Pages de jurisprudence sociale n°28
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Les Pages de Jurisprudence Sociale Novembre 2009 - n°28 Le motif économique du licenciement dans le secteur non marchand : une jurisprudence inadaptée ? Cour d’Appel de Grenoble Chambre sociale, 5 novembre 2008 Cour d’Appel de Grenoble, Chambre sociale, 7 avril 2008 Cour d’Appel de Lyon, Chambre sociale, 23 mai 2008 Cour d’Appel de Lyon, Chambre sociale, 4 février 2009 L ’est la loi du 2 août 1989 qui a introduit pour la première C fois en droit français la définition du licenciement économique, par un article L. 321-1 libellé comme suit e droit du licenciement économique s’applique à toutes les entreprises, quel que soit leur secteur d’activité ou leur forme juridique, qu’elles soient à but lucratif ou non (seuls sont exclus les employeurs qui ne sont pas des entreprises, comme les particuliers employeurs). « constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification substantielle du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques ». Il n’en demeure pas moins que cette matière s’est construite essentiellement dans un contexte de mutations majeures de l’économie au sens marchand du terme : désindustrialisation, mutations technologiques, crises, mondialisation/ délocalisation ou encore dématérialisation. A cette occasion, le législateur a fait preuve d’une certaine originalité en adoptant une rédaction « ouverte » puisque la présence de l’adverbe « notamment » a eu pour conséquence de transférer aux juges la mission de définir plus précisément les limites de cette notion. C’est ainsi que les dernières lois adoptées en matière de licenciement économique l’ont été sous la pression des restructurations, soit pour tenter d’en ralentir le rythme effréné et d’en limiter les conséquences néfastes pour les salariés, soit pour les faciliter et « sécuriser » les entreprises : loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, partiellement suspendue par la loi Fillon du 3 janvier 2003, puis loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005. Cette « imprécision » était de toute façon nécessaire comme l’a prouvé la décision du Conseil constitutionnel du 12 janvier 2002 qui a censuré la loi de 2001 modifiant l’article L. 321-1, qui abandonnait le principe de la rédaction ouverte et réservait le licenciement économique aux seules situations où la pérennité de l’entreprise était en cause. Bénéficiant de la sorte d’un espace de liberté, la jurisprudence n’a pas limité le domaine du licenciement La production jurisprudentielle tout aussi abondante, a été Georges MEYER Christian BROCHARD SOMMAIRE DÉBAT CONTRADICTOIRE Le motif économique du licenciement dans le secteur non marchand : une jurisprudence inadaptée ? Cour d’appel de Grenoble, 7/04/08 Cour d’appel de Lyon, 23/05/08 Cour d’appel de Grenoble, 5/11/08 Cour d’appel de Lyon, 4/02/09 RELATIONS INDIVIDUELLES Congé de présence parentale Cour d’appel de Grenoble, 25/03/09 Personnel de maison Temps de travail - Statut Problème de la preuve Cour d’appel de Lyon, 18/09/08 Vêtement de travail Prise en charge de l’entretien des vêtements de travail Conseil des prud’hommes d’Annecy, 13/03/09 Rupture du contrat de travail Auteur du licenciement Cour d’appel de Lyon, 23/03/07 RELATIONS COLLECTIVES Modification du contrat de travail Modification des attributions - Résiliation judiciaire du contrat de travail Cour d’appel de Lyon, 12/12/08 Action en justice du comité d’entreprise Désignation d’un mandataire - Absence de délibération sur l’action à engager Tribunal de grande instance de Lyon, référé, 28/01/09 Accident de service Suicide Tribunal administratif, 12/02/08 UES UES et droits individuels à la participation Cour d’appel de Grenoble, 31/03/09 Formation professionnelle Le formalisme dans la gestion et la mise en oeuvre du DIF Conseil des prud’hommes de Lyon, 31/03/09 Licenciement Accusation de faits de harcèlement moral et sexuel non caractérisés - Abus de la liberté d’expression Cour d’appel de Chambéry, 7/07/08 Connexion Internet Surveillance des salariés - Liberté de la preuve Cour d’appel de Grenoble, 8/12/08 1 Réintégration du salarié protégé Le sursis à statuer Cour d’appel de Lyon, 4/11/08 Grève Nullité du licenciement pour faute grave Cour d’appel de Lyon, 14/11/08 Contentieux Urssaf Formalisme des mises en demeure Cour d’appel de Grenoble, 26/11/08 élaborée dans ce contexte. économique aux seules situations de difficultés économiques ou de mutations technologiques mais y a rajouté : Le secteur non marchand (secteur au demeurant très disparate) est composé de 150.000 entreprises et emploie environ 1,8 millions de salariés. Ses entreprises et ses salariés n’échappent plus aux fusions, filialisations, absorptions et autres « optimisations de l’organisation ». Cela touche notamment le secteur social et médico-social, principalement sous la pression de ses financeurs publics. - la cessation d’activité de l’entreprise, - la réorganisation de l’entreprise effectuée pour sauvegarder la compétitivité de son secteur d’activités. A ce jour, la Cour de cassation a fait le choix de ne pas étendre plus avant la notion de motif économique. Les quatre décisions des Cours d’appel de Grenoble et de Lyon nous fournissent un prétexte pour évoquer les licenciements économiques dans ce secteur. A l’image de la jurisprudence de la Cour de cassation, ces arrêts ne permettent pas de dégager des principes clairs. Or, à la lecture des quatre arrêts, objet du présent débat contradictoire, il semble que les magistrats qui ont retenu, à tout le moins, l’existence d’une cause économique originelle suffisante, ont éprouvé des difficultés pour motiver leurs décisions et les rendre compatibles avec l’état de la jurisprudence. 1. Chacun le sait, l’article L.1233 du code du travail (notre ancien L. 321-1) définit l’élément causal du licenciement économique par les difficultés économiques et les mutations technologiques. L’emploi par le texte de l’adverbe « notamment » a permis à la jurisprudence d’en créer deux autres : la réorganisation pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité et la cessation d'activité. Dans ces conditions, il n’est pas sans intérêt de se demander si celle-ci est adaptée au secteur non marchand ou s’il convient de créer un nouveau motif de licenciement économique. 1) Sur la notion de difficultés économiques La jurisprudence est bien établie même si elle évolue par sédimentation successive et par petites touches. Cette notion n’est pas incompatible avec le secteur non marchand dès lors qu’une association peut se trouver placée dans une situation financière gravement obérée comme le serait une société. Ainsi, la notion de difficultés économiques renvoie généralement à une baisse importante de chiffre d’affaires, (Cass. soc., 11 juillet 1994, n° 93-40506), un déficit important (Cass. soc., 6 juillet 1994, n° 93-40497) ou encore la diminution conséquente de la rentabilité (Cass. soc., 3 mai 2001, n° 99-41558). Ainsi, tant la Cour d’appel de Lyon dans son arrêt du 23 mai 2008 que la Cour d’appel de Grenoble dans celui du 7 avril 2008, ont mis en exergue, les pertes importantes des associations mises en cause. Mais il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que ne constituent pas un motif de licenciement économique les difficultés financières passagère s rencontrées par un employeur (Cass. Soc., 8 décembre 2004, n°02.46-293, SA SOCOFRENC c/ LEONHARDT). Quant à la compétitivité qui est sauvegardée par la nécessaire réorganisation, elle désigne, par définition, la capacité de l’entreprise ou du groupe à rester présent et sur un marché donné en situation de concurrence (Cass. soc. 4 juillet 2006, RJS 11/06, n° 1043 et J-Y. FROUIN, retour sur la notion de sauvegarde de la compétitivité, RJS 3/06, n° 187). Quid alors de la situation d’une association dont le financement résulte uniquement de subventions publiques, et qui est aussi assurée que l’organisme de tutelle interviendra pour assurer la poursuite de son activité ? Le secteur associatif, en particulier le secteur social et médicosocial objet des arrêts commentés, est dépendant financièrement (subventions, prix de journée) et stratégiquement (par exemple dans le cadre des politiques territoriales dites de « rationalisation » de l’offre de soins) des administrations de tutelle : Conseils généraux, DDASS, agences régionales de l’hospitalisation. Dans ces circonstances, il semble difficile de considérer qu’elle se trouve soumise à des difficultés financières de nature durable. Dans l’arrêt de la Cour d’appel de Lyon du 23 mai 2008, les magistrats ont pris acte que le Conseil Général avait accepté de « reprendre » le déficit de l’association mise en cause sous réserve qu’elle se restructure. La référence à la notion de difficultés économiques ou de sauvegarde de la compétitivité peut alors paraître inadaptée. Faut-il, sous l’égide de l’adverbe faire naître une nouvelle cause résidant dans les exigences des financeurs qui conditionnent l’octroi de ressources ? Dans ces conditions, il n’existait plus de menace pour la pérennité de l’association, à la date de notification de la rupture, ce qui aurait pu amener la Cour d’appel à considérer le licenciement sans cause réelle et sérieuse. A la lecture de ce seul arrêt, il est difficile de dire si les magistrats ont entendu réserver un sort particulier à l’appréciation des difficultés économiques dans le secteur non marchand, ou si tout simplement, ils ont considéré qu’ils pouvaient faire abstraction de la possibilité de refinancement publique pour déterminer si les conditions d’application de l’article L. 1233-3 étaient remplies. Telle n’est pas la tendance de la jurisprudence. Ainsi, la Cour de cassation a jugé dans un arrêt du 17 octobre 2006 qu’une réorganisation de l'entreprise liée aux prescriptions d'une autorité de tutelle ne constituait pas, en soi, une cause économique de licenciement. Il est intéressant de noter qu’un des moyens du pourvoi soutenait que le caractère légitime de la réorganisation mise en oeuvre par un organisme à but non lucratif devait s'apprécier au regard des exigences de service public et des décisions de l'organe de tutelle et non au regard de la compétitivité de l'entreprise. En tout cas, il y a manifestement deux poids deux mesures dans l’appréciation des difficultés économiques, dès lors qu’on imagine mal en l’état de la jurisprudence de la Cour de cassation, qu’un licenciement économique au sein d’une filiale puisse être validé dans le secteur marchand alors même que la maison-mère aurait annoncé par avance qu’elle assurerait le refinancement de ladite filiale. Un positionnement clair de la Cour de cassation sur ce point est donc souhaitable. Cela pouvait s’analyser comme une tentative de création d’un motif causal autonome, par ailleurs non défini, qui serait propre au service non marchand : les exigences du financeur public. 2) Sur la réorganisation La Cour de cassation n’a pas accueilli cette proposition, Georges MEYER Christian BROCHARD II préférant s’en tenir à une solution classique en approuvant la Cour d’appel qui « a fait ressortir que la réorganisation invoquée (…) n'était justifiée ni par des difficultés économiques, ni par les nécessités de la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise » (Cass. soc. 17 octobre 2006 n° 04-43201, RJS 12/06, n°1265). Le problème est encore plus aigu s’agissant de la question de la réorganisation pour assurer la sauvegarde de la compétitivité. Dans son sens économique, la compétitivité est la capacité à faire face à la concurrence, tant sur les marchés externes que sur les marchés internes. Ainsi, la Cour de cassation ne semble pas confirmer la solution esquissée dans sa décision du 11 décembre 2001 citée par notre contradicteur. Elle avait alors considéré que le refus du salarié d'accepter une modification de son contrat de travail « rendue nécessaire par l'intérêt du service offert au public, par l'affluence des élèves en soirée et par l'obligation de se conformer aux exigences du service public, constituait une réorganisation » au sens de l’article L 1233 du code du travail (Cass. soc., 11 décembre 2001, n° 99-42906) Or, cette notion de concurrence est généralement absente dans le secteur non marchand, ce qui rend la notion de compétitivité totalement inadaptée. Par ailleurs, les restructurations mises en place dans ce secteur ne résultent généralement pas d’une décision de l’employeur mais sont imposées par la tutelle. Il faut cependant noter que le débat portait exclusivement sur la qualification du licenciement, l’employeur soutenait qu’il s’agissait d’un motif inhérent au salarié, et non sur sa justification. Ainsi dans l’arrêt du 23 mai 2008, celle-ci avait exigé une réorganisation pour faire face aux difficultés financières rencontrées et dans l’arrêt du 5 novembre 2008, aux fins de rationnaliser l’offre de soin et réaliser des économies de gestion. En tout état de cause, la prudence s’impose dans la mesure où les décisions rendues sont peu nombreuses. Or, ce dernier motif va à l’encontre de la jurisprudence constante de la Cour de cassation qui considère que le fait pour une entreprise de vouloir faire des économies ou rationnaliser sa production est en soi insuffisant pour pouvoir invoquer les dispositions de l’article L. 1233-3 du code du travail. Il n’en demeure pas moins que l’on perçoit une difficulté à appliquer les mêmes solutions au secteur dit non marchand même s’il peut exister une certaine concurrence et si certaines associations coexistent sur un « marché » avec des entreprises à but lucratif. Il semble d’ailleurs que la Chambre sociale de la Cour d’appel de Grenoble ait « senti » que sa motivation était un peu « juste », puisqu’elle a cru devoir faire référence, de manière surabondante, au risque nature l d’éboulements qui menaçait l’établissement de santé considéré, situation qui au demeurant ne rentre pas plus dans le périmètre de l’article L. 1233-3 du code du travail. Il convient donc d’en déduire que l’état actuel de la jurisprudence n’est pas adapté à la situation du secteur non marchand qui a pourtant besoin, dans certains cas, de se restructurer. 2. Cela est probablement plus aisé s’agissant du motif tiré des difficultés économiques. Ainsi dans sa décision du 23 mai 2008, la Cour d’appel de Lyon a relevé l’existence d’un déficit cumulé depuis 2 ans de près de 300 000 euros et l’acceptation de sa reprise par le Conseil général, à condition de se conformer au cadre budgétaire imposé, ce qui supposait une compression des effectifs. Il est vrai que le motif économique n’était pas discuté par les parties dans ce dossier. La cause réelle et sérieuse est également retenue dans l’arrêt du 4 février 2009, les juges de Lyon retenant que la fermeture temporaire pour reconstruction d’un foyer allait entraîner pour l’association une baisse significative de son activité et une perte incontestable de revenus. 