La charge de l`Igas - Espace Social Européen

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La charge de l`Igas - Espace Social Européen
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Santé
N°1009 - Bimensuel du 29 juin au 12 juillet 2012
●
Prix 12 €
Les maisons
locales avec
Pierre de Haas
Reportage sur
la Fondation
de l’Avenir
Traitement du diabète
La charge de l’Igas
Prévoyance
e
8 AG de la Mgefi
avec Serge Brichet
Cocktail Santé
Sécu
FO et CFDT sur
le rapport Morel
Le climat dans les Caf
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1009-3apmrOK_Mise en page 1 27/06/12 12:55 Page3
édito
Pascal Beau , directeur d’Espace social européen
Sommaire
ESE n°1009 du 29 juin au 12 juillet 2012
...................................
Événement
4
La prise en charge du diabète :
diagnostic sévère de l’Igas.
...................................
En débat
ADD et GRH dans la Sécu.
7
Zoom - Ils ont dit - chiffres
8
...................................
...................................
Commentaires
10
« Une organisation qui tire la qualité
vers le haut » Entretien avec Pierre
de Haas.
...................................
Reportage
12
Fondation de l’Avenir : la mutualité
soutient la médecine de demain.
...................................
Europe
14
Aides aux aidants, les pratiques
en Europe.
Statut de la mutuelle européenne,
des précisions.
...................................
Prévoyance
15
« Pour la Mgefi, l’heure est aux choix
stratégiques » Entretien avec Serge
Brichet.
...................................
Dossier
16
Inégalités de santé, territoires,
état des lieux et voies de progrès.
...................................
Action sociale
18
Services à la personne : un bilan
de 2,6 milliards d’euros.
...................................
Famille
19
Les Caf plongent dans le régime
CDD et heures « sup ».
...................................
Libre propos
20
« Priorité aux soins dentaires ! »
Entretien avec Anne Marion.
...................................
À Lire
21
Agressivité, présomption et arrogance
de la médecine préventive.
...................................
Agenda & Livres
22
...................................
L
a hausse du Smic de 2 % au 1er juillet pourrait être la dernière du
genre. En clair, une gestion des symboles pour la gauche politique et
les organisations syndicales. On a beaucoup glosé sur ce dossier.
En exagérant comme d’habitude l’impact négatif sur les entreprises –
avec peut-être quelques exceptions tout de même – et l’économie, si l’on
se rapporte au taux de relèvement du salaire horaire. La hausse prévue
rapportera à peine 0,6 % de pouvoir d’achat. Ce qui démontre, au passage
qu’une hausse du Smic était nécessaire. Qui plus est, Michel Sapin a
précisé que ce gain serait un à valoir sur la revalorisation prévue en janvier
2013… Dur ! Quant au coût, c’est plutôt l’État le grand perdant. Il doit
s’appliquer à lui-même cette hausse pour quelque 900 000 agents publics
soit 600 Ms €, et aussi les 650 autres millions de coût des exonérations de
charges compensées à l’Acoss. Soit plus 1 Md € dans un contexte de fortes
tensions budgétaires. Au total, beaucoup d’agitation pour pas grand-chose.
Ce qui est finalement frustrant, car les vrais problèmes n’ont pas été posés.
Peut-être que la conférence sociale de juillet ouvrira sérieusement ce
chantier. Il serait temps !
Logiciel d’action
Par-delà les détails de la mesure, plusieurs questions se posent
objectivement : qui sont les smicards ? On en trouve de moins en moins
dans l’industrie et de plus en plus dans les services et à temps partiel.
Le nouveau « prolétariat » se trouve dans le commerce (35 % de l’emploi
hôtelier) et les services (santé et action sociale en tête). Avec des entreprises
dotées de faible valeur ajoutée donc très sensibles aux coûts de production.
Ces emplois se développeront de plus en plus. Raison de plus pour ouvrir
le chantier majeur du pouvoir d’achat, de l’évolution des rémunérations
et des déroulements de carrières. Une question aux multiples facettes,
économique, sociale, fiscale aussi.
Il faut changer de logiciel de pensée, de conception de cet enjeu.
L’accroissement des écarts de rémunération est inévitable. Raison de plus
pour repenser l’action publique (le système social) pour son apport aux
plus défavorisés. N’oublions pas qu’un tiers des Français perçoit moins
de 16 000 € par an de revenu…
La question du pouvoir d’achat mérite un travail global. Sur les
perspectives salariales, certes, mais aussi sur les prix de la consommation
courante – le fameux panier de la ménagère. C’est sur cela qu’il faut aussi
peser. Cela requiert une action en profondeur et pérenne, afin d’obtenir de
vrais résultats dans la durée. La gauche n’en a pas fini avec ce dossier.
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Événement
La prise en charge du diabète :
diagnostic
sévère de l’Igas
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L
................................................................................................................
Le rapport est tombé à la veille de la première semaine de dépistage du diabète, organisée par l’Association française des diabétiques (AFD). Et le coup est rude. L’Igas estime,
en effet, que la prise en charge du diabète en France n’est pas à la hauteur des enjeux.
Ses experts ont passé au crible le dispositif, de la prévention aux traitements, en passant
par le dépistage, et identifié des inadaptations à tous les niveaux. Tout le monde en
prend pour son grade. État des lieux et réactions.
’Igas a inscrit ce sujet à son programme de travail
en 2011. Tous les acteurs attendaient avec impatience le verdict. En effet, le diabète explose partout. Dans notre pays, avec plus de 2,9 millions de patients pris en charge à 100 % par la sécurité sociale, cette
maladie occupe la première place au hit parade des affections de longue durée. Plus de 9 fois sur 10, il s’agit
d’un diabète de type 2, avec une évolution liée à celle
de l’obésité. Sa prise en charge, reposant d’abord sur
des mesures hygiéno-diététiques, devrait être peu couteuse. Or, les dépenses d’assurance maladie s’envolent.
En 2007, elles ont représenté près de 13 Mds€ soit 9 %
des dépenses de soins. La facture augmente d’1 Md €
tous les ans. En raison de la croissance du nombre des
malades, de leur vieillissement et de l’amélioration de la
prise en charge. Mais pas seulement.
Une épidémie hors de contrôle
L’Igas constate en effet que, malgré plus de 10 ans de
mobilisation, les pouvoirs publics, les régimes d’assurance maladie et les associations ne sont pas parvenus à
freiner le développement du diabète. Ses experts ont
analysé les causes de cet échec. À un premier niveau, ils
estiment la prévention insuffisamment ciblée. L’Igas
préconise dorénavant d’« investir sur une prévention
‘spécifiée’qui devrait mobiliser les ressources sociales
au profit de la santé publique » Le jugement sur le dépistage n’est pas plus favorable. Il n’y a pas de « véritable cohérence d’ensemble » et le rapport insiste sur un
nécessaire « recentrage » des actions. Mais c’est sur le
système de soins de premier recours que l’Igas concentre surtout ses critiques. « Conçu pour répondre à des
pathologies aiguës, il peine à gérer de façon adaptée les
maladies au long cours, en dépit de stratégies standardisées de surveillance et de traitement, et d’un accroissement important des dépenses d’assurance maladie ».
Plutôt que d’être « proactif », coordonné, pluridisciplinaire le système est passif, prescriptif et cloisonné. Cette
inadaptation limite considérablement l’impact des progrès. Conséquence : l’objectif d’assurer une surveillance
conforme aux bonnes pratiques à 80 % des malades,
fixé par la loi de santé publique de 2004, n’est toujours
pas atteint. Par ailleurs, la fréquence et la gravité des
complications ne diminuent pas. Enfin, les hospitalisations demeurent le premier poste de dépenses.
La France « tâtonne »
L’Igas ne dénonce pas pour autant une inaction des
pouvoirs publics, mais plutôt l’hétérogénéité des initiatives. « En matière d’organisation des soins de premier
recours, la France comme tous les pays développés, tâtonne et expérimente pour trouver le bon modèle ».
Résultat, les programmes d’éducation thérapeutique
restent « temporaires et ponctuels », ceux d’accompagnement des patients, selon le rapport, n’auraient pas
encore fait leurs preuves (voir ci-après). L’Igas recommande par ailleurs, pour compléter la panoplie des
moyens disponibles, d’expérimenter en France une solution qui a montré son intérêt à l’étranger pour rompre
l’isolement social : les groupes de pairs. La coordination
entre les professionnels de santé reste aussi à un niveau
expérimental. Les experts soulignent également que les
réseaux de santé dédiés au diabète « se sont avérés avoir
une portée et une efficacité limitées ». Enfin, l’Igas lance
une charge contre les nouveaux antidiabétiques oraux,
dont la France est un des plus gros consommateurs en
Europe, alors qu’ils « posent des problèmes de qualité et
de sécurité qui nécessitent de la part des autorités sanitaires, une amélioration de leur surveillance après la
mise sur le marché ». Ce que les associations demandent depuis longtemps (voir ci-après). Au total, l’Igas
appelle à des « changements de paradigmes dans l’organisation des soins primaires ». « Plutôt que sur des programmes ou des plans spécifiques qui ont l’inconvénient d’être ponctuels et temporaires, conclut le
rapport, l’accent doit être mis maintenant sur l’organisation du système de soins de premier recours, dans la définition d’une stratégie de long terme pour une meilleure gestion du diabète, mais aussi de l’ensemble des
maladies chroniques ». Reste à concevoir cette stratégie
de long terme, et, donc, en d’autres termes, une politique de santé adaptée à la chronicité. Pour l’heure
l’Igas prévient que les solutions d’une plus grande maîtrise du développement du diabète ne sont pas données
« clé en main » et que cela prendra du temps.
