les accords et conventions de separation des couples
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les accords et conventions de separation des couples
UNIVERSITE MONTESQUIEU-BORDEAUX IV MASTER II DROIT PRIVE APPRONFONDI PARCOURS DROIT CIVIL LES ACCORDS ET CONVENTIONS DE SEPARATION DES COUPLES Catherine SENIO Mémoire dirigé par Madame Marie LAMARCHE, Maître de Conférences à l’Université Montesquieu-Bordeaux IV, (Directrice du CERFAP) Année universitaire 2011-2012 I SOMMAIRE PARTIE I : L’OPPORTUNITE DE LA GRADATION SUBORDONNEE A LA MAITRISE PAR LES PARTIES DE LEUR SEPARATION CHAPITRE I: Une large maîtrise conférée aux parties sur leur séparation CHAPITRE II: Une maîtrise ponctuellement limitée PARTIE II : L’OPPORTUNITE DE LA GRADATION SUBORDONNEE A LA PROTECTION DES PARTIES DANS LEUR SEPARATION CHAPITRE I : Le nécessaire encadrement des dangers potentiels de la conventionnalisation CHAPITRE II : Le rejet d’une privatisation complète de la séparation au moyen d’accords et de conventions II PRINCIPALES ABREVIATIONS Al. AJ.Fam APD Art Bull. civ CA C.Cass Chron. Civ. Civ 1ère Civ 2ème Civ 3ème Coll. Comm. CPC D. Defrénois Dir. Dr.Famille éd. fasc. Gaz.Pal Ibid. in infra JAF J.-Cl.civil JCP G LPA n° Obs. Op.cit PACS Préc. Rép.civ. Dalloz R.R.J RTD Civ Supra TGI V. V° alinéa Actualité Juridique Famille Archives de Philosophie du Droit article Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de Cassation Cour d’Appel Cour de Cassation Chronique Chambre civile de la Cour de Cassation Cour de Cassation, première chambre civile Cour de Cassation, deuxième chambre civile Cour de Cassation, troisième chambre civile Collection Commentaire Code de Procédure Civile Recueil Dalloz Répertoire du Notariat Defrénois sous la direction de Droit de famille édition fascicule Gazette du Palais au même endroit Dans l’ouvrage de voir en-dessous Juge aux affaires familiales Jurisclasseur civil Jurisclasseur périodique, (la semaine juridique), édition générale Les petites Affiches numéro Observations opere citato Pacte Civil de Solidarité précité Répertoire Dalloz de droit civil Revue de la recherche juridique Revue Trimestrielle de Droit Civil voir au-dessus Tribunal de Grande Instance voir verbo au mot III REMERCIEMENTS Je remercie Madame Marie Lamarche, pour sa grande disponibilité et ses conseils avisés dans l’élaboration de ce travail de recherche. Je tiens à remercier également ma famille, mes amis pour leur soutien. IV INTRODUCTION « Ne peut-on faire confiance à un couple qui s’entend ? »1. C’est la question que pose le Professeur Dominique FENOUILLET, au regard de la faveur effrénée faite aux accords et conventions de la séparation des couples. L’entente, l’accord, le consensus, paraissent de prime abord être des termes antinomiques au contexte qui entoure la séparation. Le déchirement, les divergences, la discorde, les dissensions semblent davantage correspondre à cette situation marquant la fin d’une certaine harmonie. Pourtant, ce n’est pas cette orientation que la loi a choisi de privilégier, dans un but affirmé de pacification. Le droit n’est fait que pour résoudre des situations conflictuelles, et, par conséquent, là où règne l’entente, le droit n’a a priori plus lieu d’être : « le droit « mise » sur l'existence de relations familiales effectives et paisibles »2. Il conviendrait donc de « faire confiance » aux couples qui s’entendent, et leur laisser le soin de régler à la fois la rupture et ses conséquences. Par ailleurs, « se découpler (…) est toujours difficile, personnellement et patrimonialement et ce n'est pas l'intensité juridique du lien d'origine qui fait la différence »3. La faculté de prendre en main les conséquences de sa séparation varie toutefois selon le mode de conjugalité. Le droit de la famille ayant subi de profondes mutations depuis 1804, il serait inexact de considérer le mariage comme étant l’élément fondateur de la famille. C’est désormais le couple. La libéralisation des mœurs, les naissances hors mariage, les familles recomposées, les revendications des couples homosexuels sont autant d’événements qui ont participé de la reconnaissance d’un pluralisme des modes de conjugalité au sein du Code Civil. La récente utilisation du terme « couple » par le droit4 est révélatrice de la volonté de les rapprocher ; il « recouvre une même réalité de fait »5. Le couple est défini à l’article L.2141-2 du Code de la Santé Publique, comme « l’homme et la femme […] vivants, en âge de procréer, mariés ou en mesure d’apporter la preuve d’une vie commune d’au moins deux ans ». Ensuite, la loi du 15 novembre 1999 est intervenue afin de donner une définition légale 1 D.Fenouillet, Couple hors mariage et contrat, in Contractualisation du droit de la famille, (sous dir.) D.Fenouillet et P.de Vareilles-Sommières, Economica, 2001, p. 97. 2 H. Batiffol, Existence et spécificité du droit de la famille, APD, t. 20, 1975, p. 7 3 J.Hauser, Le déconcubinage, une opération simple ?, RTD Civ. 2010 p. 306 4 loi du 29 juillet 1994 n°94-654 , qui inscrit la notion de couple à l’article L.152-2 ancien (aujourd’hui article L.2141-2) du Code de la Santé Publique relatif à l’assistance à la procréation. 5 C.Brunetti-pons, L'émergence d'une notion de couple en droit civil, RTD Civ. 1999 p. 27 1 du concubinage, et créer le pacte civil de solidarité. Cependant, à ce stade, la notion de couple n’est toujours pas légalement définie, malgré sa consécration juridique. Elle pourrait s’entendre comme « l'union d'un homme et d'une femme ou de deux personnes de même sexe résidant ensemble, c'est-à-dire ayant établi entre eux une relation affective et physique, stable et continue caractérisant une véritable communauté de vie »6, selon la définition de Monsieur Jean-François SAGAUT. La communauté de vie est un élément fondamental pour la caractérisation des couples. On en dénombre alors trois sortes : le mariage, le pacte civil de solidarité (PACS) et le concubinage. Le mariage est une « union légitime d’un homme et d’une femme résultant d’une déclaration reçue en forme solennelle par l’officier d’état civil »7, alors que le PACS est une « modalité conventionnelle d’organisation de la vie commune entre deux personnes physiques majeures, indifféremment aux couples hétérosexuels ou homosexuels »8. Enfin, le concubinage est « une union de fait tenant à l’existence d’une vie commune stable et continue entre deux personnes (…)»9, qui peut se constituer par refus de l’institution, ou par négligence, habitude, ou encore, il peut être subi10 (en raison du fait que l’un d’eux ne désire pas officialiser son union, ou est déjà pris dans les liens du mariage ou d’un PACS. Ainsi, la communauté de vie est obligatoire dans le mariage, elle est une finalité dans le PACS, et une condition d’existence du concubinage 11. Le Conseil Constitutionnel12 ajoute que « la vie commune (...) suppose outre une résidence commune, une vie de couple », ce qui permet donc de différencier le couple de la simple cohabitation, fraternelle par exemple. La stabilité et la durée sont également prises en compte. Il s’agit donc d’exclure de notre étude le cas des fiancés, situation provisoire et intermédiaire entre le concubinage et le mariage, ainsi que toutes les liaisons passagères (n’entrant pas dans la définition). La polygamie est naturellement exclue des définitions légales, et ne sera pas évoquée. Au fil du temps, des dissensions peuvent naître dans les couples, jusqu’à mener à un point de non-retour, se soldant par une séparation. La notion de « séparation » est apparue dans la loi du 4 mars 2002 « pour désigner la dissolution d'un couple, qu'elle soit de droit ou 6 J.-F Sagaut, Couples au XXIe siècle : le nécessaire état des lieux de la conjugalité, LPA, 21 mai 2010, p. 11, n° 101. 7 Lexique des termes juridiques, Dalloz, 16ème édition, 2007, v°mariage 8 G.Cornu, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, Quadrige, 9ème édition, 2011, V° pacte civil de solidarité 9 Op,cit, v°concubinage 10 G.Cornu, Droit civil.La famille, 9ème éd.Montchrestien, 2006, p.85, n°45 11 J.-F. Sagaut, ibid. 12 Conseil Constitutionnel, Décision du 9 novembre 1999 n° 99-419 JO n°265 du 16 novembre 1999 p. 16962. 2 de fait, qu'elle concerne le couple marié ou le couple de pacsés ou le couple de concubins »13. L’utilisation de cette notion manifeste ainsi l’accueil du fait familial par le Code civil. La séparation peut être d’intensité variable : elle peut consister en un simple relâchement du lien conjugal, « pacsal » (séparation de corps pour les couples mariés (articles 296 et s. du Code civil), séparation de fait) ou bien en une rupture définitive de tout lien. Elle varie également selon le couple considéré : la dissolution du mariage ne peut être prononcée que par un tribunal et selon les formes prévues par la loi, il s’agit du divorce (articles 229 et suivants du Code civil). La rupture du PACS nécessitera le respect de certaines formalités préalables, elle peut être unilatérale ou par consentement mutuel (article 515-7 du Code civil). La rupture du concubinage n’est soumise à aucune formalité juridique. Différents termes sont employés par la doctrine pour désigner la séparation des couples, afin de souligner la variété de leurs effets : démariages, déconcubinages14, dépacsages, déliaisons, voire même de découplages15. Nous nous concentrerons donc sur la séparation volontaire, et délaisserons la séparation involontaire (le décès donc), mode de dissolution commun à tous les couples, rendant la conclusion d’accords et de conventions techniquement impossible. Aussi, nous nous intéresserons plus particulièrement aux accords et conventions intervenant lors de la procédure de rupture, et non à ceux conclus en vue de celle-ci (c'est-à-dire les contrats de mariage). S’agissant des accords de rupture, il est difficile d’en donner une définition juridique. En effet, même si le Code civil use régulièrement de ce terme (il est employé environ une soixantaine de fois), il ne s’agit pas à proprement parler d’une notion juridique. L’accord est communément défini comme une « rencontre de deux volontés »16, sans autre précision. Aussi, il est associé ou employé comme synonymes d’autres expressions : convention, pacte, etc. On trouve ponctuellement la notion d’ « accord de principe »17 en droit des contrats, et d’« accords collectifs » en droit du travail, qui désignent une situation bien spécifique. Il est donc complexe de cerner les contours de cette notion, d’autant que la doctrine préfère contourner la difficulté en évitant de la définir ou en considérant qu’elle est le diminutif de 13 D.Fenouillet, Le droit civil de la famille hors le Code Civil, LPA 2005, n°188, p.3 et spéc., n°57 J.Hauser, Le déconcubinage : une opération simple ?, RTD Civ. 2010, p.306, 15 Ph.Delmas Saint-Hilaire, Couples, patrimoine : les défis de la vie à deux, Rapport de synthèse du 106e Congrès des notaires de France, Defrénois, 30 juin 2010 n° 12, p. 1319 16 G.Cornu, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, Quadrige, 9ème édition, 2011, V° accord 17 I.Najjar, L’accord de principe, D.1991, p.57 14 3 l’expression « accord de volontés », renvoyant ainsi à la convention. Ainsi, Monsieur André CHAPELLE énonce que « bien que le choix des mots ait une importance, et que le langage du droit ne soit pas neutre, la réalité désignée est identique, et simple : il s’agit de conventions réglant les rapports familiaux »18, après avoir répertorié la variété du vocabulaire utilisé pour les définir « pacte de famille », « arrangements », « protocoles d’accord », « règlement amiable » ; « pacte d’honneur »19. Aussi, Madame Frédérique NIBOYET apporte une précision supplémentaire « sur le plan terminologique, il est significatif que l’on parle d’accords entre époux, ce qui suggère une moindre force juridique par rapport aux contrats ordinaires »20. Madame Cécile LAZARUS remarque que « la loi s’efforce d’éviter le vocabulaire contractuel »21. En réalité, si le législateur a préféré le terme d’accord à celui de convention, ce serait essentiellement par frilosité, pour éviter de montrer à quel point le mariage tend vertigineusement vers la contractualisation22. Et surtout, pour insister sur l’exigence de concordance des deux volontés. L’accord est un terme plutôt positif, c’est une entente, qui ne renvoie à rien de formel et laisse entrevoir une certaine précarité, une possibilité de révocation. L’incertitude quant à la définition de l’accord préjuge de ses difficultés d’appréhension, et de l’ambiguïté de leur nature. Dans sa thèse, Monsieur Youssef GUENZOUI constate que: « pour le droit, l’accord ne serait rien », « On est bien dans le pur fait, loin du droit. C’est d’ailleurs le souhait même des partenaires à l’accord que de rester dans le fait : se cacher du droit, échapper au contrat, ne pas s’obliger »23. L’accord se réduirait donc à une rencontre de volontés, ne produisant pas d’effets juridiques, cantonné dans une zone de non-droit. En effet, si la convention est un « accord de volontés destiné à produire un effet de droit quelconque »24, a contrario, l’accord serait une simple manifestation de volontés, sans effet juridique. Monsieur GUENZOUI souligne ainsi que la qualification de contrat est impuissante lorsqu’il s’agit d’appréhender un lien qui n’est pas obligatoire et 18 A.Chapelle, Les pactes de famille en matière extra-patrimoniale, RTD civ 1984, p.413, n°2 A.Chapelle, op.cit, p.412, n°2 20 F.Niboyet, L’ordre public matrimonial, Thèse LGDJ, 2008, p. 261, n°506. 21 C.Lazarus, Les actes juridiques extrapatrimoniaux, Thèse, PUAM, 2009, p.287, n°293 22 En ce sens : M.Rebourg, Les conventions homologuées en matière d’autorité parentale et de contribution à l’entretien de l’enfant, Dr Fam, n°7, 2004, étude 17 : « la frilosité du législateur à consacrer des conventions dans un domaine qui est très marqué par l’ordre public » 23 Y.Guenzoui, La notion d’accord en droit privé, LGDJ, 2009, p.9, n°8 24 Lexique des termes juridiques, Dalloz, 16ème édition, 2007, v°convention 19 4 valable ; « l’abus consistera à couvrir dans la définition du contrat, ces accords, alors même que les éléments de la définition du contrat ne seraient pas réunis »25 Pourtant, l’accord est le procédé de formation du contrat26. Il suffirait que cette volonté soit orientée en vue de produire des effets juridiques. Cependant, certains auteurs27 ont pu démontrer que cette distinction, cette suma divisio est à nuancer : « la gradation de l’importance de la volonté fait qu’entre l’acte juridique et le fait juridique il n’y a pas de séparation absolue mais bien plutôt une solution de continuité avec problèmes délicats de frontière »28. La seule volonté des parties ne peut constituer à elle seule le critère de l’acte juridique. Des éléments objectifs sont nécessaires : ainsi, les parties ne peuvent lier le juge par la qualification qu’ils ont souhaité donner à leur acte. D’un autre côté, « un accord (…) auquel fait défaut une telle intention [de création d’effets juridiques obligatoires] se trouve dépourvu de valeur juridique et n’est pas sanctionné par le droit objectif »29. Pour autant, cela ne signifie pas qu’il ne produit pas des effets entre les parties. Un accord pris par les membres du couple relatif à leur séparation se situerait donc en dehors du droit, et ne produirait aucun effet juridique. Pourtant, la loi impose au juge de le considérer. Une juridicisation de cet accord devient alors possible. La distinction avec la convention s’amenuise par cet effet. Si le critère de la juridicité fait débat, on peut considérer que la sanction d’un engagement en constitue un indice. Pour le Doyen CARBONNIER, « le seuil de la juridicité, c'est la possibilité pour la règle de conduite sociale de donner lieu à cette activité spécifique qu'est le "juger", l'action de juger »30 ; soit l’intervention d’un tiers en cas de conflit. De même, Monsieur Jacques GHESTIN considère que « de nombreux accords se situent en dehors du domaine du droit et, de ce fait, ne comportent pas de sanction juridique »31. Ainsi, Madame Françoise DEKEUWER-DEFOSSEZ expose que l’ « « accord » 25 Y.Guenzoui, op.cit, loc.cit J.Ghestin, La notion de contrat, D.1990, p.147 27 J.Hauser, Objectivisme et subjectivisme dans l’acte juridique : contribution à la théorie générale de l’acte juridique, Coll. Bibliothèque de Droit Privé, 1971, v.aussi B.Oppetit, L’engagement d’honneur, D.1979, chron.p.107, Ph.Rémy, Droit des contrats : questions, positions, propositions, in Le droit contemporain des contrats : Bilan et perspectives : actes du séminaire de l’année universitaire 1985-1986. Economica 1987, p.273 « le contrat n’avait jamais été et ne pourrait jamais être un pur accord de volontés nues produisant des effets de droit ». 28 J.Hauser, op.cit, p.66 n°50. 29 B.Oppetit, op.cit, p.111, n°11 30 J.Carbonnier, Cours de sociologie juridique, Fascicule 6 (la juridicité) 1959-1960, Source BIU Cujas (cujasnum.univ-paris1.fr/ark:/45829/pdf0606082833_p3) 31 J.Ghestin, Traité de droit civil. La formation du contrat, 3ème éd, LGDJ, 1993, p.11, n°10 26 5 de volontés (…) n’a pas forcément d’effet juridiquement obligatoire »32. Le seuil du juridique est difficile à situer, dans la mesure où des devoirs moraux sont en même temps des obligations juridiques. La confusion avec le terme de convention peut également résulter du fait que dans la procédure particulière qu’est le divorce, les conventions ne sont dotées d’aucune force obligatoire et ne peuvent produire aucun effet juridique, tant qu’elles n’ont pas été homologuées par un juge. Aussi, l’homologation, dont les effets sont discutés, ne produit pas exactement une convention de droit commun. Pour autant, cet accord revêt une certaine importance pour les parties dans la mesure où il peut constituer un engagement moral. Il est à noter que la relation de couple, le caractère familial influe sur ces accords et conventions, de sorte que ces dernières ne peuvent s’assimiler à des contrats de droit commun. « Bien qu’ils soient qualifiés de contractuels, les accords liés à la séparation, qu’ils concernent les relations des adultes entre eux ou avec leurs enfants, ne fonctionnent pas comme des contrats »33. Plus précisément, Madame Françoise DEKEUWER-DEFOSSEZ constate que les volontés des membres du couple « ne s’expriment que rarement dans le cadre d’un contrat tel que l’entendent les civilistes, mais d’actes unilatéraux, de pactes, d’accords dont la force obligatoire ne résulte pas du contrat, mais directement de la loi »34 De l’accord à la convention obtenue, il existe donc des degrés, un critère tranché ne pouvant formellement être dégagé. Il s’agit de retracer l’« iter consensualis », les étapes théoriques successives dans l’acception d’une formation progressive du contrat. « De la simple intention à la conclusion, les degrés de la volonté sont innombrables »35, nous enseigne le Professeur Jean HAUSER. « De l'engagement extra-juridique au contrat en bonne et due forme, il y a sans doute un « continuum » qui traduit le passage du social au droit, plus qu'un fossé que le formalisme du droit civil ancien avait approfondi et que le réalisme du droit économique a, en partie, comblé, 32 F.Dekeuwer-Défossez, Divorce et contrat, in Contractualisation du droit de la famille, dir. D.Fenouillet et P.de Vareilles-Sommières, Economica, 2001, p.68. 33 C.Neirinck et M.Bruggeman, Les aménagements consensuels que les couples appliquent à leur rupture sontils d’essence contractuelle ? Les cahiers de droit, vol.49 n°4, 2008, p.551 34 F.Dekeuwer-Défossez, La contractualisation de la famille : entre leurre et instrumentalisation, in Approche critique de la contractualisation, dir.S.Chassagnard Pinet et D.Hiez, LGDJ, 2007, p.167 et s., et spéc.p.173. 35 J.Hauser, L'apport du droit économique à la théorie générale de l'acte juridique, in Les activités et les biens de l'entreprise, Mélanges offerts à Jean Derruppé, Litec, 1991, p.2. 6 montrant ainsi l'aptitude des groupements intermédiaires à générer un « certain » droit »36. Ce passage tend aujourd’hui à être révélé en droit de la famille. Il faut remarquer également que c’est la tendance du droit européen des contrats37 notamment à l’égard de la théorie des avantcontrats. D’autres auteurs optent en faveur de cette théorie. La « punctation », pratique juridique du droit allemand, a été introduite en droit français et traduit le fait que le contrat est le « fruit d’une stratification progressive d’accords »38. Le Professeur Philippe REMY observe la richesse de la phase pré-contractuelle, constituée d’engagements d’honneur, d’accords de principe, de lettres d’intention, des pactes de premier refus39. A ce titre, il évoque une formation par degrés des contrats40. Cette gradation mêle par conséquent des accords extrajuridiques, et des conventions plus formalisées, recueillies et sanctionnées par le droit. La séparation au moyen d’accords et de conventions n’a pas connu la même évolution selon les couples considérés. S’il est admis qu’elle a toujours existé dans le concubinage, afin de trouver un substitut au règlement judiciaire de leurs intérêts, elle est plus récente dans le cas du divorce. Le divorce lui-même a connu quelques rebondissements depuis 1804, entre admission et interdiction. Mais la prévision de la désunion est nécessaire, et le seul cas de divorce pour faute, introduit par la loi Naquet du 27 juillet 1884, au-delà d’être insatisfaisant, ne correspond pas à la réalité. Si le divorce d’accord était admis en droit Romain (jusqu’au VIème siècle), il ne fera son apparition en droit français qu’avec la loi du 11 juillet 1975 41, qui se donnait pour objectif d’adapter le droit aux mœurs42. Il fallait « rendre aux époux, quelle que soit la cause de divorce, plus de liberté dans la conduite de leur divorce ou dans l’aménagement de ses conséquences en desserrant au profit des volontés individuelles et des accords entre époux, l’étau de l’ordre public et des contraintes du contrôle judiciaire. »43. Ce mouvement a débuté avec la loi du 14 décembre 1964, concernant des aménagements plus ou moins déjudiciarisés de l’administration légale et de la tutelle. Sont venues ensuite les lois du 13 juillet 1965 sur la possibilité de changer de régime matrimonial par conventions, et du 4 36 J.Hauser, L'apport du droit économique à la théorie générale de l'acte juridique, in Les activités et les biens de l'entreprise, Mélanges offerts à Jean Derruppé, Litec, 1991, p.1 et spéc.p.3 37 V.articles 2 :202 et 2 :203 des Principes Contractuels Communs, Association Henri Capitant, Société de Législation comparée, 2008 38 S.Drapier, Les contrats imparfaits, thèse PUAM, 2001, p.337, n°276. 39 Ph.Rémy, Droit des contrats : questions, positions, propositions, in Le droit contemporain des contrats : Bilan et perspectives : actes du séminaire de l’année universitaire 1985-1986. Economica 1987, p.278, n°26. 40 Ibidem. 41 Loi du 11 juillet 1975, n°1975-617 42 J.Carbonnier, cité par Ph.Malaurie et H.Fulchiron, La famille, 4ème éd., Defrénois, 2011, p.239, n°537 (note 53) 43 C.Colcombet, J.Foyer, D.Huet-Weiller, Dictionnaire juridique : divorce, Dalloz, 1984, p.11. 7 juin 1970 permet aux parents d’aménager l’autorité parentale par conventions également. Cette dernière est une consécration légale, car comme le remarque Monsieur Olivier LAOUENAN « de telles conventions ont toujours existé tout en demeurant le plus souvent à l'état d'engagements d'honneur simplement tolérés par les tribunaux »44. Selon Monsieur François TERRE, « la décennie 1964-1975 marque une étape importante, qui correspond d'ailleurs sociologiquement à des transformations importantes de la société française dans le sens d'une promotion des accords de couple »45. Cette faculté dénote de l’interdiction absolue faite antérieurement aux époux de passer des contrats entre eux, par exemple : la société entre époux (anc.art. 1832-1 C.civ), le contrat de travail (ancien art. L. 784-1 Code du travail), le contrat de vente (ancien art. 1595 C.civ), le changement de régime matrimonial. Le législateur ne craignait qu’ils ne détournent leur régime matrimonial, ou ne contreviennent à la liberté de mariage. L’interdiction n’a pas toutefois été complètement levée, elle s’accompagne toujours d’un contrôle judiciaire. La prise d’accords par les couples pour organiser leur séparation s’est diversifiée avec la loi du 26 mai 200446. Cette loi avait en effet pour objectif de pacifier le divorce, de simplifier et d’accélérer les procédures, mais surtout, de faire une large place aux accords des parties, d’éviter un contentieux après-divorce. La réforme du divorce se situe ainsi dans la lignée des réformes concernant la prestation compensatoire47 et de l’autorité parentale48, qui consacrent elles-aussi la possibilité d’accords pour en régler les modalités. Entre temps, l’idée d’une déjudiciarisation du divorce par consentement mutuel a été proposée49 : en effet, dès lors qu’il n’y a aucun conflit, l’intervention du juge est-elle vraiment nécessaire ? Les époux mariés sous un régime séparatiste, sans enfant, et d’accord pour divorcer ; suivant le projet, ceux-ci pourraient divorcer en dehors des Tribunaux. Dans la mesure où le contentieux familial peut représenter jusqu’à 60% de l’activité d’une juridiction, l’idée a été de désengorger les tribunaux en confiant les divorces ne posant pas de difficultés particulières, au notaire par exemple. 44 O.Laouenan, Convention sur l’autorité parentale depuis la loi de 2002, JCP G, n°28, 2003, I, 149, n°6. F.Terré, Contractualiser le droit du couple, LPA, 2007, n°254, p.8 46 Loi du 26 mai 2004, n°2004-439 47 Loi du 30 juin 2000, n°2000-596 48 Loi du 4 mars 2002, n°2002-305 49 Rapport I.Théry, Couple, filiation et parenté aujourd’hui : le droit face aux mutations de la famille et de la vie privée, éd.O.Jacob, La documentation française, 1998. V.aussi la proposition de loi n°3189 du 26 juin 2001 de François Colcombet relatif à la réforme du divorce. 45 8 Ce projet a toutefois été rejeté50, et les suivants également (on peut citer le projet du Conseil de la modernisation des politiques publiques du 12 décembre 2007 et le dernier en date déposé en février 2010, supprimant la comparution devant le juge des couples sans enfant51). L’Etat n’est pas résolu à soustraire la dissolution du mariage à son contrôle, même consenti, car selon Madame Marie LAMARCHE, « le divorce par consentement mutuel ne saurait toutefois être réduit à une simple affaire de sous et les couples qui ont choisi le mariage n'ont pas mérité cela »52. La loi n°99-944, du 15 novembre 1999, instituant le PACS, prévoit que les partenaires « procèdent eux-mêmes à la liquidation des droits et obligations résultant pour eux du pacte civil de solidarité »53. Il est par conséquent prévu que le règlement de leur séparation se fera au moyen d’accords et de conventions. Il constitue donc le procédé normal de dissolution du pacte civil de solidarité. Leur accord de rupture, lorsque le PACS est rompu par consentement mutuel, est reçu dans une déclaration conjointe. Le Pacte civil de solidarité étant très récent, l’évolution au sujet des accords et conventions de rupture est faible. Aussi, très peu de décisions concernant la rupture du PACS ont été rendues54. Il faut cependant considérer les conséquences indirectes produites à ce niveau, par la réforme opérée par la loi du 23 juin 200655. Aussi, il faut noter la compétence du Juge aux affaires familiales 56 à défaut d’accord amiable (article L.213-3 du Code de l’organisation judiciaire), et non plus le Tribunal de grande instance, juge du contrat. Madame Judith ROCHFELD constate que « la volonté y demeure centrale : elle préside toujours à sa création (…), à sa dissolution »57. Au regard de cette évolution, et de la multitude d’accords possibles, le Doyen CARBONNIER en conclut que « la famille se cherche aujourd’hui des assises contractuelles plutôt qu’institutionnelles »58. 50 Par la Commission présidée par Madame Dekeuwer-Défossez, Rénover le droit de la famille, Paris, La documentation Française, 1999, p. 255 51 Projet cité en note n°18, X.Labbée, Le droit commun du couple, PU du Septentrion, 2010, p.164. Il prévoit de modifier l’article 250 : « En l’absence d’enfant mineur commun, le juge ordonne la comparution des époux s’il l’estime nécessaire » 52 M.Lamarche, Autant en emporte le divorce !, Dr.Fam 2008, n°1 alerte 1. 53 Article 515-7 du Code Civil 54 Ph.Malaurie, H.fulchiron, La famille, Defrénois, éd.2008, p. 179, n°357 : ces Professeurs qualifient de ce fait la rupture du PACS de « mystère ». 55 Loi du 23 juin 2006, n°2006-728 56 Loi du 12 mai 2009, n°2009-526 57 J.Rochfeld, Réforme du PACS, Loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités (JO 24 juin 2006, p. 9513), RTD Civ 2006, p.624 58 J.Carbonnier, Flexible Droit. Pour une sociologie du droit sans rigueur, LGDJ, 10 éd., 2001, p.276. 9 L’accroissement des accords et conventions de séparation des couples n’est pas un phénomène propre au droit français. En effet, dans l’ensemble des Pays européens, une tendance à la promotion des accords, voire à la déjudiciarisation est observée. A titre d’exemple, en Norvège et au Danemark, la compétence en matière de divorces non contestés est confiée au gouverneur du Comté59. En Suède également, les accords des époux ne sont contrôlés par le juge seulement pour vérifier que l’intérêt de l’enfant a été respecté. Toutefois, la maîtrise des parties n’est jamais totale, au moyen de ces accords et conventions : l’intérêt de l’enfant, (avec d’autres limites propres à chaque droit 60) est une limite récurrente, de sorte que l’intervention du juge ou d’un tiers est prévue. Cet intérêt justifie que l’accord pourra être modifié par le juge, ayant un large pouvoir d’appréciation : c’est le cas du droit Allemand (§1671 BGB), du droit Hollandais (article 151) du droit Portugais (article 1776)61. Cette liberté croissante des couples dans la conduite de leur séparation intervient, après avoir longtemps appartenu à la société. De nombreux outils sont développées dans l’optique de valoriser et d’amplifier la prise en compte de leurs volontés accordées. L’introduction récente dans notre droit de procédures de droit collaboratif, contribue à l’enracinement des solutions consensuelles en matière de séparation des couples. En effet, l’inscription de la « convention de procédure participative » aux articles 2062 à 2068 du Code Civil par la loi du 22 décembre 201062, et entrée en vigueur le 1er septembre 2011, manifeste la faveur aux modes alternatifs de règlement des conflits. Elle permettra donc aux époux de « rechercher une solution consensuelle en matière de divorce ou de séparation de corps »63. Sa consécration permet de constater que la faveur au règlement de la séparation aux moyens d’accords et de conventions est toujours vive, elle se poursuit, de même que le recours au juge se retarde. Au niveau du droit international privé, la pénétration de l’autonomie de la volonté en matière de statut personnel se vérifie avec l’adoption récente du Règlement Rome III64, entrant en vigueur en France le 21 juin 2012. Ce règlement confirme cette tendance 59 La déjudiciarisation du divorce, Sénat http://www.senat.fr/lc/lc36/lc36_mono.html Concernant le droit Belge, et le droit Québécois : des limites d’ordre public existent quant aux conventions sur les pensions alimentaires (n°6, et n°46) B.Maingain, Le rôle de la conciliation et des accords dans le règlement des conflits familiaux : la montée de l’autonomie des volontés en matière familiale et le caractère accusatoire du procès, in L’évolution du droit judiciaire à travers les contentieux économique, social et familiaux, Journées J.Dabin, Bruxelles St Louis, 1984, p.807. 61 F.Boulanger, Droit civil de la Famille, Aspects comparatifs et internationaux, t.2, Economica, Coll.Droit civil, 1994, p.468, n°407. 62 Loi du 22 décembre 2010, n°2010-1609 63 Article 2067 du Code civil. 64 Règlement (UE) n°1259/2010 du 20 décembre 2010 60 10 « contractualiste » et libérale, puisqu’elle touche même du divorce et de la séparation de corps affectés d’un élément d’extranéité. En effet, dans les Etats ayant adopté le système de coopération renforcée (au nombre de 14), la règle de conflit de lois consacrée en matière de divorce ou de séparation de corps est bilatérale et donne priorité à la loi d’autonomie des époux : ceux-ci peuvent désigner conventionnellement la loi qui s’appliquera à leur séparation. Par le recours aux conventions, le législateur incite les parties à anticiper les conséquences de leur séparation, à permettre une certaine prévisibilité. Il vise également à les orienter vers des solutions plus négociées, qui seraient mieux acceptées et mieux exécutées65. Madame Natalie FRICERO assure que « la responsabilisation des justiciables permet de résoudre les antagonismes passés et d’organiser les relations futures de manière apaisée »66, ce qui est particulièrement appréciable en matière familiale. Cette grande faveur faite aux accords, leur « recherche systématique »67, s’étend même aux divorces contentieux, alors qu’ils y étaient jusque là, absents. Or le recours à ces instruments contractuels en droit de la famille peut paraître contrenature, car « l'on ne se situe pas dans une matière qui s'offre naturellement aux spéculations contractuelles »68. Le contrat est principalement « un outil d’échange, de gestion et d’organisation permettant de satisfaire la logique du marché libéral et la stratégie des acteurs économiques »69. Pour autant, « la multiplication des intérêts à prendre en considération, la décentralisation des centres de décision, le pluralisme des familles, le déclin de la famille hiérarchique au profit d’une famille en réseaux, l’ascension fulgurante des libertés individuelles, tout ceci contribue à encourager l’utilisation du contrat comme un instrument de régulation »70. Le contrat, n’est pas absent du droit de la famille, il s’est d’ores et déjà imposé comme un instrument de gestion et de prévision, dans le droit des successions, dans le PACS, 65 V.par exemple, D.Fenouillet, le droit civil de la famille hors le Code civil, LPA 2005, n°188, p.3, n°34 : « de tels pactes seront mieux respectés que la règle d'origine étatique », M.Mekki, L’intérêt général et le contrat, Contribution à une étude de la hiérarchie des intérêts en droit privé, Thèse, LGDJ, 2004, p.746, n°1192, A.Chapelle, Les pactes de famille en matière extrapatrimoniale, RTD Civ 1984, p.416, n°6 : « laisser une latitude aux intéressés (…) permet d’envisager plus sereinement leur exécution dans la mesure où, librement consentis, ils seront mieux reçus » 66 N.Fricéro, Accords des parties, homologation, force exécutoire : quel rôle pour le juge ?, RJPF 2010, n°1 67 V.Larribau-Terneyre, La réforme du divorce atteindra-t-elle ses objectifs ? Dr. famille 2004, chron. 16 68 O.Laouenan, Convention sur l’autorité parentale depuis la loi de 2002, JCP G, n°28, 2003, I, 149, n°7. 69 M.Mekki, L’intérêt général et le contrat, Contribution à une étude de la hiérarchie des intérêts en droit privé, Thèse, LGDJ, 2004, p.691, n°1136. 70 Ibidem 11 même si ce dernier tend à s’institutionnaliser. Monsieur Pierre MURAT observe que « l’accord des volontés dans le droit des contrats n’a pas nécessairement la même signification et le même rôle que l’accord des volontés dans le domaine familial »71. Cet accord permettrait de faire ressortir la volonté des parties, il est utilisé à titre de procédure. Leur développement au stade du divorce, rapprocherait l’institution du mariage, de celle du PACS et du concubinage. En réalité, on observe un double mouvement de « conventionnalisation » du divorce, et de judiciarisation du PACS et du concubinage72, les difficultés rencontrées à la séparation, étant largement similaires73. Or il est bien connu, que c’est au stade de la rupture que sont exacerbées les tensions, cette période est particulièrement sujette à conflits et offre un contexte peu propice à la conclusion d’accords équilibrés. En dépit de cette constatation, il apparaît que les objectifs de pacification des séparations a été approché par le législateur, puisque 55% des couples divorçant en 2009 ont opté pour le divorce par consentement mutuel, et le divorce pour faute, choisi par seulement 15% des futurs ex-époux74, est en constant recul. Le règlement de la séparation par accords et conventions correspondrait à la nature contractuelle du mariage, de même que pour le PACS. Il n’y aurait rien d’illogique, d’insensé à utiliser des instruments contractuels pour régler leur sortie. Seulement, il faut remarquer que le mariage, n’est définitivement pas un contrat de droit commun, il reste une institution. « Il n’engendre pas seulement des rapports de créancier à débiteur, il crée une nouvelle famille, il fonde un nouvel état, il assure la filiation des enfants qui en naîtront »75. Et cette remarque se justifie également pour le PACS76. Or l’irruption de conventions dans un domaine marqué par l’ordre public, par l’indisponibilité de l’état des personnes, n’est pas anodine. Ainsi, comme l’écrit Monsieur Alain BENABENT, « le droit de la famille n’est pas un droit de conventions, c’est un droit qui se vit beaucoup plus qu’il ne se convient par des contrats »77 Mais c’est surtout la combinaison inédite d’accords, et de conventions, la révélation de cette gradation au stade de la séparation qui présente l’intérêt le plus marqué. La progression 71 P.Murat, Rattachement familial de l’enfant et contrat, in Contractualisation du droit de la famille, dir. D.Fenouillet et P.de Vareilles-Sommières, Economica, 2001, p.143. 