Kérity Dossier Pédagogique Enseignement Catholique de la
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Kérity Dossier Pédagogique Enseignement Catholique de la
Document de travail pour une approche de l'oeuvre Rédigé par Yannick QUILLET Formation cinéma Enseignement Catholique octobre 2010 Filmographie de d. monféry Introduction Les contes et les personnages de conte nous ramènent immanquablement à notre enfance. L'un se souviendra d'un parent ou d'une enseignante lui racontant les aventures de tel ou tel héros ; l'autre se souviendra de l'ouvrage un peu abîmé qu'on feuilletait avec précaution car il avait déjà fait rêvé les générations passées... C'est à la rencontre des héros traditionnels que nous convie ce film de Dominique Monféry, Kerity, la maison des contes. C'est assurément un support intéressant pour faire découvrir ou redécouvrir à des enfants de primaire ces contes classiques. Mais, il ne faudrait pas réduire l'oeuvre, car c'en est une, à un discours seulement pédagogique. Aussi, ce dossier vise à donner des pistes pour approcher ce film dans toutes ses dimensions. 2009 2006 2003 Bibliographie de R. DAUTREMER 2010 • • • 2009 • • • • Elvis, texte de Taï-Marc Le Thanh, Gautier-Languereau Le loup de la 135e, Seuil Jeunesse • Séraphin Mouton, série d'albums de Taï-Marc Le Thanh, GautierLanguereau Nasreddine et son âne, texte d'Odile Weulersse, Père Castor Flammarion • • 2007 • 2006 • • La tortue géante des Galapagos, tragédie en cinq actes pour une coccinelle, un moustique et 8 animaux de ferme, GautierLanguereau Le grand courant d’air, de Taï-Marc Le Thanh, Gautier-Languereau • • • Cyrano, de Taï-Marc Le Thanh, Gautier-Languereau, Nasreddine, textes Odile Weulersse, Père Castor Flammarion Sentimento, de Carl Norac, Bilboquet • • Lili la libellule, de Florence Jenner Metz, Bilboquet Princesses oubliées ou inconnues…, de Philippe Lechermeier, Gautier-Languereau 2005 Introduction Filmographie de D. Monféry Bibliographie de R. Dautremer 1- Le Film 2- Analyse filmique : Découpage séquentiel 3- Un genre : le cinéma d'animation / Le Dessin animé 4 - Analyse thématique 5- Trame d’Exploitation pédagogique d’un film 6- Propositions pédagogiques autour du film 2 2 2 3 7 12 22 30 32 2004 2003 • • • • 2002 • 2001 • • Ce dossier a été rédigé par Yannick Quillet. Il a été réalisé dans le cadre d’une formation à destination des enseignants des écoles catholiques de la Mayenne, en lien avec la programmation du dispositif Ciné-enfants mené par l’association “Atmosphères 53” sur le département. Aucune exploitation commerciale de ce dossier ne peut être faite sans l’autorisation de l’auteur. Le contenu est disponible sous GNU Free Documentation License. Toutes les photographies et visuels du film ont la propriété de 2 Gaumont-Alphanim, La Fabrique, Lanterna Magica.et Haut et Court. Alice au pays de merveilles, de Lewis Carol, à paraître fin 2010. Le prince heureux, d'Oscar Wilde, Le livre de poche jeunesse La septième fille du Diable (Tome 1) : La Prophétie, Alain Surget, Père Castor Flammarion Kérity, la Maison Des Contes, texte d'Anik Leray, Père Castor Flammarion. Journal secret du Petit Poucet, texte de Philippe Lechermeier d'après Charles Perrault, Gautier-Languereau Art Book, monographie/carnet de route annoté par Rebecca Dautremer, Editions du Chêne Swing Café, texte de Carl Norac, Didier Jeunesse 2008 Sommaire Kérity, la maison des contes Franklin et le trésor du lac Destino Babayaga, de Taï-Marc Le Thanh, Gautier-Languereau L’Amoureux, Gautier-Languereau Je suis petite, mais… mon arbre est grand ! de Christine Beigel, Magnard jeunesse Le Livre qui vole de Pierre Laury, Bilboquet Une lettre pour Lily la licorne de Christian Pochon, GautierLanguereau • Le Géant aux oiseaux de Ghislaine Biondi, Gautier-Languereau Les deux mamans de Petirou de Jean-Vital de Monléon, GautierLanguereau Les fables de La Fontaine, Magnard jeunesse • • Le ciel n'en fait qu'à sa tête, Gautier-Languereau Tant espéré, tant attendu de Diane Cadieux, Gautier-Languereau • Au clair de la terre, Gautier-Languereau, 1997. • La Chèvre aux loups de Maurice Genevoix, Gautier-Languereau • L'Enfant espion d'Alphonse Daudet, Deux Coqs d'Or 2000 1997 1996 1995 1- Le Film Fiche technique et artistique Kérity, La Maison des Contes Réalisation Dominique Monféry. Création graphique originale Rébecca Dautremer. D'après un scénario original de Anik Le Ray. Scénario Anik Le Ray Alexandre Révérend. Développement Henri Heidsieck. Story board Dominique Monféry Rémi Chaye. Direction artistique Rébecca Dautremer Richard Despres. Directeur Compositing Raphaël Vincente-Zamarreno. Chef monteur Cédric Chauveau. Musique originale Christophe Heral. Post-production image MIKROS IMAGE - ARANE. Post-production son ELUDE. Production exécutive Jean-Pierre Quenet Jean-Baptiste Lère Anne–Sophie Vanhollebeke. Direction de production Thierry Pinardaud Elena Toselli. Producteurs délégués Clément Calvet Christian Davin Maria Fares Roberto Baratta Xavier Julliot. Produit par Clément Calvet. Avec les voix de : Jeanne MOREAU, Julie GAYET, Liliane ROVERE, Pierre RICHARD, Denis PODALYDES (sociétaire de la Comédie-Française), Lorant DEUTSCH,GONZALES. Production Gaumont-Alphanim, La Fabrique, Lanterna Magica Distributeur Haut et Court Synopsis Natanaël a bientôt 6 ans mais il ne sait toujours pas lire… Lorsque sa tante Eléonore lui lègue sa bibliothèque contenant des centaines de livres, Natanaël est très déçu ! Pourtant chacun de ces contes va livrer un merveilleux secret : à la nuit tombée les petits héros, la délicieuse Alice, la méchante fée Carabosse, le terrible capitaine Crochet, sortent des livres... Ils doivent prévenir Natanaël qu’ils courent un grand danger et risquent de disparaître à jamais. Pour sauver ses minuscules amis et leurs histoires, Natanaël, rétréci par la Fée Carabosse, se lance dans l’aventure ! Il affrontera vaillamment le très fourbe Pictou, les crabes géants, l’Ogre affamé... Arrivera-t-il à temps à lire la formule magique qui les sauvera tous ? Ce n'est pas parce que c'est inventé que ça n'existe pas ! http://www.hautetcourt.com/fiche.php?pkfilms=154/ Sortie le 16 décembre 2009 France - Couleurs - 1 h 20 - visa 119 813 3 Dominique Monféry Réalisateur Gaumétou, et le studio Welldone Films dont Dominique Monféry fut l'initiateur, dans le but de sauvegarder et réutiliser les compétences de l'ancienne équipe du studio Disney. Dominique Monféry est un réalisateur français, également superviseur d'effets visuels. Concernant son parcours, il affirme que comme beaucoup de monde, il est tombé dans le dessin animé tout petit, et qu'en grandissant il a cherché à réaliser sa passion. Passé par les arts appliqués à Roubaix puis aux Gobelins pendant deux ans, il a commencé à travailler à France Animation comme layoutman, sur des séries célèbres telles que Les Mondes Engloutis et Rahan, puis sur les moins connus Polluards. Il a travaillé également sur les aventures de Pif et Hercule dans un autre studio, pour finalement intégrer le studio Walt Disney Feature Animation France. " Pour l'anecdote, le nom de la société vient d'un amusant réflexe que je répétais quand nous étions en phase de production de séquences animées. Je disais systématiquement « well done », c'est-à-dire « bien joué » quand le travail allait dans le bon sens. Au moment de baptiser notre projet d'entreprise, l'expression est tout naturellement revenue en guise de clin d'oeil de la part de mes associés et elle a été adoptée." (ibid.) Depuis, Dominique Monféry a réalisé Franklin et le trésor du lac en 2006, a été animateur sur le film Igor Ce studio d'animation situé à Montreuil-sous-Bois (2008) et a réalisé enfin Kérity, la maison des contes (France) a travaillé à la fois sur des longs-métrages et en 2009. des séries animées télévisées. Créé par Gaëtan et Paul Brizzi, le studio Brizzy Films fut racheté par la Walt Disney Company en septembre 1989. En 1994, il fut Rébecca Dautremer intégré à l'empire Disney sous le nom de Walt Disney Feature Animation France. Au début, on y travaille pour Disney télévision sur plusieurs séries, puis le studio est passé dans le giron de la division long métrage. D'assistant animateur, Dominique Monféry est passé à animateur, puis à chef animateur sur Dingo et Max, pour redevenir animateur sur Le bossu de Notre Dame, qui représente le premier vrai morceau de bravoure. "J'ai supervisé des animations sur Hercule, avec la charge des personnages du Cyclope et des Titans, puis de la panthère au début de Tarzan. J'ai managé l'équipe française sur Kuzco, qui reste l'un de mes moments préférés. Parallèlement, nous avons réalisé quelques courts métrages et quelques commandes spécifiques. Parmi ces sujets, il y a eu l'actualisation du projet Destino, initié par Walt Disney et le peintre Salvador DALI, qui fut nommé aux Oscars dans la catégorie meilleur court métrage d'animation. Ensuite, les grands chambardements au sein de la maison mère Disney ont remis en cause nos espoirs d'expansion et de développement, pour aboutir à une triste fermeture à l'automne 2003." (Interview au magazine Anime Land, mai 2004) 4 Illustratrice Rébecca Dautremer est une illustratrice française, née à Gap en 1971. Passionnée par la photographie, elle quitte l’Isère pour suivre les cours de l'ENSAD (Arts Décoratifs) de Paris, avant de devenir graphiste et illustratrice à la suite d'une rencontre imprévue avec la directrice artistique des éditions Gautier Languereau qui va changer le cours de son destin. Ainsi, son nom apparaît pour la première fois sur un album L’Enfant espion en 1995, puis La Chèvre aux loups l'année suivante. Le particularisme de son trait, la richesse des couleurs, ses personnages inspirés des fées et la poésie qui en émane lui donnent un véritable style reconnaissable entre tous. Dans les années 2000 elle collabore avec de nombreux auteurs pour Les Fables de La Fontaine, Le Géant aux oiseaux, Une lettre pour Lily la licorne ou encore Princesses oubliées ou inconnues. Suite à cette fermeture, deux structures furent créées par les anciens salariés du studio En plus de l'édition, elle travaille pour la presse jeuWalt Disney Feature Animation France : le nesse, et ponctuellement pour la publicité (parfum studio Néomis Animation dirigé par Bruno Kenzo). Elle est également auteure de plusieurs albums, dont certains ont été adaptés en pièces de théâtre, ce qui l'a amenée à concevoir les costumes et la scénographie d'autres spectacles ( Seule dans ma peau d’âne, mise en scène d'Estelle Savasta ). Elle a enseigné à l'École Émile Cohl, à Lyon et a assuré la direction artistique du film d'animation : Kérity, la Maison Des Contes. Sa technique de prédilection est la gouache. Certains de ses originaux sont visibles à La Galerie Jeanne Robillard, à Paris,10e. Elle est l'épouse de Taï-Marc Le Thanh, auteur de plusieurs ouvrages qu'elle a illustrés. Des avis sur le film Première - Véronique Le Bris (Déc. 2009) Télérama - Pierre Murat (16 déc. 2009) Le plus réussi, c'est le graphisme : une magie de couleurs vives... Le camaïeu de rouges et d'ocres que la graphiste Rebecca Dautremer a imaginé pour la bibliothèque est une splendeur, à la fois chatoyante et chaleureuse. Les lumières changeantes éclairent successivement un détail carmin, un autre plus magenta. C'est magnifique... Ces livres, tous ces livres, Natanaël, un petit garçon de 7 ans, les reçoit en héritage et il en est tout déçu. Pourquoi la chère tante Eléonore, généralement si bien inspirée, lui a-t-elle fait ce cadeau, à lui qui ne sait toujours pas lire ? Échappés des collections originales accumulées par la vieille dame, les personnages des contes (Alice, le Petit Chaperon rouge et le Grand Méchant Loup, curieusement très amis, Pinocchio et le Chat botté) révèlent vite à Natanaël le danger qui les guette. Une menace mortelle. Et que deviendraient les enfants du monde entier si, soudain, leurs héros favoris venaient à disparaître ? Les péripéties se succèdent, légères et attendrissantes, surannées au point d'en redevenir merveilleuses. Avant que Natanaël devienne, enfin, le sauveur que tout le monde espère, on éprouve un drôle de pincement de coeur lorsque toutes ces petites silhouettes, traquées par les méchants, deviennent peu à peu transparentes : elles semblent, alors, se vider de leurs couleurs, comme les êtres humains de leur sang... C’est sans doute l’un des films pour enfants les moins attendus de cette fin d’année et pourtant l’un des plus réussis. Tout y est charmant : les dessins colorés, crayonnés et scratchés au cutter pour amplifier l’aspect un peu suranné des décors, le graphisme savamment étudié, les personnages très attachants de la famille du petit garçon, et tout simplement l’histoire, originale et intelligente. Conçu à partir des classiques de la littérature enfantine, ce conte initiatique, dédié de manière un peu didactique à l’apprentissage de la lecture, est aussi un film d’aventure riche en suspense Excessif.com - Eric Vernay (Déc. 2009) dont on ressort grandi, que l’on ait 7 ou 77 ans.. Kérity, la maison des contes réunit une solide équipe artistique : Dominique Monféry, homme d'expérience Le Monde - Jean-Luc Douin (15 déc. 2009) à qui l'on doit la mise en scène de dessins animés C'est à partir d'un album de l'illustratrice Rebecca Disney (Hercule, Tarzan, Kuzco l'empereur mégalo), Dautremer (Flammarion) que Dominique Monféry s'est associé à l'illustratrice de livres pour enfants a animé ces personnages jadis créés à la gouache. Rébecca Dautremer (Princesses, Elvis, Cyrano), N'importe quel enfant pourra reconnaître ces héros ainsi qu'à de prestigieux acteurs au doublage (Denis de contes célèbres, que la créatrice a débarrassés de Podalydès, Pierre Richard, Jeanne Moreau) pour leur profil habituel - droits d'auteurs ? - tel le Petit donner vie à ce film d'animation français. Est-ce Chaperon rouge vêtu d'un bonnet péruvien et d'un suffisant pour enchanter les salles obscures ? En poncho, et égayés d'un rien d'humour (les sept nains grande partie, oui. empêchent Blanche Neige d'avaler une pomme). Ce Basé sur un scénario original d'Anik Leray, Kérity, relookage est un rien décevant, car il ôte aux créatures la maison des contes est une histoire brodée main, à une partie de leur personnalité. Mais pas un enfant qui, l'artisanal, entièrement dédiée à la maxime suivante : « Ce n'est pas parce que c'est inventé que ça n'existe sachant lire ou pas, n'aura envie d'avaler ces livres. C'est d'ailleurs le but de ce récit pimpant, initiatique, pas. » Cette phrase paradoxale prônant la vérité du au graphisme original qui oscille entre un décor conte, le petit héros de Kérity ne peut la déchiffrer, familier et un réalisme fantastique parfois kafkaïen lorsqu'il pénètre dans la bibliothèque que lui a léguée (lorsque les rêves de Natanaël l'entraînent dans des sa grand-mère. Natanaël, 7 ans, ne sait pas 5 dédales de pages imprimées sous une pluie de lettres lire, et il en souffre, devant faire face aux railleries continuelles de sa grande sœur de l'alphabet). Un joli spectacle pour les petits. jalouse. Dépité, il cède la collection de livres à ses parents, dans le besoin après la destruction du toit de la maison. Un geste généreux que le petit garçon regrette aussitôt, dès lors qu'une nuit, les personnages des contes lui apparaissent en chair et en os. Pour sauver ses nouveaux amis (Pinocchio, Peter Pan, Alice, la belle au bois dormant, etc.), menacés par la vente des livres, Natanaël devra surmonter et affronter ses peurs, et notamment sa difficulté à lire. Réduit à la même taille que les héros des contes par la fée Carabosse, Natanaël part à la découverte d'un monde étrange, où tout paraît gigantesque. Accompagné d'Alice et du Lapin Blanc (évadés du pays de merveilles), mais aussi de l'Ogre, l'enfant bascule de l'autre côté du miroir, façon l'homme qui rétrécit au pays de Coraline. Un bébé ou un crabe s'avèrent alors de redoutables dangers, tandis qu'un cerf-volant peut servir d'avion. Naïf, le graphisme de Rébecca Dautremer atténue la violence potentielle de ce périple, en misant sur les teintes chaleureuses de ses gouaches. D'aspect simple, presque rustique, le film pallie ses carences en fluidité (fixité des décors, traits peu expressifs des personnages) dans le soin d'orfèvre porté aux contrastes, notamment au niveau des textures (rideaux japonais transparents, strates géologiques sur les falaises, etc.) et de la luminosité (superbes séquences dans la bibliothèque). Destiné aux petits, et raconté par des voix joliment habitées, ce conte ne séduit pas complètement, oubliant parfois un peu le public adulte, en négligeant l'humour (très pauvre et premier degré), les sujets « graves » (la mort de la grand-mère) et le rythme. Pas grave : à travers ce voyage initiatique un poil trop figé, le film de Dominique Monféry joue néanmoins plutôt plaisamment avec l'imaginaire collectif tout en lui rendant un hommage sincère. une vision aboutie des contes avec un retour au source : la tradition orale. Il était une fois un loup et un chaperon - rouge, bien sûr - amis pour la vie, partis à la recherche de compère l’ogre, pour se rendre à la soirée des trois petits cochons, donnée en l’honneur de la Fée Carabosse. Impossible me direz-vous. Chez Grimm ou Charles Perrault, sûrement, mais pas dans le longmétrage de Dominique Monféry. En effet, dans cette œuvre d’animation, les héros de contes de fées sortent des livres, créent des liens d’amitié et partagent des aventures passionnantes. Prenant vie, ces personnages ne sont pas uniquement les protagonistes d’histoires enfantines mais bel et bien des compagnons de route. (...) On remarque que loin de toute représentation communément acquise (notamment disneyenne), on reconnaît facilement les personnages d’Andersen, Collodi ou James Matthew Barry - démontrant par là-même qu’il s’agit bien de figures littéraires prototypiques que chaque imagination illustre à sa manière sans pour autant en détourner l’essence. La littérature du conte est bien un vecteur de transmission de l’imaginaire. Kérity, la maison des contes constitue un récit d’initiation dont la photographie illustre les émotions et l’évolution du jeune héros dont les traits ne sont pas très marqués (mais néanmoins travaillés : ses yeux sont très expressifs) afin de faciliter la reconnaissance du spectateur, enfant ou adulte, face à cet enfant qui se bat pour conserver ces récits formateurs et enchanteurs. La bibliothèque, lieu de mystère constitué de poutres et de kakémonos est présentée dans une pénombre rougeoyante au début du récit, à l’instar des craintes du petit garçon. Lorsque celui-ci a surmonté ses angoisses, cette