Voir les textes chantés

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Voir les textes chantés
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Lamento d'Ariann
HELGA MÜLLER-MOLINARI
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Les premières décennies du xviie siècle furent une période de bouleversement comme il y en eut
peu dans l’histoire de la musique : disparition progressive du madrigal polyphonique et naissance
du chant soliste avec accompagnement d’accord, absorption des anciens modes d’église par les
nouvelles tonalités harmoniques, apparition de nouveaux genres comme l’opéra et l’oratorio, de
nouvelles formes comme l’aria de chambre et le duo de chambre, la cantate ou la sonate,
développement d’un langage musical spécifiquement vocal et spécifiquement instrumental.
A toutes ces évolutions, qui prirent naissance en divers endroits et furent encouragées par un
grand nombre de musiciens et de théoriciens, participa un compositeur dont la renommée a
surpassé jusqu’à nos jours celle de ses contemporains : Claudio Monteverdi, né à Crémone en
1567, musicien à la cour de Vincenzo Gonzaga à Mantoue de 1590 à 1612, et maître de chapelle
de San Marco à Venise de 1613 jusqu’à sa mort en 1643. La musique vocale de Monteverdi est
à la fois le reflet et le précurseur de l’évolution musicale de son temps ; les années passées à
Mantoue sont marquées par sa préoccupation pour le madrigal polyphonique à cinq voix aussi
bien que par sa confrontation avec le genre naissant de l’opéra dont il composa les premiers
chefs-d’œuvre avec L’Orfeo (1607) et L’Arianna (1608). Durant les trente années qu’il passa à
Venise, il se consacra davantage, en raison de sa fonction, à la musique sacrée, mais en même
temps il prit part à l’évolution du concert vocal pour une formation réduite, expérimenta de nouvelles
formes de musique de théâtre et composa à la fin de sa vie, pour les opéras de Venise nouvellement
ouverts à tout public, de nombreux opéras qui connurent un grand succès et dont le style est
assez éloigné de celui des œuvres de Mantoue.
Bien que l’on ne puisse guère parler d’une “école monteverdienne” à Venise, un cercle de musiciens
importants s’était rassemblé autour du célèbre maître de chapelle de San Marco. Dans ce qui a
dû être un vif échange d’idées, ils firent l’histoire de la musique. Parmi eux se trouvait également,
vers 1637, Benedetto Ferrari (c.1600-1681), de trente ans plus jeune que Monteverdi, un
compositeur, théorbiste et librettiste d’une grande culture, aussi bien littéraire que musicale. Il
avait étudié à Rome et loué le théâtre de San Cassiano en 1637 avec le chanteur et compositeur
romain Francesco Manelli, devenant ainsi l’un des cofondateurs de l’opéra en tant qu’institution
publique et commerciale. Ferrari était un admirateur de Monteverdi qu’il appela, dans l’un de ses
sonnets, oracolo della musica. Malgré tous ses liens avec Monteverdi, sa musique possède une
individualité stylistique impressionnante. Ferrari est, avec Monteverdi, l’un des compositeurs les
plus importants de son temps ; mais son destin a été, jusqu’à présent, de rester dans l’ombre
de Monteverdi et d’être considéré comme le fidèle vassal du vieux maître. Il est cependant difficile
aujourd’hui de définir l’importance des impulsions que Monteverdi reçut de compositeurs plus
jeunes comme Ferrari ou Cavalli.
L’opéra L’incoronazione di Poppea est un exemple classique de la confusion de la situation musicale
à Venise et des problèmes que pose la transmission des documents. Nous en possédons le livret
et savons que Monteverdi l’a mis en musique. Il en existe deux manuscrits divergents, tous deux
postérieurs à la mort de Monteverdi, et dont aucun n’est entièrement conforme à la source sûre
et la plus ancienne de l’opéra, le scénario de 1643. On ne peut établir avec certitude quelle
musique a été vraiment composée par Monteverdi, et laquelle a été modifiée, omise ou ajoutée
plus tard. Un fait est pourtant frappant : le célèbre duo final de Nérone et Poppée après la cérémonie
du couronnement manque dans le scénario de 1643. Mais le texte de ce duo se trouve à la fin
du livret de Benedetto Ferrari, Il pastor regio, représenté à Bologne en 1641 – un an avant
L’incoronazione di Poppea. La musique pour ce livret, également de Ferrari, a été perdue. Ferrari
serait-il le compositeur de ce duo d’amour génial et sensuellement frivole ? Notre enregistrement
soulève cette possibilité pour la discussion.