72 X.Labbée, La judiciarisation du PACS et du Concubinage, D.2009, p.2053 73 F.Dekeuwer-Défossez, La séparation dans tous ses états : divorce, désunion, Lamy Axe Droit., 2010, p.11 74 http://www.justice.gouv.fr/budget-et-statistiques-10054/infostats-justice-10057/les-divorces-prononces-de1996-a-2007-16778.html et V. Avena-Robardet, Mariage, pacs et divorce : les chiffres, AJ Famille 2012 p. 122. 75 Ph.Malaurie, H.Fulchiron, La famille, 4ème éd., Defrénois, 2011, p.58, n°111 76 Ph.Malaurie, H.Fulchiron, op.cit, p.211, n°430 : « le législateur du 15 novembre 1999 ayant pris soin de réglementer les causes et la procédure de dissolution du PACS, le droit commun doit être écarté » 77 A.Bénabent, L’ordre public en droit de la famille, in L’ordre public à la fin du XXème siècle, (dir. T.Revet), Dalloz, Coll.Thèmes et commentaires, p.30 12 d’un accord extra-juridique vers un accord juridique, cette temporisation très spécifique mérite d’être étudiée. Ainsi, la gradation des accords et conventions dans la séparation des couples permetelle de régir la séparation des couples de manière satisfaisante ? La régulation au moyen d’accords et de conventions présente des avantages, et des inconvénients. L’opportunité de ce moyen se mesure par la prévalence des avantages sur les inconvénients, ou encore par les possibilités ou non de limiter ces inconvénients. Il apparaît, que l’impossible catégorisation de ces accords et conventions est de nature à créer un certain flou juridique. Les imprécisions concernant leur régime, l’insaisissabilité de leur nature par l’impossible assimilation aux conventions de droit commun produisent une certaine insécurité juridique. Cependant, la prise en compte de la volonté des membres du couple à tout stade de la procédure est souhaitable, et la souplesse des accords en ce domaine est salutaire. Le pouvoir d’initiative conféré aux parties est conséquent, de même que la maîtrise de leur séparation. Les difficultés rencontrées dans leur mise en œuvre sont somme toute remédiables, et ponctuelles, mais ne condamnent pas ce mode de fonctionnement. Des perfectionnements sont donc nécessités, afin d’assurer une plus grande prévisibilité des conséquences, une certaine transparence, mais avant tout, une protection des intérêts tant des membres du couple, que de leurs enfants, et ceux de la société. Nous verrons à ce titre dans une première partie, que l’opportunité de la gradation des accords et conventions est subordonnée à la maîtrise par les parties de leur séparation (PARTIE I). Nous verrons dans une seconde partie, que l’utilisation d’accords et conventions dans le règlement de la séparation des parties est opportun uniquement si leur protection est assurée (PARTIE II). 13 PARTIE I : L’OPPORTUNITE DE LA GRADATION SUBORDONNEE A LA MAITRISE PAR LES PARTIES DE LEUR SEPARATION La maîtrise, est le fait de pouvoir contrôler, d’avoir un certain pouvoir, de dominer les événements. Dans la mesure où l’utilisation d’un dégradé d’accords et conventions est accrue, et permet de prendre en compte la volonté des parties, nous pouvons remarquer qu’une large maîtrise est conférée aux couples dans leur séparation (Chapitre I). Cependant, cette maîtrise peut se trouver limitée à certains égards (Chapitre II). CHAPITRE I : Une large maîtrise conférée aux parties sur leur séparation Les accords et conventions que peuvent conclure les parties se retrouvent tant au niveau de principe de la séparation (Section 1), qu’au niveau de l’aménagement de ses conséquences (Section 2). Les couples bénéficient donc d’un fort pouvoir d’initiative quant aux solutions qu’ils souhaitent apporter dans la conduite de leur rupture. Section 1 : Une maîtrise sur le principe de séparation L’initiative de la séparation revient aux membres du couple. Dès lors que les couples souhaitent mettre fin à leur union, leur accord est pleinement reçu par le droit. Toutefois, si la maîtrise du principe du divorce et de la séparation de corps est encadrée (§1), elle est complète et directe s’agissant des autres cas de séparation (§2). §1 : Une maîtrise certaine dans le divorce et la séparation de corps L’initiative du divorce ou de la séparation de corps appartient pleinement aux époux, le droit reçoit leur accord (A). La maîtrise sur cet accord, et donc sur le principe de la séparation s’atténue ensuite par la stabilisation juridique de celui-ci (B). A. Une maîtrise de l’initiative Le divorce n’a pas toujours été admis en droit français. Sa libéralisation récente est le fruit d’une certaine évolution. Si l’entrée dans le statut du mariage est libre, le simple consentement ne suffit pas à en sortir. Il existe aujourd’hui quatre cas de divorce : le divorce par consentement mutuel (articles 230 et s. du Code civil), le divorce pour acceptation du principe de la rupture (articles 233 et s. du Code civil), le divorce pour altération définitive du lien conjugal (article 237 et s. du Code civil) et le divorce pour faute (articles 242 et s. du 14 Code civil). La réception de l’accord de séparation est judiciaire, dans le divorce et la séparation de corps par consentement mutuel (1.), et les divorces contentieux (2.) 1. L’accord sur le principe de divorce ou de la séparation de corps par consentement mutuel Le divorce par consentement mutuel traduit la maîtrise des deux époux sur le principe du divorce. En effet, chacun d’eux, assisté de leur(s) avocat(s), doit exprimer son consentement devant le juge. Ainsi, ils ne vont maîtriser le principe de la rupture seulement si leurs volontés sont accordées, et que le juge a « acquis la conviction que la volonté de chacun des époux est réelle et que leur consentement est libre et éclairé »78. Ce n’est qu’à la condition que ces consentements sont exempts de vices et donnés en connaissance de cause que le divorce pourra être prononcé. Ce consentement est exprimé à la fois dans la convention de divorce qu’ils soumettent au juge, et devant le juge lui-même lors de leur comparution. Antérieurement, la loi du 11 juillet 1975 prévoyait une double comparution des époux devant le juge, au cours desquels ils exprimaient leur accord sur le principe de la rupture. A ce titre, le Doyen CARBONNIER considérait que « le divorce par consentement mutuel est un contrat qui se forme par degré. L’accord doit persévérer jusqu’à la phase ultime de la procédure »79. Toutefois, il apparaît que cet accord, s’il leur permet de décider du principe, de la procédure (divorce par consentement mutuel) et du moment de la rupture, il ne leur permet cependant pas de rendre directement le divorce effectif. Tant que le juge ne prononce pas le divorce, ils restent unis légalement. La maîtrise des époux divorçant par consentement mutuel n’est qu’indirecte. Formellement, la loi n’éclaire pas sur les modalités de recueillement de cet accord. En pratique, il peut s’agir de déclarations sur l’honneur annexées à la requête en divorce ou encore d’un procès-verbal dressé par le juge, et signé par lui-même, les parties, leurs avocats. Il est évident que le juge ne peut pas prendre l’initiative du divorce à la place des époux, mais par le biais de l’expression de cet accord, il s’assure que les conditions procédurales sont bien remplies. Le fait que cet accord ne puisse pas produire d’effets juridiques en l’absence d’intervention du juge n’en diminue pas pour autant son importance : pour preuve, le majeur protégé, qu’il soit sous tutelle, curatelle ou sauvegarde de justice est frappé d’une 78 79 Article 232 du Code civil alinéa 1. J.Carbonnier, cité par Y.Bianco-Brun, Le consentement dans le divorce, Thèse, Bordeaux I, 1988, p.229. 15 « incapacité spéciale de divorcer par consentement mutuel »80. L’accord qu’il pourrait donner serait en tous les cas présumé « vicié de manière irréfragable »81 suivant l’article 249-4 du Code civil. Le divorce pour acceptation du principe de la rupture lui est pareillement fermé. S’agissant de la séparation de corps, c’est l’accord sur le principe de la rupture de la communauté de vie qui est envisagé. L’article 296 du Code civil prévoit que « la séparation de corps peut être prononcée à la demande de l'un des époux dans les mêmes cas et aux mêmes conditions que le divorce. ». Si la séparation de corps peut être demandée par un époux, il ne faut pas exclure l’hypothèse qu’elle peut être souhaitée par les deux, ensemble. Ici donc, on aura un accord de la même nature que celui du divorce par consentement mutuel, qui ne produira aucun effet sur le lien conjugal tant que le juge ne prononce pas la séparation de corps. La séparation de corps par consentement mutuel, ne pourra être convertie qu’en un divorce par consentement mutuel (article 307 al.1 C.Civ). Dans ce cas, il apparaît que les époux gardent la maîtrise de l’initiative de cette conversion, puisque cette dernière n’est alors soumise à aucun délai. Toutefois, le droit à la conversion apparaît automatiquement au bout d’un délai de deux ans (article 306 C.Civ) : le pouvoir d’initiative s’« unilatéralise ». 2. L’accord sur le principe des divorces contentieux Dans les divorces contentieux à présent, l’initiative de la rupture peut venir d’un seul époux82. Dans ce cas, il n’y aura pas d’accord possible. Lorsque les époux sont seulement d’accord sur le principe du divorce, et non sur les conséquences, ils maîtrisent là aussi, à l’image du divorce par consentement mutuel, l’initiative de la rupture. Selon l’article 233 du Code civil, le juge devra constater leur accord sur ce principe83. Mais à l’inverse du divorce par consentement mutuel, l’accord n’est pas contenu dans une convention portant sur l’ensemble des conséquences du divorce. Dans tous les cas de divorce contentieux, l’acceptation de la rupture du mariage peut intervenir à tout moment : chaque époux doit signer une déclaration d’acceptation qui sera jointe aux conclusions (article 257-1 Code civil). La maîtrise des époux divorçant peut toutefois être orientée par le juge ; en effet, en vertu de l’article 252 du Code civil, le juge détient un certain pouvoir relevant de sa mission de conciliation. Si auparavant, le but désigné de cette conciliation était celui de réconcilier les 80 Dalloz Action, Droit et Pratique du divorce v° la procédure de divorce, Titre 13, n° 131.43. Ibidem. 82 C’est le cas du divorce pour faute, et pour altération du lien conjugal. 83 Voir Annexe 81 16 parties, son faible taux de réussite et son manque de réalisme ont réorienté cette mission vers la recherche d’un accord sur le type de divorce. C’est vers le divorce le plus consensuel qu’il sera chargé de mener les parties, soit le divorce pour acceptation du principe de la rupture84. Il ne s’agit pas pour le juge d’enlever aux parties ce pouvoir de décision, la conciliation qu’il opère à ce niveau est tout à fait opportune et permettra aux parties de dégager de nouveaux accords au cours de la procédure. Egalement, une mesure de médiation85 peut être proposée aux époux ou ordonnée par le juge, afin qu’ils s’accordent sur le choix de la procédure. Il apparaît alors que la maîtrise par les parties sur le principe de la rupture est clairement subordonnée à leur entente. B. Un accord stabilisé Une fois l’accord sur le principe de rupture émis, celui-ci est reçu dans des formes qui mériteraient d’être précisées car elles participent de son irrévocabilité (1.). Toutefois, une remise en cause reste possible dans des cas très restreints (2.) 1. Une nature incertaine participant de son irrévocabilité Les accords sur le principe de rupture en matière de divorce (articles 230 et 233 du Code Civil) sont manifestés par les époux lors de leur comparution devant le juge, et en présence de leurs avocats. Il s’agirait d’une déclaration sur l’honneur annexée à la requête en divorce, s’agissant du divorce par consentement mutuel, selon la pratique judiciaire86. Aussi, selon la jurisprudence, il peut prendre la forme d’un procès-verbal signé par les parties, le juge et les avocats ; et aurait par conséquent la valeur d’un acte authentique. Ce qui est certain, c’est qu’aucune rétractation n’est possible. Une fois l’accord donné, ce dernier est définitif, et ne peut-être remis en cause par les parties. L’article 1123 alinéa 5 du CPC précise s’agissant de la passerelle vers le divorce accepté87 que « chaque époux annexe sa déclaration d'acceptation à ses conclusions ». Là encore, on peut regretter le choix du formalisme : est-ce que la déclaration d’acceptation correspond à une déclaration sur l’honneur ? A quel point cette déclaration lie-t-elle celui qui l’établit ? Il semble bien qu’elle soit insusceptible de rétractation. Dès lors que le juge n’a plus accès comme autrefois aux motifs du divorce, cela aboutit à laisser aux parties une totale maîtrise de la cause de leur séparation. Mais la nature 84 Cette réorientation se fera par le biais des passerelles entre les cas de divorce, prévues aux articles 247 et 2471 du Code civil 85 Article 255-1° et -2° du Code civil 86 Selon une consultation téléphonique avec Mme le Juge aux affaires familiales du TGI de Bayonne, le 27 avril 2012. 87 Article 247-1 du Code civil. La passerelle fonctionne ainsi à « sens unique ». 17 de cet accord reste incertaine. Il serait par conséquent opportun de clarifier celle-ci, dans la mesure où cet accord, ne pourra ensuite être rétracté. Dans le cadre d’une séparation de corps par consentement mutuel, l’accord donné est également définitif. Les époux peuvent seulement éteindre l’instance en séparation de corps par un désistement à l’action. Dès lors que les époux veulent se réconcilier, il leur est possible de mettre fin à la séparation de corps par la reprise de la vie commune (un acte notarié ou une déclaration à l’état civil devra être établi pour des raisons d’opposabilité)88. 2. Une remise en cause entrouverte L’accord sur le principe du divorce, dès lors qu’il est constaté par le juge, ne peut être rétracté. Même si l’hypothèse est rare, il existe tout de même un moyen de remettre en cause cet accord : selon l’article 234 du Code Civil, l’une des parties peut toujours contester d’avoir donné librement son accord. Il existe ici un manque de cohérence, puisque la convention de divorce par consentement mutuel ne peut faire l’objet d’une remise en cause pour vices du consentement. Le contrôle du juge est censé avoir purgé tous les vices dont elle était pourvue. Il serait donc nécessaire de revoir la formule de l’article 234 afin d’éviter toute confusion, ou bien d’admettre une nullité pour vice du consentement. Aussi, un avis rendu par la Cour de Cassation le 9 juin 2008 a indiqué que « l'acceptation du principe de la rupture du mariage ne peut plus être remise en cause sauf vice de consentement». Or c’est nier que cette acceptation est un acte authentique, qui a fait l’objet d’un sérieux contrôle89, elle ne serait donc considérée que comme « qu'une espèce d'acte préparatoire au jugement, assimilable à des « notes d'audience »90 ». C’est ainsi qu’un jugement rendu par le Juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Lille, le 8 juillet 201091 énonce que : « Compte tenu de ses difficultés, il n'est pas établi que l'épouse a donné son accord pour divorcer [...] le libre consentement de l'épouse n'étant pas caractérisé ». Est-ce à dire que le contrôle du juge ne purge pas les vices du consentement ? Que cet accord peut-être remis en cause alors même qu’un jugement serait intervenu sur les conséquences du divorce ? Des précisions seraient ici opportunes. En tout état de cause, il suffit aux époux de se désister à l’action. 88 Article 305 du Code civil. X.Labbée, Divorce 233 : la valeur du PV d'acceptation, AJ Famille 2010 p. 435 90 X.Labbée, Op.cit. 91 TGI Lille, 8 juillet 2010 n° 10/01910, AJ Famille 2010 p. 435, note X.Labbée. 89 18 §2 : Une maîtrise complète du principe de la séparation Contrairement aux couples mariés, l’accord des couples non mariés sur leur séparation produit directement et pleinement effet, conformément au principe de libre rupture qui les régit (A). Dès lors que les membres du couple souhaitent se séparer sans procéder aux formalités requises, leur accord permet de les délier en fait (B). A. Un accord effectif dans la séparation des couples non mariés Le formalisme peu contraignant de la dissolution du PACS (1.) et l’absence de formalisme dans le concubinage (2.) permettent aux couples une entière maîtrise de leur séparation. 1. Le formalisme à visée administrative de la rupture du PACS Le PACS se caractérise par le principe de libre rupture. Le Conseil Constitutionnel 92, pour justifier ce principe se fonde sur l’article 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, duquel résulte la liberté de rompre unilatéralement un contrat de droit privé à durée indéterminée. Toutefois, si les partenaires sont d’accord pour dissoudre leur pacte, ce mutuus dissensus ne suffit pas à les délier, malgré sa nature contractuelle. En effet, la dissolution du pacte est subordonnée à l’accomplissement de certaines formalités, manifestant le sceau étatique. La rupture est donc libre en ce qu’elle ne doit pas nécessairement être prononcée par un juge, elle peut-être unilatérale et n’est soumise à aucune condition de fond. Chacun des partenaires a donc la maîtrise de la rupture du PACS. Les partenaires adressent une déclaration conjointe au greffe du tribunal d’instance en cas de consentement mutuel93. Pour Monsieur Xavier LABBEE, la rupture par consentement mutuel du PACS correspond à un contrat : « lorsqu’il le rompt en accord avec l’autre, il passe encore un contrat »94. La déclaration conjointe aurait ainsi une nature contractuelle. Le greffier (ou le notaire), depuis la loi du 23 juin 2006 enregistre la dissolution et fait procéder à l’inscription en marge de 92 Cons. constit. 9 novembre 1999, Pacs, Considérant n°61 Monsieur Philippe Potentier qualifie d’ailleurs de « non-sens » la déclaration au greffe du Tribunal d’Instance, et s’interroge sur les projets de déclaration du PACS (et donc de résiliation) devant l’officier d’état civil : « mais pourquoi s'il ne s'agit que d'un contrat ? » P.Potentier, Le divorce par consentement mutuel : un débat qui n'est pas clos, AJ Fam 2008, p.328 94 X.Labbée, Le droit commun du couple, PU du Septentrion, 2010, p.161. Dans le même sens, C.Neirinck, Vers un droit commun de la rupture ?, LPA 2007, n°254 p.28 : « La rupture volontaire du pacs est exclusivement traitée sur le modèle contractuel » 93 19 l’acte de naissance95. Dès lors, doit-on en déduire que les partenaires peuvent modifier leur état au moyen d’un contrat ? Il est important de souligner que le greffier n’opère aucun contrôle de cette déclaration. Cette formalité se destine uniquement aux tiers. Leur accord produit ainsi directement et pleinement ses effets. La déclaration conjointe adressée au Tribunal d’instance dans le cadre de la rupture d’un PACS, ne semble pas pouvoir être remise en cause. N’étant pas une décision judiciaire, les voies de recours sont logiquement fermées. La question se pose, de savoir si l’accord compris dans la requête conjointe peut lui-même être remis en cause. En effet, un partenaire dont le consentement a été vicié pourrait vouloir revenir sur son accord. Or, dans la mesure où le PACS peut être rompu unilatéralement, il semble que l’importance d’un accord réel et libre des volontés soit moindre. Il apparaît donc que l’accord sur la rupture dans le PACS, ne peut être remis en cause. 2. Un accord consensuel directement effectif dans le concubinage La rupture du concubinage est totalement libre. Elle n’est subordonnée à aucune formalité, et peut-être unilatérale ou par consentement mutuel. Ce principe, corollaire de la liberté individuelle s’oppose à ce que la séparation soit soumise à conditions, dans la mesure où les concubins ne s’engagent à rien, leur liberté ne peut subir de restrictions. La rupture n’implique aucune obligation et n’est pas constitutive d’une faute ; exception faite de l’hypothèse où la responsabilité de l’un peut-être retenue si les circonstances de la rupture son fautives. La séparation, la rupture de la communauté de vie suffit à « détruire » le concubinage dans la mesure où sa qualification repose sur cet élément96. Cette liberté se justifie par l’absence de lien de droit entre concubins, ils sont des tiers l’un par rapport à l’autre au regard du droit. Ils ne sont débiteurs d’aucune obligation l’un envers l’autre, qui pourrait justifier une entrave dans la rupture. Les concubins peuvent cependant avoir établi un certificat de concubinage, auprès d’un notaire ou auprès du Maire. L’unique formalité de rupture consistera donc à informer ces autorités de leur rupture. 95 96 Article 515-7 du Code civil. Article 515-8 Code Civil 20 Enfin, dans l’hypothèse où ils avaient conclu une convention de concubinage97, nous pouvons considérer qu’elle deviendra caduque pour absence de cause (l’organisation de la vie commune) ou encore, établie pour une durée indéterminée, l’un ou l’autre des concubins peut la résilier unilatéralement. Enfin, l’accord concernant la rupture du concubinage, en prenant effet de manière immédiate, ne peut être remis en cause. Un concubin seul ne peut contester son accord de séparation, celui-ci appartient en effet au non-droit. La maîtrise des couples dans l’initiative de leur séparation est assez étendue. Il faut noter que les accords, l’entente, favorisent cette maîtrise : par exemple, elle permet de s’affranchir des délais dans la séparation de corps, de la signification de la rupture par huissier dans le PACS. B. Un accord effectif dans la séparation de fait Dès lors que les époux, par pudeur, dignité, par peur de s’engager dans une voie irrémédiable, ou pour éviter certaines dépenses décident de se séparer sans passer par la voie judiciaire, la situation est toute autre. La séparation peut résulter de la volonté de l’un d’entre eux ou d’un accord. Ils établissent ainsi une situation en marge du droit, puisque leur statut de couple marié les oblige à une communauté de vie. C’est une obligation légale, dont ils ne peuvent en principe se délier sans passer par la voie judiciaire. (Ils peuvent demander au Tribunal, sans aller jusqu’à la séparation de corps, une autorisation de résidence séparée98). Mais les séparations amiables ont toujours existé99; le droit en fait même une cause de divorce, à l’article 238 du Code civil. Les époux peuvent prévoir conventionnellement la séparation amiable : la rédaction d’une telle convention s’agissant de l’acceptation du principe de la séparation de fait résultera le plus souvent de la volonté de se préconstituer des preuves avant le divorce. Pour autant, une telle convention ne pourra produire aucun effet juridique sur la rupture même du mariage: elle était considérée comme nulle, de nullité absolue puisqu’elle contrevenait à l’ancien article 307 du Code Civil qui prohibait les séparations de corps par consentement mutuel. Or depuis la suppression de cet article par la loi du 11 juillet 1975, et son non remplacement, certains auteurs ont voulu croire à leur validité100. Ainsi, 97 J.Charlin, Convention de concubinage, JCP N, I, 1991, 101 478 Article 223 du Code civil 99 J.Ghestin La notion de contrat, D.1990, p.147 : « Certains accords, dont les parties connaissent le caractère illicite, et, par là, l’absence de sanction juridique sont cependant conclus. Ils se situent en dehors du droit ». 100 A.Brunet, Les incidences de la réforme du divorce sur la séparation de fait entre époux, D.S 1977, chron. p.191, R.Savatier, Les conventions de séparation amiable entre époux, RTD Civ. 1931, p. 544. J.Revel, Les 98 21 selon Madame Andrée BRUNET, « en autorisant le divorce et la séparation de corps par consentement mutuel, la loi de 1975 retire à la jurisprudence tout argument de texte en faveur de la nullité de la séparation amiable ». Monsieur René SAVATIER retient que ces pactes sont valides, « à la condition essentielle de rester provisoires et révocables au gré de l’un et de l’autre des époux »101. Egalement, la Cour de Cassation avait admis dans un arrêt en date du 14 Mars 1973102 le pouvoir du juge de dispenser temporairement du devoir de cohabitation. Mais en tout état de cause, le juge ne peut pas contraindre les époux à reprendre la vie commune103. Et c’est davantage en ceci qu’il produit un certain effet. Mais il ne faut pas se méprendre : l’absence de sanction n’établit pas sa validité. L’accord des époux sur la séparation est impropre à dissoudre le lien conjugal. Il ne leur permet d’obtenir qu’un simple relâchement du lien, qui subsistera tant qu’il ne sera pas dénoncé. C’est en ce sens que l’on peut considérer que les époux ont une maîtrise, de fait, sur leur séparation. Il faut également envisager l’hypothèse de la séparation de fait dans le PACS. En dépit de la simplicité et de la facilité de la rupture du PACS, les partenaires peuvent décider, temporairement ou non, de se séparer. Cette séparation de fait n’a toutefois pas le même impact que pour les couples mariés, dans la mesure où la communauté de vie n’est qu’une finalité et non une obligation légale comme dans les couples mariés. Pour Madame Dominique FENOUILLET, « cette séparation devrait même a priori rester sans effet entre les partenaires, le non-fait ne pouvant en principe avoir raison d’une institution »104. L’absence de sanctions pourrait ici être contestée dans la mesure où l’article 515-4 du Code civil dispose que « les partenaires liés par un pacte civil de solidarité s'engagent à une vie commune ». Il s’agit pourtant bien d’une obligation, de nature contractuelle. Les mêmes raisons que dans le cas de la séparation de fait s’y opposent : on ne pourrait en exiger l’exécution forcée, ou par équivalent, sous forme d’astreinte. conventions entre époux désunis, JCP 1982, I, 3055. Prône la « nécessaire tolérance face aux pactes de séparation amiable ». 101 R.Savatier, Les conventions de séparation amiable entre époux, RTD Civ 1931, p.535. 102 C.Cass Civ 1ère 14 Mars 1973, n°71-14.190. « Compte tenu des circonstances particulières de l'espèce, le mari à qui la séparation était imputable et qui s'était dérobé à ses obligations de cohabitation et d'entretien devait être condamné au payement d'une pension, en attendant que les époux se soient mis d'accord sur les conditions dans lesquelles cette reprise de la vie commune pourrait avoir lieu ». 103 TGI Paris 18 Octobre 1977, Gaz.Pal 1978, I.24 note J.G-M « le recours à des mesures de coercition, de même que le prononcé d’une astreinte sont impossibles »., JCP 1978, II, 18820, note Lindon, et obs Nerson : RTD Civ.1978, 870 104 D.Fenouillet, Couple hors mariage et contrat, in Contractualisation du droit de la famille, dir. D.Fenouillet et P.de Vareilles-Sommières, Economica, 2001, p.114. 22 Section 2 : Une maîtrise sur les conséquences de la séparation Les conséquences de la séparation peuvent varier selon les couples considérés, selon le mode de séparation souhaité, selon le vécu à liquider... Ces conséquences diverses nécessitent un traitement adapté, opportunément appréhendé par la gradation des accords et conventions de séparation (§1). Il apparaît ainsi que leur juridicité est variable (§2). §1 : Une variété de conséquences appréhendées par la gradation des accords et conventions L’utilisation d’un dégradé d’accords et de conventions est une alternative salutaire à la rigidité de la loi (A), dans la mesure où un certain réalisme et une adaptation sont nécessaires dans le cadre de la séparation. Elle permet ainsi une prise en compte efficace de la volonté des membres du couple (B). A. Une alternative satisfaisante à la généralité de la loi La reconnaissance progressive par le législateur de la dimension privée de la séparation du couple (1.) fait ressortir l’inaptitude de la loi à régir les situations particulières (2.). 1. L’affirmation du caractère privé de la séparation La maîtrise des parties de leur séparation n’est pas une idée ayant toujours dominé. Si elle est en effet complète dans le concubinage, abandonner le divorce aux volontés individuelles était encore il y a quelques temps impensable. Les familles, en 1804, sont considérées selon l’expression de Portalis, comme étant les « pépinières de l’Etat ». Leur stabilité représente par conséquent un enjeu pour lui, pour la société. Le concubinage étant une situation de fait établie en marge du droit, sa rupture, a priori, ne le concerne pas, et demeure l’affaire privée des concubins. S’agissant du mariage, la situation est toute autre : l’Etat est partie à ces relations, qui reçoivent de lui leur statut105. Il reste donc naturellement intéressé lors de leur rupture. La procédure judiciaire du divorce témoigne non seulement du fait que la société est intéressée par l’état futur des époux, mais également par la protection qui leur est apportée. Cependant, la libéralisation des mœurs, la promotion des libertés individuelles, ont peu à peu contribué à rejeter l’intrusion du droit dans toutes les conséquences de la séparation. Pour 105 J.Dabin, Théorie générale du droit, Coll.Philosophie du droit, 1968, p.122 23 Monsieur Bernard BEIGNIER, le constat est simple : « le législateur a pris un parti (bon ou mauvais) dans la loi de 2004 : le divorce est d’ordre privé et l’affaire du couple. Le contrat y domine »106. Egalement, Monsieur Jean DABIN remarque « la relative impuissance de la règle juridique dans le domaine des relations familiales »107. Celles-ci nécessitent de recevoir des solutions adaptées, de la souplesse, de la flexibilité108. L’immixtion du juge, du droit dans la sphère intime109 des membres du couples, afin d’en régler le moindre détail est de moins en moins tolérée. Il arrive que rejetant cette intrusion, les couples se tournent vers d’autres alternatives, et se passent du droit : la séparation de fait en est un des résultats, elle permettrait de « sauvegarder le moins mal possible les convenances et la dignité »110, de préserver l’intimité des membres du couple. Un cadre imposé ne permet pas aux aspirations individuelles de s’épanouir, et la volonté de retrouver le caractère privé de leur séparation nécessite de trouver un mode de règlement de leur litige : « A une régulation par l’extérieur d’un modèle impératif se substitue une régulation par l’accord des partenaires »111. La manifestation la plus expansive de la reconnaissance du caractère privé de la séparation, est la dissolution du PACS. La loi décide de renvoyer aux partenaires l’entière conduite des conséquences de leur séparation, elle est leur affaire. C’est donc naturellement, que l’autonomie de la volonté, la « contractualisation » de la rupture ont fait leur apparition au stade de la séparation des couples. Dans les couples mariés, afin de se réapproprier le conflit, et dans les couples non mariés, afin de remédier à l’absence de cadre juridique préétabli. En tous les cas, la légitimité des couples à se saisir de leur propre séparation est reconnue. 2. L’inaptitude de la loi à s’adapter aux situations particulières Si certains parlent d’un mythe112, l’adaptation du droit aux faits est une volonté en droit de la famille, et particulièrement en matière de séparation. En effet, la question n’est pas de savoir si le droit doit suivre les faits, ou s’il doit être hermétique à ceux-ci. Dès lors que le droit a ouvert la porte au pluralisme, il ne peut imposer un règlement uniforme des 106 B.Beignier, A chacun son couple, a chacun son droit, Dr Fam n°7, 2010, 1. J.Dabin, op.cit, p.149 108 J.Carbonnier, Flexible Droit. Pour une sociologie du droit sans rigueur, LGDJ, 10 éd., 2001 109 V.Egea, La fonction de juger à l’épreuve du droit contemporain de la famille, Thèse, Defrénois, 2010, p.287, n°453 : cet auteur relève « la tendance générale du droit de la famille qui ne se mêle plus des questions intimes du couple » 110 R.Savatier, Les conventions de séparation amiable entre époux, R.T.D.civ. 1931.535 111 F. Dekeuwer-Défossez, La nécessité d’une réforme, Dr.Fam, 2000, n°12, Chron. p.17 112 C.Atias et D.Linotte, Le mythe de l’adaptation du droit au fait, D.1977 chron.p.251 107 24 conséquences. D’ailleurs, Monsieur Jean DABIN soulignait « la relative impuissance de la règle juridique dans le domaine des relations de famille »113 et surtout qu’elle « pèche toujours par sa généralité, ce qui l’empêche de s’adapter aux particularités des cas, tandis que la liberté, mobile et souple, sait inventer des solutions exactement ajustées »114. En ce sens, Monsieur François OST remarque « l’impossibilité pour les lois contemporaines, de régler complètement et définitivement des situations aussi complexes et mouvantes »115. Laisser aux parties un pouvoir décisionnel quant aux conséquences s’avère nécessaire. Le juge ne peut s’immiscer trop profondément dans la sphère intime des membres du couple. Ainsi, Madame LABRUSSE-RIOU note que les dissentiments conjugaux « sont renvoyés dans le domaine du non-droit en raison même de l’impuissance du droit à contraindre les époux à sa pleine réalisation. »116 La liberté contractuelle, les différentes sortes d’accords, permettraient davantage la libre expression des volontés individuelles, la négociation et le libre ajustement des intérêts. D’ailleurs, « l’idée d’accorder une place à la volonté des individus n’est pas nouvelle en droit patrimonial de la famille »117.La cohérence du droit avec les situations qu’il régit est capitale ; elle conditionne son efficacité. Une règle juridique déconnectée de cette réalité là, froidement appliquée, sans modulation, risque de créer des injustices et de provoquer un détournement des institutions. Le recours aux accords et conventions par les membres du couple à ce point de vue, paraît donc être la solution la plus satisfaisante. « Même sous surveillance, le contrat reste plus flexible qu’une loi impérative, si bien que ce mode de régulation peut être étendu aux modes de vie à deux autre que le mariage»118. D’autant que les conséquences de la rupture ne sont en effet pas toutes juridiques119, ou du moins, pas toutes ne sont susceptibles d’intéresser le droit, dans la mesure où le droit se doit d’intervenir en cas de conflit, ou afin de protéger des intérêts particuliers. Des intérêts tant patrimoniaux qu’extrapatrimoniaux se trouvent mêlés, que ce soit par l’effet d’obligations 113 J.Dabin, Théorie générale du droit, Coll.Philosophie du droit, 1968, p.149 J.Dabin, op.cit, p.253 115 F.Ost, Droit et Intérêt, vol.2 : entre droit et non-droit : l’intérêt, Publications des Facultés Universitaires Saint Louis Bruxelles, 1990, p.78. 116 C.Labrusse-Riou, Le juge et la loi : de leurs rôles respectifs à propos du droit des personnes et de la famille, in Etudes offertes à René Rodière, Dalloz, 1981, p.172 117 Ch.Rieubernet, Volonté du couple et incidences patrimoniales de la rupture : entre exclusion et incitations, R.R.J 2009-1 p.135. 118 F.Niboyet, L’ordre public matrimonial, Th.LGDJ, 2008, p.308, n°603. 119 Ainsi en est-il des pactes sur le choix de la religion de l’enfant, ou de son établissement scolaire. 114 25 légales, ou par l’effet de la vie commune. Selon Monsieur André CHAPELLE, « ces pactes interviennent dans un domaine où le droit doit faire bon ménage avec le sentiment, où l’affectivité et la sensibilité, c'est-à-dire l’irrationnel dirigent la condition humaine »120. Or, le droit appréhende difficilement l’affectif dans ses structures, et comme le remarque Madame Cécile LAZARUS, les intérêts extrapatrimoniaux sont absolus et exclusifs121. Les tiers ne peuvent se voir reconnaître aucun pouvoir dessus, il appartient à l’individu de les déterminer comme il l’entend. Par conséquent, la flexibilité qu’offre l’accord, en ce qu’il est librement révocable, sera tout à fait appropriée. Madame LABRUSSE-RIOU à cet égard considère donc que « leur solution ne relève pas du droit, mais de la conciliation, de l’équité, du bon sens »122 Aussi, en l’absence de discorde, l’appréhension juridique de ces conséquences « minimes », peut paraître disproportionnée123. C’est à ce moment là que l’accord apparaît opportun, en ce qu’il permet de régler ces situations dans le non-droit. Monsieur Bruno OPPETIT souligne d’ailleurs que l’Etat n’intervient pas dans ces cas là « par indifférence, compte tenu du caractère négligeable, socialement et économiquement parlant des comportements qui entendent s’exprimer en dehors de ses normes »124. L’accord permet de clarifier les intentions des parties, d’extérioriser leurs volontés sur un point, manifestant ainsi qu’elles s’en tiennent à leur parole donnée. La gradation se révèle alors particulièrement efficace : il appartient aux membres du couple de choisir le degré de l’engagement auquel elles souhaitent parvenir. L’accord se situant dans le non-droit total, la palette des possibilités est considérablement élargie La fonction de ces pactes sera donc d’ « individualiser le statut juridique d’une relation familiale afin de parvenir à un règlement satisfaisant d’une situation par hypothèse unique »125. L’accord peut être tacite, verbal, écrit, il n’est soumis à aucune condition de forme, mais la volonté doit être exprimée. C’est ce qui ressort de l’étude de Monsieur Alfred RIEG: « pour que l’acte soit appelé à la vie, il faut que la déclaration ait été voulue, peu importe qu’elle 120 A.Chapelle, Pactes de famille en matière extrapatrimoniale, RTD civ 1984, p.415, n°6 C.Lazarus, Les actes juridiques extrapatrimoniaux, Thèse, PUAM, 2009, p.92, n°69. 