Pierre Perrier
ESPACE SOCIAL EUROPÉEN - 1009 - DU 29 JUIN AU 12 JUILLET 2012- 5
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Événement
Associations : l’impression
d’avoir été entendues
Dans son évaluation de la prise en charge du diabète, l’Igas a mis les pieds dans le plat.
Gérard Raymond, le président de l’Association française des diabétiques (AFD), n’en n’est pas
mécontent.
I
l n’y a pas une proposition que
nous ne pourrions pas reprendre » souligne-t-il en précisant
que son association est disposée
à discuter dès maintenant de
leur mise en œuvre. Gérard Raymond estime que les constats de
l’Igas sont conformes à la réalité.
« Aller faire une glycémie à 65
millions de personnes, ce n’est ni
pertinent ni efficace, indique-t-il.
Par contre, avoir réellement la
volonté politique de s’adresser
aux familles à risque et aux populations défavorisées le serait ».
........
pagnement par les pairs conforte
la démarche de l’AFD qui mène
déjà ce type d’actions. « Nous
avons l’impression d’avoir été
entendus, souligne Gérard Raymond. C’est une reconnaissance
de l’expertise profane des associations. Maintenant, il faut nous
en donner les moyens ». Autre
point de satisfaction de l’AFD,
les réserves de l’Igas sur les antidiabétiques oraux de dernière
génération.
« Nous avons alerté les autorités sur la nécessité d’une surveillance accrue de ces nouvelles
Pour un véritable projet
molécules, sans résultat, rapPour Gérard Raymond, « s’il faut se
à long terme
pelle Gérard Raymond.
mettre autour d’une table avec les
autres acteurs pour mettre en œuvre ces
C’est précisément ce qui fait
Le rapport de l’Igas reprend
recommandations, l’AFD en sera »
défaut. Le président de l’AFD
pratiquement mot pour mot nos
estime toutefois que le rapport
préoccupations ». Plus globaleest « un peu sévère » avec le programme Sophia de la ment, il estime qu’il est temps aujourd’hui « d’engager
Cnam, tout en reconnaissant qu’« il faudra qu’il s’éva- des moyens humains et financiers sur un véritable
lue et qu’il évolue ». L’ouverture de l’Igas sur l’accom- projet à long terme ».
P. P.
............................................................................
Cnam : un « signal positif »
pourle programme Sophia
Pour l’Igas, le programme d’accompagnement Sophia (1) de l’Assurance maladie ne semble pas
avoir atteint sa cible : les patients les plus à risques. Elle identifie un biais de recrutement et
recommande d’engager une réflexion au sein du Hcaam pour une évolution du système avec
notamment un consentement présumé du patient. Des remarques « fondées » selon le
Dr Jean-Paul Prieur (2), mais « qui doivent être correctement interprétées ».
.............................
e Dr Prieur, tout en soulignant que peu d’actions
de ce type sont évaluées, rappelle que l’évaluation
Lmédico-économique
du programme Sophia a été pré-
coce. « Il était très important pour nous d’avoir rapidement un retour sur l’impact de ce programme innovant avant de décider de le généraliser et de l’étendre,
explique-t-il. Elle a permis de constater, d’ores et déjà,
des améliorations. Par ailleurs, la satisfaction des
médecins ainsi que des adhérents, que nous mesurons
également, a frisé l’excellence ». Le Dr Jean-Paul
Prieur reconnaît qu’il y a effectivement un biais de
sélection. « Il n’est pas propre au programme Sophia,
précise-t-il. Les premiers adhérents à ce type de
6 - ESPACE SOCIAL EUROPÉEN - 1009 - DU 29 JUIN AU 12 JUILLET 2012
service sont les plus motivés. Mais nos évaluations
montrent qu’ils sont tout juste un peu mieux suivis et
ont donc tout autant de risques de complications. Leur
intégration au programme est donc justifiée ». Enfin,
constate le Dr Prieur, « l’Igas recommande d’envisager une généralisation de Sophia sur un mode automatique, sous réserve que cela profite au plus grand
nombre ». Pour lui, « c’est un signal positif ».
P. P.
(1) Le programme Sophia compte 138 000 adhérents
dans 19 départements. La Cnam prépare actuellement sa
généralisation. Elle débutera en septembre et devrait être
achevée à la fin de l’année.
(2) Médecin-conseil régional et directeur du programme
Sophia.
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En débat
ADD et GRH dans la Sécu
Les propositions du rapport d’Annick Morel (Igas) sur la refonte de la GRH des agents de direction
(ADD) du régime général de sécurité sociale suscitent des réactions. Marie-Thérèse Cabot,
secrétaire générale adjointe du SNPDOS-CFDT, et Pascal Servent, secrétaire national en charge
des ADD au SNFOCOS (cadres et ADD de FO) donnent le point de vue de leurs organisations.
1
◗
Que pensez-vous des aspects du rapport Morel
récemment mis en chantier ?
Marie-Thérèse Cabot : Le SNPDOS CFDT était favorable
à la mission confiée à Madame Morel, mais nous avons
désormais l’impression que cette réforme vise à donner un
pouvoir exorbitant aux directeurs des caisses nationales,
sans apporter de garanties
appropriées aux ADD.
Le regard croisé prévu avec l’État
subsiste, mais on constate plutôt
un accroissement du rôle du
comité des carrières et des DRH
des caisses nationales, au motif
d’une homogénéisation de
l’évaluation des AD pour la liste
d’aptitude. On assiste à la
création d’une liste d’aptitude
« fourre-tout » où il n’y a aucune
adéquation entre la situation
Marie-Thérèse Cabot
réelle des ADD et l’inscription
dans une classe, avec un avantage certain donné aux chefs
de projet nationaux. Nous souhaiterions un système
transparent basé sur la compétence évaluée des individus.
Pascal Servent : Nous sommes d’accord sur la
professionnalisation de l’évaluation des AD, ou la création
de la fonction « chef de projet » qui compense la
diminution du nombre de postes de directeur.
Nous approuvons également l’obligation de mobilité pour
obtenir une inscription en D1. Par contre, nous avons des
divergences fortes sur la liste d’aptitude, notamment la
classe 3. C’est une classe « fourre-tout » qui laisse aux seuls
directeurs de caisses locales la possibilité de nommer qui
ils veulent. Or, il faut tenir compte des cursus, procéder à
des évaluations régulières, et la liste d’aptitude sert à ça.
Nous sommes d’accord avec la simplification, mais pas
pour la dérégulation. On veut donner aux caisses
nationales le soin de piloter la carrière de l’ensemble des
ADD, alors qu’elles ne sont pas aujourd’hui en situation de
le faire. Nous proposons qu’il y ait non pas trois mais
quatre classes, dont une (correspondant à l’actuelle AD3)
pour les cadres qui ne sont pas ADD et demandent leur
inscription sur la liste d’aptitude. Par ailleurs, que le reste
des ADD, hors ADD de haut niveau, c’est-à-dire les
actuels AD2, se retrouvent dans cette classe 3.
On passerait de 6 à 4 classes. La professionnalisation de
l’évaluation est prioritaire et la liste d’aptitude doit y
contribuer.
2
Droits réservés
◗
Et la création d’un observatoire
des ressources dirigeantes ?
M-T.C. : Nous ne sommes pas
contre a priori, mais un peu
réservés quant à son efficacité. On
constate actuellement que certains
ADD sont pressentis pour occuper
des postes dont le titulaire est
toujours en activité, sans se
préoccuper de la parution d’une
vacance du poste, et du passage
Pascal Servant
devant le comité des carrières.
À quoi servent ces structures si elles sont systématiquement
ignorées, sinon à devenir de véritables chambres
d’enregistrement de décisions prises ailleurs ? Il y a un fossé
entre ce qui est affiché et ce qui est fait réellement, ainsi un
observatoire ne garantit absolument rien.
P. S. : C’est très bien si cela sert vraiment à ce que les ADD
puissent changer de fonction s’ils le souhaitent et prendre la
fonction qui correspond le mieux à leur profil et à leur
souhait. Il permettra d’objectiver un certain nombre de
choses : quels sont les profils, et quels sont les manques qu’il
faudra combler par des procédures. Il pourrait par exemple
aider à comprendre pourquoi il y a aujourd’hui peu de
candidats sur les postes de directeur.
◗
3
Que pensez-vous de la remise à plat de l’EN3S ?
M-T.C. : Nous avons toujours pensé qu’il fallait une formation
spécifique à la sécurité sociale, mais il est gênant que cette
école nationale, de plus en plus sélective, soit la seule à
former. Le rapport Morel préconise aussi que des salariés
« super-diplômés » puissent devenir agents de direction au
bout de quatre ans, mais que veut dire « super-diplômé ».
La voie de la grande école est trop favorisée. Pourquoi les
personnes sorties de l’EN3S seraient-elles systématiquement
inscrites sur la liste d’aptitude ? Que connaît-on de leurs
capacités managériales ? Désormais, la promotion interne
des cadres qui n’auront pas passé l’EN3S devient très difficile.
Cela risque d’être préjudiciable à la motivation et à
l’engagement des cadres supérieurs de l’institution qui seront
privés d’avenir.
P. S. : Les ressources de l’EN3S pourraient tout à fait être
mobilisées pour participer à l’évaluation des ADD, à partir
du moment où cette évaluation serait couplée à de la
formation. L’école peut apporter un regard objectif, neutre,
d’expertise en matière de formation et d’évaluation avec une
garantie de professionnalisme. Ce qui assoirait sa position.
Elle a un bel avenir pour peu que l’on sache l’utiliser et
la développer.