pièce de rassemblement des savoirs devient un havre de paix dont les tons Paris Match - Alain Spira (Déc. 2009) rosés incitent au calme et à la détente. Ainsi, parAlors que la tendance est aux films d'animation high- delà même ses qualités plastiques, le long-métrage tech en 3D, Kérity, la maison des contes revient aux de Dominique Monféry offre une vision réellement sources du dessin animé pour nous entraîner dans personnelle des contes où chaque spectateur, chaque une aventure haletante et magnifique. Dessiné par auditeur devient un actant du récit et laisse à chacun Rebecca Dautremer, une magicienne du graphisme, le soin de se constituer son propre imaginaire. Kérity est un cadeau de Noël inespéré qui enchantera les petits et émerveillera les adultes. Ce beau film est comme les vieux contes éternels, il sentira le neuf à jamais... A voir, à lire - Marine Bénézech Tous les personnages des récits populaires se retrouvent dans Kérity La maison des contes pour participer à l’initiation littéraire du 6 héros. Convaincant et enchanteur, ce longmétrage d’animation peut prétendre proposer 2- Analyse filmique : Découpage séquentiel La première étape du travail de l’analyse consiste en une segmentation de l’histoire. Une séquence est « une unité narrative (ou segment) autonome, possédant généralement une unité de temps et d’action, ou du moins l’un de ces deux éléments. » Le découpage séquentiel est en quelque sorte une recréation du scénario du film a posteriori ; il ne se confond pas avec le découpage technique effectué lors de la préparation du film. Il relève forcément déjà d’une interprétation du film ; voici donc le séquençage que je propose, basé sur le chapitrage du DVD - "Studio Canal". Chapitre 1 = 00:00:00:00 Séq. 1 : Générique En alternance, cette séquence introductive du film va montrer deux types de plans : • des livres de contes dans les rayonnages d'une bibliothèque. On reconnaît des titres comme Le chat botté, Le Petit Chaperon rouge ou Babayaga, ou bien encore Alice's adventures in Wonderland (en anglais) ; • des plans d'une voiture rouge quittant la ville sous la pluie et se rendant au bord de la mer. Au milieu des rayonnages, une ombre apparaît sur la tranche des livres, on croit reconnaître celle de Peter Pan. Avec des lettres de différentes tailles, le titre du film vient s'écrire (on reconnaît d'autres mots qui auront une importance dans la suite de l'histoire, mots qui semblent flotter dans l'air). Sur le bord de la route, un panneau indicateur situe déjà le lieu de l'action, le village de Kérity. Deux enfants à l'arrière de la voiture se chamaillent. Le petit garçon demande si l'on est bientôt arrivés et la jeune fille se moque de lui. "Tu le saurais si tu savais lire parce que c'est écrit sur le panneau là !". La maman demande à Angélica d'arrêter et précise qu'ils y sont presque. En sourdine, elle chantonne encore cependant à son frère : "Il sait pas lire..." Séq. 2 : Dans la maison d'Eléonore (00:02:27) La voiture se gare devant la maison. Le petit garçon a l'air songeur et triste. "Ca va faire tout bizarre qu'elle soit pas là cette année." On apprend alors que l'occupante de la maison la leur a léguée à sa mort (sans doute récente). Angélica court ouvrir la maison qui sent le renfermé. Natanaël qui la suit se remémore les histoires que Tante Eléonore a pu lui lire dans les différentes pièces ; c'est d'abord Ali Baba puis un passage d'Alice. Le garçon s'arrête devant une porte mystérieuse ; Eléonore lui avait fait la promesse qu'il saurait un jour ce qu'il y avait derrière, lui confiant aussi une idée très importante : "une chose réunit les hommes sur cette terre, c'est que personne ne peut vivre sans rêve." Natanaël s'approche de la porte et essaie de voir par le trou de la serrure mais il est surpris par sa soeur qui lui rappelle que cette pièce est interdite. Elle se moque encore une fois de l'incapacité du garçon à lire. Comment va-til faire pour entendre ses histoires préférées maintenant qu'Eléonore, qui est morte, n'est plus là pour lui lire ? Séq. 3 : L'antiquaire (00:04:51) Le père essaie d'ouvrir une porte dans le jardin mais elle résiste. Un voisin et ami, Adrien, dit qu'il faudrait que cette maison soit habitée toute l'année mais, c'est impossible, le travail du père étant à la ville. Une camionnette verte s'approche (ce qui semble déplaire à Adrien), c'est celle de Pictou, l'antiquaire, qui vient proposer ses services. Mais le père décline l'offre pour l'instant. Adrien ne semble pas apprécier l'antiquaire, et, sous la colère, réussit d'un coup de pied à débloquer la porte. Avec ses amis, il évoque la vie heureuse qu'a eu Eléonore qui vient de mourir à la veille de ses 100 ans. La discussion se prolonge sur les maigres progrès de Natanaël en lecture ; la maman aurait souhaité qu'Eléonore soit encore là pour trouver comment surmonter ce blocage. Adrien en est sûr : "elle l'aimait ce gamin. Ils faisaient une sacré paire tous les deux". Séq. 4 : Jeux sur la plage (00:07:20) Dans la séquence précédente, on avait vu les deux enfants quitter la maison avec un cerf volant et des affaires de plage. On les retrouve descendant une passerelle métallique qui leur permet de descendre sur le sable. Pendant qu'Angélica essaie son cerf volant, Natanaël déloge un crabe et s'amuse à construire un château. Il fait un passage pour le roi Arthur prêt à rejoindre les chevaliers de la Table Ronde, déloge une nouvelle fois le crabe devenu un dragon attaquant le chevalier Natanaël... Adrien descendu sur la plage essaie d'être de bon conseils mais Angélica n'arrive pas à maîtriser le cerf volant qui vient s'abîmer sur le sable. Chapitre 2 = 00:08:52:68 Séq. 5 : Les cadeaux d'Eléonore Le soir, les parents expliquent qu'Eléonore, en plus de leur léguer la maison, a écrit une lettre aux enfants pour leur expliquer les cadeaux qu'elle leur a laissés, lettre qu'ils ne devaient lire qu'en leur présence. Le père demande à Natanaël de la lire mais, hésite par crainte de ne pas réussir. Sa soeur lui prend la feuille des mains et commence la lecture à haute-voix. (Progressivement, la voix de l'enfant est remplacée par celle d'Eléonore...) Angélica reçoit la poupée qu'elle affectionnait particulièrement quand elle était petite : "je crois qu'il est temps que tu lui racontes tous tes secrets car, en échange, elle aussi te livrera les siens." Natanaël lui, se voit révéler la cachette de la clef de la pièce secrète. "Je t'offre la clef du royaume ; tu es le maître des lieux à présent. Je te confie tout ce qui s'y trouve. Prends-en grand soin !" On voit Natanaël trouver la clef dans le moulin à café puis se précipiter à l'étage pour ouvrir la pièce. Angélica voudrait courir le retrouver mais son père l'arrête : "ça doit rester entre ton frère et Eléonore ; ça ne nous regarde pas." Séq. 6 : Natanaël découvre la bibliothèque (00:10:12) Devant la porte, l'enfant se souvient d'avoir souvent demandé, sans succès, à Eléonore ce qu'il y avait derrière ; "sois tranquille, tu le sauras un jour, mon petit Nat." Confiant, l'enfant tourne la clef 7 dans la serrure et ouvre la porte, mais avec un peu d'appréhension quand même. Cachés derrière des rideaux, il finit par découvrir les rayonnages que nous avions aperçus dans le générique. Déception : "des livres, tant de mystère pour des livres !" Natanaël est déçu et, de dépit, claque la porte, laissant tomber la clef sur le sol. Un plan nous montre que la poupée a elle aussi été abandonnée au sol par Angélica. Séq. 7 : Le cauchemar (00:11:41) C'est la nuit. L'orage monte et une tempête s'approche. De petites voix se font entendre sur le seuil de la chambre de Natanaël. "Pourquoi il ne nous a même pas ouvert ? - Ca doit être l'émotion ; il était trop bouleversé ! - Vous êtes sûrs que c'est bien lui qu'elle nous a envoyé." L'orage devenant plus fort semble être l'élément déclencheur du cauchemar de Natanaël. La maison tombe de la falaise et plonge avec un livre ouvert dans une mer où nagent des lettres et où les vagues sont des pages noircies de lignes incompréhensibles. Séq. 8 : Les conséquences de la tempête (00:13:28) La toiture de la maison a été très endommagée et la situation financière des parents ne permettra pas de payer les réparations. Ils envisagent de s'en séparer mais Natanaël leur interdit. Il faut donc trouver une solution : vendre des meubles, la poupée d'Angélica... Elle refuse, arguant du fait qu'elle n'a quasiment rien eu, en comparaison de Natanaël qui "a eu droit à plein de trucs, je parie." Natanaël rétorque qu'il n'a eu que des livres, ce qui lui vaut de nouvelles railleries. Le garçon est prêt à se séparer des ouvrages ; il connaît déjà toutes les histoires et, de toute façon, c'est le seul moyen de trouver de l'argent pour garder la maison. Son père s'apprête à appeler Pictou, l'antiquaire mais, avant, sa maman lui propose de choisir un livre en souvenir d'Eléonore. Natanaël retourne donc à l'étage. Chapitre 3 = 00:15:21:48 Séq. 9 : Un cauchemar éveillé Natanaël reprend la clef qu'il avait laissé la veille et retourne dans la pièce. Il explore les lieux, grimpe les escaliers, relève un livre tombé qu'il remet en place dans l'étagère. Mais, ce dernier retombe, ouvert sur une illustration d'Alice au Pays des Merveilles. Aussitôt, Natanaël entend dans sa tête la voix d'Eléonore lisant un passage de ce livre, ce qui suscite un sourire sur le visage de l'enfant. Mais, la page se tourne toute seule et Natanaël est confronté à une feuille couverte de signes "cabalistiques" incompréhensibles pour lui. On entend la chansonnette ironique de sa soeur (voir séq. 1), "il sait pas lire..." 8 Le cauchemar de la nuit précédente semble se poursuivre. Des lettres sortent des livres et se dirigent vers l'enfant ; ensuite, ce sont carrément les livres qui l'encerclent puis lui tombent sur la tête. Il se met à courir pour essayer de s'enfuir mais il est rattrapé par le flot noir des lettres qui est prêt à l'engloutir. (Plusieurs plans nous montrent que tout ceci se passe dans la tête de l'enfant puisque il est debout et immobile ; on est rassuré, le danger n'est pas véritable...) Finalement, il arrive à s'échapper et descend l'escalier (dans son rêve comme dans la réalité) et tombe épuisé sur le sol. (Fondu au noir). Séq. 10 : La bibliothèque s'anime (00:18:38) L'image est d'abord floue puis, progressivement, devient plus nette. On entend des voix qui s'interpellent : "c'est lui alors, c'est lui le remplaçant ? Il est drôlement petit pour un grands-pieds" Natanaël se réveille et, aperçoit en haut de l'escalier quelques créatures qui s'adressent à lui (un pirate - le capitaine Crochet, une jeune fille avec un balai - Cendrillon sans doute-, un grand méchant loup et... le Petit Chaperon Rouge !) Il prend d'abord peur mais, quand il entend le nom d'Eléonore prononcé par l'une d'elles, il se retourne. Il demande si sa tante les voyait comme il les voit maintenant et, il poursuit en leur demandant d'où ils viennent. A ses questions, les personnages de contes, auxquels vient se joindre le Chat Botté, comprennent que Natanaël n'a pas été informé par Eléonore de l'importance de cette pièce. Ils lui apprennent que tous les ouvrages présents dans cette bibliothèque sont des originaux. "C'est dans les livres qui t'entourent que nos histoires ont été éditées pour la toute première fois." "Ta mission est toute simple, lui dit le loup. Pour que nos histoires perdurent à travers le monde, tu dois nous protéger et, le plus important, tu ne dois jamais parler de nous, à personne." Le Petit Chaperon Rouge demande si Natanaël les reconnaît. Voyant qu'il les connaît tous, le Chat Botté invite tout le monde à sortir. C'est une véritable fête qui se met en place, tous les personnages sortant au fur et à mesure des ouvrages, Natanaël criant de plus en plus fort les noms de ceux qu'il reconnaît au fur et à mesure que sa joie grandit. Alice le félicite, ce qui entraîne un certain trouble chez Natanaël qui lui avoue : "je t'ai toujours aimé... euh, enfin, ce que je veux dire, c'est que j'ai toujours adoré tes aventures." Tous applaudissent Natanaël qui va les sauver et permettre à tous les enfants du monde de rêver ! Séq. 11 : La Formule magique (00:21:10) Pendant que, dans l'ombre, un personnage observe la scène, les autres héros des contes conduisent Natanaël devant une plaque qu'ils dévoilent. Sur celle-ci, nous lisons "ce n'est pas parce que c'est inventé que ça n'existe pas". Mais, devant la stupeur de l'enfant, alors qu'on entend quelqu'un demandant le silence ("taisez-vous, il va lire la formule"), les lettres se mettent de nouveau à danser. Alice essaie de rassurer le garçon et Pinocchio explique que grâce à lui, ils pourront vivre plus longtemps, jusqu'à ce qu'il passe la main à quelqu'un d'autre et ainsi de suite... " Chapitre 4 = 00:22:04:72 Mais, une voix retentit : "Ce n'est pas lui !" Cette voix, c'est celle de la fée Carabosse, furieuse d'avoir encore une fois été mise de côté, et qui le met au défi de lire la formule. Tous l'encourage mais, Natanaël se montre incapable de prononcer un mot. Carabosse constate alors : "il ne sait même pas lire. Vous croyez vraiment qu'Eléonore nous aurait envoyé quelqu'un qui ne sait pas lire !" "Les héros de conte non plus ne savent pas lire ; c'est pourquoi ils ont besoin d'un protecteur" lui rétorque-t-on. Natanaël, devant l'importance de la tâche, s'apprête à essayer mais, le Chat Botté le met en garde : "surtout pas d'erreur, tu n'as droit qu'à une seule tentative." Le lapin blanc d'Alice dit qu'il reste de l'espoir ; la limite pour la lecture de la formule est à midi, sinon, tous vont disparaître. "Si ça arrive, on ne lira plus que des histoires vraies à tous les enfants." Séq. 12 : Natanaël subit la colère de carabosse (00:23:33) Un plan de coupe nous montre le camion Antik qui se gare devant la maison. Pendant ce temps là, Natanaël se désole dans la bibliothèque ; "je ne peux pas les amis." Alice se veut rassurante : "calmez-vous, il va y arriver, laissez-le se concentrer une minute !" Lorsqu'on entend Pictou arriver et dire, dans le hall, qu'on l'a appelé pour de vieux livres, Natanaël n'arrive pas à se justifier et s'enfonce un peu plus à chaque parole. Carabosse tient selon elle la preuve de l'imposture. Quand l'enfant dit qu'il ne savait pas que les livres étaient habités et qu'il va tout arranger en expliquant à ses parents (alors qu'il a consigne de ne rien dire), la fée Carabosse veut le punir et le réduit à la taille des héros des contes. Les autres réagissent : "vous nous mettez tous en danger en le faisant rapetisser, et ça vaut aussi pour vous !", déclare Alice. Carabosse justifie son acte, par le fait d'être toujours mise à l'écart. Séq. 13 : Pictou dévalise la bibliothèque (00:24:50) Tous les personnages de contes courent se cacher alors que l'antiquaire fait son entrée dans la pièce. Pictou va d'une étagère à l'autre, en dissimulant la joie qu'il a de découvrir des éditions originales. Il va réaliser assurément l'affaire du siècle. Aux parents de Natanaël, il dit qu'il ne sait pas trop ce qu'il va pouvoir tirer de ces bouquins trop vieux, peut-être au poids... S'ils ne valent rien, le père dit que Natanaël ne va pas vouloir s'en séparer ! L'attitude de Pictou change alors ; il ne veut pas prendre le risque de laisser passer cette affaire. Il propose donc de les prendre en dépot-vente. En deux temps, trois mouvements (sur fond de musique entraînante !), les étagères sont vidées. Natanaël a beau essayer d'appeler ses parents à l'aide, il n'est pas entendu. Pictou ne laisse finalement qu'un seul livre, vraiment trop vieux, qu'il jette à part ! Séq. 14 : Prisonniers dans la boutique (00:26:29) (Fondu au noir, par une plongée et une contre-plongée dans un carton.) Les cartons sont d'abord mis à l'arrière de la voiture ; les personnages de contes veulent se rassurer. "Le bon côté des choses, c'est que nous sommes ensemble." Mais, bien vite, ils s'aperçoivent de l'absence de Carabosse. Pendant le voyage, Pictou commence déjà à ameuter des clients potentiels, friands de livres rares et de premières éditions. Arrivé à sa boutique, il décharge son camion puis, dans l'entrepôt, se félicite encore une fois de sa bonne fortune, avant de monter à l'étage, pour négocier la vente de ces livres, qu'il est prêt à vendre à l'unité, ce qui signifierait leur séparation. Tout les personnages sont sortis des cartons. Natanaël a été le premier à soulever le carton, mais, derrière lui, l'ogre menaçant voudrait bien déguster un bon repas ! Tous espèrent en Natanaël, mais le petit garçon ne voit pas d'abord ce qu'il peut faire ; "c'est vous les héros. Je sors pas d'un livre, moi. J'connais pas mon histoire, je sais même pas comment ça finit !" Natanaël rattarapé par l'ogre, court se cacher, imité juste après par le capitaine Crochet qui lui, a cru entendre le crocodile. Pictou retourne à sa camion et, très content, repart. La situation semble bloquée : seul un humain peut lire la formule, le temps presse, certains commencent à perdre espoir (Blanche Neige est empêchée juste à temps de manger sa pomme...). La voix d'Eléonore se fait entendre une nouvelle fois dans la tête de Natanaël. Il reprend du courage et annonce aux autres qu'il va tout faire pour les sauver, d'abord convaincre Carabosse de lui redonner sa taille normale, ensuite, informer son père qu'il ne doit pas vendre les livres. Dans ce laps de temps, Natanaël fait confiance aux héros pour trouver un moyen d'empêcher la vente. Séq. 15 : Préparatifs (00:30:39) Angélica cherche son frère ; au sol, elle trouve le livre abandonné par Pictou, celui racontant l'histoire de la fée Carabosse. Elle croit alors que c'est le livre qu'a retenu Natanaël et le pose sur une table. Chapitre 5 = 00:31:34:00 En travelling arrière, nous mesurons l'espace qui sépare la maison de la boutique de Pictou. Dans la vitrine, la petite fille aux allumettes confie son précieux trésor à Natanaël, sa dernière allumette. Pinocchio lui, prend les lunettes "magiques" de Gepetto et les tend ; elles permettent de lire tout, sans difficulté. Mais, quand Natanaël a le dos tourné, Pinocchio peine à cacher son nez qui s'allonge ; on comprend alors que c'est un mensonge ! Alice et le lapin blanc se propose eux, d'accompagner Natanaël pour l'aider ; l'ogre voudrait bien être de la partie mais, on lui refuse, de crainte qu'il ne veuille dévorer l'enfant au lieu de l'aider. Les trois aventuriers sortent par un carreau cassé et s'éloignent, sous la surveillance du capitaine Crochet dans sa vigie. Séq. 16 : En route vers la maison (00:33:37) Ils commencent à s'avancer vers la plage mais, leur progression est difficile, leurs pas