122 C.Labrusse-Riou, Le juge et la loi : de leurs rôles respectifs à propos du droit des personnes et de la famille, in Etudes offertes à René Rodière, Dalloz, 1981, p.175 123 Ce sera le cas par exemple lorsque les parents avaient établi une organisation concernant le transport des enfants à des activités extrascolaires, etc 124 B.Oppetit, L’engagement d’honneur, D.1979, chron.p.107, spéc.p.114, n°18 125 Ibid. 121 26 reflète ou non le contenu exact de la volonté interne »126. Ce n’est que par leur déclaration que les volontés peuvent se rencontrer. Il résulte que les membres du couple ont la totale maîtrise de leurs accords : en effet, ils peuvent les conclure librement, à tout moment et à tout propos. Aussi, ceux-ci sont révocables à tout moment, que ce soit unilatéralement, d’un commun accord ou qu’un désaccord soit survenu. Seulement, si la famille a besoin de souplesse, elle a également besoin de stabilité. Les couples peuvent donc pour l’avenir, souhaiter que leur accord soit pourvu d’une force plus contraignante que leur seule parole, et vouloir que les conséquences soient réglées de manière définitive. B. Une efficacité certaine de la prise en compte de la volonté Priorité est faite à la prise en compte des accords et conventions de séparation des membres du couple (1.). Ceux-ci exercent par conséquent une influence réelle sur la décision du juge (2.). 1. Une priorité légale aux accords et conventions De nombreux mécanismes ont été mis en place dans le Code civil et le code de procédure civile, manifestant la priorité des accords et conventions des membres du couple dans le règlement de leur séparation. Désormais, l’accord des parties est accueilli à tout moment de la procédure : que ce soit pour l’introduire (accord sur le principe (cf supra), projets de règlement sur les conséquences de l’article 257-2 C.civ), pour en régler les conséquences au fur et à mesure (article 268 C.civ, article 265-2 C.civ, l’ensemble des contrats de droit commun concernant les couples non mariés…), et même les accords ultérieurs, lorsqu’ils nécessitent une révision (articles 279 sur la prestation compensatoire, et 373-2-13 C.civ concernant la convention sur l’autorité parentale127). Leur accord est également largement reçu quant à la conduite de la procédure grâce aux passerelles des articles 247 et 247-1 du Code civil, aux mesures provisoires des articles 254 et 255 du Code civil : « en considération des accords éventuels des époux », « après avoir recueilli leur accord » et de l’article 1117 du Code civil « le juge peut prendre en considération les arrangements que les époux ont déjà conclu entre eux ». 126 127 A.Rieg, Le rôle de la volonté dans l’acte juridique en droit civil Français et Allemand, Thèse, 1958, p.8 Pour une répertoriation de ces accords et conventions, V.Annexe 27 La recherche d’accords est favorisée tout au long de la procédure : il est dit que le juge cherche à « concilier les époux » (article 252 du Code civil), puis selon l’article 252-3, le Juge « incite les époux à régler les conséquences à l’amiable » et leur demande en outre de « présenter pour l’audience de jugement un projet de règlement des effets du divorce ». A cette fin, le juge peut recourir aux modes alternatifs de règlement des conflits, ce qui est opportun, et permet de rechercher un certain apaisement. La proposition ou l’injonction de rencontrer un médiateur familial ou tout professionnel qualifié ou un notaire en vue du règlement de leurs intérêts patrimoniaux, est propice à la conclusion d’accords. On peut cependant regretter qu’une telle possibilité ne soit pas clairement proposée dans le cadre de la séparation des couples non mariés ; dès lors qu’ils sont amenés à régler eux-mêmes les effets de leur désunion, le recours à ces modes alternatifs semble tout à fait approprié. En déléguant aux volontés individuelles le soin de régler les difficultés de la séparation, le législateur évite les jugements de valeur. D’ailleurs, le juge n’est amené à trancher que subsidiairement : par exemple, l’article 267 du Code civil énonce qu’« à défaut d'un règlement conventionnel par les époux, le juge, en prononçant le divorce, ordonne la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux ». Une large priorité est donc faite aux accords et conventions de séparations des couples. 2. Une emprise des accords du couple sur la décision du juge Il est admis en tous les cas, que les accords, arrangements, pactes, conventions de séparation des parties constituent des éléments d’appréciation non négligeables pour le juge, ils constituent même des « actes préparatoires à la décision du juge »128. « Ils présentent tout de même un double intérêt, fournir un indicatif au juge, constituer une base d’organisation du divorce si celui-ci est demandé et, en effet, très souvent le juge aux affaires familiales entérinera ces accords de fait »129. Il va effectivement pouvoir se baser sur ces accords préexistants pour organiser la vie séparée du couple (que ce soit au prononcé de la séparation, ou en cas de refus d’homologation de la convention de séparation, de l’article 258 du Code civil). La considération de ces accords est primordiale130 dans le cadre des conventions portant sur l‘autorité parentale, dans la mesure où une continuité dans l’éducation est 128 J.Vidal, Les conventions de divorce, in Mélanges P.Raynaud, 1985, p.805. J.Hauser, D.Huet-Weiller, Traité de droit civil. La famille. Fondation et vie de la famille, LGDJ, 2ème éd.1993, p.859, n°1236 130 J.Hauser, D.Huet-Weiller, Traité de droit civil. La famille. Dissolution de la famille, LGDJ, 1991, p.107, n°109 : « Dans la mesure où ils concernent des droits dont les parties n’ont pas la libre disposition, tels que l’autorité parentale, ces arrangements ne lient certes pas le juge, mais ils constituent pour lui un élément d’appréciation de la plus haute importance et il se contentera le plus souvent de les entériner ». 129 28 nécessitée afin d’assurer une stabilité à l’enfant. Le juge ne peut prendre de décision sans avoir pris connaissance au préalable sur les accords passés des membres du couple, dans la mesure où d’une part, il peut arriver que ce soient ces mêmes accords qui ont conduit à une mésentente et d’autre part, dès lors qu’il existe un accord même ponctuel, ceci permet de le « soustraire » de la masse contentieuse. Le législateur souhaite par ce biais imprégner les décisions du juge de davantage de réalisme, et permettre leur adaptation. De plus, dès lors qu’il existe des accords ou des conventions entre les membres du couple, cette emprise est exacerbée. Madame Mélanie LAUER remarque à cet égard que « l’intervention du juge est par conséquent cernée par les accords des époux, et il semble difficile de s’en détacher »131. Le juge est en effet parfois tenu de prendre en compte ces accords, comme ceci est le cas pour le prononcé des mesures provisoires de l’article 254 du Code civil, ou encore de l’article 373-2-11 du Code civil concernant la convention sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale. L’emprise de ces accords et conventions est réelle, et en cela, encadre la décision du juge. De ce fait, l’immixtion du juge dans le pouvoir décisionnel des couples quant à leur séparation, et plus largement dans leur sphère privée semble réduite. Ceci rappelle le régime commun des contrats, limitant de la même manière l’intervention du juge dans le jeu contractuel : son pouvoir de révision132, son pouvoir d’interprétation133, est en effet très encadré, restreint. Ce n’est qu’exceptionnellement que le juge peut s’immiscer dans le contrat, il est avant tout l’affaire des parties. Egalement, la notion d’accord permet de diversifier les décisions pouvant être prononcées par le juge, et marque d’autant plus la maîtrise par les parties sur les solutions qu’elles peuvent prendre. Dès lors qu’elles sont d’accord, de nombreuses voies s’ouvrent à elles. Ainsi, elles peuvent tout à fait déroger au principe de versement en capital, en prévoyant un versement sous forme de rente, ou encore un versement mixte (article 278 C.civ). A partir du moment où elles s’accordent sur le principe, il n’y a pas de raison de le leur refuser. L’article 274-2° du Code civil précise que « l'accord de l'époux débiteur est exigé pour l'attribution en propriété de biens qu'il a reçus par succession ou donation », lorsque le juge 131 M.Lauer, Obligations procédurales et droit au divorce, Thèse Toulon-Var, 2010, p.223. J.Rochfeld, Les grandes notions du droit privé, Thémis droit, PUF, 2011 p.437, n°7 : « le juge ne peut intervenir pour rétablir un équilibre ou inviter les parties à renégocier ». Un contrat statique « s’imposant au juge » (citant C.Guelfucci-Thibierge). 133 V.Toulet, Droit civil.Les obligations, Paradigme 2007, p.116 : « lorsque la volonté est claire et précise, il n’y a pas lieu à interprétation : le juge doit rigoureusement respecter le contrat et le faire appliquer car il est l’œuvre de la volonté des parties » 132 29 décide des modalités selon lesquelles s’exécutera la prestation compensatoire en capital 134. Il apparaît donc que l’accord conditionne le prononcé d’une prestation compensatoire sous forme d’abandon de biens en pleine-propriété. Cette remarque est d’ailleurs faite par plusieurs auteurs, dont Monsieur Guillaume CREFF : « Si la solution retenue est de nature judiciaire, il est remarquable que cet accord puisse accroître les pouvoirs du juge»135. En effet, la loi « n’a pas voulu que le juge puisse imposer au débiteur une véritable expropriation »136. L’accord de l’époux permet d’élargir les modalités d’exécution de la prestation compensatoire. La prestation compensatoire conventionnelle prévue dans le cadre du divorce par consentement mutuel permet de s’affranchir des contraintes judiciaires. Ainsi, selon l’article 278 du Code civil, « ils peuvent prévoir que le versement de la prestation cessera à compter de la réalisation d'un événement déterminé. La prestation peut prendre la forme d'une rente attribuée pour une durée limitée ». Or, même dans le cadre d’un divorce pour faute, le juge a octroyé une prestation compensatoire sous forme de rente en se fondant sur l’accord de volontés des époux divorçants137. Plus surprenant encore, le Tribunal de grande instance de Lyon a admis, toujours en se fondant sur l’accord des parties, une rente limitée à la durée de vie du débiteur138. Monsieur Mustapha MEKKI constate que « ces accords de volontés ayant pour objet la prestation compensatoire sont même utilisés par les parties et par le juge pour contourner les dispositions restrictives de la loi du 30 juin 2000 »139. Egalement, Monsieur José VIDAL considère que les accords des époux pendant l’instance « sont susceptibles d’élargir les pouvoirs du tribunal en lui permettant de prendre des décisions qu’il n’aurait pas le pouvoir de prendre en leur absence »140. Avant la réforme du 4 mars 2002, l’accord des parents permettait au juge de prononcer la garde conjointe des enfants mineurs. En l’absence d’accord, il ne pouvait prendre une telle décision. Désormais, la loi pose la garde conjointe comme le principe, l’accord des époux en réglant les modalités. 134 Pour une application jurisprudentielle : Cass.Civ 2ème , 18 mars 1981, JCP 1982, éd N., II, p.257 note Lafond, D.1982, I.R., 37 obs.Bénabent. 135 G.Creff, Les contrats de la famille, in Le droit contemporain des contrats : Bilan et perspectives : actes du séminaire de l’année universitaire 1985-1986. Economica 1987, p.246, et spéc.p.251. 136 J.Vidal, Les conventions de divorce, Mélanges P.Raynaud, Dalloz, 1985, p.826 137 CA Versailles 30 novembre 2000, Procédures, 2001, n°107 138 TGI Lyon 21 décembre 2000 (décision citée par S.Thouret, Les accords relatifs à la prestation compensatoire en matière de divorce après la loi du 30 juin 2000, Procédures, août-septembre 2001, p.5-8) 139 M.Mekki, L’intérêt général et le contrat, Contribution à une étude de la hiérarchie des intérêts en droit privé, Thèse, LGDJ, 2004, p.695, n°1142 140 J.Vidal, Les conventions de divorce, Mélanges P.Raynaud, Dalloz, 1985, p.825 30 Enfin, s’agissant de la convention sur le nom de famille, les futurs ex-conjoints peuvent décider d’apposer des limites à l’usage ; par la stipulation d’un terme extinctif ou d’une clause résolutoire 141 . Conventionnellement, ils peuvent ainsi prévoir que l’usage du nom devra cesser, dès lors que l’activité professionnelle qui justifiait le maintien du nom d’usage a cessée, ou lors de la majorité des enfants, sans être soumis à la démonstration d’un intérêt particulier. §2 : Une juridicité variable des accords et conventions des couples « Tous ces accords familiaux n’accèdent pas avec la même force à la scène du droit. Il y a des accords qui restent des secrets d’alcôves ou tout du moins transparents pour le droit : le droit ne veut pas savoir ; il y a des accords avoués, mais dont le droit se méfie, et qu’il entend contrôler, encadrer, sinon juguler ; il y a des accords dont la prise en compte est espérée de lege ferenda par certains groupes de pression, mais que ne connaîtront peut-être jamais la consécration recherchée… »142 constate Monsieur Pierre MURAT. Ainsi, il apparaît que certains accords sont cantonnés dans le non-droit, mais peuvent cependant se voir reconnaître une certaine juridicité. Cette reconnaissance peut se faire selon l’objet des conventions (A.) ou encore par l’intervention du juge (B.). A. Une juridicité subordonnée à l’objet des accords Lors de la séparation, les parties nécessitent d’en régler absolument toutes les conséquences. Or il s’avère que toutes ne peuvent pas faire l’objet d’une convention. A ce titre, on observe une juridicité distincte selon l’objet des accords (1.), et une juridicité contenue en germe dans certains accords (2.) 1. Une juridicité distincte selon l’objet des accords L’intensité de la force juridique de ces accords varie selon les objets considérés (a.). On peut cependant noter une juridicisation croissante des accords à objet extrapatrimonial dans les couples non mariés (b). a) Une inégalité des dispositions intéressant la rupture Les concubins et les partenaires sont livrés à eux-mêmes quant au règlement des conséquences de leur séparation. Ils en ont de fait, la pleine maîtrise, du moment qu’ils s’entendent. 141 G.Loiseau, Nom de famille et contrat, in Contractualisation du droit de la famille, dir. D.Fenouillet et P.de Vareilles-Sommières, Economica, 2001, p.181 142 P.Murat, Rattachement familial de l’enfant et contrat, in Contractualisation du droit de la famille, dir. D.Fenouillet et P.de Vareilles-Sommières, Economica, 2001, p.135. 31 Dans le cas où les concubins avaient prévu une convention de concubinage 143, malgré l’incidence du lien de couple sur la convention, cette dernière en principe devrait rester soumise au régime juridique de la convention de droit commun. Il apparaît qu’une convention dont l’objet serait d’aménager les modalités de séparation (répartition des biens, indemnisation pour le travail fourni sans contrepartie, garde des enfants) ne saurait être considérée comme contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs. Pour Madame Danièle HUET-WEILLER, elles seraient limitées « au seul cas où le concubinage prend fin d’un commun accord »144. Selon Madame Dominique VICH-Y-LLADO les dispositions intéressant la rupture dans ces conventions, sont nécessairement inégales145. En effet, les dispositions d’ordre extrapatrimonial n’auraient qu’une valeur indicative, seraient des engagements d’honneur : dispositions relatives à la cohabitation, la fidélité, etc. Les pactes relatifs à l’autorité parentale seraient efficaces tant qu’ils ne sont pas contestés. En revanche, s’agissant des questions patrimoniales, les dispositions sont pleinement efficaces, leur maîtrise est quasiment totale. Ils peuvent établir une convention de rupture au moment de la désunion, celle-ci n’étant pas considérée comme nulle de principe, la Cour de Cassation indiquant même dans un arrêt du 20 juin 2006 les conditions auxquelles elle peut-être valable146. Dans le cas contraire, leur litige est porté devant le juge, qui est depuis la loi du 12 mai 2009, le juge aux affaires familiales, concernant la liquidation et le partage de leurs droits, les indivisions147. Selon Monsieur Alain PROTHAIS, les concubins (et les partenaires pacsés) peuvent recourir à toutes sortes d’actes conventionnels ou actes unilatéraux pour organiser leurs relations pécuniaires après la vie commune148. A défaut de convention expresse et préalable, il constate que le droit commun offre divers instruments, agissant comme « instruments de rattrapage » : « Il s'agit d'un dégradé de moyens allant du contrat tacite au quasi-contrat en passant par la société créée de fait, qui est une institution originale rattachée tantôt à l'un, tantôt à l'autre, mais si particulière en soi »149. On retrouve ici la gradation des accords et conventions : les couples non mariés ont donc la faculté de prévoir le règlement des conséquences de leur 143 J.Charlin, Le contrat de concubinage, JCP N 1991, p. 459 D.Huet-Weiller, La cessation du concubinage, in Les concubinages. Approche socio-juridique (dir.J.RubellinDevichi), t.2, éd.CNRS 1986 145 D.Vich-Y-Llado, La désunion libre, L’Harmattan, 2001, p.108. 146 Cass.Civ 1ère 20 juin 2006 n° 05-17.475, à propos d’une convention de concubinage réglant les conséquences de la rupture de l’union, RTDCiv. 2006, p. 740-741, n°10, obs. J. Hauser ; AJ Fam. 2006, p. 324, obs. F. Chenede ; RJPF 2006, 9/49, obs. S. Valory ; Dr. Fam. 2006, 155, obs. V. Larribau-Terneyre. 147 Article L.213-3 du code de l’organisation judiciaire. 148 A.Prothais, Le droit commun palliant l’imprévoyance des concubins dans leurs relations pécuniaires entre eux, JCP G 1990, n° 15, I, 3440, n°9 149 Ibid. 144 32 rupture en modulant leur engagement. Ainsi, ils peuvent se consentir des donations150, conclure des ventes, des échanges151…et au cas où ils auraient créée une société entre eux, la liquidation se fera selon les règles prévues relativement au type de société. Cette hypothèse est cependant rare en pratique. Les couples non mariés tendront a posteriori à faire reconnaître l’existence d’une société de créée de fait, afin de bénéficier de règles liquidatives plus avantageuses et plus équitables152. Les concubins et les partenaires, ne peuvent convenir sur leurs relations personnelles, car « s'agissant des questions extra-patrimoniales, aucun contrat ne peut les régir en principe »153, indique Monsieur Jacques CHARLIN. La jurisprudence leur a cependant reconnu le droit de conclure entre eux des contrats de travail et de mandat154. Si un devoir d’entraide et d’assistance entre partenaires pacsés ont été édictés, ceux-ci ne restent qu’essentiellement matériels. Le PACS ne crée aucun devoir personnel ; et les partenaires ne peuvent en insérer dans leur convention. b) Une juridicisation progressive des aspects extrapatrimoniaux des couples non mariés Cette affirmation devient de moins en moins vraie ; on observe, de manière surprenante, une apparition de ces devoirs dans les conventions des couples non mariés 155. Si la liberté de fonctionnement qu’ils permettent est séduisante, ces couples ne sont pas prêts à accepter toutes les libertés. Dans les faits, les partenaires peuvent vouloir mettre en place un devoir de secours à la rupture, par l’octroi d’une prestation compensatoire. Il s’agit d’ « une situation de fait relativement indépendante du mode d'union »156 De même, l’exclusivité du partenaire est une constante, et une caractéristique qui n’est pas réservée aux couples mariés : le mariage n’a fait qu’institutionnaliser les attentes que chacun pouvait légitimement avoir lorsqu’il s’engage dans une relation. 150 Règle constante depuis Req 26 mars 1860, D.P 1860, I, 255, et par ex.Cass.Civ 1ère Sect. 6 octobre 1959, JCP 1959, II, 11305, note Esmein. 151 « il n’y a aucune prohibition ou incapacité frappant les concubins désirant passer des contrats entre eux (…). Ils seront donc soumis au droit commun des obligations conventionnelles » J.Hauser, D.Huet-Weiller, Traité de droit civil. La famille. Fondation et vie de la famille, LGDJ, 2ème éd.1993, p.805, n°1136. V.aussi, J.Charlin, Le contrat de concubinage, JCP N 1991, p. 459 152 Par exemple, la Cour de Cassation a jugé dans un arrêt du 4 novembre 1983 (Cass.Civ 1ère 4 nov.1983 Bull.civ, I, n°256) qu’un associé de fait avait droit au bénéfice de l’attribution préférentielle. 153 J.Charlin, Le contrat de concubinage.Formule, JCP N, n° 49, 1991, 101478 n°4 154 D.Vich-Y-Llado, La désunion libre, L’Harmattan, 2001, p.78. 155 L.Antonini-Cochin, Le paradoxe de la fidélité, D.2005, p.23 156 N.Barbier, M.Martin, A.Mussier, J.Passalacqua, E.Vagost, Pacs : à quand le coming-out de la prestation compensatoire ?, AJ Fam 2011, p.210 33 Si la notion de fidélité dans les couples non mariés est juridiquement controversée, la Cour de cassation n’a pas pourtant pas condamné l’existence d’une telle clause dans une convention de concubinage, comme le démontre un arrêt du 21 mai 1986157. De plus, un arrêt récent de la Cour d’Appel de Montpellier158 recherche même si un pacte sur la fidélité a été passé entre les partenaires pour apprécier le caractère abusif ou non de la rupture. A contrario, cela signifierait qu’une promesse sur la fidélité serait envisageable. Enfin, une ordonnance rendue par le Président du Tribunal de Grande Instance de Lille en date du 5 juin 2002 va en ce sens, en ce qu’elle énonce que : « l’obligation d’exécuter loyalement le devoir de communauté de vie commande de sanctionner toute forme d’infidélité entre les partenaires ». De même, la loi du 23 juin 2006, en employant le terme d’ « assistance » et non plus seulement d’« aide mutuelle et matérielle» au sein de l’article 515-4 al.1 du Code civil, démontre un rapprochement progressif entre les devoirs des partenaires et des époux. Suivant cette évolution, le devoir de fidélité pourrait bientôt apparaître dans les textes concernant le PACS. Dans les définitions du PACS et du concubinage enfin, nous pourrions déceler un devoir de fidélité sous-entendu. Les articles 515-1 et 515-8 du Code civil indiquent que le PACS autant que le concubinage, se forment entre « deux personnes ». Le besoin de stabilité du concubinage, afin d’être identifié comme tel159, ou encore l’impossibilité de conclure un mariage ou un second PACS dès lors que le partenaire est toujours engagé dans un PACS, confortent ces présomptions. L’admission d’un tel devoir entre membres de couple non marié, conduirait à exclure tout fondement contractuel. Or, certains auteurs estiment que les notions de bonne foi et de loyauté contractuelles trouveraient à s’appliquer ici, afin de pallier l’absence de devoirs personnels160. La fonction normative du contrat permettrait de lier les parties sur un plan plus personnel. La loyauté serait le pendant de la fidélité. Elle serait sanctionnée par une résolution judiciaire du contrat ou l’octroi de dommages et intérêts. Pour Monsieur Xavier LABBEE, « ces valeurs – 157 C.Cass 21 Mai 1986, n°85-10.886 : la convention stipulait ainsi que les concubins s’engageaient à « se devoir mutuellement, fidélité, secours et assistance » et qu’ils s’empêchaient « de contracter un autre engagement avec les candidats solliciteurs ». 158 CA Montpellier 4 juin 2011 n° 10/00781 : « Que les infidélités imputées à Monsieur S. ne sauraient être retenues dès lors que les parties n'étaient pas engagées par les liens du mariage et qu'il n'est pas établi qu'il aurait fait une promesse en ce sens » 159 Répertoire de droit civil Dalloz, V° Concubinage, n°208 160 S. Ben Hadj Yahia, op.cit. V.en ce sens, M.-C.Villa-Nys, op.cit, p.100. 34 telles la fidélité – ne sont en effet pas incompatibles avec la notion de contrat »161, et ne voit aucun inconvénient à l’application de la responsabilité contractuelle en la matière. Ce devoir personnel manifeste une vigueur surprenante dans le PACS et le concubinage162. Si l’infidélité n’emporte aucune conséquence juridique sur le principe de la rupture du PACS et du concubinage, sa constatation, joue un rôle non négligeable dans la qualification du caractère abusif de la rupture ; a fortiori si les partenaires avaient stipulé ce devoir dans un pacte. Or, le fait de s’en délier, dans l’hypothèse d’une séparation de fait des partenaires pacsés par exemple, enlève leur gravité aux faits. Dès lors, il faut envisager le règlement des conséquences extrapatrimoniales au moyen de conventions, qu’elles portent sur des devoirs personnels, ou les modalités d’exercice de l’autorité parentale (cette dernière leur est opportunément ouverte). Le règlement des conséquences de la séparation des concubins et des partenaires, s’il peut se révéler parcellaire, est néanmoins potentiellement complet. 2. Une juridicité en germe des accords et conventions Malgré l’impérativité de la décision judiciaire pour obtenir un relâchement conjugal, il est fréquent en pratique que les époux prennent l’initiative de se séparer de manière temporaire, en concluant un pacte de séparation amiable. Par ce pacte, ils organisent les modalités de leur séparation. Quelles que soient les modalités décidées, elles sont nulles, de nullité absolue. Ce pacte est dépourvu de toute valeur juridique. Dans les faits cependant, cet accord produira des effets entre les époux : tant qu’il n’est pas dénoncé, ceux-ci peuvent s’y tenir. Ainsi, Monsieur André CHAPELLE écrivait : « Si en effet, pendant longtemps, les parties ont eu conscience de la nullité des conventions réglant leurs rapports personnels, c’était en pleine connaissance de cause qu’elles s’engageaient, comptant bien plus sur le respect de la parole donnée pour assurer l’exécution de leur engagement que sur le pouvoir de contrainte de l’autorité publique »163. Afin de matérialiser leur séparation de fait, des époux communs en biens, peuvent également décider du changement de régime matrimonial, au profit d’un régime de séparation de biens. Ils disposent de la convention prévue à l’article 1397 du Code civil. 161 X.Labbée, L’infidélité conventionnelle dans le mariage, D.2000 p.254-256, note sous Ordonnance TGI Lille 3ème Ch. 26 novembre 1999 162 X.Labbée, PACS HOMINIBUS... ou l'infidélité entre homosexuels, D. 2003 p. 515 : « Le PACS serait générateur d'un devoir de cohabitation et de fidélité... d'ordre public ! ». Il relève une décision du Président du TGI de Lille ayant commis un huissier afin de faire constater l’adultère d’un partenaire pacsé. 163 A.Chapelle, Pactes de famille en matière extrapatrimoniale, RTD civ 1984, p.412, n°2 35 Plus largement, les époux peuvent conclure un pacte de famille164, regroupant l’ensemble de ces aménagements (autorité parentale, changement de régime matrimonial…). Les effets du mariage subsistent dans leur plénitude, et ces pactes n’emportent aucun effet vis-à-vis des tiers : il leur est inopposable. La sécurité des tiers est donc assurée, ce qui est logique : aucune publicité n’est prévue afin de les informer du relâchement du lien conjugal. Cette mesure est opportune, les époux n’ont pas à révéler les difficultés qu’ils rencontrent dans leur vie privée. La précarité de ces conventions, révocables à chaque instant, se justifie par leur impossible validation : en effet, ces aménagements sont contraires aux obligations auxquelles ils se sont engagés le jour de leur mariage. Egalement, l’impossibilité de leur sanction juridique se fait jour. C’est pourquoi certains auteurs estiment qu’ils peuvent être tolérés, mais seulement à condition de rester « provisoires et révocables »165. Toutefois, ils peuvent se trouver dotés d’une véritable force juridique lorsque certaines dispositions imposent au juge de tenir compte des accords des époux, parmi lesquelles peuvent se trouver des pactes de séparation amiables, et des pactes de famille en général. Ainsi, l’article 376-1 du Code civil confère la faculté au juge « d’avoir égard aux pactes que les père et mère ont pu librement conclure entre eux à ce sujet ». Egalement, l’article 373-211, 1° du Code civil lui demande de tenir compte des « accords qu’ils avaient pu antérieurement conclure ». Dans le même sens, les articles 254 du Code civil166 et 1117 du code de procédure civile167 prévoient leur considération dans le cadre des mesures provisoires. Ces accords seront alors intégrés dans la décision du juge, ou du moins, pèseront lourdement dans son choix. En pratique, il est démontré que « très souvent le juge aux affaires familiales entérinera ces accords de fait »168. D’ailleurs, la pratique précédemment suivie par les parents dans le cadre de l’exercice de l’autorité parentale « peut servir de règle en attendant la décision du juge »169. De même, dès lors que le juge « reconnaît l’existence de la pratique et si celle-ci lui paraît toujours 164 Dalloz Formules, procédure civile : Pacte de famille concernant les relations entre les époux hors ou avant la procédure – juillet 2011 165 R.Savatier, Les conventions de séparation amiable entre époux, RTD Civ. 1931, p. 544. 166 Article 254 du Code civil : « Lors de l'audience prévue à l'article 252, le juge prescrit, en considération des accords éventuels des parties, les mesures nécessaires pour assurer leur existence et celle des enfants jusqu'à la date à laquelle le jugement passera en force de chose jugée » 167 Article 1117 du code de procédure civile : « lorsqu'il ordonne des mesures provisoires peut prendre en considération les arrangements que les époux ont déjà conclu entre eux » 168 J.Hauser, D.Huet-Weiller, Traité de droit civil. La famille. Fondation et vie de la famille, LGDJ, 2ème éd.1993, p.859, n°1236 169 JCl Civil Code, art.371 à 387 : fasc 10, n°94 36 fondée, il ne peut que rappeler aux parents qu’ils sont liés par elle »170. Il est alors indéniable que ces accords portent en eux un germe de juridicité, une potentialité juridique. L’habitude et la répétition peuvent donc produire des effets de droit. Une certaine opposabilité aux tiers est même suggérée : « les accords parentaux doivent être reçus par tous, même s’ils contredisent une décision judiciaire antérieure »171. B. Une juridicité octroyée par l’intervention du juge Si l’intervention du juge prévue dans certaines hypothèses permet d’octroyer un plein caractère juridique aux conventions (1.), il apparaît que celles-ci ne seraient pas entièrement privées d’efficacité en son absence (2.). 1. Une force inouïe de la convention de divorce par consentement mutuel Dans le cas d’une entente exhaustive des époux, ceux-ci doivent soumettre au juge une convention réglant tous les effets du divorce, tant patrimoniaux qu’extrapatrimoniaux (articles 230 du Code civil et 1091 du Code de procédure civile). Cette dernière doit être annexée à la requête en divorce, elle matérialise l’accord des époux sur les conséquences. Cette convention a donc été préalablement élaborée par le couple, avec l’aide de leur(s) avocat(s). Seulement, elle est impropre à produire quelconque effet juridique, en dehors de toute homologation. Les époux peuvent donc régler les conséquences quant à l’usage du nom d’époux, la liquidation de leur régime matrimonial, les modalités de l’exercice de l’autorité parentale, la prestation compensatoire, etc. Mais le règlement doit être complet : toute convention n’ayant pas été soumise à homologation sera nécessairement dépourvue de valeur juridique, ainsi qu’il est précisé dans un arrêt de la Cour de Cassation de la deuxième chambre civile, en date du 11 octobre 1989172 : « Les conventions des parties intéressant directement ou indirectement ce règlement ne sont valables que si elles ont été soumises à homologation » L’autonomie de la volonté des époux est impuissante à régler juridiquement les conséquences du divorce, en dépit de la réunion des conditions de validité des conventions de droit commun (énumérées à l’article 1108 du Code civil)173. En effet, il manque à cette convention une condition de validité : l’homologation du juge. Malgré les hésitations de la doctrine, il faut considérer que l’homologation du juge est bien une condition de validité de la convention, et non une condition suspensive, une condition ne pouvant porter sur un élément essentiel du contrat. Monsieur Ivan BALENSI 170 Ibidem. Ibidem. 172 Cass. Civ 2ème 11 octobre 1989, n° 88-14.802 173 En ce sens, J.Revel, Les conventions entre époux désunis, JCP 1982, I, 3055, n°30 171 37 précise que « le jugement d’homologation apparaît en réalité (…) comme une véritable condition de fond de l’opération envisagée »174. Ainsi, « tant que l’homologation n’est pas intervenue, la convention reste un acte incomplet, dépourvu d’efficacité »175. La convention dans le cadre de la séparation est un acte imparfait, et spécial. La maîtrise des parties sur les effets du divorce se heurte donc au contrôle du juge. Par conséquent, on en déduit que le règlement des conséquences sera subordonné au respect des prescriptions légales : à savoir la préservation des intérêts des époux et des enfants. Toutefois, il faut tempérer cette limite : ils définissent eux-mêmes leurs intérêts et en droit commun des contrats, la lésion des intérêts du cocontractant est également sanctionnée. Les époux divorçants restent dans une large mesure maîtres des effets de leur contrat de divorce ; d’autant que le juge ne peut faire supprimer ou modifier les clauses de leur convention, seulement avec leur accord et de surcroît, en présence de leur(s) avocat(s) (article 1099 alinéa 2 Code de procédure civile). Cette mesure est même plutôt avantageuse pour les époux, en leur évitant de recommencer toute la procédure (ce qui aurait été le cas en l’absence de cette faculté). Une fois homologuée, et le divorce prononcé, la convention perd sa nature contractuelle. Le caractère judiciaire dont elle est doublée lui confère une force inouïe. 2. Des conventions hypothétiquement effectives en l’absence d’intervention judiciaire Dans les divorces dits contentieux, la loi donne aux époux de larges opportunités de passer des conventions réglant les effets de leur divorce. Ainsi, les époux peuvent « pendant l’instance, soumettre à l'homologation du juge des conventions réglant tout ou partie des conséquences du divorce » (article 268 du Code civil). Ce n’était pas le cas avant la loi du 26 mai 2004, « aucune convention sur les conséquences du divorce ne pouvait être régularisée entre les époux »176. En effet, pour que la solution des époux soit prise en compte, il fallait que les conclusions déposées par les avocats respectifs soient concordantes. Dans ce cas, le juge ordonnait simplement le choix des époux divorçant. Mais cette procédure était artificielle et incertaine ; la possibilité de prendre une convention démontre l’existence d’un véritable accord des futurs divorcés. Ouvrir d’aussi larges possibilités d’accords, notamment concernant la prestation compensatoire « est sans doute de nature à favoriser un accord sur les 174 I.Balensi, L’homologation judiciaire des actes juridiques, RTD Civ 1978, p.62, n°35 A.Chapelle, Pactes de famille en matière extrapatrimoniale, RTD civ 1984, p.428, n°20 176 M.-P.Murat et V.Trambouze, Les conventions de divorce, JCP N, 2006, 1238 175 38 autres règlements : les époux peuvent maîtriser désormais (sous réserve évidemment de leur entente) toutes les données patrimoniales liées à leur divorce »177. La forme des accords, est libre ; en pratique, ils sont « explicités dans les conclusions concordantes des parties »178. Ces conventions peuvent porter sur des conséquences tant patrimoniales (elles recouvrent un domaine plus large que la convention prévue à l’article 265-2 du Code civil, limité à la liquidation du régime matrimonial) qu’extrapatrimoniales. Aussi, tant que l’instance n’est pas terminée, et jusqu’au prononcé du divorce, les parties conservent la faculté de les conclure179. Là encore, l’homologation du juge est une condition de validité des conventions. A la différence de la convention de divorce par consentement mutuel cependant, elles ne contiennent pas l’accord sur le principe de la rupture. Sur la base de ces conventions, les époux peuvent se mettre d’accord sur le principe et/ou les modalités d’une prestation compensatoire, de révoquer les donations de biens présents consenties avant le 1er janvier 2005, ou au contraire de les maintenir. Elles devront être passées en la forme authentique lorsqu’elles portent sur des biens soumis à publicité foncière. L’article 268 indique cependant que les parties « peuvent » soumettre ces conventions à homologation, et non « doivent ». Or, certains auteurs considèrent que « parce qu'elles portent sur les conséquences du divorce, qui ne sont pas entièrement disponibles, [les conventions de l’article 268] sont obligatoirement soumises à l'homologation du juge »180. Pourtant, il est des conséquences disponibles, qui, si elles font l’objet de conventions autonomes, sont théoriquement valides et pourvues de la force obligatoire d’un contrat de droit commun. En effet, aucun texte n’interdit les transactions, les ventes entre époux durant l’instance en divorce. L’homologation ne serait donc nécessitée que dans le cas où la convention mêlerait à la fois des intérêts patrimoniaux et extrapatrimoniaux, ou simplement extrapatrimoniaux. Enfin, s’agissant de la convention parentale à elle seule, « le juge ne peut pas [en] modifier le contenu (…) il doit respecter la volonté des parents, ce qui pourrait signifier que la convention produit des effets à son égard en dehors de l’homologation »181 Par conséquent, 177 JCl Divorce 2006, Fasc.225, Les effets du divorce, n°20. J.Vidal, Les conventions de divorce, Mélanges P.Raynaud, Dalloz, 1985, p.825. 