Propos recueillis par Anne Parian
ESPACE SOCIAL EUROPÉEN - 1009- DU 29 JUIN AU 12 JUILLET 2012 - 7
1009-8-9apmrBATOK_Mise en page 1 27/06/12 12:18 Page8
ZOOM
“Dette odieuse”
Mouvements
Parlement
Denis Morin,
conseiller
maître à la
Cour des
comptes est
chargé de
l’audit des Finances publiques
et sociales dont le rapport est
attendu le 3 juillet… François
Fondard a été réélu président
de l’Unaf… Yann-Gaël
Amghar (Igas) est conseiller
technique aux comptes
sociaux au cabinet de Jérôme
Cahuzac, ministre du
Budget… Franck Duclos
est devenu directeur délégué
aux politiques sociales de
la CCMSA… Pierre Bilger
est conseiller technique
(action sanitaire) chez Benoît
Hamon… Christelle Ratignier
rejoint la Cnamts comme
responsable des produits
de santé.
Retraites solidaires !
Selon l’Insee, le système
de retraite serait redistributif
en compensant les périodes
de chômage et en octroyant
des avantages aux mères de
famille. Le rapport entre les
actifs et les retraités (10 %
les mieux et les moins payés)
passeraient de 5,9 à 4,1.
Pour les femmes, le ratio
passerait de 6,7 à 4,3. Pour
les hommes de 3,4 à 3. Tout
cela est évident, mais ne vise
pas les inégalités dues aux
différences d’espérance
de vie…
O,3%
Catherine
Lemorton,
À l’heure où les experts estiment que la
Grèce, contrairement à ses engagements,
aurait recruté 82 000 fonctionnaires
centraux et locaux en 2010 et 2011
(l’équivalent de 350 000 postes en France !),
la lecture de l’ouvrage de Jason
Manolopoulos, fondateur de Dromeus
Capital, fait froid dans le dos…
L’économiste grec qui vit entre Londres et New York
détaille dans un livre les tenants et aboutissants de la
crise, avec sa dimension historique, financière et
sociologique. Un texte ahurissant ! Où l’on apprend
que depuis 10 à 15 ans, tous les stigmates de la crise
étaient connus. Plus encore, on savait l’indolence
des autorités européennes, de nombreux banquiers
allemands exposés aux affres de la financiarisation
ont aidé leurs homologues grecs à masquer les vrais
chiffres. Et sans compter la corruption généralisée
des élites, des classes moyennes aussi. Voir l’exemple
des médecins grecs déposant 40 Ms € en liquide à leur
banque sans que cette dernière ne s’interroge sur une
telle pratique, ou encore l’histoire des 324 piscines
officiellement déclarées à l’administration fiscale
d’Athènes alors qu’un survol en hélicoptère de la
capitale étalé sur 3 mois a permis
d’identifier plus de 16 500 piscines.
À lire absolument pour comprendre.
députée PS de
Toulouse, a été
élue présidente
de la
commission des Affaires
sociales de l’Assemblée
nationale… Le poste de
rapporteur général du PLFSS
devrait revenir à Christian
Paul, élu de la Nièvre…
À noter que Jean-Marie
Le Guen, figure PS sur la
santé, a rejoint la commission
des Affaires étrangères…
Christian Eckert a été désigné
rapporteur général du Budget
à l’Assemblée… Côté Sénat,
François Marc a succédé au
même poste à Nicole Bricq.
Mutualité
Unanimité
des délégués
de la Mocen,
lors de leur
assemblée
générale,
présidée par Maguy Beau,
pour adopter le protocole
de fusion avec MGEN Filia
au 1er janvier 2013.
● ComparEthic (site économie
sociale de comparateur
de mutuelles) accueille
l’Ocirp et Auxia.
● La Fnim va ouvrir des
discussions avec l’ADPM
pour créer « une sphère des
mutuelles à taille humaine »
(source : Fil social).
de déficit des hôpitaux au titre de leur
activité courante financée par la T2A…
8 - ESPACE SOCIAL EUROPÉEN - 1009 - DU 29 JUIN AU 12 JUILLET 2012
Mutualité bis
La CCMO proposera à ses
adhérents une carte de tierspayant à puce électronique
pour simplifier la gestion
des droits.
● La récente assemblée de
la FNMI a confirmé la
légitimité de la fédération
professionnelle pour
poursuivre son action
politique, mais a décidé de
réduire d’un tiers le coût
de la cotisation fédérale.
● Création d’une Union
mutualiste de groupe (UMG)
par 6 mutuelles de la FMF.
●
Médicament
49,5 Mds € en 2011 (- 3,9 %
sur un an) de CA total de
l’industrie pharmaceutique
en France, dont 22 pour les
exportations (- 8,7 %) et 1 000
emplois perdus. Le bilan du
Leem est pessimiste étant
entendu que l’État et
l’assurance maladie veulent
accroître leur pression pour
relancer la dynamique des
génériques, compte tenu de
l’érosion relative du marché
ces derniers mois.
1009-8-9apmrBATOK_Mise en page 1 27/06/12 12:18 Page9
Stagnation
O,14 %
Les dernières prévisions de la Commission financière de
l’Acoss vont jusqu’à fin septembre prochain. La courbe des
recettes du régime général demeure étale (voir graphique).
Signe que l’économie française stagne. N’était-ce la relative
bonne tenue des salaires qui soutiennent la consommation,
la situation serait particulièrement délicate à gérer.
Avec un taux moyen de 2,4% en rythme annuel, a contrario
d’une chute de l’emploi salarié de l’ordre de 0,2 %, le
nouveau gouvernement pourrait devoir pâtir pendant 12 à
18 mois encore de la langueur de croissance, compte tenu
des réformes fiscales et d’une rigueur budgétaire reconnue.
Pas d’éclaircie avant la mi-2013 ?
500 Ms € de coût pour
l’Arrco, en 2013, de la
réforme Touraine des
retraites (le déficit passera
à 3,6 Mds €)…
■
Gel 20132015
Comme on
pouvait le
penser,
Jean-Marc Ayrault a
annoncé aux membres du
Gouvernement un double gel
pour la période 2012-2015 :
celui des effectifs de la
fonction publique et celui
des crédits budgétaires (hors
dette et pensions). S’y
ajoutera une hausse d’impôts
dès l’automne 2012 de
7 Mds € et un gel d’1 Md€
de crédit. La suite ? La loi
de finance rectificative pour
2012 précisera le projet fiscal
du chef de l’État.
Contribution de l’emploi
Prévision au-delà
du pointillé
Source : Acoss - Séquoia
du Pib, montant des dons des
particuliers aux associations
caritatives en France (0,73 %
en Grande-Bretagne et 1,67 %
aux USA)…
Contribution du salaire moyen par tête
Masse salariale Acoss (champs du régime général )
Santé/assurance
maladie
Lancement par Le Nouvel
Observateur d’un nouveau
site Internet e-santé doté
d’une équipe de médecins et
de paramédicaux – rappel :
le site actuel du Nouvel
Observateur est un des plus
fréquentés en France.
● Dépôt d’une proposition
de loi par la sénatrice PCF,
Laurence Cohen, pour mettre
fin à la convergence tarifaire
dans le sanitaire et le médicosocial.
●
● Le rapport Charges et
Produits de la Cnamts de
juillet prochain, en vue du
PLFSS 2013, traitera
longuement du parcours
de soins et des choix médicoéconomiques stratégiques à
faire sur plusieurs pathologies
chroniques. ■
5OO OOO
salariés inscrits dans des
fonds d’épargne solidaires.
4% de hausse des dépenses
d’action sociale des
départements (31,4 Mds €)
en 2011…
■
■
15
fois plus de décès
pour la grippe H1N1
qu’annoncé officiellement –
entre 170 000 et 500 000,
contre 18 500.
5e rang mondial pour
le nombre de publications
scientifiques françaises en
santé (7 millions entre 2001
et 2011…).
Ils ont dit
a réinsertion est un investissement,
«L’idéeLforce
pas l’assistance à fonds perdus.
de la Fnars [il succède à Nicole
industries de santé (CSIS) ne seraient pas
remis en cause », Christian Lajoux, président
du Leem dans Les Échos.
Maestracci, N.D.L.R.] est de faire en sorte
que les plus démunis puissent, autant que
possible, être pris en charge par des dispositifs
de droit commun. Il s’agit par exemple de
privilégier le logement des plus défavorisés
plutôt que l’hébergement d’urgence. Quand
bien même nous demandons le maintien de
l’accueil prévu en temps normal pour l’hiver.
Mon rôle sera aussi de faire accepter aux
entreprises l’accompagnement vers l’emploi
direct des publics démunis », Louis Gallois,
président de la Fnars dans La Croix.
ous n’accorderons pas d’état de
«gouvernementale.
à la nouvelle équipe
Ngrâce
Ça peut-être moins pire.
Louis
Gallois
e secteur du médicament ne devrait guère
«En L
enregistrer de progression de croissance en 2012.
particulier en raison de l’impact des baisses de prix
décidées en 2011. Nous avons eu l’assurance du nouveau
gouvernement que les éléments structurants de la politique
du médicament et des industries de santé, notamment la
politique conventionnelle et le Conseil stratégique des
Mais le changement de majorité ne va pas
fondamentalement modifier le contexte
singulier dans lequel nous évoluons. À savoir :
toujours plus de personnes âgées dépendantes
et des financements pas à la hauteur.