s'enfonçant dans le sable sec. Le sol s'effondre même parfois ; Natanaël se retrouve le visage plein de sable qu'Alice va faire s'envoler d'un simple souffle. Ils reprennent la route mais, sont arrêtés par des traces de pas appartenant à une maman et son jeune enfant. Natanaël préfère passer par un autre chemin, car il ne faut surtout pas être vus par ces "monstres" qui pourraient s'en prendre à eux. Ils s'enfoncent alors dans ce qui s'apparente pour eux à une immense forêt mais, d'abord émerveillée, Alice commence à s'inquiéter car elle semble avoir décelé une présence. Chapitre 6 = 00:36:04:72 On perçoit une silhouette qui passe furtivement derrière Alice mais, le danger va d'abord venir de l'avant ; une vague arrive et les emporte. Natanaël attrape la main d'Alice et, alors qu'ils s'éloignent de plus en plus du rivage, une boule est lancée d'une barque, boule à laquelle ils vont s'aggriper pour pouvoir atteindre la plage. Mais, un nouveau danger survient : une mouette qui veut en faire son repas. Un coup de pelle la chasse et, au bout du manche, c'est l'ogre que l'on aperçoit. Ils sont sauvés mais, l'ogre, qui poursuit son idée fixe, soulève Natanaël pour l'approcher de sa bouche. Alice réussit toutefois à le raisonner ; ce n'est pas comme ça que l'on aime ses amis. "Quand on aime un ami, c'est pour toute la vie." Le lapin les presse ; un insert sur la montre nous informe qu'il est 10h45. Sur les plans suivants, on voit les deux enfants et le lapin perchés sur les épaules de l'ogre. La progression vers la maison en est facilitée. Séq. 17 : Le premier client (00:38:30) A l'autre bout de la plage, dans la boutique, Crochet et Peter Pan se battent pour disposer de la longue-vue lorsqu'un premier client fait son entrée à la suite de Pictou. Tous les héros se cachent une nouvelle fois. Le client, en admiration devant l'édition originale des Mille et une nuits va vite se mettre en colère quand, en observant les illustrations, il va découvrir Cendrillon croisant la route du grand méchant loup. Nos héros ont échangé leur place habituelle pour faire rater la vente. Stupéfaction de Pictou qui ne comprend pas mais qui ne se laisse pas démonter par le départ du premier acheteur. Il saute sur le téléphone pour contacter une nouvelle cliente. Pinocchio n'est pas dupe ; ce qui a marché une fois ne fonctionnera pas toujours ! Chapitre 6 = 00:40:01:32 Séq. 18 : Nouveaux dangers sur la plage L'ogre a de plus en plus de mal à s'empêcher de croquer Natanaël ; aussi, Alice et le garçon descendent de son dos et se remette à marcher sur le sable, prétextant que l'ogre ne doit pas épuiser ses forces. Un danger rôde, le jeune enfant aperçu au début de la séquence 16 qui va se mettre à leur courir après, les prenant pour des jouets animés. Nos héros s'abritent in extremis dans un tunnel de sable, duquel la petite essaie de les extraire. (plan de coupe où l'on voit que Peter Pan a pris la place dans la vigie, après avoir attaché Crochet !) Ils s'enfoncent un peu plus sous le château qui s'averre être celui construit par Natanaël (séq. 4). L'occupant du château que le garçon s'était amusé à chasser au début du film prend tout à coup une autre dimension ; le crabe devient un danger bien plus monstrueux encore ! Dans l'obscurité, on le voit et on l'entend se préparer à fondre sur les quatre proies qui se présentent à lui. Le jeune enfant va se faire pincer par le crabe, permettant aux héros de prendre un peu d'avance sur le prédateur mais très vite ils sont rattrapés, coincés dans un cul de sac. Utilisant la montre du lapin comme bouclier et l'allumette donnée par la "petite fille aux allumettes" (séq. 15) comme épée, Natanaël va défendre ses nouveaux amis et faire reculer le monstre. La marée approche et les amis se donnent la main, formant une chaîne pour pouvoir s'échapper. Emportés par le flot, ils vont être séparés un temps. Le jeune enfant attrape l'ogre et le met dans son 9 camion. Assommé, celui-ci ne réagira que lorsque Natanaël le rejoint et lui jette de l'eau au visage. Il faut se dépêcher de descendre du camion qui les éloigne à chaque tour de roue de la bibliothèque ; en effet, Alice et l'ogre commence à disparaître. Séq. 19 : La collectionneuse (00:46:13) Dans la boutique, les autres personnages de conte font le même constat ; le petit chaperon rouge commence à perdre ses couleurs... Le chat botté rappelle l'enjeu : il ne reste plus qu'une demi-heure à Natanaël pour lire la formule. La nouvelle cliente arrive dans la boutique ; elle vient de commencer une collection de contes de fées car ses ancêtres en ont écrit. Pictou vante la qualité des illustrations des ouvrages qu'il a à vendre mais, stupeur, il réalise que les images ont carrément disparues de tous les livres. (On aperçoit les personnages cachés en haut des poutres métalliques). La cliente le laisse, sans être plus ennuyée que cela ; elle reviendra pour lui acheter une nappe ! Séq. 20 : A la recherche de Natanaël (00:48:02) La soeur de Natanaël est assise à réparer son cerf-volant. Les parents commencent à s'inquiéter de l'absence de leur garçon et ils envoient Angélica chez Adrien pour voir s'il n'est pas là-bas. En ralant, Angélica se lève, espérant trouver un moment pour pouvoir faire voler son cerf-volant. Chapitre 7 = 00:48:33:00 Retour sur la plage. Les héros ont finalement atteint l'escalier qui conduit à la maison mais, celui-ci est bien trop haut pour qu'ils puissent l'atteindre. Séq. 21 : Les poupées russes (00:49:00) La soeur arrive chez Adrien qui n'a pas vu Natanaël de la matinée. Il l'invite à rentrer et elle tombe sur la collection de poupées russes à laquelle il tient beaucoup. Eléonore lui en apportait à chacun de ses retours de Russie ; elle disait : "les poupées, c'est comme les humains ; leur trésor se cache à l'intérieur." Angélica lui confie qu'elle aurait préféré une de ces poupées à la "vieille moche" qu'elle a reçu. Elle remet en cause le choix d'Eléonore d'avoir donné les livres à "Natalphabète" comme elle appelle son frère, le chouchou. Adrien est persuadé qu'Eléonore les aimait tous les deux et qu'elle n'a sûrement pas voulu lèser l'un par rapport à 10 l'autre. Pour Angélica, ça n'a plus d'importance puisque les livres sont partis chez Pictou, ce qui met en colère Adrien. Il aimerait bien pouvoir faire quelque chose. Angélica repart sur la plage pour essayer son cerf-volant. Séq. 22 : Le cerf-volant (00:50:30) Alors qu'ils marchent sur la plage, Natanaël, Alice, le lapin et l'ogre reçoivent sur la tête le cerf-volant d'Angélica? Si l'ogre croit qu'il vient d'être avalé par un humain, seul Natanaël a reconnu l'objet et dit à ses amis qu'ils doivent s'accrocher le plus fort possible. Au même moment, le cerf-volant décolle et l'ogre a du mal à s'accrocher. Finalement, les trois héros sont pour un temps à l'abri dans un repli du cerf-volant qui monte haut dans le ciel. Natanaël parlant de sa soeur : "si elle est toujours aussi douée, on ne devrait pas tarder à s'écraser sur le sable." Le vent ayant forci, c'est ce qui ne tarde pas à se produire... Les héros de conte sont de plus en plus transparents ; l'ogre, aggacé, veut partir et redescend sur le sable. Angélica rembobine le fil du cerf-volant et l'ogre n'a pas le temps de se cacher de nouveau. La jeune fille le repère et découvre aussi Natanaël. Elle se met d'abord à hurler sur son frère mais, quand il essaie de s'expliquer, elle se moque encore de lui et de sa taille. Devant son insistance, elle comprend que l'instant est grave et on sent qu'elle n'a plus envie de se moquer. Séq. 23 : Les adieux (00:53:10) Pour faire suite aux supplications de Natanaël, on découvre les héros de "papier" qui perdent espoir et font leurs adieux : le loup et le petit chaperon rouge s'embrassent, Pinocchio veut ramener Gepetto toujours à la recherche de ses lunettes, Crochet et Peter Pan se réconcilient... Séq. 24 : Retour dans la bibliothèque (00:53:48) Dans la maison, Natanaël et ses compagnons ont du mal à atteindre l'étage. Alice s'étonne de ce qu'Angélica ne les ait pas emmenés jusqu'en haut et qu'elle soit partie aussi vite. Mais, il ne reste plus que cinq minutes leur rappelle le lapin blanc. Par la fenêtre, Natanaël la suit du regard ; on la retrouve en grande discussion chez Adrien... Retour dans la bibliothèque ; Carabosse, moqueuse, les accueille avec une certaine ironie : "tiens, on aurait besoin de moi !" Mais, les héros passent devant elle sans même marquer un temps d'arrêt. Vite, ils se précipitent vers la formule et Natanaël prend dans sa poche les lunettes de Pinocchio. Il ne voit rien avec et, il ne reste plus qu'une minute. L'enfant perd tout espoir mais, Alice prend son visage dans ses mains et lui affirme sa confiance en lui. "Tu nous as conduit ici, sans toi on n'aurait jamais réussi. Dépasse tes peurs. Tu connais l'alphabet, tu sais lire ; tu dois croire en toi, tu peux le faire..." Il lache les lunettes sur le sol... Séq. 25 : Les héros sont sauvés... (00:56:05) Un drôle de personnage vient tirer Pictou de son repos ; il se dit à la recherche de vieux bouquins, n'importe quoi pourvu que ce soit ancien. Retour dans la maison ; Natanaël commence à lire la formule qui elle aussi commence à disparaître mais, les lettres recommencent à danser autour de lui. Insert sur la montre : les aiguilles s'approchent de plus en plus de l'heure fatidique. Il finit de la lire juste à temps, même si, d'abord, on a l'impression que c'était trop tard car, on a vu l'ogre et Alice disparaître totalement. Mais, dans la bibliothèque comme dans le magasin de Pictou, les héros ont retrouvé leurs couleurs. Carabosse, obligée de reconnaître son erreur, lui annonce qu'elle lui rendra sa taille quand les livres auront retrouvés leur place. L'ogre la saisit par le col ; "cette fois-ci, vous venez avec nous". Chapitre 8 = 00:58:06:60 Séq. 26 : … Il faut encore sauver les livres… On les voit sortir de la bibliothèque et essayer de sortir de la maison très discrètement. Angélica revient ; Natanaël croit qu'elle va trahir son secret mais, bien vite, il comprend que sa soeur ne cherche qu'à l'aider. D'abord, elle dit à son père que Nat les attend chez Pictou ; ensuite, elle indique à son frère la poche du manteau de son père comme moyen de locomotion pour quitter la maison. En prenant la rampe de l'escalier comme toboggan, les héros arrivent finalement, avec l'aide d'Angélica, à tomber dans cette poche... Dans la boutique de Pictou, Adrien essaie de gagner le plus de temps possible en lui parlant de tout et de rien, allant de digression en digression pour retarder la vente. Séq. 27 : Le secret de la poupée (01:00:08) Angélica est sur le seuil de la maison, visiblement inquiète. Le chat d'Adrien pousse la poupée d'Eléonore auprès d'elle puis s'en va. Les paroles d'Adrien (séq. 21) lui reviennent en tête, avec la voix d'Eléonore. Elle défait les lacets de la poupée et, tout d'un coup, son visage s'éclaire et elle laisse échapper un petit rire ; on n'en saura pas plus pour l'instant. Séq. 28 : Le père retrouve son fils chez Pictou (01:00:58) Pictou en a assez de ce client qui n'en est pas un. La voiture qui arrive lui donne l'opportunité de s'en débarasser mais, c'est un père furieux qu'il voit surgir dans sa boutique. Il prend la porte dans le nez lors de son entrée fracassante. Natanaël et ses compagnons sautent de la poche et rejoignent les autres héros, montrant ainsi à Carabosse qu'ils sont eux aussi sauvés. Les héros éclatent de joie, oubliant qu'ils pourraient ainsi révéler leur existence. D'ailleurs, le père de Natanaël se retourne vers les cartons, croyant avoir entendu du bruit. Le petit garçon exige de Carabosse qu'elle lui rende sa taille mais elle traine à le faire et lorsque s'approchant pour la menacer, l'ogre fait tomber un livre, leur présence est sur le point d'être découverte par le père qui s'approche. Alice se précipite à l'opposé et fait, une nouvelle fois, tomber une pile de livres pour détourner l'attention, le temps pour Natanaël de retrouver enfin sa taille normale. Natanaël explique qu'il faut garder les livres, que ce sont des exemplaires uniques. Il se montre si convaincant que son père accepte de reprendre les livres mais, Pictou ne l'entend pas de la même façon ! Il a un client prêt, selon lui, à acheter l'ensemble. Adrien révèle alors son vrai visage, provoquant l'évanouissement de l'antiquaire. Séq. 29 : Tout reprend sa place (01:03:56) Adrien explique qu'Angélica l'avait prévenu et qu'il a tout fait pour gagner du temps. Natanaël se moque de Pictou et lui tire la langue ; celuici réagit, le qualifiant de morveux. Il va subir le châtiment de Carabosse qui va le réduire à la taille des personnages des livres. Tous les cartons sont ramenés en voiture dans la maison d'Eléonore. Angélica vient vers eux en criant : "la maison est sauvée." Elle révèle à tous le contenu de la poupée qu'elle a reçue en héritage ; elle contient les bijoux d'Eléonore. Séq. 30 : L'élu (01:05:10) C'est la nuit ; Angélica et Natanaël se rendent dans la bibliothèque. Tous les personnages révèlent leur présence à la jeune fille en sortant des livres. On retrouve Pictou qui doit se méfier de l'ogre qui en ferait bien son repas... A la suite de l'ogre, tous les héros font une ovation au nouvel élu ; c'est désormais Natanaël qui doit veiller sur eux. Alice s'approche avec le livre de ses aventures au pays des merveilles. Natanaël ouvre l'ouvrage et avec lui, on peut lire le début du texte. Sa lecture est devenue très fluide. La caméra s'éloigne des enfants, traverse le toit... Elle entame un tour du monde au cour duquel, de ville en ville, on entend la suite de l'histoire d'Alice dans diverses langues. Les contes sont sauvés... On revient pour terminer à la maison où on entend la voix d'Eléonore qui achève la lecture de l'histoire, tandis que les deux enfants sont endormis sur le sol de la bibliothèque. FIN Adaptation en album Anik Le Ray est scénariste et a écrit de nombreux scénarios pour le cinéma d'animation (L'ïle de Black Mor, Le Chateau des Singes...) et la télévision (Un cadeau pour Sélim, Le Petit Wang...) Kérity, La Maison des contes, est sa dernière oeuvre sortie au cinéma, avant le Tableau en cours de production. À partir de ce film est née la publication d’un album de jeunesse aux éditions Flammarion. Cet album prend trois formes distinctes et complémentaires : l’album du film cartonné, le grand album du film broché et l’album jeunesse accompagné d’un CD audio. Cet ensemble de différents supports représente un outil précieux pour une exploitation dans la classe, puisqu'on pourra, entre autres, observer les différences, les manques de l'album par rapport au film.... 11 3- Un genre : le cinéma d'animation / Le Dessin animé Avant de développer plus précisément des aspects liés au film Kérity, la maison des contes, nous allons nous intéresser un peu plus au film d'animation dans son ensemble et au dessin animé en particulier, en marquant les grandes étapes de son histoire et repérant ce qui en fait un genre cinématographique à part entière. des images successives passe éga Définition de l'animation L’interprétation lement par une interprétation psychologique, car ce L'animation consiste à donner l'illusion d'un mou- n’est pas la persistance rétinienne qui rend l’impresvement à l'aide d'une suite d'images. Ces images sion du mouvement au cinéma. Elle ne fait que rendre peuvent être dessinées, peintes, photographiées, nu- une impression de continuité entre les images, qui ne mériques, etc. Quelles que soient les techniques utili- nous semble plus être des images mais une action qui sées, le principe est toujours le même : le mouvement se déroulerait réellement devant nous. est décomposé en une succession d'images fixes dont Le phénomène responsable de l’impression de moula vision à une fréquence donnée donne l'illusion du vement au cinéma est un phénomène psychologique mouvement continu. Deux aspects sont importants : appelé effet PHI. Ce phénomène se traduit par l’im• Image par image : il faut représenter chacune des pression de mouvement que l’on a en regardant deux phases du mouvement réalisées et enregistrées image images successives légèrement décalées. L’effet phi par image, quel que soit le système de représentation est en fait une interprétation inconsciente de notre choisi, quel que soit le moyen d'acquisition employé, cerveau qui voit un changement de position d’un obquel que soit enfin le procédé de restitution visuelle jet sur deux images successives comme un déplacede l'animation. ment de cet objet. • Fréquence de restitution : les images sont restituées à une fréquence régulière suffisante pour que le cerveau et l'inertie des phénomènes entrant dans la vi- Histoire de l'animation sion, dont la persistance rétinienne, jouent leurs rôles (source principale : Animage.org - Ludovic MESSINGER) dans l'illusion. Le principe de la persistance rétinienne est à la base même du cinéma (mais n'est pas le seul élément entrant en compte). La découverte du principe de persistance des impressions rétiniennes remonterait au IIe siècle. En 1829, le Belge Joseph Plateau établit qu'une impression lumineuse reçue sur la rétine persiste 1/12e de seconde après la disparition de l'image ; il en conclut que des images se succédant à plus de 12 par seconde donnent l'illusion du mouvement. Les images que nous recevons de l’extérieur se forment au fond de notre œil sur une couche sensible appelée la rétine. Cette rétine envoie le message visuel à notre cerveau par l’intermédiaire du nerf optique. La rétine possède une substance, "le pourpre rétinien", qui est décomposé par la lumière mais se reforme extrêmement vite (en environ 1/12ème de seconde). Mais il existe tout de même une rupture à cause de ce très court instant. Il suffit donc de regarder des images qui défilent à un rythme de plus de 12 images par seconde pour avoir l’impression qu’elles se suivent sans rupture. En cinéma, la fréquence minimale était établie à 12 images/seconde aux origines. Mais pour éviter un papillotement désa12 gréable la fréquence de 16 images/seconde s'imposa rapidement comme un minimum. Remonter aux origines de l'animation, c'est remonter aussi le cours de l'histoire du cinéma et de la photographie. Cette histoire est jalonnée de différentes inventions techniques qui ont permis d'aboutir à la naissance du cinématographe en 1895. L'image fixe - la lanterne magique Premier objet de projection, la lanterne magique a fait récemment l'objet d'une exposition à la Cinémathèque de Paris. On pouvait se rendre compte que cette lanterne, d’abord baptisée "de peur", "mégalographique", "thaumaturgique", puis enfin magique, constitue probablement la