3) Sur la solution proposée Or, la Cour de cassation a, par le passé, donné aux juges du fond le moyen de résoudre ces problèmes. Il en est de même dans la décision de la Cour d’appel de Grenoble du 7 avril 2008 ; en l’espèce le commissaire aux comptes avait alerté, à quatre reprises, le président de l’association sur la situation compromettante de l’entreprise et la situation financière était gravement obérée, accompagnée d’une diminution de l’activité. Cela justifiait la suppression du poste. En effet, dans une décision du 11 décembre 2001, concernant une association de type loi 1901 gérant un conservatoire de musique, elle a retenu la motivation suivante : “... La Cour d’appel qui a constaté que l’employeur avait invoqué, comme motif de licenciement, le refus du salarié d’accepter une modification de son contrat de travail rendu nécessaire par l’intérêt du service rendu au public, a exactement décidé que cet objectif revendiqué par l’association constituait une réorganisation au sens de l’article L.321-1 du code du travail … » 3. Lorsque le licenciement est motivé par la nécessité de sauvegarder la compétitivité, la transposition de la jurisprudence apparait plus difficile. Ainsi, la Cour de cassation a approuvé une Cour d’appel qui énonce que la sauvegarde de la compétitivité d'une association pouvait se résumer à assurer sa pérennité au regard du strict équilibre entre les recettes et les dépenses. En l’espèce, elle avait relevé que la réorganisation avait conduit au versement des subventions dont l'association avait besoin pour survivre (Cass. soc., 2 avril 2008, n° 07-40640). Ce faisant, la juridiction suprême a donc créé à cette occasion un équivalent à la sauvegarde de la compétitivité à savoir, l’intérêt du service offert au public. Certes, cette terminologie n’est pas totalement satisfaisante car il peut être soutenu que de nombreuses entreprises du secteur marchand rendent un service à leurs clients. Ce que semble également illustrer l’arrêt de la Cour d’appel de Grenoble du 5 novembre 2008. Cette affaire aurait pu permettre un débat sur la sauvegarde de la compétitivité mais cet argument ne semble pas avoir été discuté en tant que tel par les parties. Dans ces conditions il serait préférable de se référer à la notion « d’intérêts du service public » particulièrement adaptée au domaine hospitalier ou au milieu socioéducatif. Pourtant aucune difficulté n’était réellement invoquée ; la lettre de licenciement faisait référence à une « injonction de la tutelle relative à une rationalisation de l’offre de soins et de réaliser des économies de gestion », et les juges ont également Georges MEYER Christian BROCHARD III Le principe serait alors le suivant : « Lorsqu’elle n’est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, une réorganisation ne peut constituer un motif économique que si elle est effectuée pour sauvegarder la compétitivité du secteur d’activité d’un employeur du secteur marchand ou est prise dans l’intérêt du service public (ou du service au public) pour le secteur non marchand ». Le licenciement pour difficultés économiques stricto sensu serait alors réservé au seul cas de perte de financement public. Christian BROCHARD Avocat au Barreau de Lyon SCP Joseph AGUERA & Associés [email protected] retenu un ratio d’encadrement du double de celui des établissements situés aux alentours. Et la Cour d’en déduire l’existence d’un motif de licenciement sans réellement qualifier l’élément causal. 4. Il est possible de déduire de ces décisions que l’appréhension de la sauvegarde de la compétitivité reposerait alors plus directement (exclusivement ?) sur la notion de menace sur l’avenir de l’entreprise que sur la nécessité de rester compétitif dans un environnement concurrentiel (Philippe WAQUET : La cause économique du licenciement, Dr. soc. 2000, p. 168). La menace serait la suivante : à défaut de réorganisation, l’entreprise n’obtiendra pas le financement, ce qui la conduirait à d’inévitables difficultés économiques. Dans cette hypothèse, il appartiendra néanmoins à l’entreprise de démontrer l’existence des menaces (inadaptation de l ’ o rg anisation existante, risque de ne pas obtenir le financement, adéquation entre la situation de l’entreprise et les mesures affectant l’emploi). Dès lors il ne paraît pas nécessaire de créer un motif économique spécifique au secteur non marchand et tiré de « l’intérêt du service public » car son contenu n’est pas défini et il est à géométrie très variable en raison de son caractère éminemment politique. Georges MEYER Avocat au Barreau de Lyon SELARL DELGADO & MEYER [email protected] PRINCIPAUX ATTENDUS Cour d’appel de Grenoble C h a m b re sociale 5 novembre 2008, « La Cour d’appel a retenu l’existence d’une cause économique réelle et sérieuse en retenant que l’ARH (Agence Régionale de l’Hospitalisation) était bien l’organisme qui pouvait imposer une contrainte économique à une fondation, en l’espèce la fusion de deux de ses établissements. Que le C. a été informé par les autorités de tutelles de la nécessité de rationnaliser son offre de soins et de réaliser des économies de gestion, notamment au regard du ratio d’encadrement des patients qui est le double de celui des établissements situés aux alentours et de la baisse régulière, depuis plusieurs années, de l’activité face à des moyens en personnel en augmentation. Que le PSE établi en février 2007 précise au paragraphe relatif aux raisons de la fusion qu’en 2000, le CEMAGREF mettait en exergue les risques naturels (avalanches, éboulements, glissements de terrain) qui menacent le plateau des Petites Roches (où est situé le C.) et que le Préfet incitait les établissements de santé à se délocaliser dans la vallée ; qu’en 2004, la mission d’appui « Soins de suites et de Réadaptation de l’ARH » insistait sur la nécessité absolue pour l’établissement de mettre en place une organisation hospitalière visant à une réduction des coûts de fonctionnement (notamment des charges de personnel)» . Cour d’appel de Grenoble C h a m b re sociale 7 avril 2008, « A quatre reprises, Monsieur L, commissaire aux comptes de l’association DS, a écrit au président de cette association en application de la loi du 1er mars 1984 relative à la prévention des difficultés des entreprises, pour attirer son attention sur la situation de l’association de nature à compromettre la continuité de l’exploitation. La situation, gravement obérée de l’association, l’a conduite fin 2004 à l’élaboration d’un projet d’établissement destiné à rétablir, sur cinq années à venir, un équilibre financier. L’Agence Régionale de l’Hospitalisation de Rhône-Alpes a approuvé le 18 mai 2005 ce projet. A l’effet de diminuer ses coûts de fonctionnement, l’association a été amenée en concertation avec l’Agence nommée ci-dessus, à envisager le regroupement de ses activités dans un seul site au lieu des trois sites existants. S’il n’est pas douteux que la construction et l’aménagement d’un nouvel établissement avait un coût, ce dernier était largement financé par la vente du patrimoine immobilier de l’association. L’association a décidé, en raison de la diminution de l’activité concernant les enfants et les adolescents constatés depuis 1999, la suppression de deux postes éducatifs et de convertir un poste d’auxiliaire de puéricultrice en aidesoignante. La situation financière, gravement obérée de l’association, et la diminution importante de l’activité concernant les enfants et les adolescents, justifiait la suppression de son poste ». Cour d’appel de Lyon, C h a m b re sociale, arrêt 23 mai 2008 « La lettre de licenciement du 10 avril 2006 retrace les difficultés économiques de la résidence A. qui a enregistré un déficit cumulé depuis 2003 de près de IV 300 000 euros et pour laquelle le Conseil Général a fait procédé à un audit qui a mis en évidence une charge de frais de personnel administratif trop élevé ; la lettre ajoute que le Conseil Général a accepté la reprise du déficit sur trois ans à condition de se conformer au cadre budgétaire qui suppose une compression des effectifs ; la suppression du poste de directrice y est précisé. Les parties ne remettent pas en question les difficultés financières de l’association A, lesquelles ont été précédemment résumées. » Cour d’appel de Lyon C h a m b re sociale, 4 février 2009 « Monsieur S a été licencié motif pris de la suppression de son poste consécutif au projet de fermeture temporaire pour reconstruction du foyer V devant entraîner pour l’association une baisse significative de son activité et une perte incontestable de revenus. Il n’est pas contesté qu’en conformité avec les énonciations des pièces communiquées aux délégués du personnel, la démolition et la reconstruction de l’un des deux foyers gérés par l’association a eu pour conséquence d’entraîner une cessation partielle de l’activité pendant une durée d’environ trois ans et de générer du même coup une perte de revenus pour l’association qui ne pouvait, sans rencontrer de graves difficultés économiques, continuer à verser pendant plusieurs années des salaires à des personnes ne travaillant plus. La réalité du motif économique devait s’apprécier au niveau de l’entreprise, l’existence de difficultés économiques doit être retenue comme établie ». Relations Individuelles Congé de présence parentale Cour d’appel de Grenoble, 25 mars 2009 EXPOSE DES FAITS Une salariée de retour d’un congé de présence parentale ayant refusé les propositions de réintégration de l’employeur considérant que ce dernier aurait agi de mauvaise foi, se trouve licenciée pour faute grave en raison de son insubordination. La Cour d’appel de Grenoble retient que la salariée a refusé à tort la proposition loyale de réintégration formulée par l’employeur et juge que le licenciement est fondé sur une faute grave de la salariée. OBSERVATIONS L’arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour d’appel de Grenoble le 25 mars 2009 illustre, une fois n’est pas coutume, l’attitude abusive d’une salariée qui au retour d’un congé de présence parentale s’était vue proposer de réintégrer son ancien emploi. Le congé de présence parentale est régi par les dispositions des articles L. 1225-62 à L. 122565 du code du travail, qui prévoient notamment qu’«à l’issue du congé de présence parentale, le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente ». Bien que la tendance commence à s’inverser, il est constant que le congé de présence parentale est très majoritairement pris par les femmes. Nombre sont celles qui à l’issue de cette parenthèse que la loi leur permet dans leur carrière professionnelle, tout en leur assurant une réintégration à l’issue, subissent du fait de leur retour une mise à l’écart. Ce frein net et brutal apporté au déroulement de leur carrière sanctionnant à l’évidence la période d’indisponibilité pour parentalité, perçue par l’employeur comme un défaut de motivation voire une déloyauté, se manifeste soit par la proposition d’un poste assorti d’une perte de responsabilité, soit (et cela va quelque fois de pair) par une absence de toute évolution ultérieure. Si le législateur a imposé l’obligation de réintégration dans l’emploi précédent ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente, il n’existe de fait aucun moyen d’empêcher eff e c t i v ement un employeur de sanctionner le salarié ayant bénéficié d’un congé de présence parentale. La preuve du lien entre le gel du déroulement de carrière et le congé de présence parentale est éminemment difficile à rapporter dès lors que l’employeur pourra toujours démontrer avoir scrupuleusement respecté son obligation de réintégration dans un emploi similaire. Dans la majorité des cas, les salariés de retour d’un congé parental acceptent le nouveau poste proposé en dépit de la rétrogradation de fait qu’il constitue (dans l’espoir de faire à nouveau ses preuves et de pouvoir progresser à l’avenir, tout en conservant son emploi) ou démissionnent (espérant ainsi faire carrière auprès d’une autre entreprise, auprès de laquelle ils se présentent sans être marqués du sceau de la parentalité). Il arrive toutefois que l’em- PRINCIPAUX ATTENDUS « Attendu qu’il est incontestable que Laurence A. ne pouvait imposer ses choix à son employeur en vue de la reprise de son travail au lieu et aux conditions qu’elle avait fixées ; Que dès lors qu’elle refusait la proposition loyale de réintégration qui lui ployeur propose loyalement au salarié de réintégrer son emploi précédant et de tenter de répondre aux demandes du salarié revenant du congé de présence parentale et qui souhaite tant un aménagement de son temps de travail qu’un changement d’affectation géographique. Tel est le cas qui a été soumis à l’examen de la Cour d’appel de Grenoble qui a pu constater que la salariée qui avait déménagé dans un département limitrophe pendant son congé de présence parentale avait sollicité d’être réintégrée dans un poste plus proche de son nouveau domicile. Son employeur a alors proposé un poste répondant aux critères professionnels de la salariée, mais sur une autre affectation géographique, refusée par la salariée. Face à ce refus, l’employeur a mis en demeure la salariée de réintégrer son ancien emploi, puis l’a licenciée pour faute grave. Après avoir constaté que contrairement aux allégations de la salariée, celle-ci n’avait pas accepté la proposition de poste à Saint-Priest, dans la mesure où elle avait maintenu un refus de toute période de formation et de toute mobilité ultérieure, la Cour retient qu’en ne se présentant pas pour réintégrer son ancien emploi, la salariée a fait preuve d’une insubordination justifiant son licenciement immédiat. La Cour sanctionne ici la résistance abusive de la salariée qui outre le fait qu’elle n’a avisé l’employeur de ses désidératas et notamment de son changement de domiciliation que deux mois avant le terme du congé parental, a refusé toutes les pro- était faite selon les critères souhaités, elle n’avait d’autre possibilité que de réintégrer son ancien emploi ; Attendu qu’en se refusant à le faire et en persistant dans son refus pour tenter de faire prévaloir ses desiderata, Laurence A. a fait preuve d’une insubordination justifiant son licenciement immédiat… » V positions de l’employeur, y compris celles de réintégrer son précédent emploi. La Cour de cassation a toutefois eu l’occasion de censurer une Cour qui avait rejeté une demande d’indemnité de rupture et de dommages intérêts d’une salariée qui à l’issue de son congé de présence parentale avait sollicité sa réintégration dans une autre agence, du fait d’un changement de domicile pour des raisons familiales sérieuses, sans expliquer les raisons objectives qui s’opposaient à ce que l’un des postes disponibles lui soit proposé, considérant que l’employeur informé depuis plusieurs mois de cette situation, en décidant de maintenir la salariée dans son agence d’origine, portait atteinte de façon disproportionnée à la liberté de choix du domicile de l’intéressée et violait son obligation d’exécution de bonne foi du contrat de travail (Soc., 24 juillet 2007, n°0540.639). La Cour de cassation impose par ailleurs que lorsque l’emploi précédent est disponible, celui-ci soit obligatoirement proposé au salarié (Soc., 27 octobre 1993, Bull Civ., n°253). La jurisprudence, on le voit, tente de rendre effective la protection voulue par le législateur et pourtant tellement difficile à imposer dans les faits. Mélanie CHABANOL Avocat au Barreau de Lyon SCP D’AVOCATS MASANOVIC, PICOT, DUMOULIN, THIEBAULT & CHABANOL [email protected] Cour d’appel de Grenoble, Chambre sociale, 25 mars 2009 Laurence A. / C. Agricole Rhône Alpes Personnel de maison Temps de travail - Statut - Problèmes de preuve Cour d’appel de Lyon, 18 septembre 2008 EXPOSE DES FAITS Madame