La Fnadepa veut s’engager dans la recherche
de nouvelles solutions, plus efficientes, moins
coûteuses », Claude Jarry, président de la Fnadepa dans
La Lettre des Managers de l’action sociale.
pensez que l’assurance maladie n’a aucune
«(le paiement
légitimité à vous fixer des objectifs de performance
Vous
dit P4P) et vous avez raison. Sauf que ce n’est
pas elle qui fixe ces objectifs, mais la Haute Autorité de
santé et la loi de santé publique », Dominique Polton,
directrice déléguée de la Cnamts dans Le Quotidien du
médecin.
ESPACE SOCIAL EUROPÉEN - 1009 - DU 29 JUIN AU 12 JUILLET 2012 - 9
1009-10-11apmrBATOK_Mise en page 1 27/06/12 11:13 Page1012
Commentaires
Entretien avec Pierre de Haas, président de la Fédération française des maisons et pôles
de santé; dans 20 ans, il n’y aura plus de professionnel de santé isolé. L’évolution des métiers
et les exigences de qualité pousseront au regroupement.
« Une organisation qui tire
la qualité vers le haut»
Combien y a-t-il à l’heure actuelle de maisons
et de pôles de santé ?
I
l doit y avoir entre 400 et 450 maisons ou pôles
de santé en soins de premier recours. Une
centaine ont été répertoriés, car ils ont répondu
aux appels d’expérimentation de nouveaux
modes de rémunération. Plus de 300 ont bénéficié d’un
financement du Fonds d’intervention pour la qualité et
la coordination des soins. Près d’un millier sont en
projet. Si bien qu’on peut penser que, dans dix ans,
10 % des professionnels de premier recours
travailleront dans une maison ou un pôle de santé.
soit elle a bénéficié d’une subvention publique, par
exemple dans le cadre du plan gouvernemental qui
prévoyait la création de 250 maisons de santé
pluriprofessionnelles via le fonds national
d’aménagement du territoire, des dotations rurales
exceptionnelles, le plan banlieues, voire des fonds de
Bruxelles. Dans la première solution, les professionnels
sont propriétaires ou touchent un loyer. Dans le
second, les communes restent propriétaires du
bâtiment, mais cela ne coûte rien aux administrés
puisque les loyers perçus remboursent les emprunts.
Qui les a créés ? Qui les finance ?
Il s’agit de maisons pluridisciplinaires ou
pluriprofessionnelles ?
Les premières opérations de regroupement l’ont été
par les professionnels de santé eux-mêmes. Ils ont été
en quelque sorte les pionniers. Quelques structures ont
été lancées par des élus territoriaux. En ce qui
concerne le financement, il y a deux cas de figure : soit
la structure a été financée par l’équipe comme un
cabinet libéral dans le cadre d’une société civile
immobilière et les loyers remboursent les emprunts,
Il s’agit de maisons pluriprofessionnelles : ce sont des
maisons où se retrouvent les professionnels du premier
recours, ce qui n’empêche pas qu’il puisse y avoir un
cabinet de cardiologie ou de gastro-entérologie, par
exemple. Mais les trois acteurs du premier recours sont
principalement le pharmacien qui voit le plus de
personnes, le médecin qui diagnostique et ordonne le
traitement et l’infirmière qui porte les patients les plus
10 - ESPACE SOCIAL EUROPÉEN - 1009 - DU 29 JUIN AU 12 JUILLET 2012
1009-10-11apmrBATOK_Mise en page 1 27/06/12 11:13 Page1013
lourds. Le regroupement a du sens pour le médecin
et l’infirmier, pour des questions d’accessibilité aux
soins et, surtout, de continuité des soins. Un
médecin isolé ne trouve pas facilement de
remplaçant, tandis que dans une maison de santé,
les patients peuvent voir un autre médecin qui sera
au courant de leur situation.
Dans 20 ans, on ne trouvera plus de professionnel
de santé isolé, les métiers sont trop complexes, les
charges administratives trop lourdes et l’exigence de
produire des données concernant une population
très élevée.
Qu’est-ce que la maison de santé change
dans la pratique d’un professionnel ?
Quels sont les statuts d’une maison de santé ?
La loi HPST a-t-elle permis leur développement ?
Elle a surtout fait comprendre aux professionnels
que s’ils ne s’organisaient pas entre eux pour assurer
les soins de premier recours sur un territoire,
l’agence régionale de santé s’en chargerait.
L’organisation des soins primaires en France a
30 ans de retard sur l’ensemble de la société. Un
vétérinaire est capable de sortir la liste des chats à
vacciner, alors que le médecin n’a pas de système
d’information qui lui permette de sortir la liste de sa
cinquantaine de patients diabétiques.
Il y a un autre élément organisationnel majeur : le
patient, à l’heure actuelle, va de professionnel en
professionnel sans qu’ils se soient coordonnés, sans
protocolisation des soins claire. Or, on sait que
lorsque des professionnels travaillent ensemble, les
résultats des soins sont meilleurs.
Quelle est l’implication des collectivités locales ?
Elle est variable. En réalité, le regroupement de
professionnels nécessite un échange entre eux et les
élus territoriaux. Certains professionnels se sont
regroupés sans en parler aux élus locaux, qui se sont
retrouvés sans médecin dans leur commune et ont
fait venir un médecin étranger, auquel la population
préfère finalement les praticiens de la maison de
santé. À l’inverse, on a vu des élus qui se sont
lancés sans l’accord des professionnels et ont
construit des maisons magnifiques sans médecin car
le travail de sensibilisation auprès des professionnels
de santé n’avait pas été fait. Il faut donc une
approche territoriale conjointe entre professionnels
et élus.
Pierre de Haas
Droit s r és er vés
La maison de santé est, par définition législative,
un regroupement d’au moins deux médecins et d’un
auxiliaire médical, formalisé autour d’un projet
médical. La maison de santé moyenne regroupe 4
ou 5 médecins, autant d’infirmiers, 1 ou 2 kinés,
éventuellement une ou deux orthophonistes ou une
diététicienne, voire une pharmacie. Mais ils peuvent
exercer sous leur statut antérieur. Il n’y a pas besoin
d’une société spécifique pour se coordonner. Mais
ils peuvent également choisir de créer une société
civile de moyens, ou les autres sociétés habituelles
comme SCP, SEL, mais en monocatégoriel. Dans le
cas d’expérimentation de nouveaux modes de
rémunération, l’assurance maladie verse le
financement à une société interprofessionnelle de
soins ambulatoires.
L’organisation
des soins
primaires
en France
a 30 ans de
retard sur
l’ensemble
de la
société.
Exercer seul ou avec des collègues et d’autres
professionnels change tout. D’abord, la pratique.
Beaucoup de professionnels n’habitent pas sur
place. Ils déjeunent ensemble et c’est souvent
l’occasion de partager des informations. Cela
permet de dédramatiser certaines situations. Un
médecin ou un infirmier sont confrontés deux ou
trois fois par an à l’accompagnement d’une fin de
vie, plus facile à porter si on l’aborde en équipe
que tout seul. Même chose face à une éventuelle
erreur médicale. Échange, mais aussi
complémentarité : certains médecins sont un peu
plus spécialisés dans un domaine, l’un en
dermatologie, l’autre en gynécologie, le troisième
en psychologie. Nous avons des staffs entre
médecins tous les mardis, et un staff mensuel
avec les infirmiers. La maison de santé permet
une qualité de vie très appréciable et génère du
temps libre. Un médecin isolé culpabilise de
fermer son cabinet ; là, il sait qu’il pourra confier
ses patients à un collègue qui prendra le relais.
Enfin, la structure accueille en stage des externes
et des internes qui, un jour prendront la relève.
Autant les jeunes ne sont pas attirés par l’exercice
isolé, autant ils apprécient de pouvoir travailler
en groupe dans une structure où l’équipement
informatique est à niveau, où le travail est
organisé, protocolisé. Ils accepteront de s’y
installer dans quelques années.
Y a-t-il des échecs ?
Oui, comme dans toutes les équipes, il peut y
avoir mésentente. Mais les échecs peuvent
provenir d’un projet mal mené, sans s’être
préoccupé des motivations des professionnels,
sans nécessité sanitaire. Il peut y avoir des échecs
économiques si la structure, partant sur des bases
un peu idéalistes, s’engage dans des dépenses
exagérées, sans vision entrepreneuriale avec le
souci d’un équilibre économique à la clef.
Comment les patients perçoivent-ils la maison
de santé.
Ils bénéficient de la continuité des soins. Même
s’ils ont perdu le médecin du village, ils trouvent
une réponse pérenne à leur demande. Ils
bénéficient d’une meilleure qualité, qu’ils ne
perçoivent pas nécessairement. À dire vrai, la
priorité du patient, c’est de voir son médecin, son
infirmier quand il en a besoin. Les réactions
varient. En zone rurale, les patients sont assez
peu impliqués. Tandis que dans les zones
urbaines sensibles, la population a davantage
conscience d’une appartenance territoriale et se
sent concernée par le projet. Aussi, dès le projet,
faut-il impliquer toutes les associations locales
pour qu’elles soient parties prenantes.
Le secteur des soins de premier recours évolue.
On passe du seul soin à la personne à la prise en
compte de la santé d’une population sur
l’ensemble d’un territoire.
Propos recueillis par Pierre Yves Poindron
ESPACE SOCIAL EUROPÉEN - 1009 - DU 29 JUIN AU 12 JUILLET - 11
1009-12-13apmrBATOK_Mise en page 1 27/06/12 13:37 Page12
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Fondation de l’Avenir: la Mutualité
soutient la médecine de demain
Dédiée à la recherche médicale appliquée, l’organisme a épaulé plusieurs projets
à l’origine de découvertes majeures. Présentation.