plus surprenante, la plus imaginative, la plus dérangeante et artistique de toutes les machines inventées au cours de l’histoire de la naissance du cinéma. C’est l’ancêtre de l’actuel projecteur de diapositives. La lanterne magique est une inversion de la chambre noire, elle permet de projeter, ou agrandir sur un écran des images peintes sur verre. La chambre noire contient cette fois-ci une source lumineuse. La projection se fait à l’extérieur dans l’obscurité. On ignore qui est l’inventeur de la lanterne magique. En effet, certains pensent que la lanterne magique fut inventée au Moyen-Âge par le moine anglais Roger Bacon, alors qu'il étudiait la nature des ombres, leur décroissance et leur extension progressive ; d'autres l'attribuent au père Athanase Kircher, qui la décrit dans son ouvrage de 1646 Ars Magna Lucis et Umbrae. De nombreuses autres descriptions de la lanterne magique ont également été rédigées, par Damascius, Giambatista della Porta... Certains pensent que la projection d'ombres aurait inspiré Platon pour l'allégorie de la caverne. Bon nombre de spectateurs, stupéfaits par quelques projections de dessins naïfs sur un drap blanc, ont donné à ce phénomène un caractère magique d'où son nom. La lanterne projetait des images dessinées sur des plaques de verres placées entre un faisceau lumineux et une lentille grossissante. Une cheminée évacuait la fumée et la chaleur que dégageait la chandelle servant de source lumineuse. Les plaques étaient le plus souvent peintes à la main, et représentaient des paysages, des animaux, des scènes de la vie quotidienne, etc. Elles pouvaient raconter une histoire, une fable ou un conte populaire. Certaines plaques combinaient une plaque fixe avec un décor et une plaque munie d’un ingénieux mécanisme et donnaient l’illusion d’un mouvement, par exemple un bateau sur la mer agitée, un moulin dont les ailes tournent, un diable sortant de sa boîte, etc. Certains spectacles sont si effrayants que des spectateurs s’évanouissent ! Quoi qu'il en soit, la lanterne magique constitue un divertissement très prisé au 18e siècle. Le physicien Johannes Zahn et le projectionniste Etienne Gaspard Robert, dit Robertson, perfectionnent le procédé. Par ailleurs, au début du 19e siècle, le métier de "montreur de lanterne magique" se développe, plus particulièrement en Savoie. Il disparaît avec la commercialisation des lanternes magiques. En 1843, le français Auguste Lapierre produit, en série, la première lanterne magique. Cet engouement pour ce projecteur d'images provient du spectacle qu'il procure. A partir de la fin du 19e siècle, afin de diminuer les coûts de production, une nouvelle technique d'illustration est employée : la chromolithographie. Industrialisées, les projections de lanternes magiques se poursuivront jusqu'à l'invention du Cinématographe. La lanterne magique, grâce à la source lumineuse, reproduit les dessins de l’artiste. Mais il faudra attendre la venue de la photographie pour enregistrer véritablement la nature et la reproduire telle qu’elle est à nos yeux … L'image fixe - Chambre noire et photographie Principe de la chambre noire : en perçant un trou minuscule (sténopé) dans une chambre noire, on peut obtenir l'image renversée d'un objet sur un écran (ou sur une pellicule) situé en aval de la chambre. D'abord utilisée à des fins d'observation astronomique, la "chambre noire" ou camera obscura, telle qu'elle apparaît dans les écrits d'Aristote, se présentait sous la forme rudimentaire d'une pièce plongée dans l'obscurité dont l'une des parois, munie d'un orifice, permettait à la lumière d'entrer et de former, sur la paroi opposée, l'image inversée d'une éclipse solaire. Au XVIe siècle, on conseillera l'ajout d'une lentille afin d'obtenir une image de meilleure qualité. L'apparition au XVIIe siècle de chambres noires portatives de petit format représenta une étape déterminante dans l'histoire de la morphogenèse de l'appareil photographique. Composées de deux pièces s'emboîtant l'une dans l'autre de manière à régler efficacement la mise au point, ces chambres ressemblaient beaucoup aux premiers appareils photographiques. Compactes, munies de lentilles permettant différentes longueurs focales, elles constituaient les prototypes des appareils employés par les inventeurs de la photographie au début du XIXe siècle. La naissance de la photographie est liée à trois inventeurs : • Niépce invente l'héliographie en 1826 ou 1827. • Daguerre invente en 1839 un procédé photographique plus fiable que l'héliographie de Niépce : le daguerréotype. • Fox Talbot réalise le premier négatif de l'histoire permettant de tirer plusieurs copies positives en 1835. Joseph Niépce naît en 1765 à Chalon-sur-Saône (il prendra plus tard le surnom de Nicéphore). Nicéphore passionné de physique-chimie entreprend des recherches sur une idée qui l'obsédait depuis de nombreuses années : fixer sur une substance, les images reçues au fond des chambres noires. Jusqu’alors, ces boîtes percées d’un trou muni d’une lentille projetant sur le fond, l'image renversée de la vue extérieure, n’avaient été utilisées que comme instrument à dessiner. 13 En fait, c’est avec son frère que ce physicien fit des recherches, essentiellement sur la fixation des images. Celles-ci étaient obtenues grâce à une chambre noire portative : pour ses premières expériences, Nicéphore disposait au fond d’une chambre noire des feuilles de papier enduites de sels d'argent, connus pour noircir sous l'action de la lumière. Seulement, la chambre noire ne permettait pas de fixer durablement les images, même si on obtenait des images fidèles à la réalité. C’est après de nombreux essais photographiques que Niépce fut le premier à obtenir des images stables en exposant à la lumière en chambre noire des supports enduits de bitume de Judée qui est une matière photosensible. Cependant le procédé que Niépce utilise est très lent et compliqué. Mais c’est en 1826 que Niepce réussit à photographier le paysage qui était devant sa fenêtre, l'héliographie est née. Il s’agissait d’un négatif, mais l’image ne restait pas fixée car, en pleine lumière, le papier continuait de se noircir complètement. Il appela ces images des "rétines". Trois ans plus tard, en 1829, il fit la rencontre de Jacques Daguerre avec lequel il s’associa afin d’améliorer la luminosité et la qualité des images au fond de la chambre noire. Chacun travailla de son côté en se transmettant les résultats de leurs travaux respectifs. Jacques Daguerre est né en 1787 et mort en 1851. Il est inventeur, photographe mais aussi peintre. Et c'est en 1822 que Daguerre crée le Diorama, spectacle vraiment magique, dans lequel l'habile combinaison de la peinture et de l'éclairage produit sur le spectateur une saisissante illusion. Il présente des toiles peintes translucides, éclairées et en mouvement. Et c’est à ce moment qu'il connut ses premiers grands succès. Il impressionna donc Niépce. Si Daguerre s'était déjà montré intéressé par la "reproduction spontanée" des images, ce n'est donc qu'à partir de 1829 qu'il commença véritablement ses travaux chimiques. Les associés utilisaient comme produit pho14 tosensible le résidu de la distillation de l’essence de lavande et obtenaient des images en moins de 8 heures de temps de pose. Ils nomment leur nouveau procédé : le Physautotype. Ils continuèrent donc leurs travaux chimiques mais cette fois en utilisant comme agent sensibilisateur l’iode sur argent dépoli. Malheureusement le 5 juillet 1833, Niépce meurt subitement sans qu’aucune de ses inventions n’aient été reconnues. Cependant, Daguerre continuera à approfondir leurs recherches sur les propriétés photochimiques de cette substance. Il employa alors, comme agent sensibilisateur, l'iode sur argent dépoli. Mais la plaque iodurée, après son exposition dans la chambre noire, ne présente aucune altération visible ; l'image y est pour ainsi dire latente ; il faut la faire apparaître au moyen d'un agent révélateur. Daguerre découvrit, et c'est là le point capital de son invention, que si l'on place une plaque iodurée audessus d'un vase rempli de mercure chauffé, la vapeur métallique ne se dépose que sur les points que la lumière a touchés, et qu'elle s'y attache en quantité d'autant plus grande que la lumière a été vive. Sur cette plaque, qui, au sortir de la chambre noire, ne présente encore qu'une teinte jaune uniforme, on voit l'image se développer comme par enchantement. Il découvrit ainsi, en 1835, que les vapeurs de mercure agissent comme révélateur de l'image et que le sel marin permet de la fixer définitivement. En 1839, Jacques Daguerre invente un procédé photographique plus fiable que l'héliographie de Nicéphore Niépce : le daguerréotype. Les particuliers ne s’intéressant pas à ses découvertes autant qu’il l’aurait pensé, Daguerre proposa son projet à l’Etat français. Ainsi le procédé fut divulgué le 19 août 1839, devant les Académies des sciences et des beaux-arts réunies. Le brevet du daguerréotype entre enfin dans le domaine public. Le procédé est vite exploité pour la réalisation de portraits, puis des premiers reportages. Le daguerréotype est alors un succès commercial, des milliers de plaques sont vendues. Le daguerréotype fournit une étonnante précision dans la restitution des détails et une grande diversité de valeurs de gris. Mais des caractéristiques désavantageuses sont observables : l’image est inversée, l’exemplaire est unique et la contemplation difficile. Subsistent également des difficultés de manipulation ; les étapes de sensibilisation, d’exposition, de développement sont longues et la conservation des plaques est délicate. L'inconvénient majeur reste cependant l'unicité de l'image directement noircie sans l'intermédiaire de négatif. En effet, l’observateur peut voir l’image, suivant l’incidence de la lumière, l’angle d’inclinaison, comme un positif ou comme un négatif, voire un mélange des deux. Les longues minutes de pose excluent l’enregistrement des sujets mobiles. "La Vue du boulevard du Temple", prise à Paris par Daguerre en 1839 n’a pas enregistré les piétons ou les fiacres. Seuls subsistent un cireur de chaussures et son client contraints pendant l’opération à une certaine immobilité. Les premières photographies sont des vues de la ville puis des natures mortes (Cabinet de curiosités, Jacques Daguerre, 1837). Le portrait n’est pas encore possible : comme le temps de pose est extrêmement long, il est nécessaire qu’on maintienne la tête à l’aide d’un appui et le modèle qui ne peut s’empêcher de ciller des yeux présente à l’image un regard morne. Dernière particularité : la plaque fragile doit se conserver sous verre. Cependant ce procédé va bénéficier de nombreuses améliorations : l’inversion va être corrigée par l’adjonction d’un prisme qui va rétablir la vue originelle, un objectif plus lumineux va permettre de réduire le temps de pose permettant la création de portraits. Le daguerréotype devient un substitut du portrait pictural avec un modèle moins apprêté dans sa mise vestimentaire et sans le décorum des tableaux. C’est Samuel Morse, peintre et inventeur du télégraphe électrique, qui diffuse le daguerréotype aux États-Unis. La non-reproductibilité du daguerréotype est la limite qui mettra fin à son engouement. C’est la raison de son abandon vers 1855 pour un procédé qui permet la reproduction de l’image avec rapidité, netteté et stabilité à la lumière : le calotype mis au point par William Henry Fox Talbot en 1841. William Henry Fox Talbot est photographe et inventeur britannique, né en 1800 et mort en 1877. Talbot utilisa tout d’abord une chambre noire pour ses besoins de reproduction, mais ensuite en 1835, il réalisa le premier négatif de l'histoire, une image représentant la fenêtre de la bibliothèque de Lacock Abbey, prise de la maison du photographe. Accompagnée d'une inscription de celui-ci, elle marque le point de départ de sa carrière photographique. Elle fut réalisée avec un procédé chimique permettant d'enregistrer sur du papier une image en négatif. Cette image négative était obtenue par le contact d'un objet sur papier sensibilisé, sans utiliser de chambre noire, et permettait de tirer plusieurs copies positives. Il publia le compte rendu de son procédé, appelé "dessin photogénique", le 25 janvier 1839, huit mois avant que le peintre français Jacques Daguerre ne rende publique son invention, le daguerréotype. Pour les deux procédés, l'image développée est fixée par immersion dans un bain d'eau salée ; le processus de développement est ainsi arrêté et l'image devient permanente. Talbot appela calotype cette nouvelle méthode, qui fut plus tard rebaptisée Talbotype. Il avait constaté que la sensibilité à la lumière d'un papier couché d'iodure d'argent pouvait être augmentée si ce dernier était im- mergé, avant exposition, dans un bain de nitrate d'argent et d'acide gallique. Breveté en 1841, le calotype sera utilisé pendant une décennie environ. C'est un procédé négatif positif, les images sont donc reproductibles. Les temps de pose sont variables de quelques minutes à quelques secondes (selon la méthode). Les approches autorisant des temps de pose courts ne donnent pas forcément les meilleurs résultats, mais on tente de saisir le mouvement. William Henry Fox Talbot lui-même publiera le premier ouvrage illustré par la photographie, The Pencil of Nature (1844-1846). Le calotype n'a pas connu l'essor immédiat qui aurait dû être le sien. L'image obtenue n'avait certes pas la finesse du daguerréotype mais l'obstacle majeur à la diffusion du procédé fut la protection par brevet que l'inventeur ne souhaitait pas abandonner (il fallait payer une patente pour l'utiliser commercialement). Les Jeux optiques - prémices de l'animation Si le cinéma a une dette importante à ces deux procédés majeurs (la lanterne magique et la photographie) qui ont permis la projection d'images fixes et la prise de vues réelles, il découle aussi de différents travaux et objets qui ont visé à reproduire le mouvement. Ainsi, l'image animée est d'abord née avec les jouets optiques apparus plus particulièrement au cours du 19ème siècle. Le Thaumatrope a été inventé par l’astronome John Hershel, et est commercialisé par l'Anglais John Ayrton Paris en 1825. C'était le premier jouet basé sur la persistance rétinienne. Sur une face il avait dessiné un oiseau, sur l'autre une cage. Des ficelles sont accrochées aux extrémités et lorsqu'on fait tourner le disque rapidement par l'intermédiaire des ficelles, les deux images se superposent et n’en forme plus qu’une. On a l'impression que l'oiseau se trouve dans la cage. Du grec phenakidzein, tromper, et –scopeo, je regarde, le Phénakistiscope a été inventé simultanément par le Belge Joseph Antoine Ferdinand Plateau (1811-1883) et l’Autrichien Stampfer en 1832. C’est un disque contenant une séquence d'images fixes et autant de fentes qu’il y a d’images. Si l’on observe à travers les fentes obturatrices du disque en rotation les 15 vues successives se reflétant dans un miroir, on voit les images s’animer parfaitement. Le zootrope à été inventé simultanément par l’Anglais William George Horner (1786-1837) à Londres et l’Autrichien Stampfer à Viennes en 1834. Sur une longue bande de papier sont imprimées les différentes phases d’un mouvement. On place la bande à l’intérieur d’un tambour ayant autant de fenêtres qu’il y a d’images sur la bande et si l’on fait tourner celui-ci, on peut observer une analyse complète du mouvement. L’œil perçoit la première image à travers une fente du tambour, puis le noir, ensuite la deuxième image et, de nouveau, le noir et ainsi de suite. C’est ce noir, couleur neutre pour notre œil, qui assure la liaison entre les différentes images. Il fut aussi utilisé comme stroboscope car il permettait de décomposer le mouvement d'objets en tout genre comme les vibrations d'un diapason ou la chute d'un liquide. On peut aussi faire varier le nombre de dessins par rapport au nombre de fentes du cylindre. Si ce nombre est égal, l'objet parait se mouvoir sur place. Si le nombre de dessins est supérieur, l'objet parait se mouvoir verticalement avec un mouvement apparent similaire au mouvement réel des dessins. Enfin, si le nombre est inférieur, le mouvement est inversé. Cet appareil ne sera commercialisé qu’en 1867. Il fut un jouet en vogue dans la deuxième moitié du XIXème siècle. Breveté en 1868 par l'anglais Thomas LINETT sous le nom de "Kinéographe", le folioscope a sans doute été inventé par le Français Pierre-Hubert Desvignes dès 1834. A la fin du 19ème siècle, on peut donc acheter ces drôles de petits livres, des folioscopes (du latin folium, la feuille) ou Flip-books, qui fonctionnent sur le principe très simple d'un effeuillage rapide avec le pouce d'une série empilée de vignettes dessinées dont la succession donne l'illusion d'un mouvement continu. Le praxinoscope (du grec praxis, action), a été inventé par le Français Émile Reynaud (1844-1918) en 1876. L’obturation des images ne se fait plus par des fentes obturatrices (qui avaient l’inconvénient de "voiler" les images d’un ton sombre), mais par compensation optique, grâce à 12 miroirs montés en prismes. Les images se reflètent sur le jeu de miroirs placés au centre du disque. Ces miroirs permettaient d’avoir une netteté, une clar16 té et une luminosité des images jamais obtenues auparavant. Un autre avantage était qu’on pouvait regarder ce petit spectacle à plusieurs. En 1879 Reynaud perfectionne le praxinoscope en lui ajoutant un boîtier et des décors. Ce théâtre lilliputien obtiendra un grand succès : le Théâtre optique est né. Le Théâtre optique d’Émile Reynaud utilisait une bande perforée (préfigurant le film perforé) et d’une longueur indéterminée contrairement au 12 images de son Praxinoscope, ce qui permettait de présenter un véritable spectacle. Mais la confection artisanale de cette bande avec des images peintes à la main était un travail fastidieux. Principe : les images sont lithographiées sur de petites plaquettes de verres. Elles sont ensuite disposées dans la "cage prismatique" dont les 12 miroirs inclinés à 45 degrés, forment le tronc d’une pyramide renversée. Une lanterne à pétrole permet d’éclairer les vues sur verre, dont les images se réfléchissent sur les miroirs prismatiques en rotation. Un second objectif capte cette animation lumineuse et la renvoie sur un écran. Le Théâtre optique fut présenté au public le 28 octobre 1892 au théâtre du musée Grévin avec la projection du premier dessin animé du monde : Pauvre Pierrot, succession d’environ 500 poses toutes dessinées et peintes à la main. Reynaud fait imprimer trois séries de bandes lithographiques