Les croisières | Le nouvel Economiste

Transcription

Les croisières | Le nouvel Economiste
Art de vivre & voyages
Les croisières
Les accidents récents n’entament en rien
l’engouement croissant pour les croisière
> Journal numérique
Après le naufrage du Concordia, les professionnels de la croisière ont eu peur, très peur. Et
pourtant, aussi tragique soit-elle dans un monde où le risque tend à se faire oublier, la
catastrophe n’a pas ravivé l’angoisse maritime. L’explication se trouve sans doute dans la
solidité de ce marché en forte croissance. Dépaysement, destinations inédites confort,
anti-stress, la croisière a su se faire une place au soleil, loin des clichés.
’est une de ces vagues venues de loin. Petite d’abord, on la distingue à peine à l’œil
nu. Et puis, à mesure qu’elle se rapproche du rivage, on devine son ampleur, sa force.
Les croisières internationales n’ont jamais été aussi courues. En l’espace de quelques
années, elles ont su se repenser, s’adapter, se réinventer. Remettre une poignée de sel
marin dans une formule parfois jugée trop fade. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Au cours
des quinze dernières années, le marché européen de la croisière a plus que triplé et
recensait 6 millions de passagers en 2011*. Soit une croissance annuelle de 9 % entre 2004
et 2011, à faire pâlir d’envie les autres professionnels du tourisme qui ont subi la crise de plein fouet.
Vent en poupe
Tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne. Le Royaume-Uni figure largement en tête sur cette dernière période avec 1 700 000
passagers l’an dernier et 28 % de parts de marché. L’explication se trouverait-elle dans l’insularité des Britanniques, peuple historiquement très
lié à la mer ? Peut-être. Ou du moins en partie. Toutefois, la donne pourrait bien changer. Avec une croissance de 7,5 % ces cinq dernières
années, le Royaume-Uni se situe en dessous de la dynamique d’autres pays européens. En l’absence de nouveaux bateaux construits d’ici
2015, nos voisins d’outre-Manche pourraient se faire rattraper sous peu par les Allemands qui les talonnent de près.
La France, elle, n’occupe que la 5e place, derrière l’Italie et l’Espagne, mais enregistre une croissance particulièrement vigoureuse ces
dernières années : +14 % de passagers entre 2010 et 2011, 12 % sur la période précédente, avec à ce jour 441 000 croisiéristes français. Le
Bassin méditerranéen, fort de ses îles, de la côte italienne, croate et tunisienne, représente à lui seul 69 % du marché, avec un léger tassement
l’année dernière. La faute au Printemps arabe ? Les compagnies jurent que non, assurant avoir modifié les parcours de leurs bateaux au gré des
révolutions, sans répercussion, sur le prix payé par le client, du surcoût occasionné. Pas étonnant toutefois que les séjours vers les pays
nordiques aient connu une avancée significative et se soient installés dans le paysage français de la croisière. Seule ombre au tableau : le faible
nombre de compagnies hexagonales sur un marché essentiellement occupé par les Etats-Unis.
2012 confirmera-t-elle la vitalité française ? S’il est encore trop tôt pour se prononcer de façon définitive, beaucoup de professionnels
s’attendent à une année moins florissante que la précédente. En cause, selon eux : les échéances électorales, présidentielle et législatives. “Au
mois d’avril, nous avons enregistré autour de 20 % de clients français en moins, alors que ce mois est celui sur lequel nous comptons le plus,
déplore Christine Bois, directrice générale pour la France de Hurtigruten, une compagnie norvégienne qui propose entre autres des voyages
dans l’Arctique et l’Antarctique. Nous proposions pourtant des formules adaptées, avec un départ au lendemain du premier tour de la
présidentielle, et un retour la veille du second tour. Malgré cela, les Français ont des réticences à partir en voyage à ce moment-là. Et le
problème se pose à nouveau en juin avec les législatives.” Le secrétaire général et porte-parole de l’Association française des compagnies de
croisière (AFCC) confirme : “Chaque élection présidentielle provoque un certain attentisme. C’est un phénomène typiquement français, assure
Cédric Rivoire. Ce printemps, le niveau de réservation est plus bas que la normale. Celles pour l’été commencent à peine.”