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Historiquement, il n’est pas invraisemblable que Ferrari soit l’auteur du duo Pur ti miro. Les parties
extrêmes de ce duo de forme tripartite sont composées sur une basse obstinée dont Ferrari, tout
comme Monteverdi et d’autres compositeurs du cercle vénitien, faisait souvent usage, une basse
formée de quatre longues notes diatoniques descendantes. A une époque où les formes anciennes
de la musique vocale étaient tombées en désuétude et où l’on recherchait de nouvelles formes
musicalement praticables dans lesquelles le texte devait dominer sur la musique, la basse obstinée
prit une grande importance comme possibilité d’organisation formelle d’une composition. Le
potentiel unificateur de tels courts ostinati permettait au compositeur de donner libre cours à son
imagination dans les voix supérieures. Cette tension entre le schéma immuable de l’accompagnement
instrumental et les possibilités illimitées de la déclamation vocale fait tout le charme de ces
compositions avec basse obstinée. La cantate spirituelle de Ferrari, Queste pungenti spine, utilise
la même basse obstinée que Pur ti miro : quatre strophes avec ostinato, parfois hautement
virtuoses, interrompues par un refrain sans ostinato. La cantate de Ferrari fut imprimée en 1637,
l’année où il vint à Venise.
Cette basse en quartes descendantes est une forme très élaborée de basse obstinée. Les modèles
de basse qui s’étaient développés à partir d’airs originellement chantés ou dérivés de formules
de danse étaient beaucoup moins abstraits. Parmi les premiers se trouve la Romanesca, l’une
des mélodies de basse les plus populaires durant les premières décennies du chant soliste avec
accompagnement instrumental. Elle forme aussi la basse du duo Ohimé, dov’è il mio ben, tiré du
Septième Livre de Madrigaux de Monteverdi. Elle y est cependant difficilement reconnaissable
comme mélodie, étant réduite à une ossature d’accords déjà remarquablement proche de la future
basse en quartes descendantes. La Ciaccona sur laquelle est basé Zefiro torna de Monteverdi,
tiré des Scherzi musicali de 1632, fait partie des basses dérivées de danses. Les contradictions
rythmiques entre cette basse et la structure vocale madrigalesque font toute la fascination de
cette pièce exubérante.
L’innovation révolutionnaire que représente la basse obstinée, et particulièrement celle basée sur
des danses, devient évidente si on la compare aux deux duos Non è di gentil core et O come sei
gentile du Septième Livre de Madrigaux de Monteverdi. Ceux-ci ne diffèrent pas, par leur structure
vocale, de Zefiro torna, mais une basse en accords, non obstinée, donne un tout autre esprit à
leur style vocal.
La plus célèbre composition de Monteverdi, qui acquit un renom presque légendaire de son vivant
même, est le Lamento d’Arianna. Ce n’est pas par hasard que ce Lamento est le seul fragment
de l’opéra L’Arianna (1608) à nous être parvenu. Monteverdi lui-même l’avait choisi comme la
seule scène digne de passer à la postérité et l’avait publié séparément en 1623. La lamentation
d’Ariane sur le rivage de l’île de Naxos, son désespoir d’avoir été abandonnée par Thésée, sa
fureur grandissante, ses malédictions, ses imprécations, puis son découragement et sa résignation
sont dépeints par Monteverdi dans une musique qui adhère au contenu du texte d’une manière
absolument inédite, révélant les émotions entre les lignes du texte sans pour autant sacrifier son
individualité et devenir une simple “servante des mots” cachée derrière la déclamation. Le
mouvement scénique, l’action et la musique se fondent en une unité indivisible de la plus haute
intensité expressive.
La scène pastorale publiée après la mort du compositeur, Bel pastor, ignore tout de la tragédie
d’un humain désespéré. C’est un petit duo de séduction dont le ton sentimental léger se change
sans cesse en une moquerie taquine et amoureuse – une pièce qui ne cède en rien à la gaieté
exubérante de Zefiro torna.
SILKE LEOPOLD
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1 | Zefiro torna
Ottavio Rinuccini
Zéphyr est de retour ! D’accents délicieux
l’air est agrémenté ; déjà ses pieds agitent l’onde,
il passe en murmurant dans les feuillages verts,
et fait danser les fleurs dans le pré à sa belle musique.
