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Les Trois Coups.com - Septembre 2014
A propos de: CELUI QUI TOMBE
Biennale de la danse de Lyon - Opéra de Lyon, du 20 au 21 Septembre 2014
MERCREDI 24 SEPTEMBRE 2014
« Celui qui tombe », de Yoann Bourgeois, Biennale de la danse, Opéra de Lyon
L’art de la chute
« Celui qui tombe » | © D.R.
Surprenante création que celle que propose à la Biennale
de la danse, sur le plateau de l’Opéra de Lyon, Yoann Bourgeois.
Acrobate, acteur, jongleur, danseur et metteur en scène, il fait
avec « Celui qui tombe » la démonstration vertigineuse de ses
multiples talents.
Sur scène, un massif et épais plancher suspendu à des câbles s’incline, se dresse, tourne comme un manège, se fixe, tangue, oscille
telle une balançoire. Métaphore évidente de notre planète Terre devenue anguleuse, carré de bois presque brut à la rigide froideur.
Sur cette sorte de machine, trois femmes et trois hommes tentent de survivre, de trouver leur équilibre et de former un groupe
uni. Un second niveau symbolique s’inscrit. Nous vivons dans un monde instable et périlleux qui rend quasiment impossible de
rassembler des forces collectives.
De ce parti pris élémentaire sont successivement tirées des images violentes, paisibles ou humoristiques. Courses folles jusqu’à
l’épuisement quand le décor s’emballe et tourne sur lui-même à une vitesse saisissante. Escalade harassante lorsque la verticalité
du dispositif scénique contraint les protagonistes à progresser comme à l’assaut d’une dune dont le sable n’en finit pas de glisser
sous leurs pas. Pauses rassurantes si le plancher se stabilise et offre aux acrobates, jambes pendantes au-dessus du vide, la
possibilité de jouir du point de vue d’un éphémère belvédère ou celle de s’étreindre amoureusement. Ou encore celle de savourer
le retour dans le groupe de celui qui s’était égaré ou qui semblait mort.
Accompagné de citations musicales classiques, d’un standard chahuté du music-hall ou des bruits amplifiés de la machinerie de la
scénographie, le spectacle émeut, surprend et déconcerte. Il émeut parce que la performance physique des interprètes
constamment en danger est sans concession. Il surprend parce que le décor, véritable invention, possède de stupéfiantes
possibilités cinétiques. Il déconcerte parce que cirque, danse et théâtre semblent comme retenus, empêchés de libérer pleinement
la puissance et la poésie de leurs langages respectifs. À trop vouloir embrasser, le travail artistique de Yoann Bourgeois ne donne
parfois à voir que le squelette des choses. La répétitivité de certaines séquences en est peut-être l’indice.
La machine à théâtre
Reste que Celui qui tombe se présente comme une œuvre intéressante, ne serait-ce que par sa volonté d’expérimentation. Le goût
pour la recherche de Yoann Bourgeois est connu, et les dossiers de ses créations n’ont pas peur de la théorie. Celui qui tombe fait
référence à Spinoza. Il aurait pu ajouter Galilée, Kepler et Newton. Mais ce qui est passionnant dans la démarche de ce nouvel opus
concerne son choix de jouer avec le théâtre. Ses artistes de cirque, bien que muets, agissent comme des comédiens : situations
vécues, regards habités, gestes motivés. Le collectif figure une petite troupe soudée par la précision et l’intelligence d’un atelier
théâtral bien mené.
Une image, par exemple, souligne la qualité de ce théâtre-là. Suspendus par les mains à trois mètres du sol, les acteurs, étranges
fruits accrochés à une branche, se défient des yeux, fixent le public avant de se laisser tomber. La vie ne serait-elle qu’un lent
mûrissement conduisant inexorablement à chuter et à mourir ? Une autre image aussi, bouleversante. Un chant a capella pendant
lequel les comédiens forment un chœur errant. La vie ne serait-elle qu’une longue quête sans but ? On se prend à rêver qu’avec
un beau texte à servir, Yoann Bourgeois rassemble dans un nouveau projet toutes ses qualités et transforme ses machines à
presque danser en véritables machines à théâtre.
Par Michel Dieuaide
Celui qui tombe, de Yoann Bourgeois
Conception, mise en scène et scénographie : Yoann Bourgeois, assisté de Marie Fonte
Interprètes : Mathieu Bleton, Julien Cramillet, Marie Fonte, Dimitri Jourde, Élise Legros, Vania Vaneau
Lumières : Adèle Grépinet / Son : Antoine Garry / Costumes : Ginette / Réalisation scénographique : Nicholas von der Borch, Nicolas Picot et Pierre Robelin
Production : Cie Yoann-Bourgeois
Coproduction : M.C.2 Grenoble, Biennale de la danse, Théâtre de la Ville à Paris, maison de la culture de Bourges, L’Hippodrome, scène nationale de Douai,
Le Manège de Reims, scène nationale, Le Parvis, scène nationale de Tarbes-Pyrénées, centre culturel Agora, pôle national des arts du cirque de Boulazac,
Théâtre du Vellein, La Brèche, pôle national des arts du cirque de Basse-Normandie (Cherbourg-Octeville)
Avec le soutien de la S.P.E.D.I.D.A.M., de l’A.D.A.M.I. et de P.E.T.Z.I.
Opéra de Lyon • place de la Comédie • 69001 Lyon
www.opera-lyon.com
www.biennaledeladanse.com
Représentations : 20 septembre 2014 à 21 heures et 21 septembre 2014 à 16 heures / Durée : 1 h 15