Les élections, seule explication de la mollesse printanière ? Ce que les professionnels aiment moins à mentionner, c’est le naufrage du Costa
Concordia, le 13 janvier dernier au large de la Toscane. Une onde de choc : 32 morts, et 4 000 passagers traumatisés. Cent ans après le Titanic,
cette nouvelle catastrophe venait rappeler qu’aucun bateau n’est insubmersible. Et puis un mois et demi plus tard, alors qu’on commençait à
peine à oublier, rebelote. Un autre navire de la même compagnie, le Costa-Allegra, se retrouvait à la dérive au large des Seychelles, à la suite
d’un incendie. Ni morts ni blessés, mais une image de la compagnie sérieusement écornée.
Pour autant, le drame n’a pas eu pour l’instant d’incidence notable sur le marché, insistent les compagnies de croisière. Beaucoup de questions
(prévisibles) de la part des clients, mais un nombre d’annulations fidèle à la normale. Chez Costa Crociere, les ventes ont surtout fléchi après
l’incident du Costa-Allegra, fin février, mais semblent aujourd’hui avoir repris comme avant, assure la direction. On ne peut toutefois s’empêcher
de faire le lien entre le drame et le bas niveau des réservations. Illusion d’optique ?
Pour redonner un coup de fouet à leurs ventes, les compagnies multiplient les offres promotionnelles de façon plus appuyée encore que de
coutume. “Nous subissons une pression tarifaire certaine. Nos prix sont 3 % moins chers que l’année dernière”, confie Cédric Rivoire, de
l’AFCC.
La fin de la croisière-cliché
Que l’arbre ne cache pas la forêt. Quels que soient les chiffres du marché français pour 2012, ils ne sauraient occulter le fait que, depuis cinq
ans, la croisière internationale a su créer autour d’elle un véritable engouement.
Et pourtant, elle partait de loin. Si aux Etats-Unis une série télévisée immensément populaire, La Croisière s’amuse (The Love Boat), a
contribué, dans les années 1980, à l’essor de cette nouvelle formule de vacances, il n’en a pas été de même en France, au contraire. Ce
feuilleton à l’eau de rose où chacun cherche l’amour a collé sur la croisière une image kitsch. “La Croisière s’amuse a véhiculé l’idée qu’à bord
d’un bateau de croisière on ne fait rien, que les passagers y sont oisifs. C’est une mauvaise image de la croisière”, témoigne Erminio Eschena,
directeur général de MSC Croisières pour la France, la Belgique et le Luxembourg. De fait, les séjours ne comprennent à l’époque que peu
d’escales. La navigation en mer sur un paquebot de luxe se suffit à elle-même. Les bateaux ne sont alors rien de plus que des hôtels flottants,
réservés aux populations les plus favorisées.
Les croisières | Le nouvel Economiste
2 sur 4
http://www.lenouveleconomiste.fr/lesdossiers/les-croisieres-15477/
Au grand soulagement des compagnies européennes, le cliché a toutefois fini par tomber. “L’image de la croisière à papa, uniquement destinée
aux élites, a disparu depuis cinq ou six ans”, assure Cédric Rivoire. Méthode Coué ou bien véritable constat ? La part importante de nouveaux
clients chaque année semblerait bien confirmer ses propos. Sur un séjour au large, en moyenne 30 à 40 % des passagers seraient des primocroisiéristes. Des vacanciers désireux d’essayer une formule vacances d’un nouveau genre et de laisser à quai certaines idées reçues. La
plupart du temps, le pari est gagné.
L’image des compagnies de croisières a donc changé. Soit. Mais en quoi ? D’abord la croisière s’affiche désormais comme un produit de
vacances à part entière et adaptable à tous les publics, tous les porte-monnaie. Longtemps très coûteuse, elle s’est démocratisée. Tarif de base
: 499 euros la semaine pour une personne, sans prendre en compte les conséquentes réductions proposées tout au long de l’année. Le produit
n’est plus réservé aux élites. Il est désormais accessible aux familles, qui s’offrent un dépaysement à coût modéré. Nombreuses sont par ailleurs
les compagnies qui proposent des tarifs spéciaux pour les enfants. Une façon de s’attirer un public nouveau, tout en rajeunissant leur clientèle.
