iud lettre - Institut Upsa de la Douleur
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iud lettre - Institut Upsa de la Douleur
n °29 La Lettre de l’Institut UPSA de la Douleur Décembre 2008 Compte rendu du 12e Congrès de l’IASP 2008 17 - 22 août 2008, Glasgow Françoise Laroche / Rhumatologue, Praticien Hospitalier, membre du CEDR (Cercle d’Étude de la Douleur en Rhumatologie), Centre d’Évaluation et de Traitement de la Douleur Hôpital Saint-Antoine - Réseau Lutter Contre la Douleur - Paris (réseau-lcd.org) Cette lettre présente une synthèse du dernier Congrès de l’IASP, qui ne peut malheureusement être exhaustive. Elle met en avant les différentes avancées cliniques, thérapeutiques et les stratégies globales de prise en charge de la douleur. D Congrès IASP ix-neuf pour cent de la population européenne souffre de douleur chronique (1). L’intensité de la douleur est en moyenne de 5 sur 10 et évolue depuis environ six ans. La prévalence de la douleur chronique augmente avec l’âge et le faible niveau socio-économique (2). Les objectifs de l’IASP (International Association for the Study of Pain) sont de favoriser l’approche proposée par les sciences fondamentales (préclinique) pour mieux comprendre la physiopathologie de la douleur (clinique), de favoriser la formation, de diminuer les différences concernant la prise en charge de la douleur entre pays développés et pays en cours de développement, d’augmenter le nombre de recommandations EBM sur la douleur et d’améliorer les classifications des douleurs. Tous les trois ans (et à partir de 2010 tous les deux ans), à l’occasion du congrès mondial de la douleur, l’IASP nous offre une mise au point des nouveautés dans le domaine. Le douzième congrès qui s’est tenu du 17 au 22 août 2008 à Glasgow a été très riche d’enseignements. Outre les avancées techniques sur la compréhension de la douleur en matière de génétique (canaux sodiques, cathécholamines, récepteurs opioïdes…), d’imagerie fonc- tionnelle (fMRI, PET…), de mécanismes d ’ action des médicaments (opioïdes, bloqueurs des canaux sodiques…), de nouveaux produits (tapentadol, cannabinoïdes…), de nouvelles formulations (opioïdes, capsaïcine, toxine botulique…), ce congrès a permis de mettre en lumière des préoccupations plus pragmatiques. En effet, la somme de données actuellement disponibles est énorme. Le défi actuel est d’optimiser ces données en diminuant les coûts via, par exemple, l’identification des patients à risque de chronicisation. De très belles études ont été présentées sur les facteurs prédictifs de mauvais résultats chirurgicaux en termes de douleur et de handicap. De nombreuses molécules ont l’AMM pour le traitement des douleurs neuropathiques. Cependant, le taux de réponse est partiel et ne touche qu’environ 30 % des patients. C’est donc un autre défi que d’identifier les répondeurs et les facteurs de réponse à ces traitements. Le dernier défi concerne le développement et l’adaptation des thérapeutiques non médicamenteuses aux caractéristiques des patients (hypervigilance, catastrophisme, anxiété, dépression, seuil de la douleur…). >>> Congrès IASP Compte rendu du 12e Congrès de l’IASP 2008 La Lettre G énétique et douleur La génétique poursuit plusieurs objectifs : extraire le pourcentage de variabilité des facteurs d’origine « héréditaire » affectant la douleur, comprendre les f acteur s de risque, les mécanismes de la douleur et les traitements, et enfin, mieux classer les maladies douloureuses (3, 4). Différentes modalités d’études génétiques sont possibles. L’étude des familles, particulièrement de jumeaux, permet de mesurer les différences d’expressions phénotypiques entre jumeaux mono- et dizygotes avec estimation de la proportion de la variabilité d’une caractéristique expliquée par l’hérédité versus l’environnement. Certaines études de jumeaux ont cherché à montrer l’importance de l’hérédité dans la prévalence des lombalgies, des dysménorrhées et des colopathies fonctionnelles. L’une d’entre elles, effectuée parmi 300 jumeaux, conclut que 25 % de la variance de la dégénérescence discale serait génétiquement déterminée (5). Les études cas-contrôle ou « d’association » (utilisant les gènes variants) sont utilisées plus rarement. Enfin, les études à la recherche de gènes candidats (genome-wide association studies - GWAS), sont les plus effectuées en recherche clinique (diabète, trouble du métabolisme des lipides, maladie de Crohn…). Des études ont été publiées dans la migraine, les douleurs postzostériennes, la fibromyalgie, l’algodystrophie, les dysménorrhées, les douleurs prostatiques. Parmi les gènes candidats, le gène codant le transporteur de la sérotonine SLC6A4 (fibromyalgie), la COMT (fibromyalgie et migraine) et le GCH1 (lombalgie) ont été proposés. Les résultats de ces études cas-contrôles sont sensibles pour détecter de faibles variations du risque. En revanche, l’étude de chaque locus donne uniquement les mutations responsables de la susceptibilité à la maladie sur une toute petite partie de l’ADN en question (3, 4). Parmi les gènes candidats présentés lors du congrès, certains résultats semblent prometteurs : dégradation des monoamines. Sa présence est responsable de concentrations élevées de monoamines, d’anxiété et de troubles cognitifs. L’allèle Met-158 est associé à des taux plus faibles d’opioïdes endogènes et à des niveaux de douleur plus élevés. La COMT exprime au moins cinq polymorphismes associés à des phénotypes différents. Les interactions et variations de la COMT rendent