Zefiro torna, e di soavi accenti
l’aer fa grato e’l piè discioglie a l’onde,
e, mormorando tra le verdi fronde,
fa danzar al bel suon su’l prato i fiori.
Lamen
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René Jacobs
Concerto Vocale
Inghirlandato il crin Fillide e Clori
note temprando amor care e gioconde;
e da monti e da valli ime e profonde
raddoppian l’armonia gli antri canori.
Les cheveux parés de fleurs, Phyllis et Cloris
chantent en accents joyeux et tout chargés d’amour ;
depuis les hauts sommets jusqu’aux vallées profondes
les antres pleins d’échos redoublent l’harmonie.
Sorge più vaga in ciel l’aurora, e’l sole,
sparge più luci d’or; più puro argento
fregia di Teti il bel ceruleo manto.
Voici, plus belle encore, surgir l’aurore au ciel,
le soleil se répandre en plus de rayons d’or,
et Thétis argenter son beau manteau d’azur.
Sol io, per selve abbandonata e sole,
l’ardor di due begli occhi e’l mio tormento,
come vuol mia ventura, hor piango, hor canto.
Moi seul, dans les forêts désertes et solitaires,
je pleure et je chante, comme le veut mon destin,
l’ardeur de deux beaux yeux et mon tourment.
2 | Romanesca
Bernardo Tasso
Ohimè dov’è il mio ben, dov’è il mio core?
Chi m’asconde il mio ben e chi me’l toglie?
Hélas, où est ma vie, où est mon cœur ?
Qui me cache mon amour, qui me le prend ?
Dunque ha potuto sol desio d’onore
darmi fera cagion di tante doglie.
Ainsi, seul le désir d’honneur
pouvait susciter un tel malheur.
Dunque ha potuto inme più che’l mio amore
ambiziose e troppo lievi voglie.
Ainsi, c’est plus que mon amour
qui pouvait faire naître en moi des désirs vains et futiles.
Ahi sciocco mondo e cieco, ahi cruda sorte,
che ministro mi fai della mia morte.
Ah, monde fou, aveugle, sort cruel,
qui a fait de moi le ministre de ma propre mort.
3 | Non è di gentil core
Fabrizio degl’Atti
Peut-il être agréable, le cœur
qui ne brûle d’amour ?
Mais vous, qui de mon cœur êtes le centre même
et du feu de l’amour vous faites jouissance,
à l’égal de nulle autre avez le cœur aimable
parce que vous aimez.
Donc on ne peut être agréable
que quand on brûle d’amour !
Non è di gentil core
chi non arde d’amore!
Ma voi, che del mio cor l’anima sete
e nel foco d’amor lieta godete,
gentil al par d’ogn’altre havete il core,
perch’ardete d’amore.
Dunque non è, non è di gentil core
chi non arde d’amore.
4 | Cantata spirituale
Ottavio Ortu
Queste pungenti spine
che ne’ boschi d’abisso
nodrite et allevate
affliggono, trafiggono,
o crudeltate, il mio Signor e Dio.
Son saette divine
che col foco del cielo
addolcite e temprate
allettano, dilettano,
o gran pietate, il cor divoto e pio.
Ces piquantes épines
dans les forêts d’Enfer
grandies, épanouies,
accablent, transpercent,
ô cruauté, mon Seigneur et mon Dieu.
Ce sont des flèches divines
qui au feu du ciel adoucies
et tempérées
attirent à elles et réjouissent,
piété suprême ! le cœur dévot et pieux.
E tu, Anima mia,
non sai che sia dolore,
ancor non senti amore?
Et toi, mon Ame,
tu ne sais pas ce qu’est souffrir,
tu n’en éprouves pas d’amour ?
Ahi miserella, ascolta,
i tuoi vani diletti,
i piaceri, i contenti
inducono, conducono,
o pene, o stenti, tè stessa al cieco inferno.
Deh sì, mira una volta
del tuo celeste amante
le ferite e i tormenti
che chiamano, richiamano,
o dolci accenti, tè stessa al ciel eterno.
E pure, Anime mia,
Ah, misérable, écoute :
tes vaines délices,
tes plaisirs, tes satisfactions,
te poussent, te conduisent,
ô comble de misère ! toi-même au noir Enfer.
Va, contemple une fois
la blessure de ton céleste amant,
et ses tourments
qui t’appellent, te réclament,
quels doux accents ! toi-même au Paradis.
Pourtant, mon Ame,
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non sai che sia dolore,
ancor non senti amore?
Stolta che fai, che pensi?