F
inancement, prévention et accompagnement ne sont
pas les seules interventions de la Mutualité Française,
en matière de santé. À ces prérogatives « classiques »,
s’ajoute une quatrième casquette : la recherche médicale,
par l’intermédiaire de la Fondation de l’Avenir. En un quart
de siècle, l’organisme a appuyé quelque 768 programmes.
« Une mutuelle est à but non lucratif, il est important
qu’elle participe de l’intérêt général », souligne Dominique
Letourneau, président du directoire. La fondation est née
en 1987, après un rapprochement entre la Mutualité
Fonction Publique et des chirurgiens souhaitant
développer des techniques médicales novatrices.
Chirurgie « sans ouvrir » et médecine
de demain
En accord avec cette première vocation, les
travaux soutenus concernent souvent la chirurgie.
Certains projets ont permis des découvertes
conséquentes, comme la désintégration des
calculs rénaux par ultrasons (lithotripsie),
parmi les premiers travaux « sponsorisés ».
12 - ESPACE SOCIAL EUROPÉEN - 1009 - DU 29 JUIN AU 12 JUILLET 2012
Les recherches ont d’ailleurs suivi les évolutions de la
profession. « Nous sommes la fondation de référence pour
le progrès chirurgical en France », insiste Dominique
Letourneau. En 25 ans, les pratiques ont considérablement
évolué notamment avec l’émergence de la chirurgie mini
invasive – sans pratiquer de grandes ouvertures – ou de la
robotique médicale.
Plus largement, les travaux soutenus concernent tous les
domaines d’application de la recherche médicale. « Notre
deuxième grande avancée est la stimulation cérébrale
profonde pour la maladie de Parkinson [consistant à
mettre des électrodes pour simuler des zones très
précises à l’intérieur du cerveau N.D.L.R.]. Cette
technique ne permet pas de guérir mais de réduire
l’ensemble des troubles envahissants », poursuit le
président du directoire. Aujourd’hui, elle
s’impose comme traitement de référence.
Les recherches en cours touchent
des domaines variés. La plus
impressionnante est menée au
Dominique
Letourneau
CHU de Clermont-Ferrand
par l’équipe du professeur Lemaire, neurochirurgien.
Elle porte sur les troubles sévères de la conscience postcoma et les effets de la stimulation cérébrale. Son but est
de redonner des éléments de vie et d’interaction à des
personnes à l’état végétatif. « C’est un projet très ambitieux,
techniquement et éthiquement. Nous avons même créé un
comité partenarial dans lequel la mutualité Auvergne est le
chef de file, nous avons voulu rapprocher les soutiens au
plus près des équipes », s’enthousiasme le représentant de
la fondation.
Autre initiative, le professeur Pocard, à l’Hôpital
Lariboisière (Paris), cherche à mieux traiter les récidives
du cancer colorectal et mettre ainsi en place « une nouvelle
stratégie thérapeutique ».
Organisation, budget et mutualité
Un conseil scientifique sélectionne ces projets, concentrés
autour de quatre thématiques : chirurgie, thérapie cellulaire,
technologies en lien avec le handicap, biomatériaux.
Le processus comporte une singularité : la fondation ne
verse aucune subvention. Elle s’acquitte du paiement des
factures, après validation par le responsable du projet de
recherche. Ceci garantit un dialogue continu et une
validation permanente des travaux. L’organisme est financé,
directement ou indirectement, par l’économie sociale.
50 % du budget provient de dons d’adhérents mutualistes
(soit 2,2 Ms €), 35 % de subventions et mécénat, 7 % d’un
fonds d’investissement socialement responsable (FISR), et
8 % de produits financiers tirés des réserves.
.....................................................................................................................
1009-12-13apmrBATOK_Mise en page 1 27/06/12 13:37 Page13
En 2003, Étienne Caniard est devenu président de la
fondation. Il avance quatre objectifs, en vue d’un
repositionnement : remutualiser – en réponse à une perte
d’identité latente –, repenser les modes de soutien, créer
un lien étroit avec l’offre de soins mutualiste, et atteindre
l’équilibre budgétaire. Le nouveau projet de la fondation, en
2010, a confirmé ces orientations. Depuis décembre 2011,
elle est administrée par un directoire, contrôlé par un
conseil de surveillance (présidé par Étienne Caniard).
« S’occuper des malades d’aujourd’hui »
Sa deuxième grande mission concerne l’amélioration
des pratiques de soins. « Il faut aussi s’occuper des malades
d’aujourd’hui notamment avec les services de soins et
d’accompagnement (SSAM) de la Mutualité. Ils doivent être
privilégiés pour expérimenter de nouvelles pratiques, y
compris organisationnelles », observe Dominique
Letourneau.
Par exemple, elle a développé un programme d’éducation
thérapeutique pour la formation des escarres dans les soins
de suite – pratiqués dans les établissements de rééducation
du type de celui de Kerpape, centre de rééducation et de
réadaptation fonctionnelles. En matière d’organisation,
la fondation va plancher sur les modes de prise en charge
des maladies chroniques, en phase postopératoire. Cette
question comprend deux priorités : l’accompagnement et
la coopération professionnelle. Déjà amorcées en
cancérologie, ces thématiques seront élargies aux maladies
cardiovasculaires et à la dépendance.
ESPACE SOCIAL EUROPÉEN - 1009 - DU 29 JUIN AU 12 JUILLET 2012 - 13
1009-14apmrBATOK_Mise en page 1 27/06/12 12:19 Page14
Europe
Aides aux aidants,les pratiques
en Europe
L’Irdes* publie une étude comparée des politiques d’aide aux
aidants en faveur des personnes âgées en Europe. Avec, à la clé,
une question : comment pérenniser une ressource en voie de
raréfaction ?
U
n travail utile que celui de l’Irdes
sur les politiques comparées des
aides aux aidants. L’aide informelle est largement majoritaire partout.
De l’ordre de 85 % selon l’enquête Share.
Seuls les pays scandinaves ont davantage
formalisé l’aide professionnelle. Depuis
les années 1990, la place de l’aide informelle a été plus ou moins soutenue par
des dispositifs de prestations monétaires
et fiscaux.
Des conceptions différentes
Étant entendu que les États les plus
avancés en matière de protection sociale
ont fait beaucoup plus que d’autres, deux
voies d’action sont possibles : soit des dispositifs type APA, avec une dimension
globale, soit des aides aux professionnels
via une solvabilisation de leur intervention. Pour apprécier les différences de
situation, il existe un modèle dit «Interlinks », qui décrit le contenu et le mesurage des interventions des aidants. Ce modèle fait référence. Appliqué sur 6 pays
majeurs ; il permet d’identifier les différences et les résultats des pratiques.
Une étude éclairante, très utile pour
les professionnels et analystes.
En Suède, nation très avancée en ce domaine, la politique se caractérise par un recours à l’aide professionnelle dans le cadre
du marché d’économie sociale et des collectivités locales pour concilier aide et travail des aidants. D’où la promotion du
tiers partiel choisi et valorisé – formation,
droit au retour à plein-temps. Une forme
de décloisonnement qui suggère une
réelle flexibilité des parcours. Aux PaysBas, le système est proche du Suédois mais
Statut de la mutuelle
européenne, des précisions
S
uite à notre article d’Ese n°1008 sur les
obstacles à la création d’un statut de la
mutuelle européenne (SME), les experts
de la FNMF nous demandent d’apporter
quelques précisions qui nuancent positivement notre présentation du projet. Tous les
mouvements mutualistes de l’économie
sociale française « portent » ce dossier qui
a globalement reçu le soutien des instances
de l’économie sociale de l’UE.
Le rapport du Parlement européen de
juillet 2011, tout en soulignant la diversité
des situations, mentionnait l’utilité de
l’apport mutualiste et, par là même, d’un
statut européen. Celui-ci serait optionnel
– « le projet de SME n’oblige personne
mais donne une place à tous » selon
Pervenche Bérès, députée européenne.
Obstacles dans les pays de l’UE.
Le SME permettra de tenir compte de la
spécificité du mode mutualiste de gouvernance. Ce n’est pas le commissaire Michel
Barnier qui est en charge du projet mais
M. Tajani. La Commission prépare un
rapport pour novembre prochain sur la
réalité des pratiques – en complément du
rapport du Parlement – et surtout sur les
obstacles à l’action mutualiste en UE.
N.B. Ese, dans son article, peut-être trop
14 - ESPACE SOCIAL EUROPÉEN - 1009 - DU 29 JUIN AU 12 JUILLET 2012
avec un large recours au marché. Plutôt
deux réussites, mais dans des nations de
faible taille, très décentralisées et plutôt
consensuelles…
En Angleterre, le fait associatif domine le
« marché » des aidants, faute de services
professionnels en dehors d’un filet de sécurité pour les plus défavorisés.
Le Welfare State pêche en ce domaine !
En Italie, on trouve de tout. L’aide informelle des proches, l’aide professionnalisée peu répandue et liée à la capacité
contributive des personnes, et le travail
d’une main-d’œuvre bon marché, féminine et immigrée.
En Allemagne, les personnes dépendantes peuvent choisir entre l’aide en nature et l’aide monétaire. Sous-financée,
l’assurance dépendance a été réformée en
2008 pour davantage de moyens et une
responsabilité accrue des Länder.
Quelles leçons pour la France s’interrogent les experts de l’Irdes ? Notre pays a
besoin de clarifier ses choix, en s’inspirant
plutôt du modèle scandinave, plus complet, plus souple, moins onéreux – parce
qu’il fait moins appel aux structures
lourdes – que le nôtre. La conciliation
entre aide et travail demeure un levier
majeur pour l’avenir.