complexes les études génétiques et leurs conclusions. Le polymorphisme de la COMT [Val-158-Met] est associé à une anxiété, un catastrophisme et une dépression plus importants (6) dans l’étude de Desmeules, comptant 198 fibromyalgies. Les patients souffrant de douleurs cancéreuses qui possèdent certains variants de la COMT (472G>A) ont besoin de moins de morphine que ceux qui ne possèdent pas ce variant (7). La GTP (Guanidine Tri Phosphate) cyclohydroxylase 1 Le gène GCH1 code la GTP cyclohydrolase 1, une enzyme essentielle pour la production des cathécolamines, de la sérotonine et de l’oxide nitrique. Des études animales et humaines (chirurgie discale pour sciatique) ont montré qu’un « haplotype protecteur X » est associé à des niveaux plus faibles de douleur chez 168 patients opérés. Trois autres cohortes expérimentales ont confirmé ces résultats. Des antagonistes bloqueurs du GCH1 sont en cours d’exploration pour leurs vertus antalgiques potentielles (8). Le Cytochrome 2D6 et le gène du récepteur mu (OPRM1) La variabilité de la réponse aux opioïdes a probablement des déterminants génétiques. Le Cytochrome P450 joue un rôle important dans le catabolisme des opioïdes et est associé à leur plus grande efficacité, mais aussi à une plus grande toxicité. À l’inverse, la codéine et le tramadol sont inefficaces chez les patients ayant un variant génétique qui entraîne une faible activité du Cytochrome 2D6. Le gène OPRM1 semble aussi jouer un rôle dans la pharmacodynamie de la morphine. En effet, les sujets qui ont une ou deux copies du variant allèlique G répondent moins bien à la morphine et à l’alfentanil (9). La COMT Les canaux sodiques Le gène de la cathechol-O-méthyltransferase (COMT) est très étudié. Plusieurs études ont montré son association avec la douleur. Ce gène code cette enzyme qui catabolise la noradrénaline, l’adrénaline et la dopamine. Par exemple, la variation des acides aminés [Val-158-Met] détermine deux allèles différents : Val-158 et Met-158 du locus de la COMT. L’allèle Met du polymorphisme [Val158-Met] est associé à une réduction de la Les canaux sodiques sont des protéines, avec différentes isoformes et propriétés. Ils sont hétérogènes et leur expression est dynamique. La mutation responsable d’une perte de fonction du gène codant la sousunité alpha des canaux sodiques Nav1-7 entraîne une insensibilité à la douleur. À l’inverse, une mutation induisant un excès d’activité des canaux sodiques entraîne l’erythromélalgie (pathologie distale des 2 pieds et des mains avec érythème et sensation de brûlures aggravées par les efforts et la chaleur) (10). D’autres mutations de la sousunité alpha 1 des canaux sodiques Nav1-1 sont aussi responsables de douleurs migraineuses familiales. Le développement de bloqueurs des canaux sodiques (lamotrigine, mexiletine) semblerait donc une voie thérapeutique prometteuse (11). De nombreux autres gènes sont explorés actuellement ; l’analyse des résultats obtenus doit être pondérée compte tenu des inconnues dans le domaine de la génétique et des extrapolations en clinique. Imagerie et douleur La tomographie par émission de positons (TEP) repose sur l’injection intraveineuse d’un produit radioactif (émetteur de positons) couplé à une tomographie (détecteurs de photons gamma). L’utilisation de ligands spécifiques des différents récepteurs (morphiniques, NMDA, GABA) permet d’élargir les cibles de recherche en imagerie. Les résultats de la TEP sont riches. Ils sont cependant limités par des contingences techniques et par l’interférence avec d’autres paramètres que la nociception pure (mémoire, émotions, attention…). Il est difficile de « prouver » la réalité d’une douleur sans lésion et d’identifier le primum movens de cette douleur ou un « terrain neurologique d’hyperalgésie centrale » prédisposé. De plus, certains traitements, comme l’hypnose et l’effet placebo, modifient les signaux. L’imagerie mentale montre une activation de zones identiques lors d’une douleur ou de sa simple représentation. La suggestion hypnotique modulerait la douleur selon l’image à visualiser proposée par le thérapeute. L’hypnose modifie les signaux du cervelet, du cortex cingulaire et pariétal inférieur au cours de la fibromyalgie (12). Certains auteurs cherchent une éventuelle « signature cérébrale » chez les patients douloureux chroniques. Quelles que soient la localisation et la nature de la douleur, il semblerait qu’une activation commune à tous les syndromes douloureux soit observée au niveau du cortex cingulaire, du cortex frontal de l’insula et de la partie dorsale du pont de la protubérance. Mais il existe aussi des modifications dynamiques des nocicepteurs, des neurotransmetteurs, des cellules gliales et du système immunitaire (13). La plasticité cérébrale structurale semble être le maître mot dans le domaine. Ces changements sont-ils la cause ou la conséquence de la douleur, sont-ils réversibles avec le traitement de la douleur ? De nombreux travaux actuels en imagerie céré- P sychopathologie de la douleur et facteurs de risque de chronicisation Co-morbidités On observe chez les patients douloureux chroniques de nombreuses co-morbidités : dépression (37 %), anxiété (25 %), abus de substances (12 %). L’anxiété est plus souvent associée à la sévérité et à l’ancienneté de la douleur. La dépression serait plutôt associée à l’ancienneté de la douleur. Les troubles anxieux seraient présents avant l’apparition des douleurs (77 % des patients) alors que la dépression ne serait antérieure à la