Pas étonnant alors qu’aujourd’hui, 60 % des passagers des croisières maritimes aient moins de 55 ans.
Luxe, mer et volupté
Alors même que les professionnels ont cherché à séduire un public aux budgets plus serrés, l’offre haut de gamme a été étoffée. Plusieurs
compagnies, à l’instar de Regent Seven Seas, Crystal cruises, Seabourne Cruise Line et la très célèbre Compagnie du Ponant en ont même fait
leur credo. Les tarifs commencent à 2 500 euros la semaine et peuvent atteindre 25 000 à 50 000 euros pour les formules les plus luxueuses.
Là, le produit concurrence les plus grands palaces avec un service d’une qualité inouïe et un cadre d’un raffinement poussé à son paroxysme. Le
prix est “all inclusive”, comme cela se pratique dans les clubs vacances. Le client n’a pas à se préoccuper des pourboires ni des boissons.
A bord, il se voit offrir une bouteille de champagne dès son arrivée, et bénéficie de plusieurs restaurants gastronomiques au gré de ses envies,
dirigés par des chefs cuisiniers de prestige. Sur les navires de la compagnie Regent Seven Sea Cruises, toutes les suites, dont les plus
spacieuses, occupent jusqu’à cent trente mètres carrés, comptent un balcon ouvert sur la mer. Certaines possèdent des vérandas privées. Du
côté des activités, on retrouve la trame déjà existante sur les croisières classiques mais déclinées version premium. Fitness, hammam, soins
bien-être, conférences, cours de golf, etc. Sans parler des activités pour les enfants, entièrement pris en charge. Le tout dans une ambiance
mêlée “d’élégance et de décontraction naturelle”, comme le revendique la Compagnie du Ponant. Ainsi sur certains bateaux un dress code est-il
de mise le soir, et strictement affiché avant même l’embarquement. Robes et tenues de soir pour les femmes, chemises pour les hommes. Les
jeans sont formellement bannis.
Cette offre haut de gamme a su trouver son public et ressent peu la crispation de l’activité constatée dans le reste du secteur touristique. Avec
un chiffre d’affaires de 80 millions d’euros par an, la Compagnie du Ponant table sur un dépassement du cap des 20 000 passagers en 2012,
pour 454 cabines réparties sur 5 navires.
Sur les grands bateaux également ont été créées des cellules haut de gamme. Ainsi la compagnie MSC a-t-elle eu l’idée du MSC Yacht Club. Un
navire sur le navire, avec un peu plus d’une centaine d’hôtes privilégiés. Ceux-ci disposent de suites plus raffinées que les autres cabines. Ils ont
également accès à une piscine qui leur est exclusivement réservée, à un restaurant gastronomique privé. Tout l’espace tourne autour d’une
conciergerie, à la façon d’un palace. Sans parler du service, évidemment aux petits soins, avec un majordome pour deux suites. “Nous avons
calculé que notre ratio d’encadrement était plus élevé qu’au Ritz !”, plaisante Erminio Eschena.
Sur mesure
Alors que longtemps a prédominé l’image des énormes paquebots de La Croisière s’amuse, les navires aussi se sont adaptés. On trouve
aujourd’hui aussi bien des bateaux privilégiant l’entre-soi, avec une quarantaine de passagers, que de véritables clubs de vacances flottants,
capables d’accueillir 5 000 personnes. “La formule est alors radicalement différente”, admet Cédric Rivoire, porte-parole de l’AFCC. Dans le
premier cas, la priorité est généralement donnée à l’escale, à la découverte, tandis que les gros paquebots mettent en avant la richesse des
infrastructures à bord. “Nos clients apprécient les imposantes dimensions de nos bateaux”, assure Erminio Eschena, de MSC croisières, dont les
navires peuvent accueillir jusqu’à 3 900 passagers. “Elles permettent d’avoir à disposition des bowlings, des mini-golfs, des piscines, des
cinémas 3D, des terrains de tennis. C’est un produit de vacances complet.”