mesurant 66 x 5,2 cm où sont mis en scène l’univers du cirque et de la foire (Le Jongleur, L’ Équilibriste, La Danse sur la corde, les Chiens savants, Le Trapèze, Le Clown, etc.), les jeux d’enfants (Les Bulles de savon, La glissade, La Balançoire, etc.) ou la vie quotidienne (Le Rôtisseur, Le Déjeuner de bébé, Le Fumeur). Il emprunte aussi au répertoire des bandes de zootrope et de la lanterne magique comme Le jeu de la corde, l’une des plaques animées les plus appréciées du XIXème siècle. Émile Reynaud peut être considéré comme l’inventeur du dessin animé. En 8 ans, il fit 12 000 séances et 500 000 personnes assistèrent aux pantomimes lumineuses. Mais avec l'arrivée du cinématographe, les gens vont peu à peu se détourner des séances au musée Grévin. Photographie et Analyse du mouvement Parallèlement à l'invention de tous ces jeux optiques, d'autres scientifiques comme Muybridge et Marey, ont utilisé la photographie pour analyser le mouvement. lui-même. En effet, à chaque pas, le cheval casse un fil tendu en travers de la piste, chacun de ces fils étant relié à l’obturateur d’un appareil photographique, un cliché est effectué. Ensuite, la juxtaposition des images reconstitue le déplacement. Eadweard Muybridge, de son vrai nom : Edward James Muggeridge, naquit en 1830 à Kingston-onThames, où il fit ses études. Il émigra aux États-Unis en 1852 et devint photographe paysagiste pour le Coast and Geodetic Survey. Ses photographies furent rapidement remarquées. Il est célèbre pour ses photographies d'hommes et d'animaux en mouvement. Etienne Jules Marey, naquit en 1830 à Beaune. Médecin et physiologiste français, professeur d’histoire naturelle au Collège de France dès 1867, il fut un scientifique de renom. Il n’employa la photographie qu’à partir de 1882, après avoir vu les images de cheval au galop réalisées par l’Américain Eadweard Muybridge, dont il perfectionna le protocole technique. Il est le créateur d’un procédé de prises de vues, la chronophotographie, permettant de décomposer les différentes phases de la locomotion humaine ou animale. Marey n’était pas satisfait par le système de Muybridge : il était cher, lourd, la disposition en batterie entraînait un effet de parallaxe et le système de déclenchement était imprécis et inadapté à certaines analyses comme le vol des oiseaux. Marey mit donc au point un fusil photographique comprenant un appareil photographique unique équipé d’un seul objectif derrière lequel la surface sensible, un disque circulaire composé de douze petites images, se déplaçait entre les enregistrements successifs. Ce système s’inspirait du revolver photographique conçu par l’astronome Pierre Jules César Janssen pour observer les astres. Le disque de verre était sensibilisé au gélatino-bromure et permettait de décomposer le vol des oiseaux au rythme de 12 images par secondes et rendait possibles des temps d’exposition extrêmement courts. Le fusil avait comme avantages d’être léger et son seul objectif offrait un point de vue unique. Néanmoins Marey déplorait la qualité et la petitesse des images et surtout trouvait leur nombre trop limité. La même année (en 1882), il mit au point la chronophotographie sur plaque fixe. Le système comprenait une chambre photographique avec un obturateur rotatif comprenant une étroite fenêtre. Le sujet vêtu de clair se déplaçait devant un fond noir et à chaque tour de l’opérateur, la plaque était impressionnée par une nouvelle image. Selon le nombre de pas17 sages de la fenêtre durant la durée d’exposition, il obtenait un nombre variable d’images Ce n'est qu'en 1878, alors qu'un riche propriétaire de chevaux, Leland Standford (ayant parié avec ses amis que lorsqu’un cheval galope, ses sabots ne touchent plus terre pendant une fraction de seconde) lui avait demandé en 1872 de vérifier les affirmations du physiologiste français Marey, qu'il parvint à prouver, photographies à l'appui, que lorsqu'un cheval galope, il garde pendant un instant les quatre pieds décollés du sol et que, à cet instant, les pieds se trouvent sous le ventre de l'animal. À la suite de cette première et spectaculaire décomposition du mouvement pour laquelle il utilisa une série de douze appareils à déclenchements successifs, il entreprit une exploitation systématique de ce procédé. En 1881, il mit au point le zoopraxiscope, projecteur lui permettant de recomposer le mouvement (courses de chevaux, vols d'oiseaux ou compétitions sportives) à travers la vision rapide et successive de ses phases décomposées. Ses expériences le conduisirent à publier plusieurs livres, très appréciés des artistes de l'époque, dont les plus importants sont Cheval en mouvement (1878) et Locomotion animale (11 volumes de 100 000 plaques photographiques, 1887). Des extraits de ce dernier ouvrage furent publiés sous le titre la Figure humaine en mouvement (1901). Ses travaux placent en quelque sorte Muybridge comme l'un des précurseurs du cinéma, c’est l’un des premiers à décomposer le mouvement. Les photographies sont prises sur une distance couverte par une multitude d'appareils photographiques côte à côte, déclenchés par le mouvement de l'animal sur la même plaque décomposant donc le mouvement en une suite d’images arrêtées. À force de multiplier le nombre d’expositions pour analyser plus finement le mouvement, Marey obtenait des images imbriquées les unes sur les autres et donc difficiles à analyser. Pour remédier à ceci, il revêtit son sujet de noir, plaça des boutons blancs au niveau des articulations et des bandes métalliques le long des bras et des jambes. En 1888, Marey présenta un nouvel appareil constituant une étape décisive de la pré-cinémaphotographie : le Chronophotographe sur bande mobile assurant l’enregistrement d’un chapelet d’images photographiques successives. Vingt fois par seconde, à chaque exposition, une mâchoire commandée par un électro-aimant bloquait la course de la bande. Avec ce dernier appareil, Marey avait inventé la caméra de prises de vues, aux détails près que la bande ne comportait pas de perforation et que les photographies successives s’y inscrivaient de façon irrégulière. Toutefois la synthèse du mouvement n’était pas possible, à moins de découper, recaler et coller les images, un travail fastidieux. Synthèse du mouvement Finalement c'est Edison qui a réalisé la synthèse du mouvement avec son kinétoscope. En 1889 Thomas Alva Edison donna la définition du film au sens moderne : long ruban transparent, perforé et recouvert d’une émulsion photographique. Durant les années 1891 et 1892, il mit au point avec William K. L. Dickson, son collaborateur, un appareil de prises de vues à entraînement saccadé. Cette idée lui avait donné par le Chronophotographe de Marey et par le ruban perforé du télégraphe automatique qu’Edison avait lui-même contribué à améliorer. Avec cet appareil l’analyse photographique d’un mouvement avec des images régulièrement espacées était réalisée. En 1894 il commercialisa son Kinétoscope, c’était une grande caisse en bois où le spectateur unique mettait une pièce et se penchait pour voir, pour observer l’image à travers un oculaire grossissant. Le film se déroulait de façon continue et imposait donc un temps d’obturation très bref. La 18 lumière ainsi délivrée ne permettait pas la projection sur écran. Les kinétoscopes étaient présents dans les magasins et les foires. Le succès est immense mais de courte durée, car une seule personne à la fois peut voir le film. Naissance du cinématographe Soixante-dix ans après l'invention de la photographie, ce sont encore deux Français, les frères Lumière, qui mettent au point l'invention d'Edison, le "cinéma" (mouvement en grec). Les uns et les autres participaient sans le savoir à la naissance du cinématographe. Mais c'est aux frères Lumière que l'on attribuera la paternité de cette invention. D'abord, le cinéma, en raison de son format court (les bobines ne dépassant pas la minute) se contenteront de scènes de vie, à caractère souvent documentaire, mais aussi à visée comique (ex. Le petit jardinier espiègle...). Vers 1900, Segundo De Chomon découvre le principe de la prise de vue image par image, ouvrant un champ infini aux trucages. Il suffit d'arrêter la caméra de changer une personne ou un objet par un autre. Par la suite vinrent les premiers effets spéciaux, dont Georges Mélies est un pionnier "Je suis à la fois un travailleur intellectuel et un manuel. Le cinéma est intéressant parce qu'il est avant tout un métier manuel." Les premiers films d'animation Le cinéma naît en même temps que les comics-strips (bandes dessinées) dans la presse. Aussi, naturellement, les caricaturistes vont s'essayer au cinéma. D'abord on assiste aux premiers essais d'animation, utilisant l'arrêt sur image (stop motion) comme The Enchanted Drawing (1900) ou Humorous Phases of Funny Faces (1906), tous deux de J. Stuart Blackton. Plus tard le Français Émile Courtet, dit Émile Cohl, innove en produisant le premier dessin animé sur pellicule de cinéma avec Fantasmagorie. Ce court métrage qui dure 2 minutes, projeté le 17 août 1908 pour la première fois est considéré comme le premier vrai dessin animé du monde. Il crée le personnage de Fantoche, premier héros de dessin animé. Il réalisera trois cents films, dont une majeure partie de films d'animation mêlant différentes techniques de prise de vue réelle au dessin animé. Il amène son savoir-faire aux États-Unis entre 1912 et 1914 dans des studios de Fort Lee, non loin de New-York. Ses techniques inspireront de nombreux studios et se développeront aux États-Unis. Windsor McCay, dessinateur new-yorkais, qui voyait dans l’animation un art original, pousse le contrôle du mouvement et du dessin à un point qui n’a pas été dépassé (Little Nemo, Gertie a Trained Dinosaur, 1909). métrages rentables en dessin animé (Blanche-Neige, 1937; Pinocchio, 1940; Bambi, 1942...) Le dessin animé devient une industrie À partir de 1928, les dessins animés sont devenus Il apparaît rapidement que le dessin animé ne peut un élément indispensable du spectacle cinématograêtre réalisé par des artisans solitaires. Des progrès phique. Les grandes compagnies de production outechniques vont permettre petit à petit de passer du vrent à Hollywood leur propre département d’anistade du bricolage à la grosse industrie. En 1910, les mation. Hugh Harman et Rudolph Ising parviennent animateurs tracent encore, pour chaque image du film seuls à égaler occasionnellement la fantaisie et la un dessin entièrement nouveau, comprenant la posi- musicalité maîtrisée des oeuvres disneyennes avec tion nouvelle du personnage mais aussi la répétition leurs séries Looney Tunes (1930) et Merrie Melodies du fond. (1931), produites pour la Warner, ou les Happy HarRaoul Barré introduit les perforations standard monies, réalisées aux nouveaux studios de la M.G.M. (barres à tenons) qui permettent un repérage parfait fondés en 1934. des dessins les uns par rapport aux autres. John Randolph Bray songe à tracer un décor unique sur une Le paroxysme burlesque feuille transparente utilisable pour tout le plan. Mais, La grande dépression économique des années trente c'est Earl Hurd en 1914, qui fait breveter le principe puis la Seconde Guerre mondiale vont conduire les du dessin des phases du mouvement sur des cellulos animateurs américains à accentuer la force burlesque, transparents qui permettent de séparer le dessin du avec des personnages comme Betty Boop (1932) ou décor fixe. Popeye (1933) animés par Dave et Max Fleischer ; Ces innovations vont permettre une plus grande présous l’influence de Ben Hardaway, Frank Tashlin, cision de l'animation et vont faciliter une division du Isadore Freleng, Fred (Tex) Avery, Charles Jones et travail et une concentration des talents qui se traduiRobert Clampett, à la Warner ; avec des personnages sent d’abord par une augmentation quantitative de la comme Porky et Beans (1936), Duffy Duck (1937) ou production. Les premières séries apparaissent, cenBugs Bunny (1940) dans les séries Merrie Melodies trées sur des personnages originaux ou sur des héros et Looney Tunes... Le degré de folie des personnages de bandes dessinées : la série L'encre invisible dont le comme la violence du traitement héros Koko le Clown (1915) de Max Fleisvisuel s’accroissent. Pour cher est un personnage très libre ou la Universal, Walter Lantz encore en 1921, Félix le chat : prelance un pivert «survolté» mier personnage dessiné universelet bavard, Woody Woodpecker lement apprécié créé par Pat Sullivan et (1940). À la M.G.M., à partir Otto Mesmer. Félix est l’archétype de tous de 1942, Tex Avery va pouvoir les personnages animés jusqu’en 1940 (de déployer son goût pour les traiCrazy Cat à Mickey Mouse). tements «explosifs», tournant en dérision les stéréotypes de la L’âge classique de l’animated cartoon vie américaine, du cinéma Le maître incontesté de ce nouveau genre qu'est le et même du dessin animé. dessin animé arrive à Hollywood. En 1926, ce sont Dans leur série Tom and les premiers Mickey (Steamboat Willie, Plane Crazy) Jerry (1940), réalisée pour la M.G.M., William et les Silly Symphonies (1929). L’apparition du son Hanna et Joe Barbera résument toutes les tendances et l’entrée de la couleur en 1932 seront de nouvelles modérées ou corrosives de l’animated cartoon, donsources d'attraction vers ce genre. Grâce à une tech- nant au système «poursuite chien-chat-souris» son nique et à une organisation rigoureuse, les ateliers de aspect définitif. Après la Seconde Guerre mondiale, Disney pourront lancer une galerie de personnages dernier représentant magistral du cartoon caricatural très populaires à la suite de Mickey : Pluto (1930), classique, Charles (Chuck) Jones tire quelques éclats Goofy (1935), Donald Duck (1936). Les productions inédits de la forme usée des poursuites animales (The de Disney ont imposé au dessin animé des modèles Roadrunner, 1956; Sam and Ralph, 1954). De nougraphiques, mimiques et rythmiques qui, pendant veaux styles et de nouveaux genres se développent vingt années, serviront de modèles aux animateurs tandis que le cartoon classique disparaît lendu monde entier. Après 1936, les ateliers de Disney, tement - plus lentement cependant qu’on au19 devenus des usines modèles, parviendront à produire rait pu le croire. ce que l’on croyait jusqu’ici impossible : des longs L'essor du "Cartoon" D'autres techniques d'animation Plusieurs techniques d'animation de dessins Les techniques classiques les plus utilisées sont des décors peints sur papier, des personnages et objets mouvants dessinés et gouachés sur celluloïd (ou cellulos, feuille transparente d'acétate de cellulose). Mais il existe aussi d'autres techniques comme l'animation de personnages sur des feuilles de papiers, coloriés à la craie ou aux crayons de couleur. Dans les années 1990, l'informatique a bouleversé les techniques traditionnelles, et aujourd'hui la plupart des dessins animés sont partiellement ou entièrement réalisés par ordinateur image par image ; Walt Disney Pictures abandonne la technique du cellulo sur Bernard et Bianca en Australie en faveur d’un système permettant de colorer et d’assembler les dessins après les avoir numérisés. Progressivement, les autres sociétés lui emboîteront le pas. Inventé en 1915 par l’Américain Max Fleischer, le rotoscope est un dispositif permettant de redessiner, image par image, une action filmée en prises de vues réelles. Max et Dave Fleischer l'ont notamment utilisé pour créer le personnage de Gulliver dans Les voyages de Gulliver (1939). On utilise l'expression « animation sans caméra » pour désigner les techniques du dessin et de la gravure sur pellicule. Ces procédés, en effet, ne nécessitent aucune prise de vues mécanique, l'image étant tracée directement sur la pellicule par le cinéaste, à l'aide d'encres (dans le cas du dessin) ou d'un instrument pointu avec lequel on gratte l'émulsion (dans le cas de la gravure). Le Néo-Zélandais Len Lye et le Canadien d'origine écossaise Norman McLaren sont les deux premiers cinéastes à avoir réalisé une œuvre accomplie et soutenue à partir des techniques d'animation sans caméra. La Manipulation d'objets 2D Papier découpé : Cette technique, vieille comme le cinéma d'animation (Émile Cohl l'a utilisée), est aussi l'une des plus économiques. De plus, ses applications sont diverses. On peut obtenir le mouvement en remplaçant divers éléments découpés ou en animant des personnages composés d'éléments articulés (dans le prolongement de la technique de 20 silhouettes animées créée par l'Allemande Lotte Reiniger dans des films comme Les aventures du prince Achmed, 1926). On peut aussi travailler en posant directement les éléments mobiles sur un dessin de fond ou sur plusieurs plans éclairés séparément. Sable animé : technique qui consiste à tracer le dessin sur du sable placé sur une table lumineuse, directement sous la caméra. L'imagerie qu'elle crée est ainsi très stylisée et fortement contrastée. En 1976, Caroline Leaf a recours à une technique connexe pour The Street qu'elle réalise à l'aide de la peinture animée, c'est-à-dire qu'elle modifie ses tableaux, directement sous la caméra, avant que la peinture ne soit sèche. Pour L’étranger (1988), George Ungar peint directement sous la caméra des tableaux qu’il gratte ensuite pour les modifier et créer le mouvement. La peinture sur verre est une approche tout à fait singulière car elle permet des effets visuels, des esthétiques fortes, des variations de profondeur de champs et d'éclairages presque infinies. Elle impose toutefois que chaque image soit éphémère, une image disparaissant après avoir été filmée au profit de la suivante et ainsi de suite. Parmi les quelques artistes majeurs, Alexander Petrov, cinéaste russe passé maître dans l'adaptation d'oeuvres littéraires dont Le vieil Homme et la mer. Il est aussi possible d’appliquer une mince couche de pâte à modeler sur verre pour réaliser une image qu’on anime ensuite par transformations successives afin de créer un mouvement. Au début des années 1930, le graveur Alexandre Alexeïeff, un Français d'origine russe, décide de passer au cinéma. Désirant réaliser des films dont l'esthétique serait fidèle au graphisme et aux dégradés de gris présents dans ses gravures, il imagine un outil d'un genre nouveau : l'écran d'épingles. Cet appareil serait constitué d'un écran blanc percé de centaines de milliers de trous, chacun traversé par une épingle rétractable. En plaçant des sources lumineuses des deux côtés de l'écran, chaque épingle jetterait de l'ombre et la somme de ces ombres permettrait d'obtenir le noir total. En revanche, il suffirait d'enfoncer certaines épingles dans