douleur que dans 35 % des cas (14). D’autres paramètres semblent aussi interférer avec la douleur et ont été analysés dans différents posters. Comme paramètres de majoration, on peut citer l’apathie (15) et l’alexithymie (16, 17). Comme paramètres de minoration, on peut citer les personnalités optimistes et la résilience. Facteurs de risque Évaluation, mémoire et douleur La douleur n’est pas unique, la mémoire de l’intensité de la douleur semble meilleure que la mémoire de la qualité de la douleur. L’évaluation de la douleur en recherche clinique et en pratique quotidienne s’effectue en général par échelle de « recall » (Brief Pain Inventory par exemple) c’est-à-dire par une évaluation rétrospective demandée au patient. Marc Jensen a brillamment mis en lumière les variations de la mémoire de la douleur selon le type d’instrument d’évaluation utilisé. Une distinction majeure est nécessaire entre l’évaluation de la douleur au fur et à mesure par le patient (agenda) et 3 l’évaluation de la douleur passée durant les derniers jours voire la dernière semaine. Les agendas sont très utilisés en recherche car ils diminueraient les biais d’évaluation. Les échelles de « recall » sont précises, valides, bien corrélées avec les pics douloureux mais pas avec l’expérience finale ni avec celle de la « pire douleur ». Elles surestiment en général la douleur actuelle mais sont quand même corrélées à celle-ci (> 80 %). L’anxiété, les attentes, la durée de la douleur influencent l’évaluation faite sur la mémoire. Mais l’utilisation d’agenda ne semble pas tellement idéale : les journaux électroniques induisent des biais car coûteux, non généralisables, lourds pour le patient, il y a beaucoup de données manquantes, seulement 77 % de compliance et de nombreuses erreurs de mesure. Herta Flor a fait une très belle présentation sur la mémoire implicite et les techniques d’extinction ou « unlearning ». En effet, le principe d’extinction se base sur les théories de l’apprentissage et sur le « relearning ». La perception de la douleur peut être modifiée par l’apprentissage opérant (techniques de répétition de phases sur une durée prolongée), l’utilisation des renforcements positifs et négatifs et la détermination par le patient du seuil de la douleur qui correspondrait à « la punition » (ré-aggravation) ou à l’extinction (succès du traitement). Les principes d’extinction sont spécifiques au contexte, facilement modifiés par le stress ou la douleur. Cependant, ces principes peuvent être oubliés spontanément car la « nouvelle trace » est labile. Traitements médicamenteux Un travail éclairant de l’équipe de Genève a montré que le grand public qui souhaite s’informer sur le paracétamol via le net n’obtient pas toujours les bonnes informations en dehors des blogs et des forums. En effet, les auteurs ont observé 16 % d’erreurs pharmacologiques parmi les 61 sites explorés (dont 65 % envahis de publicités qui déformaient l’information) (21). Opioïdes De nombreuses communications ont été présentées à l’IASP concernant les opioïdes. En effet, l’accroissement des prescriptions, notamment dans le traitement des douleurs chroniques non cancéreuses (DCNC) et l’arrivée de nouvelles formes galéniques, en font un sujet d’actualité. La consommation mondiale d’opioïdes a augmenté de façon très importante ces dix dernières années (entre 1997 et 2006 : augmentation de 347 % Congrès IASP Lorsque l’on aborde les facteurs de douleur et de chronicisation, il importe de bien différencier les facteurs de prédisposition (vulnérabilité, susceptibilité) qui correspondent à la génétique, à la physiologie et aux facteurs psychologiques des facteurs précipitants (événements survenus juste avant l’apparition de la douleur) qui correspondent aux facteurs physiques, psychologiques et aux agents stressants ainsi qu’aux facteurs de maintien (18). Certains facteurs de risque de douleur postopératoire ont fait l’objet d’études. Il s’agit entre autres des attentes spécifiques, des stratégies de coping, de l’anxiété, de la dépression et du soutien social perçu… Huber a présenté les résultats d’une étude allemande sur l’hypervigilance comme facteur prédictif de douleur post-opératoire. L’hypervigilance est définie comme un « style de perception » avec niveau de contrôle de l’attention. Il s’agit d’un filtre cognitif dysfonctionnel au cours duquel les événements aversifs sont amplifiés. C’est un facilitateur de détection de la douleur et de toutes les informations en relation avec la douleur. Les sujets ont tendance à manifester une attention automatique (non intentionnelle) efficace dans les processus de fuite (une valeur de dangerosité est attribuée à la douleur). Cent hommes jeunes souffrant de thorax en entonnoir (ou funnel chest - pathologie indolore) ont été opérés (chirurgie correctrice de nature esthétique). Différents paramètres ont été évalués en préopératoire, en postopératoire, à trois et à six mois : l’hypervigilance, la douleur, les affects, le handicap, le seuil de la douleur par le QST et la concentration plasmatique de cortisol. Les résultats montrent que l’hypervigilance est un facteur prédictif de douleur chronique postopératoire, que les sujets évitant de la douleur en préopératoire étaient plus vulnérables à la douleur postopératoire et que cette hypervigilance entre en compétition avec les autres variables psychologiques. La prédictivité des données psychologiques dépend du moment de leur évaluation avant la chirurgie et diffère pour les douleurs aiguës et chroniques. Dans cette étude, les données affectives préopératoires étaient prédictives de la douleur aiguë subjective et du handicap dû à la douleur (19). Un autre travail rapporté par Adams de l’équipe de Sullivan à Montréal, a montré que le catastrophisme lié à la douleur en préopératoire était prédictif de la douleur postopératoire et que la peur du mouvement et de se faire mal étaient prédictifs des difficultés fonctionnelles en postopératoire après pose de prothèse totale de genou parmi 75 patients arthrosiques (20). L’observatoire américain OPPERA est en cours pour cinq ans, parmi 3 200 personnes de la population générale (17 questionnaires, 150 gènes candidats testés, QST). 