179 O.Matocq, Les accords et conventions dans le nouveau droit du divorce, AJ Fam 2006, p.17 180 JCl.Divorce, 2006, Fasc.225 : Les effets du divorce, n°62 181 M.Rebourg, Les conventions homologuées en matière d’autorité parentale et de contribution à l’entretien de l’enfant, Dr Fam, n°7, 2004, étude 17, n°24 178 39 l’homologation ne vise ici qu’à renforcer son efficacité à l’égard des tiers et du juge (soit à la couvrir d’une force obligatoire complète). Madame POIVEY-LECLERCQ relève qu’il n’est pas indiqué si les conventions sur l’autorité parentale non soumises à homologation seront opposables aux tiers182. La maîtrise des époux se caractérise donc à plusieurs niveaux : à un niveau décisionnel tout d’abord, ils choisissent de conclure une convention, mais également au niveau du contenu : ils choisissent l’objet de leur convention, et les modalités du règlement. Comme le note Monsieur Bernard BEIGNIER, « le domaine d’excellence de la liberté contractuelle des époux se trouve en matière patrimoniale »183 Reste que la convention, en dehors l’homologation, a une valeur juridique incertaine. « Qu’est-ce qu’est exactement un acte qui doit être homologué, avant de l’être ? »184, questionne le Professeur Jean HAUSER. Il nous semble illégitime de considérer qu’il n’y a « rien », puisque même en l’absence d’homologation, ceux-ci restent des accords, dont le juge pourra librement s’inspirer ou être exécutés directement par les parties. Egalement, l’article 265-2 du Code civil permet aux époux de passer toute convention en vue de la liquidation et du partage de leur régime matrimonial. Cette dernière ne prendra effet qu’au prononcé du divorce : son efficacité est suspendue, dans la mesure où les époux ne peuvent disposer de leur régime matrimonial en cours de mariage. Reste que cette convention est pleinement indépendante de l’homologation judiciaire. Il apparaît au travers de ces diverses dispositions que les époux ont une maîtrise étendue sur les conséquences de leur divorce. Le règlement conventionnel des conséquences du divorce est accessible à tous les époux, à tous stades de la procédure. Leur accord est largement reçu par le droit, ce qui est opportun : ils réduisent d’autant la masse contentieuse soumise au juge. Cette liberté leur confère un véritable droit de régler le divorce. Les couples disposent au moyen des accords et conventions, d’une large possibilité de maîtriser leur séparation Cependant, cette maîtrise peut se voir limiter à certains égards. 182 H.Poivey-Leclercq, Un nouveau juge délégué aux affaires familiales, AJ Fam 2008, p.321 B.Beignier, Le divorce : le juge, l’avocat et le notaire, Droit de la famille, 2008, Etude, p. 9. 184 J.Hauser, Le juge homologateur en droit de la famille, in Le conventionnel et le juridictionnel dans le règlement des différends, (dir. P.Ancel et M.-C Rivier)Economica 2001, p.123 183 40 CHAPITRE II : Une maîtrise ponctuellement limitée La maîtrise des parties quant à la gestion des conséquences de leur séparation s’estompe ponctuellement. Certaines de ces limites tiennent au respect des prescriptions légales. Or il arrive que ces limites subissent elles-mêmes quelques atténuations (Section 1). D’autres, tiennent au flou juridique crée par la diversité de ces accords et conventions, ne permettant pas aux parties de mesurer la portée de leurs engagements (Section 2). Une clarification est nécessaire dans ce cas afin de leur rétablir leur maîtrise. Section 1 : Des limites à la maîtrise des parties spécifiques à la forme du couple Les limites à la maîtrise par les parties de leur séparation au moyen d’accords et de conventions ne sont pas tout à fait du même ordre dans les couples mariés (§2) et non mariés (§1). Ces limites, dans les deux cas, sont toutefois, subissent des atténuations. §1 : Les limites propres aux conventions des couples non mariés Des limites propres se posent aux accords et conventions des concubins et partenaires pacsés. En effet, leur liberté contractuelle n’est pas totale, de même que l’effet qu’ils veulent leur faire produire ne sera pas toujours atteint. Ainsi, le monopole de l’institution matrimoniale (A.) ainsi que le principe de libre rupture (B.) constituent des limites (toutefois friables) à leurs conventions. A. L’ « obligation de non-concurrence » à l’institution matrimoniale La liberté de mariage, impose sa marque aux accords et conventions de séparation des couples non mariés : ceux-ci ne pouvant la restreindre, toute ressemblance, tout ersatz de mariage ne saurait produire effet. C’est ce qui explique que lors de la rupture, les partenaires pacsés et les concubins ne peuvent transposer les solutions du divorce dans leurs conventions. Toutefois, selon le Doyen CARBONNIER, il n’est pas exclu pour les concubins de prévoir dans des conventions séparées ces mêmes solutions, qui peuvent chacune se sauver par leur propre validité. C’est surtout par « sa dynamique d’ensemble que l’acte est suspect (…) parce qu’il tend à revêtir de force obligatoire une sorte de mariage privé, violant ainsi le monopole de l’Etat »185 Il n’est pas question pour le concubinage et le PACS de concurrencer l’institution du mariage. Madame Frédérique NIBOYET rappelle que les parties « ne sauraient être autorisées 185 J.Carbonnier, Droit Civil. La famille, l’enfant, le couple. 21ème éd. PUF, Thémis Droit Privé, 2002, p.704 41 à ériger le PACS en mariage bis »186. Ainsi, elles ne peuvent prévoir un devoir de fidélité, ou l’obligation de verser une prestation compensatoire en cas de rupture par exemple. Pourtant, en insérant des devoirs similaires au mariage dans le PACS (par exemple, une aide matérielle et une assistance réciproque187) ou encore calquant certains effets sur ceux du mariage (récemment, la loi du 1er juillet 2010188, prévoit que la solidarité des partenaires sera exclue en cas d'achats à tempérament et d'emprunts, sous les mêmes réserves que pour les couples mariés), le législateur atténue cette limite. Madame VALENA-ROBARDET parle ainsi de « matrimonialisation » du PACS189. « Lentement, mais sûrement, le PACS se rapproche du mariage »190. Madame Dominique FENOUILLET remarque en outre que « parce que en fait, un couple, c’est avant tout une union personnelle et affective, il sera bien difficile, en droit, de s’en tenir à la seule dimension patrimoniale »191. B. La préservation de la liberté de rupture La libre rupture doit rester le principe afin de permettre la liberté des relations de couple, mais surtout, de préserver la liberté individuelle. Ainsi, les partenaires de PACS et les concubins ne peuvent dans leurs conventions, prévoir des dispositions qui auraient pour effet de limiter ce droit. La rupture n’ouvre en principe aucun droit à indemnité. Comme vu précédemment, la convention de concubinage est entachée de nullité dès lors que le montant de l’indemnité qui y est stipulé est élevé au point de dissuader de rompre. Ce fut le cas dans l’arrêt du 20 juin 2006192. Toutefois, tout versement d’indemnité à la rupture n’est pas compromis ; la Cour de Cassation admet une telle convention, dès lors qu’elle est établie au moment même de la rupture, et non antérieurement193. Elle s’analyse alors en une promesse d’exécution d’obligation naturelle194. La jurisprudence a alors tendance à condamner le concubin débiteur à l’exécution de son obligation195, dès lors que l’engagement est assez précis et certain. Dans un arrêt du 20 février 2008196, la Cour de cassation a jugé valable la promesse sous-seing privée d’un concubin faite 186 F.Niboyet, L’ordre public matrimonial, LGDJ, éditions Lextenso, 2008, p.129. Article 515-4 du Code civil. 188 loi du 1er juillet 2010 n° 2010-737 189 V.Avena-Robardet, « Matrimonialisation » du pacs, AJ Fam. 2011 p. 3 190 Ibid. 191 D.Fenouillet, Couple hors mariage et contrat, in Contractualisation du droit de la famille, dir. D.Fenouillet et P.de Vareilles-Sommières, Economica, 2001, p.97. 192 Préc. en l’espèce, l’indemnité était égale à la moitié des revenus du travail du concubin débiteur. 193 Cass. 29 mai 1956 Gaz.Pal 1956.2.85 194 Article 1235 du Code civil. 195 Aix-en-Provence, 26 septembre 1997, Dr. fam. 1998, n° 128, note H. Fulchiron 196 Cass.Civ. 1ère, 20 février 2008, no 07-15.978, Dr. fam. 2008. Comm. 94, note V. Larribau-Terneyre 187 42 à son ex compagne d’une somme de 400 000 francs pour la réalisation d’une maison. Il est de ce fait assigné au paiement de cette somme, n’ayant pas exécuté son engagement volontairement. Madame Virginie LARRIBAU-TERNEYRE invite à réfléchir à l’interprétation de cette solution : « Devrait-on alors l'analyser en une sorte de prestation compensatoire, (…) Ou bien faut-il y voir plutôt une solution d'équité ? »197. Pour admettre la transformation d’une obligation naturelle en obligation civile, la Cour de cassation rappelle dans un arrêt du 23 mai 2006198, la nécessité d’un engagement « volontaire implicite ou explicite », en plus d’un commencement d’exécution. Les juges du fond conservent cependant un pouvoir souverain d’appréciation dans cette transformation, en l’absence de tout écrit. Si cet engagement est aussi peu précis, c’est justement parce qu’il n’est pas situé totalement dans le domaine juridique. Les juges de la Cour d’Appel d’Aix-enProvence199 ont à l’inverse, admis que le seul engagement unilatéral, établi dans deux écrits adressés à une autorité judiciaire fait ressortir que le concubin « a entendu transformer cette simple obligation naturelle en obligation civile (…). Par conséquent, et dès lors que ces actes emportent un engagement irrévocable de leur auteur, c'est à tort que les premiers juges ont refusé de faire droit à la demande d'exécution forcée de cette obligation, devenue juridiquement sanctionnable indépendamment de l'état de besoin de la créancière ». La question s’est donc posée de savoir si les partenaires pacsés ou les concubins pouvaient prévoir dans leur convention, des clauses pénales200. Ainsi, en cas d’inexécution d’une obligation déterminée, le partenaire serait tenu de verser une certaine somme (des dommages et intérêts). Certains auteurs y sont favorables, et invoquent à ce titre la nature contractuelle de ces conventions201. Ils estiment que rien ne s’oppose à leur stipulation, rien n’empêcherait les concubins de prendre des mesures plus contraignantes à leur égard. D’autres202, rejettent cette solution, puisqu’elle serait contraire au principe de libre rupture en premier lieu. En second lieu, il n’est pas possible d’aménager conventionnellement 197 Op.cit Cass.Civ 1ère 23 mai 2006, n° 04-19.099 F-P+B : Juris-Data n° 2006-033599 199 CA Aix-en-Provence, 28 juin 2005 : Juris-Data n° 2005-281850, Dr.fam 2006.Comm 24, note V. LarribauTerneyre 200 Articles 1226 et s. du Code civil 201 X.Labbée, Le droit commun du couple, PU du Septentrion, 2010, p.103 202 F.Dekeuwer-Défossez, La contractualisation de la famille : entre leurre et instrumentalisation, in Approche critique de la contractualisation, dir.S.Chassagnard Pinet et D.Hiez, LGDJ, 2007, p.167 et s., et spéc.p.173. C.Neirinck et M.Bruggeman, Les aménagements consensuels que les couples appliquent à leur rupture sont-ils d’essence contractuelle ? Les cahiers de droit, vol.49 n°4, 2008, p.567 198 43 le montant des dommages et intérêts en dehors d’une responsabilité contractuelle. Or le concubinage n’est pas un contrat, et l’on ne peut plus vraiment considérer le PACS comme un contrat. §2 : Des limites propres au couple marié Les devoirs entre époux nés du mariage constituent une limite particulière à la maîtrise de leur séparation par accords et conventions (A.). Toutefois, cette limite s’étiole (B.). A. L’impossibilité de se défaire des devoirs nés du mariage Les devoirs de fidélité, de communauté de vie, de respect, d’assistance et de secours perdurent, même en cas de séparation ou d’instance en divorce. Il s’agit d’obligations légales ou plus précisément de devoirs légaux, que les époux se sont engagés à respecter le jour où ils ont contracté mariage. Ces devoirs ne sauraient en aucun cas être assimilés à des obligations contractuelles de nature patrimoniale, ils ne créent pas de relation de créancier à débiteur203. Par conséquent, le mutuus dissensus ne saurait jouer. Les époux peuvent se délier de leur devoir uniquement par une décision judiciaire (divorce, séparation de corps, ou aménagement judiciaire de la séparation (article 258 C.Civ)) ou dans le cadre des mesures provisoires (articles 254 et 255 C.Civ). Dès lors, toute convention passée sur ces objets, sans contrôle du juge, ne saurait produire effet. L’irrespect de ces devoirs était constitutif d’une faute, sanctionnée alors diversement (paiement de dommages et intérêts, refus du bénéfice d’une prestation compensatoire, exécution forcée). Mais il apparaît que ces obligations « difficiles à appréhender d'un point de vue juridique, elles apparaissent souvent plus proches du fait que du droit »204. Inévitablement alors, un changement dans les faits, (notamment au moyen d’un accord) aura une répercussion dans le droit. 203 J.Roche-Dahan, Les devoirs nés du mariage, Obligations réciproques ou obligations mutuelles ?, RTD Civ 2000, p.734, n°21 : « si le juge statue au cas par cas, c'est justement parce qu'il n'y a pas de lien objectif entre les obligations de chaque époux. Cette immixtion du juge dans l'intimité du couple, cette incertitude de la jurisprudence sont autant d'éléments qui montrent que les rapports entre époux sont bien des rapports d'alliance. Chacun se doit de respecter ses obligations sans attendre nécessairement de retour. La réciproque, c'est d'abord l'affaire de l'autre. Toutefois lorsqu'un tiers, en l'occurrence le juge, est appelé à intervenir dans cette relation par nature asymétrique, il va introduire l'idée de réciprocité dans un souci d'équité ». 204 Répertoire de droit civil, v° Mariage (4° Effets), n°24 44 B. Des limites de plus en plus affaiblies L’affaiblissement du devoir de communauté de vie a déjà pu être constaté au travers de la réception des pactes de séparation amiable (V.supra). Cette évolution générale peut particulièrement s’observer à travers le devoir de fidélité205. Il apparaît au premier abord que ce devoir ne peut être que moral, dans la mesure où aucune sanction civile ne peut-être prévue en cas d’inexécution (aux fins de sauvegarder la liberté individuelle, et plus précisément, la liberté sexuelle). D’ailleurs, l’inexécution de ce devoir ne constitue plus une cause péremptoire de divorce depuis la loi du 11 juillet 1975. Le rétablissement de la vie commune par exécution forcée, pour permettre l’accomplissement de ce devoir n’est d’ailleurs plus prononcé depuis un dernier arrêt de la Cour de Chambéry, du 27 octobre 1931206, et le recours à la force publique est même formellement exclu207. De surcroît, le viol entre époux est désormais réprimé pénalement208. Ces raisons conduisent Madame VILLA-NYS à affirmer que « la fidélité conjugale n’est plus un impératif d’ordre public »209. Le Professeur Michel STORCK la qualifie d’ « engagement d’honneur »210. Le Doyen CARBONNIER notait que l’utilisation du terme « devoir » et non d’ « obligation » était révélateur qu’à cet endroit, « la morale importe plus que la sèche technique »211. Pour Madame BEN HADJ YAHIA, il s’agit d’une fidélité de fait, et non de droit, mais qui ne peut toutefois être ignorée par le droit212. La volonté de se séparer, conduit les époux à s’affranchir de ce devoir. Si le prononcé du divorce en affranchit les époux, ce devoir subsiste au contraire durant toute la procédure ou en cas de séparation de fait, bien que la rupture de la cohabitation entraîne une impossibilité de fait de l’accomplir. Ces situations pouvant s’éterniser, et de toute évidence, l’accomplissement du devoir conjugal étant compromis, les époux peuvent souhaiter conclure une convention afin de se délier de ce devoir. C’est ce que démontre une ordonnance du Tribunal de Grande Instance de Lille du 26 205 Article 212 du Code civil Chambéry, 27 octobre 1931, DH 1931 p .579 ; SJ 1932, p.275, note H.M « par application de l’article 214 du Code civil, la femme doit réintégrer le domicile conjugal (…) à défaut de l’avoir fait dans ce délai, son mari pourra l’y contraindre par huissier assisté au besoin de la force publique » 207 TGI Paris, 18 octobre 1977, Gaz.Pal.1978, 1, jurisprudence p.24, note J.G-M, JCP 1978, II, 18820, note Lindon, et obs Nerson : RTD Civ.1978, 870. V.aussi J.Revel, Les conventions entre époux désunis, JCP 1982, I, 3055, n°42 : « « la loi est démunie de moyens propres à rétablir l’ordre conjugal et l’obligation de communauté de vie est dépourvue de véritable sanction ». 208 Article 222-22 du Code pénal. 209 M.-C.Villa-Nys, Réflexions sur le devenir de l’obligation de fidélité dans le droit civil de la famille, Droit et Patrimoine, n°85, 2000, p.89 210 M. Storck, Les contrats de concubinage, LPA mai 1988, p. 75 211 J.Carbonnier, Droit Civil, PUF, Quadrige, 2004, p.1215, n°547 212 S. Ben Hadj Yahia, La fidélité et le droit, thèse, Toulouse I, 2005, n° 1312 206 45 novembre 1999213 : les époux avaient soumis au juge une convention par lesquelles ils se déliaient mutuellement de leur devoir de fidélité214. La Tribunal a homologué cette convention. Egalement, il est à noter que la séparation de corps ne met fin qu’au devoir de cohabitation, mais laisse subsister les autres devoirs des époux. Pour autant, dans un arrêt du 4 novembre 2009215, la Cour d’Appel de Paris, a jugé que l’épouse avait « accepté, par accord mutuel, de ne pas se servir à des fins judiciaires des fautes de son mari ». Elle ne peut donc invoquer l’adultère que son mari a poursuivi après le jugement de la séparation de corps216. Indirectement donc, les époux se sont déliés de leur devoir de fidélité, par accord mutuel. Est-ce la révélation que le mariage n’est plus qu’un simple contrat, dont les parties peuvent aménager librement les effets sans porter atteinte à l’ordre public ? Cette solution est isolée pour l’instant, et concernait une convention temporaire de divorce. Les époux craignaient ils sûrement que l’un ne se serve des infidélités de l’autre pour faire basculer les conséquences divorce exclusivement en sa faveur. Même si sa démonstration n’est plus une cause péremptoire de divorce, elle reste un élément d’appréciation important de la faute. En effet, dans un arrêt juste antérieur du 3 mai 2000217, de la Cour d’Appel de Grenoble, le divorce a été prononcé aux torts exclusifs de l’un des époux au motif que leur pacte de séparation amiable ne contenait aucune disposition les dispensant de leur obligation de fidélité. Ce déclin de l’obligation de fidélité, a été amorcé par quelques arrêts antérieurs : ainsi par exemple, la deuxième Chambre civile de la Cour de cassation admet dans un arrêt du 29 avril 1994 que « le devoir de fidélité est nécessairement moins contraignant du fait de la longueur de la procédure »218. 213 Ordonnance TGI Lille 3ème Ch. 26 novembre 1999, D.2000 p.254-256, note X.Labbée Dans le même sens : Décision du TGI de Quimper du 20 avril 2001 Dr.Fam.2001, n°78, p.14, obs. H.Lécuyer : le juge ne statue pas à proprement parler sur la convention elle-même mais « il en tient compte dans son jugement et par conséquent lui donne une résonance, admettant implicitement une dispense de fidélité consensuelle » 215 CA Paris, 4 novembre 2009 n° 09/02225. 216 Alors même que la Cour de cassation admet que les mêmes faits peuvent servir pour obtenir une séparation de corps dans un premier temps, puis pour une procédure de divorce : Cass. Civ.1ère 26 octobre 2011, n° 0970439. 217 Grenoble, 3 mai 2000, Dr. Fam., 2001, n°28, p.24 218 Cass.civ 2ème 29 avril 1994, Bull.Civ, II, n°123, p.171. Confirmé par un arrêt récent Cass. Civ.1ère, 11 mars 2009, n° 08-13169. V.aussi CA Douai 6 septembre et 27 septembre 2007, Dr.Fam.2008.26 et 27, obs.V.Larribau-Terneyre. Contra : Cass.Civ 2ème 15 juin 2000, Dr.Fam 2000, comm.111, obs.H.Lécuyer : « l’introduction d’une demande en divorce ne confère pas aux époux, encore dans les liens du mariage, une immunité destituant de leurs effets normaux les offenses dont ils peuvent se rendre coupables l’un envers l’autre ». 214 46 Section 2 : Un flou juridique limitant la maîtrise des parties La diversité des accords et conventions de séparation, et l’absence de textes précis peuvent créer un certain flou juridique. Des imprécisions tenant aux formes de leur consécration juridique entraînent une perte d’emprise des parties sur la portée de leur engagement (§1). De même, l’imprécision du régime de remise en cause de ces accords et conventions entraîne une absence de prévisibilité néfaste (§2). §1 : Des imprécisions tenant aux formes de la consécration juridique Dès lors que les parties décident de soumettre leurs accords et conventions au juge, il s’avère qu’elles perdent la maîtrise sur la forme de la consécration judiciaire, et par conséquent, la faculté de remise en cause. La liberté des parties permet de définir le contenu de leurs accords et conventions, mais non les effets. En cela, l’autonomie de la volonté est « amputée »219. Le législateur indique au juge qu’il « peut » prendre en compte certains arrangements et accords des époux, comme par exemple dans le cadre des pactes de famille, en matière de délégation d’autorité parentale (article 376-1 du Code civil). Mais « prendre en considération»220, « avoir égard [à] »221 ne renvoie à aucune notion juridique. Quel est son réel pouvoir sur ces accords ? Il apparaît alors que le juge est souverain dans le choix de la forme de la consécration. Il peut décider en effet d’intégrer le pacte dans sa décision de manière intégrale, en intégrer seulement une partie ou bien d’homologuer le pacte. L’intégration dans sa décision lui est même « recommandée » 222 . « Dans tous les cas, directement ou non, le juge reste naturellement libre de sa décision, les accords entre époux n'ont que le poids qu'il veut bien leur donner ; les formules utilisées aux articles 254, 373-2-11 du Code civil et 1117 du Code de procédure civile respectent le principe que la volonté individuelle ne peut être admise, même en matière de divorce, à régir librement une question concernant l'état des personnes, 219 L’autonomie de la volonté se voit amputée des effets que le droit commun des contrats lui attribue, et ce, même si ces conventions sont passées en la forme notariée (Cass.Civ 1ère 5 mai 1987). V.aussi O.Laouenan, Convention sur l’autorité parentale depuis la loi de 2002, JCP G, n°28, 2003, I, 149 spéc.n°9 : « la constatation peut être faite d'une certaine faiblesse du concept d'autonomie de la volonté », F.Dekeuwer-Défossez, La contractualisation de la famille : entre leurre et instrumentalisation, in Approche critique de la contractualisation, dir.S Chassagnard Pinet et D.Hiez, LGDJ, 2007, p.167 220 Article 1117 du code de procédure civile, article 254 du Code civil (mesures provisoires), article 373-2-11 du Code civil (modalités d’exercice de l’autorité parentale) 221 Article 376-1 du Code civil (pactes sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale) 222 J.Hauser, D.Huet-Weiller, Traité de droit civil. La famille. Fondation et vie de la famille, LGDJ, 2ème éd.1993, p.858, n°1236. 47 donc d'ordre public, lorsque le législateur ne le prévoit pas »223. Il est à noter que l’article 2554°du Code civil énonce que le juge peut attribuer la jouissance du logement « en constatant l'accord des époux sur le montant d'une indemnité d'occupation », sans préciser la forme dans laquelle interviendra cette constatation, ni sa force. C’est donc au juge de décider de la force qu’il convient d’attribuer à l’accord. A cet égard, Monsieur Olivier LAOUENAN 224 nous indique que la convention sur l’autorité parentale peut se trouver consacrée juridiquement, de deux manières : l’intégration de la convention dans la décision judiciaire et l’homologation, relevant de la juridiction gracieuse. Or il ne semble pas du pouvoir des parties de décider de la forme de la consécration. Le juge n’est en effet pas lié par la forme qu’elles souhaitent donner à leur accord. Selon Monsieur Ch.DEVEZE, « il dépend le plus souvent du juge de classer arbitrairement un acte parmi les jugements, ou parmi les contrats judiciaires »225.Madame Elodie MULON relève même que « parfois, c’est le juge lui-même qui semble avoir prévu un autre formalisme »226. Cette même solution prévaut s’agissant des engagements d’honneur, des situations de complaisance : « le juge ne se considère pas automatiquement lié par l’intention proclamée par les parties de priver leur accord de toute valeur obligatoire et donc de sanction judiciaire : et, de fait, les espèces témoignent d’une totale liberté du juge dans l’appréciation de la portée des engagements pris sur l’honneur »227. A cet égard, certains auteurs remarquent que bien souvent le juge requalifie les engagements. Ainsi, Madame Sandrine DRAPIER constate que « tantôt le juge estime qu’aucun accord n’existe ; tantôt, pour avoir prise dessus, il tient absolument à le requalifier en un contrat ordinaire »228. Monsieur Alain VIANDIER conclut que « nul ne peut se soustraire totalement à l’emprise du droit »229. Parfois les membres du couple n’ont pas le choix de la consécration, c’est le cas des couples non mariés. Ils peuvent seulement demander au juge un donné-acte de leurs accords, et encore, dès lors qu’une instance est en cours. Or, selon une précision de la jurisprudence, le donné-acte leur permet seulement d’authentifier leur accord, il ne lui confère pas l’autorité de 223 JCl Civil code : Art. 248-1 à 259-3 > Fasc. 30 : procédure de divorce. – Mesures provisoires O.Laouenan, Convention sur l’autorité parentale depuis la loi de 2002, JCP G, n°28, 2003, I, 149 spéc.n°29. 225 Cité par M.Mekki, L’intérêt général et le contrat, Contribution à une étude de la hiérarchie des intérêts en droit privé, Thèse, LGDJ, 2004, p.704, n°1147. (Ch.Devèze, De la règle : voies de nullité n’ont lieu contre les jugements, Thèse Toulouse, 1938, p.122). 226 E.Mulon, Forme et force des accords en matière familiale, Gaz.Pal., 2011, n°323, p.10, n°10 227 B.Oppetit, L’engagement d’honneur, D.1979, chron.p.107, p.112, n°13. 228 S.Drapier, Les contrats imparfaits, Thèse, LGDJ, 2008, n°275. 229 A.Viandier, La complaisance, JCP 1980, 2987, n°39. C’est d’ailleurs « l’équité qui fonde une telle « récupération » par le droit d’un phénomène qui lui est, originellement, étranger » 224 48 la chose jugée230. Son intérêt est donc limité. Les parties ne peuvent donc que s’en remettre à la parole donnée. Pour autant, le Professeur Jean HAUSER remarque « qu'être tenu par sa parole (contractuelle) donnée peut être aussi, voire plus, engageant que toute autre promesse »231. Aussi, l’homologation de l’article 25 du code de procédure civile leur est en principe fermée, dans la mesure où elle intervient « en raison de la nature de l'affaire ou de la qualité du requérant». Pour ces raisons, un jugement du 19 janvier 1990, du TGI de Brive-la-Gaillarde a déclaré irrecevable la demande de concubins d’homologuer leur convention. Aujourd’hui, près de 13 ans après que le concubinage a fait son entrée dans le Code Civil, et que le contentieux de liquidation des intérêts patrimoniaux a été attribué au JAF, pourrait-on considérer que la qualité des parties ou la nature de l’affaire justifie un contrôle par le juge ? Il n’est pas impossible de considérer que l’affaire est d’une nature particulière et nécessite un contrôle, dans la mesure où la société est concernée. Il est par ailleurs de l’intérêt de la société que les engagements pris par les membres du couple à leur rupture soient tenus et respectés. Pour Madame Elodie MULON, « il semble (…) que l’on puisse recourir [à la procédure gracieuse] notamment pour faire homologuer l’accord trouvé dans le cadre d’une médiation extra-judiciaire, d’une convention de procédure participative, d’un processus de droit collaboratif ou d’une négociation informelle entre les parties »232 Enfin, la forme de la consécration peut dépendre de la procédure suivie pour la révélation des accords. Ainsi, Madame Béatrice GORCHS remarque que « la forme de l’acte rendant exécutoire l’accord des parties varie suivant que le magistrat participe à la réalisation de la conciliation ou supervise un rapprochement des parties facilité par un tiers qu’il désigne »233. Madame Pierrette BONNOURE-AUFIERE, juge aux affaires familiales, indique que l’accord de médiation peut rassembler une multitude d’éléments : personnels, intimes, patrimoniaux, le ressenti, etc., « démonté tranche par tranche, ce sous seing privé pourrait être qualifié de : - contrat faisant loi des parties (c. civ., art. 1134) ; - transaction réglant un litige (c. civ., art. 2044) ; - pacte de famille librement conclu (c. civ., art. 376-1) ; 230 V.Larribau-Terneyre, Le constat judiciaire de l’accord des époux n’a pas autorité de chose jugée, Dr Fam 2008, p.153 231 J.Hauser, Pré-picistes ou pré-pacisistes ?, RTD Civ. 1998 p.660. 232 E.Mulon, Forme et force des accords en matière familiale, Gaz.Pal., 2011, n°323, p.10, spéc.n°9. 233 B.Gorchs, Le contrôle judiciaire des accords amiables, Revue de l’arbitrage 2008, n°1, n°13. 49 - liquidation de régime matrimonial, de PACS, ou partage de biens indivis... »234 La difficulté proviendra lorsqu’un seul et même acte rassemblera des accords sur des objets variés. Cet acte juridique ne pourra être soumis à un régime identifié, et unique. Il serait par conséquent opportun d’établir ces accords dans des actes différents aux contours précis. Afin de contrer ce choix, et pour s’assurer que leur accord bénéficie de la force exécutoire, les parties peuvent être tentées de simuler un litige, et passer par la voie d’un jugement d’expédient. En effet, dans ce cas, leur accord sera doté de la même force exécutoire qu’une décision de justice. Cependant, il faut combattre ce détournement des procédures, la distorsion des concepts. §2 : Une imprécision du régime de remise en cause Dans la mesure où les parties se sont accordées, par hypothèse, elles sont satisfaites de la solution trouvée. Pourquoi alors prévoir un régime de remise en cause ? Il s’avère difficile pour les membres du couple de conserver une quelconque maîtrise sur leurs accords et conventions de séparation, dès lors qu’elles ne peuvent apprécier la portée de leur engagement. Dans cette optique, il est nécessaire que soient clarifiés les effets de l’homologation judiciaire, technique privilégiée de judiciarisation de leurs conventions de séparation (A), mais aussi des conventions passées par les couples non mariés à leur rupture (B). A. La nécessaire précision des effets de l’homologation judiciaire « L'homologation permet de régler par convention des questions qui traditionnellement étaient indisponibles »235, elle est « l’instrument idéal pour instaurer un système de liberté contrôlée »236. Le fait que le contrôle du juge se fasse a posteriori suggère, en l'absence d'indications légales particulières, d'en faire varier l'intensité selon le degré de conformité de l'accord à l'ordre public. La nature de l’homologation judiciaire a cependant toujours fait débat dans la doctrine. Le juge rend-il un acte juridictionnel ? La convention homologuée conserve-t-elle sa nature contractuelle ? Comment peut-elle être remise en cause ? Madame 234 P. Bonnoure-Aufière, L'écrit des accords en médiation familiale : de l'intention à l'action, AJ Famille 2003 p. 177 235 Ch.Hugon, Existe-t-il un droit commun de l’homologation judiciaire ? LPA 2003, n°247, p.4 236 M.Mekki, L’intérêt général et le contrat, Contribution à une étude de la hiérarchie des intérêts en droit privé, Thèse, LGDJ, 2004, p.492, n°842. 50 Christine HUGON révèle que l’homologation, peut recouvrir des régimes distincts237. En effet, le législateur n’indique pas toujours la nature des contrôles que le juge doit opérer afin d’homologuer la convention238 : il appartient au juge d’interpréter le silence du législateur concernant ceux-ci, et les voies de recours239. Dans le cas des conventions de divorce, le législateur précise que le juge n’homologue les conventions qu’à la condition que les divers intérêts en présence soient préservés (v.infra). Seulement, le législateur se réfère ici à des notions à contenu variable: le juge dispose de larges pouvoirs d’appréciation. En cela, il exerce son imperium, en plus des vérifications légales ; il établit véritablement un acte juridictionnel. Les membres du couple n’ont donc pas de maîtrise à ce niveau, la décision revient au juge, d’attribuer à la convention les effets juridiques recherchés. A ce titre, Monsieur Ivan BALENSI qualifie les jugements d’homologation de « constitutifs », « c’est le jugement qui crée la situation nouvelle »240, et non uniquement la convention des parties. A la suite de l’homologation, la question se pose de la nature de cette convention. En effet, désormais pourvue de l’élément manquant (la force obligatoire), est-elle soumise pour autant au régime des conventions de droit commun ? L’impossibilité d’annuler la convention de divorce par consentement mutuel sème le trouble : l’acte a, par l’effet de l’homologation, perdu sa nature contractuelle. Il est désormais hybride : mi-contractuel, mi-judiciaire241. Connaître les moyens de remise en cause de la convention est essentielle. Les parties doivent en effet pouvoir connaître à l’avance, ce à quoi ils s’engagent en soumettant leur convention à homologation, les effets exacts de celle-ci. Or les textes sont d’une grande imprécision à ce sujet. S’il est établi que la voie de l’appel et de la révision sont fermées concernant la convention de divorce par consentement mutuel242, la question se pose à l’égard de toutes les autres conventions soumises au juge). Des incertitudes demeurent : en effet, « aucun texte ne 237 Ch.Hugon, Existe-t-il un droit commun de l’homologation judiciaire ? LPA 2003, n°247, p.4 « en matière parentale, où la loi prévoit l'homologation judiciaire sans préciser ni les pouvoirs du juge ni les conditions de révision de l'accord. » remarque D.Fenouillet, Le droit civil de la famille hors le Code Civil, LPA 2005, n°188, p.3 n°34 239 Ibidem. 240 I.Balensi, L’homologation judiciaire des actes juridiques, RTD Civ 1978, p.62, n°34 241 I.Balensi, op.cit., RTD Civ 1978, p.61, n°33. 242 Cass. Civ.1ère 23 novembre 2011, n° 10-26802 : la Cour de cassation répète que la convention de divorce par consentement mutuel ne peut être mise en cause, sauf dans des cas précis, énumérés par la loi, dont ne fait pas partie l'action en inopposabilité fondée sur la fraude exercée par des tiers. 238 51 définit précisément ni le processus, ni l’étendue exacte des pouvoirs du juge, ni la portée juridique de l’accord « homologué » »243, nous explique Madame Nathalie FRICERO. L’article 279 du Code civil dispose en effet que : « La convention homologuée a la même force exécutoire qu'une décision de justice. Elle ne peut être modifiée que par une nouvelle convention entre des époux, également soumise à homologation ». Or la formulation générale de cet article a fait débat: cet article concerne-t-il toutes les conventions (même celles prise sur le fondement de l’article 268 du Code civil) ou seulement la convention portant sur la prestation compensatoire ? Cette question n’a pas été tranchée, et mérite une réponse claire de la part du législateur. Faut-il considérer que l’indivisibilité prévue entre la décision du juge et la convention de divorce par consentement mutuel s’applique également pour les conventions « 268 » ? Pour Mesdames MURAT-SEMPIENTRO et TRAMBOUZE, ce n’est pas certain « dans la mesure où ces divorces peuvent être prononcés indépendamment de tout accord entre les époux »244. Dès lors que les conventions bénéficient de la même force exécutoire qu’une décision de justice, cela signifie également qu’elles peuvent être remises en cause par les voies de recours ouvertes contre les jugements. A contrario, faut-il en déduire que la convention conserve sa nature contractuelle et dès lors, peut être atteinte par les nullités ? Selon la démonstration de Monsieur BALENSI245, la convention ne sera couverte de l’autorité de la chose jugée, uniquement sur les points ayant fait l’objet d’une vérification juridictionnelle. Elle ne pourra donc être remise en cause sur les points contrôlés, il faut la considérer comme purgée de ses vices éventuels. Ainsi, à propos de la convention de divorce par consentement mutuel, il établit que le juge la purge des vices d’incapacité, mais « la vérification du juge ne couvre pas les risques d’erreur et surtout de dol »246, ni de la lésion, et enfin, il ne protège pas les droits des tiers247 (il n’est pas chargé de la protection de leurs intérêts). Par conséquent, en théorie, la nullité reste ouverte s’agissant des vices du consentement, de la lésion et de la fraude conformément à la nature contractuelle de la convention. Pourtant, 243 N.Fricero, Accord des parties, homologation, octroi de la force exécutoire : quel rôle pour le juge ? RJPF 2010, n°1. 