A l’inverse, les compagnies de croisière haut de gamme ainsi que certaines compagnies fluviales privilégient davantage les petits nombres. Chez
Rivage du Monde, le MY Pegasus, qui propose une exploration du Sénégal, ne comporte que 21 cabines. Effectifs réduits également pour la
Compagnie du Ponant. Son voilier est prévu pour 64 croisiéristes au maximum, tandis que les yachts Le Boréal et l’Austral ont une limite fixée à
264 passagers. “Les petits navires permettent d’aller n’importe où, et surtout là où ne peuvent pas accéder de gros paquebots, explique le
directeur général, Jean-Emmanuel Sauvée. Certains sites ne possèdent pas d’infrastructures pour débarquer les passagers. Dans l’Arctique par
exemple, nous procédons en zodiac, par groupes de 10 personnes. D’où la nécessité d’avoir un nombre de voyageurs limité. C’est de la haute
couture, que nous proposons !”
Une gamme de prix et de confort plus large, plusieurs types de bateaux pour plusieurs types de vacances. Cela n’explique qu’en partie le succès
des croisières internationales aujourd’hui. Celles-ci doivent également leur essor à l’infinie variété des destinations sur les 6 continents, des îles
Galápagos à la Nouvelle-Zélande, d’Hawaï aux berges du Mékong, des Caraïbes au Cap Horn… jusqu’à 400 escales dans certaines
compagnies. Les catalogues ne cessent de s’ouvrir à de nouvelles destinations inédites. Dès l’été 2013, la Compagnie du Ponant proposera
ainsi un itinéraire au sein de l’Arctique secret. Du mythique passage du Nord-Ouest, qui relie l’Atlantique, au détroit de Béring, de la banquise à la
toundra, les passagers découvriront des régions situées bien au-delà du cercle polaire ainsi qu’une faune composée d’ours polaires et d’ours
bruns, de baleines, loups, morses et autres belugas…
Dans le même temps, avec les croisières thématiques, les offres de plus en plus ciblées se multiplient. Lyriques pour les amoureux d’opéra,
culturelles, gastronomiques… A l’occasion du 150e anniversaire de Claude Debussy, Athenaeum propose par exemple une croisière sur la Volga
à bord du Tchaïkovski prestige, autour de la musique du compositeur français. Une formule adoptée par de plus en plus de compagnies. Chaque
nouveauté sert de produit d’appel à la gamme entière, ravivant l’envie et la curiosité de voyageurs en quête d’inédit.
Si le marché de la croisière se porte aussi bien, c’est donc parce que l’offre a su créer la demande. Pour faire perdurer la tendance, les
armateurs sont par ailleurs soucieux d’améliorer et de faire croître leurs flottes. Plusieurs mettront prochainement à l’eau de nouveaux navires.
L’après-Concordia
Face à ce tableau prometteur, on peut toutefois s’interroger sur le sens du naufrage du Costa Concordia. Y a-t-il eu des dysfonctionnements ?
L’enquête en cours parle d’une erreur humaine. Le capitaine, Francesco Schettino, actuellement en résidence surveillée, est poursuivi pour
homicides multiples par imprudence, naufrage et abandon de navire. Huit autres employés de la compagnie Costa Crociere sont poursuivis.
“Les compagnies ont très mal vécu le naufrage du Costa Concordia, raconte Cédric Rivoire. Mais au-delà de ça, c’est un concours de
catastrophe malheureux.” Qui aurait imaginé qu’un capitaine de navire modifierait son parcours pour aller saluer une connaissance ? Le vent a
par ailleurs rendu plus difficile encore l’évacuation.
Reste que les compagnies de croisière n’ont pas tardé à réagir. Redoutant les répercussions sur leur activité, elles ont, dans les jours qui ont
suivi, lancé des audits sur leurs dispositifs de sécurité. “Il faudrait être inconscient pour ne pas rebriefer les équipes après un drame comme
celui-ci”, lâche Eric Collange, de Croisieurope.
