Thrombose aiguë du système porte

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Thrombose aiguë du système porte
© Masson, Paris, 1997.
Gastroenterol Clin Biol, 1997, 21, 919-923
Articles originaux
Thrombose aiguë du système porte
Traitement par alteplase et héparine ou héparine seule chez 10 malades.
Jean-Paul LAGASSE (1), Mohamed Larbi BAHALLAH (1), Naji SALEM (1), Gilles DEBILLON (2), Damien LABARRIÈRE (1),
Marie-Pierre SERVE (1), Véronique ADVENIER (2), Xavier CAUSSE (1), Jean-Louis LEGOUX (1)
(1) Service d’Hépato-Gastroentérologie, (2) Service de Radiologie, CHR, Orléans.
RÉSUMÉ
Objectifs. — Le but de notre étude était d’évaluer rétrospectivement l’effıcacité du traitement par alteplase (activateur
tissulaire du plasminogène) et héparine ou héparine seule en
cas de thrombose aiguë du système porte.
Méthodes. — Dix malades consécutifs ayant une thrombose
aiguë du système porte ont été évalués. Cinq malades ont été
traités par alteplase et héparine et 5 malades, asymptomatiques
ou ayant des contre-indications à l’alteplase, ont été traités par
héparine seule.
Résultats. — Nous avons observé une disparition de la
thrombose chez 3 des 5 malades traités par héparine et
alteplase, et une diminution de la taille du thrombus chez
2 malades. Nous avons observé une disparition de la thrombose
chez 4 des 5 malades traités par héparine seule ; chez un
malade, le traitement par héparine n’avait pas modifié la taille
du thrombus. Nous n’avons observé aucune complication
hémorragique.
Conclusions. — Le traitement par héparine semble un
traitement effıcace de la thrombose aiguë du système porte.
L’adjonction d’un traitement initial par l’alteplase n’apparaît
pas supérieure au traitement par l’héparine seule.
Mots-clés : Thrombose aiguë de la veine porte — Thrombose de la
veine mésentérique supérieure — Traitement anticoagulant — Traitement thrombolytique.
La thrombose du système porte est rare et ses
étiologies sont multiples (1). L’échographie abdominale
couplée au doppler est un examen non invasif, très
performant pour le diagnostic de thrombose du système
porte, et permettant un diagnostic précoce (1, 2). La
thrombose du système porte expose principalement à
deux complications : l’une immédiate, l’infarctus veineux
intestinal, l’autre retardée, l’hypertension portale par bloc
infra-hépatique (1, 3, 4).
Dans la littérature, les traitements anticoagulants
(5-12) et thrombolytiques (12-18) ont été considérés
comme efficaces pour traiter la thrombose récente du
système porte dans quelques observations. Le but de
notre étude était d’évaluer rétrospectivement l’efficacité
du traitement systémique, par un anticoagulant seul ou
Tirés à part : J.-P. LAGASSE, Service d’Hépato-Gastroentérologie, CHR, BP 6709, F-45067 Orléans Cedex 2.
Article reçu le 22 janvier 1997, accepté le 22 juillet 1997.
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Acute thrombosis of the portal venous system.
Systemic treatment with heparin and a recombinant tissue plasminogen activator or heparin
alone in 10 patients.
SUMMARY
Objectives. — We report the effıcacy of alteplase (a recombinant
tissue plasminogen activator) with heparin or heparin alone in
the treatment of acute thrombosis of the portal venous system.
Methods. — Ten consecutive patients with acute portal venous
system thrombosis were studied. Five patients were treated with
alteplase and heparin, and the remaining 5 patients, who were
asymptomatic or had a contraindication to alteplase, were
treated with heparin alone.
Results. — In 3 of the 5 patients treated with alteplase,
ultrasonography showed total resolution of the thrombus ; the
remaining 2 had partial resolution of the thrombus. In 4 of the
5 patients treated with heparin alone, ultrasonography showed
total resolution of the thrombus, and no change in one. No
bleeding occurred.
Conclusion. — Treatment with heparin can result in complete
recanalisation of acute portal venous system thombosis. These
data suggest that combined therapy with systemic alteplase
does not increase the effıcacy of heparin.
Key words: Acute portal vein thrombosis — Superior mesenteric vein
thrombosis — Anticoagulation — Thrombolytic therapy.
associé à un thrombolytique, de la thrombose aiguë du
système porte chez 10 malades.