244 M-P.Murat et V.Trambouze, Les conventions de divorce, JCP N, 2006, 1238, n°36 245 I.Balensi, op cit, p.70, n°47 et s. Dans le même sens, L.Amiel-Cosme, La fonction d’homologation judiciaire, Justices, janvier-mars 1997, n°5, p.146 : l’autorité de chose jugée des décisions du juge de l’homologation couvre « seulement ce qui fait l’objet de la vérification juridictionnelle » 246 I.Balensi,op.cit., p.71 n°47 247 Ibid. 52 ce n’est pas ce que retient la Cour de Cassation : la convention formant un tout indivisible avec le jugement, et les voies de nullités n’ayant lieu contre les jugements, seuls le pourvoi en cassation et la révision de la convention sont admis248. La Cour suprême rejette également formellement la nullité fondée sur un vice du consentement dans un arrêt de principe en date du 13 novembre 1991249, et confirmé à de nombreuses reprises ensuite250. Le contrôle du juge purge donc la convention homologuée de divorce par consentement mutuel de tout vice du consentement251. Pourtant, il apparaît que le législateur n’ordonne pas au juge d’effectuer tous ces contrôles, et la loi du 26 mai 2004 ayant supprimé la double comparution devant le juge. Ceci est donc critiquable, dans la mesure où le consentement mutuel ne devrait pas présumer de négociations loyales, a fortiori dans le cadre de la séparation. L’homologation de la convention de changement de régime matrimonial n’a pas la même incidence : un arrêt de principe de la Cour de Cassation en date du 14 janvier 1997 énonce que « l’homologation judiciaire laisse subsister le caractère contractuel du changement de régime matrimonial des époux, de sorte que la convention des parties peut être annulée pour des causes qui lui sont propres »252. Par exemple dans le cas d’une omission d’un bien ou d’une dette dans la convention de liquidation et de partage, la Cour de cassation a admis le qu’un partage complémentaire pouvait intervenir sans être soumis de nouveau à homologation253. Or ce dernier, pourrait sensiblement modifier l’équilibre de la décision homologuée. Ainsi, le régime de la convention de changement de régime matrimonial diffère considérablement de celle de la convention de divorce par consentement mutuel, le recours en révision, la tierce opposition sont des voies de recours admises contre la première, de même 248 Cass.Civ 2ème 6 mai 1987 Bull. civ. II 1987 n°103 : arrêt de principe rendu à propos de la lésion. 249 Cass.Civ 2ème 13 novembre 1991 Bull.civ.1991 II n°303 (hypothèse du dol) : « le prononcé du divorce et l'homologation de la convention définitive ont un caractère indissociable et ne peuvent plus être remis en cause hors des cas limitativement prévus par la loi » 250 Cass.Civ 2ème 2 avril 1997 Bull.civ II, 1997 n°103. et V.par exemple récemment : CA Bastia 7 mars 2007 juris-data n°2007-327 635, Cass.Civ.1ère 3 mars 2010, Defrénois 2010, p.1364, obs.J.Massip. Egalement, dans l’hypothèse d’une fraude paulienne : Cass.civ 2ème 25 novembre 1999 n°97-16.488, Bull.civ.II, n°177, RTD Civ 2000.89 obs.J.Hauser, JCP 2000, II, 10338, note Guedj. : « attendu que l’arrêt retient exactement qu’après son homologation par le juge en prononçant le divorce, la convention définitive revêt la même force exécutoire qu’une décision de justice et ne peut être attaqué que par les voies de recours ouvertes par la loi dans lesquelles n’entre pas l’action paulienne de l’article 1167 du Code civil ». 251 Cass. Civ.2ème, 28 mars 1979, D. 1980.297, note Massip « Le contrôle judiciaire préalable purge l'accord des vices qui, au regard de la théorie générale du consentement, pourraient entacher celui-ci ». 252 Cass.Civ 1ère 14 janvier 1997, Bull.Civ 1997, I, n°20 (juris-data n°: 94-20276) 253 Cass. Civ 1ère 30 septembre 2009 n°: 07-12592« Si la convention définitive homologuée, ayant la même force exécutoire qu'une décision de justice, ne peut être remise en cause, un époux divorcé demeure recevable à présenter une demande ultérieure tendant au partage complémentaire de biens communs ou de dettes communes omis dans l'état liquidatif homologué » 53 que les actions propres à la remise en cause d’un acte juridique, c'est-à-dire l’action paulienne et l’action en nullité254. Les enjeux ne sont pas les mêmes (la convention de changement de régime matrimonial ne conduit pas à une modification de l’état d’époux), pourtant, il faut remarquer la variété des effets que produit l’homologation. A ce titre, le doute est toujours de mise concernant les conventions homologuées dans le cadre des divorces contentieux. Certes, la convention dans ce cadre n’est pas une condition du prononcé du divorce, mais pour autant, le juge « homologue les conventions en prononçant le divorce »255 : ce qui postule en faveur de l’indivisibilité du prononcé du divorce et des conventions. Or, si l’indivisibilité est souhaitable en ce qu’elle confère une stabilité à ces conventions, les injustices qu’elle peut entretenir sont discutables. Par exemple, si des époux décident de conclure une convention sur le fondement de l’article 268 du Code civil, portant sur la prestation compensatoire mais que le juge prononce le divorce aux torts exclusifs du créancier de cette prestation compensatoire, le débiteur a-t-il intérêt à remettre en cause la convention ? En aura-t-il seulement les moyens ? La question de l’admission du recours en révision s’est posée : si elle est admise sans difficulté dans les divorces contentieux256, dans le divorce par consentement mutuel: « la Cour de cassation a déclaré irrecevable le recours en révision partielle dans l'ancien divorce sur requête conjointe »257. Pourtant, le risque d’omission ou de fraude dans un partage est bien réel. D’ailleurs dans un arrêt du 19 mai 1987, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a admis que « si la convention homologuée est indivisible du jugement de divorce, les dispositions de l'art. 602 NCPC autorisent la révision partielle de la décision attaquée, pourvu que la demande en révision soit faite dans le délai de l'art. 596 NCPC »258. Pour Dominique VILLANI, cela signifie que l’ « on peut donc revoir certains points du partage, sans pour autant l'annuler dans son intégralité, et sans remettre en cause le divorce »259. Cette solution semble tout à fait opportune, il faut s’opposer au fait que sous couvert de consentement mutuel et de nécessité 254 Cette solution se justifie également par le fait que cette convention n’est pas obligatoirement soumise à homologation, ses caractères de contrat « ordinaire » subsistent. 255 Article 268 al.2 du Code civil 256 V.par exemple Cass.Civ. 1ère, 12 juin 2008, n° 07-15.962, AJ fam. 2008. 33, obs. S. David 257 Cass.Civ. 1ère, 5 novembre 2008, n° 07-14.439 258 CA Aix-en-Provence 19 mai 1987, Gaz. Pal. 1987.2.652, note Latil. 259 D.Villani, Quels sont les recours contre l'homologation d'une convention définitive de divorce par consentement mutuel ?, D. 1995 p. 253, n°18 54 de stabilité des décisions, un époux puisse asseoir sa domination et piéger l’autre dans un dernier sursaut de vengeance. De plus, l’esprit de l’article 230 du Code civil se trouverait respecté dans la mesure où l’exigence d’une volonté réelle et libre se trouverait affirmée avec force260. B. La remise en cause des conventions de séparation des couples non mariés subordonnée à l’appréciation des juges Théoriquement, les concubins conservent un pouvoir unilatéral de modification des dispositions de leur convention portant sur des aspects extrapatrimoniaux. La liberté individuelle et le principe d’indisponibilité des relations de couple commandent cette solution. Il suffit qu’un désaccord apparaisse, pour détruire ce lien déjà précaire entre les parties. Concernant les aspects patrimoniaux par contre, les concubins (ou les partenaires) étant alors considérés comme de vrais tiers l’un envers l’autre, l’article 1134 produirait son plein effet. Leur engagement deviendrait donc obligatoire, et emporterait application du droit commun du contrat. Les concubins seraient autorisés à demander la nullité de la convention, de même que la rescision pour lésion serait envisageable. Seulement, le lien de couple exerce une influence non négligeable sur ce lien contractuel : des « palliatifs »261 de droit commun sont appliqués, et du coup « déformés », « forcés » afin d’être adaptés à la situation. Monsieur Alain PROTHAIS remarque à cet égard la « «concubinarisation » du droit commun »262 pour atteindre cet objectif. Il peut alors être opportun de se demander si la remise en cause de ces conventions reste celle prévue dans le droit commun. S’agissant des donations, conformément au droit commun, elles sont irrévocables. La demande en nullité était subordonnée à la démonstration de l’immoralité de la libéralité. Or depuis un arrêt de la Première chambre civile du 3 février 1999 263, consacré par un arrêt de l’Assemblée Plénière du 29 octobre 2004264, il est considéré que « l’affirmation équivaut abandon de tout contrôle de la cause immorale dans les libéralités entre concubins »265. Le 260 D.Villani, op.cit, n°21 A.Prothais, Le droit commun palliant l’imprévoyance des concubins dans leurs relations pécuniaires entre eux, JCP G 1990, n° 15, I, 3440. 262 A.Prothais, Op.cit, n°13 263 Cass.Civ. 1ère, 3 février 1999, n° 96-11.946 264 Cass.Ass.Plèn.29 octobre 2004 n°03-11.238 265 Ph.Malaurie, H.Fulchiron, La famille, 4ème éd., Defrénois, 2011, p.174, n°335 261 55 demandeur pourra seulement tenter de démontrer le caractère déguisé de la donation266, ou encore prouver une ingratitude. La preuve sera un enjeu important, or, en raison de l’affection qui les lie, l’un d’eux pourra invoquer l’impossibilité morale « de se procurer une preuve littérale de l'acte juridique », prévue à l’article 1348 du Code civil. Mais cette impossibilité est diversement appréciée par la jurisprudence selon « les circonstances de la cause », sans préciser lesquelles267. A la fin de la relation, il semble qu’il soit plus difficile de faire jouer cette exception268. A priori, les accords et conventions des concubins et des partenaires pacsés sont soumis aux principes du droit commun des contrats. Cependant, on constate que les juges se réservent le droit de moduler les effets de ces contrats. Il n’est pas possible d’établir une règle générale, tant la jurisprudence est mouvante dans ses appréciations : Madame Anne-Sophie BRUN remarque ainsi que « tantôt les magistrats se montrent rigoureux s’agissant des conditions d’ouverture et d’application des recours du droit commun ; ces recours sont alors aléatoires et les résultats fréquemment insuffisants. Tantôt la jurisprudence fait preuve de tolérance et admet que le droit commun puisse servir d’ersatz de régime matrimonial aux concubins »269. Ainsi, grâce à la gradation des accords et conventions, les couples sont à mêmes de régir, sous certaines réserves, leur séparation. Afin que cette maîtrise soit complètement satisfaisante, il conviendrait de préciser certains des éléments de leur régime. Cependant, cette liberté peut s’avérer dangereuse ; il convient dès lors de s’assurer que l’utilisation de ces outils consensuels est suffisamment protecteur de leurs intérêts. 266 Aix-en-Provence, 16 mars 2000, Dr. fam. 2000, no 131, note B. Beignier Cass.Civ 1ère 28 mai 1975, Bull.Civ, I, n°181. 268 Amiens, 2 février 1976, JCP G, 1976 IV.327, il n’y a pas impossibilité morale à fournir la preuve d’un prêt consenti à la fin de la liaison. 269 A.-S. Brun-Wauthier, Contribution à la découverte d’un droit commun patrimonial du couple, Thèse, Grenoble II, 2003, p.32 n°30 267 56 PARTIE II : L’OPPORTUNITE DE LA GRADATION SUBORDONNEE A LA PROTECTION DES PARTIES DANS LEUR SEPARATION Si l’utilisation d’accords et de conventions de séparation permet aux membres du couple d’en avoir une certaine maîtrise, il faut s’assurer qu’elle soit suffisamment protectrice de leurs intérêts. Que ce soit sur le principe de la rupture, ou encore sur les conséquences patrimoniales et extrapatrimoniales de la rupture, les intérêts en jeu ne sont pas les mêmes, et la protection nécessaire diffère. Ainsi, dans un premier temps nous verrons qu’il s’avère nécessaire d’encadrer les dangers potentiels auxquels peut mener une telle conventionnalisation (CHAPITRE I) afin que soient protégés les intérêts des parties. Dans un second temps, nous constaterons qu’une privatisation totale de la rupture n’est alors pas souhaitable (CHAPITRE II). CHAPITRE I: Le nécessaire encadrement des dangers potentiels de la conventionnalisation La séparation des couples non mariés, en l’absence de conventions spécifiques, se fera en partie au moyen de contrats de droit commun. De même, le Professeur Muriel REBOURG constate que la loi « recourt néanmoins de façon plus explicite aux concepts contractuels puisqu’elle utilise le terme de conventions : l’accord parental est dès lors un acte juridique, au sens où cet accord de volonté est destiné à produire un effet de droit quelconque »270. Il apparaît alors que ces accords et conventions doivent nécessairement être soumis à un régime dérogatoire, dans la mesure où les solutions purement contractuelles s’avèrent inadaptées quant à la protection nécessitée à la séparation des couples (Section 1). Aussi, la protection particulière des 271intérêts (Section 2) commande la mise en place de mécanismes spécifiques. Section 1 : Une inadaptation des solutions contractuelles à la séparation des couples « La relation amoureuse finissante n'a rien à voir avec les relations contractuelles. Ni l'égalité ni la loyauté n'y sont assurées »272. Or, la présomption d’égalité des parties contractantes a elle-même été abandonnée. Les risques de domination sont réels, l’un des membres du couple pouvant profiter de l’état de faiblesse sinon de détresse affective dans lequel se situe l’autre. On ne peut dès lors que craindre une réelle insuffisance dans la 270 M.Rebourg, Les conventions homologuées en matière d’autorité parentale et de contribution à l’entretien de l’enfant, Dr Fam, n°7, 2004, étude 17, n°2. 271 272 C.Neirinck, Vers un droit commun de la rupture ? LPA, 2007, n° 254, p. 28 57 protection du consentement des membres du couple (§1). Aussi, les sanctions en cas d’irrespect ou d’inexécution de la convention conclue en ce domaine, peuvent se révéler inapplicables ou inadaptées (§2). §1 : Une insuffisance dans la protection du consentement La protection du consentement passe aussi par la procédure273. Or il apparaît très vite qu’en matière de séparation des couples, les risques de vices dans le consentement (A) sont très importants. Les outils utilisés pour régler la séparation se doivent donc d’être suffisamment protecteurs du consentement des parties au regard des conséquences qu’elles entraînent, très différentes de celles d’un contrat de droit commun. Cette protection se révèle cependant insuffisante et nécessite d’être renforcée (B), et ce d’autant plus, que ce même mouvement parcourt le droit commun des contrats. A. Un consentement potentiellement vicié Pour Monsieur Bernard BEIGNIER, « il est paradoxal que dans tout le droit des contrats existe aujourd'hui ce temps de mûrissement du consentement et qu'il tende à disparaître dans un droit aussi essentiel que celui de la famille »274. Nous pouvons en effet critiquer ce recul de la protection du consentement, spécialement au moment de la séparation des couples. Entre les sentiments, le ressentiment, la volonté d’en finir vite, les risques que le consentement de l’un des membres du couple soit vicié n’est que plus fort : « l’existence d’une relation de couple ne peut rester sans incidence sur le terrain des vices du consentement »275. Mauvais arrangement ne vaut pas souvent mieux que bon procès dans ces cas là. Il convient de s’assurer, dès lors que l’on admet une rupture au moyen d’accords et de conventions, que les parties conviennent en toute liberté et en toute connaissance de cause. Ce contrôle doit impérativement s’effectuer a priori, au regard du caractère parfois irrémédiable de certaines conséquences. Ainsi, la suppression de la double comparution dans le divorce par consentement mutuel s’avère particulièrement inopportune. Le juge ne peut raisonnablement s’assurer de la réalité et de la liberté du consentement des époux à leur convention de rupture, d’autant qu’il 273 J.Ghestin, Traité de droit civil. La formation du contrat, LGDJ, 3ème éd, 1993, p.291, n°273« le formalisme est aujourd’hui une protection supplémentaire du consentement » 274 B.Beignier, Réussir son divorce : une illusion ?, Dr. Fam. 2010, n° 12, repère 11. 275 D.Fenouillet, Couple hors mariage et contrat, in Contractualisation du droit de la famille, dir. D.Fenouillet et P.de Vareilles-Sommières, Economica, 2001, p.128. 58 ne connaît plus les motifs de la séparation. Ce fait est très largement dénoncé par les auteurs276, « le juge n’ayant aucun moyen [d’] effectuer [le contrôle] correctement et rendant dès lors une décision de pure forme »277. Le Professeur Claude LIENHARD rappelle qu’un consentement éclairé « suppose une information complète de la part des conseils et la traduction effective de la réalité de cette information dans la convention elle-même »278.Même si ce contrôle a été instauré pour protéger avant tout l’institution du mariage, il est important que ce contrôle serve aussi à tempérer les excès des conventions. Ces conventions engagent les parties, et ne sont pas anodines. Au vu de l’étendue de leur maîtrise sur les conséquences, et de la difficile remise en cause de ces conventions, il est réellement nécessaire d’insister sur l’intégrité de leur consentement. Monsieur le Doyen CORNU remarque que « l’ordre public du consentement » s’est « amplifié »279. Il n’a pas été confié au juge un simple rôle d’enregistreur. Or pourtant, en pratique, on peut douter de la réalité de ce contrôle, on parle « [d’] audiences « bâclées », de l'aveu même des magistrats, faute de temps et parfois de matière, [des]conventions entérinées sans véritable vérification ou contrôle »280. Il est de ce fait critiquable que le texte de l’article 268 du Code civil ne précise pas l’obligation pour le juge de vérifier l’intégrité du consentement des membres du couple. Cette précision est indubitablement nécessaire, d’autant que la force de cette convention n’est toujours précisée (cf supra). De plus, dans le cadre de la conversion de la séparation de corps en divorce par consentement mutuel, il apparaît que le juge puisse l’ordonner en l’absence des époux. En effet l’article 1133 du code de procédure civile prévoit que « le juge peut ne pas entendre les époux et se borner à examiner avec leur avocat la convention ». L’absence de contrôle des 276 V.par exemple X.Labbée, Pacs : l’injustice de la dissolution conventionnelle, JCP G n°1, 2012, J.Revel, Les conventions entre époux désunis, JCP 1982, I, 3055, n°30, C.Lazarus, Les actes juridiques extrapatrimoniaux, Thèse, PUAM, 2009, p.396, n°416 : « l’absence de contrôle judiciaire sur la réalité et l’intégrité du consentement des époux, ainsi que sur la protection de leur intérêt et de celui de leur enfant, présente de graves dangers tant elle risque de se laisser se développer en la matière la loi du plus fort », F.Terré (dir.) Rapport de l’Académie des sciences morales et politiques, Le droit de la famille, éd.PUF, 2002, cahiers des sciences morales et politiques, p.32 : ces auteurs se sont positionnés en faveur du maintien de la double comparution afin de protéger l’époux le plus vulnérable.. S.David, Opacité et dangers du divorce par consentement mutuel. Les actions ouvertes aux époux, AJ Fam. 2009, p.420 ; C.Neirinck, Vers un droit commun de la rupture ? LPA, 2007, n° 254, p. 28 : « C'est un contrôle en trompe-l'oeil car comment apprécier une protection insuffisante des divers intérêts en présence quand on ignore le dessous des cartes ? » 277 F.Dekeuwer-Défossez, Divorce et contrat, in Contractualisation du droit de la famille, dir. D.Fenouillet et P.de Vareilles-Sommières, Economica, 2001, p.75. 278 C.Lienhard, L’approche procédurale des ententes, AJ Fam 2004, p.214 279 G.Cornu, Droit Civil. La famille, Montchréstien, Domat droit privé, 9ème éd, 2006, n°3 280 H.Fulchiron, Vers un divorce sans juge ?, D.2008, p.365 59 volontés accordées est ici critiquable, en aucun cas la présence de l’avocat saurait constituer une garantie suffisante : il nous semble que le consentement doit être personnellement émis. Les accords passés par les couples dans le non-droit ne jouissent d’aucune protection, s’agissant de l’échange des consentements, c'est-à-dire des volontés exprimées. Le consentement vicié ne sera sanctionné que dans la mesure où il vise la formation d’un acte juridique. Ainsi, ces accords étant librement révocables, dès lors qu’une partie pense que son consentement a pu être vicié, il lui suffira de le révoquer. Cette solution pourra cependant poser des difficultés, dès lors que, comme vu précédemment, cet accord se trouve juridicisé a posteriori. B. Le perfectionnement nécessaire de la protection du consentement Des perfectionnements peuvent être préconisés quant à la protection du consentement (1.) Ce renforcement présente des aspects particuliers lorsque des majeurs protégés sont concernés (2.). 1. Un perfectionnement possible de la protection du consentement A l’instar des contrats de droit commun, ou plus précisément de droit de la consommation, il serait opportun d’instaurer un délai de réflexion281. Les conventions resteront à la maîtrise des parties, mais l’on donne une chance au membre du couple qui a beaucoup concédé, de mesurer à tête reposée les engagements qu’il a pris. En l’absence de systématicité des voies de recours, la rétractation après réflexion ne semble pas être une mesure trop contraignante à mettre en place, ni trop coûteuse, ni surtout, trop dommageable pour la rupture consensuelle. Le Professeur Claude LIENHARD propose même que cette phase de réflexion soit encadrée dans le divorce par consentement mutuel, notamment sous la forme d’une « convention-cadre de négociation »282. Cette dernière solution nous paraît cependant complexifier la procédure, sans pour autant établir un renforcement de la protection du consentement : ne faudrait-il pas en effet s’assurer également du consentement à cette convention-cadre ? Il apparaît indispensable de mettre fin au système de l’avocat unique dans le divorce par consentement mutuel. L’intégrité de leur consentement ne sera garantie uniquement si en amont la négociation a été menée de façon à ce que les intérêts de chacun se soient exprimés et aient été défendus. Ce renforcement est d’autant plus nécessaire qu’en pratique, le divorce 281 282 V.par exemple, B.Beignier, Réussir son divorce : une illusion ? Dr.Fam 2010, n°12, repère 11 C.Lienhard, L’approche procédurale des ententes, AJ Fam 2004, p.214 60 par consentement mutuel ne reflète souvent qu’une entente de façade, où les abus d’un époux sur l’autre existe, de l’aveu des avocats283. Il ne convient pas de revenir sur l’ignorance par le juge des causes ayant fondé le divorce. Celles-ci appartiennent à la sphère privée des époux, et il nous semble que l’instauration d’un délai de réflexion, allié à un entretien individuel de l’époux par le juge, suffit à protéger le consentement, tout en se gardant d’une intrusion trop envahissante du juge dans la vie du couple. Cependant, la qualité du contrôle sur le consentement ne pourra être que renforcée, dès lors qu’il aura une vision d’ensemble du traitement des conséquences de la séparation. Aussi, s’agissant des accords juridicisés, il peut paraître important que les membres du couple renouvellent leur consentement aux différentes pratiques et arrangements antérieurs à la séparation, et qui risquent de perdurer par la suite. Par exemple, s’agissant de la convention sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, si les parents avaient prévu un roulement afin d’aller chercher les enfants à l’école, dès lors que le juge souhaite reprendre ce mode de fonctionnement dans sa décision, il devra s’assurer de la permanence de ce consentement, en considération des nouvelles modalités (« à l’épreuve du temps, les consentements échangés en marge de la loi s’émoussent »284). En effet, la faculté de révocation unilatérale de l’accord étant supprimée, sa remise en cause sera rendue plus difficile : l’accord est plus engageant. De plus, cette nouvelle extériorisation du consentement exhortera d’autant plus les parents à respecter cet accord. 2. Le besoin d’une protection resserrée du consentement du majeur protégé Les divorces d’accords (divorce par consentement mutuel et divorce pour acceptation du principe de la rupture285) étant fermés aux majeurs protégés (article 249-4 du Code civil), le risque de lésion des intérêts est bien réel. Ceci montre que le contrôle actuel du juge pourrait ne pas suppléer, ou détecter tous les vices du consentement 286. Préventivement donc, 283 Intervention du Professeur Jean Hauser lors du colloque "Le législateur face aux questions de société" organisé le 18 février 2010. 284 J.Revel, Les conventions entre époux désunis, JCP 1982, I, 3055, n°51. 285 CA Toulouse, 23 février 2010, n° RG : 08/03353, Dr. famille 2010, comm. 134, pour une décision annulant l’ordonnance de non-conciliation rendue dans un divorce pour acceptation du principe de la rupture, alors qu’un des membres du couple était sous curatelle. 286 I. Barriere-Brousse, La vie de couple du majeur protégé, RLDC 2011, 83 : « le« divorce tout compris » suscite des réserves à l’égard du consentement global que pourrait donner un époux placé sous un régime de 61 le consentement des incapables majeurs serait assuré. Cependant, il n’empêche qu’au cours de la procédure, divers accords et conventions peuvent être conclus, et nécessite ainsi une protection accrue. Tout d’abord, nous pouvons remarquer que le législateur autorise les partenaires sous tutelle ou curatelle à rompre leur union, d’un commun accord, sans être assisté ni représenté par les organes légaux de protection287. En effet, il s’agit d’un acte entrant dans la catégorie des actes personnels, touchant à l’intimité du majeur, et qui par conséquent, ne peuvent pas être effectués par une autre personne que le concerné lui-même. Or pourtant, avant la loi du 5 mars 2007, l’article 506-1 du Code civil prévoyait que le majeur pacsé placé sous tutelle pouvait rompre son PACS par consentement mutuel par l’intermédiaire de « son tuteur autorisé par le conseil de famille » ou à défaut « le juge des tutelles ». En vertu du parallélisme des formes, le partenaire incapable devrait être assisté par son curateur ou son tuteur au moment de la rupture, là où ses intérêts risquent d’être malmenés. Si la décision de rupture est évidemment un acte personnel, la liquidation ne doit pas être laissée aux seules mains du majeur protégé. D’ailleurs la loi288 exige l’intervention des organes légaux de protection pour procéder aux opérations de liquidation. Monsieur Xavier LABBEE s’interroge si « le juge des tutelles [sera] informé de la rupture conventionnelle ? Et quand ? »289, puisque les organes légaux de protection, risquent « d’arriver trop tard »290. D’où la nécessité d’instaurer un cadre de la rupture, s’agissant des couples non mariés. La loi ne prévoit expressément aucune impossibilité, pour les majeurs protégés en couple de conclure des conventions réglant les conséquences patrimoniales et extrapatrimoniales de la rupture. Madame Valérie DOUMENG considère que la limite peut résider dans l’incompatibilité « avec l’interdiction faite au majeur en tutelle ou en curatelle, d’accéder aux divorces gracieux et semi-gracieux »291 ou encore, « lorsque lors de la procédure de divorce ou de la résolution du pacte civil de solidarité, l’intéressé demeure passif »292. Elle relève que dans le cas du majeur sous curatelle, il serait paradoxal de lui protection, même s’il est assisté ou représenté, et ce d’autant plus que le contrôle exercé par le juge aux affaires familiales s’étiole de plus en plus ». 287 Articles 461 alinéa 3, et 462 alinéa 4 du Code civil 288 Article 461 al.4 du Code civil pour l’assistance par le curateur, et article 462 al.7 pour la représentation par le tuteur. 289 X.Labbée, Le droit commun du couple, PU du Septentrion, 2010, p.162. 290 Ibid. 291 V.Doumeng, Contractualisation de la rupture de l’union du majeur protégé, RRJ-2009, Droit Prospectif, PUAM Tome I, p.125 292 Ibid. 62 permettre d’exercer une action en divorce ou de défendre à une telle action avec l’assistance de son curateur, et de lui interdire de conclure les conventions relatives aux conséquences du divorce. Madame Isabelle BARRIERE-BROUSSE estime également qu’en « l’état d’une pathologie moins grave, la personne protégée doit pouvoir, en fonction de son état, prendre part à la procédure »293. Sa protection est doublement assurée, à la fois par l’assistance du curateur, et le contrôle du juge en vue de l’homologation. Le majeur protégé lors de la rupture d’un PACS ou d’un concubinage, sera assisté selon les modalités classiques de protection, s’agissant des conventions patrimoniales. En revanche, en l’absence de précisions concernant le cas du divorce d’un majeur protégé 294 pour la conclusion de ces conventions, les organes légaux de protection doivent intervenir. Madame Valérie DOUMENG relève que lorsque le juge accepte d’homologuer ces conventions, « le contrôle judiciaire s’exerce alors sur la régularité de la répartition des pouvoirs, lors de la conclusion de la convention, entre le majeur protégé et les organes légaux de protection »295. Certains actes nécessitent un consentement strictement personnel ; et plus spécifiquement, les actes relatifs à l’autorité parentale296, ou encore la convention sur le nom297. Le majeur protégé intervient seul à la convention réglant les modalités d’exercice de l’autorité parentale. Le contrôle du JAF s’avère particulièrement important, et doit porter non seulement sur la préservation de l’intérêt de l’enfant, mais également sur le consentement du majeur protégé et la lucidité du majeur protégé. En cas d’insuffisance, il reviendra au JAF de prendre seul la décision. Si certains auteurs298 plaident pour une ouverture des divorces gracieux ou semigracieux aux majeurs protégés, celle-ci nous semble impossible tant que le contrôle du juge n’est pas renforcé en ce domaine. L’intervention des organes légaux de protection, pour la conclusion d’actes juridiques patrimoniaux semble également indispensable. En revanche, il est nécessaire de laisser un certain pouvoir de décision s’agissant des actes strictement 293 I. Barriere-Brousse, La vie de couple du majeur protégé, RLDC 2011, 83 L’article 249-3 du Code civil exige la mise en place d’un régime de tutelle ou de curatelle pour que la demande en divorce soit examinée. Si le majeur se trouve sous sauvegarde de justice, sa demande ne pourra pas être examinée. 295 V.Doumeng, op.,cit, p.131 296 Article 458 du Code civil. 297 V.Doumeng, op.,cit, p.133 « cet acte peut être classé dans la catégorie de ceux de nature strictement personnelle ne donnant jamais lieu à assistance ou représentation » 298 V.par exemple I. Barriere-Brousse, La vie de couple du majeur protégé, RLDC 2011, 83 294 63 personnels, en fonction de la lucidité des majeurs protégés. En effet, comme le remarque Madame Cécile LAZARUS, « la spécificité des actes juridiques extrapatrimoniaux rendra parfois très difficile la protection de l’incapable contre lui-même dès lors que leur mise en œuvre supposera le plus souvent sa participation »299. Or « instituer l’incapacité en ce domaine c’est en quelque sorte déposséder la personne d’elle-même »300. On ne peut donc se passer en toute hypothèse du consentement du majeur protégé tant à la rupture que sur les conséquences de celle-ci. La contractualisation de leur rupture, n’est pas le moyen le plus protecteur de leurs intérêts, la présence du juge est indispensable, ainsi que celles des organes légaux de protection301. §2 : Une inefficacité de la sanction Les sanctions des irrégularités dans la formation ou dans l’exécution de la convention apparaissent inapplicables en matière familiale, et révèlent un réel danger que produirait la substitution d’un contentieux contractuel au contentieux familial (A). Cependant, il est une sanction dont l’approfondissement pourrait être bénéfique en ce domaine : il s’agit de la loyauté contractuelle (B.). A. Des sanctions inadaptées: le danger de la substitution d’un contentieux contractuel au contentieux familial La vertu principale des conventions est le consensualisme, c'est-à-dire la formation par le seul échange des consentements. L’absence de contrôle juridique a priori, confère une grande liberté aux parties. Le contrôle intervient par conséquent a posteriori, les parties se tournant vers le juge dès lors qu’une difficulté se fait jour, soit au niveau de la formation de la convention, soit au niveau de son exécution. S’agissant des conditions de validité302 de la convention, la nullité n’est pas automatique303. Une action doit être exercée. Les parties ne sont donc pas amenées à s’autolimiter préventivement. Or en matière de séparation de couples, les intérêts en jeu ne sauraient être sacrifiés en étant irrémédiablement atteints. On ne peut admettre qu’une convention de séparation puisse subsister, sachant que l’un des consentements est vicié. De surcroît, la nullité a un effet rétroactif ; et il sera la plupart du 299 C.Lazarus, Les actes juridiques extrapatrimoniaux, Thèse, PUAM, 2009, p.267, n°279. C.Lazarus, op.,cit, Thèse, PUAM, 2009, p.266, n°279. 301 Avec la précision, que ces organes seront des subrogés-tuteur ou subrogés-curateur, dès lors que le tuteur ou le curateur est en temps normal l’époux, le partenaire ou le concubin du majeur protégé. (Ils seront systématiquement placés en opposition d’intérêts). 302 Article 1108 du Code civil 303 Article 1117 du Code civil 300 64 temps inopportun et complexe, de remettre les parties dans l’état antérieur à la convention, et de porter atteinte aux droits des tiers. S’agissant de l’exécution des conventions, l’article 1134 alinéa 3 du Code civil précise qu’elle doit être « de bonne foi ». L’inexécution de ce devoir entraînera la condamnation à des dommages et intérêts. Or il apparaît que cette sanction est inappropriée en matière de conventions familiales. En effet, il ne sera pas toujours aisé d’évaluer le montant des dommages et intérêts concernant l’inexécution portant sur un domaine extrapatrimonial. Egalement, la sanction intervenant a posteriori, le dommage causé par la mauvaise foi peut s’avérer irréversible. C’est l’atteinte à l’ordre juridique, qui justifie donc l’intervention du juge. Dans le même sens, l’exécution forcée en nature de la convention, déduite de l’article 1134 alinéa 1 du Code civil par la doctrine, et érigée en véritable principe304, sera difficilement applicable en ce domaine, touchant à la liberté individuelle. On ne peut faire totalement abstraction du lien affectif unissant les parties (ce qui constitue une grande différence par rapport au contrat de droit commun). De même, la sanction de l’exception d’inexécution sera particulièrement inopportune ici : par exemple, l’un des parents refuse de confier l’enfant à l’autre parent alors que celui-ci bénéficie d’un droit de visite et d’hébergement, sous prétexte qu’il n’a pas payé la pension alimentaire305. Cette sanction est irrecevable, dans la mesure où l’intérêt de l’enfant est en jeu. Les Professeurs NEIRINCK et BRUGGEMAN remarquent également que « la résiliation de la convention est une solution inadaptée, car elle conduirait à la rupture des relations entre les deux parents. Or dans notre domaine, le « vide » est exclu ! »306. L’inexécution de l’accord rend celui-ci caduque. Il est par conséquent indispensable qu’une décision judiciaire supplée à ce vide. On peut mesurer ainsi le danger que constituerait une contractualisation à terme : une substitution du contentieux contractuel en matière familiale. Surtout, l’inadaptation ressort du fait que ces sanctions aient été conçues en référence à des obligations par définition synallagmatiques. Or, en droit de la famille, il est difficile 304 En ce sens, v.N.Molfessis, Force obligatoire et exécution : un droit à l’exécution en nature ?, RDC 2005, p.4, G.Viney, Exécution de l’obligation, faculté de remplacement et réparation en nature en droit français, in Les sanctions de l’inexécution des obligations contractuelles : Etudes de droit comparé », Bruylant, 2001, P.Catala (dir.), Avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription, La Documentation française, 2006, 208, article 1154 et F.Terré (dir.), Projet de réforme du droit des contrats, Dalloz, coll. Thèmes & commentaires, 2008 article 97. 