Il tuo Giesù tradito,
il tuo Giesù piagato
si lacera, si macera,
ohimè, che stato, solo per darti vita.
O tu ingrata, i sensi
ogn’hor più cruda induri,
sei di cor sì spietato,
sì rigido, sì frigido,
o stella, o fato, che non procuri aita?
Ben veggo, Anima mia,
non sai che sia dolore,
ancor non senti amore?
ne sais-tu pas ce qu’est souffrir :
ne ressens-tu pas encore son amour ?
Folle, comment réagis-tu ? A quoi penses-tu,
quand Jésus trahi,
ton cher Jésus sanglant
se consume de souffrance
(Hélas ! quel spectacle !) seulement pour te donner la vie.
O toi, ingrate, toujours plus
tu endurcis ton cœur :
est-il si impitoyable,
si inflexible, si glacial,
ô étoile, ô destin, que tu n’apportes aucune aide ?
Je le vois bien, mon Ame,
tu ne sais pas ce qu’est souffrir.
Sais-tu encore ce qu’est aimer ?
Così dunque vivrai
senz’amor, senza duolo,
no, no, rivolgi il core
prieghevole, piacevole,
o buon fervore, a sì gravi martiri.
E riverente homai,
pentita e lagrimosa
manda dal petto fuore
caldissimi, dolcissimi
d’amor sensi e sospiri.
Così, Anima mia,
non sai che sia dolore,
ancor non senti amore?
Eh bien, vis donc ainsi,
sans aimer, sans souffrir…
Non ! tourne plutôt ton cœur
assoupli, agréable à Dieu,
avec ferveur, vers un si dur martyre.
Et désormais réceptive,
repentie, sanglotante,
tire de ta poitrine
les plus chauds, les plus doux
des sentiments et des soupirs… d’amour !
Ainsi, mon Ame,
tu ne sais ce qu’est la douleur,
n’en éprouves-tu pas encore de l’amour ?
5 | Lamento d’Arianna
Ottavio Rinuccini
Lasciatemi morire,
e chi volete voi che mi conforte
in così dura sorte,
in così gran martire?
Lasciatemi morire.
Laissez-moi mourir !
Eh ! Qui peut m’être un réconfort
en un destin si dur,
en si grande torture ?
Laissez-moi mourir !
O Teseo, o Teseo mio,
sì che mio ti vo’ dir, chè mio pur sei,
benchè t’involi, ahi crudo, agli occhi miei.
volgiti, Teseo mio,
volgiti, Teseo, o Dio,
volgiti indietro a rimirar colei
che lasciato ha per te la patria e’l regno,
e in queste arene ancora,
O Thésée, ô mon Thésée,
je te dis mien car tu es mien en vérité,
bien qu’échappé, ô méchant, à mes regards.
Reviens-moi, mon Thésée,
Dieu ! reviens sur tes pas
et regarde celle qui pour toi
a quitté sa patrie et sa couronne,
et sur ces bords aujourd’hui,
cibo di fere dispietate e crude,
lascierà l’ossa ignude.
O Teseo, o Teseo mio,
se tu sapessi, o Dio,
se tu sapessi, ohimè, come s’affanna
la povera Arianna,
forse, forse pentito
rivolgeresti ancor la prora al lito.
Ma con l’aure serene
tu te ne vai felice, et io qui piango;
a te prepara Atene
liete pompe superbe, et io rimango
cibo di fere in solitarie arene;
te l’uno e l’altro tuo vecchio parente
stringeran lieti, et io
più non vedrovvi, o madre, o padre mio.
la proie d’affreux, d’impitoyables fauves,
laissera des os décharnés.
O Thésée, mon cher Thésée,
si tu savais, mon Dieu !
si tu savais, hélas ! combien
la pauvre Arianne souffre,
peut-être, repenti, vers cette plage
à nouveau dirigerais-tu ta proue ;
tandis que sous des vents propices
tu t’en vas, heureux, et que je pleure,
Athènes te prépare
un fastueux accueil – je reste, quant à moi,
la proie des fauves sur ces bords solitaires.
Tes deux parents âgés
t’embrasseront joyeux – et moi,
je ne vous verrai plus, ô ma mère et mon père !
Dove, dove è la fede
che tanto mi giuravi?
Così nell’alta sede
tu mi ripon degli avi?
Son queste le corone,
onde m’adorni il crine?
Questi gli scettri sono,
queste le gemme e gl’ori:
Lasciarmi in abbandono
a fera che mi strazi e mi divori?