MALADES ET MÉTHODES
MALADES
De 1992 à 1996, le diagnostic de thrombose aiguë du système
porte a été fait chez 10 malades consécutifs, 9 hommes et
1 femme, d’âge moyen 51 ans (extrêmes : 27-71 ans) (tableau 1). Les malades ayant une tumeur hépatique primitive ou
secondaire ont été exclus de cette étude.
Le diagnostic de thrombose aiguë du système porte avait été
fait dans 6 cas lors de douleurs abdominales d’apparition
récente, présentes en moyenne depuis 6 jours (extrêmes :
4-8 jours). Trois autres malades avaient été hospitalisés pour
exploration de douleurs abdominales aiguës. Dans 2 cas, une
hyperamylasémie et une hyperlipasémie étaient notées, et
l’échographie et la tomodensitométrie abdominales initiales
montraient des lésions de pancréatite aiguë et l’absence de
920
J.-P. LAGASSE ET AL.
Tableau 1. — Caractéristiques des 10 malades ayant une thrombose
aiguë du système porte.
Characteristics of 10 patients with acute thrombosis of the portal
venous system.
Cas Sexe Age
n°
(ans)
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
M
M
F
M
M
M
M
M
M
M
65
63
33
58
38
65
71
65
29
27
Siège
de la
thrombose
Etiologie
VP
VP
VMS
BPG
VP + VMS
VP + VS + VMS
BPG
BPG
VP + VS
VMS
cirrhose alcoolique
cirrhose alcoolique
contraception orale
déficit en protéine C
pancréatite alcoolique
cirrhose alcoolique
cirrhose alcoolique
angiocholite lithiasique
pancréatite alcoolique
syndrome myéloprolifératif
M : masculin ; F : féminin ; VP : veine porte ; VMS : veine
mésentérique supérieure ; BPG : branche porte gauche ; VS : veine
splénique.
thrombose du système porte ; respectivement 10 et 15 jours
après les premiers examens radiologiques, alors que ces
2 malades étaient asymptomatiques, une deuxième tomodensitométrie montrait une thrombose porte, confirmée par une
échographie couplée à un examen Doppler. Dans le cas du
troisième malade, une cholestase et une cytolyse hépatique
étaient notées ; l’échographie et la tomodensitométrie abdominales étaient initialement normales ; 15 jours plus tard, un
second examen tomodensitométrique abdominal montrait une
thrombose de la branche porte gauche confirmée par une
échographie couplée à un examen Doppler. Enfin, le diagnostic
de thrombose porte a été fait chez un malade asymptomatique
atteint de cirrhose alcoolique lors d’une échographie abdominale semestrielle systématique ; ce malade a été inclus dans
cette étude car l’échographie abdominale ne montrait pas de
cavernome portal, suggérant le caractère récent de la thrombose.
Les étiologies de la thrombose du système porte se
répartissaient comme suit (tableau 1) : 4 cas de cirrhose
alcoolique, 2 cas de pancréatite aiguë alcoolique, 1 cas d’angiocholite lithiasique, 1 cas de syndrome myéloprolifératif latent,
et 1 cas de déficit en protéine C ; enfin, chez une malade, la
seule cause identifiée était l’association de la prise d’un
contraceptif oral (Diane®) et d’une intoxication tabagique. Chez
les 4 malades atteints de cirrhose alcoolique, l’échographie et la
tomodensitométrie abdominales ne montraient pas de lésion
focalisée hépatique et la concentration sérique d’alphafœtoprotéine était normale ; il n’y avait pas eu de cytoponction
du thrombus.
DIAGNOSTIC DE LA THROMBOSE DU SYSTEME PORTE
Le diagnostic était fait par une tomodensitométrie abdominale ou une échographie couplée à un examen Doppler. Il était
affirmé dans tous les cas à l’échographie abdominale par la
présence de l’image échogène du thrombus dans la lumière de
la veine. Le siège de la thrombose (tableau 1) intéressait le tronc
porte dans 5 cas (de façon isolée dans 2 cas, associée à la
thrombose d’une autre veine dans 3 cas), la branche porte
gauche dans 3 cas, et la veine mésentérique supérieure dans
2 cas.
Une endoscopie digestive haute était systématiquement
réalisée avant traitement. Cinq malades avaient des signes
d’hypertension portale. Quatre d’entre eux avaient des varices
œsophagiennes, de stade I dans 1 cas, de stade II dans 2 cas, et
de stade III dans 1 cas ; 2 de ces malades avaient aussi des
varices cardiotubérositaires. Un malade avait uniquement des
varices cardiotubérositaires.