200 patients cas-contrôles souffrant de douleurs orofaciales issus d’OPPERA sont suivis simultanément. Les premières évaluations montrent chez ces patients douloureux que l’hypervigilance en préopératoire prédit le handicap à trois et six mois en post-opératoire. Cependant, il semble que les questionnaires d’hypervigilance soient stables en population générale mais pas chez les patients douloureux selon le moment où on les interroge. Compte rendu du 12e Congrès de l’IASP 2008 brale de la douleur explorent l’empathie et montrent la complexité des phénomènes douloureux, de l’attention, de l’anticipation anxieuse, des cognitions et des expériences antérieures en termes de résultats et d’interprétations Congrès IASP Compte rendu du 12e Congrès de l’IASP 2008 La Lettre aux USA, toutes molécules confondues, surtout pour l’oxycodone et le fentanyl) (22). Cette augmentation porte surtout sur le traitement des DCNC. 5 % de la population mondiale reçoit 80 % des opioïdes consommés dans le monde. Six pays surtout utilisent les opioïdes dans les DCNC. L’étude de Marc Sullivan effectuée par Medicaid montre, entre 2000 et 2005, une augmentation du nombre de patients avec un diagnostic de DCNC et parallèlement du nombre de milligrammes d’équivalents opioïdergiques avec une dose cumulée augmentée de 37 % environ (23). - Efficacité des opioïdes dans le traitement des douleurs non cancéreuses De nombreux articles et méta-analyses ont rapporté l’efficacité de ces molécules dans les douleurs neuropathiques, la lombalgie chronique (24). Les opioïdes sont efficaces (NNT=4) mais ne doivent pas être utilisés en première ligne du fait de la tolérance à long terme (25). Les études qui ont montré avec le plus d’évidence l’efficacité des opioïdes ont été menées dans l’arthrose, surtout dans les douleurs résistantes et inopérables (26). Les résultats montrent une diminution de la douleur de 30 % avec des posologies de 20 à 40 mg de morphine, de 20 à 40 mg oxycodone (40 %), de 20 à 40 mg d’oxymorphone (métabolite actif de l’oxycodone), de 50 microgramme/heure de fentanyl transdermique. Kalso a présenté les résultats d’une métaanalyse publiée en 2004 qui montrent un gain moyen sur la diminution de l’intensité de la douleur chronique non cancéreuse de 30 % maximum, statistiquement significatif par rapport au placebo. Environ 40 % des patients poursuivent le traitement au-delà de 7 à 24 mois, à des posologies moyennes de 40 mg par jour d’oxycodone et 80-100 mg de morphine (27). Furlan conclut que les opioïdes forts sont plus efficaces sur la douleur et la fonction et que les arrêts de traitement sont de 33 % dans les DCNC (28). Deux revues de la Cochrane en 2006 et 2007 ont conclu à des résultats insuffisants de ces traitements à long terme pour les douleurs neuropathiques et nociceptives. Enfin, une des dernières publications en 2008 rapporte des conclusions comparables sur l’utilisation à long terme de ces molécules (29). - Facteurs de réponse aux opioïdes Les attentes de soulagement à l’introduction du traitement nécessitent d’être évaluées chez les patients douloureux chroniques car elles interfèrent de façon importante avec les résultats d’efficacité. Les facteurs de réponse aux opioïdes ont fait l’objet de nombreuses discussions au cours de ce congrès de l’IASP. Kalso a présenté une étude portant sur 500 jours, effectuée parmi 680 patients lombalgiques chroniques (moyenne d’âge 52 ans, moyenne d’évolution de la douleur 87 mois) afin de rechercher les facteurs prédictifs d’efficacité de l’administration à long terme du fentanyl transdermique et de la morphine. Les résultats montrent que 50 % des patients ont été considérés comme répondeurs (diminution d’au moins 30 % de la douleur). Les différences entre les répondeurs et les nonrépondeurs ont été observées après trois semaines de traitement. Les arrêts précoces étaient dus aux effets secondaires, les arrêts plus tardifs au manque d’efficacité. Les facteurs prédictifs de réponse étaient le statut professionnel (p=0,02) et la posologie élevée d’opioïdes (p=0,08). Aucun autre critère n’était prédictif de réponse à l’inclusion (30). - Effets secondaires et arrêts des traitements opioïdes Dans l’étude de Kalso, 81 % des patients ont au moins un effet secondaire versus 52 % dans le groupe placebo. Le NNH est de 3,4. La constipation est de 41 % (NNH= 4,6), les nausées de 32 % (NNH=3,6), la somnolence de 29 % (NNH=5,3) (27). Les arrêts pour insuffisance d’efficacité sont de 15 % versus 30 % pour le placebo. Les arrêts pour effets secondaires sont de 21 % versus 10 % pour le placebo (28). Les arrêts peuvent s’expliquer entre autre par la tolérance pharmacologique, l’hyperalgésie induite par certains opioïdes et des facteurs psychologiques. - Tolérance, dépendance, abus et mésusage des opioïdes L’utilisation des opioïdes dans le traitement