Paul Aube
(*) Etude n°176 de Michel Naiditch.
pessimiste, n’a pas cherché à nuire au projet de SME. Au contraire ! Les quelques
précisions apportées par la FNMF sont
donc utiles.
Toutefois, ce seront les États, et non les
acteurs sociaux, qui décideront au final. Ce
qui est source de difficultés et de délais sans
doute considérables, si on en juge par le
cas du statut associatif et de celui des fondations – toujours à paraître.
La question pour la Commission – après
un nouveau contact – sera de traiter
d’abord de l’empêchement à agir en raison
des différences juridiques pour les mutuelles en UE, et non pas de se substituer
aux États membres, au travers du SME,
pour définir une forme juridique d’intervention dans leur droit interne.
À suivre donc.
Pascal Beau
1009-15apmrBATOK_Mise en page 1 27/06/12 11:02 Page15
Laser
Prévoyance
« Pour la Mgefi, l’heure est aux
choix stratégiques »
La Mgefi tient son assemblée à Brive pour
décider d’importants changements dans la vie
du groupement mutualiste. Entretien avec
Serge Brichet , son président.
actifs/inactifs mutualisés se dégrader fortement. Nous recrutons encore, mais le vieillissement devient une réalité de plus
en plus prégnante.
D’autres mutations en vue ?
Une importante, en prévision pour la fin du 1er semestre
2013 dans l’environnement Mgefi, la fusion au niveau du livre 3, entre la MAI et la Mutuelle du Trésor soit 75 % des
effectifs de la Mgefi.
Vous tenez, ces jours-ci,votre assemblée générale statutaire
à Brive. Rappelez-nous les fondamentaux de la Mgefi ?
C
’est notre 8e assemblée générale. En prévision de la
procédure du référencement, d’un commun accord
avec l’État, nous y songions de nous-mêmes au demeurant, nous avons choisi selon une logique de rapprochement de
créer la Mgefi en 2007. Les 7 mutuelles historiques ont ainsi décidé de partager leurs forces, leurs savoir-faire et leurs moyens
dans le champ de la santé et de la prévoyance dans le cadre du
livre 2 du code de la Mutualité. Notre mutuelle couvre 400 000
bénéficiaires sachant que l’action sociale, les réalisations sanitaires et sociales demeurent dans le giron de chaque mutuelle.
Précisons que seules la MAI, la Mutuelle du Trésor, la Mutuelle
des Douanes et celle de l’Insee sont présentes dans ce champ.
La Mgefi a été pionnière dans une démarche de
responsabilisation de l’adhérent avec une offre diversifiée
entre Vita-Santé et Multi-santé. Les adhérents ont-ils
accepté cette innovation ?
Je vous renvoie pour le détail de nos offres aux informations
sur notre site Internet. Notre philosophie avec l’offre globale
Vita-Santé est de responsabiliser l’adhérent en ne couvrant pas
les actes et produits médicaux que nous jugeons inutiles et secondaires. À l’inverse, d’autres actes non couverts par l’assurance maladie bénéficient d’une prise en charge.
Au final, l’adhérent paie moins cher sa mutuelle et se voit incité à une démarche santé plus responsabilisée. 60 % des adhérents ont choisi cette formule. A contrario, Multi-Santé qui couvre un peu moins de 40 % des adhérents permet une
couverture classique. Reste aussi Premi-Santé qui est une offre
minimaliste. Il ne s’agit pas d’options ou de contrats modulaires comme on peut le voir ailleurs. Notre culture professionnelle et mutualiste ne nous y pousse pas.
Le référencement s’est-il bien passé ?
90 % des actifs du ministère sont adhérents de la Mgefi. Un
chiffre élevé qui démontre la relation de confiance entre les
fonctionnaires et leurs mutuelles. La Mgefi dispose d’une
convention de moyens solide et équilibrée avec l’État employeur. Notre mutuelle se porte globalement bien. Mais les
mutations sociodémographiques à venir nous incitent à aller
encore plus loin dans notre démarche de rapprochement des
forces. Ainsi, nombre de départements voient le ratio
Droits réservés
Le gros « morceau » si l’on peut dire de votre assemblée est
l’adhésion au groupe Istya, piloté par les trois grandes
mutuelles de fonctionnaires que sont la MNT, la MNH et
surtout la MGEN. Où en êtes-vous sur ce plan ?
L’adhésion, si notre assemblée le décide, se fera au 1er janvier
2013. Nous sommes en période de grands choix stratégiques.
Pourquoi Istya ? Plusieurs raisons à cela. Nous avons en commun des valeurs, des visions et devons désormais les mettre au
service de nos adhérents dans un souci de plus d’efficacité.
Nous avons en vue le référencement de 2016 dans la fonction
publique. Il pourrait mettre en difficulté le régime des fonctionnaires géré par des mutuelles éponymes.
Nous avons en commun beaucoup de choses sur le plan pratique et de la gestion, comme l’outil informatique qu’est Chorégie. Ce rapprochement dans une Union mutualiste de
groupe (UMG) permettra aussi de repenser nos offres et mettre
en commun nos synergies. Il y a aussi le devenir de la protection sociale des fonctionnaires qui requiert des adaptations de
fond. Istya est donc un projet politique d’ampleur. D’autres
mutuelles viennent comme la Mget, la Mutuelle des Affaires
étrangères, la MCDEF. Ce mouvement s’opère dans le respect
de la personnalité de chacun, une logique souveraineté-association. Cela convient à tous.
Propos recueillis par Pascal Beau
ESPACE SOCIAL EUROPÉEN - 1009 - DU 29 JUIN AU 12 JUILLET 2012 - 15
1009-16-17apmrBATOK_Mise en page 1 27/06/12 12:20 Page16
Dossier
Inégalités de santé,territoires,
état des lieux et voies
de progrès
Il faut changer la manière
d’analyser les facteurs
qui composent les
dépenses de santé…
Emmanuel Vigneron, professeur des universités, membre
du Haut Conseil de santé publique, est un spécialiste de la
géographie de santé. Son récent ouvrage, paru chez Elsevier
Masson (avec le soutien de Sanofi-Aventis), bouscule les idées
reçues sur l’état des lieux et les solutions en matière de lutte
contre les inégalités de santé territoriales.
P
eu à peu, des travaux
différents de ceux
qu’on a l’habitude de lire
sur l’état de santé de la population, nous livrent des
clés novatrices pour comprendre les réalités et les
solutions à apporter. Les
géographes de la santé,
comme Gérard Salem ou
Emmanuel Vigneron, par leurs
études « iconoclastes », bousculent
les préjugés. Les ARS (agences régio-
16 - ESPACE SOCIAL EUROPÉEN - 1009 - DU 29 JUIN AU 12 JUILLET 2012
nales de santé) amorcent la
prise en compte des territoires dans l’élaboration de
leurs choix stratégiques.
Un processus incontournable qui requiert du temps,
et surtout une nouvelle façon d’agir si l’on veut réellement réduire les inégalités de santé. Tant mieux !
L’ouvrage d’Emmanuel Vigneron,
paru fin 2011, dérange donc. Utilement. Plutôt que de se limiter à une
simple différenciation des catégories
sociales, des grandes logiques territoriales, il cisèle ces dernières en tenant
compte du caractère insidieux et silencieux des inégalités.
Au-delà de la crise
La crise pèse sur les situations mais
n’explique pas tout. Zones rurales reculées, marges des centres et banlieues déshéritées, géographie et économie, cumulent leurs inconvénients.
La complexité est partout.
La différenciation aussi. La ségrégation, le séparatisme social et sanitaire
sont en œuvre. Ces phénomènes
viennent de loin. 50 ans de politiques
sanitaires « corporatives » et égocentriques ont accumulé des désordres
fatals. Il faudra du temps pour reconstruire l’édifice. Les défis sont à la
1009-16-17apmrBATOK_Mise en page 1 27/06/12 12:20 Page17
Spécificités des analyses
L’ouvrage recèle de nombreuses
analyses spécifiques, comme l’effet
distance et la consommation de soins
hospitaliers avec le cas de la Bourgogne, la question très controversée
de la fermeture des petits services de
chirurgie qui appelle des exceptions
territoriales, le plan AVC et la répartition des unités neuro-vasculaires, la
nationalisation-territorialisation des
HAD, sans oublier la question de
l’implantation des IRM.
Difficile de résumer un
tel ouvrage sans rendre
compte du déroulé d’une
méthode d’analyse fondée à la
fois sur le respect des faits, la rigueur du raisonnement, l’empirisme
des situations qui contraint à nuancer
les choix. Pour mieux conforter la cohérence d’ensemble.
Sur le plan local, Emmanuel Vigneron avance 9 propositions, qui vont
des contrats locaux de santé à l’élargissement des partenaires au-delà du
monde professionnel traditionnel, en
passant par le partage des données,
l’évaluation systématique des actions.
Sur le plan régional, il fait 11 propositions, comme l’offre médico-chirurgicale de soins courants dans les villes
moyennes, la collégialité des réseaux
périnatalité, la garantie des transports
sanitaires, l’accueil des patients et
proches en hébergement temporaire
à proximité des centres de référence,
l’offre locale de santé, etc. Sur le plan
national, on retrouve des pistes
connues. Ainsi, 6 axes d’action sur les
centres de santé, la médecine d’intérêt collectif, une politique déconcentrée de santé publique, pour ne citer
que quelques exemples.