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TRAITEMENT
Le délai moyen entre l’apparition des symptômes et le début
du traitement était de 6 jours (extrêmes : 4-8 jours) en cas de
douleurs abdominales récentes, et inférieur à 17 jours (extrêmes : 10-17 jours) lorsque le diagnostic était fait lors d’un
examen de surveillance au cours d’une pathologie abdominale
aiguë. Chez un malade, ce délai était inconnu.
Cinq malades ont été traités par une administration unique
d’activateur tissulaire du plasminogène, l’alteplase (Actilyse®),
à la posologie de 100 mg par perfusion veineuse continue en
90 minutes, et par héparine non fractionnée, administrée par
perfusion veineuse continue à dose ajustée afin d’obtenir un
temps de céphaline activé situé entre 2 et 2,5 fois la valeur du
témoin. Le traitement par héparine non fractionnée a été
administré pendant 7 à 14 jours.
Les 5 autres malades ont été traités par l’héparine seule. Ce
traitement avait été retenu car un malade avait eu une
ponction-biopsie hépatique 5 jours avant l’instauration du
traitement, un malade avait un ulcère bulbaire lors de
l’endoscopie digestive haute, et 3 malades étaient asymptomatiques au moment du traitement. Deux de ces malades ont été
traités par héparine non fractionnée administrée par perfusion
veineuse continue à dose ajustée pendant 7 à 14 jours. Les
3 autres malades ont été traités d’emblée par héparine de bas
poids moléculaire, nadroparine calcique (Fraxiparine®) ou
énoxaparine (Lovenox®), par voie sous-cutanée en deux
injections à la dose de 200 UI anti-Xa/kg/j.
Après ce traitement initial, un relais par l’héparine de bas
poids moléculaire, par voie sous-cutanée en deux injections,
pendant 30 à 90 jours, ou par un médicament anti-vitamine K
était réalisé. Le traitement anticoagulant était poursuivi par
héparine de bas poids moléculaire à dose iso-coagulante ou par
un médicament anti-vitamine K, pour une durée totale de 6 mois
ou au long cours en cas de déficit constitutionnel des inhibiteurs
de la coagulation ou de syndrome myéloprolifératif.
ÉVALUATION
L’évolution de la thrombose était évaluée par une échographie abdominale couplée à un Doppler ou une tomodensitométrie abdominale réalisée 2 jours (seulement chez les malades
traités par alteplase), 7 jours, 30 jours, et 6 mois après le début
du traitement. L’évolution de la thrombose et les complications
du traitement ont été notées.
RÉSULTATS
Une disparition du thrombus était observée chez
7 malades, une diminution de la taille du thrombus chez
2 malades, et une absence de modification de la taille du
thrombus chez un malade (tableau 2).
Chez les malades traités par alteplase et héparine, une
reperméabilisation complète du système porte était
observée chez 3 malades sur 5, dans 2 cas après 7 jours et
dans un cas après 30 jours de traitement. Chez les deux
autres malades, une diminution de la taille du thrombus
était observée après 2 jours de traitement ; la taille du
thrombus étant inchangée lors des contrôles radiologiques ultérieurs. Chez un de ces malades, atteint de
pancréatite aiguë (cas n° 5), une hypocoagulabilité
satisfaisante n’avait pu être obtenue en raison de
l’importance du syndrome inflammatoire ; chez ce même
malade, le traitement par héparine avait dû être arrêté
après 3 semaines en raison de l’apparition d’une throm-
TRAITEMENT DES THROMBOSES PORTES AIGUËS
921
Tableau 2. — Traitement et évolution des 10 malades ayant une thrombose aiguë du système porte.
Treatment and clinical course of 10 patients with acute portal venous system thrombosis.
Cas n°
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
Délai entre les symptômes
et le traitement
(jours)
8
6
4
7
< 10
inconnu
4
< 15
< 17
< 15
Traitement
alteplase + héparine
alteplase + héparine
alteplase + héparine
alteplase + héparine
alteplase + héparine
héparine
héparine
héparine
héparine
héparine
bopénie, régressant à son arrêt. L’échographie, réalisée
systématiquement après 2 jours de traitement chez les
malades traités par alteplase, montrait dans tous les cas
une diminution de la taille du thrombus, mais jamais une
disparition de celui-ci.
Chez les malades traités par l’héparine seule, une
reperméabilisation complète de la thrombose était observée chez 4 malades sur 5, dans 1 cas après 7 jours et dans
3 cas après 30 jours de traitement. Chez un malade, la
taille du thrombus n’était pas modifiée mais la symptomatologie douloureuse abdominale avait disparu.
Nous n’avons observé aucune complication hémorragique chez les 10 malades.