06/07/2012 13:55
Les croisières | Le nouvel Economiste
3 sur 4
http://www.lenouveleconomiste.fr/lesdossiers/les-croisieres-15477/
Il y a eu aussi des prises de décision collectives. En avril, la Cruise Lines International Association et le European Cruise Council annonçaient
l’adoption d’une série de mesures. La première concerne la préparation de la traversée, élaborée à partir de consignes strictes et qui doit être
présentée en amont à l’écrit et en détail à tous les membres de la passerelle de commandement. L’accès à cette même passerelle est par
ailleurs interdit à toute personne étrangère au service, afin de limiter les éventuelles distractions au moment des manœuvres. Enfin, le nombre de
gilets de sauvetage à bord doit être calculé “en fonction du nombre maximum de passagers sur la verticale du bateau la plus occupée”.
Donc une quantité largement supérieure au nombre de personnes à bord.
Ces mesures seront-elles suffisantes ? La CLIA (Association internationale des compagnies de croisières) se dit convaincue qu’elles sont une
réponse concrète et efficace en matière de sécurité. Elles étaient surtout nécessaires pour rassurer l’opinion, et s’ajoutent à des dispositifs déjà
bien huilés. Mais comme le rappellent les plus sages esprits, le risque zéro n’existe pas, et la technologie comporte le danger en son sein. En
attendant, la réflexion se poursuit. Un comité d’experts indépendants devrait être nommé pour évaluer ces dernières mesures. Mais il faudra
aussi voir avec les conclusions de l’enquête menée par la justice italienne sur les causes du naufrage du Concordia. “Avant cela, toute
spéculation est déplacée”, insiste Erminio Eschena.
Il est toutefois peu probable que la catastrophe, aussi tragique soit-elle, affecte in fine le marché, sur le long terme. “Quand on parle de croisière,
on a toujours l’image d’une fin tragique”, constate Boris Dänzer-Kantof, historien en cours d’écriture d’un livre sur la question et dont la
publication a été reportée à cause du naufrage du Concordia. Et pourtant, malgré les catastrophes qui ont endeuillé l’histoire de la croisière, son
pouvoir de séduction a pris le dessus, aidé bien sûr par la raison qui nous fait nous dire que, d’un point de vue statistique, le risque d’accident
est infime. La croisière devrait donc continuer à naviguer sous des cieux cléments.
Croisieres urbaines – Toujours a la mode
A Paris, ils sont 7 millions de passagers chaque année à se laisser tenter par une croisière sur la Seine. “Le marché continue à croître”, assure
Olivier Jamey, président de la Compagnie de la Seine qui, à elle seule, enregistre 200 000 passagers par an et une croissance de 10 %.
Concurrencée par le rail dans les années 1930, la croisière urbaine a fait son grand retour après la Seconde Guerre mondiale, portée par le
succès des guinguettes. Dans le même temps apparaissent les bateaux-mouches, selon le nom donné à sa compagnie par Jean Bruel, pionnier
des promenades fluviales. La croisière urbaine séduit et éveille l’appétit des grands groupes. C’est ainsi qu’en 1987, Sodexo rachète la
Compagnie des Bateaux Parisiens, aux pieds de la Tour Eiffel.
“Paris possède une topographie idéale pour la croisière, explique Olivier Jamey. En une heure, qui est la durée idéale pour une promenade sur
l’eau, on arrive à voir l’essentiel. Les plus beaux monuments ont été construits en bordure du fleuve.”
Ajoutez à cela, une culture du tourisme très française, mais aussi la diversité de l’offre aujourd’hui proposée. Il ne s’agit plus seulement de
promenades sur l’eau. Les dîners à bord de péniches se taillent la part du lion et attirent non seulement une clientèle étrangère mais aussi les
Parisiens et les entreprises. “Aujourd’hui, la promenade en bateau sur la Seine est devenue une activité en soi. Autant qu’un cinéma où une
sortie en discothèque”, estime Olivier Jamey.
