iud lettre - Institut Upsa de la Douleur

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iud lettre - Institut Upsa de la Douleur
n °29
La Lettre
de l’Institut UPSA de la Douleur
Décembre 2008
Compte rendu du
12e Congrès de l’IASP 2008
17 - 22 août 2008, Glasgow
Françoise Laroche / Rhumatologue, Praticien Hospitalier, membre du CEDR (Cercle d’Étude de la Douleur en Rhumatologie),
Centre d’Évaluation et de Traitement de la Douleur Hôpital Saint-Antoine - Réseau Lutter Contre la Douleur - Paris (réseau-lcd.org)
Cette lettre présente une synthèse du dernier Congrès de l’IASP, qui ne peut malheureusement
être exhaustive. Elle met en avant les différentes avancées cliniques, thérapeutiques et les
stratégies globales de prise en charge de la douleur.
D
Congrès IASP
ix-neuf pour cent de la population
européenne souffre de douleur
chronique (1). L’intensité de la douleur est en moyenne de 5 sur 10 et évolue
depuis environ six ans. La prévalence de la
douleur chronique augmente avec l’âge et
le faible niveau socio-économique (2).
Les objectifs de l’IASP (International Association for the Study of Pain) sont de favoriser l’approche proposée par les sciences
fondamentales (préclinique) pour mieux
comprendre la physiopathologie de la douleur (clinique), de favoriser la formation, de
diminuer les différences concernant la
prise en charge de la douleur entre pays
développés et pays en cours de développement, d’augmenter le nombre de recommandations EBM sur la douleur et d’améliorer les classifications des douleurs.
Tous les trois ans (et à partir de 2010 tous
les deux ans), à l’occasion du congrès
mondial de la douleur, l’IASP nous offre
une mise au point des nouveautés dans le
domaine. Le douzième congrès qui s’est
tenu du 17 au 22 août 2008 à Glasgow a
été très riche d’enseignements. Outre les
avancées techniques sur la compréhension de la douleur en matière de génétique (canaux sodiques, cathécholamines,
récepteurs opioïdes…), d’imagerie fonc-
tionnelle (fMRI, PET…), de mécanismes
d ’ action des médicaments (opioïdes,
bloqueurs des canaux sodiques…), de
nouveaux produits (tapentadol, cannabinoïdes…), de nouvelles formulations
(opioïdes, capsaïcine, toxine botulique…),
ce congrès a permis de mettre en lumière
des préoccupations plus pragmatiques.
En effet, la somme de données actuellement disponibles est énorme. Le défi
actuel est d’optimiser ces données en
diminuant les coûts via, par exemple,
l’identification des patients à risque de
chronicisation. De très belles études ont
été présentées sur les facteurs prédictifs
de mauvais résultats chirurgicaux en
termes de douleur et de handicap.
De nombreuses molécules ont l’AMM pour
le traitement des douleurs neuropathiques.
Cependant, le taux de réponse est partiel et
ne touche qu’environ 30 % des patients.
C’est donc un autre défi que d’identifier les
répondeurs et les facteurs de réponse à
ces traitements. Le dernier défi concerne le
développement et l’adaptation des thérapeutiques non médicamenteuses aux caractéristiques des patients (hypervigilance,
catastrophisme, anxiété, dépression, seuil
de la douleur…).
>>>
Congrès IASP
Compte rendu du 12e Congrès de l’IASP 2008
La Lettre
G
énétique et douleur
La génétique poursuit plusieurs objectifs :
extraire le pourcentage de variabilité des
facteurs d’origine « héréditaire » affectant
la douleur, comprendre les f acteur s
de risque, les mécanismes de la douleur et
les traitements, et enfin, mieux classer les
maladies douloureuses (3, 4).
Différentes modalités d’études génétiques
sont possibles. L’étude des familles, particulièrement de jumeaux, permet de mesurer
les différences d’expressions phénotypiques
entre jumeaux mono- et dizygotes avec estimation de la proportion de la variabilité
d’une caractéristique expliquée par l’hérédité versus l’environnement. Certaines
études de jumeaux ont cherché à montrer
l’importance de l’hérédité dans la prévalence des lombalgies, des dysménorrhées et
des colopathies fonctionnelles. L’une d’entre elles, effectuée parmi 300 jumeaux,
conclut que 25 % de la variance de la dégénérescence discale serait génétiquement
déterminée (5). Les études cas-contrôle ou
« d’association » (utilisant les gènes variants)
sont utilisées plus rarement. Enfin, les
études à la recherche de gènes candidats
(genome-wide association studies - GWAS),
sont les plus effectuées en recherche clinique (diabète, trouble du métabolisme des
lipides, maladie de Crohn…). Des études
ont été publiées dans la migraine, les douleurs postzostériennes, la fibromyalgie,
l’algodystrophie, les dysménorrhées, les
douleurs prostatiques. Parmi les gènes candidats, le gène codant le transporteur de la
sérotonine SLC6A4 (fibromyalgie), la COMT
(fibromyalgie et migraine) et le GCH1 (lombalgie) ont été proposés. Les résultats de ces
études cas-contrôles sont sensibles pour détecter de faibles variations du risque. En revanche, l’étude de chaque locus donne uniquement les mutations responsables de la
susceptibilité à la maladie sur une toute
petite partie de l’ADN en question (3, 4).