Six mois après le diagnostic de la thrombose du
système porte, un contrôle échographique ou tomodensitométrique, effectué chez 5 des 7 malades dont le
traitement avait permis une reperméabilisation complète
du système porte, montrait l’absence de récidive de la
thrombose dans 4 cas, et la récidive de la thrombose, sans
réapparition de symptôme, chez le 5e malade atteint de
cirrhose alcoolique. Un malade a été perdu de vue, et le
suivi était inférieur à 6 mois chez un malade.
Chez les 4 malades atteints de cirrhose alcoolique, le
traitement par héparine seule ou associée à l’alteplase
permettait d’obtenir une reperméabilisation complète du
système porte. Un de ces malades a été perdu de vue.
Chez les 3 autres malades, le suivi moyen était de
19 mois (extrêmes : 7-26 mois) : tous avaient des varices
œsophagiennes lors du diagnostic de la thrombose aiguë
du système porte ; une hémorragie digestive par rupture
de varices œsophagiennes était survenue respectivement
1, 9, et 26 mois après le début du traitement de la
thrombose porte, contemporaine d’une récidive de la
thrombose chez un seul malade (cas n° 1). Dans 2 cas,
l’hémorragie digestive était survenue après l’arrêt du
traitement anticoagulant et dans 1 cas alors que le malade
avait un traitement par héparine de bas poids moléculaire
à dose iso-coagulante ; chez 2 de ces 3 malades, le
diagnotic de carcinome hépatocellulaire a été fait
respectivement 6 et 26 mois après le diagnostic de la
thrombose porte aiguë, de façon contemporaine d’une
récidive de la thrombose dans 2 cas.
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Evolution de la thrombose portale
précoce (jours)
à 6 mois
disparition (30)
disparition (7)
disparition (7)
diminution (7)
diminution (7)
disparition (30)
disparition (7)
disparition (30)
disparition (30)
inchangée (30)
absence de
récidive
non évalué
inchangée
non évalué
absence de
non évalué
absence de
absence de
inchangée
récidive
récidive
récidive
récidive
DISCUSSION
Le traitement de la thrombose aiguë du système porte
a deux objectifs : prévenir le développement d’une
hypertension portale par bloc infrahépatique, et limiter
l’extension de la thrombose en amont pour prévenir
l’infarctus veineux intestinal (4). Aucun traitement n’a
fait l’objet d’une évaluation randomisée (4) et la
régression spontanée du thrombus est possible (4, 19). En
1996, Baril et al. (20) ont suggéré qu’un traitement
anticoagulant n’était licite que chez les malades ayant une
thrombose mésentérique ou un « état d’hypercoagulabilité » (déficit en inhibiteur de la coagulation, cancer, etc.).
En effet, dans leur série de 44 malades ayant une
thrombophlébite d’origine septique, 32 malades n’avaient
pas été traités par anticoagulant, et une complication
(décès ou infarctus mésentérique) n’était survenue que
chez les malades ayant au moins une de ces 2 caractéristiques. Cette étude était rétrospective et les critères qui
avaient conduit à l’instauration ou non d’un traitement
n’étaient pas précisés. Ces conclusions paraissent difficiles à appliquer en pratique. Lors du diagnostic d’une
thrombose porte, il est difficile d’éliminer formellement
une extension de la thrombose à la veine mésentérique
par des moyens non invasifs (1), et surtout les examens
nécessaires afin d’éliminer un « état d’hypercoagulabilité » sont nombreux et leurs résultats ne sont pas
disponibles lorsque l’instauration d’un traitement anticoagulant doit être décidée. Seule une étude prospective
et randomisée, difficile à réaliser, pourrait permettre
d’évaluer cette stratégie.
Dans notre étude, le traitement par héparine a coïncidé
avec la disparition du thrombus du système porte dans la
majorité des cas. Des résultats similaires ont déjà été
rapportés (5-12). En 1992, Rahmouni et al. (10) ont
rapporté le résultat du traitement par héparine non
fractionnée, administrée en perfusion veineuse continue à
dose efficace pendant 24 heures suivi d’un traitement par
anti-vitamine K, chez 6 malades ayant une thrombose
aiguë spléno-portale ou mésentérique supérieure. Le
traitement de la thrombose avait été débuté dans les
48 heures suivant l’apparition des symptômes et avait
permis dans tous les cas la disparition du thrombus dans
922
un délai de 7 jours à 4 semaines. L’efficacité constante du
traitement pourrait être liée à la précocité du traitement
par rapport aux premiers signes de thrombose. Le délai de
reperméabilisation du système porte était similaire à celui
que nous avons observé. Cependant, l’efficacité du
traitement par héparine n’est pas constante. Boissel et al.