305 C.Neirinck et M.Bruggeman, Les aménagements consensuels que les couples appliquent à leur rupture sontils d’essence contractuelle ? Les cahiers de droit, vol.49 n°4, 2008, p.567. 306 ibidem 65 d’identifier des obligations d’une telle nature, et des rapports créanciers débiteurs. Certaines de ces obligations « ont ainsi la particularité d’être accessoires à un devoir légal et d’être identiques pour les deux parties »307 Aussi, afin d’éviter cette assimilation néfaste, l’insertion par les parties de clauses pénales, de clauses limitatives de responsabilités dans leurs conventions de séparation est rejetée308. Madame Dominique FENOUILLET précise concernant le PACS : « la nature statutaire du pacte ne permet pas davantage de recevoir les sanctions propres aux contrats synallagmatiques (exception d’inexécution, résolution judiciaire, théorie des risques) ou les clauses relatives à l’inexécution (clauses relatives à la responsabilité, clause pénale, clause résolutoire, clause de dédit, etc). »309. B. Le développement opportun de la sanction de la déloyauté contractuelle. Le principe de loyauté qui s’affirme depuis peu en droit des contrats, peut trouver ici un certain écho. L’affirmation d’un tel devoir par la reconnaissance de sanctions (2.) semble adéquate. En effet, on peut espérer que la mise en place d’un tel devoir permette des négociations équilibrées (1.). 1. La mise en place d’un devoir de loyauté dans la négociation Le devoir de loyauté, est un devoir consacré en droit des obligations entre contractants, et défendu par le courant du solidarisme contractuel310. L’exigence de coopération, de collaboration tend également à se développer. Ces devoirs se rattachent eux-mêmes au devoir de bonne foi. Ce sont des moyens pour faire « pénétrer la morale dans un droit positif emprunt de libéralisme, afin de corriger les excès auxquels conduit le libre jeu des volontés individuelles »311. Pour tempérer les excès de la liberté contractuelle, et veiller à ce que les négociations se déroulent de manière honnête, l’affirmation d’un devoir de loyauté contractuelle est toute à fait opportune. Or dans le cadre du divorce et de la séparation de corps, cette loyauté 307 M.Rebourg, Les conventions homologuées en matière d’autorité parentale et de contribution à l’entretien de l’enfant, Dr Fam, n°7, 2004, étude 17, n°22 308 F.Dekeuwer-Défossez, La contractualisation de la famille : entre leurre et instrumentalisation, in Approche critique de la contractualisation, dir.S.Chassagnard Pinet et D.Hiez, LGDJ, 2007, p.167 et s., et spéc.p.173. « les clauses relatives à la rupture, clause pénale ou clause limitative de responsabilités par exemple, seraient nulles, et de nul effet » 309 D.Fenouillet, Couple hors mariage et contrat, in Contractualisation du droit de la famille, dir. D.Fenouillet et P.de Vareilles-Sommières, Economica, 2001, p.115. 310 D.Mazeaud, Qui a peur du solidarisme contractuel ? D.2005, p.1828. 311 A.Tisserand-Martin, Devoir de loyauté et obligation d’information entre époux divorçant, Etudes offertes au Doyen Ph.Simler, Dalloz Lexis Nexis, 2006, p.207. 66 contractuelle est sous-tendue par une loyauté procédurale312. Elle est donc assurée tout au long de la formation des conventions. Elle est la marque de la « procéduralisation du contrat »313, complément nécessaire de la contractualisation. Aussi, la sanction des circonstances de la rupture sur le fondement de la responsabilité civile de l’article 1382 du Code civil traduit l’existence d’une « obligation de loyauté au sein des couples non mariés »314. Leur convention de rupture est donc soumise au respect de ce devoir, qui manifeste l’attente légitime d’un certain comportement de la part de l’autre partie. Il appartient au législateur et à la jurisprudence de créer les conditions de la loyauté. Ainsi, Madame TISSERAND-MARTIN démontre que ces derniers œuvrent à la reconnaissance « d’un devoir de renseignement ou d’une obligation d’information entre époux divorçant »315. C’est l’objet, par exemple, de la proposition de règlement introductive d’instance316 dans le divorce. Elle n’a aucune force obligatoire, mais constitue un premier pas vers l’entente et permet de souligner les désaccords. 2. La sanction particulière de la déloyauté Ce devoir est sanctionné d’une part à travers les conditions de validité de la convention. D’autre part, il est sanctionné à travers le comportement des contractants, par le prisme de la bonne foi, et la sanction de l’utilisation des prérogatives contractuelles317. Ainsi, le juge peut sanctionner la déloyauté d’une partie à la convention, sur le fondement de l’article 1134 alinéa 3 du Code civil. Selon ce même auteur, « la sanction de tels manquements au devoir de loyauté entre époux divorçant doit être recherchée dans l’admission des voies de recours propres à permettre au juge de revenir sur sa décision »318, c'est-à-dire le recours en révision. Ce recours est en effet tout à fait adapté à la situation, seulement, l’indivisibilité de la convention et du jugement d’homologation peut y faire obstacle. La répression des comportements frauduleux, et la protection des parties et des tiers commandent cependant 312 Cass Civ 1ère, 7 juin 2005 Bull. civ. I, n°141: affirmation de l’existence d’un principe directeur de loyauté (le juge, est tenu de respecter et de faire respecter un principe de loyauté des débats). 313 M.Mekki, L’intérêt général et le contrat, Contribution à une étude de la hiérarchie des intérêts en droit privé, Thèse, LGDJ, 2004, p.811, n°1270 314 M.Lamarche et J-C Saint-Pau, Les effets personnels, in Différenciation ou convergence des statuts juridiques du couple marié et du couple non marié ? (dir. J.Hauser et J-L. Renchon), p.377. 315 A.Tisserand-Martin, Devoir de loyauté et obligation d’information entre époux divorçant, Etudes offertes au Doyen Ph.Simler, Dalloz Lexis Nexis, 2006, p.208. 316 Article 257-2 du Code civil et article 1115 du code de procédure civile. 317 Cass.Com, 10 juillet 2007 n° 06-14768, FS, P+B+R+I : JCP G 2007, II 10154 : «Si la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de sanctionner l'usage déloyal d'une prérogative contractuelle, elle ne l'autorise pas à porter atteinte à la substance des droits et obligations légalement convenus entre les parties» 318 A.Tisserand-Martin, op.cit, p.215. 67 d’admettre ce recours en révision. Madame Alice TISSERAND-MARTIN plaide également pour l’instauration de la peine privée qu’est le recel de communauté319, afin que soit respectée l’obligation d’information. Moins contraignante que la nullité, elle prive seulement le receleur de sa part dans les biens recelés. C’est une sanction juste et encourageant à davantage de loyauté. Il est en effet regrettable que cette sanction soit exclue des indivisions conventionnelles, dans la mesure où elle constituerait une protection effective des liquidations des couples non mariés. Si la protection de l’institution matrimoniale est une raison de l’établissement d’un contrôle judiciaire des conventions, elle n’est pas la seule. La lutte contre les abus d’un règlement purement conventionnel des conséquences du divorce justifie également ce contrôle judiciaire. Or ce risque d’abus est susceptible de se retrouver dans toutes les formes de couples, avec une disparité au niveau de la protection des parties. Dès lors qu’il n’existe aucun contrôle judiciaire sur les conventions de séparation des couples, plus que jamais il est impératif de resserrer les systèmes de protection propres au droit commun du contrat. La loyauté est certainement gage de stabilité des accords et conventions320. Section 2 : Un arbitrage des intérêts à assurer La constatation de l’inégalité des membres du couple dans la négociation, l’intervention d’un tiers-arbitre supervisant la négociation peut constituer un remède (§1), et assurer ainsi efficacement la protection d’intérêts consacrés légalement. Egalement, la nécessité d’une adaptation constante des intérêts au changement suppose de laisser ouverte la possibilité d’une révision, ce qui marque une fois de plus la dérogation par rapport au droit commun (§2). 319 A.Tisserand-Martin, op.cit, p.221. On ne peut qu’accueillir l’article 1477 du Code civil sanctionnant le recel des dettes communes. 320 M.Mekki, op.cit, p.811, n°1270: « elle instaure ainsi une certaine sécurité au stade des pourparlers et garantit une certaine pérennité du lien contractuel par une plus grande flexibilité au stade de l’exécution du contrat. Elle s’impose, ensuite, comme un contrepoids indispensable à l’unilatéralisme croissant dans les contrats » 68 §1 : L’intervention nécessaire d’un tiers-arbitre L’introduction dans le droit commun des contrats de correctifs démontre les risques de lésion des intérêts (A.). La supervision des accords et conventions par un tiers-arbitre (B.) apparaît comme un moyen de prévenir ces atteintes. A. Des outils consensuels lacunaires quant à la protection des intérêts Il a largement été démontré par le passé, que le contrat pouvait être un instrument de domination d’une partie sur l’autre. En aucun cas, on ne peut présumer de l’égalité des parties au moment de sa conclusion, ni de l’ajustement des intérêts par la négociation. Pour les couples en phase de divorce, il peut même être un outil de pression assez redoutable dans la mesure où l’une des parties peut décider de faire payer le prix de sa liberté à l’autre. Ce n’est pas sans raisons, qu’ont été introduites en droit de la consommation des dispositions très protectrices du consommateur (par exemple, le régime des clauses abusives321, ou encore la mise en place de délais de rétractation). Or, il est quasiment impossible dans le droit de la séparation, de remettre en cause ces conventions (et tout particulièrement, la convention de divorce par consentement mutuel). « Le besoin de ne pas laisser la solution se réguler par le seul rapport de force entre les parties impose la présence de ce tiers neutre qu'est le juge et dont le rôle ne saurait se limiter à être celui d'une chambre d'enregistrement »322. Les parties sont seules juges de leurs intérêts, et particulièrement les membres des couples non mariés, dont l’ensemble des aspects de la séparation doivent être régis au moyen de conventions. Dans la mesure où aucun regard n’est porté sur leurs accords, sur leur équilibre, leur équité, la protection du membre le plus faible est très réduite. Une protection peut résulter du formalisme imposé pour certains actes : par exemple lorsqu’il s’agit de régler le sort des biens soumis à publicité foncière. On peut espérer que le passage devant le notaire permette d’éviter certains abus. Ainsi, Monsieur Jean HAUSER énonce qu’ « au même moment où l’on doutait de la valeur du consentement, dans sa fonction traditionnelle au cœur des conventions, où l’on insistait sur l’inégalité des parties, sur le rôle du droit, sur l’utile et le juste comme fondement de la force obligatoire du contrat, on l’introduisait sans trop de précautions en droit familial tout ébloui par l’ivresse d’une liberté retrouvée. Mais ici, plus qu’ailleurs encore, c’est 321 L.132-1 du code de la consommation. P.Murat, La méfiance des juges face aux accords attribuant exclusivement à un des parents l'exercice de l'autorité parentale, Dr. Fam. n° 5, Mai 2005, comm. 101. 322 69 probablement la liberté qui opprime et la loi qui libère…»323. Il s’agit de rétablir l’égalité dans la négociation afin de contrer les risques de domination. Toutefois, il s’agit bien d’un risque. Lorsque les parties sont de bonne foi, et « bien intentionnées », l’accord constitue un outil tout à fait satisfaisant. Le fait est, qu’en droit de la famille, au regard des intérêts en jeu au moment de la situation, ce risque doit être minimisé. B. Une supervision du tiers nécessaire « Qui dit contractuel, dit juge », selon Mustapha MEKKI, détournant la célèbre formule de FOUILLEE « Qui dit contractuel, dit juste ». En effet, pour cet auteur, les accords ne permettent pas à la famille de constituer un ordre juridique suffisamment stable. A cet effet, il préconise la présence d’un tiers « pour assurer la régulation de ces intérêts de manière préventive ou curative »324. Si elle peut-être pacifique, la séparation traduit néanmoins une divergence d’intérêts. Or, l’Etat, la société, ne peuvent se désintéresser de la famille, et abandonner la protection de ses membres au moment crucial de sa dislocation. « Le contrôle judiciaire doit ici être maintenu toutes les fois qu’il s’agit d’une modification qui affecte l’existence même de l’état »325. Pour Madame Cécile LAZARUS, «la disparition du contrôle judiciaire découlant de sa contractualisation risque, en outre, de laisser se développer un mercantilisme inadmissible en la matière »326. Certains intérêts ne peuvent être lésés, car leur protection est consacrée par la loi : l’intérêt de l’enfant, l’intérêt de famille. Si le droit reconnaît une certaine autonomie aux membres du couple dans leur détermination, il doit s’assurer que l’égalité dans cette détermination est maintenue, et conforme aux prescriptions légales. Il ne faut pas perdre de vue que les rapports de force sont exacerbés à la rupture. Le regard d’un tiers-arbitre, assure une certaine autolimitation des parties dans leur pouvoir, ainsi qu’une transparence et la mémoire des accords ainsi conclus. Une stabilité de ces promesses, et par conséquent une certaine sécurité du plus faible se trouveraient renforcées. « En bout de 323 J.Hauser, La situation du contentieux familial en droit et en fait en France, in Familles et justice : justice civile et évolution du contentieux familial en droit comparé, Bruylant, 1997, p.101 324 M.Mekki, L’intérêt général et le contrat, Contribution à une étude de la hiérarchie des intérêts en droit privé, Thèse, LGDJ, 2004, p.147, n°208 325 C.Labrusse-Riou, Le juge et la loi : de leurs rôles respectifs à propos du droit des personnes et de la famille, in Etudes offertes à René Rodière, Dalloz, 1981, p.174 326 C.Lazarus, Les actes juridiques extrapatrimoniaux, Thèse, PUAM, 2009, p.300, n°302 70 course, il faut un tiers pour regarder le résultat de cette négociation, pour lui donner toute sa valeur »327 D’autre autre côté, il est des accords de séparation, dans lesquels la loi commande au juge de ne pas s’immiscer, ou seulement en dernier recours. Le droit souhaite que la solution émane des membres du couple. C’est le cas par exemple des accords ayant trait aux choix de l’établissement scolaire d’un enfant, à sa religion328. En cela, il est impératif que soient assurées les conditions d’une négociation équilibrée. « En utilisant une mesure d'injonction, le juge aux affaires familiales n'ordonne pas un accord forcé, il signifie aux parties qu'il est nécessaire de tenter la reprise d'un dialogue, de comprendre que la justice ne peut pas se substituer à elles dans la nécessaire prise de conscience de leur responsabilité commune dans la séparation, et de l'exercice de leur responsabilité de parents, à qui incombe en premier lieu, d'organiser la vie de leurs enfants dans le cadre de la séparation »329. Le recours à la médiation familiale, ou plus largement, aux modes alternatifs de règlement des litiges assurent une protection des intérêts en ce qu’un tiers neutre apporte de l’objectivité et de la lucidité sur leur situation. La supervision d’un tiers qui n’est pas forcément un juge, permet de concevoir un équilibre des intérêts, y compris dans les accords appartenant au non-droit. De plus, pour Madame Nathalie FRICERO, cette étape peut être un préalable « avant de trouver une solution juridique pérenne »330. Cette intervention n’est pas un frein à la conventionnalisation, mais permet au contraire d’en assurer le bon fonctionnement. Enfin, cette supervision peut être un remède, face à l’injustice des couples non mariés à leur rupture : « renvoyer les partenaires à la volonté de l’un ou des deux, c’est institutionnaliser la violence comme mode de règlement des conflits de couple »331. Comme le remarque justement Monsieur Xavier LABBEE, en pratique, la liquidation des intérêts patrimoniaux des couples non mariés est surtout basée sur le principe du « c'est le premier qui se sert qui gagne… »332. Il appartient bien au droit de « s’assurer que l’exercice du droit de rompre par l’un ne donne pas lieu à de graves iniquités au détriment de l’autre »333. Les 327 J.Casey, Procédure de divorce et liquidation du régime matrimonial, Dr.Fam 2008, études 7 N.Nefussy-Venta, Convictions religieuses et ruptures familiales, AJ Fam 2011, p.39 329 M. Juston, L'intérêt de la médiation familiale pour l'enfant, Dr.Fam 2008, étude 10, n°14. 330 N.Fricéro, A nouvelles familles, nouvelle justice…, AJ Fam 2008, p.316 331 D.Fenouillet, Couple hors mariage et contrat, in Contractualisation du droit de la famille, (dir. D.Fenouillet et P.de Vareilles-Sommières), Economica, 2001, p. 98 332 X.Labbée, Pacs : l’injustice de la dissolution conventionnelle, JCP G n°1, 2012 333 D.Vich-Y-Llado, La désunion libre, L’Harmattan, 2001, p.35 328 71 membres du couple eux-mêmes recherchent cette protection du droit, quitte à simuler un litige, à passer par la voie d’un jugement d’expédient. En effet, dans ce cas, leur accord sera doté de la même force exécutoire qu’une décision de justice, et présente ainsi des garanties pour les parties. Cependant, il faut combattre ce détournement des procédures, la distorsion des concepts. Dans la pratique, les notaires font face à une demande des couples de concubins et de partenaires souhaitant officialiser, authentifier leurs accords de séparation. Ils se tournent vers ce professionnel proche et accessible, pour obtenir des preuves de leur accord, des garanties d’exécution non seulement pour eux, mais aussi pour les organismes financiers concernés par les conséquences de cette rupture. Les notaires rédigent alors des attestations334. Il n’est toutefois pas question d’ordonner le recours au juge dans toutes les hypothèses d’accords et de conventions de séparation des couples. En effet, ce serait contre-productif, dans la mesure où l’on perdrait l’avantage de la souplesse. De plus, toutes les questions que pose la séparation ne sont pas nécessairement juridiques, et le juge se révèlerait bien incompétent pour exercer son contrôle, surtout si l’existence de ces accords ne lui est pas révélée. Ces espaces de liberté doivent subsister, une surprotection des membres du couple n’aurait pas de sens. La séparation de fait est révélatrice de ce refus de recourir au juge. De plus, cette séparation laissant subsister tous les droits et devoirs des époux et des partenaires, il est aisé de dénoncer, d’annuler, toutes les conventions contraires afin de « rétablir » leurs intérêts. La multiplication des acteurs n’est également pas une voie à envisager, entre les parties, le juge, les médiateurs, les conciliateurs, les experts, les notaires, les avocats ; le processus décisionnel se trouve divisé, et le risque d’un manque de cohérence croît. §2 : Une adaptation constante des intérêts au changement Le rejet de la révision pour imprévision en droit commun des contrats est bien connu, et constant. Alors que les projets de réforme du droit des contrats335 visent à l’intégrer, la révision des conventions de séparation est salutaire. La gradation dans les accords et conventions permet de résoudre un paradoxe : le besoin simultané de stabilité et de flexibilité. 334 Selon un entretien avec Maître Selles, notaire à Lescar, le 27 avril 2012. P.Catala (dir.), Avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription, La Documentation française, 2006, 208 ; F.Terré (dir.), Projet de réforme du droit des contrats, Dalloz, coll. Thèmes & commentaires, 2008. . 335 72 Si une faculté de révision est expressément octroyée aux couples concernant des hypothèses restreintes, afin qu’elles ajustent leurs intérêts au changement (A), la question se pose d’une extension de cette faculté à toutes les conventions (B). A. Une faculté de révision octroyée aux membres du couple La protection des intérêts des couples séparés doit être constante, dès lors que les vestiges de leur union passée perdurent. C’est le cas notamment des conventions ayant trait à l’autorité parentale, à la prestation compensatoire (surtout sous forme de rente ou mixte), à la pension alimentaire, au nom de l’époux, aux indivisions, au remboursement d’un prêt commun…mais également des décisions gracieuses : dans ce dernier cas la révision de la décision interviendra dès lors que les circonstances ont changé (dans la mesure où ces jugements n’ont pas autorité de la chose jugée). Ce sera donc le cas des mesures provisoires : l’article 1118 du Code de procédure civile dispose qu’« en cas de survenance d'un fait nouveau, le juge peut, jusqu'au dessaisissement de la juridiction, supprimer, modifier ou compléter les mesures provisoires qu'il a prescrites». Alors que la possibilité d’une révision est continue et informelle dans les accords, compte tenu de leur force obligatoire atténuée, il est apparu fondamental au législateur de maintenir cette faculté dans les conventions juridiquement consacrées. Ainsi la révision est facilitée dans les conventions relatives à l’autorité parentale (1.) et à la prestation compensatoire (2.). 1. La révision facilitée des conventions relatives à l’autorité parentale La «survie du couple parental malgré la dissolution du couple conjugal »336, conduit aux membres du couple à inscrire leurs accords et conventions dans la durée. Or, l’intérêt de l’enfant est une notion variant au cours du temps. En effet, dès lors que l’enfant grandit ou que la situation des parents se modifie (remariage, déménagement, perte d’emploi…), les modalités de l’exercice de l’autorité parentale peuvent nécessiter une adaptation. Un régime de révision particulier est prévu par le législateur. Leur régime spécifique se justifie non seulement en raison de leur objet : des droits et des devoirs légaux, issus de l’établissement du lien de filiation. Mais également en raison du 336 I.Théry, Le démariage, O.Jacob, 1998, p. 293 ; F.Dekeuwer-Défossez, Réflexions sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille, RTD Civ 1995, p.249 73 fait que ces conventions puissent être prises à tout moment lors de la vie de couple (elle est accessibles aux couples non mariés et n’est donc pas spécifique au divorce). Selon l’article 373-2-13 du Code civil, « les dispositions contenues dans la convention homologuée ainsi que les décisions relatives à l'exercice de l'autorité parentale peuvent être modifiées ou complétées à tout moment par le juge, à la demande des ou d'un parent ou du ministère public, qui peut lui-même être saisi par un tiers, parent ou non ». L’intérêt de l’enfant commande donc que la convention puisse être révisée à tout moment. Il suffira aux parents de saisir le juge et de présenter une nouvelle convention à homologation. Néanmoins, au regard de l’autorité de la chose jugée, cette révision exige un changement dans les circonstances. Le déménagement d’un des parents peut ainsi justifier une adaptation. La révision de la convention est facilitée, puisque contrairement au pacte de famille de l’article 376-1, elle n’est pas subordonnée à l’existence de motifs graves. Certes, l’exigence de motifs graves stabilise davantage le pacte de famille, mais rend sa révision plus difficile dans la mesure où l’appréciation de la gravité des motifs est soumise à l’arbitraire du juge. Afin d’instaurer une certaine cohérence, et de sauvegarder au mieux l’intérêt de l’enfant, il serait nécessaire de supprimer la référence aux motifs graves. Dans les faits, les parents peuvent d’un commun accord modifier la pratique instaurée par la convention, des ajustements sont toujours opportuns. 2. La révision conditionnée des conventions sur la prestation compensatoire « La prestation compensatoire, c’est l’introduction de la théorie de l’imprévision dans le droit du mariage »337 considèrent les Professeurs HAUSER et HUET-WEILLER. S’agissant de la prestation compensatoire, effet propre à la rupture du mariage, il existe plusieurs moyens de la réviser : elle peut-être conventionnelle, si les parties ont inséré une clause de révision (article 279 alinéa 3 du Code civil) ou judiciaire (article 276-3 du Code civil), lorsque la prestation est fixée sous forme de rente. La révision, dans l’un ou l’autre cas est subordonnée à la preuve d’un « changement important dans les ressources ou les besoins de l'une ou l'autre des parties ». Les parties soumettent une nouvelle convention à homologation dès lors qu’elles s’entendent sur les nouvelles modalités ; la révision est dans ces cas subordonnée à leur entente. Par 337 J.Hauser et D. Huet-Weiller, Traité de droit civil, La famille, Dissolution de la famille, L.G.D.J., 1991, p. 387, n°446. 74 l’insertion d’une clause de révision, les parties s’en remettent au juge afin qu’il révise leur prestation ; le pouvoir d’initiative de la révision est unilatéral. Dans un arrêt du 8 février 2005338, de la première chambre civile, la Cour de Cassation refuse à l’ex-épouse de revenir sur son accord portant sur la prestation compensatoire, conclu après divorce, sur le fondement de l’article 1134 du Code civil. Les faits étaient les suivants : un jugement prononce, en 1982, le divorce sur requête conjointe et homologue la convention de divorce des époux prévoyant le versement par le mari d’une prestation compensatoire sous forme de rente viagère. En 1989, les ex-époux prévoient un nouvel accord réduisant le montant de la prestation en raison du licenciement du mari. Ils sont autorisés à transiger sur le montant de la prestation compensatoire, une fois son principe admis (la prestation compensatoire n’est pas d’ordre public). L’ex-épouse met en œuvre une procédure de paiement direct, en réfutant son accord, pour recouvrer l’intégralité des sommes dues en vertu de la convention homologuée. Or la Cour de Cassation considère, que par le nouvel accord, l’ex-épouse a valablement renoncé à une partie de la prestation compensatoire : dès lors, cet accord a force de loi entre les parties. Il faut ici remarquer la force de l’accord des parties ; pour produire effet, la convention modificative doit être soumise à homologation selon l’alinéa 2 de l’article 279 du Code civil. Or un arrêt tout juste antérieur, de cette même première chambre civile339 affirmait la nécessité pour les ex-époux de respecter le formalisme légal. Ainsi, l’accord ayant été conclu sur le fondement de l’article 1134 du Code civil, le juge ne peut donc le réviser. Les époux auraient dû respecter le formalisme légal pour bénéficier des dispositions protectrices de leurs intérêts. B. L’hypothèse d’une extension de la révision Dans les cas où la révision n’est pas prévue légalement, les parties peuvent-elles prévoir cette faculté ? Afin de se prémunir contre la dépréciation de ses intérêts pécuniaires, ou contre la réalisation d’un événement imprévu, les parties peuvent souhaiter l’introduction d’une faculté de révision. Il est important de prévoir cette faculté au moment de l’accord, au cas où l’un des membres du couple change d’avis au moment de la réalisation de l’événement. Ainsi, cette hypothèse peut se rencontrer plus particulièrement au sein des couples non mariés, dont le règlement de la séparation passe pour partie par la conclusion de contrats de droit commun. Il est admis en droit commun, que les parties peuvent insérer des clauses d’indexation ou de 338 339 Cass.civ 1ère 8 février 2005, n° 03-17.923 (F-P+B) : Cass.civ 1ère 11 janvier 2005, n° 02-14490 75 sauvegarde (dites de « hardship »), afin de se réserver la faculté de réviser le contrat, sans intervention du juge. Or, ces clauses intervenant en matière économique, la question se pose de savoir si elles peuvent être introduites en droit de la famille ? S’agissant de la clause d’indexation, elle comporterait un intérêt par les parties dans la mesure où ils pourraient indexer le montant de la dette de l’un sur son salaire, tenant ainsi compte des hypothèses de licenciement. Or l’ordonnance n°59-246 prohibe les indexations fondées sur le niveau des salaires. De plus cette clause risquerait d’être annulée par le juge dès lors qu’il n’y a pas de lien direct entre la nature de l’indice et l’objet de la convention340. Les clauses de sauvegarde en revanche permettent d’adapter le contrat en cours d’exécution aux événements imprévus. Ainsi, les parties doivent s’efforcer de s’entendre et de renégocier les conditions du contrat si l’événement se réalise. A priori, rien ne s’oppose à son insertion dans les conventions familiales (l’événement imprévu peut être de nature économique). Il faut noter que la convention de procédure participative vise pareillement à une obligation de négociation, de résolution à l’amiable du conflit avant de recourir au juge. Une seconde solution serait envisageable : le Professeur Claude LIENHARD propose de créer des « conventions définitives avec des clauses-tiroir indiquant que les accords ne sont pas définitifs et ouvrant voie à leur modification ultérieure »341. Cette proposition est intéressante, dans la mesure où sont clarifiés les aspects susceptibles de modifications, tout en octroyant une stabilité aux autres aspects de la convention. Mais il deviendra difficile de cerner le régime de cette convention, dont certains points bénéficieraient d’une pleine force obligatoire, et d’autres, d’une force obligatoire atténuée342. Une telle souplesse serait opportune, seulement, elle reste subordonnée à une entente constante des parties sur les points à modifier. Une supervision de ces négociations ultérieures serait peut être à considérer. Il apparaît que la protection des parties dans le règlement de leur séparation au moyen d’accords et de conventions, nécessite des perfectionnements. Or ces perfectionnements ne pouvant être apportés que par l’intervention d’un tiers, il convient de rejeter l’hypothèse d’une privatisation totale de la séparation des couples. 340 Cass.Com 4 mars 1964, Bull.Civ,.III, n°121 C.Lienhard, L’approche procédurale des ententes, AJ Fam 2004, p.214 342 M.Rebourg, Les conventions homologuées en matière d’autorité parentale et de contribution à l’entretien de l’enfant, Dr Fam, n°7, 2004, étude 17, n°31 : « leur force obligatoire est atténuée car suspendue à une demande en modification de l’une ou des deux parties 341 76 CHAPITRE II: Le rejet d’une privatisation complète de la séparation au moyen d’accords et de conventions Les critiques quant à l’excès de judiciarisation de la famille n’ont pas lieu d’être, dans la mesure où le droit doit apporter sa protection aux plus faibles ou compensant leur inexpérience. « Si le droit n'est pas l'armurier des innocents, à quoi sert-il ? »343 ? Madame Cécile LAZARUS considère qu’ « aussi imparfaite qu’elle soit, l’intervention du juge ne peut qu’être préférée à une démission pure et simple de l’Etat. Ce dernier ne saurait se désintéresser des couples qu’il institue »344. Or si le droit doit apporter son secours à tous les couples qu’il reconnaît, et que l’on peut à ce titre se demander si l’on tend vers l’élaboration d’un droit commun du couple de la séparation (Section 2), l’intervention du juge se trouve être modérée (Section 1). Section 1 : Une intervention modérée du juge Si l’on peut considérer « qu’il y a et qu’il y aura toujours inadaptation structurelle du judiciaire aux problèmes familiaux »345, la combinaison du conventionnel et du judiciaire permet un compromis satisfaisant. L’intervention du juge en cette matière est donc très particulière (§2), cernée à la fois par les accords et conventions des parties et par les prescriptions légales. Il agit par délégation du législateur tout en gardant « nécessairement une certaine liberté pour statuer au cas par cas »346. La conciliation des aspects privés et publics de la séparation entraîne également un effacement de l’ordre public au profit d’un ordre public de direction (§1). §1 : L’essor d’un ordre public de protection Si la séparation concerne avant tout les membres du couple, et est leur affaire, l’Etat et la société se trouvent également concernés (A). A ce titre, un ordre public subsiste. Mais il apparaît que cet ordre public est moins directif que protecteur des membres du couple, protection dont le juge est garant (B.). 343 J. Giraudoux, La guerre de Troie n'aura pas lieu, acte II, scène V. C.Lazarus, op.,cit, p.374, n°382 345 J.Hauser et D.Huet-Weiller, Traité de droit civil. La famille. Fondation et vie de la famille, LGDJ, 2ème éd.1993, p.113, n°115. 346 H.Croze, Les modalités d’intervention du juge, in Mariage et famille en question (dir.R.Nerson), éd.CNRS, 1979, p.201, n°72 344 77 A. La coloration publique de la séparation Même si la séparation des couples a été reconnue comme étant une affaire privée, elle n’est pas uniquement cela. S’y trouvent mêlés l’intérêt général, au travers du statut 347, et des dispositions d’ordre public, mais également les intérêts des tiers348, que ce soient ceux de la famille ou encore des créanciers. Le risque de fraude aux intérêts de ces derniers n’est pas à négliger, notamment si une solidarité est stipulée concernant les dettes ménagères 349 ou le remboursement de prêts. Monsieur Jean HAUSER attire l’attention sur ce fait : « le contentieux familial n’est pas qu’un affaire privée : il faut y refuser la privatisation sauvage…du droit privé »350. Monsieur Alain CHAPELLE affirme dans le même sens que « l’organisation des rapports de famille intéresse trop la société pour être abandonnée à la discrétion, à l’arbitraire ou à l’impulsion des intéressés »351. La famille est le lieu de formation des citoyens352, sa stabilité, sa fonction de diffusion des normes sociales doit continuellement être assurée. La séparation marquant sa destruction, il devient pressant de trouver un équilibre entre la dimension privée et la dimension publique de la famille. Les couples d’inscrivent dans des institutions organisées par l’Etat, et leur dissolution le concerne logiquement. Ainsi, l’étude par le Doyen CARBONNIER des conventions dans le couple aboutit à « cette découverte qu’il peut y avoir des contrats « sans loi », mais pas sans droit ni sans juges »353. Enfin, Madame Simone GABORIEAU confie qu’ « une telle « déjudiciarisation » massive, n'aurait, en tout état de cause, de sens démocratique que dans une société suffisamment mûre pour autogérer et réguler paisiblement et équitablement ses conflits sans recours au « tiers pouvoir » de la justice. Tel n'est pas le cas de la société française profondément inégalitaire et 347 Ph. Malaurie et H. Fulchiron, La famille, 2ème éd, Defrénois, n° 1483, p. 584 : à propos du mariage que les auteurs refusent de considérer comme « la chose des époux » 348 J.Dabin, Théorie générale du droit, Coll.Philosophie du droit, 1968« la communauté n’est jamais un tiers, au sens d’étranger même intéressé ; toujours elle est partie, en tant déjà que les parties en rapport sont membres de cette communauté même ». 349 Article 220 alinéa 1 du Code civil pour les couples mariés, et 515-4 al.2 du Code civil pour les partenaires pacsés. V. CA Nancy, 3ème ch. civ., 23 février 2004 : Juris-Data n° 2004-261723, note V.Larribau-Terneyre, Dr.Fam n°3, 2005, comm.47 « L'impossible « désolidarisation » des dettes ménagères par accord des époux » 350 J.Hauser, La situation du contentieux familial en droit et en fait en France, in Familles et justice : justice civile et évolution du contentieux familial en droit comparé, Bruylant, 1997, p.103 351 A.Chapelle, Pactes de famille en matière extrapatrimoniale, RTD civ 1984, p.417, n°8. 352 Intervention du Professeur Jean Hauser lors du colloque "Le législateur face aux questions de société" organisé le 18 février 2010. 353 J.Carbonnier, Flexible Droit. Pour une sociologie du droit sans rigueur, LGDJ, 10 éd., 2001, p.277. 