Parmi les gènes candidats présentés lors du
congrès, certains résultats semblent prometteurs :
dégradation des monoamines. Sa présence
est responsable de concentrations élevées
de monoamines, d’anxiété et de troubles
cognitifs. L’allèle Met-158 est associé à des
taux plus faibles d’opioïdes endogènes et à
des niveaux de douleur plus élevés. La COMT
exprime au moins cinq polymorphismes associés à des phénotypes différents. Les interactions et variations de la COMT rendent
complexes les études génétiques et leurs
conclusions. Le polymorphisme de la COMT
[Val-158-Met] est associé à une anxiété, un
catastrophisme et une dépression plus importants (6) dans l’étude de Desmeules, comptant 198 fibromyalgies. Les patients souffrant de douleurs cancéreuses qui possèdent
certains variants de la COMT (472G>A) ont
besoin de moins de morphine que ceux qui
ne possèdent pas ce variant (7).
La GTP (Guanidine Tri Phosphate)
cyclohydroxylase 1
Le gène GCH1 code la GTP cyclohydrolase 1,
une enzyme essentielle pour la production
des cathécolamines, de la sérotonine et de
l’oxide nitrique. Des études animales et humaines (chirurgie discale pour sciatique)
ont montré qu’un « haplotype protecteur X »
est associé à des niveaux plus faibles de
douleur chez 168 patients opérés. Trois autres cohortes expérimentales ont confirmé
ces résultats. Des antagonistes bloqueurs
du GCH1 sont en cours d’exploration pour
leurs vertus antalgiques potentielles (8).
Le Cytochrome 2D6 et
le gène du récepteur mu (OPRM1)
La variabilité de la réponse aux opioïdes a
probablement des déterminants génétiques.
Le Cytochrome P450 joue un rôle important
dans le catabolisme des opioïdes et est associé à leur plus grande efficacité, mais aussi
à une plus grande toxicité. À l’inverse, la codéine et le tramadol sont inefficaces chez les
patients ayant un variant génétique qui entraîne une faible activité du Cytochrome 2D6.
Le gène OPRM1 semble aussi jouer un rôle
dans la pharmacodynamie de la morphine.
En effet, les sujets qui ont une ou deux copies du variant allèlique G répondent moins
bien à la morphine et à l’alfentanil (9).
La COMT
Les canaux sodiques
Le gène de la cathechol-O-méthyltransferase (COMT) est très étudié. Plusieurs études
ont montré son association avec la douleur.
Ce gène code cette enzyme qui catabolise la
noradrénaline, l’adrénaline et la dopamine.
Par exemple, la variation des acides aminés
[Val-158-Met] détermine deux allèles différents : Val-158 et Met-158 du locus de la
COMT. L’allèle Met du polymorphisme [Val158-Met] est associé à une réduction de la
Les canaux sodiques sont des protéines,
avec différentes isoformes et propriétés. Ils
sont hétérogènes et leur expression est dynamique. La mutation responsable d’une
perte de fonction du gène codant la sousunité alpha des canaux sodiques Nav1-7
entraîne une insensibilité à la douleur. À
l’inverse, une mutation induisant un excès
d’activité des canaux sodiques entraîne
l’erythromélalgie (pathologie distale des
2
pieds et des mains avec érythème et sensation de brûlures aggravées par les efforts et
la chaleur) (10). D’autres mutations de la sousunité alpha 1 des canaux sodiques Nav1-1
sont aussi responsables de douleurs migraineuses familiales. Le développement de
bloqueurs des canaux sodiques (lamotrigine, mexiletine) semblerait donc une voie
thérapeutique prometteuse (11).
De nombreux autres gènes sont explorés
actuellement ; l’analyse des résultats obtenus doit être pondérée compte tenu des inconnues dans le domaine de la génétique et
des extrapolations en clinique.
Imagerie et douleur
La tomographie par émission de positons
(TEP) repose sur l’injection intraveineuse
d’un produit radioactif (émetteur de positons) couplé à une tomographie (détecteurs
de photons gamma). L’utilisation de ligands
spécifiques des différents récepteurs (morphiniques, NMDA, GABA) permet d’élargir
les cibles de recherche en imagerie. Les résultats de la TEP sont riches. Ils sont cependant
limités par des contingences techniques et
par l’interférence avec d’autres paramètres
que la nociception pure (mémoire, émotions,
attention…). Il est difficile de « prouver » la
réalité d’une douleur sans lésion et d’identifier le primum movens de cette douleur ou
un « terrain neurologique d’hyperalgésie
centrale » prédisposé. De plus, certains traitements, comme l’hypnose et l’effet placebo,
modifient les signaux. L’imagerie mentale
montre une activation de zones identiques
lors d’une douleur ou de sa simple représentation. La suggestion hypnotique modulerait la douleur selon l’image à visualiser proposée par le thérapeute. L’hypnose modifie
les signaux du cervelet, du cortex cingulaire
et pariétal inférieur au cours de la fibromyalgie (12). Certains auteurs cherchent une
éventuelle « signature cérébrale » chez les
patients douloureux chroniques. Quelles que
soient la localisation et la nature de la douleur, il semblerait qu’une activation commune à tous les syndromes douloureux soit
observée au niveau du cortex cingulaire, du
cortex frontal de l’insula et de la partie dorsale du pont de la protubérance. Mais il
existe aussi des modifications dynamiques
des nocicepteurs, des neurotransmetteurs,
des cellules gliales et du système immunitaire (13). La plasticité cérébrale structurale
semble être le maître mot dans le domaine.
Ces changements sont-ils la cause ou la
conséquence de la douleur, sont-ils réversibles avec le traitement de la douleur ? De
nombreux travaux actuels en imagerie céré-
P
sychopathologie
de la douleur et facteurs
de risque de chronicisation
Co-morbidités
On observe chez les patients douloureux
chroniques de nombreuses co-morbidités :
dépression (37 %), anxiété (25 %), abus de
substances (12 %). L’anxiété est plus souvent
associée à la sévérité et à l’ancienneté de la
douleur. La dépression serait plutôt associée
à l’ancienneté de la douleur. Les troubles
anxieux seraient présents avant l’apparition
des douleurs (77 % des patients) alors que la
dépression ne serait antérieure à la douleur
que dans 35 % des cas (14). D’autres paramètres
semblent aussi interférer avec la douleur et
ont été analysés dans différents posters.
