Copie de Des allumettes dans l™aquarium3
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Copie de Des allumettes dans l™aquarium3
Des allumettes dans l’aquarium Un problème original à résoudre… Ou comment tirer parti d’une situation fortuite pour résoudre un problème portant sur une grande quantité au cycle 2. Ce travail a été réalisé par la classe de grande section et cours préparatoire de l ’école publique de Saint-Maudet à CloharsCarnoët. Mais que font toutes ces allumettes dans un aquarium ? • Christian Carignon, metteur en scène en résidence pendant trois semaines dans la classe de CM, a eu besoin, pour réaliser une maquette de la classe, d’une trentaine de boîtes d’allumettes symbolisant les tables. Ne sachant que faire des allumettes que contenaient les boîtes, il les a mises dans un petit aquarium. • Les élèves de la classe de grande sectionCP ont découvert avec étonnement le contenu de l’aquarium et ont instantanément exprimé l’idée qu’il y avait vraiment beaucoup d’allumettes dans cet aquarium ! Yves, le maître de la classe a alors demandé à ses élèves : « Combien y a-t-il d’allumettes dans l’aquarium ?» et ce fût le point de départ de plusieurs séances intenses de réflexion et de recherche… .. • A la question concernant le nombre d’allumettes, les élèves ont répondu, entre autres : « il y a treize allumettes » ; « il y en a beaucoup ». • Yves a alors pris treize allumettes dans sa main. Un élève a dit « Il y en a encore beaucoup » et un autre « On pourrait les compter »… . • Quelques jours plus tard, il est décidé d’utiliser les allumettes de l’aquarium pour en faire un jeu lors de la kermesse prochaine. • « On pourrait demander aux gens de dire combien il y a d’allumettes dans l’aquarium ». • Les élèves ont rédigé le texte incitant à participer au jeu. 1 • Le lendemain de la kermesse, voilà nos élèves de grande section-cp au pied du mur ! Ils ont en main les nombres proposés par les participants au jeu… et toujours l’aquarium rempli d’allumettes. Un débat a lieu. Tanguy propose de compter « très vite », Clara de « compter en même temps à plusieurs », Adam de «faire des paquets », Gaëlle de « donner à toute la classe une poignée, on compte et on dit le nombre », Jérémy de « faire des paquets de cinq », un autre propose de « faire des paquets de dix comme dans Picbille », et une petite élève propose même « un prend les allumettes dans l’aquarium et toute la classe compte ». • Les remarques faites sont une précieuse indication pour le maître ; on distingue nettement les élèves ayant compris la nécessité du groupement pour faciliter le comptage et ceux qui pensent encore qu’on peut dénombrer une telle quantité par le comptage de un en un. Les activités suivantes, collectives et débattues au sein de la classe ont été à même de faire évoluer les conceptions et les procédures des élèves. • Après quinze minutes de débat, l’idée de faire individuellement, sur sa table, des paquets de dix allumettes, est retenue. Yves circule pour poser une poignée d’allumettes sur chaque table… et voilà toute la classe au travail. 2 • Yves circule et vérifie que chaque paquet contient bien dix allumettes ; lorsque ce n’est pas le cas, il signale à l’élève qu’il n’est pas d’accord avec lui pour tel ou tel paquet. • Certains élèves sont organisés, d’autres moins, leurs paquets d’allumettes sont trop proches et ont tendance à se mélanger… Les élèves ont conclu d’eux- mêmes qu’il était difficile de « toujours compter dix », que l’inattention, la vitesse pouvait être source d’erreur. • Lorsque l’aquarium fut vide, les tables des élèves étaient encombrées par les allumettes… . • Yves met en évidence le fait qu’il n’est pas possible de laisser la classe ainsi encombrée. • Un débat permet de recueillir diverses propositions, l’idée qu’il faut remplacer les allumettes par autre chose apparaît ; le maître laisse les élèves chercher dans le matériel de la classe ce qui pourrait se substituer aux paquets d’allumettes. Certains proposent de mettre un feutre à la place de chaque paquet ; finalement, ce sont les réglettes Cuisenaire que les élèves trouvent dans la classe qui sont choisies. 3 Et maintenant, comment faire ? • Avant d’aller chercher le nombre de réglettes dont il a besoin, chaque élève inscrit sur un papier le nombre de paquets de dix qu’il a sur sa table, sans s’occuper pour l’instant des allumettes « qui ne sont pas dans un paquet ». Les termes de dizaines et unités sont utilisés lors de cette phase de travail. Chacun écrit le nombre de dizaines qu’il a sur sa table, puis le nombre d’unités. Yves introduit le codage « d » pour dizaine et « u » pour unité. • Les élèves vont chercher les réglettes et les déposent sur leur table ; Yves vérifie le travail et en cas d’accord, l’élève va remettre les allumettes dans l’aquarium. Il y a maintenant sur les tables des réglettes… qui sont difficiles à compter lorsqu’elles sont posées de manière désordonnée. • La réflexion collective conduit les élèves à proposer de regrouper les barres par dix, comme ils l’avaient fait pour les allumettes. • Pour faciliter la vérification du travail de regroupement des barres par dix, un élève propose de bien aligner les uns sous les autres les paquets de dix, comme le sont les perles du boulier. 