des DCNC est de plus en plus sujette à débats et controverses du fait des risques de mésusage et d’abus. Le taux d’addiction est difficile à estimer : selon les études, il varie de 0 à 50 % et dépend aussi des pathologies. Pour les douleurs lombaires chroniques, Martell, en 2007, a évalué ce taux entre 5 et 24 %, Fishbain, en 1992, l’avait évalué à 18,9 % pour les douleurs chroniques. Les tissus nerveux semblent s’adapter au traitement chronique (régulation positive de l’AMPc du locus coeruleus). Il existe des « renforceurs positifs » qui produisent une analgésie et le soulagement de la douleur peut favoriser un état d’euphorie. Les renforceurs négatifs sont l’anhédonie, l’hyperalgésie et probablement d’autres paramètres. D’autres facteurs modifient la réponse aux opioïdes : il s’agit par exemple de l’effet placebo qui s’épuise (15 - 53 % d’effet placebo à l’initiation du traitement) et de l’association d’une tolérance apprise. De plus, les variations interindividuelles sont importantes, tant au plan de l’efficacité 4 que sur celui de la tolérance. La difficulté de prescription de ces molécules dans les DCNC réside donc dans la prédiction de la balance bénéfice-risque et du risque d’abus. La neuroplasticité (plus importante chez les sujets jeunes) pourrait favoriser les risques de tolérance, l’addiction, les troubles de l’humeur, les problèmes d’adhésion au traitement et les interactions médicamenteuses. Les facteurs génétiques (OPRM, COMT, P-Glycoprotéines, pharmacocinétique, potentiel addictif, tempérament) pourraient aussi interférer avec la réponse aux opioïdes. Une étude effectuée pendant un an, chez 1 323 patients rachialgiques chroniques en maladie professionnelle attendant d’entrer dans un programme de rééducation avec (n=199) ou sans (n=1 124) dépendance aux opioïdes, a montré un moins bon pronostic fonctionnel, professionnel et plus de co-morbidités psychiatriques parmi les patients ayant une dépendance aux opioïdes (même après sevrage) (31). Une étude évaluant la compliance au traitement a été présentée par une équipe de Minneapolis. Parmi 492 patients présentant des DCNC, 205 n’étaient pas compliants (41,6 %). Ce défaut d’observance était lié à une augmentation non autorisée des posologies (57,5 %), à une non observance des autres traitements prescrits (30,2 %), à une recherche d’opioïdes par d’autres moyens (22,9 %), à l’utilisation illégale de drogues (17 %) ou d’alcool (6,8 %). Ce défaut d’observance était observé chez les patients plus jeunes (p< 0,01), il n’y avait pas de différence selon l’opioïde prescrit (32). - Prescriptions et recommandations des opioïdes Des recommandations de bonnes pratiques sont actuellement disponibles (22) (Britishpainsociety.org). En 2008, la société américaine des spécialistes de la douleur a évalué le bénéfice/risque des opioïdes. L’efficacité serait intéressante à court terme ; audelà de six mois, elle serait plus variable. D’après les données de la littérature, les auteurs concluent que l’efficacité serait modérée pour le fentanyl transdermique et la morphine LP (niveau de preuve II2), trop limitée pour l’oxycodone (niveau II3) et indéterminée pour l’hydrocodone et la méthadone (niveau de preuve III). Il est cependant important de noter les limites des études qui rapportent ces résultats. Il s’agit souvent d’études pour l’enregistrement des molécules, difficilement généralisables, avec un design fait pour tester des médicaments spécifiques (meilleure sensibilité mais réduction de la validité interne). Les patients sont en général très sélectionnés, la sont faibles mais significatifs (EVA = 6,1 versus 5,4), aucune différence n’a été observée sur l’humeur ni la qualité de vie. En revanche, c’est surtout l’amélioration du sommeil qui a été statistiquement significative par rapport au placebo (35). Tapentadol - Nouvelles formulations d’opioïdes disponibles De nouveaux traitements et surtout de nouvelles galéniques ont été présentés. Il s’agit surtout de traitements pour les « breakthrough pain » ou « pics douloureux ». Le Fentanyl en forme inhalée (spray nasal) est proposé par deux laboratoires actuellement en France. Le délai moyen du pic plasmatique est de 3 à 10 minutes, avec un Tmax à 10-15 minutes (en cours d’étude) et une durée de 60 minutes. Le problème réside dans le faible volume administrable par cette voie et des préparations plus concentrées sont en cours de développement. Le Fentanyl en forme transmuqueuse buccale (lingette imprégnée ou comprimé à poser contre la muqueuse) présente un pic plasmatique entre 10 et 15 minutes, une Tmax de 20 à 40 minutes, avec une durée de l’effet de 60 à 120 minutes. Enfin, il existe des formes transdermiques matricielles « nouvelle génération », patch de petite taille. Cannabinoïdes Le système cannabinoïde intervient dans l’inhibition de la transmission synaptique et de la plasticité des circuits douloureux. L’efficacité antalgique des agonistes cannabinoïdes en clinique reste cependant débattue. En effet, le mécanisme d’action reste encore discuté (effet de modulation des agonistes GABA au niveau des interneurones de la corne dorsale de la moelle) (33). Une étude avec le Dronabinol (delta-9-tetrahydrocannabinol –THC) en cross over a montré, parmi 24 patients présentant des douleurs neuropathiques centrales, une amélioration des douleurs permanentes et paroxystiques après trois semaines de traitement à des doses de 10 mg maximum par jour (34). Les risques d’abus et d’addiction semblent fréquents ainsi que les effets