en un
mot, de la fonction du rituelle (et le rite, c'est : l’ordre – Rta, en sanskrit).
(A Rome, dans la tripartition archaïque, cette fonction est associée à Jupiter-Fidès ---et, dans le mythe des origines, au roi Numa. )
--- Stoddard est aussi l’homme du Livre, et il y a un fil continu :
droit-religion-livre-lettre-…law and order (dharma - rta)
the Pilgrim incarne tout cela à la fois : il entrera au ‘temple de la Loi’ (le Sénat)
et si l’on ne parle pas de religion dans ce film, c'est peut être que le versant ‘religieux’
de la fonction rituelle est toute entier occulté par son versant ‘légal’
(remarques : Stoddard vient d’ailleurs, de l’extérieur – c'est souvent le cas de ceux qui
mettent en place l’ordre et la loi, recrutés à l’extérieur (les nomothètes dans les cités
grecques ; les brahmanes dans les principautés de l’inde)
 Wayne, est l’avatar de la fonction ‘belliqueuse’ (Mars Gradivus)
il est allié à la fonction religieuse (allié de Stoddard) , ce qui est courant dans le monde
indo-européen : il y a souvent alliance, en une double royauté , des dieux de Guerre et
des dieux de Rite :
alliance Guerre– Droit/religion
= alliance Shiva-Varuna ou Mars-Jupiter Fides
cependant, l’avatar de la fonction belliqueuse possède un double versant :
bénéfique et protecteur ( Mars protège , à Rome, le menu peuple agricole contre les
démons = Valance) mais aussi dangereux (lié à la violence ; double et jumeau du mal, du
démon, comme Wayne est double et jumeau équivoque de Valance)
 raison pour laquelle ce n’est pas Romulus qui instaure l’ordre, mais Numa :
Romulus, tout comme Wayne, disparaît – il s’efface, ne peut assurer de rôle légal, est
enlevé dans une nuée, puis divinisé, car on doit se débarasser, toujours, du fondateur (
trop lié à la violence pour permettre à l’ordre de s’installer).
   de manière dialectique, Wayne comme Valance sont ‘aufgehebt) (supprimésconservés-relevés). Ce sont les deux seuls à mourir, mais il meurent comme des
moments nécessaires à une fondation (was ewig im gesang muss im leben, muss im leben
untersertben – scripsit schiller)
 l’alliance Stoddard-Wayne, (i.e. héros juridicoreligieux-héros belliqueux) permet de
surmonter les Monstres de la primitivité (les héros ou dieux civilisateur de chaque
culture ont une fonction de ‘lutte contre les monstres’ symbole d’une ‘primivité’ préordonnée (Apollon contre Python, etc etc etc)
( dans la mythologie freudienne, cela donnera :
le meurtre du père, (le Mal, le Mâle) par les frères de la tribu)
avant qu’ils ne puissent entrer dans le temps de l’Union (fédérale)
Le mal --- ici, c'est liberty valance (le mal de la liberté ‘en cavale’
--- pulsion sadique ‘sans entrave’. Le démon qu’il faut exorciser, dont il faut balayer le
cadavre, sur le cadavre duquel il faut danser, pour bâtir un monde nouveau (celui du
droit, de l’état de droit).
Mais on comprend aussi que ce ne soit pas le représentant de la Loi (religieuse et rituelle
autant que juridique) qui tue le monstre. Il doit garder les mains propres (pour mieux
dire : les mains pures)
enfin, le shériff gros et gras, qui a une floppée d’enfants, est l’avatar de la fonction de
fécondité
(Quirinus, ou Brahma, que l’on a pu qualifier de ‘père faible’ ou ‘roi fainéant’)
il s’agit du représentant de la ripaille, de la fertilité ; proche du peuple, des
agriculteurs,des producteurs (classe des sudra ; plèbe). Il bâffre.
( noter l’omniprésence du versant orgiaque des cultes de fertilité :
ici présentifié par le saloon, l’alcool, la cantine, la popotte, la musique
noter également qu’il y a présence diffuse de cette troisième fonction, incarnée de
manière indisctincte par la foule des ‘petits propriétaires’. C'est une caractéristique de
la cette fonction : elle n’est pas polarisée sur des figures centrales, mais ‘rhizomatise’ en
une myriade de cultes et lieux liés à des personnages et divinités mineurs. (et il y aurait
une étude à faire sur le mode de rhizomatisatoin des cultes de fertilité non-monothéiste.
Deleuze l’avait bien vu)
dans ces conditions, pas étonnant que l’on retrouve le shériff au début du film (lorsque
la ville a prospéré) il est toujours aussi inutile (en apparence) mais son efficace passive
assure toujours la richesse de tous.
Remarques :
1 / pour preuve de l’alliance Droit-Justice-religion-Lettre :
Stoddard, the Pilgrim, devient professeur d’école ; il est missionnaire
(en Afrique, cce sont les pères blancs qui ont ‘lettré’ les ‘sauvages’
les missionnaires de deux monothéismes : christianisme, et islam
 cf : George Balandier, Afrique Ambiguë / Michel Leiris
Voir aussi le rôle des chrétiens dans l’apprentissage de l’écriture et dans l’instauratoin
du Droit écrit à Tahiti (Victor Segalen, Les immémoriaux)
Sans parler de Levi-Strauss (La leçon d’écriture --) et de Levi-Strauss relu par Derrida
(L’écriture et la différence). Voir aussi Goody (anthropologie de l’écrit)
Introduction, à chaque fois parallèle, de : lettre-livre-école-religion-droit-loi
 la violence originaire liée à la fondation du droit est un phénomène essentiellement lié,
me semble-t-il, au fait que le droit soit écrit (car lié à la violence originaire de l’écriture ;
archi-écriture et archi-violence du droit, deux facettes du même phénomène) ;
ceci est corrélé, également, aux schèmes de pensée induits par les religions monothéiqueet-monothétique du Livre et du Dieu Unique (même si l’on ne peut nier que les grecs
polythéistes n’ignoraient pas la violence du droit écrit.)
2 / la fonction religieuse est aussi celle dont relèvent les poètes et aédes. Car il y a
alliance normale entre l’inspiré, le poète, le ‘vates’ divin animé de la fureur poétique, et
le dieu qui l’inspire. Dès lors, on comprend l’alliance entre Stoddard et Peabody (ils
relèvent de la même fonction, sont tous deux liés à la lettre, et à ses prérogatives sacrées,
mais l’un du point de vue ‘ritualiste’, l’autre du point de vue ‘inspiré’.
Peabody, poète inspiré délirant (d’où l’alcool : il a besoin de ‘substances’ pour
composer) de l’âge de la presse. Et bien sûr, aède (il chante les aventures du pays, de ses
héros, il parle en public). Aède sans lequel le héros ne serait pas héros, car il n’aurait
pas de légende (c'est la presse, au début comme à la fin, qui forge les légendes).
3 / on peut aussi mettre sur le compte du fait que Stoddard incarne la fonction religieuse
son caractère peu ‘sexué’, au début du film, voir quelque peu bisexuel – avec des
attributs féminins (le tablier ) : le chamane est bisexuel ; le prêtre, souvent eunuque ou
astreint à des tabous sexuels. Il est, en tout cas et en principe, doté d’un statut
particulier (ce n’est pas un ‘he-man’ viril, guerrier).
Je pense que l’on pourrait encore mettre en évidence des caractéristiques de la parole et
du silence (sacrés, ou guerriers ; rituels, ou belliqueux) chez Stoddard et Wayne.