E. est entrée au service de Monsieur L., propriétaire à SAINT-JULIEN SOUS MONMELAS du « Château de la Combière », à compter du 1er février 2004 et en qualité de gardienne d’immeuble selon elle, à temps complet, comme employée de maison à temps – très – partiel selon l’employeur, sans qu’aucun contrat de travail ne soit établi, mais avec mise à disposition d’un logement, d’abord de façon informelle, puis dans le cadre d’un bail à usage d’habitation. Madame E. a été licenciée par lettre du 22 juillet 2006, faisant état d’un motif économique inconsistant (« strictes raisons financières »), avant que l’employeur n’invoque, également par écrit et avant tout contentieux, des « dérives de comportement inacceptables » de la part de l’intéressée. De cet aimable embrouillamini, la salariée a su tirer des prétentions percutantes, aboutissant, dans un premier temps et par jugement du Conseil de prud’hommes de Villefranche-sur-Saône du 27 septembre 2007, d’une part à la requalification de son emploi en « gardienne de propriété privée » à temps plein et la condamnation subséquente de Monsieur L. à lui verser plus de 28 000 euros à titre de rappel de salaires outre congés payés, et d’autre part à l’allocation de dommages-intérêts pour licenciement injustifié, le tout assorti d’une exécution provisoire (dont la liquidation donnera d’ailleurs lieu à un contentieux connexe). Par arrêt du 18 septembre 2008 dont il y a lieu de relever le caractère exclusivement factuel de la motivation, la Cour d’appel de Lyon a confirmé cette décision concernant le caractère injustifié du licenciement (tout en minorant le montant des dommages-intérêts) mais, l’infirmant pour le reste, débouté Madame E. de l’intégralité de ses demandes de salaires. OBSERVATIONS Le prononcé de cet arrêt, que l’on devine rendu dans un contexte particulier et en tout cas marqué par le flou juridique entourant la relation contractuelle, est l’occasion de rappeler quelques règles de preuve concernant la teneur et l’exécution du contrat de travail (la question du licenciement n’appelant pas en l’espèce de commentaire particulier). Rappelons d’abord que tout travail salarié à temps partiel doit faire l’objet d’un contrat écrit (même si, dans certaines hypothèses marginales non concernées par la présente espèce, le Chèque Emploi Service peut en tenir lieu), conformément à l’article L. 3123-14 du code du travail. A défaut, il sera présumé être à temps complet ; mais il s’agit d’une présomption simple, dont la preuve contraire est admissible (jurisprudence ancienne et constante, cf. cass. soc., 26 janvier 2005, n°02-46-146, Bull. Civ. V n°27). En l’espèce la Cour, s’appuyant sur des attestations et surtout sur les indications de la salariée elle-même, retenant ainsi et sans l’exprimer une sorte d’aveu judiciaire, a considéré que cette preuve était rapportée. Rappelons également que la preuve du nombre d’heures de travail effectuées (dont le régime ne diffère pas pour le personnel de maison, cf cass. soc, 19 mars 2003, n° 00-46-686, Bull. Civ, V, n°103), qu’il s’agisse d’heures complémentaires ou supplémentaires, n’incombe spécialement à aucune des parties, conformément aux dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail, qui déroge au droit commun de la preuve issu du code civil, dont chacun sait qu’il impose au demandeur de démontrer le bien fondé de ses prétentions. Signalons à cet égard que la Cour de cassation, par un arrêt du 10 mai 2007 (n° 05-45-932, Gomes c/ EDF-GDF), cassant une décision de la Cour de Versailles, a entendu mettre un terme à certains atermoiements des juridictions du fond (qui avaient tendance à débouter les salariés étayant leurs demandes sans toutefois parvenir à rapporter la preuve formelle de leur bien fondé, faisant in fine ressurgir le droit commun proscrit par le texte précité), en affirmant que « le juge ne peut rejeter une demande en paiement d’heures complémentaires aux motifs que les éléments produits par le salarié ne prouvent pas le bien fondé de sa demande». Manifestement en présence d’attestations contradictoires et peu probantes par ellesmêmes, la Cour d’appel de Lyon, empruntant la même démarche que précédemment, s’agissant de la nature du contrat, s’est appuyée sur les propres affirmations de la salariée. Celle-ci indiquait (« après avoir pris conseil », précise la Cour avec un soin presque ironique), n’avoir été réellement disponible à temps complet que durant 18 jours en août 2006 (alors que le licenciement avait déjà été notifié), et se prévalait par ailleurs du travail fourni par des membres de sa famille pour l’aider, durant les weekends, à l’entretien du parc, et dont elle demandait le paiement. Il n’en fallait pas davantage à la Cour : des 18 jours à temps complet invoqués, elle déduit qu’en dehors de cette période, la salariée travaillait nécessairement à temps partiel ; et elle rappelle, s’agissant de l’aide familiale, que nul n’est fondé à réclamer le paiement d’heures de travail effectuées par autrui, ce qui relève d’une évidence qu’il n’était peut-être pas inutile de rappeler dans une telle affaire. De ces constats, la Cour conclut qu’il y a lieu de débouter la salariée de l’intégralité de ses demandes de rappels de salaire, non VI sans relever par ailleurs (dans un considérant qui mériterait à lui seul un commentaire approfondi), que « les tâches confiées (à Madame E.) n’étaient pas l’objet principal de la convention liant les parties », qui serait en réalité le logement de la salariée. Cette décision se révèle doublement cruelle pour cette dernière : non seulement elle infirme avec rudesse un jugement très (trop ?) favorable à ses intérêts et de surcroît assorti de l’exécution provisoire, mais elle s’appuie sur la propre argumentation de la salariée, qu’elle semble tenir pour globalement non crédible, se permettant dès lors de ne pas entrer dans le détail chiffré de ses demandes. La motivation – n’échappant pas à une certaine confusion – de cet arrêt, qui illustre la difficulté qu’il peut y avoir à statuer uniquement sur la base d’attestations (dont chacun sait qu’elles ne sont jamais totalement neutres dans ce genre d’affaire), n’est pas entièrement satisfaisante sur le plan du droit. Ainsi qu’il a été dit, l’absence de contrat écrit fait présumer une collaboration à temps complet : si la preuve contraire est recevable, c’est à la condition que celle-ci permette d’établir non seulement le principe d’une activité à temps partiel, mais aussi ses caractéristiques essentielles, et au premier chef le temps de travail. Force est de constater qu’en l’espèce, l’employeur n’avait pas réellement satisfait à cette exigence et qu’en droit, l’arrêt rapporté ne peut être totalement approuvé. En statuant en équité et en exploitant autant qu’il lui était possible les éléments de pur fait soumis à son appréciation, la Cour rappelle à chacun, et dans l’intérêt bien compris de tous, la nécessité de consacrer par écrit l’existence d’un contrat de travail, y compris entre un châtelain et une personne ayant besoin d’un logement… Karine THIEBAULT Avocat au Barreau de LYON SCP D’AVOCATS MASANOVIC, PICOT, DUMOULIN, THIEBAULT & CHABANOL [email protected] PRINCIPAUX ATTENDUS « Aucun contrat de travail n’a été établi par les parties ( …) « Monsieur L. produit de nombreuses attestations aux termes desquelles Madame E. n’exerçait ni fonction de gardiennage ni travaux de gros entretien du parc, certains témoins indiquant l’avoir vue entretenir les massifs de fleurs (…) « Il convient de relever que la demande de Madame E. établit qu’elle n’était pas employée à temps plein et que quelle que soit la réalité et l’ampleur des tâches effectuées par les membres de sa famille au service de Monsieur L., elle ne peut obtenir paiement à son profit des heures de travail effectuées le cas échéant par ces derniers. (…) Par ailleurs il résulte de l’attestation de Madame B. qu’elle a mis en relation Monsieur L. et Madame E. qui était à la recherche non pas d’un travail mais d’un logement et que les tâches confiées n’étaient pas l’objet principal de la convention liant les parties. (…) » « Ainsi, si l’absence de contrat écrit fait présumer que l’emploi est à temps complet, il résulte des réclamations effectuées par la salariées elle-même qu’elle travaillait à temps partiel. (…) Cour d’appel de Lyon, Chambre sociale B, 18 septembre 2008, LECHERE c/ EPINAT Modification du contrat de travail Modification des attributions - Résiliation judiciaire du contrat de travail Cour d’appel de Lyon, 12 décembre 2008 EXPOSE DES FAITS Le salarié M. S. est entré au service de la société C.L. le 19 janvier 1999 pour occuper des fonctions de magasiniercariste. Il a été victime d’un accident du travail le 1er avril 2001 et n’a jamais repris son activité dans l’entreprise. Le 14 janvier 2005, le salarié a saisi le Conseil de prud’hommes de Lyon afin d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison d’une exécution déloyale de ce dernier par son employeur. En novembre 2006, il était déclaré inapte à tout poste par le médecin du travail. Par lettre recommandée du 12 décembre 2006, la société procédait au licenciement du salarié en raison de son inaptitude et de l’impossibilité de procéder à son reclassement. Le Conseil de prud’hommes a retenu l’existence d’une exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur mais n’en a pas tiré les conséquences s’agissant de la rupture du contrat de travail puisqu’il n’a pas prononcé la résiliation sollicitée par M. S. Il s’est contenté de condamner la société C.L. à verser à son ancien salarié, différentes sommes à titre de dommages et intérêts. La société a interjeté à titre principal appel de cette décision, le salarié a, quant à lui, formé un appel incident. La Cour d’appel de Lyon a confirmé la décision de première instance en ce qu’elle a caractérisé une exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur considérant que ce dernier avait procédé à une modification des fonctions du salarié, laquelle devait être qualifiée de modification unilatérale du contrat de travail. La Cour a également relevé différents manquements de l’employeur, notamment en matière de sécurité, ce qui l’a conduite à considérer que la société avait commis des fautes d’une gravité telle qu’elles pouvaient justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts. OBSERVATIONS Il convient d’abord de relever que nonobstant le licenciement du salarié en raison de son inaptitude et de l’impossibilité de reclassement, la Cour a accueilli favorablement la demande de résiliation judiciaire présentée antérieurement à ce licenciement. Elle a fait là application d’une jurisprudence parfaitement établie selon laquelle le juge prud’homal, saisi d’une demande de résiliation judiciaire, et ce, alors même que le salarié est licencié ultérieurement, se doit de rechercher d’abord si la demande de résiliation est fondée, en cas de réponse négative, il doit alors se prononcer sur le bien fondé de la mesure de licenciement (Cass. soc., 21 mars 2007, n°06-40.650). En d’autres termes, la rupture du contrat de travail n’annihile pas la demande préalable qui est faite au juge de prononcer la résiliation du contrat. A l’appui de sa demande de résiliation judiciaire, le salarié évoquait diff é r e n t s manquements de son employeur mais l’essentiel de la discussion portait sur le fait de savoir si ce dernier avait modifié de façon unilatérale le contrat de travail du salarié. M. S. initialement embauché en qualité de magasinier-cariste s’est vu confier des tâches de livraison. L’employeur soutenait qu’elles étaient occasionnelles, le salarié, quant à lui, considérait qu’elles étaient fréquentes, voire permanentes. La Cour a tranché et, s’appuyant sur les attestations versées aux débats par le VII salarié, lui a donné raison. Elle a considéré que ses interventions comme livreur étaient récurrentes et qu’en conséquence l’employeur avait modifié son contrat de travail. Il est possible, néanmoins, de se demander si le débat relatif à la fréquence des livraisons réalisées par Mr S. avait vraiment lieu d’être. En effet, la nature même des tâches confiées au salarié, et ce quelle que soit leur importance, aurait, nous semble-t-il, permis à la Cour de se prononcer sur l’existence ou non d’une modification du contrat de travail. En vertu d’une jurisprudence constante, le principe est aujourd’hui acquis qu’une simple modification des attributions du salarié ne constitue pas en soi une modification du contrat de travail mais une modification de ses conditions de travail qui peut lui être imposée (Cass. soc., 29 novembre 2007, n°06-43.979). Est ici visée l’hypothèse dans laquelle seules les modalités d’exercice de la fonction sont modifiées (pour exemple : un agent d’entretien passant du nettoyage des appartements à celui des parties communes d’une copropriété (Cass. soc., 24 avril 2001, n°98-44.873). En revanche, si les nouvelles attributions ont pour conséquence un changement de qualification, la modification du contrat de travail, qui elle suppose l’accord du salarié, sera caractérisée (Cass. soc., 2 février 1999, n°96-44.340). En l’espèce, il est flagrant, que n’entrent pas dans la qualification d’un magasiniercariste, salarié par définition sédentaire, des tâches de chauffeur-livreur. Il semble donc possible de soutenir que même ponctuelles, les opérations de livraison réalisées par le salarié, sortaient du cadre contractuel et pouvaient s’analyser non pas en une simple modification des conditions de travail mais en une véritable modification du contrat de travail. Pour autant, si comme le soutenait l’employeur, le salarié n’effectuait des tâches de livraison que de façon très épisodique il n’est pas certain que la Cour en serait arrivée aux mêmes conclusions. En effet, pour être prononcée, la résiliation judicaire du contrat de travail aux torts de l’employeur suppose que soit établi un manquement d’une gravité suffisante (Cass. soc., 15 mars 2005, n°03-41.555). Or, si la société C.L. s’était contentée de demander au salarié d’assurer quelques « dépannages » comme chauffeur livreur, la Cour n’aurait certainement pas caractérisé un manquement d’une gravité telle qu’il justifiait la résiliation judiciaire du contrat de travail. Philippe GAUTIER Avocat au Barreau de Lyon SELARL CAPSTAN RHONE ALPES [email protected] PRINCIPAUX ATTENDUS « Il est ainsi établi que loin d’être occasionnelles, les tâches de chauffeur livreur étaient accomplies tous les jours et plusieurs fois par jour par Lamine S.; cette nouvelle tâche, l’appelante n’a pas exécuté loyalement le contrat de travail. La décision des premiers juges doit être confirmée sur ce point ; » Cette tâche ne correspondait pas à la qualification du salarié. En la lui confiant, la SARL C. L. a procédé à une modification du contrat de travail de Lamine S.. En ne requérant pas l’accord de l’intéressé avant de lui adjoindre Cour d’appel de Lyon, Chambre sociale, 12 décembre 2008 Société Cartaix Logistique c/ Semakdji Vêtements de travail Prise en charge de l’entretien des vêtements de travail Conseil de prud’hommes d’Annecy, 13 mars 2009 EXPOSE DES FAITS Des agents, salariés de la SA ELECTRICITE RESEAU DISTRIBUTION FRANCE (ERDF) et la SA GAZ RESEAU DISTRIBUTION FRANCE (GRDF) ont saisi la juridiction prud’homale afin de solliciter la prise en charge du nettoyage de leurs vêtements de travail, par