Ah Teseo, ah Teseo mio,
Où donc, où est la foi
que tu m’as tant jurée ?
Le voici, le trône de tes aïeux
où tu m’as fait monter ?
Voilà les diadèmes
dont couronner ma tête ?
Et voilà donc les sceptres,
les joyaux, les bijoux ?
Tu m’as abandonnée à des monstres
tout prêts à me dévorer après m’avoir déchirée !
Ah, Thésée, mon cher Thésée,
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Lascerai tu morire,
invan piangendo, invan gridando aita,
la misera Arianna
che a te fidossi e ti diè gloria e vita?
laisseras-tu mourir,
pleurant en vain, criant à l’aide en vain,
la misérable Arianne qui sur ta foi
t’offrit et sa gloire et sa vie ?
Ahi, che non pur risponde!
Ahi, che più d’aspe è sordo a miei lamenti!
O nembi, o turbi, o venti,
sommergetelo voi dentro a quell’onde,
correte, orche e balene,
e delle membra immonde
empiete le voragini profonde!
Che parlo, ahi, che vaneggio?
Misera, ohimè, che chieggio?
O Teseo, o Teseo mio,
non son, non son quell’io
che i feri detti sciolse;
parlò l’affano mio, parlò il dolore;
parlò la lingua, sì, ma non già il core.
Ah ! tu ne réponds plus même
à mes plaintes, plus sourd qu’une vipère !
Nuées, orages, vents,
sous les vagues engloutissez-le !
Accourez tous, monstres marins,
et de ses membres qui me font horreur
remplissez les gouffres abyssaux !
Que dis-je, hélas ! en mon délire ?
Dans ma misère, que demandè-je ?
O Thésée, mon cher Thésée,
je ne suis pas celle
qui se répandit en dures imprécations :
c’est mon chagrin, ma douleur qui parla,
c’est ma langue, certes oui : mais ce n’est pas mon cœur.
Misera, ancor do loco
a la tradita speme, e non si spegne
fra tanto scherno ancor d’amor il foco?
Spegni tu, Morte, omai le fiamme indegne.
O madre, o padre, o de l’antico regno
superbi alberghi, ov’ebbi d’or la cuna,
o servi, o fidi amici (ahi fato indegno!),
mirate, ove m’ha scorto empia fortuna!
Mirate di che duol m’han fatto erede
l’amor mio, la mia fede, e’l altrui inganno.
Così va chi tropp’ama e troppo crede.
Malheureuse, et tu t’accroches encore
à la fausse espérance ? Et tant de dérision
ne l’éteint pas encore, cette ardeur de l’amour ?
Eteins-les désormais, ô Mort, ces indignes tendresses !
O ma mère, ô mon père, ô de mon vieux royaume
demeures somptueuses où brilla ma jeunesse !
O ma cour, mes amis fidèles (Ah, destin bien indigne !),
voyez où m’a conduite un sort vraiment contraire,
voyez de quel chagrin m’ont rendue héritière
mon amour et ma foi et la tromperie d’un autre.
Là finit qui trop aime et qui fut trop crédule.
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6 | Bel pastor
Ottavio Rinuccini
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Ninfa
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Ninfa
Pastore
Ninfa
Pastore
Ninfa
Pastore
Ninfa
Pastore
Ninfa
Pastore
Ninfa
Pastore
Ninfa
Pastore
Bel pastor, dal cui bel guardo
spira foco, ond’io tutt’ardo
m’ami tu?
Sì, cor mio!
Com’io desio!
Sì, cor mio!
Dimmi quanto?
Tanto, tanto!
Quanto, quanto?
O tanto, tanto!
Come che?
Come te,
Pastorella
Tutta bella.
Questi vezzi, e questo dire
non fan pago il mio desire.
Se tu m’ami, o mio bel foco,
dimmi ancor, ma fuor di gioco:
Come che?
Come te,
Pastorella
tutta bella.
Vieppiù lieta udito avrei:
T’amo al par degli occhi miei.
Come rei del mio cordoglio
questi lumi amar non voglio.
Di mirar non satii ancora
la beltà che sì m’accora.
Come che?
Come te,
Pastorella
tutta bella!
Fa sentirmi altre parole,
se pur voi ch’io mi console.
M’ami tu?
Sì, cor mio!
Come la vita?