secondaires (bouche sèche, malaises, somnolence, tachycardie, troubles psychomoteurs, dysphorie). Une étude canadienne randomisée, contrôlée en « cross over » a évalué l’efficacité antalgique du cannabis fumé. 23 patients présentant des douleurs neuropathiques et non consommateurs au préalable de cannabis, ont reçu 25 mg de cannabis en une bouffée à la pipe, 3 fois par jour pendant des périodes de 4-5 jours. Un wash out de 9 jours était observé entre les deux périodes de traitement. Les résultats sur la douleur Le tapentadol est un agoniste des récepteurs opioïdes mu et un inhibiteur de la recapture de la noradrénaline. Une étude d’efficacité a comparé le tapentadol LI 50 ou 75 mg, à l’oxycodone LI 10 mg toutes les 4 à 6 heures pris pendant la journée versus placebo pendant 10 jours, parmi 659 patients souffrant d’arthrose évoluée du genou ou de la hanche. Les résultats montrent une efficacité sur la douleur par rapport au placebo comparable à celle obtenue avec l’oxycodone avec le même type d’effets secondaires (digestifs, somnolence…), ceux-ci étant moins nombreux, 29 et 40 % pour le tapentadol 50 mg et 75 mg versus 69 % avec l’oxycodone et 17 % dans le groupe placebo(36). Une autre étude sur 90 jours, du même laboratoire pharmaceutique (679 patients sous oxycodone et 170 sous tapentadol) a montré une efficacité sur des douleurs modérées d’arthrose et celles associées à des lombalgies chroniques, à des posologies de 50 ou 100 mg par prise (maxi 100 mg) versus oxycodone 10 mg par prise (maxi 90 mg par jour). L’évaluation de la douleur est passée de 7 à 5 (sur 10) entre le début et l’évaluation à 90 jours. Moins d’effets secondaires digestifs ont été rapportés avec la tapentadol : nausées 18 % vs 29 %, vomissements 17 % vs 30 %, constipation 13 % vs 27 %, les céphalées, les vertiges et la somnolence étant identiques entre les deux groupes (37). Une autre étude a montré des résultats comparables dans le traitement des douleurs après chirurgie orthopédique (n=603). Effet placebo Les recherches concernant l’effet placebo sont toujours à la mode en 2008. À l’occasion de ce congrès de l’IASP, une équipe norvégienne a rapporté, dans une étude récente, l’absence de profil de personnalité prédisposé à l’effet placebo. En revanche, le travail sur les attentes et les procédures de conditionnement a donné des résultats intéressants parmi les 69 patients évalués : les expériences passées et les facteurs situationnels sont des facteurs prédictifs de l’effet placebo beaucoup plus important. La question qui se pose est alors : comment utiliser cet effet placebo en thérapeutique 5 en restant éthiquement et scientifiquement non critiquable (38) ? Des techniques de conditionnement sont souvent effectuées au cours des études évaluant l’effet placebo. Ce conditionnement semble, en effet, donner des réponses plus élevées avec le placebo, mais la question est de savoir combien d’études de conditionnement sont nécessaires pour maintenir l’effet placebo chez les répondeurs. Les instructions données aux partic i p a n t s a u x é t u d e s t h é r ap e u t i q u e s contrôlées en double aveugle sont souvent : « Vous avez 50 % de chances de recevoir le produit actif ou le placebo » et les investigateurs disent aux participants recevant le placebo que le produit a été « administré pour voir s’il induisait une diminution de la douleur chez certaines personnes ». L’objectif de la recherche future est de déterminer l’impact de différentes instructions pour favoriser l’effet placebo et sa persistance (39). Est-ce que parler avec son patient de l’effet placebo ou de la réponse placebo du traitement utilisé dans un objectif éducatif est une meilleure stratégie que de ne rien dire ? Chung a montré parmi des volontaires sains (n =7 7 ) e t d e s p at i e n t s s o u f f r a n t d u syndrome du colon irritable (n=11) que de donner leurs résultats en termes d’effet placebo ne modifiait pas leurs futures réponses au placebo. Cela entraînait une frustration mais pas de retentissement sur l’anxiété, la dépression, la colère, la peur, la consommation de traitements médicamenteux/non médicamenteux, ni le souhait de poursuivre leur participation dans des essais thérapeutiques (40). T raitements non pharmacologiques L’efficacité des traitements pluridisciplinaires de la douleur chronique est documentée dans la littérature. Cependant, l’analyse des études est difficile compte tenu de la méthodologie des essais non médicamenteux (pas de double aveugle, groupes contrôles difficiles à accepter pour les patients, listes d’attente, durée longue des études, programmes très variés, compétence des thérapeutes peu détaillée…). De nombreuses approches thérapeutiques ont été présentées lors de ce Congrès IASP : hypnose, acupuncture, mindfulness, tai chi, chiropraxie, exercices physiques, reprise graduée d’activités, techniques d’exposition in vivo, thérapies cognitives et comportementales, EMDR, information-éducation… Certains éléments méthodologiques inté- Compte rendu du 12e Congrès de l’IASP 2008 durée de traitement est courte, il s’agit souvent de douleurs neuropathiques et de douleurs d’arthrose ; les patients ont déjà été traités par opioïdes, à posologies faibles, les patients à risque d’addiction sont exclus et il n’y a pas d’évaluation systématique de la fonction ni de la qualité de vie. Congrès IASP Compte rendu du 12e Congrès de l’IASP 2008 La Lettre ressants peuvent être extraits de la masse d’informations recueillie, tout particulièrement pour l’adaptation de