leurs employeurs. Les agents ont fait valoir, à l’appui de leur action, que la règlementation relative à l’hygiène et à la sécurité visée par le code du travail ainsi que la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière leur était applicable. Ils réclamaient la prise en charge du nettoyage au coût réel de l’entretien. Les entreprises ont conclu au débouté en exposant notamment que le statut national du personnel des Industries Electriques et Gazières, qui prévoit que l’entretien des vêtements incombe exclusivement aux agents, devait s’appliquer. Le Conseil de prud'hommes d’Annecy, statuant en départage, écarte l’argumentation développée par ERDF et GRDF et condamne les entreprises à la prise en charge des frais de nettoyage des vêtements de travail. OBSERVATIONS Cette décision qui s’inscrit dans la récente ligne jurisprudentielle de la chambre sociale de le Cour de cassation en matière de prise en charge des frais d’entretien des tenues de travail, revient en premier lieu sur l’applicabilité des dispositions du droit commun au personnel des entreprises à statut. - Sur le concours entre les textes légaux et le statut national du personnel ERDF et GRDF : La décision rendue par le Conseil de prud'hommes rappelle par principe qu’en cas de concours entre le régime légal et le statut national, seules les dispositions plus favorables aux agents trouvent à s’appliquer. Cette position est à rapprocher de la jurisprudence de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat en ce qu’elle retient le principe de l’applicabilité du droit commun au personnel des entreprises à statut (notamment : Cass. soc., 11 mai 1993). Le débat portait en revanche sur la méthode de comparaison des avantages. Pour prétendre à l’application du statut national, les employeurs soutenaient que l’appréciation devait s’opérer globalement et non disposition par disposition. Or, si les textes du statut national relatifs aux vêtements de travail précisent que l’entretien des tenues de travail incombe effectivement aux agents et pourraient ainsi paraître moins favorables que les dispositions du régime légal, ils prévoient en revanche un rythme de renouvellement des tenues de travail soutenu et la possibilité de conserver les vêtements à des fins personnelles, ce qui pourrait en retenant l’ensemble de ces avantages inverser l’analyse et rendre le statut national plus attractif. Les juges du fond ont tranché en considérant que la comparaison devait s’effectuer «avantage par avantage et non par ensemble d’avantages», de sorte que les dispositions légales et règlementaires relatives à la prise en charge de l’entretien des vêtements de travail par l’employeur devait trouver à s’appliquer. Cette affaire illustre les difficultés pour les juridictions qui doivent définir en cas de concours de normes les textes les plus avantageux pour les salariés. La Cour de cassation a tendance à considérer que dans une telle situation il faut raisonner par avantages se rapportant à un même objet ou à une même cause (notamment : Cass. Ass., 24 octobre 2008). Ainsi dans un arrêt du 7 mai 2003 relatif au régime des congés payés des agents EDF et GDF, la haute juridiction avait indiqué que l’appréciation des dispositions relatives aux congés payés devait « être globale à raison du caractère indivisible du régime de congés payés ». VIII Le Conseil de prud’hommes adopte en l’espèce une position plus restrictive dans la mesure où il ne raisonne pas par ensemble d’avantages se rapportant à un même objet, à savoir la tenue de travail, mais avantage par avantage. contrats et notamment sur le principe d’équité tirés du code civil. La question de la prise en charge de l’entretien des tenues de travail étant encore largement débattue devant les juridictions nationales, une évolution de la jurisprudence sur ce point n’est certainement pas à exclure ! Au delà du principe sur lequel nous restons donc réservés, le Conseil de prud’hommes d’Annecy précise également les modalités pratiques de prise en charge de l’entretien par l’employeur. Il distingue à ce titre les dispositions relatives à la prise en charge de l’entretien des vêtements et celles relatives à la dotation en tenues ou au rythme de renouvellement de ces mêmes vêtements. On peut regretter que les juges aient adopté une approche purement analytique en comparant des éléments ayant strictement la même identité sans aborder la question de savoir si les différents avantages en question n’avaient pas finalement le même objet ou la même cause. Au cas d’espèce, les agents réclamaient une prise en charge « au coût réel » et produisaient à l’appui de leurs demandes des devis de pressings professionnels. Une telle rigueur d’analyse peut manifestement revenir à scinder artificiellement des dispositions interdépendantes qui ne peuvent que s’apprécier globalement du fait de leur finalité commune. La juridiction n’exclut pas la possibilité de remboursement sur la base des frais « effectivement engagés » mais retient en l’espèce que les agents ne justifiaient pas de frais effectivement engagés à ce titre. - Sur la prise en charge du nettoyage des vêtements imposé par l’employeur. Après avoir rappelé les dispositions légales et règlementaires selon lesquelles « les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les travailleurs », les juges ont décidé que les dispositions du statut national imposant la prise en charge du nettoyage par les salariés, n’étaient pas opposables aux agents requérants. Les juges ont alors procédé à une estimation du prix de revient d’une lessive qu’ils ont fixé à 1,33 euros TTC. Le Conseil de prud’hommes reprend donc la jurisprudence récente de la chambre sociale de la Cour de cassation précisant que l’employeur doit assurer les frais d’entretien de la tenue de travail qu’il impose aux salariés de porter, que ce soit en raison du caractère salissant des travaux ou de la simple stratégie commerciale (Cass. soc., 27 mai 2008). On ne peut que louer sur ce point la démarche du Conseil de prud’hommes qui s’est efforcé de définir une méthode de calcul. C’est sur cette base et en fonction de la fréquence des lavages appréciée au regard des fonctions des salariés que le Conseil de prud’hommes a condamné la société. C’est en effet à notre connaissance la première fois que les juges du fond ont retenu une méthode d’évaluation du coût d’entretien des vêtements de travail, qui pourra servir d’exemple pour les entreprises souhaitant évaluer ou négocier sur ce thème. L’analyse du Conseil de prud’hommes reste toutefois critiquable à la lecture des dispositions du code du travail. Enfin, au regard de la teneur du jugement on peut s’interroger sur le traitement social de ces frais d’entretien. En effet, la juridiction prud’homale invoque à l’appui de sa décision les dispositions de l’article L. 4122-2 du code du travail précisant que « les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les travailleurs ». En effet, l’administration précise notamment dans sa circulaire DSS n°2003-07 du 7 janvier 2003 que seuls les frais d’entretien des « vêtements professionnels » peuvent être considérés comme des frais d’entreprise, échappant ainsi à l’assiette des cotisations de sécurité sociale. Pourtant ces dispositions n’ont manifestement aucune portée générale puisqu’elles ne concernent que les mesures relatives à l’hygiène et à la sécurité. Elle définit alors les « vêtements professionnels » comme ceux qui répondent aux critères de protection individuelle au sens du code du travail ou ceux imposés aux salariés dont la coupe et la couleur sont fixés par l’entreprise (uniforme notamment) et qui répondent à un objectif de salubrité, de sécurité ou concourent à une démarche commerciale de l’entreprise. Or, concernant la tenue de travail, la notion d’hygiène et de sécurité au sens du code du travail ne vise que les vêtements ayant vocation à assurer une « protection individuelle » au salarié. D’ailleurs, les seules dispositions du code du travail imposant l’entretien des vêtements de travail par l’employeur concernent les tenues mises à disposition des salariés du fait du caractère particulièrement insalubre ou salissant des travaux à réaliser (art. R. 4323-95 et R. 4321-4 du code du travail). Au regard de la position de l’administration (circulaire susvisée et circulaire ministérielle du 22 octobre 2004), il nous paraîtrait surprenant que puissent être assujettis aux cotisations de sécurité sociale des frais d’entretien mis à la charge de l’employeur par le juge sur le fondement de la législation en matière de santé et de sécurité au travail et concernant des vêtements de travail imposés dans l’entreprise du fait de la nature des fonctions des salariés. La question reste toutefois ouverte… En d’autres termes, aucune disposition légale ou règlementaire n’impose aujourd’hui à l’employeur la charge de l’entretien des vêtements mis à la disposition des salariés pour des raisons autres que des impératifs d’hygiène et de sécurité. Seule la négociation collective pourrait, à notre sens, étendre une telle obligation à l’ensemble des vêtements remis aux salariés. Sébastien ARDILLIER SCP FROMONT BRIENS & ASSOCIES Avocat au Barreau de Lyon [email protected] Dans ces conditions, il est pour le moins étonnant que le Conseil de prud’hommes d’Annecy puisse considérer que dans la mesure où l’employeur impose un équipement aux salariés, il doit obligatoirement en assurer le nettoyage et l’entretien en soulignant qu’« il importe peu que les salariés n’accomplissent pas de travaux particulièrement salissant ». Il est bien évident que ce jugement a été prononcé à la lumière de la récente jurisprudence de la haute juridiction, qui à ce jour ne s’est prononcée en la matière que par une seule décision du 27 mai 2008. On peut néanmoins s’interroger sur le fait de savoir si la Cour de cassation maintiendra sa position dans l’avenir. En effet, l’arrêt du 27 mai 2008 reste surprenant puisque pour faire obligation à l’employeur d’assurer l’entretien des tenues remises aux salariés, la Cour de cassation ne se fonde pas directement sur les dispositions du code du travail mais sur le droit commun des IX PRINCIPAUX ATTENDUS « Attendu qu’en droit du travail, les conventions et accords collectifs et les dispositions du Statut national des salariés par rapport aux dispositions prévues par la loi et les règlements ; Que dès lors, il y a concours entre la Loi, le Règlement et la Circulaire PERS 633, de sorte que seules les dispositions plus favorables aux agents doivent s’appliquer ; Que le comparatif des avantages s’effectue avantage par avantage et non par ensemble d’avantages, de sorte que les dispositions légales et règlementaires qui prévoient la prise en charge de l’entretien des vêtements de travail de chaque agent est manifestement plus avantageux que la circulaire PERS précitée qui impose à chaque agent la prise en charge du nettoyage de ses vêtements de travail ; Qu’à cet égard, il importe peu de savoir que les dotations en vêtements sont importantes, que le rythme de renouvellement est soutenu et que les agents conservent la possibilité de conserver les vêtements au terme des périodes déterminées par la PERS dès lors qu’en cas de conflit entre la Loi (et le Règlement) et la circulaire PERS précitée, la comparaison des avantages s’effectue avantage par avantage ; aux agents de nettoyer et d’entretenir les vêtements qui leur sont attribués » sont moins favorables que celles édictées par la loi et le règlement et ne sont donc pas opposables aux agents requérants ; Qu’en outre, les parties s’accordent pour dire que la fourniture et le port des vêtements constituent un équipement imposé par l’employeur à l’ensemble des agents requérants, de sorte que le port des vêtements de travail étant obligatoire pour chaque agent des catégories (…), il importe peu que les salariés n’accomplissent pas des travaux particulièrement salissant ; Sur le montant de la prise en charge des frais de nettoyage(…) Qu’en conséquence, l’avantage prévu par la loi et le règlement, selon lequel « les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entrainer aucune charge financière pour les travailleurs » prévu aux article L 4122-2 et R 4323-95 du code du travail est manifestement plus avantageux que celui prévu par l’article 3 al. J de la circulaire PERS 633 précitée ; Qu’il résulte de ce qui précède que les dispositions de l’article 3 alinéa J de la circulaire 633 qui dispose « il appartient Que dès lors, les agents requérants ne justifient pas de leurs frais respectivement engagés à ce titre ; Que la méthode de calcul devant être retenue est celle qui a pour fondement la revue Accueillir Magazine mars 2007 qui estime le prix de revient d’une lessive à 1.33 € TTC, sur la base de 10 mois pendant 5 années est de : - 18 lavages pour les releveurs techniciens d’intervention ; - 21 lavages pour les monteurs électriciens réseaux ; - 14 lavages pour les agents techniques ; - 23 lavages pour les câbliers monteurs. » Conseil de prud'hommes d’Annecy, 13 mars 2009 Section Industrie ALIGROT et 41 autres salariés / EDF, GDF, ERDF, GRDF Accident de service Suicide Tribunal administratif de Lyon, 12 février 2008 EXPOSE DES FAITS Un sapeur-pompier professionnel a mis fin à ses jours dans les locaux de sa caserne dans la nuit pendant sa garde opérationnelle ; le comité départemental siégeant en formation de commission de réforme a reconnu l’imputabilité au service de ce décès et l’avis de la commission de réforme a été suivi par le service départemental d’incendie et de secours. La caisse des dépôts et consignations a refusé d’accorder à sa veuve le bénéfice d’une rente viagère d’invalidité, et celle-ci a contesté cette décision. Le tribunal a annulé la décision de refus de verser à l’épouse une rente d’invalidité en retenant qu’il résultait de l’instruction que la cause déterminante du décès de l’intéressé est imputable à une angoisse irrésistible générée par un sentiment d’incapacité à assumer les responsabilités liées au grade de sergent auquel il avait été promu et que le lien direct du décès avec le service est ainsi établi. OBSERVATIONS L’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale selon lequel « est considéré comme un accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprises » n’a pas d’équivalent dans le secteur public. Le droit de la fonction publique ne comporte pas de définition textuelle de l’accident de service, mais le principe du risque professionnel est pris en compte dans le statut général de la fonction publique qui mentionne l’accident de service sans le définir pour s’attacher seulement à ses conséquences. Les trois textes statutaires (fonction publique de l’Etat, fonction publique territoriale, fonction publique hospitalière) comportent une disposition rédigée en termes identiques : « Toutefois, si la maladie provient (…) d’un accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l’intégralité de son traitement jusqu’à ce qu’il soit en état de reprendre son service ou jusqu’à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l’accident. » Il n’existe cependant pas, dans la jurisprudence administrative, de mécanisme de présomption de responsabilité au profit du fonctionnaire qui doit prouver l’imputabilité de l’accident au service. Le contentieux des accidents de service relève la plupart du temps du contentieux