l'écran pour que leur ombre raccourcisse et qu'ainsi le gris remplace le noir. Selon cette logique, en enfonçant complètement les épingles dans l'écran, l'ombre se résorberait et ferait place au blanc de la surface. C'est en 1933 qu'Alexeïeff, aidé de sa collaboratrice Claire Parker, termine Une nuit sur le mont Chauve. Animation en volume (objets 3D) Ces techniques ont en commun d'exiger du cinéaste qu'il tienne compte d'éléments de mise en scène très proches de ceux avec lesquels compose le réalisateur de prises de vues réelles. En effet, dans l'animation à trois dimensions, l'éclairage, les mouvements de caméra, le choix de l'objectif, la profondeur de champ et les rapports spatiaux entre les éléments ne sont pas virtuels, comme en dessin animé, mais plutôt réels, comme dans les films de fiction avec acteurs. Marionnettes : l'animation de marionnettes, qu'on appelle aussi « animation de poupées », trouve son origine dans la tradition millénaire du théâtre de marionnettes. Cette tradition fait partie de la culture populaire d'Europe centrale depuis des siècles, ce qui explique pourquoi c'est dans cette partie du monde que l'animation de marionnettes s'est d'abord implantée. Le Russe Ladislas Starewitch, avec des films comme La vengeance de l'opérateur cinématographique (1912) ou le Roman de Renard (1929), a été le premier maître de cette technique. Il fut bientôt suivi dans cette voie par plusieurs animateurs russes, mais surtout tchèques. Aux Etats-Unis, Willis O'Brien systématise son utilisation dans le cinéma de prises de vues réelles dans le cadre d'effets spéciaux (Le Monde Perdu - 1925, King Kong - 1933). Cette discipline sera sans cesse améliorée par des artistes comme Ray Harryhausen (Jason et les Argonautes), Phil Tippet (Star Wars) jusqu'à l'avènement des techniques numériques. Pâte à modeler : l'animation de structures de pâte à modeler, qu'on appelle en anglais "claymation" est une technique qui fait la gloire de cinéastes comme l'Anglais Nick Park (Wallace et Gromit) et le Russe Garri Bardine (La Nounou). L'animation de pâte à modeler est une forme d'animation en volume utilisée dans des films animés image par image. Elle inclut un élément scénique déformable, figure, personnage ou décor, fait d'une substance malléable et élastique, comme la pâte à modeler plasticine ou certaines matières latex (L'Etrange Noël de Mr Jack). C'est Norman McLaren qui, le premier, nomma « pixilation », la technique consistant à photographier image par image des personnages ou des objets dont les déplacements sont entièrement sous le contrôle du cinéaste. Il utilisa cette technique dans Voisins (1952), une puissante fable antimilitariste, puis dans Il était une chaise (1957) et Discours de bienvenue de Norman McLaren (1961), deux films dont l'anecdote repose sur la rébellion d'un objet de la vie courante (respectivement une chaise et un microphone). La pixilation trouve sa lointaine origine dans les « trick films », ces films reposant sur les trucages et qui marquèrent les débuts de l'histoire du cinéma. Plus que toute autre technique d'animation, la pixilation contraint à un étroit rapport au réel. En effet, la présence d'acteurs et d'objets évoluant dans un environnement en trois dimensions a pour effet d'introduire dans l'œuvre une série de références à la réalité. Cela a pour conséquence d'infléchir le choix des thèmes abordés dans les films faisant appel à cette technique. Image de synthèse Les images générées par ordinateurs ont constitué une grande révolution dans le cinéma d'animation international. Considérée dès le début, et jusqu'à très récemment, comme pervertissant les fondements artistiques et artisanaux de l'animation, l'animation numérique en 3D est devenu aujourd'hui la technique la plus utilisée dans le monde. Peu coûteuse, rapide, potentiellement illimitée, elle a ouvert des champs jusque-là inexplorés tant d'un point de vue esthétique qu'économique. On retiendra juste, historiquement, qu'après avoir été développées sous couvert scientifique, les images de synthèse ont intégré le cinéma sous l'impulsion d'un homme en particulier, John Lasseter. Son premier court métrage, Luxo Junior a prouvé que les images numériques pouvaient véhiculer des émotions. Toy Story, aussi de John Lasseter (1995) fut le premier long métrage réalisé entièrement sur ordinateur. Les images de synthèse sont par ailleurs désormais omniprésentes dans les films de prises de vues réelles pour générer des effets spéciaux des plus spectaculaires et photoréalistes, voire pour en remplacer totalement les acteurs ou les décors. Mixité Les cas de mélange de techniques d'animation sont nombreux et pour certains très anciens. Ladislas Starewitch combinait dans les années 1920 acteurs et marionnettes animées. Les studios Disney ont très vite saisis l'intérêt de mixer personnages dessinés et acteurs (Fantasia, Les Trois caballeros, Mary Poppins, ...) jusqu'à l'inévitable Qui veut la peau de Roger Rabbit, paroxysme de l'animation mixte. (sources principales :Wikipédia ; site "Objectif Animation" de l'Office National du Film du Canada) 21 4 - Analyse thématique On peut entrer dans l’analyse approfondie d’un film de différentes manières. Dans un premier temps, nous essaierons d’approcher les thèmes principaux de ce long métrage. Ensuite, nous verrons comment des éléments plus dramaturgiques et cinématographiques (personnages, lieux, techniques...) viennent appuyer et se mettre au service de ces thèmes. La diégèse ou l'univers interne d'une œuvre Le terme de diégèse est apparu pour la première fois Les toutes premières images d'un film établissent une en 1951 sous la plume d'Étienne Souriau. Cette notion sorte de pacte avec le spectateur ; elles définissent s'applique à tout art représentatif et pas seulement au souvent le genre du film et laissent déjà l'imagination cinéma. Etienne Souriau la définit ainsi : « tout ce qui du spectateur travailler. La musique aussi prend une est censé se passer, selon la fiction que présente le film ; tout ce que cette fiction impliquerait si on la grande place... supposait vraie. » (Vocabulaire d'esthétique, p. 240). Par exemple, un lieu représenté, fictif ou non, fait partie de l'univers et de la réalité diégétique. Il s'agit donc du monde fictif, de sa cohérence et des lois qui le régissent, à l'intérieur duquel l'histoire racontée prendra place. Cependant, ce terme ne s'applique pas à la réalité extérieure à l'œuvre : cette notion ne s'embarrasse pas des frontières entre fiction et réalité. Le fait que Kérity ait une existence réelle n'a pas d'influence sur l'histoire ; d'ailleurs, il ne sera plus fait référence à ce lieu dans le film après l'arrivée de la voiture dans la maison d'Eléonore. L'ouverture du film Ici, dans les premiers plans, on va d'abord noter un montage alterné entre deux réalités : - des livres, assez anciens, dans une bibliothèque inconnue ; - une ville sous la pluie que quitte une famille en voiture, dans un certain état de mélancolie (renforcé par la musique). Leur destination est connue assez vite ; à la sortie du péage, on découvre un panneau qui indique le lieu où ils se rendent, Kérity, qu'ils atteindront après un voyage sur une route sinueuse. Sans cesse, on passe d'un lieu à l'autre. Un travelling avant retrouve la voiture rouge sur la route escarpée du bord de mer. La musique devient alors plus orientale, plus mystérieuse le temps d'apercevoir un ombre furtive courir entre les livres. Le titre du film s'affiche alors, associant les deux lieux, le village de Kérity et la maison des contes ! Ce village existe vraiment ; c'est une ancienne commune ayant fusionné en 1960 avec Plounez et Paimpol. Nous, spectateurs, sommes donc conduits avec cette famille dans une maison au bord de mer, où vraisemblablement, assez rapidement, 22 nous devrions découvrir une bibliothèque remplie d'ouvrages. Les personnages principaux Natanaël C'est le premier qui fait entendre sa voix dans le film. On apprend ainsi dès le début, grâce à sa question qu'il ne sait pas lire. Après une année de CP, il continue à souffrir d'un blocage important ; les railleries de sa soeur ne sont pas pour le mettre en confiance. Natanaël a depuis toujours pourtant été très intéressé par les histoires que pouvait lui lire Eléonore, sa grande tante. Ceci fait de lui un enfant d'un naturel rêveur, qui dans ses jeux devient un des plus grands chevaliers de la Table Ronde... Mais c'est aussi un enfant responsable, prêt à aider ses parents pour garder la maison, prêt à affronter ses peurs pour sauver les héros de conte... Angélica Comme toutes les grandes soeurs, Angélica aime bien se moquer de son petit frère. A dix ans, elle aimerait aussi souvent un peu plus Les Alliés de Natanaël de tranquillité et ne pas avoir systématiquement à Les personnages de contes s'occuper de lui. Elle peut "Pour les personnages de contes, j’ai essayé d’oublier faire preuve de jalousie. tous les clichés et de revenir à mes propres versions Par contre, lorsqu'elle va étalon. Il n’a jamais été dit qu’Alice est habillée en découvrir que son frère bleu ou en rouge. Ceci dit, elle est blonde, il n’y a est en danger, elle va tout mettre en oeuvre pour le pas de doute à ce sujet. Dans le film c’est une Alice tirer de ce faux pas. qui a une vraie personnalité. Je l’ai imaginée avec des cheveux en pointe. Les parents Le Petit Chaperon Rouge est moins prédéfini parce A l'écoute de leurs enfants, qu’il n’y a pas eu de film de Disney à son sujet. J’aiils leur font confiance mais bien cette idée du bonnet péruvien et du poncho. pour un certain nombre Le Loup, il fallait qu’il soit un peu penaud, qu’il ait la de choses et les laissent tête lourde. Pour la mise en matière, je le voyais très plutôt autonome en ce dédoux, pelucheux. but de vacances à la mer. L’Ogre est un personnage relativement ambigu. Il Toutefois, ils restent vigipeut faire très peur mais sa condition physique le rend lants et lorsqu'ils se rendent compte de la disparition fragile. Il fallait qu’il soit méchant tout en étant tendre de Natanaël, ils vont chercher à le retrouver. Le père et bienveillant par moments. J’ai finalement dessiné s'énervera lorsqu'il croira Natanaël chez Pictou mais, un gros corps sur ses petites jambes, ce qui le rend lorsqu'il retrouve son fils, il lui pardonne immédiaforcément un peu maladroit et renforce sa dualité. tement son absence et accède à son désir de garder Pour le Chat Botté, je ne voulais pas qu’il ait son chales livres, sans savoir comment faire pour sauver la peau à plume habituel. On a travaillé sa gestuelle et maison à ce moment là. Avec leurs deux enfants, ils son look en s’inspirant du Charleston. donnent l'image d'une famille très unie. Il y a plus de 40 personnages au final, et pour des raisons évidentes nous n’avons mis l’accent que sur Eléonore certains." (Rebecca Dautremer, extrait du dossier de Grande-tante des enpresse du film). fants, elle vient de mouParmi ces personnages rir à la veille de ses 100 de conte, on notera donc ans. Elle était la gard'abord la présence dienne des contes et, on d'Alice. C'est le personle découvrira plus tard (à partir de la séq. 7), elle a nage préféré de Natanaël choisi Nat pour lui succéder. Bien que physiquement (l'amour n'est pas loin) et absente, sa présence est perceptible tout au long du c'est elle qui d'abord essaie de rassurer le garçon dans film (tableaux, séquences "flash-back", voix-off). la bibliothèque. Elle sera aussi la première à se proposer pour l'accompagner dans le difficile retour vers la Adrien bibliothèque. Enfin, c'est elle qui sera portée "royalePlus proche voisin et ami ment" vers l'enfant pour la lecture de la première hisd'Eléonore et de sa fatoire par l'Elu à la fin du film. Elle est le plus souvent mille, Adrien est plutôt accompagnée du lapin blanc qui n'aura de cesse de jovial, sauf lorsque l'on rappeler l'urgence de la situation (comme dans le livre parle de l'antiquaire. Il rede Lewis Caroll). grette lui aussi l'absence L'Ogre joue lui aussi un rôle très important dans de son ami Eléonore. Il l'histoire. D'abord plusieurs fois menaçant (il essaie semble avoir partager de nombreux moments avec de faire de Natanaël son repas dès leur arrivée dans elle et sa famille. Sans poser de question, en ami indéla boutique de l'antiquaire), il va se proposer pour acfectible, il acceptera d'aider Angélica pour empêcher compagner l'expédition, mais il est écarté car on craint la vente des livres ; l'idée que Pictou puisse profiter de qu'il cède à ses pulsions. Il va pourtant les la situation lui étant particulièrement insupportable, il suivre de loin et va les sauver. Alice aidera 23 n'hésitera pas longtemps. l'ogre à regarder Natanaël comme un ami et non un dîner ! Sa taille les aidera à atteindre la bibliothèque. Lorsqu'à la fin du film, Pictou "rejoint" les personnages de contes, l'Ogre aura retrouvé un nouvel être à chasser ! Pinocchio et la petite fille aux allumettes joueront un rôle important eux aussi dans l'histoire, en confiant à Natanaël un objet (les lunettes de Gepetto ou la dernière allumette). Des personnages comme le Chat Botté, Peter Pan et Crochet, le Chaperon rouge et le loup, bien qu'identifiés et récurrents, ont un rôle minime dans l'histoire. le réduit à la taille des héros et que, du coup, il risque d'être la proie de l'ogre. La fée Carabosse Personnage célèbre de conte, "à l'opposé des belles et bonnes fées, marraines des princesses de contes merveilleux, la fée Carabosse est très vieille, très laide et très méchante. Incarnation du personnage-type de la méchante marraine ou vieille fée, elle doit son nom au fait qu'elle est bossue « à trente-six carats », c'està-dire vraiment très bossue. Si son apparition dans les contes est rare, elle n'en demeure pas moins célèbre pour être à l'origine de la malédiction qui frappe la princesse héroïne de La Belle au bois dormant." (WiLe chat kipédia). A plusieurs reprises au Carabosse n'apprécie pas cours du film, on va re- d'être tenue à l'écart la trouver ce chat, qui a plupart du temps, aussi, sans doute appartenu à lorsque Natanaël n'arrive Eléonore et qui est soigné pas à lire la formule et maintenant par Adrien. Il qu'il s'enferme dans ses semble observer les faits explications, par esprit de vengeance, elle lui jette un et gestes des uns et des autres. C'est lui qui va ame- sort et le réduit à la taille des héros de contes. ner à Angélica la poupée qu'elle avait abandonnée très Elle sera de nouveau mise à l'écart du groupe car elle rapidement ; grâce à lui, elle va pouvoir découvrir la appartient au seul livre que Pictou écartera : "un vieux cachette des bijoux d'Eléonore. Confiant de l'avenir bouquin !" assuré, il pourra se reposer (on le voit bailler à la fin Pourtant, Natanaël doit à tout prix la retrouver pour de la séq. 29). pouvoir mener à bien sa quête. Lorsqu'il lit la formule, il pense que Carabosse va sans problème lui redonner sa taille normale mais, elle veut une preuve la bonne santé de ses compagnons aussi, elle va Les Opposants de Natanaël de rechigner un temps. C'est sous la menace de l'Ogre qu'elle finit par s'exécuter. Deux personnages se distinguent plus particulièreElle trouvera une nouvelle victime en la personne de ment parmi les opposants directs : Carabosse et PicPictou dont elle réduit aussi la taille ; Carabosse ne tou. On va aussi retrouver le crabe et l'enfant sur la peut s'empêcher de jeter des sorts. plage. Pictou, l'antiquaire Il fait son apparition dès les débuts du film (séq. 3). On découvre tout de suite que c'est un personnage assez fourbe ; ceci est souligné par le sourire de façade qu'il compose dès qu'il baisse la vitre de son véhicule pour se présenter au père de Natanaël. Quand il découvre la valeur des livres d'Eléonore, il va tout faire pour les récupérer pour rien. Son nom est bien entendu en rapport direct avec ses activités et sa malhonnêteté. Les ruses pour empêcher la vente que vont utiliser les héros de conte ne sont qu'un juste retour des choses. La morale est sauve lorsque, à la fin, la fée Carabosse Le crabe et l'enfant sur la plage Deux adversaires "de taille" vont s'en prendre à Natanaël et ses compagnons sur la plage. Le premier danger dont ils s'écartent, c'est l'enfant, après avoir vu les traces de pas humains sur le sable. Lorsque l'enfant les aperçoit, il va essayer de les attraper pour jouer avec eux, les prenant pour des jouets (ce qu'il réussira à faire un temps en mettant l'ogre à l'arrière de son camion). Mais le second danger est beaucoup plus important, il s'agit du crabe qui essaie de les attraper dans le château de sable et contre lequel Natanaël va combattre, réellement cette fois. En effet, nous avons déjà rencontré cet animal au début du film ; il devait subir 24 les assauts de Natanaël qui essayait de le déloger du château qu'il venait de construire, en se prenant pour un des chevaliers de la Table Ronde. Aussi, dans la séquence du combat, il devra vraiment faire preuve de bravoure, comme un preux chevalier, pour défendre Alice et ses compagnons. Pour ça, armé de l'allumette confiée plus tôt en guise d'épée et du gousset du lapin comme bouclier, il prendra l'espace d'un instant, l'attitude qu'on pourrait prêter à un Lancelot ou Arthur. L’espace (les lieux de l'action) La Plage C'est, dans le film, d'abord un lieu de détente ; Natanaël y construit son château, Angélica essaie, tant bien que mal de faire voler son cerf-volant. On y accède de la maison d'Eléonore par un escalier particulier. A l'autre bout de la plage, on trouve la boutique de Pictou. La distance qui les sépare est mise en scène dans la séquence 15 par un mouvement d'appareil (travelling arrière) qui nous fait passer de la maison à la boutique de l'antiquaire. Cette distance va apparaître immense lorsque Natanaël, réduit en taille, va devoir la retraverser pour rejoindre la bibliothèque. La plage est alors le lieu de tous les dangers (l'enfant, le crabe, la marée, les goélands...) La Boutique C'est un vieux hangar à bateaux assez grand, dans lequel Pictou reçoit ses clients. A l'étage, il a placé son bureau. On y retourne à plusieurs reprises, d'abord La maison et la bibliothèque lorsque Pictou amène les cartons puis, régulièrement Lieu de villégiature habituelle de la famille, elle aplors de l'arrivée des différents clients. partenait à Eléonore qui leur lègue afin qu'ils puissent On retrouve aussi les personnages de contes au fur continuer à en profiter. Cette maison est assez âgée et, et à mesure du passage du temps, afin d'amplifier le le fait qu'elle ne soit plus habitée depuis sa disparition sentiment d'urgence et la peur de les voir disparaître entraînent différents