certaines de ces approches aux caractéristiques des patients. On peut utiliser les « modérateurs » d’amélioration de la douleur que sont notamment l’amélioration du catastrophisme, les changements d’attentes de résultats des patients, les variations de la peur… De même, l’évaluation de l’effet thérapeute a été beaucoup discutée. Les grandes lignes seraient de ne pas faire « attention » à la douleur, de pratiquer plutôt que de parler, et d’utiliser les renforcements positifs (41). Douleurs neuropathiques Épidémiologie et recherche Des résultats complémentaires concernant le travail épidémiologique français de la cohorte STOPNET ont été rapportés. La prévalence des douleurs neuropathiques est de 7 % dans cette cohorte en population générale. Parmi les patients sélectionnés, trois groupes ont été déterminés : douleurs chroniques avec caractéristiques neuropathiques (n=1 496), douleurs chroniques sans composante neuropathique (n=1 487) et absence de douleur (n=1 571). Différents questionnaires démographiques, de consommation de soins et aussi le SF12, le HAD, un questionnaire de sommeil et le DN4 ont été envoyés par courrier postal. Les 3 816 questionnaires analysables montrent un retentissement important de la douleur dans les deux premiers groupes. En outre, le groupe avec composante neuropathique avait un retentissement (SF12 et questionnaires de comorbidités) et des demandes de soins plus importants (42). Sur le plan de la recherche fondamentale, des études récentes concluent que la microglie, considérée jusqu’à présent comme « inerte » dans la transmission de l’influx douloureux, jouerait probablement un rôle dans les échanges avec les fibres nociceptives dans les douleurs neuropathiques. Une équipe bordelaise a rapporté les résultats d’un travail expérimental qui montre que les canaux P2X (récepteurs ATP-dépendants) de la microglie sont activés dans des conditions de douleur neuropathique et que cette activation serait médiée par des interactions directes avec les phosphoinositol biphosphates et tri-phosphates (43). Traitement des douleurs neuropathiques L’équipe française de Nadine Attal à Boulogne a présenté les résultats d’une étude d’efficacité de la toxine botulique sur les douleurs neuropathiques avec allodynie. 29 patients ont reçu de façon prospective, randomisée en double aveugle, une seule injection de toxine botulique intradermique ou un placebo dans la région douloureuse. L’efficacité est significativement différente du placebo à la deuxième semaine et persiste à 14 semaines. L’allodynie mécanique et thermique s’améliore sans modification du seuil douloureux. À 12 semaines, le NNT pour une diminution de la douleur de 50 % est de 3,03. L’injection est douloureuse mais sans effet local ou systémique de la toxine botulique (44). Malgré les promesses de la recherche dans le domaine du traitement des douleurs neuropathiques, il n’y a pas de nouveaux traitements disponibles présentant une efficacité plus importante. On obtient en général des taux de réponse assez faibles et les répondeurs présentent une efficacité du traitement partielle. Une diminution de la douleur de 33 % est considérée comme cliniquement importante. Des études ont été présentées avec la lidocaïne iv, la lamotrigine (200 mg/j), les opioïdes (morphine, oxycodone, methadone et tramadol) et les cannabinoïdes. Les résultats méritent d’être confirmés sur un nombre élevé de patients. Fibromyalgie Une enquête américaine a évalué les attentes de soulagement de 294 patients fibromyalgiques (EVA douleur et fatigue à 7) auprès d ’ un rhumatologue après une consultation unique. La consultation était considérée comme un succès par ces patients si la douleur diminuait de 56 %, la fatigue de 61 % et la détresse émotionnelle de 63 %. Ces résultats montrent que les attentes médicales des patients sont très fortes dans une pathologie considérée pourtant comme “rebelle” (45). Par ailleurs, on sait que le recours au système de santé est moindre (avec moins de consultations chez le médecin généraliste) chez les patients déjà diagnostiqués. Traitements médicamenteux de la fibromyalgie Un état des lieux de la consommation médicamenteuse des patients souffrant de fibromyalgie a été présenté par une équipe allemande. 4 983 patients souffrant de fibromyalgie ont été suivis pendant un an. 67 % recevaient un traitement médicamenteux soit 3 345 patients. Les AINS étaient les plus utilisés (71 %), puis venaient les antidépresseurs (37 %), les opioïdes (32 %), les benzodiazépines (18 %). 39 % des patients étaient 6 polymédiqués ; AINS + ADT (17 %), ADT + OPIOIDES (14 %), AINS + BENZO (13 %) (46). De nombreuses études ont été présentées ou sont en cours avec les antidépresseurs et les antiépileptiques essentiellement. Milnacipran Clauw a présenté les résultats d’efficacité du milnacipran 100 mg et 200 mg dans une étude randomisée contrôlée versus placebo de trois mois parmi 1 196 fibromyalgies. À quinze semaines, la douleur évaluée sous forme d’un critère composite correspondant à l’association du taux de répondeurs (30 % de diminution de la douleur des 24 dernières heures) et du PGIC (Patient Global Impression of Change) a diminué significativement versus placebo. L’efficacité a été observée dès la première semaine. Les effets secondaires étaient comparables (nausées, céphalées et constipation) (47). Une autre étude parmi 888 patients a montré les mêmes résultats à six mois (48). Cependant, une analyse statistique de cette dernière étude (par les mêmes auteurs) laisse à penser que l’analyse en données individuelles continues des symptômes est plus robuste statistiquement. Il semblerait donc que les résultats soient plus significatifs en données continues et qu’ils dépendent surtout du choix des critères de réponse, particulièrement lorsque ce sont des critères composites. Une étude d’extension a été présentée avec cet antidépresseur. 