de l’excès de pouvoir, et le juge exerce un contrôle normal sur la qualification d’accident de service, en fonction des éléments du dossier. X Ainsi il a été jugé que ne constitue pas un accident de service le saut d’un pompier par la fenêtre d’un local professionnel où il se trouvait, pourtant justifié par l’attitude agressive de plusieurs de ses collègues (CE, 13 juin, 1986, n° 56576, Bressy). En revanche, la jurisprudence administrative a déjà qualifié d’accident de service le suicide lié aux circonstances de l’exercice des fonctions (CAA Paris 31 décembre 2001, n° 00PA03827, Min. des Finances/ Mme G, pour le suicide d’un trésorier principal) ou au surmenage et à l’exercice de fonctions exercées dans des conditions exceptionnellement pénibles (CE 26 février 1971, Dame Veuve Grange, Lebon, page 171). La décision du tribunal administratif de Lyon s’inscrit dans ce courant. Michel RIVA SCP Marie-Aline MAURICE, Michel RIVA et Frédéric VACHERON Avocat au Barrreau de Lyon [email protected] PRINCIPAUX ATTENDUS « Considérant qu’aux termes de l’article 37 du décret du 26 décembre 2003 (relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales) : « Les fonctionnaires qui ont été mis à la retraite dans les conditions prévues à l’article 36 ci-dessus bénéficient d’une rente viagère d’invalidité cumulable avec la pension rémunérant les services prévus à l’article précédent. Le bénéfice de cette rente viagère d’invalidité est attribuable si la radiation des cadres ou le décès en activité interviennent avant que le fonctionnaire ait atteint la limite d’âge et sont imputables à des blessures ou des maladies survenues dans l’exercice des fonctions (…) ; Qu’il résulte de ces dispositions que, pour bénéficier d’une rente viagère d’invalidité, hormis les cas de blessures ou de maladies contractées ou aggravées en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public ou en exposant ses jours pour sauver la vie d’une ou de plusieurs personnes, la preuve d’un lien direct de causalité entre l’exécution du service assumé par le fonctionnaire et l’accident ou la maladie dont il a été victime doit être apportée ; Que, bien que le suicide soit un acte volontaire, il peut ouvrir droit à la rente, s’il est établi que cet acte a eu pour cause déterminante un état maladif se rattachant au service ». Tribunal administratif de Lyon, 12 février 2008, M. Durand Formation professionnelle Le formalisme dans la gestion et la mise en oeuvre du DIF Conseil des prud’hommes de Lyon, 31 mars 2009 EXPOSE DES FAITS Le droit individuel à la formation (DIF) a été institué par la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle et au dialogue social. Il est aujourd’hui codifié aux articles L. 6323-1 et suivants du code du travail. Le DIF permet à tout salarié disposant d’une ancienneté d’un an d’acquérir un droit personnel à la formation de 20 heures par an, qu’il peut utiliser pour suivre une action de formation dont il est l’initiateur. Ce droit annuel, proratisé pour les salariés à temps partiel, peut être cumulé sur six ans et demeure donc plafonné à 120 heures à défaut d’être utilisé. Toutefois, des conventions ou accords collectifs peuvent prévoir des dispositions plus favorables que ce dispositif légal, notamment en ce qui concerne le volume du DIF et les priorités en matière d’action de formation. Sur le terrain des formalités, l’employeur est tenu d’informer le salarié par écrit et chaque année des droits qu’il a acquis au titre du DIF (article L. 6223-7 du code du travail). Au regard des droits ainsi disponibles, le salarié peut utiliser son DIF durant l’exécution de son contrat de travail mais aussi en cas de rupture de ce contrat, à condition qu’il en fasse la demande à son employeur selon une procédure spécifique, notamment en cas de licenciement, de départ à la retraite et de démission. Dans ce dernier cas, l’article L. 6323-19 du code du travail dispose qu’en cas de démission le salarié peut demander à bénéficier de son DIF sous réserve que l’action de bilan de compétence, de validation des acquis de l’expérience ou de formation, soit engagée avant la fin du préavis. C’est précisément au sujet de la validité d’une demande de DIF formulée à l’occasion d’une démission que le Conseil de prud’hommes de Lyon à eu l’occasion de se prononcer dans le jugement objet de la présente note. Cette décision est d’autant plus intéressante que la jurisprudence en matière de DIF est pour le moins restreinte. Une employée de banque démissionne de son emploi et indique dans son courrier de démission qu’elle souhaite utiliser son capital d’heures disponibles au titre du DIF afin de suivre une formation d’assistant ressources humaines. L’entreprise accuse réception de cette demande et précise à la salariée qu’il n’est pas donné suite à sa demande d’utilisation du DIF. L’employée décide alors de saisir le Conseil de prud’hommes de Lyon afin de déclarer abusif le refus de son employeur et demande à cet effet des dommages et intérêt au titre du préjudice subi. La salariée estime en effet que son employeur a violé son obligation d’information annuelle en ne lui adressant pas les informations prévues au titre du DIF (1), n’a pas la possibilité de rejeter la demande (2) et n’a pas motivé son refus (3). OBSERVATIONS 1. Sur la violation par l’employeur de son obligation d’information. Le Conseil de prud’hommes fait droit à la salariée en se basant sur les dispositions tant légales (L. 6323-7 du code du travail) que conventionnelles. Les juges rappellent en effet que cette information annuelle, à la charge de l’employeur, doit être faite par écrit individuellement auprès de chaque salarié et qu’elle est portable et non quérable. En l’espèce, l’employeur ne justifie pas de cet envoi qui ne saurait se limiter à une information éventuellement disponible sur réseau intranet de l’entreprise. En conséquence, le salarié est bien fondé à demander des dommages et intérêts dès lors que cette information ne lui a pas été communiquée. 2. Sur l’impossibilité pour l’employeur de rejeter la demande. Les juges rappellent opportunément que XI rien dans le code du travail ne prévoit que l’employeur est tenu d’accepter la formation et que le DIF s’inscrit dans une démarche de codécision entre le salarié et l’employeur, y compris en cas de démission. Les juges font ainsi application des dispositions des articles L. 6323-10 et D. 6323-2 du code du travail qui prévoient que lorsque le salarié prend l’initiative de faire valoir ses droits dans le cadre du DIF, l’employeur lui notifie sa réponse dans un délai d’un mois, l’absence de réponse de l’employeur valant acceptation du choix de l’action de formation. En tout état de cause, il convient d’apprécier si le refus de l’employeur est ou non abusif. 3. Sur le caractère ou non abusif du refus de la société. Sur ce point, le Conseil de prud’hommes estime que le refus de la société n’est pas abusif. En effet, les juges relèvent que la réponse de la société a bien été adressée dans le délai légal applicable d’un mois et que l’absence de motivation n’est pas critiquable puisqu’elle n’est nullement exigée par les textes. En fait, le raisonnement des juges conduit à penser que ce n’est pas chez l’employeur qu’il faut chercher l’erreur mais chez la salariée. En effet, il apparaît que cette dernière n’a pas mentionné dans sa demande la date à laquelle la formation devait débuter et que l’absence de cette mention essentielle justifiait le refus de l’employeur. Les juges estiment donc, même si rien n’est prévu dans la loi concernant la forme de la demande, que la décision de l’employeur doit être prise au regard d’éléments précis qui doivent être renseignés par le salarié dans sa demande. Dès lors, le refus de l’employeur, même non motivé, ne saurait être considéré comme abusif si le salarié ne l’a pas mis en mesure de prendre une décision éclairée. En définitive, faute de précisions dans le code du travail et dans l’accord de branche, ce jugement apporte deux enseignements intéressants sur les droits et obligations des employeurs et salariés dans la gestion et la mise en oeuvre du DIF : - d’un côté les employeurs doivent être particulièrement vigilants dans la manière dont ils traitent l’obligation d’information annuelle du salarié sur ses droits acquis au titre du DIF, cette information devant être écrite et remise individuellement à chaque salarié, ce qui suppose de se ménager un mode de preuve efficace. Le salarié n’ayant pas été informé peut prétendre à des dommages et intérêts. - De l’autre côté, les salariés qui souhaitent faire valoir leurs droits au titre du DIF doivent donner suffisamment d’éléments pour que l’employeur puisse valablement prendre une décision, faute de quoi, un refus de l’employeur même non motivé, ne saurait être considéré comme abusif. Florent DOUSSET Avocat au Barreau de Lyon SCP JACQUES BARTHELEMY ET ASSOCIES [email protected] PRINCIPAUX ATTENDUS "Il résulte de l’ensemble des dispositions légales (…) que la Société(…) avait une obligation d’information annuelle par écrit de chaque salarié concernant ses droits acquis au titre du DIF ; Cette obligation ne peut s’entendre que comme une information spécifique concernant chaque salarié et donc une information individuelle des droits acquis par chacun d’eux ; Il s’agit d’une information portable et non pas quérable (…) Elle (nb : la société) ne justifie pas de cet envoi (…) « Le régime du DIF applicable en cas de rupture du contrat de travail et notamment de démission, ne prévoit pas que l’employeur serait tenu d’accepter la formation (…) légales et conventionnelles applicables, ni par son absence de motivation non stipulée par les textes. Si Madame (...) a bien formulé sa demande pendant le préavis, elle devait également engager la formation avant la fin du délai congé. Or, elle n’a pas mentionné dans sa demande la date à laquelle devait débuter la formation souhaitée et cette absence de mention essentielle pour la validité de la demande effectuée dans le cadre d’une démission justifie le refus opposé par la société (…) Le préjudice causé à Madame (…) parle manquement de la société (…) à son obligation d’information annuelle de la salariée sera réparé par l’octroi (…) de dommages et intérêts ». Il convient uniquement d’apprécier si le refus de la société (…) est abusif ou non. Conseil de prud’hommes de Lyon, Section commerce , 31 mars 2009 La réponse négative de la société (…) n’est pas critiquable en ce qu’elle a été adressé à Madame (…) le 21 novembre 2006, soit dans le délai d’un mois prévu par les dispositions Licenciement Accusation de faits de harcèlement moral et sexuel non caractérisés Abus de la liberté d’expression Cour d’appel de Chambéry, 7 juillet 2008 EXPOSE DES FAITS Une salariée, embauchée en 1997 par une société mutualiste en qualité de téléactrice, a dénoncé en 2003, auprès de son président, des faits de harcèlement moral et de harcèlement sexuel imputés à deux de ses supérieurs hiérarchiques. Après que l’employeur ait diligenté une enquête interne, en liaison avec les délégués du personnel, l’inspecteur du travail et le médecin du travail, pendant laquelle la victime déclarée s’est vue aménager des conditions de travail excluant tout contact avec les harceleurs prétendus, il s’est avéré que les faits de harcèlement dénoncés n’étaient pas caractérisés. Après l’avoir régulièrement convoquée à un entretien préalable assorti d’une mise à pied à titre conservatoire, l’employeur a alors licencié la salariée plaignante pour faute grave, motif pris des fausses accusations portées contre ses supérieurs hiérarchiques. La salariée a alors saisi le Conseil de prud’hommes d’Annecy d’une demande tendant à voir condamner la Société Mutualiste à lui payer les indemnités de rupture et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse. Par arrêt infirmatif du 4 juillet 2008, la Chambre sociale de la Cour d’appel de Chambéry a jugé le licenciement fondé sur une faute grave aux motifs suivants : « …Attendu, en premier lieu, qu’il ne peut être sérieusement contesté que la mutuelle a rempli ses obligations légales et réglementaires de prévention en matière de harcèlement en prenant, dès qu’elle a eu connaissance des doléances de Mme M…, les initiatives rappelées dans la lettre de licenciement et dont les justificatifs sont produits dans le litige prud’homal ; qu’en tout cas, les mesures prises ne peuvent constituer une preuve de la réalité des faits allégués ; XII Attendu, en deuxième lieu, qu’il appartient au salarié prétendument victime d’établir des faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement, à charge pour l’employeur ou le salarié mis en cause de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel comportement ; qu’après avoir procédé à l’audition de Mme M…, des deux cadres incriminés et de l’employeur, le contrôleur du travail a entendu une délégation de représentants du personnel, ainsi que des salariés de l’entreprise, dont deux personnes au choix de l’intéressée pouvant attester de ses déclarations ; que, contrairement à ce qui est allégué par celle-ci, les conclusions de l’enquête, dont les lignes directrices ont été approuvées par le médecin du travail, ne sont pas empreintes de doute, dès lors qu’il est constaté que les accusations de Mme M… contre M. V… et Mme B… n’ont pas été confirmées par les entretiens que le contrôleur du travail a eus avec les personnes interrogées, y compris celles désignées par la salariée pour accréditer ses dires et que, notamment, s’agissant du harcèlement moral, le rapport indique « rien ne montre dans l’enquête que les demandes faites à Madame M… soient des pressions illégitimes ou un détournement de pouvoir d’organisation de l’employeur » ; que l’affirmation du contrôleur du travail, « nous n’avons pas assez d’éléments pour caractériser le délit de harcèlement moral » doit être interprétée, au vu des éléments de l’enquête, comme signifiant en réalité qu’il n’en possédait aucun ; qu’il n’est pas démontré que ses préconisations et conseils dont la teneur n’a pas été reproduite pour des raisons de confidentialité à l’égard de chacun de ses interlocuteurs, aient été prodigués dans un autre but que celui d’une simple prévention de tout harcèlement moral dans l’entreprise ; que les difficultés relationnelles entre Mme M… et ses supérieurs hiérarchiques, auxquels elle a reproché de « vouloir lui imposer une façon de travailler contraire à sa pratique », ne sont pas constitutives d’un tel comportement ; Qu’il s’en déduit que Mme M… n’a pas établi de faits permettant de caractériser une situation de harcèlement, alors que pour sa part, l’employeur a produit les témoignages de huit salariés (…) qui attestent à l’unanimité d’une activité professionnelle exercée « dans la bonne humeur, le respect de chacun et la convivialité », confortant ainsi les conclusions de l’enquête administrative ; Attendu, en troisième lieu, que le salarié ne peut abuser de sa liberté d’expression par des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs ; que Mme M… a été licenciée pour avoir porté des accusations graves et non fondées à l’égard de ses supérieurs hiérarchiques, après qu’ils eurent attiré l’attention de la salariée sur son travail, ainsi par la lettre de Mme B… en date du 18 avril 2003 ; que les accusations portées sans fondement contre les deux cadres concernés, dans le but