78 où une part très importante de la population affronte des situations de pauvreté trop souvent irréversibles »354. B. Le maintien d’un ordre public minimal Notion incertaine, évolutive, contingente, l’ordre public exprime selon le Doyen CARBONNIER « le vouloir-vivre de la nation que menaceraient certaines initiatives individuelles en forme de contrat. (…) un mécanisme par lequel l’État réprime les conventions particulières qui porteraient atteinte à ses intérêts essentiels »355. Font partie de ses intérêts essentiels, l’indisponibilité de l’état des personnes, c'est-à-dire « l’ensemble des caractéristiques de la personne qui déterminent, selon la loi, certains effets de droit et définissent son statut juridique »356. Si le mariage confère un statut juridique, le PACS emprunte également cette voie357. Ainsi, le droit du divorce est un droit d’ordre public. Les époux ne peuvent en disposer de manière à déformer l’institution. L’obligation légale de recourir au juge marque la persistance de l’ordre public au niveau de la séparation des couples. Mais la faculté qui leur est octroyée de régler par elles-mêmes les conséquences de leur séparation et de faire produire (indirectement) effet à leur convention, est significative d’une évolution de l’ordre public. Reste une barrière, à la disponibilité de l’état d’époux : le contrôle judiciaire de la convention. Or ce contrôle, est avant tout protecteur des intérêts des époux, ou plus précisément, des plus faibles. En effet, les textes visent « l’intérêt de l’enfant », « l’intérêt de l’époux »358. L’ordre public se révèle ainsi par le refus d’homologation du juge. Il semble cependant que le mouvement de libéralisation des mœurs, et la volonté de responsabiliser les couples aient eu pour conséquence un recul de l’ordre public359 au moment de la séparation des couples. Monsieur Alain BENABENT conclut même que « la notion d’ordre public de direction dans la famille est de plus en plus rejetée »360. En outre, autoriser 354 S.Gaborieau, Ombre et Lumière, AJ Fam 2008, p.334 J. Carbonnier, Droit civil, t. 4.Les obligations, PUF, 21ème éd., 1998. 356 J.-L. Aubert, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, Dalloz, 1998, cité par J.CAYRON, Ordre public et validité du contrat : aspects du droit de la famille et du droit des personnes, RJPF, 1999, n°4. 357 L’inscription du PACS en marge de l’état civil, introduit par la loi du 23 juin 2006 en fait un véritable statut. Aussi, D.Fenouillet, Couples hors mariage et contrat, in Contractualisation du droit de la famille, dir. D.Fenouillet et P.de Vareilles-Sommières, Economica, 2001, p.107 : « le pacte civil n’est pas un contrat mais un statut légal ». 358 V.par exemple les articles 232, 373-2-7, 264, 268, 250-2 du Code civil 359 « un ordre public en constant recul » , O.Laouenan, Convention sur l’autorité parentale depuis la loi de 2002, JCP G, n°28, 2003, I, 149 360 A.Bénabent, L’ordre public en droit de la famille, in L’ordre public à la fin du XXème siècle, (dir.) T.Revet, Dalloz, 1996, p.28 355 79 les couples à se prononcer sur des conséquences autrefois fortement empreintes d’ordre public, traduit bien une atténuation de celui-ci. Plus précisément, l’ordre public de direction n’est pas amoindri, mais s’est « mué » en ordre public de direction361. Mêmes si les membres du couple ne peuvent convenir sur tout, l’indisponibilité de l’état des personnes étant encore une barrière efficace362, ce sont les individus eux-mêmes qui fixent leurs propres contraintes. Le droit se fait moins directif et plus protecteur. En cela, l’intervention du juge n’est plus perçue comme une immixtion, il est « garant » de cette protection363. « Il y a une balance entre cet interventionnisme de l’ordre public et ce souci de maintenir un cocon à l’abri de cet ordre public»364 L’ordre public est ainsi davantage orienté vers la protection des intérêts particuliers, de la vie privée, sans toutefois occulter la conformité aux mesures édictées dans l’intérêt général. Simplement, sa fonction protectrice est mise en avant. L’homologation du juge est bien révélatrice de celle-ci, elle marque le maintien d’un minimum d’ordre public face au pouvoir des individus dans le traitement de leur séparation. « Cette limite à la liberté des époux manifeste l’intrusion de l’ordre public qui n’est que protection des intérêts individuels et dont le mépris n’a pas pour effet la traditionnelle nullité ; il appartient seulement au gardien institutionnel de ces intérêts de faire procéder aux rectifications nécessaires sous la menace d’un refus de consacrer l’effet obligatoire de la convention »365. Le maintien de l’ordre public se manifeste aussi dans la possibilité donnée au Ministère Public, saisi par un tiers ou non, de demander la modification d’une convention homologuée relative à l’exercice de l’autorité parentale (article 373-2-13 C.civ). Seulement, face aux projets de déjudiciarisation, au contrôle du juge qualifié de « purement formel », à la part croissante de la volonté individuelle, et au refus de sanctionner les accords exta-juridiques pris en violation de l’ordre public (par exemple, les pactes de séparation amiable), l’on peut se demander si cet ordre public assure toujours la fonction de préservation des intérêts essentiels de l’Etat. 361 G.Cornu, Droit Civil. La famille, Montchréstien, Domat droit privé, 9ème éd, 2006, n°3 « l’ordre public se serait réduit et déplacé » n°7 : « on ne peut pas dire que l’ordre public familial ait disparu (…) la loi n’a pas abdiqué, elle a déplacé ses marques ». V.aussi J.Revel, Les conventions entre époux désunis, JCP 1982, I, 3055, n°5 : « les moyens que la loi se réserve pour contrôler la direction que les intéressés estiment devoir donner à leur union, sont d’une nature nouvelle ». 362 Article 1128 du Code civil 363 F.Niboyet, L’ordre public matrimonial, Th.LGDJ, 2008, p.307, n°602 « un ordre public de protection dont le juge est garant ». 364 Ibid. 365 J.Revel, Les conventions entre époux désunis, JCP 1982, I, 3055, n°22 80 Monsieur Alain BENABENT souligne que le droit de la famille est un droit davantage vécu que convenu, par conséquent « rien n’interdit aux gens de vivre différemment de ce que prescrivent les règles d’ordre public. Ce qui leur est interdit, c’est de passer des conventions contraires »366. Or, « l’Etat n’interviendra pas avec un gendarme derrière chaque citoyen ou derrière chaque porte familiale, pour vérifier le respect des règles d’ordre public »367. Pour Mesdames NEIRINCK et BRUGGEMAN, « les époux disposent aujourd’hui si librement de l’ordre public familial que son existence en est oubliée »368, soulignant la validation quasisystématique des accords par le juge. Monsieur Pierre MURAT met en garde : « la faveur faite au consensualisme dans les procédures familiales afin de pacifier les conflits et d'obtenir grâce à une justice négociée un règlement aussi définitif que possible ne doit pas faire oublier le fond d'ordre public de protection sur lequel continue d'évoluer le droit de la famille »369. Et l’on peut ajouter, sur lequel « doit continuer » d’évoluer le droit de la famille. En effet, l’ordre public reste fondamental, dans la mesure où il permet de préserver une certaine unité370 du droit de la famille, face à la diversité des conséquences de la séparation. La protection des intérêts, la protection du plus faible sont des principes qui doivent continuer d’irriguer le droit de la séparation. L’ordre public transparaît dans les dispositions supplétives que peut prendre le juge en l’absence d’accord : elles correspondent au modèle social le plus souhaitable, à la définition du bien commun371. Il s’agit d’une famille où l’exercice de l’autorité parentale est conjoint (article 373-2 du Code civil) et où les solidarités en matière de subsistance sont assurées (article 373-2-2 du Code civil sur la contribution à l’entretien de l’enfant, article 2851 du Code civil relatif au logement, article 278 du Code civil, etc…). §2 : Le rôle de modulation du juge Les intérêts en jeu justifient le contrôle par le juge par le juge des accords et conventions de séparation de couple. Il bénéficie de pouvoirs de contrôle élargis, par le 366 A.Bénabent, op.,cit, p.30 Ibid. 368 C.Neirinck et M.Bruggeman, Les aménagements consensuels que les couples appliquent à leur rupture sontils d’essence contractuelle ? Les cahiers de droit, vol.49 n°4, 2008, p.558. 369 P.Murat, La méfiance des juges face aux accords attribuant exclusivement à un des parents l'exercice de l'autorité parentale, Dr. Fam. n° 5, Mai 2005, comm. 101. 370 H.Lécuyer, Mariage et contrat, in Contractualisation du droit de la famille, dir. D.Fenouillet et P.de Vareilles-Sommières, Economica, 2001, p.63 : « L’ordre public est facteur d’unification » 371 D.Fenouillet, Le droit civil de la famille hors le Code Civil, LPA 2005, n°188, p.3« c'est au législateur de définir le bien commun et d'assurer sa protection par l'ordre public » 367 81 recours à des notions à « géométrie variable » (A.) ou par la référence à l’équité (B.) mais le risque d’arbitraire reste limité. A. Des pouvoirs élargis par le recours à des notions à « géométrie variable » Selon l’expression du Doyen CARBONNIER, les notions d’intérêts de l’enfant, d’intérêts des époux, seraient des notions « à géométrie variable »372 ou encore des « notions légales à contenu indéterminé »373, c'est-à-dire une notion dont le contenu est susceptible de varier selon le cas considéré, une « variation de sens », laissée à la libre appréciation du juge. Pour Monsieur Mustapha MEKKI, la faculté accordée au juge ne fait pas de lui un représentant de l’Etat, mais un « colégislateur »374. Ainsi, dans le cadre de la séparation des couples, il est rappelé à plusieurs reprises, que le juge homologue la convention de ceux-ci, sauf si elle ne préserve pas suffisamment « les intérêts des enfants ou de l’un des époux »375. Egalement, la notion de « motifs graves », par laquelle l’un des époux peut révoquer son consentement à un pacte (article 376-1 du Code civil). Le juge est invité à exercer un contrôle d’opportunité. Le risque est alors que le juge ne prenne sa décision uniquement en fonction de ses propres conceptions, que son déterminisme entre en jeu376. Ainsi le Doyen CARBONNIER s’inquiétait de l’utilisation de cette notion « magique » : « Elle a beau être dans la loi, ce qui n’y est pas, c’est l’abus qu’on en fait aujourd’hui. (….) rien de plus propre à favoriser l’arbitraire »377. Egalement, Madame Irène THERY faisait part de l’idée répandue chez les divorçants que « « tout dépend sur qui on tombe », hasard d’autant plus insupportable que rien ne permet de remettre en cause l’intime conviction dont peut se réclamer le juge »378 372 J. Carbonnier, Les notions à contenu variable dans le droit français de la famille, in Les notions à contenu variable en droit, Ch. Perelman et R. Vander Elst, coll. Travaux du centre national de recherches de logique, Bruxelles, Bruylant, 1984, p. 373, p. 99-112 373 C.Labrusse-Riou, Le juge et la loi : de leurs rôles respectifs à propos du droit des personnes et de la famille, in Etudes offertes à René Rodière, Dalloz, 1981, p.161. 374 M.Mekki, L’intérêt général et le contrat, Contribution à une étude de la hiérarchie des intérêts en droit privé, Thèse, LGDJ, 2004, p.149, n°208. 375 Article 232 du Code civil, mais on retrouve des variantes de cette expression aux articles 373-2-7, 264, 268, 250-2. 376 L.Gareil, L’exercice de l’autorité parentale, Thèse, LGDJ, 2004, p.176, n°321 : « [le juge] devra pourtant apprécier où se trouve l’intérêt concret de l’enfant et il le fera instinctivement en fonction de ses propres normes ». 377 J.Carbonnier, cité par D.Youf, Penser les droits de l’enfant, Paris, P.U.F., 2002, p.130. 378 I.Théry, Le démariage. Justice et vie privée. O.Jacob, 2001, p.165. 82 Comme le souligne Madame LABRUSSE-RIOU, « la liberté des juges du fond est presque complète dans l’interprétation de ces notions »379, la seule menue limite consistant dans l’obligation de motivation de leurs décisions. Or justement, c’est cette appréciation subjective qui est recherchée, cette souplesse. A cet effet, « l’intérêt (…) assure à la régulation juridique [des situations acquises] une mutabilité qui lui permet de rester constamment en prise avec les données factuelles »380. Dans le cas de l’intérêt de l’enfant, il ne s’agit pourtant pas d’une notion si « indéterminée » qu’on veut bien le dire. En effet, ce contenu est défini à l’article 371-1 du Code civil : il s’agit de vérifier que les décisions soient prises dans le but de « le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne ». Ce sont à la fois son mode de vie et les conditions pécuniaires de son existence qui sont visées. La décision du juge est donc aiguillée, le législateur donne quelques critères d’appréciation au juge, sur lesquels s’appuyer pour vérifier la conformité de la convention à ces intérêts. L’appréciation se fera in concreto. Les critères de détermination de la notion ne doivent pas échapper à « toute connaissance et toute prévisibilité »381, ce qui n’est pas à proprement dit le cas de l’intérêt de l’enfant. Il est clair qu’en matière de séparation des parents, la ligne directrice qu’a adoptée le législateur est le maintien de l’exercice conjoint de l’autorité parentale382. Ainsi, serait contraire à l’intérêt de l’enfant toute convention visant à priver l’un des parents de l’exercice de son autorité parentale ou qui l’empêcherait (par un éloignement par exemple) de maintenir des liens affectifs avec lui383. Or, la difficulté réside dans la perte de la qualité juridique des textes : ainsi que le souligne Madame Laurence GAREIL, elle s’opère par le recours à des notions 379 C.Labrusse-Riou, op.,cit. V.aussi M.Juston, Se séparer en bonne intelligence, en parents responsables, Gaz.Pal 2009, n°302, p.2: « Il est vrai que la notion d'intérêt de l'enfant est une notion abstraite, très aléatoire. Elle reste très souvent une formule creuse, obscure, vague, une notion vide, une position de principe ». 380 F.Ost, Droit et Intérêt, vol.2 : entre droit et non-droit : l’intérêt, Publications des Facultés Universitaires Saint Louis Bruxelles, 1990, p.77 381 C.Labrusse-Riou, Le désinvestissement du législateur : le flou des références légales, in Familles et justice : justice civile et évolution du contentieux familial en droit comparé, Bruylant, 1997, p.28. (spéc.p.32). 382 Dalloz Action –Droit de la Famille, Chap.232 Autorité parentale, n°232.215 : « la loi pose une présomption selon laquelle l'intérêt de l'enfant est satisfait par une situation définie (exercice en commun de l'autorité parentale, droit de visite du parent avec qui il ne vit pas, relations personnelles avec ses grands-parents, vie commune avec ses frères et sœurs) » 383 V.par exemple CA Paris, 10 novembre 2004 : Juris-Data n° 2004-263748 (« la cour ne peut que refuser, nonobstant l'accord des parties sur ce point, la dévolution de l'exercice de l'autorité parentale à la mère seule ») et CA Metz, 11 janvier 2005 : Juris-Data n° 2005-264375(un simple pacte entre les parents ne peut suffire à priver un enfant de l'autorité conjointe de ses parents : « il importe de préserver prioritairement sur l'accord invoqué, les intérêts de l'enfant en maintenant en vigueur le principe de l'exercice commun de l'autorité parentale ») 83 psychologiques384. Par exemple, les notions de «développement de l’enfant » ou encore de « respect dû à sa personne »385 sont dénuées de tout contenu juridique précis, et brouillent ainsi l’objet du contrôle du juge, en amorçant un peu plus sa subjectivité. Le Doyen CORNU qualifie ces indications de « charte des bonnes pratiques »386. L’équilibre est difficile à trouver entre d’une part, la rigidité de la loi, qui ne peut que difficilement s’adapter aux cas particuliers, et d’autre part, le risque d’arbitraire du juge387, par la liberté d’appréciation qui lui est conférée. Pourtant, le législateur lui pose certains guides, certains éléments sur lesquels le juge doit s’appuyer pour prendre sa décision (homologuer ou non une convention, intégrer ou non un accord à sa décision, selon les cas). Il dispose également d’outils procéduraux afin de d’avoir tous les éléments pour pouvoir apprécier la préservation de cet intérêt (par exemple l’enquête sociale de l’article 373-2-11-5°, il peut procéder à toutes investigations en matière gracieuse (article 27 CPC) mais il peut également compter sur une coopération des parents par le biais de l’article 259-3 du Code civil). En matière gracieuse, il semble que le recours à des notions à contenu variable est un réel apport. Ainsi, Monsieur Vincent EGEA constate qu’il s’agit alors « d’ériger des limites casuistiques, décentralisées et individualisées, face à la liberté individuelle »388. C’est une vérification juridictionnelle réelle, par laquelle le juge vérifie la cause de l’acte établi : « de manière inductive, le contenu de la convention est confronté à la règle de droit » 389. L’emprunt ponctuel à la notion contractuelle, constitue une limite à l’arbitraire du juge, et garantit la maîtrise des parties : le juge n’a pas le pouvoir de modifier le contenu de la convention des parties, sans leur accord. Il ne peut que refuser l’homologation. Elles définissent elles-mêmes leur intérêt. Bien sûr, certains auteurs390 ont pu souligner que le juge peut se servir de ce refus pour imposer aux parties les conditions auxquelles il subordonne 384 L.Gareil, L’exercice de l’autorité parentale, Thèse, LGDJ, 2004, n° 383 et 384. Article 371-1 du Code civil 386 G.Cornu, Droit Civil. La famille, Montchréstien, Domat droit privé, 9ème éd, 2006, p.78, n°82 387 J.Hauser, La loi, le juge et la volonté dans les réformes de droit de la famille, in Etudes offertes au Doyen Ph.Simler,éd.Dalloz Lexis-Nexis, 2006, p.155 et spéc.p.164 l’examen des décisions montre « l’arbitraire fréquent » 388 V.Egéa, La fonction de juger à l’épreuve du droit contemporain de la famille : « la pratique révèle qu’elle se généralise » Thèse, Defrénois, 2010, p.155, n°231 389 V.Egéa, op.,cit, n°233 390 V.par exemple M.Lauer, Obligations procédurales et droit au divorce, Thèse, Var, 2010, p.229. : « L’ordonnance d’ajournement précise les conditions ou garanties auxquelles sera subordonnée l’homologation de la nouvelle convention. Cette précision représente l’ultime moyen pour le juge d’interférer dans l’organisation du divorce des époux consentants » 385 84 l’homologation de la future convention. Mais y voir un réel contrôle et arbitraire du juge est excessif. D’abord parce qu’il n’intervient qu’in fine, une fois la convention élaborée, il n’influence en rien les futurs séparés en amont de la procédure. Ensuite, parce que les modifications peuvent n’être que ponctuelles, et dans l’ensemble, c’est la volonté des membres du couple qui sera créatrice des effets produits. Enfin, en matière de conventions sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, la tendance est à l’entérinement systématique. Monsieur Alain BENABENT, démontre cette tendance en pratique : le juge considérera presque toujours que « ce qui a été convenu par les parents est nécessairement bon pour l’enfant »391. Or ceci constitue un vrai risque, le contrôle de l’intérêt juridiquement protégé doit être réel, en dépit des avantages que comporte un accord. Monsieur Pierre MURAT rappelle à ce titre que « la concordance des prétentions des parents n'empêche pas le juge de refuser ce qui est communément demandé »392 La notion d’intérêt de l’époux, est davantage imprécise. Par déduction, il va s’agir de tous les intérêts permettant à la personne bientôt séparée, de conserver des moyens assurant sa subsistance, mais également ses rapports avec l’enfant. Ainsi que le confirme Madame Mélanie LAUER, « Pour l’intérêt des époux, le juge doit prendre en considération les intérêts de tout ordre, par exemple les dispositions prises par rapport aux enfants et, il doit s’assurer de l’équité des obligations et droits des époux relative à la prestation compensatoire (article 278 alinéa 2 du Code civil). Il va vérifier que les intérêts personnels de l’un ne sont pas lésés, que l’un des époux ne se trouve pas favorisé. Un époux ne doit pas sacrifier ses propres intérêts au profit de l’autre »393. Toutefois, ce contrôle peut être moins sévère que celui sur l’intérêt de l’enfant, afin de permettre aux époux une plus large maîtrise des conséquences, une négociation plus libre. (en effet, leurs intérêts seront pour la majorité patrimoniaux ; or les règles relatives à la liquidation de leur régime matrimonial et à la prestation compensatoire, ne sont pas impératives). En réalité, lorsque les conventions auront un objet patrimonial, le juge exercera un contrôle de l’équilibre des prestations de droit commun, à travers la notion de cause. 391 Cass.civ 2ème 4 mars 1981, Bull.Civ.II, n°45, p.31, D.1982, I.R, 37, obs.Bénabent P.Murat, La méfiance des juges face aux accords attribuant exclusivement à un des parents l'exercice de l'autorité parentale, Dr. Fam. n° 5, Mai 2005, comm. 101 393 M.Lauer, Obligations procédurales et droit au divorce, Thèse, Toulon-Var, 2010, p.48 . 392 85 L’intérêt de famille, n’est pas non plus défini par la loi mais a fait l’objet d’une précision par la Cour de cassation. Dans le cas d’un changement de régime matrimonial, la conformité de ce changement doit faire l’objet d’une « appréciation d’ensemble »394 et non seulement des intérêts du couple. Aussi, dès lors que l’intérêt d’un seul des membres de la famille peut se trouver lésé, cela ne suffit pas pour faire obstacle au changement souhaité. Il sera apprécié par le notaire ou le juge, en plus de la motivation subjective des époux. Si elle permet une adaptation des intérêts patrimoniaux des époux à leur situation de fait, reste que « la Cour de cassation exerce un contrôle minimum de nature à permettre une uniformisation de la notion d'intérêt de la famille »395. B. Des pouvoirs de modulation acquis par la référence à l’équité. Le législateur s’en remet expressément à l’équité, à l’article 278 alinéa 2 du Code civil, concernant la prestation compensatoire conventionnelle (« si elle fixe inéquitablement les droits et obligations des époux»). Sur le fondement de l’équité, il pourra refuser d’homologuer une telle convention. Madame Claire NEIRINCK observe que « l'adverbe « insuffisamment » fixe le critère unique et particulièrement vague de ce contrôle judiciaire. Il témoigne que l'égalité n'est pas imposée ; que le déséquilibre est admis »396. Or justement, ce déséquilibre peut représenter « le « prix » qu’un des époux est prêt à payer pour faire accepter à son conjoint un divorce amiable »397. Et le juge n’a pas à connaître ces marchandages, puisqu’il ne connaît pas la cause du divorce. C’est le signe que le déséquilibre ne doit pas s’apprécier seulement au sein de la convention, mais de l’ensemble des arrangements sur les conséquences du divorce. Dans ce cas, le rôle du juge sera de vérifier que ce déséquilibre a été délibérément voulu par les parties398. Pour cela, nous indique le Doyen Gérard CORNU, il devra par le biais de l’état liquidatif contrôler le « remodelage » des données de liquidation par les parties399. 394 Cass.Civ. 1ère, 6 janvier 1976, no 74-12.212 , D. 1976. 253, note Ponsard, JCP 1978. II. 18461, note Patarin ; 17 juin 1986, JCP N 1986. II. 250, note Simler ; 22 juin 2004, no 02-10.528 , RTD civ. 2005. 172, obs. B. Vareille. 395 Répertoire de droit civil Dalloz, v°régimes matrimoniaux, n°86 396 C.Neirinck, Le couple et la contractualisation de la rupture, Les cahiers de droit, vol.49 n°4, 2008, p.571 397 J.Hauser, D. Huet-Weiller, Traité de droit civil. La famille. Dissolution de la famille, LGDJ, 1991, p.143, n°148. 398 J.Vidal, Les conventions de divorce, Mélanges P.Raynaud, Dalloz, 1984, p.820 : Le juge doit avoir connaissance que ce partage inégal est délibéré : « s’il est bien exact que les parties ne sont pas tenues de donner les raisons de leurs accords, cela ne signifie en aucun cas qu’elles puissent se dispenser de mentionner ces accords dans la convention ». Ainsi « un accord non explicité dans la convention est sans valeur juridique ». 399 G.Cornu, Droit Civil. La famille, Montchréstien, Domat droit privé, 9ème éd, 2006, p.518, n°331 86 La référence à l’équité permet d’introduire de la souplesse, ce qui est heureux : l’équité a une fonction correctrice, elle atténue la rigueur de la loi. Toutefois, c’est affirmer que le juge dispose de larges pouvoirs, puisqu’il peut se placer en dehors des stipulations conventionnelles pour compléter son contenu. Dans l’exemple de la prestation compensatoire, cela conduit à élargir les hypothèses de refus d’homologation, par rapport au refus qui serait fondé sur la constatation d’une simple inégalité. En toute état de cause, il s’agit d’un aveu de la part du législateur que le règlement conventionnel peut aboutir à imposer « une situation excessivement rigoureuse à l'égard d'une partie »400, qu’il convient alors au juge de moduler. Madame Mélanie LAUER soulève cependant les moyens restreints du juge dans l’exercice de ce contrôle : « la prédétermination de la convention par les époux en amont de la procédure, l’absence d’évocation d’éléments factuels inhérents au divorce par consentement mutuel et pour finir l’absence d’exigence de certains documents riches d’informations cantonnent le juge à relever une iniquité flagrante »401. L’équité est très présente en matière de séparation des couples, mais cette mission ne peut être exercée que si elle a été prévue par un texte. Or, lors des séparations de concubins, Madame Claire NEIRINCK constate que « par des motivations peu rigoureuses, les magistrats tentent donc de rétablir, au moment de la rupture du concubinage, une équité que son règlement contractuel n’assure pas et ne permet pas d’imposer »402. Les juges se fondent sur l’article 1135 du Code civil403, du droit commun des contrats, pour pouvoir modérer les conventions des parties. Or, comme vu précédemment, la force obligatoire du contrat limite considérablement les possibilités de correction judiciaire du contrat. Au demeurant, les risques de domination par l’une des parties ne sont pas moins importants que dans les couples mariés. On ne peut que plaider pour le renforcement de ces solutions, à l’égard des concubins. Monsieur le Professeur HAUSER énonce d’ailleurs que « le concubinage n'est pas le Pacs, il est une situation de fait comme tant d'autres qui mérite aussi des réponses équitables »404. 400 Répertoire de droit civil Dalloz, v°Equité, n°35. M.Lauer, Obligations procédurales et droit au divorce, Thèse, Toulon-Var, 2010, p.49 402 C.Neirinck, op.cit. V.aussi, J.Hauser, Le déconcubinage, une opération simple? RTD Civ.2010, p.306 :« « S'agissant des situations de fait, et plus particulièrement du concubinage, la jurisprudence française a toujours fait prévaloir l'équité sur l'application stricte du droit ». Cette affirmation peut être confirmée par la remarque des Professeurs J.Flour, J.-L.Aubert et E.Savaux : « Dans la réalité, ils se fondent sur l’équité plus souvent qu’ils ne le disent : et ce, au mépris parfois de ce qui a été probablement voulu », Les obligations, 1.L’acte juridique, Sirey 13°éd, 2008, p.355, n°398. 403 « Les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature ». 404 J.Hauser, Le déconcubinage : une opération simple ? RTD Civ 2010, p.306 401 87 Avec Madame Catherine LABRUSSE-RIOU on peut considérer que nombre de solutions de litiges pouvant se révéler à la séparation ne relèvent pas du juridique, mais de l’équité405. Reste que le contrôle du juge doit être réel, et l’équité ne signifie pas que ce contrôle est superficiel, mais plus réaliste, en prise avec les données et les choix concrets des membres du couple. Section 2 : Vers la création d’un cadre commun de la séparation ? Mener une réflexion d’ensemble sur la séparation des couples est nécessaire, dans la mesure où les conséquences sont la plupart du temps identiques, quelle que soit la forme du couple. La conduite du règlement de la rupture doit revenir aux membres du couple, et si l’utilisation d’un dégradé d’accords et de conventions doit être maintenu, la création d’une catégorie juridique spécifique les rassemblant doit être rejetée (§1). Il serait davantage opportun de créer un temps de la séparation au moyen de cadre réceptionnant ces différents accords (§2). §1 : Le rejet d’une création de catégorie juridique spécifique Les accords et conventions ont, chacun, une nature et un régime particulier, propre dépendant de la volonté des membres du couple, de la forme de leur consécration (juridique ou non). C’est justement cette gradation qui fait la richesse du traitement consensuel de la séparation, et non simplement contractuel ou statutaire. La gradation marque au demeurant cette difficulté de trouver des critères tranchés de systématisation de ces accords et conventions, qui est une raison supplémentaire à ce rejet. Il ne serait par conséquent d’aucune utilité de construire une catégorie juridique réunissant tous ces accords et conventions. Cette catégorie ne ferait que réunir une multitude d’accords et de conventions aux spécificités variées. Dégager un régime commun reviendrait à faire perdre tous les avantages qu’ils comportent, leur souplesse, leur faculté d’adaptation à toutes les situations, leur modulation. Il n’est pas possible d’appliquer le régime de la convention de prestation compensatoire à la convention sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale : les paramètres de révision et de stabilité ne sont pas les mêmes. De même, on ne saurait appliquer le régime de la convention sur la prestation compensatoire406 à la convention de changement de régime 405 C.Labrusse-Riou, Le juge et la loi : de leurs rôles respectifs à propos du droit des personnes et de la famille, in Etudes offertes à René Rodière, Dalloz, 1981, p.151 et spéc.p.175 406 Articles 278 et 279 du Code civil 88 matrimonial407, qui nécessite davantage de stabilité, et ne saurait être révisée. Il faut prendre en compte les particularités de chaque conséquence : entraîne-t-elle une modification de l’état de la personne ? Est-elle susceptible de porter atteinte à un intérêt juridiquement protégé ? Est-elle susceptible d’évolution ? Nécessite-t-elle de pouvoir être révisée ? Egalement, cette catégorie juridique, ne pourrait par définition contenir tous les accords, pactes et pratiques des membres du couple, situés dans le non-droit, mais pris en compte ponctuellement. Plus que la création d’une catégorie juridique, c’est un temps de la séparation qu’il est opportun de mettre en place, permettant aux membres du couple de dégager leurs accords, et au juge de trancher les points conflictuels. §2 : L’élaboration souhaitée d’un cadre marquant le temps de la séparation Ce qui est dommageable s’agissant de la séparation des couples non mariés, est justement l’absence d’impératif de règlement de ses conséquences. Inciter les couples en amont de la rupture à prévoir et à se prémunir des effets de la rupture, n’a que peu d’écho. Il nous semble par conséquent que la création d’un temps de la séparation dans ces couples est nécessaire, et que ce cadre permettrait la réception des accords et des conventions réglant l’ensemble des conséquences (A) et assurant de ce fait une plus grande justice de la dissolution conventionnelle des couples (B). A. Un cadre formé par la réception des accords et conventions de séparation Selon Madame Suzel CASTAGNE, « il semble que l'on s'achemine vers un droit unique de la séparation fondé sur un aménagement contractuel »408. En effet, les conventions sont des outils qui peuvent être utilisés dans le concubinage et le mariage pour régler la séparation, et qui est obligatoire dans le PACS. Plusieurs auteurs remarquent ce rapprochement des formes de couple, et notamment à la rupture409. 407 Article 1397 du Code civil S.Castagné, Mariage, Pacs, Concubinage. Analyse Comparative, JCP N et I, n°46, 2008, 1325, spéc. n°131. 409 V.notamment J.Hauser, Vers une théorie générale des couples ? Avancées et limites, RTD Civ.2010, p.764 ; J.-J Lemouland, L’émergence d’un droit commun des couples, in Mariage-conjugalité. Parenté-parentalité, Dalloz, Thèmes et commentaires, 2009, p.33 ; C.Philippe, Vers un droit commun des effets du contrat de couple, LPA, 2007, n° 254, p. 18 ; A.-S. BrunWauthier, Contribution à la découverte d’un droit commun patrimonial du couple, Thèse, Grenoble II, 2003. C.Neirinck, Vers un droit commun de la rupture ? LPA, 2007, n° 254, p. 28 : « va-t-on vers un droit commun de l'aménagement contractuel de la rupture ? La réponse est affirmative » ; X.Labbée, Le droit commun du couple, PU du Septentrion, 2010 (p.212 « Le trait commun du droit conjugal paraît bien être le « contrat » » ; F.Terré, Contractualiser le droit du couple, LPA, 2007, n° 254, p. 8. 408 89 S’il est logique que les couples s’engageant officiellement auprès de l’Etat à une relation de couple bénéficient d’une protection étendue, il l’est également de mettre en place des remèdes de substitution pour ceux qui ne se seraient pas engagés dans les mêmes termes, mais dont la relation est similaire et dure tout autant. Il est en effet difficile de prévoir la durée d’un couple et sa durée, c’est pourquoi l’on ne peut attendre des partenaires et des concubins qu’ils prennent des « précautions », et contractent a priori sur les conséquences de leur rupture. Il s’avère nécessaire de prévoir la réception de leurs accords et conventions, au moment de leur rupture, ou du moins, un temps spécifique de règlement des conséquences de la séparation. C’est en effet l’absence de règlement global qui est dommageable et générateur d’injustices. La liberté de rupture serait donc préservée, simplement, il serait conféré aux parties la possibilité d’ancrer leurs accords juridiquement, en les soumettant au contrôle judiciaire. L’accord des volontés, en plus de porter sur les conséquences, porte nécessairement sur la valeur qu’elles souhaitent lui donner La mise en place de ce contrôle semble être amorcée, dans la mesure où, l’on constate que la rupture de ces unions hors mariage se « judiciarise»410. En second lieu, le contentieux est opportunément réuni entre les mains du Juge aux affaires familiales depuis la loi du 12 mai 2009, ce qui manifeste selon Xavier LABBEE, « la prise du conscience du problème par le législateur » 411 . Ainsi, dès lors que le juge aura à connaître des indivisions et des liquidations et du partage des intérêts patrimoniaux des partenaires et concubins412, il n’y aura pas d’inconvénients à ce qu’il homologue dans le même temps les conventions que peuvent lui soumettre les parties. Lorsque le JAF aura à régler la liquidation des « régimes » de ces couples, devra-t-il nécessairement suivre deux (voire trois) procédures différentes ?413 Ou ne peut-on prédire qu’au fil du temps, étant donné que les conséquences à régler sont similaires, il appliquera les mêmes solutions ? A ce titre, le règlement des conséquences de la séparation des couples se trouverait uniformisé. Cette possibilité existe d’ores et déjà s’agissant de la convention sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale414. Un règlement global et limité dans le temps ne peut que participer de la protection des membres du couple lors de leur séparation, tout en conservant 410 X.Labbée, Le droit commun du couple, PU du Septentrion, 2010, p.212 X.Labbée, op.,cit, p.215 412 Article L.213-3 du code de l’organisation judiciaire. 413 A cet égard, Madame Dominique Fenouillet affirme qu’ « il est probable, aussi, que le droit du divorce l’inspire, quitte à ce que cette inspiration se dissimule sous le masque du droit commun » D.Fenouillet, Couple hors mariage et contrat, in Contractualisation du droit de la famille, (dir.) D.Fenouillet et P.de VareillesSommières, Economica, 2001, p.124. 414 Article 373-2-7 du Code civil. 411 90 la maîtrise et la liberté qui est la leur sur les conséquences de leur rupture. Par ailleurs, cette homologation pourrait desserrer les contraintes d’ordre public à leur égard. Encore faut-il que l’un des partenaires ou des concubins ait la diligence de saisir le Juge aux affaires familiales. Le risque de laisser les parties régler elles-mêmes l’issue de leur rupture, est de voir s’éterniser les indivisions conventionnelles. Les écueils que l’on a voulu éviter dans les couples mariés se retrouveraient par ce biais dans les couples non mariés, avec un immense contentieux en germe415. Il faut impérativement exhorter les partenaires à régler leurs intérêts au moment de leur séparation, même si cette mesure peut s’analyser en une contrainte de la rupture. La rupture reste libre, mais le règlement de ses conséquences est impératif. Ce cadre souple devrait inciter les parties à un règlement complet et rapide des effets de leur séparation, mais surtout à respecter leurs accords et conventions. Leur stabilité, leur cohérence seraient ainsi davantage assurées, et le contentieux futur, réduit. B. Une plus grande justice de la dissolution conventionnelle Dès lors que le législateur institue (et maintient) un pluralisme des couples416, il ne paraît pas logique de les hiérarchiser au point d’en sous-considérer certains. Pourtant, les intérêts des couples non mariés ne sont pas moins légitimes de protection que ceux des couples mariés. Certes, cette protection découle du mariage417. Cependant, dans la mesure où le mariage n’est pas ouvert à tous, la protection ne bénéficie qu’aux couples hétérosexuels s’étant accordés sur 415 F.Dekeuwer-Défossez, Pacs et famille. Retour sur l'analyse juridique d'un contrat controversé, RTD Civ. 2001 p. 529 : « Loin de l'optimisme du législateur, qui compte sur l'accord des partenaires (ou de leurs héritiers) pour résoudre les difficultés juridiques qu'il n'a pas osé aborder, doctrine et praticiens s'accordent à prédire un contentieux nourri et un recours fréquent au tribunal de grande instance juge naturel des contrats » V.aussi : D.Fenouillet, Couple hors mariage et contrat, in Contractualisation du droit de la famille, dir. D.Fenouillet et P.de Vareilles-Sommières, Economica, 2001, p.98 « le non-recours préalable au juge sera Couple hors mariage et contrat, in certainement source d’un contentieux à retardement », J.Hauser, Le déconcubinage : une opération simple ? RTD Civ 2010, p.306 : « après avoir déplacé le contentieux du divorce vers le déconcubinage, on va le réorienter vers le dépacsage, ruinant les espoirs de nos législateurs modernes » 416 Le maintien du pluralisme se fait de moins en moins certain au vu de la convergence des statuts des couples mariés et pacsés. V. P.Potentier, Le divorce par consentement mutuel : un débat qui n'est pas clos, AJ Fam 2008, p.328 « Le législateur continue d'entretenir une confusion de nature entre le pacs et le mariage. Il affirme le caractère contractuel du premier, tout en l'identifiant de plus en plus au mariage. Il maintient le caractère institutionnel du second, tout en le contractualisant chaque jour un peu plus. Les frontières deviennent incertaines... » V.aussi J.F Sagaut, Lettre ouverte pour le maintien du pluralisme des modes de conjugalité, Revue Lamy Droit Civil, 2010, 70 : « Les unions conjugales sont plurielles dans leur mode d’expression et ce pluralisme se trouve désormais consacré par la loi (…)cette convergence ne saurait aboutir à une fusion des modes d’union conjugale, au risque, d’une part, d’en travestir leur identité propre et, d’autre part, de porter atteinte à la faculté de choix désormais consacrée par la loi ». 