Comme paramètres de majoration, on peut
citer l’apathie (15) et l’alexithymie (16, 17). Comme
paramètres de minoration, on peut citer les
personnalités optimistes et la résilience.
Facteurs de risque
Évaluation, mémoire et douleur
La douleur n’est pas unique, la mémoire de
l’intensité de la douleur semble meilleure
que la mémoire de la qualité de la douleur.
L’évaluation de la douleur en recherche clinique et en pratique quotidienne s’effectue
en général par échelle de « recall » (Brief
Pain Inventory par exemple) c’est-à-dire par
une évaluation rétrospective demandée au
patient. Marc Jensen a brillamment mis en
lumière les variations de la mémoire de la
douleur selon le type d’instrument d’évaluation utilisé. Une distinction majeure est
nécessaire entre l’évaluation de la douleur
au fur et à mesure par le patient (agenda) et
3
l’évaluation de la douleur passée durant
les derniers jours voire la dernière semaine.
Les agendas sont très utilisés en recherche
car ils diminueraient les biais d’évaluation.
Les échelles de « recall » sont précises, valides, bien corrélées avec les pics douloureux mais pas avec l’expérience finale ni
avec celle de la « pire douleur ». Elles surestiment en général la douleur actuelle
mais sont quand même corrélées à celle-ci
(> 80 %). L’anxiété, les attentes, la durée de
la douleur influencent l’évaluation faite sur
la mémoire. Mais l’utilisation d’agenda ne
semble pas tellement idéale : les journaux
électroniques induisent des biais car coûteux, non généralisables, lourds pour le
patient, il y a beaucoup de données manquantes, seulement 77 % de compliance et
de nombreuses erreurs de mesure.
Herta Flor a fait une très belle présentation
sur la mémoire implicite et les techniques
d’extinction ou « unlearning ». En effet, le
principe d’extinction se base sur les théories
de l’apprentissage et sur le « relearning ». La
perception de la douleur peut être modifiée
par l’apprentissage opérant (techniques de
répétition de phases sur une durée prolongée), l’utilisation des renforcements positifs
et négatifs et la détermination par le patient
du seuil de la douleur qui correspondrait
à « la punition » (ré-aggravation) ou à
l’extinction (succès du traitement). Les
principes d’extinction sont spécifiques au
contexte, facilement modifiés par le stress
ou la douleur. Cependant, ces principes
peuvent être oubliés spontanément car la
« nouvelle trace » est labile.
Traitements médicamenteux
Un travail éclairant de l’équipe de Genève
a montré que le grand public qui souhaite
s’informer sur le paracétamol via le net
n’obtient pas toujours les bonnes informations en dehors des blogs et des forums. En
effet, les auteurs ont observé 16 % d’erreurs pharmacologiques parmi les 61 sites
explorés (dont 65 % envahis de publicités
qui déformaient l’information) (21).
Opioïdes
De nombreuses communications ont été
présentées à l’IASP concernant les opioïdes.
En effet, l’accroissement des prescriptions,
notamment dans le traitement des douleurs
chroniques non cancéreuses (DCNC) et l’arrivée de nouvelles formes galéniques, en font
un sujet d’actualité. La consommation mondiale d’opioïdes a augmenté de façon très
importante ces dix dernières années (entre 1997 et 2006 : augmentation de 347 %
Congrès IASP
Lorsque l’on aborde les facteurs de douleur et de chronicisation, il importe de bien
différencier les facteurs de prédisposition
(vulnérabilité, susceptibilité) qui correspondent à la génétique, à la physiologie et aux
facteurs psychologiques des facteurs précipitants (événements survenus juste avant
l’apparition de la douleur) qui correspondent aux facteurs physiques, psychologiques et aux agents stressants ainsi qu’aux
facteurs de maintien (18).
Certains facteurs de risque de douleur postopératoire ont fait l’objet d’études. Il s’agit
entre autres des attentes spécifiques, des
stratégies de coping, de l’anxiété, de la
dépression et du soutien social perçu…
Huber a présenté les résultats d’une étude
allemande sur l’hypervigilance comme facteur prédictif de douleur post-opératoire.
L’hypervigilance est définie comme un
« style de perception » avec niveau de
contrôle de l’attention. Il s’agit d’un filtre
cognitif dysfonctionnel au cours duquel les
événements aversifs sont amplifiés. C’est
un facilitateur de détection de la douleur et
de toutes les informations en relation avec
la douleur. Les sujets ont tendance à manifester une attention automatique (non intentionnelle) efficace dans les processus de
fuite (une valeur de dangerosité est attribuée à la douleur). Cent hommes jeunes
souffrant de thorax en entonnoir (ou funnel
chest - pathologie indolore) ont été opérés
(chirurgie correctrice de nature esthétique).
Différents paramètres ont été évalués en
préopératoire, en postopératoire, à trois et
à six mois : l’hypervigilance, la douleur, les
affects, le handicap, le seuil de la douleur
par le QST et la concentration plasmatique
de cortisol. Les résultats montrent que l’hypervigilance est un facteur prédictif de douleur chronique postopératoire, que les sujets
évitant de la douleur en préopératoire
étaient plus vulnérables à la douleur postopératoire et que cette hypervigilance entre
en compétition avec les autres variables psychologiques. La prédictivité des données
psychologiques dépend du moment de leur
évaluation avant la chirurgie et diffère pour
les douleurs aiguës et chroniques. Dans
cette étude, les données affectives préopératoires étaient prédictives de la douleur
aiguë subjective et du handicap dû à la
douleur (19).