désagréments, ses portes ont un à tout jamais. peu de mal à s'ouvrir par exemple. Ce mauvais état sera fortement aggravé par la tempête. La famille n'a Les maisons du monde pas les moyens de réparer la toiture aussi, ils doivent A la toute fin du film, pour marquer le caractère unitrouver des ressources pour ne pas avoir à s'en sépaversel des contes, lorsque la voix de Natanaël lisant rer. Alice au Pays des Merveilles s'élève, elle se transLa pièce la plus importante de la maison, bien entenforme en différentes langues et, on commence à ce du sera la bibliothèque, située à l'étage, pièce qui était moment là un tour du monde. Les différentes régions interdite aux enfants du vivant d'Eléonore. La clef en de la planète sont représentées par leur habitat... était cachée dans un vieux moulin à café. Cette pièce est remplie d'ouvrages originaux. A la fin du film, après les différentes péripéties que vont vivre Nata- Le temps (époque et chronologie) naël et Angélica, la maison sera sauvée et, forts d'une complicité découverte à la traversée de ces épreuves, L'Époque de l'histoire les deux en- Si le caractère de l'histoire est plutôt intemporel, on fants auront peut la situer à notre époque. Les enfants ne possèplaisir à se re- dent pas d'objets électroniques qui pourraient la situer trouver dans plus précisément. la bibliothèque avec les per- La Chronologie : une période concentrée sonnages de L'ensemble de l'histoire se déroule sur une période contes. très ramassée. En effet, entre l'arrivée à Kérity et la fin de l'histoire, il semble ne se passer que deux jours : LA Maison d'Adrien - jour 1 : l'arrivée, l'accueil par Adrien, les jeux sur la Voisine de celle d'Eléonore, la maison d'Adrien est plage et en fin de journée, les cadeaux d'Eléonore puis montrée deux fois dans le film : tout d'abord lors de la tempête la nuit. la scène des poupées russes, ensuite quand Angélica - jour 2 : le réveil et la constatation des 25 vient demander son aide. dégâts, la découverte des personnages de contes dans la bibliothèque, l'impossibiToute l'action est concentrée sur un nombre assez limité de lieux, facilement identifiables. lité de lire la formule et l'enlèvement des livres par Pictou, la traversée de la plage, le sauvetage des personnages de contes puis des livres et enfin, la nuit tombée, la conclusion avec la lecture d'Alice. On a même presque l'impression que l'action de la seconde journée se déroule en temps réel, même si ces actions s'étalent sur un peu plus de trois heures. Il y a très peu d'ellipse dans le récit ; la seule que l'on peut repérer facilement est celle du début de la séquence 24, où l'on retrouve les héros en haut de l'escalier. Ce n'est que par leur dialogue que l'on comprend qu'ils ont été amenés au pied de l'escalier par Angélica et qu'il leur a fallu du temps pour arriver jusqu'en haut. un gilet et une montre à gousset ; "ah ! j’arriverai trop tard !" répète-t-il. C'est donc tout naturellement ce personnage qui, dans Kérity, va rappeler l'importance du temps et tiendra le décompte avant l'heure fatidique (midi). Il sera relayé par le Chat Botté qui montrera l'horloge de la boutique dans certaines scènes, lorsque le lapin est sur la plage avec Alice et Natanaël. Le montage Le film fait énormément appel au montage alterné. Le montage alterné fait se succéder des séries d'images qui ont une liaison de simultanéité temporelle entre elles. Pour Marcel Martin, le montage alterné appartient à la syntaxe classique du cinéma. Ce montage articule les plans les uns par rapport aux autres pour donner de la continuité, de l'unité (à ne pas confondre avec le montage parallèle qui met en rapport deux éléments différents pour produire par leur parallélisme un effet de comparaison. C'est l'association des plans qui crée du sens. On est dans le domaine de la comparaison visuelle.) On suit plusieurs actions simultanées pendant le film, à partir de la séquence 15 : la quête de Natanaël et de ses compagnons, l'inquiétude et l'ingéniosité des personnages de contes dans la boutique, les activités d'Angélica tout au long de la matinée. Ce type de montage ne prendra fin qu'à la séquence 29, quand tout reprend sa place. Les Thèmes principaux Les "graines semées" au cours du récit Une histoire, au cinéma comme en littérature, ne progresse pas toujours d'une manière complètement linéaire. Un certain nombre d'éléments peuvent être avancés lors d'une séquence et trouver un écho lors d'une autre séquence. Ainsi, on l'a vu pour les lunettes ou pour l'allumette, objets confiés à Natanaël à son départ de la boutique et qui trouveront leur utilité plus tard. De la même manière, le duel initial entre Natanaël et le crabe trouve un écho plus tard ; la supériorité des forces est inversée. Le personnage du crabe, inoffensif dans la première séquence de la plage devient effrayant et menaçant à l’intérieur du château de sable. 26 La lecture Kérity, la maison des contes, est sans conteste un film que les enseignants vont adorer ! Un film qui met à ce point en avant l'importance de savoir lire mais aussi le fait que malgré des blocages, on puisse trouver les ressources pour déchiffrer, semble fait pour une exploitation en classe. Mais, Kérity n'est pas à proprement parler un film sur la lecture et il ne faudrait pas réduire son propos à du "pédagogisme". Natanaël ne sait pas lire ; on le sait dès le début car il ne lit pas les panneaux indicateurs, ce qui lui vaut les premières railleries de sa soeur, premières dans le film car il les a sans doute subies toute son année de CP. Cette difficulté à lire est évoquée par les parents et Adrien dès la séq. 3 ; on comprend qu'il s'agit d'un blocage dont ils n'ont pas trouvé la clef. Eléonore n'étant plus là, ce sera encore plus difficile car elle aurait su comment faire. Le deuxième moment où Natanaël renonce à lire, c'est lorsque son père essaie de le valoriser en lui confiant la lecture de la lettre d'Eléonore (séq. 5). Il n'essaie pas et donne la feuille à sa soeur immédiatement. On saisira vraiment son malaise, d'abord lors du cauchemar pendant la tempête (séq. 7) mais plus encore lors du rêve éveillé dans la bibliothèque (séq. 9). Lorsque Natanaël découvre la formule, les mots, une nouvelle fois se mettent à danser, comme dans le générique ; d'ailleurs, on reconnaît certains mots qu'on avait déjà aperçus. Natanaël devra dépasser son blocage ; les lunettes de Gepetto ne lui seront d'aucun secours. C'est en lui qu'il doit trouver la force de lire. La référence constante au temps Dans Alice au pays des merveilles, le lapin Kérity, Un récit iniatique blanc apparaît au tout début du livre, portant Plus que la lecture, le thème du film pourrait être celui du dépassement de soi et de ses propres peurs. Na- tanaël est un vrai personnage de conte finalement ; d'ailleurs, comme eux, au début, il ne peut pas lire ! A cause du sort jeté par la fée Carabosse, il prend aussi leur taille. Pourtant, il se défend d'être comme eux au début, il ne vient pas d'un livre lui ; d'ailleurs, il ne sait même pas comment finit son histoire. Pourtant, il va vivre une véritable initiation à travers les épreuves qu'il va traverser. L'une des grandes caractéristiques du récit initiatique est de présenter un certain nombre d'épreuves et d'obstacles qui se déroule sur un temps plus ou moins long, et implique souvent des souffrances dont le personnage doit triompher et sortir « grandi ». En acceptant finalement sa responsabilité lorsqu'il annonce qu'il va tout faire pour sauver ses nouveaux amis, il accepte l'héritage d'Eléonore et est prêt à endosser la nouvelle vie qui s'offre à lui, celle de l'Elu. Il est alors capable d'affronter le danger (l'attaque du crabe au cours de laquelle il se montre très "chevaleresque") puis ensuite, de dépasser sa peur de lire. Par certains côtés, on peut dire aussi que Natanaël va découvrir l'amour, tel qu'on peut le vivre à son âge. Sa complicité avec Alice et son désir de la sauver, elle et ses amis le rendront plus fort. Il pourra alors retrouver sa véritable taille (il grandit au sens premier du terme) et devenir le gardien des contes, jusqu'à ce que lui aussi doive transmettre cette charge. Ce récit a donc aussi à voir avec la transmission. "Graphiquement, c’était un vrai pari. Le travail de Rébecca a permis aux personnages d’appartenir à la fois au passé tout en étant très contemporains. Pour moi c’est comme s’ils avaient deux vies, un peu comme des acteurs de théâtre : ils sont à la ville et à la scène. Dans leur histoire littéraire, ils sont à la scène et dans la bibliothèque, ils sont à la ville. Par exemple, je trouvais intéressant que le Loup et le Petit Chaperon Rouge soient très amis. Qu’ils aient une vraie intimité et forment une sorte de couple qui vit ensemble depuis des siècles." (Anik Le Ray, dossier de presse) Lorsque les héros de contes doivent empêcher la vente des livres, leurs regroupements ne manquent pas d'humour et créent des rencontres pour le moins inédite comme Cendrillon croisant le grand méchant loup. Le récit laisse la part belle à des clins d'oeil aux histoires les plus connues. Dès le générique, Peter Pan poursuit son ombre. Il s'amuse plus tard des craintes du Capitaine Crochet qui a cru reconnaître dans la montre du lapin blanc le tic-tac du crocodile qui lui a dévoré la main. Pinocchio et son créateur, Gepetto, sont assez récurrents dans le film. Lorsque Pinocchio confie les lunettes de Gepetto à Natanaël, on comprend tout de héritage et Transmission La famille hérite d'abord de la maison. Les enfants, suite qu'elles n'ont aucun caractère magique puisque eux, reçoivent l'un la clef d'une pièce remplie de le nez du pantin commence à s'allonger dès que le garçon a tourné le dos. A plusieurs reprises, on retroulivres, l'autre une poupée. Chaque cadeau donné aux enfants révélera au cours vera le marionnettiste cherchant ses lunettes et étant du récit ses mystères et ses secrets. Mais, au-delà du écarté du vide par Pinocchio in extremis, créant une don matériel, Eléonore leur confie d'autres cadeaux sorte de "running-gag" (ou comique de répétition, le beaucoup moins matériel : le bonheur de passer du running gag est une blague qui revient plusieurs fois, temps en famille dans sa maison, une complicité nou- sous la même forme ou sous une forme légèrement velle entre frère et soeur, le plaisir de lire et de racon- modifiée). Ces clins d'oeil sont assez évidents et facilement dister des histoires... Enfin, la transmission est aussi du côté de la culture cernables par des enfants. D'autres sont plus subtiles qui ne doit pas se perdre et qui se transmet de géné- et furtifs : c'est la Belle au Bois dormant qui se plaint ration en génération. Si on ne raconte plus les contes, d'avoir subi la colère de Carabosse, ce qui lui a valu les enfants n'entendront plus que des histoires vraies ! un profond sommeil. Le joueur de flûte de Hamelin sonne l'alerte lorsque la deuxième cliente apparaît. On voit passer Blanche Neige portée par les nains, Les références aux contes et l'humour Si le titre du film fait référence à la maison des contes, alors qu'ils avaient pourtant essayé auparavant de c'est que les livres et leurs habitants sont très présents l'empêcher de croquer la fameuse pomme. dans l'histoire. On pourra s'amuser à essayer de reconnaître tous les personnages (plus de 40, voir plus La Mort / la disparition haut). Natanaël prend un immense plaisir à les recon- La mort d'Eléonore est évoquée d'abord 27 naître dans la bibliothèque et il crie leurs noms au fur comme une absence ; "ça va faire tout bizarre qu'elle soit pas là cette année" dit Natanaël. et à mesure qu'ils apparaissent. Mais on comprend assez vite qu'elle vient de mourir puisque la maison leur appartient maintenant. Si pour Angélica, la réalité est indiscutable, Natanaël lui a du mal à accepter ce mot. "Tu te demandes qui va te lire des histoires, hein, maintenant que tante Eléonore est morte ? - Arrête de dire qu'elle est morte, j'aime pas ça ! - Pourquoi ? C'est la vérité non ?" Pourtant, la mort d'Eléonore ne signifie pas la disparition et l'oubli total ; ce qu'elle a laissé reste, on l'a vu plus haut en parlant de transmission mais, elle est aussi très présente dans les souvenirs du garçon et sa voix revient souvent dans le récit (voir le paragraphe plus loin sur la voix-off). Cette mort, naturelle puisqu'elle a vécu presque cent ans, est à différencier de la disparition programmée des personnages de contes si l'enfant ne lit pas la formule. Cette disparition est traduite visuellement par un effacement progressif puis par une perte de couleur jusqu'à la transparence. On pressent même ce que serait leur absence puisqu'Alice disparaît aux yeux de Natanaël l'espace d'une seconde quand il finit de lire la formule en même temps que la montre marque midi. bliothèque il fallait que ce soit rougeoyant, comme dans un ventre. Selon les séquences, avec Dominique Monféry, on a travaillé les rouges de différentes façons. Par exemple, lorsque Natanaël rentre et découvre la bibliothèque avec effroi, on a des rouges plus durs, crus et agressifs. On a choisi une palette qui va du carmin au magenta. Au moment où sa grande soeur se retrouve devant la bibliothèque vide, on a fait virer la couleur vers quelque chose de plus doux et neutre ; du kaki et une nuance orangée. Les rêves, par exemple, ont été conçus à partir des variations de roses. Au-delà de la couleur, ce qui m’intéresse c’est la composition et le travail sur la lumière. J’ai plus cherché à obtenir des lumières particulières, des reflets, des transparences que des dessins parfaits. C’est toujours à travers la lumière qu’on donne du volume aux choses. Je voulais absolument que par moments on soit presque cachés dans l’ombre. Que ce soit le château, la bibliothèque ou le hangar de Pictou, c’est toujours en lumière et en ombre qu’on a traité les espaces. Tout le coloriage du film est effectué sur la base de plusieurs matières qui ont été spécialement créées où qui proviennent de mes livres. Les décors sont comme du papier peint, on a pris des bouts de textures et ensuite on a ajouté des ombres. Rien n’a été créé sur Photoshop. C’est un travail artisanal, tout a été conçu et fait à la main. Même si le plan ne dure que deux secondes, tout a été dessiné avec la même passion du détail." (Rebecca Dautremer) Chaque lieu possède donc une couleur dominante : Imaginaire / réalité Si l'on prend comme point de vue celui de la diégèse la maison plutôt dans les jaunes, le hangar de Pictou du film, on peut essayer de séparer ce qui est réel de ayant une dominante de bleus. La peur qu'éprouvent ce qui est imaginaire. Mais, la frontière entre ces deux les héros lors de leur rencontre avec le crabe dans le tunnel est amplifiée par l'absence de lumière, ceci faimondes est pour le moins floue. Si les parents, Pictou et Adrien appartiennent au sant ressortir les yeux de l'animal. monde réel sans conteste, de même que les clients et Les cauchemars vécus par Natanaël ont eux aussi une la mère et son enfant sur la plage, pour les autres per- couleur particulière, qui tranche avec le reste de la séquence ; par l'alternance des couleurs et l'immobilité sonnages, on est à la limite entre les deux mondes. " Par la mise en scène on devait être proche de la sen- de Natanaël, on comprend aisément que nous sommes sation d’un enfant fasciné par l’univers mi-réel, mi- témoins de ce que ressent l'enfant à ce moment-là vis fantastique d’un conte. L’idée était de faire appel aux à vis de la lecture. souvenirs d’enfance et de garder cette sincérité première du rapport aux histoires." (Dominique Monfé- voix-off / voix intérieure La voix off est un procédé narratif utilisé dans le dory, dossier de presse) maine audiovisuel et consistant à faire intervenir une voix qui n'appartient pas à la scène. Elle se distingue de la voix intérieure qui désigne un monologue qui Des aspects techniques qui n'est pas prononcé par un personnage mais qui exéclairent l'oeuvre prime ses pensées au moment de la scène. On ne trouve de réelles voix-off, en prolongement La lumière 28 d'une voix d'un personnage, que deux fois dans le "Je travaille beaucoup intuitivement en me film. D'abord lorsqu'Angélica commence à lire la laissant guider par mes émotions. Pour la bi- lettre d'Eléonore. La voix de la tante prend le relais, ce qui va nous permettre de voir les objets et les lieux qu'elle évoque en même temps que se poursuit la lecture. A la fin du film, par le même procédé, à la voix de Natanaël commençant la lecture se superposeront des voix étrangères pour retrouver celle d'Eléonore achevant l'histoire d'Alice. Mais, la plupart du temps, les voix utilisées sont des réminiscences de paroles antérieures que l'on entend, avec les voix des personnages qui les ont prononcées. Ainsi, celle que l'on va entendre le plus est la voix d'Eléonore qui va servir de guide à Natanaël à chaque fois qu'il hésitera. La voix d'Adrien aura aussi une importance puisque les paroles entendues d'abord dans la séquence 21 vont prendre un nouveau sens lorsque le chat apporte la poupée russe abandonnée à Angélica (séq. 27). où Natanaël est réduit à leur échelle et rentre dans leur monde. A la fin du film, la solution classique aurait été de retourner au bruitage papier et de séparer encore une fois les deux mondes. Mais on a décidé de garder le traitement sonore « réaliste ». À ce stade, les personnages existent vraiment pour Natanaël. Les deux mondes n’en forment qu’un." Le doublage (les voix) Kérity, la maison des contes peut se vanter d'avoir de prestigieux acteurs au doublage pour donner vie aux différents personnages. On pourra s'amuser à réécouter quelques passages du film et essayer de reconnaître les personnages car les acteurs, en leur prêtant leur voix leur donnent une personnalité particulière. La voix de Jeanne Moreau donne à Eléonore une voix assez envoûtante, qui convient bien à la conteuse qu'elle est. Denis Podalydès et Julie Gayet forment un couple de parents particulièrement calmes et attentifs à leurs enfants ; ils prennent le temps de leur parler. Lorant Deutsch est beaucoup moins calme, jouant le lapin blanc. Pierre Richard lui forme un Adrien assez joueur, profitant de la vie. Liliane Rovère, elle, compose une fée Carabosse très en colère. La musique et le son Dominique Monféry, dans le dossier de presse, explique ce qu'ils ont souhaité avec le compositeur de la musique du film. "Tout au long du récit, on a décidé avec Christophe Héral d’osciller entre une orchestration sobre, une sorte de thème unique qui revient, joué de manière très épurée, et des orchestrations plus ambitieuses. Au niveau des bruitages, on voulait quelque