Tout comme les croisières maritimes, il y en a pour tous les budgets. Du restaurant flottant affichant un menu à 29 euros à l’établissement
gastronomique. Certains petits bateaux fonctionnent également comme des limousines, à l’image des taxis vénitiens, et se font l’affaire de
transporter sur l’eau stars de cinéma et personnalités du show-business.
Paris n’est pas la seule à avoir développé la recette. Toronto, dans un effort d’aménagement de ses berges, propose également une riche offre
fluviale. A New York, les files d’attente pour les bateaux qui proposent d’approcher la Statue de la Liberté ou d’avoir une vue sur la skyline de
Manhattan ne désemplissent pas. Londres profite également de la largeur de la Tamise pour attirer touristes et habitants au coucher du soleil.
Croisiere fluviale – Vent en poupe chez les seniors
Que ce soit sur le Rhin, le Danube, la Volga ou le Mékong, les croisières séduisent un nombre croissant de retraités. “75 % de nos passagers
sont des seniors”, constate Eric Collange, directeur commercial de Croisieurope, leader mondial de la croisière fluviale avec 200 000 passagers
embarqués chaque année et 120 millions d’euros de chiffre d’affaires. “Les personnes âgées apprécient le côté ‘hôtel mobile’ de ces séjours. On
pose les valises à l’arrivée, on les refait à la fin seulement. Entre-temps, le bateau se déplace pour eux”, ajoute Alain Souleille, fondateur et
aujourd’hui directeur général de Rivages du Monde, qui enregistre de son côté 15 000 clients annuels.
De fait, la croisière fluviale répond aux attentes de ces retraités à la fois avides de découvertes mais aussi soucieux de leur confort et leur
sécurité. Avec un taux d’encadrement élevé (jusqu’à un personnel navigant pour deux passagers), ils trouvent ainsi une formule loisirs adaptée à
leurs besoins. Le rythme même de la navigation se calque sur une envie de prendre son temps. “Lorsqu’on est sur un fleuve, le bateau avance
lentement, on peut profiter du paysage qui défile. Il n’y a pas ces moments de pleine mer où il n’y a que l’eau et le ciel à perte de vue, explique
Anne-Marie, 71 ans, adepte de la formule. Et puis on ne s’ennuie jamais !”
Elément clé de la réussite du produit : l’organisation. “Le senior déteste ne rien avoir à faire une journée, note Eric Collange, de Croisieurope. Il
aime avoir un programme bien étudié, qui ne laisse rien au hasard.” Les compagnies rivalisent donc d’inventivité pour mettre au point des
activités diversifiées, à bord comme à quai. Ainsi Athénaeum, filiale de Rivages du Monde, positionnée sur un marché très haut de gamme,
propose-t-elle lors de son séjour sur la Volga à bord du Tchaikovski Prestige, des cours de russe, de chant, ainsi que des conférences
thématiques. “L’aspect culturel est primordial”, affirme Eric Collange.
L’autre point fort du fluvial : son accessibilité, pour des clients dont la mobilité est parfois réduite. “Quand les bateaux n’ont que deux ponts, la
circulation se fait facilement d’un endroit à l’autre. Quand il y a trois ponts, nous proposons des ascenseurs”, précise Eric Collange. Des cabines
handicapés permettent aussi d’accueillir les fauteuils roulants. Les voies fluviales ont par ailleurs cet avantage de déposer les croisiéristes en
plein cœur de la ville, au pied des monuments historiques, leur épargnant des transports souvent inconfortables.
Reste qu’aujourd’hui les compagnies de croisière cherchent à élargir leur clientèle en s’adressant davantage aux familles. Elles proposent ainsi
des tarifs spéciaux pour les enfants en insistant, lors de campagnes de communication, sur l’idée de vacances intelligentes à destination des
grands comme des petits. Egalement convoités : les quadragénaires, explique Eric Collange. “Le fleuve peut être une excellente façon de se
ressourcer, de laisser le stress de côté.”
*selon des chiffres publiés par l’IRN Research.
Par Lorélie Carrive
06/07/2012 13:55