Un autre travail rapporté par Adams de
l’équipe de Sullivan à Montréal, a montré
que le catastrophisme lié à la douleur en
préopératoire était prédictif de la douleur
postopératoire et que la peur du mouvement et de se faire mal étaient prédictifs
des difficultés fonctionnelles en postopératoire après pose de prothèse totale de
genou parmi 75 patients arthrosiques (20).
L’observatoire américain OPPERA est en
cours pour cinq ans, parmi 3 200 personnes
de la population générale (17 questionnaires, 150 gènes candidats testés, QST).
200 patients cas-contrôles souffrant de
douleurs orofaciales issus d’OPPERA sont
suivis simultanément. Les premières évaluations montrent chez ces patients douloureux que l’hypervigilance en préopératoire prédit le handicap à trois et six mois
en post-opératoire. Cependant, il semble
que les questionnaires d’hypervigilance
soient stables en population générale mais
pas chez les patients douloureux selon le
moment où on les interroge.
Compte rendu du 12e Congrès de l’IASP 2008
brale de la douleur explorent l’empathie et
montrent la complexité des phénomènes
douloureux, de l’attention, de l’anticipation anxieuse, des cognitions et des expériences antérieures en termes de résultats
et d’interprétations
Congrès IASP
Compte rendu du 12e Congrès de l’IASP 2008
La Lettre
aux USA, toutes molécules confondues, surtout pour l’oxycodone et le fentanyl) (22). Cette
augmentation porte surtout sur le traitement
des DCNC. 5 % de la population mondiale
reçoit 80 % des opioïdes consommés dans le
monde. Six pays surtout utilisent les opioïdes
dans les DCNC. L’étude de Marc Sullivan effectuée par Medicaid montre, entre 2000
et 2005, une augmentation du nombre de patients avec un diagnostic de DCNC et parallèlement du nombre de milligrammes d’équivalents opioïdergiques avec une dose
cumulée augmentée de 37 % environ (23).
- Efficacité des opioïdes dans le traitement
des douleurs non cancéreuses
De nombreux articles et méta-analyses ont
rapporté l’efficacité de ces molécules dans
les douleurs neuropathiques, la lombalgie
chronique (24). Les opioïdes sont efficaces
(NNT=4) mais ne doivent pas être utilisés en
première ligne du fait de la tolérance à long
terme (25). Les études qui ont montré avec le
plus d’évidence l’efficacité des opioïdes ont
été menées dans l’arthrose, surtout dans les
douleurs résistantes et inopérables (26). Les
résultats montrent une diminution de la
douleur de 30 % avec des posologies de 20 à
40 mg de morphine, de 20 à 40 mg oxycodone (40 %), de 20 à 40 mg d’oxymorphone
(métabolite actif de l’oxycodone), de 50 microgramme/heure de fentanyl transdermique.
Kalso a présenté les résultats d’une métaanalyse publiée en 2004 qui montrent un
gain moyen sur la diminution de l’intensité
de la douleur chronique non cancéreuse de
30 % maximum, statistiquement significatif
par rapport au placebo. Environ 40 % des patients poursuivent le traitement au-delà de
7 à 24 mois, à des posologies moyennes de
40 mg par jour d’oxycodone et 80-100 mg de
morphine (27). Furlan conclut que les opioïdes
forts sont plus efficaces sur la douleur et la
fonction et que les arrêts de traitement sont
de 33 % dans les DCNC (28). Deux revues de la
Cochrane en 2006 et 2007 ont conclu à des
résultats insuffisants de ces traitements à
long terme pour les douleurs neuropathiques et nociceptives. Enfin, une des dernières publications en 2008 rapporte des
conclusions comparables sur l’utilisation à
long terme de ces molécules (29).
- Facteurs de réponse aux opioïdes
Les attentes de soulagement à l’introduction
du traitement nécessitent d’être évaluées
chez les patients douloureux chroniques car
elles interfèrent de façon importante avec les
résultats d’efficacité. Les facteurs de réponse
aux opioïdes ont fait l’objet de nombreuses
discussions au cours de ce congrès de l’IASP.
Kalso a présenté une étude portant sur
500 jours, effectuée parmi 680 patients lombalgiques chroniques (moyenne d’âge 52 ans,
moyenne d’évolution de la douleur 87 mois)
afin de rechercher les facteurs prédictifs d’efficacité de l’administration à long terme du
fentanyl transdermique et de la morphine.
Les résultats montrent que 50 % des patients
ont été considérés comme répondeurs (diminution d’au moins 30 % de la douleur). Les
différences entre les répondeurs et les nonrépondeurs ont été observées après trois
semaines de traitement. Les arrêts précoces
étaient dus aux effets secondaires, les arrêts
plus tardifs au manque d’efficacité. Les facteurs prédictifs de réponse étaient le statut
professionnel (p=0,02) et la posologie élevée
d’opioïdes (p=0,08). Aucun autre critère
n’était prédictif de réponse à l’inclusion (30).
- Effets secondaires et arrêts
des traitements opioïdes
Dans l’étude de Kalso, 81 % des patients
ont au moins un effet secondaire versus
52 % dans le groupe placebo. Le NNH est
de 3,4. La constipation est de 41 % (NNH=
4,6), les nausées de 32 % (NNH=3,6), la
somnolence de 29 % (NNH=5,3) (27). Les
arrêts pour insuffisance d’efficacité sont de
15 % versus 30 % pour le placebo. Les arrêts
pour effets secondaires sont de 21 % versus
10 % pour le placebo (28). Les arrêts peuvent
s’expliquer entre autre par la tolérance
pharmacologique, l’hyperalgésie induite
par certains opioïdes et des facteurs psychologiques.