Avec un peu de recul, force est de
constater le bon sens du raisonne-
moyens (la fongibilité des enveloppes…), faute aussi d’une approche
moins tatillonne de leur mandat (voir
les rapports des missions Fellinger et
Fourcade sur les établissements de
santé), les agences piétinent quelque
peu sur la voie du progrès d’ensemble. À suivre donc.
ment et des propositions qui en découlent. Nombre d’entre elles sont
largement connues et remplissent
nos cartons d’idées depuis longtemps. Parfois, les ARS parviennent
à amorcer des démarches allant directement dans le bon sens. Mais,
faute d’un pilotage harmonisé entre
les trois secteurs sanitaires (ville et
hôpital) et médico-social, faute de
Philippe Dulaurier
La France des fragilités et des dynamismes
socio-économiques en 2009
Types de cantons
La France qui se débrouille... mal...
La France des “beaux quartiers”
La France douce des équilibres
La France des “cités”
La France moyenne
Sour c e des données : IN S EE, RP 2006-2009
fois nationaux, pour les grandes modalités d’accès aux soins que sont
l’économie et la prévention ; régionaux pour les équipements, l’offre de
soins avec les recompositions hospitalières, l’accès aux diagnostics et
l’innovation ; locaux enfin pour peser sur les déterminants de santé et
les inégalités. Bref, il faut penser global et agir local. L’exacte antithèse de
ce que la France fait depuis 1945…
Ajaccio
Bastia
Paris
Lyon
Marseille
ESPACE SOCIAL EUROPÉEN - 1009 - DU 29 JUIN AU 12 JUILLET 2012 - 17
1009-18-19apmrBATOK_Mise en page 1 27/06/12 10:57 Page18
Laser
Action sociale
Services à la personne : un bilan
de 2,6 milliards d’euros
La France reste « sous-développée »
en matière de services à la personne.
La fédération des entreprises de services à la personne dresse, dans
un rapport d’expert, un bilan économique exhaustif de son secteur
et esquisse ses enjeux de croissance.
vec un marché de 17,3 Mds€ et
A
une croissance moyenne de 6 %
par an, le secteur des services à la personne est un créneau porteur. Parmi ces
services, ceux qui s’adressent aux personnes dépendantes représentent 60 %
des heures rémunérées et occupent
605 000 salariés. Malgré ce dynamisme,
les emplois restent peu attirants, peu
qualifiés et le recrutement est souvent
difficile à mener. De plus, une partie des
structures fonctionnent sur des équilibres financiers instables et de nombreuses se trouvent même en grande
difficulté.
Pour essayer de comprendre les tenants
et aboutissants de cette activité très présente dans l’univers médicosocial, la fédération des entreprises de services à la
personne (FE S P) a commandé une
étude au cabinet d’experts Oliver Wyman. Au printemps, ce dernier lui a remis un bilan comptable exhaustif, assorti
d’une partie prospective. Intitulée Services à la personne : bilan économique et
enjeux de croissance, l’étude dresse le
portrait d’un secteur plutôt prospère
pour l’économie française. Malgré les
nombreuses aides et avantages fiscaux, il
permettrait de dégager un solde positif
de 2,6 Mds€ en faveur des comptes publics. Pour la FESP, les objectifs sont atteints : sortir d’une image sous perfusion
et montrer que l’activité crée des emplois
et génère des recettes fiscales.
Soutien étatique
Le secteur des services à la personne
est fortement soutenu par l’État. Entre
2003 et 2010, les allégements de cotisations sociales et patronales ont atteint
près de 6,3 Mds€. Mais selon le bilan
du cabinet Oliver Wyman, ce coût est
très largement compensé par les bénéfices générés. Son étude liste les gains
immédiats en cotisations sociales
(4,8Md€), en TVA et fiscalité directe
(70 M€) et en baisse des allocations
chômage ou du RSA (181 M€). Ils permettraient de couvrir les deux tiers des
financements. Le bilan chiffre aussi les
bénéfices indirects des activités de service. Selon le document, elles « permettent d’éviter une dépense publique de
l’ordre de 2,7 Mds€ pour le support
aux personnes dépendantes ou la garde
des enfants de moins de 3 ans. Ils permettent également de pallier le manque
de places d’accueil en établissement
médicalisé –au moins 40 000 places
18 - ESPACE SOCIAL EUROPÉEN - 1009 - DU 29 JUIN AU 12 JUILLET 2012
pour les personnes âgées. » De plus, il
évalue à 675 Ms€ les recettes fiscales
générées par l’activité des femmes dans
ces services (45 240 emplois en 2010) et
attribue 360 Ms€ à une baisse des redoublements grâce aux activités de soutien scolaires.
Selon le bilan Wyman, les services à la
personne disposent en outre d’un excellent potentiel de croissance : « Certaines
études estiment ainsi que le secteur
pourrait employer plus de 800 000 personnes en France à l’horizon 2015 ».
Mais il souligne aussi la faiblesse de l’activité, avec son côté atomisé qui se partage entre plus de 27 000 entreprises et
associations. Sans oublier une rentabilité trop souvent précaire. Dans ses projections, le rapport estime que l’avenir
du secteur dépend des évolutions réglementaires. Il explore un maintien et une
amélioration des financements d’État,
mais aussi un scénario réduisant les distorsions fiscales entre associations et entreprises. Un scénario qui permettrait
aux entreprises de représenter 40 % de
l’activité à l’horizon 2015, avec 764 M€
de recettes complémentaires.
Florence Pinaud
Les grands chiffres
du secteur
Le secteur des services à la personne
représente plus de vingt-et-un
métiers, dont les principaux sont la
garde d’enfant, le soutien scolaire,
l’entretien de la maison ou encore
l’assistance aux personnes âgées.
Auprès des familles et sur la garde
d'enfant et l'entretien, 75 % des
interventions se font dans le cadre
du travail non déclaré. 3,6 millions
de ménages français ont recours
chaque année aux services à la
personne. À noter : près de 30 %
des ménages utilisateurs perçoivent
moins de 1 500 € de revenus par
mois. Enfin, le secteur bénéficie d’un
salaire horaire supérieur de 36 %
au Smic (9,6 € net par heure
contre 7,2 €).
1009-18-19apmrBATOK_Mise en page 1 27/06/12 10:57 Page19
Laser
Famille
Les Caf plongent dans le régime
CDD et heures «sup»
blème du manque de personnel, estime
Alain Giacomel, administrateur CGT
de la Cnaf. Les arrêts maladie ont augmenté et la situation est très tendue dans
de nombreuses caisses. » De plus, le
mouvement de départementalisation de
certaines caisses dans ce contexte a également accru le malaise. « Chez nous, il
ne s’est pas fait sans dommages collatéraux, notamment au niveau du climat
social, souligne Lydie Librizzi, présidente de la Caf du Nord. Les conditions
de travail se sont dégradées et la direction a récemment imposé des heures
supplémentaires pour résorber les
stocks. Début juin, un préavis de grève
de l’ensemble des organisations syndicales a été déposé. »
Négociations
Dans le réseau de la branche famille, les agents déchantent et les
tensions perdurent. En surchauffe chronique, les Caf ont du mal à
faire face à plus de missions avec le même effectif.
epuis le 9 mai, la Caf de Marseille
D
est en grève. Après deux jours de
débrayage, les agents poursuivent le
dossiers et de visites à l’accueil. Et, face
à la perspective de nouvelles réductions, les équipes affirment que la logique de rentabilité commence à peser
sérieusement sur la qualité. Pour répondre à la surcharge de travail, les directions multiplient les fermetures d’accueil, les
CDD et les heures supplémentaires. Et devant
cette gestion de crise sans
vision à long terme, le
climat social se dégrade.
mouvement 55 mn chaque jour pour
obtenir des créations de poste. Comme
dans l’ensemble du réseau, ils évoquent
de plus en plus de sollicitations avec moins de
personnel et moins de
qualité de service. Et dans
plusieurs départements
comme la Seine et Marne,
l’Ain, la Corrèze ou le Lot
des motions sur la surInitiatives
charge de travail sont établies.
Pour tenter de résoudre
Pour le gouvernement
cette équation périlleuse
Ayrault, les effectifs de la
de plus de missions avec
branche famille devraient
moins d’effectif, la direcJean-Louis Deroussen
faire partie des grands sution de la Cnaf a pour« Le dossier des moyens
de la branche est
jets de discussions de la
tant
multiplié les initiaprioritaire. »
rentrée. Alors que la Cog
tives. Déjà, l’atelier de
actuelle se termine en décembre, la sui- régulation prend en charge une partie
vante se profilait jusqu’ici sous le signe des stocks des Caf les plus surchargées.
de la poursuite des réductions d’effectifs Sur Internet : le site caf.fr devrait bienavec le non-remplacement d’un départ tôt favoriser les télédéclarations et alléen retraite sur deux.
ger les accueils. Mais dans les régions, la
Pourtant, les bilans de l’actuelle Cog surchauffe ne ralentit pas. « Les simplifiparlent d’eux-mêmes, avec une forte cations de procédures et les nouvelles
augmentation du nombre d’appels, de technologies ne résoudront pas le pro-
Dans certaines caisses, les négociations ont commencé à faire bouger les
lignes. À Nancy, suite à des mouvements sociaux consécutifs au licenciement de trois agents en formation, des
groupes de travail ont été mis en place
pour revoir l’organisation des services.
Les stagiaires n’ont plus de « contraintes
de production » mais des « objectifs à
atteindre » et leur suivi a été amélioré.
Les gros services devraient aussi être réorganisés en petites unités pour permettre de favoriser le dialogue et la proximité. Dans chaque département, ce
climat social dégradé impose d’ouvrir le
dialogue et de trouver des marges
d’amélioration sans moyens financiers.