No, ch’afflitto e sbigottito
d’odio e sdegno e non d’amore,
fatt’albergo di dolore
per due luci, anzi due stelle
Nymphe
Berger
Nymphe
Berger
Nymphe
Berger
Nymphe
Berger
Nymphe
Berger
Nymphe
Berger
Nymphe
Berger
Nymphe
Berger
Nymphe
Berger
Nymphe
Berger
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Beau berger dont les jolis yeux
lancent des flammes où je me consume toute,
m’aimes-tu ?
Oui, mon cher amour !
Comme je désire ?
Oui, mon cher amour !
Dis-moi combien tu m’aimes ?
Tant et tant !
Combien, combien ?
Oh ! tant et tant !
Comme quoi ?
Comme toi,
ô ma belle
pastourelle !
Ces câlineries, ces doux petits mots
ne satisfont pas mon désir.
Si tu m’aimes, ô mon bel incendie,
dis-moi donc (mais pour de vrai)
comme quoi ?
Comme toi,
ô ma belle
pastourelle !
J’aurais bien mieux aimé entendre quelque chose
comme : “Je t’aime comme mes propres yeux.”
Coupables de me faire souffrir,
je ne veux pas aimer mes yeux
point encore rassasiés
de la vue de la belle qui me tue.
Belle comme quoi ?
Belle comme toi,
ô ma belle
pastourelle !
Fais-moi entendre autre chose
si tu veux que je me console.
M’aimes-tu ?
Oui, mon cher amour !
Comme ta vie ?
Non ! car toute de peine et d’effroi,
ma vie est devenue un douloureux séjour
de haine et de dédain – et non plus de l’amour,
à cause de deux yeux comme des étoiles
Ninfa
Pastore
Ninfa
Pastore
Ninfa
Pastore
Ninfa
Pastore
Ninfa
Pastore
Ninfa
Pastore
Ninfa
Pastore
troppo crude e troppo belle.
Come che?
Come te,
Pastorella
tutta bella.
Non mi dir più, come,
dimmi: Io t’amo!
Io t’amo!
Come te?
No ch’io stesso odio me stesso.
Deh se m’ami dimmi spesso.
Sì, cor mio!
Com’io desio?
Sì, cor mio.
Dimmi quanto?
Tanto, tanto!
Quanto, quanto?
O tanto, tanto!
Nymphe
Berger
Nymphe
Berger
Nymphe
Berger
Nymphe
Berger
Nymphe
Berger
Nymphe
Berger
Nymphe
Berger
aussi méchantes que belles !
Belles comme quoi ?
Belles comme toi,
ô ma belle
pastourelle !
Ne me dis plus comment tu m’aimes,
mais dis : je t’aime.
Je t’aime.
Comme tu m’aimes, toi ?
Non ! car je me hais moi-même.
Ciel ! si tu m’aimes, dis-le vite !
Oui, mon cœur !
Tu m’aimes comme je le désire ?
Oui, mon cœur !
Dis-moi un peu, combien ?
Tellement, tellement !
Combien, combien ?
Oh ! Tellement, tellement !
7 | O come sei gentile
Giambattista Guarini
O come sei gentile,
caro augellino! O quanto
è’l mio stato amoroso al tuo simile!
Tu prigion, io prigion; tu canti, io canto,
tu canti per colei
che t’ha legato, et io canto per lei.
Ma in questo è differente
la mia sorte dolente:
che giova pur a te l’esser canoro.
Vivi cantando, et io cantando moro.
Es-tu aimable, cher oiselet !
Combien mon amoureux état ressemble au tien !
Toi dans ta prison, moi dans la mienne,
tu chantes ? Moi, de même ;
tu chantes pour celle qui t’a embobiné
et je chante pour elle ;
mais en cela mon sort lamentable diffère du tien,
que le chant te procure quelque chose d’utile.
Tu vis tout en chantant
et moi, tout en chantant, je meurs.
6 | Duo Poppea / Nerone
Benedetto Ferrari
Pur ti miro,
pur ti godo,
pur ti stringo,
pur t’annodo.
Più non peno,
più non moro,
o mia vita, o mio tesoro.
Je t’admire,
et t’enserre,
et t’enlace.
Plus ne souffre
et ne meurs,
ô ma vie,
mon amour !
Io son tua,
tu son io,
speme mia,
dillo dì,
tu sei pur
l’idol mio,
sì mio ben,
sì mio cor,
mia vita sì.
Je suis tienne,
tienne je suis,
dis-le,
mon espérance,
dis-le donc,
redis-le,
mon chéri,
ô ma vie,
ô mon cœur !
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