- Tolérance, dépendance,
abus et mésusage des opioïdes
L’utilisation des opioïdes dans le traitement
des DCNC est de plus en plus sujette à
débats et controverses du fait des risques de
mésusage et d’abus. Le taux d’addiction est
difficile à estimer : selon les études, il varie
de 0 à 50 % et dépend aussi des pathologies.
Pour les douleurs lombaires chroniques,
Martell, en 2007, a évalué ce taux entre 5 et
24 %, Fishbain, en 1992, l’avait évalué à
18,9 % pour les douleurs chroniques.
Les tissus nerveux semblent s’adapter au
traitement chronique (régulation positive
de l’AMPc du locus coeruleus). Il existe des
« renforceurs positifs » qui produisent une
analgésie et le soulagement de la douleur
peut favoriser un état d’euphorie. Les renforceurs négatifs sont l’anhédonie, l’hyperalgésie et probablement d’autres paramètres. D’autres facteurs modifient la réponse
aux opioïdes : il s’agit par exemple de l’effet
placebo qui s’épuise (15 - 53 % d’effet
placebo à l’initiation du traitement) et de
l’association d’une tolérance apprise. De
plus, les variations interindividuelles sont
importantes, tant au plan de l’efficacité
4
que sur celui de la tolérance. La difficulté
de prescription de ces molécules dans les
DCNC réside donc dans la prédiction de la
balance bénéfice-risque et du risque
d’abus. La neuroplasticité (plus importante
chez les sujets jeunes) pourrait favoriser
les risques de tolérance, l’addiction, les
troubles de l’humeur, les problèmes d’adhésion au traitement et les interactions médicamenteuses. Les facteurs génétiques
(OPRM, COMT, P-Glycoprotéines, pharmacocinétique, potentiel addictif, tempérament) pourraient aussi interférer avec la
réponse aux opioïdes.
Une étude effectuée pendant un an, chez
1 323 patients rachialgiques chroniques en
maladie professionnelle attendant d’entrer
dans un programme de rééducation avec
(n=199) ou sans (n=1 124) dépendance
aux opioïdes, a montré un moins bon pronostic fonctionnel, professionnel et plus
de co-morbidités psychiatriques parmi
les patients ayant une dépendance aux
opioïdes (même après sevrage) (31).
Une étude évaluant la compliance au traitement a été présentée par une équipe de
Minneapolis. Parmi 492 patients présentant des DCNC, 205 n’étaient pas compliants
(41,6 %). Ce défaut d’observance était lié à
une augmentation non autorisée des posologies (57,5 %), à une non observance des
autres traitements prescrits (30,2 %), à une
recherche d’opioïdes par d’autres moyens
(22,9 %), à l’utilisation illégale de drogues
(17 %) ou d’alcool (6,8 %). Ce défaut d’observance était observé chez les patients plus
jeunes (p< 0,01), il n’y avait pas de différence selon l’opioïde prescrit (32).
- Prescriptions et recommandations
des opioïdes
Des recommandations de bonnes pratiques
sont actuellement disponibles (22) (Britishpainsociety.org). En 2008, la société américaine des spécialistes de la douleur a évalué
le bénéfice/risque des opioïdes. L’efficacité serait intéressante à court terme ; audelà de six mois, elle serait plus variable.
D’après les données de la littérature, les
auteurs concluent que l’efficacité serait
modérée pour le fentanyl transdermique
et la morphine LP (niveau de preuve II2),
trop limitée pour l’oxycodone (niveau II3)
et indéterminée pour l’hydrocodone et la
méthadone (niveau de preuve III). Il est cependant important de noter les limites des
études qui rapportent ces résultats. Il s’agit
souvent d’études pour l’enregistrement des
molécules, difficilement généralisables,
avec un design fait pour tester des médicaments spécifiques (meilleure sensibilité
mais réduction de la validité interne). Les
patients sont en général très sélectionnés, la
sont faibles mais significatifs (EVA = 6,1 versus 5,4), aucune différence n’a été observée
sur l’humeur ni la qualité de vie. En
revanche, c’est surtout l’amélioration du
sommeil qui a été statistiquement significative par rapport au placebo (35).
Tapentadol
- Nouvelles formulations d’opioïdes
disponibles
De nouveaux traitements et surtout de nouvelles galéniques ont été présentés. Il s’agit
surtout de traitements pour les « breakthrough pain » ou « pics douloureux ». Le
Fentanyl en forme inhalée (spray nasal) est
proposé par deux laboratoires actuellement
en France. Le délai moyen du pic plasmatique est de 3 à 10 minutes, avec un Tmax
à 10-15 minutes (en cours d’étude) et une
durée de 60 minutes. Le problème réside
dans le faible volume administrable par
cette voie et des préparations plus concentrées sont en cours de développement. Le
Fentanyl en forme transmuqueuse buccale
(lingette imprégnée ou comprimé à poser
contre la muqueuse) présente un pic plasmatique entre 10 et 15 minutes, une Tmax
de 20 à 40 minutes, avec une durée de l’effet de 60 à 120 minutes. Enfin, il existe des
formes transdermiques matricielles « nouvelle génération », patch de petite taille.
Cannabinoïdes
Le système cannabinoïde intervient dans
l’inhibition de la transmission synaptique et
de la plasticité des circuits douloureux. L’efficacité antalgique des agonistes cannabinoïdes en clinique reste cependant débattue.
En effet, le mécanisme d’action reste encore
discuté (effet de modulation des agonistes
GABA au niveau des interneurones de la
corne dorsale de la moelle) (33). Une étude
avec le Dronabinol (delta-9-tetrahydrocannabinol –THC) en cross over a montré, parmi
24 patients présentant des douleurs neuropathiques centrales, une amélioration des
douleurs permanentes et paroxystiques
après trois semaines de traitement à des
doses de 10 mg maximum par jour (34). Les
risques d’abus et d’addiction semblent fréquents ainsi que les effets secondaires
(bouche sèche, malaises, somnolence, tachycardie, troubles psychomoteurs, dysphorie).