chose de très naturel, d’organique. Au début, les deux mondes sont séparés, ils sont mis en parallèle. On a traité différemment l’univers sonore d’un même personnage selon les enjeux de la scène et le contexte. Par exemple, le personnage du crabe est à la fois inoffensif dans la première séquence de la plage et devient effrayant et menaçant à l’intérieur du château de sable. Pour les personnages de contes, on a principalement travaillé sur des froissements de papier. On revient sur des bruitages plus « réalistes» au moment 29 5- Trame d’Exploitation pédagogique d’un film « Le cinéma est avant tout un art et il revient à l’école de le traiter comme tel. Quand les élèves sont confrontés à des oeuvres du patrimoine cinématographique, ils interrogent le monde et se confrontent à d’autres. Ainsi, le cinéma peut occuper une part entière dans l’enseignement, non pas à côté, mais en interrelation avec les divers champs d’apprentissage. » JDI n°3 - Novembre 2003 Cette exploitation pédagogique d’un film prend sa place pleinement au sein de l'enseignement de l'histoire des arts à l'école, tel qu'il est définit dans le bulletin officiel du 28 août 2008. Entrant dans le domaine artistique des "arts du visuel", le cinéma y trouve sa place au côté des arts plastiques... L'étude d'une oeuvre passe par trois phases : une phase de préparation au visionnage, la séance au cinéma, le temps d’exploitation de l’oeuvre en classe ensuite. Beaucoup d’activités sont possibles et il conviendra à l’enseignant d’en choisir parmi le champ des possibles, en fonction de ce qu’il souhaite développer chez ses élèves, en fonction aussi de la manière dont lui d’abord aura reçu le film. - Avant la séance (anticipation) Il est préférable que l’enseignant ait vu au moins une fois le film avant d’emmener ses élèves à la séance, ceci afin d’envisager la meilleure préparation au film qui soit. Les enfants doivent avoir une idée de ce qu’ils vont aller voir. Les préparer, c’est déjà les mettre en projet pour la suite, leur montrer que la séance n’est pas là que dans le but de les distraire (même s’il faut le souhaiter, ils trouveront du plaisir dans l’activité). On peut mener ce travail de préparation quelques jours avant la projection. Ainsi, on peut utiliser l’affiche, des photos du film... Dans le cas de films muets ou en version originale soustitrée, il importe aussi d’expliquer aux élèves qu’ils devront lire sur l’écran (cartons ou sous-titres). Enfin, il est important d’expliciter les “règles du jeu” du visionnage en salle. Le dossier intitulé Tous au cinéma du mensuel La Classe n°153 - nov. 2004, en donne une bonne définition reproduite ci-contre, à adapter en fonction de l’âge du public d’enfants concerné. - La séance (réception) La règle du jeu Dans une salle de cinéma, il fait noir, l’image est grande, on entend bien, les fauteuils sont confortables et « je fais le vide » juste avant d’entrer ; je ne suis ni à l’école, ni au stade, ni à la maison. Dans un cinéma, on ne peut pas changer de film ou le prendre en cours de route et attendre la publicité pour aller faire pipi, on ne peut pas se déplacer, ni manger, ni boire, ni faire du bruit pendant le film... Je peux rire, pleurer, avoir peur, être ému et ne pas tout comprendre du premier coup. Après la projection, j’évite les jugements brutaux et trop rapides. J’essaie d’abord de retrouver tout ce que j’ai vu, entendu, compris. J’ai absolument le droit de garder pour moi les émotions très personnelles que j’ai ressenties, mon interprétation du film, même si ce n’est pas celle des autres. Les élèves doivent avoir le temps de s’installer dans la salle. A la fin de la séance, on peut aussi ralentir le mouvement qui consiste souvent à quitter la salle le plus vite possible. Prendre son temps participe à la ritualisation du Pistes pédagogiques visionnage en salle. Avant d’aller en salles, on pourra questionner les Ce temps va permettre de quitter tranquillement le film, enfants sur les dessins animés qu'ils connaissent... avant de retourner en classe, car c’est là le plus souvent On peut aussi simplement leur faire découvrir que va se dérouler le moment suivant des premières l'affiche du film, quelques photos. On peut aussi faire écouter aux enfants des réactions à chaud. extraits de la musique du film, afin de les plonger 30 aussi dans l’ambiance. Ces trois objectifs ne sont pas à séparer en soi ; ils sont mêlés dans ces premières séances d’après vi(compréhension et interprétation) sionnage. Toutefois, certains exercices viseront plus Le temps d’échange avec les élèves, qui doit avoir l’un ou l’autre. Un questionnaire sur le film permettra lieu assez rapidement après la séance au cinéma, vise de s’assurer de la bonne compréhension, l’utilisation trois objectifs principaux : d’images séquentielles ou de fiches de personnages l’expression, par les élèves, de leurs impressions consolideront la mémorisation. sur le film ; phase d’autant plus importante que des enfants peuvent avoir eu peur de certaines scènes. Mener tout ce dispositif - en sélectionnant quelques Pour cette phase, lorsque l’âge des enfants le permet, activités pertinentes - participe déjà à l’éducation à il est intéressant qu’ils puissent écrire quelques mots, l’image. Amener des élèves à réfléchir sur un film, à avant de débuter l’échange, afin d’en garder une trace. donner un avis, à mémoriser des informations... est Ceci pourra aussi éviter peut-être une redite d’un déjà une gageure. Pendant quelques heures, les élèves élève à l’autre. Il faut minimiser “l’uniformisation” auront été acteurs devant un film... Ils auront apprédes discours, notamment en insistant, au moment des hendé un temps qu’un film est une œuvre, pas un siméchanges, sur le fait que tous les avis sont acceptables ple produit de consommation. - Après La séance s’ils sont argumentés, qu’il n’y a pas de bonnes ou mauvaises réponses à donner (voir le texte ci-dessous, « ma cinémathèque personnelle »). Ma cinémathèque personnelle Il est important de savoir choisir un film. Peu à peu, notre goût personnel se forme, même s’il est “dirigé” par la publicité qui incite en permanence à “consommer” de l’image. Donnons-nous le droit de tout voir, de tout aimer. (...) Ainsi se constitue peu à peu notre “culture de cinéma”... Chacun se construit sa “cinémathèque personnelle”. Un endroit secret où l’on entasse une part de rêve, une part de plaisir et une part de “savoir”. Plus on voit de films, plus notre goût pour le cinéma se développe : on devient un cinéphile, un amoureux du cinéma. Un film constitue un inépuisable sujet de discussion. On peut être parfaitement d’accord ou en opposition totale sur le sujet ! En dehors des simples formules « j’ai aimé » ou « je n’ai pas aimé », ce qui est vraiment amusant est de trouver des arguments ! Mais on peut aussi ne pas s’arrêter là. Si le film peutêtre étudié sous l’angle interdisciplinaire (lecture, écriture...), il est aussi un objet d’analyse en soi. Il ne doit pas être rencontré, au cours de la scolarité d’un élève, que comme un “prétexte” à d’autres apprentissages. Les thèmes abordés dans la partie précédente de ce dossier sont là pour donner des pistes d'analyse filmique. La suite de ce dossier présente quelques idées de séquences pédagogiques pouvant être menées en classe avec des élèves. Ces séquences visent des apprentissages précis sur certains aspects du film Kérity, la maison des contes ou du cinéma d'animation en général. « Quel cinéma ! » Catherine Schapira et Claude Reyt, Autrements Junior, 2003 l’élucidation, par l’enseignant ou par d’autres élèves, d’éléments qui n’auraient pas été compris par certains enfants au cours de la projection ; ainsi, il convient de s’assurer d’une bonne compréhension des éléments importants du film (personnages, relations entre eux...) la mise en mémoire du film pour permettre ensuite le travail plus particulier que vont constituer les analyses thématiques et filmiques. 31 6- Propositions pédagogiques autour du film Le principe général que l’on peut d’emblée poser au sujet de ces propositions est le suivant : l’utilisation de ces fiches, ainsi que du matériel vidéo se feront selon les besoins et centres d’intérêts dégagés dans la phase de confrontation. Ces activités viseront à enrichir la mémorisation et à découvrir des procédés d’expression cinématographiques (montage, musique...). Ainsi, on doit parvenir à une perception plus large et plus fine du film et du genre abordé, par les élèves. Fiche n° 1 : réorganiser les scènes clés du film Objectifs : • se remémorer et reconstruire l’histoire du film ; • susciter une discussion autour du film (début d’interprétation) ; • aborder, de manière plus ou moins implicite, les notions de montage au cinéma ; • comprendre qu’un film est une succession de séquences qui forment un objet final. Démarche générale : Il s’agit de réorganiser des dessins d’élèves (à partir des scènes qui les ont marqués) ou des photogrammes tirés du film dans l’ordre chronologique. On privilégiera plutôt les photogrammes si l’on souhaite que la plupart des scènes marquantes soient représentées. Cet exercice réalisé collectivement, consistera donc à afficher les images dans l’ordre, sur une ligne horizontale au tableau (ou épinglées sur une corde à linge qui devient le fil de l’histoire). Une scène oubliée un temps peut venir s’intercaler entre deux autres, on peut tout décaler pour en intégrer une nouvelle... mettant ainsi en scène le travail du monteur qui doit reconstruire le film sur le banc de montage. On peut aussi développer plusieurs lignes pour mettre en évidence des actions parallèles (dans la boutique de Pictou, sur la plage, dans la maison...) L’affichage sera donc un moment de discussion ; si l’ensemble de la classe n’est pas d’accord avec la proposition, il faudra expliquer pourquoi, retrouver ce qui dans l’histoire est compatible ou incompatible avec cette idée... Si la mémoire des enfants fait défaut, l’enseignant pourra "combler les trous" en s’appuyant sur le découpage séquentiel fourni dans ce dossier. Trame de variance : En fonction de l’âge des enfants, on fera varier le nombre de photogrammes. On choisira alors les images des scènes clés sur lesquelles on souhaite s’étendre par la suite. On pourra aussi intégrer des images intruses : • des dessins préparatoires au film qui ne reprennent pas tout à fait le même graphisme ; • des scènes tirés d'autres dessins animés, par exemple des films que les enfants auront pu déjà rencontrer par ailleurs dans d'autres opérations cinéma. Fiche n° 2 : reconnaître les personnages du film Objectifs : • reconnaître chacun des personnages et le situer dans l’histoire du film ; • susciter une discussion autour d'un personnage, de ses motivations... Démarche générale : Il s’agit d'associer des photogrammes des personnages à leurs noms écrits sur des étiquettes. Trame de variance : Même trame que pour la fiche 1 ; on pourra donc aussi intégrer des images intruses, des personnages de contes non présents, des personnages représentés autrement (ouvrant à discussion : ex. Alice dans le film des productions Disney...). 32 On pourra jouer aussi sur la distinction personnage réel dans l'histoire (diégèse) et personnage imaginaire. Le cas d'Eléonore, dont la mort est signifiée au début du film, peut ouvrir à discussion... Fiche n° 3 : Histoire des arts - LE Film d'animation Objectifs : • approcher des éléments de l'histoire du cinéma ; • découvrir quelques notions simples (plans, séquences, montage, trucage) ; • comprendre la notion de fiction et saisir qu'une image peut être fabriqué, manipulée, indépendamment de la réalité ; • réaliser des objets technologiques en observant, questionnant, expérimentant... Démarche générale : Cette séquence va être l’occasion, à la fois de découvrir quelques grandes étapes de l'histoire du cinéma, de découvrir différents objets optiques et aussi d'approcher les techniques simples (arrêts de la caméra...) qui permettent l'animation. Ceci pourra amener les élèves ensuite à réaliser eux-mêmes un petit film d'animation. On pourra utiliser différents extraits de films, des émissions documentaires. Nous utiliserons plus particulièrement les courts métrages de J. Stuart Blackton (The Enchanted Drawing et Humorous Phases of Funny Faces) ou de Winsor Mc Kay (Little Nemo ou Gertie the dinosaur) comme oeuvres de références. Des émissions documentaires pourront compléter le dispositif. Trame pédagogique On pourra tout d'abord montrer une des premières oeuvres du cinéma d'animation et recenser les représentations qu'ont les enfants sur la manière de réaliser ces films et les films d'animation d'une manière générale. La question qu'on pourra se poser alors est comment avec des dessins, peut-on donner l'illusion du mouvement ? • Lancement d'une première situation problème : avec deux dessins, comment en faire un seul ? (mise en évidence de la persistence rétienne en fabriquant des thaumatropes). • Seconde situation problème : comment, avec deux images, peut-on faire un mouvement ? (mise en évidence de l'effet phi cumulé à la persistence rétinienne en construisant un flip-flap). • Ensuite, avec plusieurs images (une dizaine), comment créer un véritable mouvement ? Divers procédés peuvent être utilisés : flip-book, zootrope... A travers cette première séquence, on aura refait le parcours qui a mené à l'invention du cinéma. Dans un second temps, on pourra mettre les enfants en situation véritable de création. Un simple camescope ou appareil photo numérique, un ordinateur ouvre les portes de la réalisation très facilement. Un logiciel comme "AnimatorDV Simple+", gratuit pour l'enseignement ou "Windows Movie Maker", permettront de réaliser facilement un petit film avec les élèves, en utilisant différentes techniques (dessin découpé, pixilation, animation d'objet...). De nombreuses séquences pédagogiques détaillées sont consultables sur Internet (voir bibliographie ci-dessous). Documents • Les films The Enchanted Drawing: http://www.archive.org/details/TheEnchantedDrawing1900-ThomasAEdisonIncProducerJStuartBlackton, Humorous Phases of Funny Faces : http://www.archive.org/details/HumorousPhasesOfFunnyFaces et Gertie the Dinosaur, http://www.archive.org/details/Gertie téléchargeables sur Internet légalement. • Documentaires dans la collection C'est Pas sorcier : " Il était toon fois... le dessin animé " (http://cest-pas-sorcier.france3.fr/?page=emission&id_article=150) ou La leçon du Professeur Kouro, série issue du magazine Court-Circuit d'Arte, traitant des différentes techniques d'animation (http://php.arte-tv.com/ court-circuit-off/index.php?page=compil&mag=la_lecon) • des livres : Un projet pour travailler l'image et les médias de Damien Bressy - Delagrave ; Techniques d'animation pour débutants de Mary Murphy - Eyrolles. • des sites internets : Réseau éducation médias (site québecois) : http://www.media-awareness.ca/ francais/ressources/educatif/activities/primaire_5-6/cinema/realiser_film_animation.cfm ; Ci33 néma d'animation : http://www3.ac-nancy-metz.fr/cddp57/cinema/ ; Les petites lanternes magiques : http://festival.inattendu.org/ Fiche n° 4 : Débat philo / débat réglé Objectifs : • faire se questionner les enfants à partir d'un problème de nature philosophique ; • animer une situation de débat au sein de la classe. Démarche générale : Le but d'un débat philosophique en primaire est d'apprendre aux élèves à structurer leur pensée. A partir d'une question posée quelques jours avant un débat, les enfants sont invités à réfléchir puis à s'exprimer lors d'un temps de débat réglé en classe. Autour du film Kerity, de nombreuses questions peuvent être posées autour de la mort, du dépassement de soi, de l'amitié, des désirs - pulsions (voir le personnage de l'ogre, du crabe). Les questions qui suivent sont empruntées à un travail d'Olga Azocar et Bruce Demaugé-Bost, mis en ligne sur le site : http://bdemauge.free.fr/index_philo.htm Questions Qu’est-ce que la mort ? Pourquoi est-on vivant et d’autres morts ? Pourquoi l’homme doit-il mourir ? Comment faire pour savoir que quelqu’un est vraiment notre ami ? Qui décide de ce qui est bien et de ce qui est mal ? Autres pistes de réflexions On peut imaginer de passer un extrait de film qui peut amorcer un débat en classe. Par exemple, sur la question de nos désirs, on peut faire le lien entre l'enfant qui veut faire de nos héros ses jouets lorsqu'ils les aperçoit sur la plage et le film Le Jouet de Francis Veber avec Pierre Richard. L'extrait où l'enfant choisit François Perrin pour jouet peut être l'amorce d'une réflexion. (pour voir l'extrait, http://www.youtube.com/watch?v=rwBU_LuQCVA) Lexique Angle de prise de vue : détermine le champ, c’est- àdire la partie de l’espace visuel enregistré par la caméra. Diégèse : "tout ce qui est censé se passer, selon la fiction que présente le film ; tout ce que cette fiction impliquerait si on la supposait vraie." (Étienne Souriau) Doublage : opération consistant à remplacer la bande "paroles" originale par une bande dans la langue souhaitée. Echelle des plans : traduit un rapport de proportion entre le sujet et le cadre ; il existe une infinité de plans intermédiaires entre le très gros plan (TGP) et le plan de grand ensemble (PGE). Ellipse : Effet narratif qui consiste à ne pas montrer, à ne pas décrire un moment de l’action. L’imagination comble alors l’intervalle. Fondu : action d’obscurcir ("fermeture") ou faire apparaître ("ouverture") l’image progressivement, souvent en passant par le noir. S’il y a surimpression d’une fermeture et d’une ouverture, on parle de fondu-enchaîné. Insert : très gros plan, souvent bref, appliqué plutôt à un objet. Montage : opération d’assemblage des images et d’assemblage des sons. • Montage alterné : des plans tournés dans un même lieu et en un même temps traitent d’actions différentes. • Montage parallèle : des plans tournés dans un lieu et dans un temps différents se succèdent. Photogramme : image isolée d’un film Plan : portion de film impressionnée par la caméra entre le début et la fin d’une prise ; sur un film fini, le plan est limité par les collures qui le lient aux plans précédent et suivant. Plongée : prise de vues dans laquelle la caméra est inclinée sur son axe vers le bas. Lorsque la caméra se situe en dessous du sujet filmé, on parle de contre-plongée. Plan fixe : la caméra reste fixée sur le pied, il n’y a aucune modification du cadre. Panoramique : mouvement giratoire de la caméra dont le pied reste fixe. Travelling : mouvement de tout l’appareil de prise de vues. On distingue les travellings avant, arrière ou latéraux.
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