417 Ch.Rieubernet, Volonté du couple et incidence patrimoniale de la rupture entre exclusion et incitation, RRJ2009, Droit Prospectif, PUAM Tome I, p.153« l’étude des rapports patrimoniaux des couples à la rupture laisse 91 un tel engagement. Or cette carence dans la protection devient de moins en moins tenable dans le PACS418 : les partenaires font appel au droit, ils prennent un engagement juridique. Le droit leur impose de mêler leurs intérêts patrimoniaux (aide matérielle et assistance réciproque419, solidarité à l’égard des dettes contractées pour les besoins de la vie courante420 …), mais les abandonne au moment de les démêler421. « C’est dans la voie d’une analogie très tempérée qu’il faut s’engager »422. Le maintien d’un pluralisme des couples est essentiel, dans la mesure où celui-ci manifeste la liberté du choix des modalités de la vie en couple. Madame Catherine PHILIPPE va même jusqu’à proposer la création d’une quatrième forme de couple : « encourageons plutôt les concubins à la prévoyance par voie contractuelle, quitte à envisager pour ceux qui ne souhaitent que l'autonomie une quatrième modalité de couple : l'union libre, totalement libre »423. Cependant, il faut rejeter cette solution, les mêmes difficultés que ces couples connaissent actuellement se poseraient à nouveau. Les accords et conventions de séparation des couples, sont des instruments « mis au service de la justice et de l’équilibre », qui implique selon Xavier LABBEE, « l’indispensable contrôle judiciaire »424. Monsieur Philippe POTENTIER confirme cette analyse, et juge que : « le contrôle judiciaire est sans doute utile. Mais il doit l'être également dans une union purement contractuelle dont la dissolution produit les mêmes effets, lorsque la situation est identique, tels des parents pacsés avec des enfants mineurs. La différence de traitement ne peut se justifier que si les situations juridiques créées ne produisent pas les mêmes droits, ce qui est de moins en moins vrai lorsque l'on compare le mariage et le PACS, au regard du droit fiscal, à un degré moindre du droit social et du droit civil »425. plutôt penser que la meilleure protection des intérêts de chacun des membres résulte davantage du mariage que du contrat ». 418 N.Barbier, M.Martin, A.Mussier, J.Passalacqua, E.Vagost, Pacs : à quand le coming-out de la prestation compensatoire ?, AJ Fam 2011, p.210 : « La sécurité de l'ex-partenaire ne fait pas débat : tout le monde souhaite son renforcement. Ce qui chagrine davantage est le prix à payer : jusqu'où faut-il « mariagiser » le pacs ? » 419 Article 515-4 alinéa 1 du Code civil 420 Article 515-4 alinéa 2 du Code civil 421 Dans le même sens, D.Fenouillet, Contractualisation du droit de la famille, dir. D.Fenouillet et P.de VareillesSommières, Economica, 2001, p.98 : « S’il n’est pas aberrant de traiter ainsi le concubinage, qui n’est qu’un fait juridique auquel la loi attache des effets de droit, il est symboliquement beaucoup plus discutable d’abandonner à la jungle des sentiments la rupture d’un couple socialement modélisé ». 422 D.Fenouillet, Op.cit, p.125 423 C.Philippe, op.cit. 424 X.Labbée, Le droit commun du couple, PU du Septentrion, 2010, p.217 425 P.Potentier, Le divorce par consentement mutuel : un débat qui n'est pas clos, AJ Fam 2008, p.328 92 Enfin, ce cadre serait supplétif, en cas d’accord partiel. Il ne faut pas perdre de vue, qu’un règlement complet par les parties des conséquences de leur séparation est illusoire. En effet, la séparation manifestant un désaccord entre les parties, l’entente peut n’être que ponctuelle. Dans ce cas, la procédure de divorce pour acceptation du principe de la rupture (article 233 du Code civil), et la séparation de corps autre que par consentement mutuel (article 296 du Code civil) pallie « la carence » des époux en tranchant les points de désaccord. Or il apparaît que dans le cadre des séparations des couples non mariés, le juge n’interviendra pour combler les vides uniquement s’il est saisi du conflit. Il est par conséquent probable que le règlement de la séparation s’étale dans le temps, sans que ne soient résolues les difficultés. D’autre part, « un aménagement purement contractuel de la rupture est souvent fragmentaire et ne résout pas toutes les difficultés »426. Aussi, le juge peut suppléer au défaut d’accord de l’une des parties, au moyen d’une autorisation : ceci est le cas dans la convention concernant le nom des époux (article 264 C.civ) préservant ainsi l’intérêt de l’époux demandeur. Ou encore, concernant les mesures de crise des articles 217 et 219 du Code. Face à la réticence des parties à saisir le juge, il semblerait opportun de se tourner vers les modes alternatifs de règlement des litiges. Ainsi, une médiation extra-judiciaire pourrait leur être proposée, les incitant ainsi à régler l’ensemble des conséquences de leur désunion. La concentration du règlement des effets, permet ainsi de sauvegarder les accords existants, tout en évitant d’exacerber les tensions, et probablement d’éviter un contentieux ultérieur. C’est en effet dans le but d’éviter tous ces inconvénients que la loi du 26 mai 2004 a préconisé un règlement rapide et complet du divorce. La lutte contre ces désavantages doit donc également se poursuivre s’agissant de la rupture des couples non mariés. 426 C.Neirinck, Vers un droit commun de la rupture ?, LPA 2007, n°254, p.28 93 ANNEXES 94 Accords et conventions Accords Pratiques antérieures des époux (373- 211 C.Civ) Pactes de famille (376-1 C.Civ) Accord sur le principe du divorce par consentement mutuel 230 C.Civ: Formation Habitude, Répétition, Fonctionnement des règles de l’autorité parentale Au cours de la vie commune, écrit ou verbal (rare) Objet Prise en compte Modalités exercice A titre indicatif autorité parentale Modalités exercice A titre indicatif, et à défaut autorité parentale d’accord (entendu comme (religion, accord à la séparation) éducation, etc) Ou en attente de la Intégration dans la séparation Objet : doit être décision de justice. définitive. l’intérêt familial Comparution Principe du divorce devant le juge avec les avocats. (est une déclaration sur l’honneur annexée à la requête en divorce). Accord sur le Comparution Principe du divorce principe du devant le juge avec divorce les avocats. 233 C.Civ: Dans un PV, signé par toutes les parties. Enclenche la procédure. Juge vérifie seulement consentement. Dans un PV, signé par toutes les parties. Enclenche la procédure. Juge vérifie seulement consentement. Force obligatoire Voies de recours Aucune, Voie de recours Ne lient ni le juge, ni les ouvertes contre la époux décision si intégrés au jugement Couple TOUS Aucune, ne peut demander l’exécution forcée. Lie moralement les époux. (doit rester évolutif) TOUS Voie de recours ouvertes contre le jugement si pris en compte. Engagements d’honneur. Remise en cause Révocation unilatérale seulement si motifs (motifs graves) graves. Oblige les parties dès sa signature. Normalement, celle d’un Appel fermé. acte authentique. Pas de rétractation. Mariés (PV n’est pas un jugement, donc pas de voies de recours) Normalement, est un acte authentique. Or récemment, annulé pour vices du consentement (voir avis C.Cass 2008) Appel fermé. Pas de rétractation. Action en annulation Mariés Mais attention : peut 95 (dans l’ordonnance non-conciliation). Accords Juge constate leur passerelles 247 accord en cours de et 247-1, et 247- procédure. (tant 2 C.Civ qu’aucune décision rendue sur le fond) Assistance avocat obligatoire pour 247-1 C.Civ Avocats, PV. Accord sur les Demande par les mesures parties ou prises provisoires par le juge (254C.civ) Accord sur le changement de cause de divorce (accord sur la procédure) Résidence séparée, liquidation, médiation, Pension alimentaire, désignation notaire, professionnel… de Dans un PV idéalement, mais selon la circulaire Civ/16/04 du 23 novembre 2004, n°11 : la demande aux fins de passerelle « n’est soumise à aucun formalisme particulier ») Pour passerelle vers un divorce par consentement mutuel : la soumission de la convention réglant les conséquences du divorce suffit. Art 1123 al.5 CPC : pour autres passerelles, époux obligatoirement assistés. Signature d’une « déclaration d’acceptation ». Le juge « constate » leur accord. Mais il peut également les enjoindre…. toujours contester de l’avoir donné librement, sur le fondement de l’article 234 C.Civ. acte authentique ? (car signature de toutes les parties, juge et avocats) Requête annexée soit à la requête conjointe introductive d’instance, soit aux conclusions déposées. Mariés Accord 247-1 et -2 insusceptible de rétractation (c’est pourquoi assistance obligatoire). Le juge n’est pas lié par Décision sur les les accords « éventuels des mesures provisoires époux » peut-être frappée d’appel dans les 15 jours (art 1112 et 1119 Selon C.Lazarus, ces C.Civ), arrangements sont des Pas de recours en Mariés 96 « arrangements » que les époux ont déjà conclus entre eux (art 1117 CPC) actes juridiques à objet extrapatrimonial. révision ni pourvoi, car peuvent toujours faire l’objet d’une modification. (civ 2ème 3 juin 1999, Bull.Civ.II, n°106). Mais reste exécutoire de droit à titre provisoire (1074-1 CPC) Mesures provisoires p.ê modifiées par le JAF en cas de survenance d’un fait nouveau (1118 CPC) Caduques faute d’assignation. Caducité si renonciation des époux. Mesures non liées à l’existence du mariage : cesseront dès le prononcé du divorce. (enfant, devoir de secours). Décisions relatives aux mesures provisoires susc d’appel dans les 15 jours (art 1119CPC) 97 Pactes séparation amiable de Se forment dehors prétoires. en tout des Proposition de Rédigée par les Pécuniaires et règlement époux avec leurs patrimoniaux introductive avocats d’instance (2572 C.Civ) Juge en tient compte pour organiser la rupture (si mesures leur conviennent), et peut les intégrer à sa décision : car ne peut valider cette convention OU si divorce pour faute, pour partager les torts (valeur d’un avis, sert surtout aux époux pour se rendre compte des points conflictuels) Dans un sens, satisfait l’obligation d’information. Aucune. Ne lie ni le juge, ni les parties. Révocable à tout moment. Ne peuvent pas en demander l’exécution forcée. Aucune. (sauf si intégrée à la décision, sera le recours contre la décision). Pas de force obligatoire, Non nécessaire. indicative. Mariés Pacsés Concubi ns. Mariés Mais fin de non-recevoir si absent de l’assignation si appel limité au grief avant que le juge ne statue. d’irrecevabilité : CA peut statuer sans inviter l’intimé à s’expliquer au fond. (Civ 2ème 6 janvier 2012, n°1017.824) Projet de A présenter à règlement des l’audience de effets du divorce jugement (252-3C.Civ) Effets du divorce Valeur d’avis Peut-être établi avec l’aide des avocats et d’un notaire. Aucune force obligatoire, Pas de voies de recours élément d’appréciation du juge : lui permet de voir les points de conflit. Mariés 98 Conventions Convention sur l’autorité parentale (3733-7C.Civ ) Etablie lors de la vie commune ou lors de la séparation. Modalités exercice autorité parentale Et contribution à entretien de l’enfant Droits et devoirs de garde De surveillance et D’éducation. Homologation si conforme aux intérêts enfant et époux Force obligatoire spécifique : car est révisable. Juge ne peut pas modifier le contenu de la convention parentale. Ne lie pas le juge, car peut refuser de l’entériner. = convention à exécutions successives. Convention non homologuée est valable, mais ne produire d’effets qu’entre les parties. (tiers protégés par présomption d’accord). (Produira les effets prévus aux articles suivants si est homologuée). Principe d’immutabilité écarté Voie de recours contre le jugement d’homologation ou contre le jugement de divorce ? TOUS Action en nullité + appel ou tierce opposition Homologation : leur donne force exécutoire. (ont déjà force obligatoire, car les parents peuvent la modifier par mutuus dissensus). Convention de Etablie lors de la Liquidation du Homologation (DCM) Force obligatoire d’une liquidation et de séparation régime matrimonial Ou Facultative convention de droit partage (265-2 commun C.Civ) (mais commence lors du Peut-être totale ou prononcé du divorce). complète. (déroge au principe immutabilité) Voies de recours contre Mariés convention classique. Peut-être notariée. Mais avec la SAUF si homologuée : loi du 12 -exclut la nullité sur mai vices consentement 2009, -exclut la rescision. une conventi 99 ART 1451 : un époux peut demander que le jugement de divorce modifie la convention si les conséquences du divorce fixées par ce jugement remettent en cause les bases de la liquidation et du partage (recevabilité de l'action en rescision pour lésion contre une convention de liquidation-partage avant la loi du 26 mai 2004 : Cass. 1re civ., 14 févr. 2006 Juris-Data n° 2006-032214) on semblabl e n’est pas exclue pour les Pacsés Concubi ns Si donné-acte : n’a pas l’ACJ. (accord sur conséquences pécuniaires : Cass. 1ère civ., 28 sept. 2008) Prestation Etablie lors de la compensatoire séparation (278, 279 C.Civ) Elle peut-être temporaire (278) : fixation d’une durée ou terme extinctif. Disparité créée à la Homologation. rupture dans les conditions d’existence. Sur le principe et/ou les modalités Sera intégrée à la dé juridictionnelle et perdra sa nature contractuelle Force exécutoire d’une décision de justice. Révisable par clause prévoyant recours au juge. Ou par nouvelle convention Voies classique de recours contre la décision, Ou nouvelle convention soumise à homologation. Mariés Ou par demande au juge. AVANT : il était interdit aux époux de passer des conventions portant sur l'attribution (Mais ordre public relativement fort pour révision) si non paiement : le conjoint s’adresse à un huissier de justice, procédure de paiement direct (prélèvement sur 100 d'une prestation compensatoire, même si elles étaient notariées (Cass. 1re civ., 14 déc. 2004 )De même, il n'était pas possible d'y renoncer et elle ne pouvait faire l'objet de transaction tant que le juge ne s'était pas prononcé (Cass. 1re civ., 8 févr. 2005) Convention de Antérieurement à la divorce par comparution consentement devant les juges, mutuel (article par les parties avec 230 C.Civ) leurs avocats. Elle est OBLIGATOIRE. Toutes les conséquences du divorce (pécuniaires, extrapatrimonial) Par son objet, la convention est un acte de dissolution du mariage. Convention de Idem idem séparation de (datée et signée par corps par les époux et leurs consentement avocats) mutuel Homologation et prise d’effet au prononcé du divorce Le juge peut modifier ou supprimer des clauses contraires à l’intérêt de l’enfant et des époux, uniquement avec l’autorisation des époux. idem PAS d’autorité de la chose jugée (sinon interdirait toute remise en cause). salaires ou sur comptes). = délit d’abandon de famille. Totale. Sauf pour la prestation et les enfants. Intangibilité. Indivisibilité avec décision judiciaire. Pas d’appel. Pourvoi cassation. (annulation si omission d’un bien, vices ? fraude ? jurisprudence partagée) Recours en révision ? ACJ sur les points contrôlés. Mariés. Idem Mariés Même force exécutoire qu’une décision de justice. Idem (peut rendre ordonnance Appel de la décision de selon laquelle il refuse de refus d’homologation l’homologuer : appel dans les 15 jours (art 101 (art 1132 CPC) Convention de Toutes les conversion de la conséquences. séparation de corps en divorce Convention Au cours de Toutes les réglant tout ou l’instance, par les conséquences partie des parties (enfants, conséquences prestation) (268C.Civ) (mais autres que la liquidation et le partage, sinon art 265-2 n’aurait pas de raison d’être). Convention sur Par accord ou Nom le nom (264 autorisation. Lors C.civ) du divorce ou séparation judiciaire à titre de mesure provisoire. Est en réalité une renonciation à user du droit de s’opposer à l’usage du nom par son ancien conjoint possible, précisé dans la 1134 CPC). Règles de décision). la matière gracieuse. CA Rennes CH. 061 Séparés Hybride. juin 2010 : appel contre de corps le jugement d’homologation de la conversion (car ne préservait pas selon elle ses intérêts Homologation par le juge. Force obligatoire dépendra Voies de recours contre Mariés (obligatoire ?) surement de l’objet de la la décision convention. (homologation d’homologation. La loi ne dit pas si pour l’authentifiera simplement, (Pas d’ACJ si concerne être homologuée elle doit purge des vices) les enfants : révisable, être annexée à des donc pas conclusions spéciales ou « dénonçable » communiquées au rang des uniquement par voies pièces versées au débat, de recours) sous bordereau. Homologation. Totale. Sauf usage force obligatoire d’une Mariés Accord des 2 parties contraire, possible de convention Ou Autorisation du juge si revenir sur la décision. homologuée. intérêt particulier pour l’époux ou ses enfants. Saisine du juge pour révoquer l’accord Acte juridique à objet seulement si usage extrapatrimonial (peut abusif. prendre la forme d’un (résiliation judiciaire du pacte séparé ou d’un Contrat=> comme droit clause dans une commun convention des époux) moins de force qu’un contrat ordinaire car 102 Il s’oblige à ne pas user ce droit. Convention de concubinage (de fin de concubinage) En tous cas, le juge peut toujours suppléer à l’absence de convention. Lors de la rupture Tout. du concubinage « indemnité », enfants, logement… porte sur un attribut relatif à la pers. Comme un contrat sur les aspects patrimoniaux. Comme des intentions sur les aspects extrapatrimoniaux Ou conv° sui generis Convention de Après 2 ans Régime changement de d’application du matrimonial régime régime matrimonial matrimonial + intérêt de la (1397) famille. Doit contenir la liquidation du régime modifié. Devant le notaire (n’est plus une homologation : sauf opposition ou mineurs). Simple acte authentique. Force obligatoire parfaite sur les conséquences pécuniaires. Force obligatoire atténuée sur modalités parentales (révision nécessaire) Toutes celles contre le Pacsés contrat, annulation etc Concubi ns Att : comme comporte des obligations de faire et ne pas faire, exécution forcée peu probable Force obligatoire d’une Action paulienne (1397 Mariés convention. al.8) Force exécutoire d’un acte Nullité authentique (Publicité foncière) (autorisation préalable Juge des tutelles si époux= majeur protégé). Information des tiers intéressés 103 OU judiciaire. homologation Contrôle de légalité. Appel et pourvoi en cassation contre la décision du refus d’homologation. Recours en révision contre le jugement d’homologation (593 CPC). Recours des tiers : recours de droit commun, sauf si n’ont pas fait opposition, tierce-opposition fermée. Recours contre la convention : nullité admise. ACJ uniquement sur les pts vérifiés. . 104 Donations et avantages Solution matrim (265 transactionnelle C.Civ) (268) Convention sur Au moment de la le logement séparation, règlement des conséquences. Donations et avantages matrimoniaux prenant effet à la dissolution du mariage. = révocation de plein-droit ; Mais peut décider de leur maintien par convention contraire. La volonté est constatée au Intégrée à la solution Dépend si prise dans le moment du prononcé du transactionnelle globale cadre divorce par divorce : portée novatoire. sur les effets pécuniaires, consentement mutuel : seul pourvoi en Le juge ne peut que la cassation. constater. (contrôle consentement et Si dans cadre des conformité OP). divorces contentieux : Convention homologuée. Mariés. mais cette déclaration de volonté va lier définitivement son auteur qui ne peur ensuite la rétracter (restitue le régime des donations et avantages matrimoniaux). -sur la propriété -convention Couples mariés : Voies de recours contre TOUS obligatoirement notariée convention homologuée ou la décision (attribution en PP, (car bien soumis à intégrée dans une décision d’homologation ou le location, prêt, publicité foncière). de justice. jugement. attribution à 1/3). Couples non mariés : Nullité. contrat de droit commun, dépendra de leurs droits sur le logement (propriété, -sur le bail (résilier location). ou laisser la propriété à l’un d’eux) 105 Logement et attribution préférentielles (Accord sur le bail : 1751) Conventions Lors de la rupture d’indivisions (dans les couples mariés, en principe est déconseillée) Ne doit pas avoir pour objet d’éluder les prescriptions de la loi en matière de divorce par consentement mutuel Convention de Prise à tout délégation de moment de la vie l’autorité commune, et lors parentale (art de la séparation. 377 C.Civ). Convention rupture PACS questions patrimoniales et extrapatrimoniales imbriquées dans cette convention. Acte solennel, écrit exigé à Celle d’un contrat. peine de nullité (1873-2 (précaire car partage) C.Civ) Peut-être un CDD ou un Sous-seing privé (mais CDI. Voir un animal authentique si immeuble) Le partage peut-être Mentions obligatoire demandé à tout moment au (désignation indivisaires et juge. (1873-3 C.civ) quote-parts). Seulement si pas mauvaise foi ou à contre-temps. Délégation de Présentée au juge à la Convention homologuée. l’autorité parentale demande des époux, qui Peut toujours être révisée. à un tiers. vérifie la conformité à (il existe plusieurs l’intérêt de l’enfant. modalités) Logement le plus souvent. Biens mobiliers, immobiliers de Résiliation d’un Accord du commun accord, principe requête au greffe. rupture sur de le Enregistrement. la Totale. Nullité. TOUS Les parents peuvent TOUS saisir le juge aux affaires familiales afin de se voir restituer leurs droits s'ils justifient de circonstances nouvelles. Pas d’ACJ, car pas de Pacsés contrôle au greffe. Peutêtre annulée pour vice du consentement. (une nullité, n’a pas abouti, CA Paris 2°ch.9novembre 2006) 106 Accords de Lors de la Droits dont parties Prise en compte par le juge Contrat autonome si porte médiation médiation, en ont la libre en l’annexant à la décision. sur des droits disponibles. (131-12 CPC) dehors du juge. disposition Homologation. Mais pas obligatoire Accord de Devant le juge ou conciliation hors sa présence. (832-8 CPC). (engagement oral des parties d’exécuter de bonne foi la solution à laquelle elles sont parvenues) Convention de Dès lors qu’éclate procédure un conflit, les participative époux s’engagent à essayer de trouver une solution amiable devant l’avocat. -PV de conciliation signé Droits dont parties ont la libre disposition par juge et parties (rien n’est précisé) -Constat signé par les parties et le conciliateur : peuvent le soumettre à homologation du juge. Homologation relèvera de la matière gracieuse. (art 384 al.3 caractère impératif de la constatation par le juge. Pas d’homologation. Veut dire qu’a échoué si se retrouve devant le juge. ARTICLE 1565 CPC: le juge est tenu par les termes de l’accord Renvoi à la matière Mariés gracieuse. Pacsés ? Si pas d’homologation : Nullité, rescision pour lésion… (a force exécutoire après homologation (ordonnance 16 novembre 2011, transposition directive n°2008/52/CE). Effets juridiques dès Appel dans les 15 jours, Mariés, l’échange des si l’on considère qu’est Pacsés ? consentements en principe. soumis à la matière gracieuse. Mais dépend de la forme Si intégré dans une de la constatation, et de décision : voies de l’objet de l’accord. recours normales. (a force exécutoire) Inexécution de la convention autorise à saisir le juge pour qu’il statue sur le litige. (donc est obligatoire, car la saisine du juge constitue la sanction) Voies contre convention classique. Mariés Pacsés ? Concubi ns ? 107 BIBLIOGRAPHIE I/ OUVRAGES GENERAUX, MANUELS CARBONNIER (J.), - Flexible Droit. Pour une sociologie du droit sans rigueur, LGDJ, 10 éd., 2001. - Droit Civil, PUF, Quadrige, 2004. - Droit Civil. La famille, l’enfant, le couple, PUF, Thémis Droit Privé, 21ème éd., 2002. 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Larribau-Terneyre. - Cass.Com 10 juillet 2007 n° 06-14768, FS, P+B+R+I : JCP G 2007, II 10154 - Avis de la Cour de Cassation le 9 juin 2008 - Cass.Civ. 1ère, 12 juin 2008, n° 07-15.962, AJ fam. 2008. 33, obs. S. David - Cass.Civ. 1ère, 5 novembre 2008, n° 07-14.439 - Cass. Civ.1ère, 11 mars 2009, n° 08-13169. 117 - Cass. Civ 1ère 30 septembre 2009 n°: 07-12592 - Cass.Civ.1ère 3 mars 2010, Defrénois 2010, p.1364, obs.J.Massip. - Cass. Civ.1ère 26 octobre 2011, n° 09-70439. - Cass. Civ.1ère 23 novembre 2011, n° 10-26802 - CA Aix-en-Provence 19 mai 1987, Gaz. 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Larribau-Terneyre - CA Bastia 7 mars 2007 juris-data n°2007-327 635, - CA Douai 6 septembre et 27 septembre 2007, Dr.Fam.2008.26 et 27, obs.V.LarribauTerneyre - CA Paris, 4 novembre 2009 n° 09/02225. - CA Toulouse, 23 février 2010, n° RG : 08/03353, Dr. famille 2010, comm. 134 - CA Pau, 28 avril 2011, n°09/0067, JurisData n°2011-°14522, Dr Fam 2011, n°11, comm.166, V.Larribau-Terneyre. - CA Montpellier 4 juin 2011 n° 10/00781 - TGI Paris 18 Octobre 1977, Gaz.Pal 1978, I.24, note J.G-M, JCP 1978, II, 18820, note Lindon, et obs Nerson : RTD Civ.1978, 870 -TGI Paris, 10 février 1981 - TGI Brive-la-Gaillarde 19 janvier 1990 - TGI Paris, 3 septembre 1996, RTD civ. 1996, p. 873, obs. J. Hauser - Ordonnance TGI Lille 3ème Ch. 26 novembre 1999 D.2000 p.254-256, note X.Labbée - TGI Lyon 21 décembre 2000 - TGI Quimper du 20 avril 2001 Dr.Fam.2001, n°78, p.14, obs. H.Lécuyer -TGI Lille, 8 juillet 2010 n° 10/01910 - Amiens, 2 février 1976, JCP G, 1976 IV.327 - Chambéry, 27 octobre 1931, DH 1931 p .579 ; SJ 1932, p.275, note H.M - Aix-en-Provence, 26 septembre 1997, Dr. fam. 1998, n° 128, note H. Fulchiron - Aix-en-Provence, 16 mars 2000, Dr. fam. 2000, no 131, note B. Beignier - Grenoble, 3 mai 2000, Dr. Fam., 2001, n°28, p.24 118 TABLE DES MATIERES SOMMAIRE .......................................................................................................................................... I PRINCIPALES ABREVIATIONS ....................................................................................................II REMERCIEMENTS .......................................................................................................................... III INTRODUCTION .............................................................................................................................. 1 PARTIE I : L’OPPORTUNITE DE LA GRADATION SUBORDONNEE A LA MAITRISE PAR LES PARTIES DE LEUR SEPARATION ........................................... 14 CHAPITRE I : Une large maîtrise conférée aux parties sur leur séparation ........................ 14 Section 1 : Une maîtrise sur le principe de séparation .......................................................... 14 §1 : Une maîtrise certaine dans le divorce et la séparation de corps ...................................... 14 A/Une maîtrise de l’initiative ........................................................................... 14 1. L’accord sur le principe de divorce ou de la séparation de corps par consentement mutuel ................................................................................... 15 2. L’accord sur le principe des divorces contentieux .............................. 16 B/Un accord stabilisé ................................................................................................ 17 1. Une nature incertaine participant de son irrévocabilité .................... 17 2. Une remise en cause entrouverte ......................................................... 18 §2 : Une maîtrise complète du principe de la séparation .................................................. 19 A/ Un accord effectif dans la séparation des couples non mariés ...................... 19 1. Le formalisme à visée administrative de la rupture du PACS ......... 19 2. Un accord consensuel directement effectif dans le concubinage .... 20 B/ Un accord effectif dans la séparation de fait .................................................... 21 119 Section 2 : Une maîtrise sur les conséquences de la séparation ................................................. 23 §1 : Une variété de conséquences appréhendées par la gradation des accords et conventions ............................................................................................................... 23 A/ Une alternative satisfaisante à la généralité de la loi ...................................... 23 1. L’affirmation du caractère privé de la séparation ................. 23 2. L’inaptitude de la loi à s’adapter aux situations particulières .. ..................................................................................................... 24 B/ Une efficacité certaine de la prise en compte de la volonté ........................... 27 1. Une priorité légale aux accords et conventions ....................... 27 2. Une emprise des accords sur la décision du juge .................... 28 §2 : Une juridicité variable des accords et conventions des couples ..............................29 A/ Une juridicité subordonnée à l’objet des accords ............................................ 29 1. Une juridicité distincte selon l’objet des conventions.......... 29 a) Une inégalité des dispositions intéressant la rupture ..... 29 b) Une juridicisation progressive des aspects extrapatrimoniaux des couples non mariés ..................... 33 2. Une juridicité en germe des accords et conventions ............ 35 B/ Une juridicité octroyée par l’intervention du juge........................................... 37 1. Une force inouïe de la convention de divorce par consentement mutuel ................................................................ 37 2. Des conventions hypothétiquement effectives en l’absence d’intervention judiciaire ........................................................... 38 CHAPITRE II: Une maîtrise ponctuellement limitée ............................................................... 41 Section 1 : Des limites à la maîtrise des parties spécifiques à la forme du couple ............ 41 §1 : Les limites propres aux conventions des couples non mariés .................................. 41 A/ L’ « obligation de non-concurrence » à l’institution matrimoniale .............. 41 B/ La préservation de la liberté de rupture ............................................................ 42 §2 : Des limites propres au couple marié ............................................................................ 44 A/ L’impossibilité de se défaire des devoirs nés du mariage .............................. 44 B/ Des limites de plus en plus affaiblies ................................................................ 44 120 Section 2 : Une maîtrise limitée par un flou juridique/Un flou juridique limitant la maîtrise des parties ..................................................................................................................... 47 §1 : Des imprécisions tenant aux formes de la consécration juridique ........................... 47 §2 : Une imprécision du régime de remise en cause ..........................................................50 A/ La nécessaire précision des effets de l’homologation judiciaire ....................50 B/ La remise en cause des conventions de séparation des couples non mariés subordonnées à l’appréciation des juges .................................................................55 PARTIE II : L’OPPORTUNITE DE LA GRADATION SUBORDONNEE A LA PROTECTION DES PARTIES DANS LEUR SEPARATION CHAPITRE I: Le nécessaire encadrement des dangers potentiels de la conventionnalisation 57 Section 1 : Une inadaptation des solutions contractuelles à la séparation des couples .......... 57 §1 : Une insuffisance dans la protection du consentement............................................... 58 A/ Un consentement potentiellement vicié ............................................................ 58 B/ Le perfectionnement nécessaire de la protection du consentement .............. 60 1. Un perfectionnement possible de la protection du consentement ... 60 2. Le besoin d’une protection resserrée du consentement du majeur protégé ..................................................................................................... 61 §2 : Une inefficacité de la sanction ............................................................................. 64 A/ Des sanctions inadaptées: le danger de la substitution d’un contentieux contractuel au contentieux familial ................................................................... 64 B/ Le développement opportun de la sanction de la déloyauté contractuelle. . 66 1. La mise en place d’un devoir de loyauté dans la négociation ........ 66 2. La sanction particulière de la déloyauté.......................................... 67 121 Section 2 : Un arbitrage des intérêts à assurer......................................................................... 68 §1 : L’intervention nécessaire d’un tiers-arbitre ......................................................... 69 A/ Des outils consensuels lacunaires quant à la protection des intérêts ............ 69 B/ Une supervision du tiers nécessaire ................................................................... 70 §2 : Une adaptation constante des intérêts au changement .............................................. 72 A/ Une faculté de révision octroyée aux membres du couple ............................. 73 1. La révision facilitée des conventions relatives à l’autorité parentale.... 73 2. La révision conditionnée des conventions sur la prestation compensatoire .............................................................................................. 74 B/ L’hypothèse d’une extension de la révision ..................................................... 75 CHAPITRE II: Le rejet d’une privatisation complète de la séparation au moyen d’accords et de conventions ..................................................................................................................................... 77 Section 1 : Une intervention modérée du juge ............................................................................. 77 §1 : L’essor d’un ordre public de protection ...................................................................... 77 A/ La coloration publique de la séparation .......................................................... 78 B/ Le maintien d’un ordre public minimal ............................................................ 79 §2 : Le rôle de modulation du juge ...................................................................................... 81 A/ Des pouvoirs élargis par le recours à des notions à « géométrie variable » 82 B/ Des pouvoirs de modulation acquis par la référence à l’équité ..................... 86 Section 2 : Vers la création d’un cadre commun de la séparation ? ........................................ 88 §1 : Le rejet d’une création de catégorie juridique spécifique ........................................ 88 §2 : L’élaboration souhaitée d’un cadre marquant le temps de la séparation ............... 89 A/ Un cadre formé par la réception des accords et conventions de séparation . 89 B/ Une plus grande justice de la dissolution conventionnelle............................. 91 122 ANNEXES........................................................................................................................................... 94 BIBLIOGRAPHIE............................................................................................................................ 108 TABLE DES MATIERES .............................................................................................................. 119 123