d’amoindrir leur autorité sur les autres salariés et au risque de les voir confrontés à des poursuites pénales, caractérisent un abus dans l’exercice de la liberté d’expression, constitutif d’une faute grave rendant comme telle impossible le maintien de l’intéressée dans l’entreprise… ». OBSERVATIONS L’arrêt ainsi rendu est l’occasion de rappeler les mesures à prendre quand est dénoncée une situation de harcèlement dans l’entreprise mais, également, de préciser l’évolution jurisprudentielle dans laquelle il ne s’inscrit pas forcément. I – Un arrêt prescrivant à l’employeur les mesures à prendre face à un harcèlement dénoncé… 1°/ Le harcèlement moral et/ou sexuel n’a sa place ni dans l’entreprise, ni ailleurs. C’est pourquoi, il est sévèrement civilement et pénalement sanctionné, sous les articles L. 1151-1 et suivants du code du travail. Tenu par ces dispositions et par son obligation de sécurité de résultat, l’employeur, en matière de harcèlement moral et/ou sexuel, n’a guère d’alternative : - s’il se trouve en présence d’une situation de harcèlement moral et/ou sexuel avéré, sa réponse, à juste titre, sera quasi systématiquement celle du licenciement pour faute grave du harceleur. - Si l’accusation de harcèlement s’avère fausse, le dénonciateur sera susceptible d’être sanctionné disciplinairement, fût-ce par la notification d’un licenciement, en raison de la fausseté de son accusation et de l’atteinte portée à celui qui a été à tort accusé, à charge pour l’employeur « d’établir la fausseté des faits dénoncés » (Cass. soc. 17 décembre 2008, n° 07-44830 – Semaine Sociale LAMY – 12 janvier 2009). L. 4122-1 du code du travail, de prendre soin de sa santé et de sa sécurité et de celles de ses collègues de travail. Si, dès lors, le (la) harceleur (se) moral et/ou sexuel mérite d’évidence d’être immédiatement licencié, celui ou celle qui profère une fausse accusation de harcèlement moral et/ou sexuel à l’endroit d’un collègue de travail et qui, ce faisant, attente à la dignité, à l’honneur et à la santé mentale de ce dernier, le mérite tout autant. Jurisprudentiellement, il a d’ailleurs déjà été jugé que cette forme de « …dénonciation calomnieuse… » est justifiable du licenciement pour faute grave (Conseil de prud’hommes de Lyon, départage, 7 avril 2000, RG n° F 98/04515 ; Cass. Soc., 17 décembre 2008 précité). 2°/ Cela étant, on observera que les dispositions législatives du code du travail relatives au harcèlement moral et au harcèlement sexuel sont protectrices du salarié relatant des faits de harcèlement. L’article L. 1152-2 dispose : 2°/ Saisi d’une dénonciation d’un harcèlement moral et/ou sexuel imputé à un collègue salarié, l’employeur, débiteur d’une obligation de sécurité de résultat lui imposant, aux termes de l’article L. 4121-1 du code du travail, de prendre les « mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs » doit, à peine d’engager sa responsabilité, faire cesser la situation de harcèlement alléguée et faire en sorte qu’elle ne se reproduise pas, peu important qu’il ne soit pas personnellement le harceleur (Cass. Soc. 21 juin 2006, n° 1733, RJS 8-9/06, n° 916). « Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, … pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. » La meilleure façon de le faire est d’établir l’existence d’un harcèlement moral et/ou sexuel, de déterminer le (la) harceleur (se) responsable et de sanctionner ce dernier. C’est précisément au visa des dispositions combinées de l’article L. 1152-2 et de l’article L.1152-3, qui frappe de nullité « …toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2… », que la Chambre sociale de la Cour de cassation a récemment jugé nul un licenciement disciplinaire motivé par l’accusation de faits de harcèlement proférée à l’endroit du supérieur hiérarchique sans les prouver : C’est là un travail d’enquête qui peut théoriquement être réalisé par l’employeur seul mais, parce qu’il concerne des faits graves relevant de l’hygiène et de la sécurité, peut utilement, pratiquement, être réalisé de concert avec les acteurs de l’hygiène et de la sécurité que sont les représentants du personnel (CHSCT ou DP), l’inspecteur du travail et le médecin du travail. Si l’enquête ainsi collectivement et contradictoirement diligentée permet d’établir des faits «…précis, objectifs et vérifiables… » (Cour d’appel de Grenoble, 8 octobre 2007 – RJS 7/08, n° 779), sa conclusion et, corrélativement la décision subséquente de l’employeur, seront difficilement contestables. Quoiqu’ayant en l’espèce statué sur un licenciement motivé par de fausses accusations de harcèlement, la Chambre sociale de la Cour d’appel de Chambery a clairement tracé la voie que l’employeur doit emprunter lorsqu’il est confronté à une situation de harcèlement moral et/ou sexuel. L’article L. 1153-3 ajoute : « Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire pour avoir témoigné des agissements de harcèlement sexuel ou pour les avoir relatés. » « …Attendu que pour décider que le licenciement de Monsieur B. reposait sur une cause réelle et sérieuse et le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive, l’arrêt retient que le fait pour un salarié d’imputer à son employeur, après en avoir averti l’inspection du travail, des irrégularités graves dont la réalité n’est pas établie, et de reprocher des faits de harcèlement à un supérieur hiérarchique sans les prouver, caractérise un abus dans l’exercice de la liberté d’expression et constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ; II - … dont la solution, moralement justifiée, ne s’impose pourtant pas juridiquement à l’aune de l’évolution jurisprudentielle ultérieure. Qu’en statuant ainsi, alors que le grief tiré de la relation des agissements de harcèlement moral par le salarié, dont la mauvaise foi n’était pas alléguée, emportait à lui seul la nullité de plein droit du licenciement, la Cour d’appel a violé les textes susvisés… » 1°/ A l’instar de l’employeur, il incombe à chaque travailleur, aux termes de l’article (Cass. Soc. 10 mars 2009 n° 07-44092, FP-PBR - RJS 6/09, n° 496). XIII 3°/ Même si l’enjeu est l’honneur, la dignité ou la santé de celui qui est faussement accusé, le fait de dénoncer calomnieusement et d’abuser de sa liberté d’expression ne suffit donc plus. Si, comme on peut le penser, la «…mauvaise foi…» s’entend de la conscience qu’a celui qui ment de mentir, cette « mauvaise foi » devrait s’induire de la démonstration du caractère mensonger de la dénonciation de faits de harcèlement moral et/ou sexuel. On imagine, dès lors, que l’arrêt de la Chambre Sociale de la Cour d’Appel de Chambéry, considéré définitif, n’aurait le cas échéant pas échappé à la cassation. L’aléa judiciaire, à cet égard, est cependant total. Dans ces conditions, l’employeur, confronté à une accusation mensongère de faits de harcèlement moral et/ou sexuel, sera désormais avisé de caractériser la « mauvaise foi » du dénonciateur dans le cadre de Certes, la Cour de cassation a édicté la limite de la « mauvaise foi » de celui qui dénonce faussement. l’enquête, puis de la mentionner dans la lettre de licenciement. Préservant ainsi le faux harceleur, il sera au surplus protégé contre la turpitude du faux harcelé. Christophe BIDAL Avocat au Barreau de Lyon SCP Joseph AGUERA & Associés [email protected] Connexion Internet Surveillance des salariés - Licéité de la preuve Cour d’appel de Grenoble, 8 décembre 2008 EXPOSE DES FAITS Lors d’un contrôle sur le serveur de l’entreprise des « log files » (journaux de bord des connexions Internet) dans le cadre d’une opération de maintenance, un employeur découvre incidemment de la part d’un employé, un usage excessif d’Internet à des fins non professionnelles et ce depuis l’ordinateur de son bureau. Le salarié licencié pour faute grave pour ces faits conteste son licenciement devant le Conseil de prud’hommes de Vienne qui le déboute de ses demandes. La Cour d’appel de Grenoble réforme le jugement et décide que le licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse considérant, principalement, que le moyen de preuve utilisé par l’employeur pour démontrer les agissements du salarié était illicite ; si le logiciel permettant le suivi des connexions à des fins de sécurité du matériel informatique ne pose pas de difficulté en tant que tel, il n’en est pas de même lorsque associé à un traitement informatisé d’informations nominatives, il permet de contrôler l’utilisation que font les salariés individuellement d’Internet. En application de l’article L. 2323-32 du code du travail, le comité d’entreprise doit être informé et consulté préalablement à la décision de mise en oeuvre de ce système. De plus, le salarié doit être informé de l’existence de ce dispositif, conformément à l’article L. 1222-4 du code du travail. A défaut, le moyen de preuve utilisé est illicite et le licenciement sans cause réelle et sérieuse. présumées avoir un caractère professionnel de sorte que l’employeur peut les rechercher aux fins de les identifier hors de sa présence ». Ces décisions ne sont toutefois pas contradictoires. En effet, si l’employeur est fondé à licencier un salarié, y compris pour faute grave, pour avoir utilisé l’outil informatique de l’entreprise pour un usage inapproprié et illicite, il doit prendre garde au moyen de preuve utilisé. S’il peut constater des connexions illicites sur l’ordinateur du salarié, y compris en son absence, il ne saurait le faire, même en utilisant un procédé dont la finalité originelle n’est pas le contrôle des salariés mais qui peut en avoir les potentiels effets. Nous pouvons penser que si ces connexions avaient été trouvées en explorant physiquement le fonctionnement de l’ordinateur du salarié il en eut été tout autrement, et le résultat dans cette affaire eut été tout autre. Notons que la Cour d’appel dans cette affaire ne semble pas elle-même persuadée par son a rg umentation car elle prend soin, subsidiairement, de préciser que les listings produits ne démontrent pas, d’une manière certaine, l’utilisation d’Internet par le salarié incriminé, tant au regard de l’auteur des connexions (problème de code d’accès), qu’au regard de leur durée, le temps de connexion n’étant pas forcément le temps équivalent à celui surfé par le salarié. Ainsi, la preuve du comportement du salarié sur la toile est à manier avec subtilité et précaution. OBSERVATIONS Cet arrêt peut paraître surprenant car la Chambre sociale de la Cour de cassation par une décision du 9 juillet 2008 (Laneque c/ Société Entreprise Martin), a décidé : « mais attendu que les connexions établies par un salarié sur le site Internet pendant son temps de travail grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son contrat de travail, sont Philippe GROS SELARL CEFIDES Avocat Au Barreau de Lyon [email protected] XIV PRINCIPAUX ATTENDUS … « Attendu que les dispositions des articles L. 1222-4 et L 2323-32 ne font pas échec au pouvoir de contrôle et de surveillance par l’employeur de l’activité des salariés durant le temps de travail, mais l’encadrent afin qu’il soit exercé dans la transparence et la loyauté ; ... Attendu que dès lors les fichiers de journalisation conçus pour assurer la sécurité des données définies par l’entreprise permettent de recueillir des données personnelles et de contrôler l’utilisation que font les salariés individuellement de l’outil Internet, leur utilisation doit en application des textes précités être portée à la connaissance des salariés après information et consultation du comité d’entreprise ; … …Attendu qu’en l’espèce, la société Medi Math a mis en oeuvre un procédé dont la finalité première de surveillance générale du système, peut être détournée au profit d’un contrôle individualisé des salariés, ce qui lui impose d’assurer leur information préalable ; »… Cour d’appel de Grenoble, Chambre sociale, 8 décembre 2008, Dairi c/ Sarl MEDI MATH Relations Collectives Action en justice du comité d’entreprise Désignation d’un mandataire - Absence de délibération sur l’action à engager Tribunal de grande instance de Lyon, 28 janvier 2009 EXPOSE DES FAITS La société X a été placée en redressement judiciaire et l’administrateur de solliciter la conversion du redressement en liquidation judiciaire lors d’une audience à intervenir, à bref délai, du Tribunal de commerce. Le comité d’entreprise saisit la juridiction des référés du Tribunal de grande instance de Lyon aux fins de voir faire défense à l’administrateur de solliciter la conversion tant qu’il n’aura pas été convoqué, informé et consulté dans les conditions légales. Après avoir relevé sa compétence matérielle pour la seule demande tendant à la consultation du comité, le juge des référés constate la nullité de l’assignation du fait de l’absence de délibération du comité d’entreprise ayant décidé l’engagement de l’instance. OBSERVATIONS Suivant l’article L. 2325-1 du code du travail : « Le comité d’entreprise est doté de la personnalité civile et gère son patrimoine … ». A ce titre, il a qualité, suivant les prescriptions des articles 30 et 31 du nouveau code de procédure civile, pour engager certaines actions en justice. Sa qualité pour agir n’est en effet pas générale, la jurisprudence, encore semble-t-il en construction, considérant qu’il n’a « pas pour mission de représenter les différentes catégories du personnel, ni les intérêts généraux de la profession et qu’il ne tient d’aucune disposition de la loi le droit d’exercer les pouvoirs de la partie civile sans avoir à justifier d’un préjudice personnel (Cass. crim., 28 mai 1991, Bull. Crim., n° 226) ». La question de la recevabilité de l’action n’était cependant pas en débat dans le présent litige car nul ne saurait contester la qualité pour agir du comité d’entreprise pour garantir le respect de ses prérogatives de consultation. Le débat touchait aux modalités de mise en oeuvre de l’action en justice. Antérieurement à la recodification, le code du travail contenait à ce titre une disposition, l’article R. 432-1 indiquant : « pour l’application des dispositions de l’alinéa 1er de l’article L. 431-6, le comité est valablement représenté par un de ses membres délégués à cet effet ». Comme l’illustre l’ordonnance du 28 janvier 2009, la jurisprudence reste ferme à considérer que la validité de l’action est conditionnée à l’existence d’une double décision du comité d’entreprise : - la désignation d’un mandataire pour sa représentation en justice : cela est conforme à une règle commune à l’ensemble des personnes morales. Cette condition était en l’espèce respectée par la désignation de Monsieur P ; - la définition de l’action à engager : cette définition ne peut résulter que d’une décision du comité d’entreprise et non de celle du mandataire. Celui-ci n’a en effet pas qualité pour décider de l’action mais seulement pour exécuter la délibération du comité. Il peut être rappelé à cet égard que la Cour de cassation exige que la décision du comité soit prise dans le cadre formelle d’une réunion de l’instance, régulièrement composée et convoquée. La décision du 28 janvier 2009 est donc classique. Elle est conforme à ce que mentionne la « Bible » des comités d’entreprise (Maurice Cohen « Le droit des comités d’entreprise, 8ème éd. page 462 ») : « pour les actions judiciaires en demande, le mandat général risque cependant d’être insuffisant car la nature de la demande