Une étude canadienne randomisée, contrôlée en « cross over » a évalué l’efficacité
antalgique du cannabis fumé. 23 patients
présentant des douleurs neuropathiques et
non consommateurs au préalable de cannabis, ont reçu 25 mg de cannabis en une
bouffée à la pipe, 3 fois par jour pendant
des périodes de 4-5 jours. Un wash out de
9 jours était observé entre les deux périodes
de traitement. Les résultats sur la douleur
Le tapentadol est un agoniste des récepteurs opioïdes mu et un inhibiteur de la recapture de la noradrénaline. Une étude
d’efficacité a comparé le tapentadol LI 50
ou 75 mg, à l’oxycodone LI 10 mg toutes les
4 à 6 heures pris pendant la journée versus
placebo pendant 10 jours, parmi 659 patients souffrant d’arthrose évoluée du genou ou de la hanche. Les résultats montrent une efficacité sur la douleur par
rapport au placebo comparable à celle obtenue avec l’oxycodone avec le même type
d’effets secondaires (digestifs, somnolence…), ceux-ci étant moins nombreux,
29 et 40 % pour le tapentadol 50 mg et
75 mg versus 69 % avec l’oxycodone et 17 %
dans le groupe placebo(36). Une autre étude
sur 90 jours, du même laboratoire pharmaceutique (679 patients sous oxycodone et
170 sous tapentadol) a montré une efficacité sur des douleurs modérées d’arthrose
et celles associées à des lombalgies chroniques, à des posologies de 50 ou 100 mg
par prise (maxi 100 mg) versus oxycodone
10 mg par prise (maxi 90 mg par jour).
L’évaluation de la douleur est passée de
7 à 5 (sur 10) entre le début et l’évaluation
à 90 jours. Moins d’effets secondaires digestifs ont été rapportés avec la tapentadol :
nausées 18 % vs 29 %, vomissements 17 % vs
30 %, constipation 13 % vs 27 %, les céphalées, les vertiges et la somnolence étant
identiques entre les deux groupes (37). Une
autre étude a montré des résultats comparables dans le traitement des douleurs après
chirurgie orthopédique (n=603).
Effet placebo
Les recherches concernant l’effet placebo
sont toujours à la mode en 2008. À l’occasion de ce congrès de l’IASP, une équipe
norvégienne a rapporté, dans une étude
récente, l’absence de profil de personnalité
prédisposé à l’effet placebo. En revanche,
le travail sur les attentes et les procédures
de conditionnement a donné des résultats
intéressants parmi les 69 patients évalués :
les expériences passées et les facteurs situationnels sont des facteurs prédictifs de
l’effet placebo beaucoup plus important. La
question qui se pose est alors : comment
utiliser cet effet placebo en thérapeutique
5
en restant éthiquement et scientifiquement non critiquable (38) ?
Des techniques de conditionnement sont
souvent effectuées au cours des études
évaluant l’effet placebo. Ce conditionnement semble, en effet, donner des réponses
plus élevées avec le placebo, mais la question est de savoir combien d’études de
conditionnement sont nécessaires pour
maintenir l’effet placebo chez les répondeurs. Les instructions données aux partic i p a n t s a u x é t u d e s t h é r ap e u t i q u e s
contrôlées en double aveugle sont souvent :
« Vous avez 50 % de chances de recevoir le
produit actif ou le placebo » et les investigateurs disent aux participants recevant
le placebo que le produit a été « administré pour voir s’il induisait une diminution de la douleur chez certaines
personnes ». L’objectif de la recherche
future est de déterminer l’impact de différentes instructions pour favoriser l’effet
placebo et sa persistance (39). Est-ce que
parler avec son patient de l’effet placebo
ou de la réponse placebo du traitement
utilisé dans un objectif éducatif est une
meilleure stratégie que de ne rien dire ?
Chung a montré parmi des volontaires sains
(n =7 7 ) e t d e s p at i e n t s s o u f f r a n t d u
syndrome du colon irritable (n=11) que de
donner leurs résultats en termes d’effet
placebo ne modifiait pas leurs futures
réponses au placebo. Cela entraînait une
frustration mais pas de retentissement sur
l’anxiété, la dépression, la colère, la peur,
la consommation de traitements médicamenteux/non médicamenteux, ni le souhait
de poursuivre leur participation dans des
essais thérapeutiques (40).
T
raitements
non pharmacologiques
L’efficacité des traitements pluridisciplinaires de la douleur chronique est documentée dans la littérature. Cependant,
l’analyse des études est difficile compte
tenu de la méthodologie des essais non médicamenteux (pas de double aveugle,
groupes contrôles difficiles à accepter pour
les patients, listes d’attente, durée longue
des études, programmes très variés, compétence des thérapeutes peu détaillée…).
De nombreuses approches thérapeutiques
ont été présentées lors de ce Congrès IASP :
hypnose, acupuncture, mindfulness, tai chi,
chiropraxie, exercices physiques, reprise graduée d’activités, techniques d’exposition in
vivo, thérapies cognitives et comportementales, EMDR, information-éducation…
Certains éléments méthodologiques inté-
Compte rendu du 12e Congrès de l’IASP 2008
durée de traitement est courte, il s’agit souvent de douleurs neuropathiques et de douleurs d’arthrose ; les patients ont déjà été
traités par opioïdes, à posologies faibles, les
patients à risque d’addiction sont exclus et
il n’y a pas d’évaluation systématique de la
fonction ni de la qualité de vie.