(11) ont rapporté 3 cas de thrombose récente de l’axe
mésentérico-porte, après splénectomie, chez lesquels le
traitement par héparine n’avait pas été suivi d’une
régression de la thrombose.
Une reperméabilisation complète du système porte, au
décours d’une thrombose portale ou mésentérique supérieure, a déjà été rapportée dans quelques observations
après traitement thrombolytique par voie systémique
après un délai variant de 4 à 30 jours (12-14). Dans notre
étude rétrospective, un traitement initial par l’alteplase
par voie systémique ne semblait pas augmenter la
fréquence de reperméabilisation de la veine porte.
L’utilisation locale de thrombolytique après ponction
percutanée transhépatique permettrait de réduire le risque
hémorragique par inactivation du médicament thrombolytique au niveau hépatique avant son passage dans la
circulation générale (15) et permettrait l’utilisation d’une
dose de thrombolytique moins importante (16). Cependant, la ponction d’un vaisseau non compressible fait
partie des contre-indications classiques à l’utilisation
d’un thrombolytique (21). La reperméabilisation complète du système porte, sans complication, au décours
d’une thrombose aiguë portale ou mésentérique supérieure, a été rapportée après traitement par un thrombolytique par voie locale dans quelques observations
(15-18). Dans la littérature, il n’existe pas d’étude ayant
comparé, en cas de thrombose aiguë du système porte,
l’efficacité du traitement par l’héparine seule, la thrombolyse systémique, et la thrombolyse locale. Seule une
étude contrôlée, incluant un grand nombre de malades,
pourrait permettre d’évaluer leurs efficacités respectives,
mais sa réalisation paraît difficile en pratique.
Nous n’avons observé aucune complication hémorragique pendant la phase aiguë du traitement. Un malade a
eu une hémorragie digestive par rupture de varices
œsophagiennes, un mois après le début du traitement
anticoagulant, alors qu’il était traité par l’héparine par
voie sous-cutanée à dose iso-coagulante. Miyazaki et al.
(15) ont rapporté un cas de thrombose porte aiguë chez un
malade atteint de rectocolite hémorragique, initialement
traité par thrombolyse par voie systémique : ce traitement
avait été arrêté au 7e jour du fait de la survenue de
rectorragies abondantes et de son inefficacité ; un
traitement par thrombolyse locale après ponction transhépatique percutanée avait alors été réalisé, permettant
une reperméabilisation totale de la veine porte sans
récidive hémorragique. Mies et al. (18) ont rapporté une
expérience similaire chez un malade atteint de cirrhose
alcoolique compliquée de varices œsophagiennes et
d’une thrombose portale récente. Le malade avait été, lui
aussi, traité par thrombolyse par voie systémique puis par
voie locale, mais, dans ce cas, des hémorragies digestives
et aux points de ponction étaient survenues aux cours des
deux traitements. Le faible nombre de cas rapportés ne
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J.-P. LAGASSE ET AL.
permet pas d’évaluer le risque hémorragique du traitement anticoagulant de la thrombose porte aiguë, ni de
comparer le risque hémorragique de la thrombolyse par
voie systémique par rapport à la voie locale. Dans notre
étude, le risque de complication hémorragique paraîssait
faible au cours du traitement par thrombolyse ou par
anticoagulant par voie systémique.
Chez les malades atteints de cirrhose, le traitement de
la thrombose du système porte a essentiellement deux
buts : prévenir l’aggravation de l’hypertension portale et
éviter une thrombose extensive du système porte qui
pourrait rendre techniquement difficile une transplantation hépatique. Dans notre étude, la reperméabilisation du
système porte n’a pas prévenu la survenue d’une
hémorragie digestive par rupture de varices œsophagiennes chez ces malades. Comme le suggéraient Bizollon et
al. (16), chez les malades atteints de cirrhose, il semble
qu’un traitement par anticoagulant ou thrombolytique
doive être préférentiellement proposé aux candidats à une
transplantation hépatique. Dans notre étude, chez ces
malades considérés initialement comme indemnes de
carcinome hépatocellulaire, le suivi a permis de faire ce
diagnostic dans 2 cas sur 3.
En conclusion, nos résultats suggèrent que l’héparine
est un traitement efficace de la thrombose aiguë du
système porte. Un traitement initial par alteplase par voie
systémique n’apparaît pas supérieur à l’héparine seule.
Compte tenu du risque hémorragique, l’utilisation de
l’alteplase ne semble devoir être proposée que dans le
cadre d’une étude prospective randomisée.
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