ne peut pas être prévue à l’avance. Un mandat spécial devra alors être voté avant l’action particulière en justice. En effet le mandat ne confère pas à son titulaire le pouvoir de décider seul d’engager un procès. Ce pouvoir n’appartient qu’au comité d’entreprise, personne morale, prenant sa décision par vote majoritaire, décision qui précise la nature du procès à engager ». Elle est également conforme à la jurisprudence particulière de la juridiction lyonnaise (ordonnances des 19 février 2001, AFPI Rhodanienne, et du 14 septembre 2009, AKKA Technologies). Elle doit être approuvée dès lors qu’il apparaît logique que « l’expression collective des salariés » (article L. 2323-1 du code du travail sur les attributions du CE) ne soit pas assurée par la décision d’un seul... Philippe de LA BROSSE SCP Joseph AGUERA & Associés Avocat au Barreau de Lyon [email protected] Cette disposition a désormais disparu. XV PRINCIPAUX ATTENDUS "Attendu qu’il résulte du procès-verbal du comité d’entreprise extraordinaire du 16 janvier 2009 que Monsieur P. a été désigné en qualité de représentant des salariés dans le cadre de la procédure collective de la SAS … et que ce représentant a « pouvoir par le comité d’entreprise d’ester en justice » ; que si cette délibération a valablement désigné Monsieur P. comme représentant du comité d’entreprise en justice, ce mandat ne lui confère toutefois pas le pouvoir de prendre seul l’initiative d’une procédure, qui ne peut relever que d’une délibération du comité définissant la nature de l’action à engager ; qu’en conséquence en l’absence de délibération du comité d’entreprise ayant décidé l’engagement de la présente instance, l’assignation délivrée en son nom par Monsieur P. est également entachée d’une nullité de fond pour défaut de pouvoir de son représentant, conformément aux dispositions de l’article 117 du code de procédure Civile … » Tribunal de grande instance de Lyon, 28 janvier 2009, CE de la Sté VMT c/ Bauland et autres UES UES et droits individuels à la participation Cour d’appel de Grenoble, 31 mars 2009 EXPOSE DES FAITS Trois salariés assignent en mai 2007 leurs employeurs respectifs ainsi que deux autres sociétés devant le Tribunal d’instance de Bourgoin-Jallieu afin de faire constater judiciairement l’existence d’une unité économique et sociale entre ces trois structures au sens de la mise en place de la participation, et demandent en conséquence le paiement d’un rappel de participation au titre des années 2002 à 2006. Le Tribunal d’instance rejette leur demande au motif de l’irrecevabilité de celle-ci. OBSERVATIONS 1. Déclaration prétorienne d’autonomie du Droit du travail par rapport au Droit des sociétés, la notion d’unité économique et sociale eut pour premier objet de considérer comme une seule et même entreprise différentes structures juridiques distinctes présentant des liens s u ffisamment étroits sur les plans économique et social, au regard de la constitution des institutions représentatives du personnel et du droit syndical. Le législateur de 1982 la consacrait d’ailleurs partiellement, sans toutefois la définir, dans une disposition aujourd’hui codifiée sous l’article L. 2322-4 du code du travail (« lorsqu’une unité économique et sociale regroupant 50 salariés ou plus est reconnue par convention ou par décision de justice entre plusieurs entreprises juridiquement distinctes, la mise en place d’un comité d’entreprise commun est obligatoire »), qui ne mit nullement un terme à la jurisprudence antérieure en ce qui concerne la mise en place des délégués du personnel ou la désignation des délégués syndicaux. Sans davantage définir la notion que ne l’avait fait la loi de 1982, une loi du 19 février 2001 étendait, à compter des exercices non clos à la date de sa publication, l’obligation de mise en place de la participation, qui concernait auparavant les seules entreprises employant habituellement cinquante salariés et plus, aux « entreprises constituant une unité économique et sociale de 50 salariés et plus reconnue dans les conditions prévues…» à l’actuel article L. 322-4 du code du travail (article L. 3322-2 du code du travail). 2. C’est précisément sur la notion d’unité économique et sociale au regard de la mise en place de la participation qu’a été rendu l’arrêt de la première chambre civile de la Cour d’appel de Grenoble le 31 mars 2009 qui confirme le jugement du Tribunal d’instance de Bourgoin-Jallieu. Des données factuelles de cette espèce, on retiendra avec intérêt différents éléments : alors que leur assignation date du 30 mai 2007, les trois appelants ne font plus partie du personnel depuis le 1er juillet 2007 ; depuis 2005 deux des trois sociétés concernées n’ont plus de personnel ; au cours de cette même année, une fusion absorption est intervenue entre deux de ces structures ce dont il semble résulter que depuis la fin de l’année 2005 une seule des trois sociétés rassemble la totalité de l’effectif des trois précédentes (eff e c t i f supérieur à 50 salariés) ; enfin un accord de participation a été mis en place au sein de celle-ci au cours du mois de juin 2006. C’est dans ce contexte que doit être analysé l’arrêt de Grenoble. 3. Préalablement la Cour rappelle fort opportunément « qu’indépendamment de la mise en place des institutions représentatives du personnel, l’existence d’une unité économique et sociale ouvre droit au régime obligatoire de participation des salariés aux résultats de l’entreprise, … étant précisé que la reconnaissance de l’existence d’une unité économique et sociale ne préjuge en aucune manière du périmètre d’application d’un accord de participation ». La formulation ainsi adoptée est non seulement conforme à l’esprit de l’actuel article L. 3322-2 du code du travail, mais bien plus, elle est respectueuse des termes clairs de l’article R. 3322-2 selon lequel « les entreprises constituant une unité économique et sociale mettent en place la participation, soit par un accord unique couvrant l’unité économique et sociale, soit par des accords distincts couvrant l’ensemble des salariés de ces entreprises », de telle sorte que les salariés de chacune des structures constituant l’unité économique et sociale soient ainsi couverts. La Cour rappelle ainsi que quand bien même elle reconnaitrait l’existence d’une unité économique et sociale, ce qu’elle ne fera pas en l’espèce, la question du périmètre de l’accord de participation n’était nullement réglée et qu’il ne relevait vraisemblablement pas au juge de fixer celui-ci. La double motivation de l’arrêt est ailleurs : 4. D’une part les appelants n’ont pas qualité à engager une telle action à titre personnel et à leur seul bénéfice » : La formule lapidaire si elle recueille spontanément la compréhension du commentateur le laisse néanmoins en partie songeur. XVI Compréhension : la participation est évidemment un mode de rémunération collective du personnel. La rédaction particulièrement claire de l’article L. 3322-1 selon lequel « la participation a pour objet de garantir collectivement aux salariés le droit de participer aux résultats de l’entreprise » ne laisse pas place au doute alors qu’ au surplus les dispositions légales en matière de participation sont contenues dans la troisième partie du nouveau code du travail qui intègre tout à la fois la durée du travail, le salaire, l’intéressement, la participation et l’épargne salariale. On voit mal dès lors comment il serait possible à un salarié (ou trois comme en l’espèce) d’exercer une action qui relève de garanties intrinsèquement collectives. Songe : et si la question n’allait pas aussi définitivement de soi ? En témoigne une décision rendue pratiquement à la même période que l’arrêt de la Cour de Grenoble, par la Cour d’appel de Paris le 5 février 2009 (CA Paris 5 février 2009, n°0715961, 18ème chambre civile, Poujol / SA Rochebobois International et autres), en présence d’une semblable action individuelle. En effet, la Cour de Paris relève que « s’il ne résulte d’aucun texte que l’action en reconnaissance d’une unité économique et sociale est réservée aux seules institutions représentatives du personnel et que cette action peut être exercée hors de tout contentieux électoral, il n’en demeure pas moins que toute personne sollicitant une telle reconnaissance doit justifier d’une qualité et d’un intérêt à agir : que notamment pour agir, le requérant doit démontrer qu’il est salarié d’une des entreprises en cause et que l’existence d’une unité économique et sociale présente un intérêt pour lui ». Malheureusement pour le commentateur, la Cour de Paris n’a pas eu à se prononcer sur la question de principe de ce fameux intérêt qui rend songeur celui-ci puisqu’elle déboutera l’appelant au motif qu’il avait introduit sa requête alors qu’il n’était plus salarié de la société ! Et s’il l’avait été ? 5.« D’autre part …. L’unité économique et sociale étant reconnue par jugement déclaratif à la date de la requête introductive d’instance soit le 30 mai 2007, ils n’ont pas d’intérêt à agir en l’état d’un accord de participation existant dans les entreprises concernées depuis le 25 juin 2006 ». La Cour de Grenoble fait ici application d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation en matière de reconnaissance d’une unité économique et sociale au regard des institutions représentatives du personnel et syndicales selon laquelle l’existence d’une unité économique et sociale doit s’apprécier en fonction de la situation existante à la date de la requête introductive d’instance. Cela ne met pas un terme au songe… André DERUE SELAS JACQUES BARTHELEMY ET ASSOCIES Avocat au Barreau de Lyon [email protected] PRINCIPAUX ATTENDUS « Attendu qu’indépendamment de la mise en place des institutions représentatives du personnel , l’existence d’une unité économique et sociale ouvre droit au régime obligatoire de participation des salariés aux résultats de l’entreprise institué par l’article L. 442-1 alinéa 4 du code du travail , étant précisé que la reconnaissance de l’existence d’une UES ne préjuge en aucune manière du périmètre d’application d’un accord de participation ; personnel et à leur seul bénéfice , d’autre part et comme l’a relevé à bon droit le premier juge , l’UES étant reconnue par jugement déclaratif , à la date de la requête introductive d’instance soit le 30 mai 2007 , ils n’ont pas d’intérêt à agir en l’état d’un accord de participation existant dans les entreprises concernées depuis le 25 juin 2006 ». Cour d’appel de Grenoble, 1°Chambre Civile, 31 mars 2009, Valérie Tengo et autres/sas Mécanique A pplication Tissus Mecatiss( MECATISS) et autres Or attendu que d’une part les appelants n’ont pas qualité à engager une telle action à titre Réintégration du salarié protégé Le sursis à statuer Cour d’appel de Lyon, 4 novembre 2008 EXPOSE DES FAITS Un employeur voit le Tribunal administratif annuler la décision d’autorisation de licenciement prise par le ministre. Il décide de faire appel de cette décision devant la Cour administrative d’appel. Parallèlement le salarié saisi le Conseil de prud’hommes d’une demande de réintégration, en référé, alors qu’un sursis à exécution a été sollicité, devant la juridiction administrative, par l’employeur. Le juge judiciaire des référés peut-il ordonner la réintégration ? Telle est la question résolue par cet arrêt de la Cour d’appel. OBSERVATIONS Le licenciement d’un salarié protégé attire depuis toujours la vigilance du législateur. Un double enjeu contradictoire se manifeste en effet : - éviter que les salariés dont les mandats les conduisent à pouvoir s’opposer à leur employeur, ne fassent l’objet des foudres de celui-ci ; - sans pour autant créer par cette protection une situation interdisant à l’employeur d’appliquer disciplinaire. son légitime pouvoir Cette double problématique trouve son point culminant lors des demandes d’autorisation de licenciement qui, s’agissant d’actes de l’autorité administrative qu’est l’inspection du travail, imposent d’utiliser pour les contester les voies de recours administratif classiques, recours hiérarchique et/ou recours contentieux devant le Tribunal administratif. Plus spécialement dans l’arrêt opposant l’OPAC DU RHONE à l’un de ses salariés protégés, la position prise par le Tribunal administratif, ayant annulé la décision du ministre et vraisemblablement de l’inspection du travail autorisant le licenciement, a légitimement conduit le salarié à vouloir faire application de l’article L. 2422-1, pour faire valoir son droit immédiat à réintégration. Tout aussi légitimement, l’employeur a entendu contester devant la Cour administrative d’appel la décision du Tribunal. Pour autant, et c’est ce qu’avait à trancher une autre juridiction du second degré, judiciaire celle-là, à savoir la Chambre sociale de la Cour d’appel de Lyon, il y a lieu de déterminer l’incidence d’un appel, doublé d’une demande de sursis à statuer présentée devant la même Cour d’appel administrative, sur le droit à réintégration du salarié. XVII Il faut ici rappeler que dès lors qu’un licenciement a été autorisé par l’inspection du travail, qu’il a été prononcé par l’employeur sur ce fondement et que le salarié a été contraint de quitter l’entreprise, le recours, qu’il soit administratif ou formé devant le Tribunal administratif, peut conduire à une décision venant purement et simplement annuler l’autorisation, et rendre ainsi le licenciement dépourvu tout à la fois de validité, et d’efficacité. Ce qui permet au salarié, non seulement de demander, dans les deux mois, sa réintégration, mais également d’obtenir une indemnisation correspondant à la perte subie, depuis le prononcé du licenciement, jusqu’à la réintégration effective, ou à défaut pour la période s’étendant du licenciement à l’échéance des deux mois ultérieurs à la décision administrative concernée. Or, concernant son droit à réintégration, puisque l’organe administratif (Ministre du travail ou Tribunal administratif) a estimé que l’autorisation n’existait pas, le licenciement est dépourvu de toute légalité, et il y a lieu de replacer le salarié dans sa situation antérieure, c’est à dire de le réintégrer. Il n’est pas utile d’évoquer ici les difficultés, voire les réticences qui peuvent alors se manifester, mais dont chacun saura se faire une idée précise. Pour ce qui est de sa réintégration, le salarié n’a pas besoin d’attendre que la décision soit définitive : dès lors que le Tr i b u n a l administratif estime qu’il n’y a pas d’autorisation au licenciement, son droit à réintégration naît. Il en va différemment du droit à indemnisation, qui impose que la décision soit définitive, en clair que le recours hiérarchique n’ait pas été contesté auprès de la Cour administrative ou que la Cour administrative d’appel ait confirmé le premier jugement. Pour autant, et pour ce qui de la réintégration, il est bien évident que l’appel qui est formé contre la décision du Tribunal administratif, dès lors qu’il est initié par l’employeur qui croit en ses chances de succès, pose une difficulté majeure. En effet, et sauf démarche foncièrement dilatoire ou plutôt empreinte d’acharnement procédural, si l’employeur saisi la Cour d’appel c’est qu’il estime qu’il a des éléments sérieux pour obtenir réformation de la décision du Tribunal administratif, et donc de voir le licenciement qu’il a effectivement prononcé, autorisé. Dès lors