Congrès IASP
Compte rendu du 12e Congrès de l’IASP 2008
La Lettre
ressants peuvent être extraits de la masse
d’informations recueillie, tout particulièrement pour l’adaptation de certaines de
ces approches aux caractéristiques des patients. On peut utiliser les « modérateurs »
d’amélioration de la douleur que sont notamment l’amélioration du catastrophisme,
les changements d’attentes de résultats des
patients, les variations de la peur…
De même, l’évaluation de l’effet thérapeute
a été beaucoup discutée. Les grandes lignes
seraient de ne pas faire « attention » à la
douleur, de pratiquer plutôt que de parler,
et d’utiliser les renforcements positifs (41).
Douleurs neuropathiques
Épidémiologie et recherche
Des résultats complémentaires concernant
le travail épidémiologique français de la
cohorte STOPNET ont été rapportés. La prévalence des douleurs neuropathiques est
de 7 % dans cette cohorte en population
générale. Parmi les patients sélectionnés,
trois groupes ont été déterminés : douleurs
chroniques avec caractéristiques neuropathiques (n=1 496), douleurs chroniques sans
composante neuropathique (n=1 487) et absence de douleur (n=1 571). Différents questionnaires démographiques, de consommation de soins et aussi le SF12, le HAD, un
questionnaire de sommeil et le DN4 ont été
envoyés par courrier postal. Les 3 816 questionnaires analysables montrent un retentissement important de la douleur dans les
deux premiers groupes. En outre, le groupe
avec composante neuropathique avait un
retentissement (SF12 et questionnaires de
comorbidités) et des demandes de soins
plus importants (42).
Sur le plan de la recherche fondamentale,
des études récentes concluent que la
microglie, considérée jusqu’à présent
comme « inerte » dans la transmission de
l’influx douloureux, jouerait probablement un rôle dans les échanges avec les fibres nociceptives dans les douleurs neuropathiques. Une équipe bordelaise a
rapporté les résultats d’un travail expérimental qui montre que les canaux P2X
(récepteurs ATP-dépendants) de la microglie sont activés dans des conditions de
douleur neuropathique et que cette activation serait médiée par des interactions
directes avec les phosphoinositol biphosphates et tri-phosphates (43).
Traitement des douleurs
neuropathiques
L’équipe française de Nadine Attal à Boulogne a présenté les résultats d’une étude
d’efficacité de la toxine botulique sur les
douleurs neuropathiques avec allodynie.
29 patients ont reçu de façon prospective,
randomisée en double aveugle, une seule
injection de toxine botulique intradermique
ou un placebo dans la région douloureuse.
L’efficacité est significativement différente
du placebo à la deuxième semaine et persiste
à 14 semaines. L’allodynie mécanique et thermique s’améliore sans modification du seuil
douloureux. À 12 semaines, le NNT pour une
diminution de la douleur de 50 % est de 3,03.
L’injection est douloureuse mais sans effet local ou systémique de la toxine botulique (44).
Malgré les promesses de la recherche dans le
domaine du traitement des douleurs neuropathiques, il n’y a pas de nouveaux traitements disponibles présentant une efficacité
plus importante. On obtient en général des
taux de réponse assez faibles et les répondeurs présentent une efficacité du traitement partielle. Une diminution de la douleur
de 33 % est considérée comme cliniquement
importante. Des études ont été présentées
avec la lidocaïne iv, la lamotrigine (200 mg/j),
les opioïdes (morphine, oxycodone, methadone et tramadol) et les cannabinoïdes. Les
résultats méritent d’être confirmés sur un
nombre élevé de patients.
Fibromyalgie
Une enquête américaine a évalué les
attentes de soulagement de 294 patients
fibromyalgiques (EVA douleur et fatigue à 7)
auprès d ’ un rhumatologue après une
consultation unique. La consultation était
considérée comme un succès par ces
patients si la douleur diminuait de 56 %, la
fatigue de 61 % et la détresse émotionnelle
de 63 %. Ces résultats montrent que les
attentes médicales des patients sont très
fortes dans une pathologie considérée
pourtant comme “rebelle” (45). Par ailleurs,
on sait que le recours au système de santé
est moindre (avec moins de consultations
chez le médecin généraliste) chez les
patients déjà diagnostiqués.
Traitements médicamenteux
de la fibromyalgie
Un état des lieux de la consommation
médicamenteuse des patients souffrant de
fibromyalgie a été présenté par une équipe
allemande. 4 983 patients souffrant de fibromyalgie ont été suivis pendant un an. 67 %
recevaient un traitement médicamenteux
soit 3 345 patients. Les AINS étaient les plus
utilisés (71 %), puis venaient les antidépresseurs (37 %), les opioïdes (32 %), les benzodiazépines (18 %). 39 % des patients étaient
6
polymédiqués ; AINS + ADT (17 %), ADT
+ OPIOIDES (14 %), AINS + BENZO (13 %) (46).
De nombreuses études ont été présentées
ou sont en cours avec les antidépresseurs et
les antiépileptiques essentiellement.
Milnacipran
Clauw a présenté les résultats d’efficacité du
milnacipran 100 mg et 200 mg dans une
étude randomisée contrôlée versus placebo
de trois mois parmi 1 196 fibromyalgies.
À quinze semaines, la douleur évaluée sous
forme d’un critère composite correspondant
à l’association du taux de répondeurs (30 %
de diminution de la douleur des 24 dernières
heures) et du PGIC (Patient Global Impression
of Change) a diminué significativement versus placebo. L’efficacité a été observée dès la
première semaine. Les effets secondaires
étaient comparables (nausées, céphalées et
constipation) (47). Une autre étude parmi 888
patients a montré les mêmes résultats à six
mois (48). Cependant, une analyse statistique
de cette dernière étude (par les mêmes auteurs) laisse à penser que l’analyse en données individuelles continues des symptômes
est plus robuste statistiquement. Il semblerait donc que les résultats soient plus significatifs en données continues et qu’ils
dépendent surtout du choix des critères de
réponse, particulièrement lorsque ce sont
des critères composites.