4 • A ce stade du travail, les élèves ont vérifié que le nombre de réglettes qu’ils avaient aligné correspondait au nombre de dizaines qui était écrit sur leur papier. Ils décident de s’associer et de mettre en commun leurs rangées de dizaines, afin de faire de nouveaux regroupements par dix : la chasse aux barres et aux rangées est ouverte dans la classe, l’objectif étant de coopérer pour constituer des regroupements de dix rangées de dix réglettes. • Les équipes qui ont réussi à regrouper sur une table dix rangées de dix réglettes sont invitées à lever le doigt : il y en a 6. En regroupant les barres restantes, un septième regroupement est possible. • Une nouvelle substitution d’objets est décidée : une plaque carrée remplace les dix paquets de dix réglettes. • A la fin des échanges, les élèves voient sur une table… La situation fortuite, source de difficultés… • Le nombre – 7677 - est écrit par le maître au tableau ; certains élèves parviennent à le lire en commençant par la droite : d’abord 77 puis un des élèves énonce 677 car il dit savoir « qu’après les dizaines, il y a des centaines », un autre complète en disant qu’ensuite « il y a les mille… ». • Là encore, on voit des élèves coopérer et élucider collectivement un problème ; chacun apporte ce qu’il sait pour résoudre la difficulté rencontrée. • Pour le maître, le fait que le chiffre 7 apparaisse trois fois peut poser problème et être une source de confusion pour les élèves. Mais impossible de « truquer » le résultat ! Une nouvelle difficulté va surgir rapidement… il va falloir en effet lire les propositions des joueurs pour déterminer le gagnant ! • Yves dispose des estimations des joueurs. Il énonce oralement les nombres, en s’arrêtant aux milliers. « deux mille » « quatre mille » etc… sans donner le nom du joueur pour gommer la dimension affective (car les élèves et leurs familles ont joué, un lot est en jeu et ils ne l’oublient sans doute pas !) et pour maintenir la concentration sur les nombres. • Intuitivement, les élèves sentent que « deux mille » c’est loin de « sept mille », que « six mille » c’est plus près parce que « six » et « sept » sont proches. 5 • En procédant ainsi par élimination de ce qui leur paraissait vraiment trop éloigné de – 7677 – les élèves décident de retenir les nombres suivants comme étant les plus proches : 5214 – 8050 – 8000 – 7250 • Après discussion, 5214 est éliminé ; puis 8050 est éliminé « car c’est plus que 8000 » donc ils en déduisent logiquement (puisqu’il n’y aura qu’un seul gagnant) que 8050, c’est « encore plus loin de 7677 que 8000 ». • Les élèves remarquent que 7677 se situe entre 7250 et 8000. Ils retiennent ces deux nombres. Mais comment déterminer le gagnant ? • La classe est partagée : certains pensent que c’est 7250 – « car il y le même chiffre pour les mille ». Oui mais comment être sur ? demande le maître. • Un élève fait alors remarquer qu’il y a 4 de différence entre le 2 de 7250 et le 6 de 7677… un autre précise alors que ce n’est pas 4 mais 400 ! • Cet élève là précise pour l’ensemble de la classe que la position du chiffre dans le nombre est essentielle. • Le problème se pose alors de savoir comment s’écrit en chiffres, le nombre 400. Yves pose l’addition en colonnes au tableau : 7250 + 400 = 7650. Les élèves remarquent « qu’il en manque encore pour arriver à 7677 ». Puis Yves ajoute 400 à 7677, toujours de la même façon ; le résultat est 8077. Les élèves remarquent que « on a dépassé 8000 donc on a ajouté trop » et ils en déduisent que 8000 est plus près de 7677 que 7250. Après vérification du nom du gagnant, les élèves sont heureux de constater que c’est Maël, un élève de la classe qui a gagné ! 6 • Dans leur cahier de vie, les élèves ont élaboré collectivement (dictée à l’adulte) le récit de cette aventure mathématique. • On peut y lire, entre autres : • « Beaucoup pensaient qu’une classe de grande section- CP ne pourraient pas compter toutes ces allumettes ; Yves leur disait que si». • « Nous avons fait des additions comme les grands »… • Le texte se termine ainsi : « avec les cuisenaires, nous pouvons faire des additions, des égalités, même les «grande section» peuvent faire ces jeux. Et s’il fallait en retenir quelque chose ? • Collectivement les élèves dépassent leurs difficultés par le débat et la coopération. • On peut manipuler des nombres avant de savoir les lire. • C’est parce que la tâche était difficile et qu’il y avait un enjeu réel (participer à l’organisation de la kermesse) que les élèves sont restés très motivés jusqu’au terme de l’activité. • On peut résoudre des problèmes portant sur de grandes quantités dès le cycle 2, en s’appuyant sur les connaissances des élèves et sur leur capacité à inventer des procédures. • Le maître a apporté son savoir quand celui des élèves n’était plus suffisant pour avancer dans la résolution du problème. • « Enseigner le simplifié, c’est enseigner le dénaturé » (Bernard Devanne) ; on apprend mieux et davantage lorsque la situation est complexe. 7