devient cruciale la question de savoir s’il lui est possible d’éviter de réintégrer un salarié, dont la Cour viendra dire, de très nombreux mois ultérieurement, qu’il a été finalement valablement licencié. La solution procédurale qui s’offre à lui est alors simple, ce que vient confirmer la Cour d’appel de Lyon : il y a lieu d’obtenir de la Cour administrative d’appel à laquelle il soumet le jugement rendu par le Tribunal administratif, un sursis à statuer, lui permettant d’éviter d’avoir à procéder à la réintégration du salarié. Par le sursis à statuer rendu par la Cour d’appel administrative contre la décision du Tribunal administratif, ce jugement voit sa force exécutoire suspendue. De sorte que, jusqu’à ce que la Cour d’appel administrative se prononce, il y a lieu de considérer que l’autorisation de licenciement, sur laquelle avait été fondé le licenciement effectivement prononcé, reste efficace. Même si cette décision de la Cour d’appel de Lyon, simplement mais efficacement motivée, semble implacable, elle ouvre deux sources de réflexion : Or, ce faisant, il ne créé pas un droit, dont l’exécution pourrait être suspendue. Il en annule un, constitué par l’autorisation de licenciement préalablement donnée. A proprement parler, la Cour administrative d’appel saisie du sursis à statuer, lorsqu’elle l’ordonne, suspend non pas un droit qui vient d’être créé, mais l’annulation d’un droit antérieurement créé de façon injustifiée. Ce qui revient, pour la Cour administrative d’appel, statuant en référé sur sursis à exécution, à prendre une décision dont l’effet n’est pas de suspendre un droit, mais de suspendre la disparition de celuici. - Un danger se manifeste pour les finances de l’employeur. Si celui-ci forme une demande de sursis à statuer sur le jugement du Tribunal administratif qui annule l’autorisation, la période d’indemnisation qu’il devra octroyer à son salarié, et qui habituellement court depuis le licenciement jusqu’à la réintégration, ou si elle n’est pas demandée, jusqu’à deux mois après le jugement du Tribunal administratif, va s’élargir jusqu’au prononcé de l’arrêt de la Cour administrative d’appel. Ce qui peut constituer un surcoût complémentaire de près de deux années. En tout état de cause, le sursis à statuer décidée par la Cour administrative d’appel sur une décision du Tribunal administratif annulant une autorisation de licenciement, impose au Juge judiciaire, même saisi en référé sur la notion du trouble manifestement illicite, de ne pas ordonner la réintégration du salarié, tant que la juridiction administrative du second degré n’ait pas pris son arrêt. C’est l’enseignement, implacable, de la Chambre sociale de la Cour d’appel de Lyon, dans son arrêt du 4 novembre 2008. Frédéric RENAUD SELARL RENAUD AVOCATS Avocat au Barreau de Lyon [email protected] - Le Tribunal administratif dit qu’il n’y a pas d’autorisation à licencier. PRINCIPAUX ATTENDUS Qu’en l’état de la procédure administrative, le refus de l’OPAC du RHONE de réintégrer Monsieur GALLO ne constitue pas un trouble manifestement illicite » "Attendu que ce jugement (du Tribunal administratif) n’est pas définitif puisqu’il a fait l’objet d’un recours devant la Cour administrative d’appel, recours sur lequel il n’a pas été encore statué ; Cour d’appel de Lyon, 4 novembre 2008 Chambre Sociale OPAC DU RHONE / GALLO Attendu qu’il n’est pas exécutoire puique par décision en date du 18 septembre 2007, la Cour administrative d’appel a ordonné qu’il soit sursis à son exécution ; Grève Nullité du licenciement pour faute grave Cour d’appel de Lyon, 14 novembre 2008 EXPOSE DES FAITS Les salariés du casino de MB. présentaient à leur employeur, le 17 décembre 2007, des revendications portant sur la distribution des pourboires. L’absence de réponse amenait les organisations syndicales, CFDT et CGT, le 29 décembre 2007, à informer l’employeur de ce qu’elles appelaient à la grève, le même jour, après la fermeture des jeux jusqu’au 5 janvier 2008 inclus. Plusieurs salariés ont participé à cette grève ; cessation collective et concertée du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles. Trois d’entre eux étaient licenciés pour faute grave pour avoir participé à un mouvement illicite, faute de préavis déposé dans un délai de cinq jours conformément à l’article L. 2512-2 du code du travail. Le Conseil de prud’hommes de Montbrison était saisi en référé afin de constater la nullité du licenciement sur la base de l’article XVIII L. 2511-1 du code du travail et ordonner la réintégration. Un débat s’instaurait sur la nature de mission de service public de l’établissement de jeux en question, et donc de l’application de la réglementation particulière du droit de grève dans les services publics issue de l’article L. 2512-2 du code du travail puis, sur l’information préalable des salariés, par l’employeur, de déposer un préavis et des conséquences disciplinaires en cas de violation de cette obligation. Le 10 mars 2008, le Conseil des prud’hommes renvoyait la première question aux débats au fond mais prononçait la nullité du licenciement au visa de l’article L. 2511-1, ordonnant la réintégration du salarié, sous astreinte ; seule une faute lourde pouvant justifier un licenciement, qualification non visée dans la lettre de rupture. La Cour d’appel de Lyon par un arrêt du 14 novembre 2008 a confirmé l’ordonnance querellée. OBSERVATIONS L’intérêt de cet arrêt réside dans la position de la Cour qui considère que l’employeur qui se place sur le terrain du licenciement ne peut méconnaître les dispositions de l’article L. 2511-1 du code du travail. Seule une faute lourde peut donc être invoquée « peu important le point de savoir si la grève était ou non soumise à un préavis et dans l’affirmative, si Monsieur B. a participé à cette grève en connaissance de son illégalité ». Ainsi, la Cour de cassation a considéré le 11 janvier 2007, que la grève déclenchée moins de cinq jours francs avant la réception du préavis est illégale ; les salariés qui s’y associent même après ce délai, en dépit d’une notification de l’employeur attirant leur attention sur l’obligation de préavis, commettent une faute disciplinaire que l’employeur peut sanctionner (Soc., 11 janvier 2007, n°05-406663). Au regard de ces jurisprudences, le débat sur la nature de service public d’un établissement de jeu et l’information préalable des salariés par l’employeur sur l’obligation de préavis présentait un intérêt majeur sur la possible disqualification du mouvement collectif. Ces questions sont d’autant plus centrales qu’il est loin d’être établi qu’un établissement de jeu relève de l’intérêt général tenu à l’obligation de continuité des services publics ; enfermant par la même le droit de grève dans des conditions d’exercice spécifiques. Cette discussion a été écartée par les juges du fond. Le droit de grève est garanti par la Constitution et à ce titre est très protégé. La Cour fait prévaloir les dispositions générales de l’article L. 2511-1 du code du travail, qui s’appliquent à l’exercice du droit de grève quelle que soit l’activité exercée par l’entreprise. Cependant, cette protection ne s’applique qu’en cas d’exercice normal du droit de grève. La lettre de licenciement ne visait pas une faute lourde ; la rupture encourait, selon les juges lyonnais, nécessairement l’annulation. La disqualification d’un mouvement collectif en « mouvement illicite » est particulièrement grave de conséquences pour le salarié qui y participe. La Cour d’appel de Lyon se montre par la même protectrice du droit de grève, il n’est pas certain que la Cour de cassation saisie du pourvoi élude ces questions. La Cour de cassation juge que les dispositions du code du travail relatives à la grève ne lui sont pas applicables, l’employeur peut prendre toutes les sanctions disciplinaires à son encontre et sanctionner certains salariés plutôt que d’autres (Soc., 17 décembre 1996, n° 95-41858, Bull. Civ. V, n°445). Les mêmes règles s’appliquent à la grève dans les services publics laquelle fait l’objet de dispositions particulières justifiées par la nécessité d’assurer la continuité du service. Eladia DELGADO SELARL DELGADO & MEYER Avocat au Barreau de LYON [email protected] L’article L. 2512-2 du code du travail impose des conditions strictes relatives notamment au préavis qui doit être déposé cinq jours francs avant le déclenchement de la grève. PRINCIPAUX ATTENDUS « Le non respect du délai de préavis ne transforme pas la grève en mouvement illicite auquel ne s’applique pas l’article L. 2511-1 du code du travail et seule une faute lourde peut être invoquée à l’appui du licenciement d’un salarié gréviste. En l’espèce, dès lors qu’une telle faute n’a pas été reprochée à Frédéric B…, son licenciement est nul, peu important le point de savoir si la grève était ou non soumise à préavis et dans l’affirmative, si Frédéric B… a participé à cette grève en connaissance de son illégalité ». Cour d’appel de Lyon, 14 novembre 2008 SAS Casino De Montrond Les Bains C/ M. Bringer Contentieux Urssaf Formalisme des mises en demeure URSSAF Cour d’appel de Grenoble, 26 novembre 2008 EXPOSE DES FAITS OBSERVATIONS L’Urssaf, après que les musiciens de l’Association CHOEUR ET ORCHESTRE XIX ont été déclarés salariés à l’occasion d’une procédure antérieure, a réintégré les allocations forfaitaires de frais qu’ils percevaient à l’occasion de concerts et de répétitions. 1/ L’association a renoncé au moyen tiré de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000, selon lequel toute personne a le droit de connaître les nom, prénom et qualité de l’agent chargé d’instruire sa demande, ce moyen ayant été censuré par la Cour de cassation. A l’occasion de ce litige, la Cour de cassation a précisé les limites du formalisme des mises en demeure (1). Cependant, ce point mérite d’être commenté dans la mesure où il apporte une précision sur les limites du formalisme exigé pour les mises en demeure. XIX Depuis un arrêt du 19 mars 1992, la Cour de cassation exige que les mises en demeure délivrées par les Urssaf indiquent la nature, le montant des cotisations réclamées ainsi que la période à laquelle celles-ci se rapportent, à peine de nullité. La Cour de cassation a cependant infléchi sa position à dater d’un arrêt du 23 octobre 1997 (Cass. soc., 23 octobre 1997, n° 3785 – Urssaf de Lille c/ Sté T.F.M.) et rappelé que la nullité des mises en demeure ne pouvait être invoquée que pour des motifs sérieux et non pour des raisons tenant à un formalisme excessif. Il était permis de se demander si la mention des nom, prénom et qualité du signataire de la mise en demeure devait être exigée en application de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 qui dispose : initiée le 23 octobre 1997 et illustre l’avis rendu le 22 mars 2004. 2 / L’Urssaf avait procédé à la réintégration dans l’assiette des cotisations des allocations forfaitaires allouées aux musiciens au motif pris de la présomption de salariat, après que la qualité de salarié a été judiciairement reconnue à ces musiciens. - L’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale soumet à cotisations les sommes versées en contre-partie ou à l’occasion d’une prestation de travail ; les remboursements de frais, dès lors qu’ils sont justifiés, ne sont pas la contrepartie d’une prestation de travail. « …dans ses relations avec l’une des autorités administratives mentionnées à l’article 1er, toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l’adresse administrative de l’agent chargé d’instruire sa demande ou de traiter l’affaire qui la concerne , … L’arrêté du 26 mai 1975, appliqué à ce litige, puis l’arrêté du 20 décembre 2002 autorisent l’exonération de cotisations des allocations forfaitaires de remboursement de frais dès lors qu’elles sont « conformes à leur objet », c'est-à-dire qu’elles remboursent des frais réellement engagés et à hauteur des dépens engagés. On ne saurait s’écarter de ces principes au motif pris d’une qualité de salarié judiciairement reconnue. Toute décision prise par l’une des autorités administratives mentionnées à l’article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ». C’est précisément ce qu’avait retenu le Tribunal des affaires de sécurité sociale et ce qu’a confirmé la Cour d’appel de Grenoble, la reconnaissance judiciaire de salariat ne fait pas obstacle à l’exonération des frais. La Cour de cassation, saisie d’une demande d’avis sur les conséquences du défaut de la mention des nom, prénom et qualité du signataire, avait considéré que l’omission de ces mentions ne justifiait pas l’annulation des mises en demeure, aux motifs suivants : (Cass. soc., 22 mars 2004 – Avis) : - Il restait, ce principe rappelé, à établir ensuite que lesdites allocations forfaitaires étaient effectivement conformes à leur objet. - En raison de l’autonomie du droit de la sécurité sociale au regard de la jurisprudence du Conseil d’Etat, la jurisprudence administrative relative à l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 ne s’impose donc pas au juge judiciaire qui doit faire une application du droit commun de la procédure civile et apprécier les conséquences de l’omission des mentions requises par la loi du 12 avril 2000 au regard de ce droit commun. - La loi du 12 avril 2000 ne prévoit aucune sanction de ces omissions ; or l’article 114 du nouveau code de procédure civile ne permet au juge de prononcer une annulation que si elle est expressément prévue par un texte. - L’exigence de l’indication du représentant légal de la personne morale ne concerne que les actes d’huissiers (article 648 du nouveau code de procédure civile). - Les dispositions du code de la sécurité sociale n’exigent pas de mentionner la qualité du signataire de la mise en demeure, confirmant ainsi que cette identification ne revêt pas de caractère substantiel et est indifférente à la fonction de la mise en demeure. L’arrêt de la Cour de cassation sanctionnant la Cour d’appel de Lyon pour un formalisme excessif reprend la jurisprudence Cet arrêt est intéressant en ce qu’il montre le cheminement suivi par la Cour pour parvenir à la conviction de la conformité de ces allocations à leur objet. L’association CHOEUR & ORCHESTRE a dû procéder à des investigations approfondies pour présenter un chiffrage cohérent et raisonnable susceptible d’emporter la conviction de la Cour. Dès lors que des frais sont réellement engagés par les musiciens et sont raisonnablement évalués, l’allocation forfaitaire est conforme à son objet. Il est opportun de mettre en place un dispositif probatoire des allocations forfaitaires dès le contrôle entrepris par l’Urssaf dans la mesure où des explications pertinentes en la matière sont de nature à faire renoncer l’inspecteur du recouvrement au redressement envisagé et éviter un contentieux inutile. Enfin, le bon sens demeure la règle d’évaluation des allocations forfaitaires autres que les frais de repas et de déplacement soumis à des barèmes spéciaux, de sorte que cette évaluation ne doit en aucun cas laisser suspecter une volonté d’éluder les dispositions réglementaires. Alain RIBET Avocat Honoraire Lyon PRINCIPAUX ATTENDUS « Attendu que les sommes versées aux musiciens, nonobstant leur qualité de salarié », ne sont pas ipso facto des salaires au sens de l’article L.242-1 du Code de la sécurité sociale ». Cour d’appel de GRENOBLE, 26 novembre 2008 XX