Une étude d’extension a été présentée avec
cet antidépresseur. 449 patients fibromyalgiques ont reçu le milnacipran pendant six
mois supplémentaires, soit un an de traitement au total, à la posologie de 100
à 200 mg /j. Les résultats montrent une
amélioration chez les patients répondeurs
d’environ 40 % sur la douleur dans les
24 dernières heures et sur la douleur des
huit derniers jours. L’efficacité a aussi porté
sur le FIQ (Fibromyalgia Impact Questionnaire) et le PGIC. Les effets secondaires
étaient surtout des nausées pour environ
18 % (comparable entre 100 et 200 mg/j) (49).
Duloxetine
Une étude sur l’efficacité de la duloxetine
dans le traitement de la fibromyalgie a
été présentée par l’équipe de Philip Mease
et Leslie Arnold (50). 520 patients ont reçu
60 mg, 120 mg ou du placebo pendant six
mois. Les résultats montrent une amélioration significative du BPI (Brief Pain Inventory), du PGI–I (Patient Global Impression
of Improvement) aux deux posologies versus placebo. Cependant, les effets secondaires de la duloxetine (nausées, bouche
sèche, constipation) plus fréquents versus
placebo lèvent en partie l’aveugle, modifient
les attentes des patients et donc biaisent
les résultats.
À ce jour, la pregabaline a été évaluée
dans le traitement de la fibromyalgie dans
trois études randomisées contrôlées,
versus placebo sur une période de 8-14
semaines chez un total de 2 022 patients.
Le s p at i e nt s ay a nt à l ’ i nc l usi o n d e s
douleurs sur EVA supérieures à 40 ont
reçu des posologies de 150 à 600 mg/j.
Une étude d’extension ouverte randomisée versus placebo de treize semaines a
été présentée au congrès. 429 patients ont
été inclus, leur fibromyalgie évoluait
depuis environ neuf ans, la douleur était
e n moy e nne d e 6 5 /1 0 0 (E VA ) e t l e s
patients présentaient environ 17 points
tendineux sensibles. 249 ont terminé
l’étude, 70 ont arrêté pour effets secondaires, 44 pour absence d’efficacité et 66
pour d’autres motifs. 114 patients ont
reçu la pregabaline pendant plus d’un an,
la posologie moyenne était de 440 mg/j.
La douleur en EVA a diminué d’environ 21
sur 100 par rapport à l’inclusion et le PPI
(Present Pain Intensity – échelle en 0-5
points) a diminué de 0,9 point. Les effets
secondaires les plus fréquents étaient les
nausées, la somnolence, les œdèmes périphériques et la prise de poids. Les œdèmes
et la prise de poids étaient plus importants
dans cette étude à long terme par rapport
aux études à court terme (51).
Une extension de six mois d’étude FREEDOM de Leslie Crofford a aussi été publiée
cette année afin de connaître le bénéfice à
plus long terme de la pregabaline dans le
traitement de la fibromyalgie (52). Les patients répondeurs (amélioration d’au moins
50 % des symptômes de la fibromyalgie et de
l’évaluation par le patient) ont suivi une titration en ouvert de la pregabaline pendant
deux semaines, afin d’obtenir la posologie
efficace la mieux tolérée. Ensuite, un relais
pendant six mois en double aveugle était effectué parmi ces patients répondeurs titrés ;
certains continuaient à recevoir la pregabaline, les autres recevaient alors un placebo.
Le critère principal à 6 mois était une réduction d’au moins 30 % des symptômes de fibromyalgie. Les auteurs concluent à la supériorité de la pregabaline. Ce design est
pourtant discutable méthodologiquement
compte tenu des effets secondaires connus
de la pregabaline qui pouvaient disparaître
dans le groupe placebo lors du switch. Un
moyen de contourner cette levée de l’aveugle eût été d’ajuster les résultats d’efficacité
obtenus à la question : « Dans quel groupe
de traitement pensez-vous être ? » qui aurait
pu être posée aux participants.
Conclusion
chronicisation, les patients répondeurs aux
traitements médicamenteux, l’adaptation
des stratégies non médicamenteuses aux
caractéristiques des patients… Après avoir
observé un accroissement majeur des prescriptions des opioïdes au plan international,
surtout dans le traitement des douleurs
chroniques non cancéreuses, on assiste en
2008 à de nombreuses communications de
mises en garde concernant les risques de
mésusage et d’addiction. Les informations
sur les patients à risque se sont, de fait, affinées. Dans le domaine de la recherche, on
observe de nombreuses avancées ces dernières années notamment en génétique,
dans la compréhension des mécanismes
moléculaires (récepteurs, médiateurs de la
douleur) anatomiques (imagerie fonctionnelle) et dynamiques (plasticité neuronale)
du cerveau du patient douloureux.
On a aussi parfois l’impression que certaines communications enfoncent des
portes ouvertes quand on entend parler
« d’effet thérapeute », de techniques de
renforcement positif et d’écoute empathique. Pourtant, on sait à quel point ces
éléments manquent parfois dans la prise en
charge des patients douloureux.
Le congrès de l’IASP 2008 est un bon cru. La
masse de données est cependant considérable et difficile à analyser dans son exhaustivité. Certaines pistes de réflexions semblent utiles en pratique telles la recherche
de facteurs de vulnérabilité à la douleur,
l’identification des patients à risque de
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Lettre de l’Institut UPSA de la Douleur
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