449 patients fibromyalgiques ont reçu le milnacipran pendant six mois supplémentaires, soit un an de traitement au total, à la posologie de 100 à 200 mg /j. Les résultats montrent une amélioration chez les patients répondeurs d’environ 40 % sur la douleur dans les 24 dernières heures et sur la douleur des huit derniers jours. L’efficacité a aussi porté sur le FIQ (Fibromyalgia Impact Questionnaire) et le PGIC. Les effets secondaires étaient surtout des nausées pour environ 18 % (comparable entre 100 et 200 mg/j) (49). Duloxetine Une étude sur l’efficacité de la duloxetine dans le traitement de la fibromyalgie a été présentée par l’équipe de Philip Mease et Leslie Arnold (50). 520 patients ont reçu 60 mg, 120 mg ou du placebo pendant six mois. Les résultats montrent une amélioration significative du BPI (Brief Pain Inventory), du PGI–I (Patient Global Impression of Improvement) aux deux posologies versus placebo. Cependant, les effets secondaires de la duloxetine (nausées, bouche sèche, constipation) plus fréquents versus placebo lèvent en partie l’aveugle, modifient les attentes des patients et donc biaisent les résultats. À ce jour, la pregabaline a été évaluée dans le traitement de la fibromyalgie dans trois études randomisées contrôlées, versus placebo sur une période de 8-14 semaines chez un total de 2 022 patients. Le s p at i e nt s ay a nt à l ’ i nc l usi o n d e s douleurs sur EVA supérieures à 40 ont reçu des posologies de 150 à 600 mg/j. Une étude d’extension ouverte randomisée versus placebo de treize semaines a été présentée au congrès. 429 patients ont été inclus, leur fibromyalgie évoluait depuis environ neuf ans, la douleur était e n moy e nne d e 6 5 /1 0 0 (E VA ) e t l e s patients présentaient environ 17 points tendineux sensibles. 249 ont terminé l’étude, 70 ont arrêté pour effets secondaires, 44 pour absence d’efficacité et 66 pour d’autres motifs. 114 patients ont reçu la pregabaline pendant plus d’un an, la posologie moyenne était de 440 mg/j. La douleur en EVA a diminué d’environ 21 sur 100 par rapport à l’inclusion et le PPI (Present Pain Intensity – échelle en 0-5 points) a diminué de 0,9 point. Les effets secondaires les plus fréquents étaient les nausées, la somnolence, les œdèmes périphériques et la prise de poids. Les œdèmes et la prise de poids étaient plus importants dans cette étude à long terme par rapport aux études à court terme (51). Une extension de six mois d’étude FREEDOM de Leslie Crofford a aussi été publiée cette année afin de connaître le bénéfice à plus long terme de la pregabaline dans le traitement de la fibromyalgie (52). Les patients répondeurs (amélioration d’au moins 50 % des symptômes de la fibromyalgie et de l’évaluation par le patient) ont suivi une titration en ouvert de la pregabaline pendant deux semaines, afin d’obtenir la posologie efficace la mieux tolérée. Ensuite, un relais pendant six mois en double aveugle était effectué parmi ces patients répondeurs titrés ; certains continuaient à recevoir la pregabaline, les autres recevaient alors un placebo. Le critère principal à 6 mois était une réduction d’au moins 30 % des symptômes de fibromyalgie. Les auteurs concluent à la supériorité de la pregabaline. Ce design est pourtant discutable méthodologiquement compte tenu des effets secondaires connus de la pregabaline qui pouvaient disparaître dans le groupe placebo lors du switch. Un moyen de contourner cette levée de l’aveugle eût été d’ajuster les résultats d’efficacité obtenus à la question : « Dans quel groupe de traitement pensez-vous être ? » qui aurait pu être posée aux participants. Conclusion chronicisation, les patients répondeurs aux traitements médicamenteux, l’adaptation des stratégies non médicamenteuses aux caractéristiques des patients… Après avoir observé un accroissement majeur des prescriptions des opioïdes au plan international, surtout dans le traitement des douleurs chroniques non cancéreuses, on assiste en 2008 à de nombreuses communications de mises en garde concernant les risques de mésusage et d’addiction. Les informations sur les patients à risque se sont, de fait, affinées. Dans le domaine de la recherche, on observe de nombreuses avancées ces dernières années notamment en génétique, dans la compréhension des mécanismes moléculaires (récepteurs, médiateurs de la douleur) anatomiques (imagerie fonctionnelle) et dynamiques (plasticité neuronale) du cerveau du patient douloureux. On a aussi parfois l’impression que certaines communications enfoncent des portes ouvertes quand on entend parler « d’effet thérapeute », de techniques de renforcement positif et d’écoute empathique. Pourtant, on sait à quel point ces éléments manquent parfois dans la prise en charge des patients douloureux. Le congrès de l’IASP 2008 est un bon cru. La masse de données est cependant considérable et difficile à analyser dans son exhaustivité. Certaines pistes de réflexions semblent utiles en pratique telles la recherche de facteurs de vulnérabilité à la douleur, l’identification des patients à risque de Bibliographie 1. Breivik H, Collett B et al. 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