Mais pour le conseil d’administration de
la Cnaf, cette montée en charge à effectif réduit ne pourra pas supporter de
nouvelles réductions. « Nous ne
connaissons pas de situations aussi explosives qu’en 2009. Néanmoins, les demandes des allocataires sont toujours en
constante progression, explique JeanLouis Deroussen, président de la Cnaf.
Aujourd’hui, le non-remplacement d’un
départ en retraite sur deux se fait vraiment sentir. Notre ministre, Dominique
Bertinotti, en a bien conscience. Je l’ai
alertée sur le fait que le dossier des
moyens devait être prioritaire dans la
future Cog. »
F. P.
ESPACE SOCIAL EUROPÉEN - 1009 - DU 29 JUIN AU 12 JUILLET 2012 - 19
1009-20apmrBATOK_Mise en page 1 27/06/12 10:56 Page20
Libre propos
« Priorité aux soins
dentaires!»
Comment analysez-vous l’état du marché
de la complémentaire santé ?
I
l est en état permanent de tensions. Entre
les bénéficiaires et les opérateurs, entre les
opérateurs eux-mêmes pour cause de
concurrence aiguë, entre l’État et ceux-ci. Un
contrat collectif déséquilibré trouvera un repreneur qui tentera de le rééquilibrer. En individuel, des offres évoluent trop rapidement
pour un suivi technique efficient. La concurrence pousse souvent à promettre plus de
prestations pour un tarif si attractif… qu’il ne peut pas tenir
dans la durée.
Dans le cadre de solvabilité 2, comment équilibrer durablement les portefeuilles ? Comment constituer des bases
de données suffisantes faute de stabilité des pratiques et de
démultiplication des produits ?
L’innovation ne marche-t-elle pas ?
Elle est toujours périlleuse en assurance santé dès lors
qu’elle vise à satisfaire les clients – offres modulaires, options anti-sélectives, etc. – pour des tarifs parfois (trop)
faibles ; sans parler des frais de gestion liés à la complexification des offres. Il y a un paradoxe entre le service commercial qui pousse dans un sens et le gestionnaire de risque
qui tente d’équilibrer les coûts.
Quelle lisibilité a ce marché ?
Depuis 10 ans, on cumule les désengagements de l’assurance maladie, les taxes et contraintes en tous genres. C’est
un constat ! Et cela pèse environ 3 à 5 % par an. Il faut y ajouter l’impact du vieillissement qui induit des besoins accrus
de couverture santé complémentaire. L’assurance maladie
est confrontée aux mêmes problématiques que l’assurance
vieillesse, mais sur la base d’un risque exponentiellement
croissant : comment se feront les transferts vers les complémentaires dans les 10 ans qui viennent ?
Cette situation n’incite-t-elle pas à une forme
d’homogénéisation des pratiques des opérateurs ?
Je constate une faible innovation en santé. Tout le monde
fait la même chose ou presque. Un véritable contrat complémentaire santé créatif devrait délaisser en partie le remboursement des médicaments – ceux qui ne sont pas indispensables – avec une franchise et se concentrer sur le risque
grave et lourd. Nos contrats complémentaires actuels
sont-ils mus par une logique de santé publique ? Imposer,
légalement, une limite aux dépassements d’honoraires
reste théorique : rien n’interdira un contournement par le
biais de contrats surcomplémentaires portés par d’autres
opérateurs…
Vous n’êtes pas tendre avec les contrats
responsables, pourquoi ?
Sur le fond des situations, ils n’ont pas changé
grand-chose et, surtout, n’ont pas fait leur
preuve en termes de santé publique. L’idéal
serait d’organiser des régimes qui ne conduisent pas aux renoncements aux soins, sans induire de phénomène de surutilisation : une
double contrainte délicate à mettre en œuvre.
La théorie du risque voudrait que l’on propose
des régimes « haut de gamme » aux personnes à faibles revenus – pour éviter le renoncement aux soins lié aux restes
à charge – alors que l’on observe, dans la réalité, l’inverse.
Il a été montré que la santé est corrélée à l’état de santé
dentaire. Ainsi, un vrai contrat responsable devrait obligatoirement prendre en charge les soins dentaires. Par ailleurs, la gravité d’une hospitalisation est telle que la notion
de contrat responsable devrait prévoir une prise en charge
minimale de ce risque. Pour l’heure le contrat responsable,
au contraire, oblige à la prise en charge de la pharmacie
avec une question : pourra-t-on continuer à couvrir tous les
postes ?
D r oit s r és er vés
Entretien assez « décoiffant » avec Anne Marion ,
actuaire, associée au cabinet Actuarielles, spécialiste
de prévoyance et santé complémentaire.
Prévention, éducation à la santé, les Ocam sont-ils
suffisamment actifs ?
Contrairement aux assurances des biens, la prévention en
complémentaire santé ne conduit pas, à court terme, à une
baisse de la consommation : elle doit donc être considérée
comme un investissement plus que comme une économie.
D’où les questions : quel financement ? Quelles contraintes
imposer ? L’importance des soins dentaires apparaît une
priorité de santé publique. Pourquoi ne pas envisager des
« dentistes du travail » ?
Venons-en à l’optique. Pourquoi dites-vous que cela ne
sert plus à grand-chose de l’assurer ?
Les dépenses d’optique « assurées » coûtent plus cher que
les coûts d’optique payés directement aux opticiens. Un
calcul simple le montre : une couverture santé de qualité
coûte de 50 à 60 € par mois, dont 25% sont dédiés à l’optique. Ainsi, si nous renoncions à une couverture optique,
nous économiserions 12 à 15 € par mois, soit 450 à 550 €
sur trois ans… ce qui est supérieur à un remboursement.
Assurer l’optique ne favorise que ceux qui changent de lunettes tous les ans… et les opticiens.
Propos recueillis par Pascal Beau
20 - ESPACE SOCIAL EUROPÉEN - 1009 - DU 29 JUIN AU 12 JUILLET 2012
1009-21apmrBATOK_Mise en page 1 27/06/12 10:53 Page21
À lire
Agressivité, présomption et arrogance
de la médecine préventive
Le site Pharmacritique (1) publie La Médicalisation de la santé et du mal être, un long texte du professeur
Claude Béraud, ancien médecin conseil national de la Cnamts et conseiller du président de la FNMF, sur
les travers d’une prévention et d’une prise en charge surmédicalisées et sur-technologisées, quand il y
aurait à faire l’une et l’autre, plus modestement, avec les citoyens.
O
btenir des prescriptions médicales –
des médicaments, des prises de sang,
des examens radiologiques – dans le
but de rester en bonne santé est un moyen sûr
selon Claude Béraud, pour devenir malade. »
Bilans médicaux, entre autres ceux qui sont
inscrits dans la loi – 53 examens tout au long
de la vie – mais jamais évalués, vaccins,
dépistages, sont d’abord mis en cause.
L’auteur analyse ensuite les processus de
l’inévitable « médicalisation » des « malades
sans maladie ». Autant dire que le propos est
clairement « décapant », et que l’on pourrait,
déjà, à sa seule lecture, avoir amélioré sa santé
en envisageant pour soi-même peut-être plus
de clairvoyance.
La plupart des personnes en bonne santé
sont, nous dit le Pr Béraud dans sa première
partie, « prises » dans les feux d’une
prévention surmédicalisée, qui comporte des
risques et peut même « rendre » malade –
« La multiplication des bilans de santé, des
examens complémentaires accroît la
probabilité que soient recueillies des données
biologiques ou des images radiologiques
jugées anormales. » Elles y sont, nous y
sommes, culturellement « pris » en quelque
sorte. Il est notoire en effet qu’il faut surveiller
sa santé quand elle est bonne. Et, pour cela,
nous consultons régulièrement, sans
symptômes, un médecin ; pensons
« naturellement » que faire des bilans réguliers
est utile ; croyons que les vaccins sont
nécessaires – quand par exemple, celui de la
grippe « est pour les laboratoires, davantage
qu’un marché : « une bulle marketing » – et
que les dépistages nous épargnerons une
maladie grave. Mais, compte tenu de la faible
efficacité du dépistage du cancer du sein,
par exemple, « aucun effet sur la mortalité
globale n’a été prouvé ». Claude Béraud étaye
ses positions par un ensemble de notes et de
références très complet, à jour, et détaillé.
Quant à ces « malades sans maladie » qui
hantent les cabinets médicaux, ceux qui se
plaignent de troubles divers qu’on ne peut
identifier à ceux des maladies classiques et qui
sont, la plupart du temps, « en relation de
cause à effet avec les difficultés, les
contraintes, les stress de la vie quotidienne. »,
ils sont, selon Claude Béraud, tout à fait
ignorés durant la formation médicale. De ce
fait, les trois stratégies qu’il observe dans leur
prise en charge visent principalement à leur
trouver quand même une maladie : soit en la
recherchant avec suffisamment d’obstination
pour finir par en découvrir une – qui n’aura
pas forcément à voir avec les symptômes
décrits, mais en détournera momentanément
le patient – ; soit par l’invention d’une
nouvelle maladie – on se souvient de la
fameuse « appendicite chronique » dans les
années soixante(2) –; soit, enfin, en modifiant la
définition d’une maladie connue, notamment
en modifiant les « valeurs des chiffres qui
permettent de distinguer les sujets dits sains
de ceux qui sont considérés comme des
malades ». Évidemment, ces trois stratégies ne
vont pas sans la mise en œuvre de moyens
importants et coûteux qui ne participent pas
pour autant à une meilleure prise en charge
du patient.
Pour revenir à des pratiques à la fois plus
efficaces et plus mesurées, Claude Béraud,
rappelle que « la cohésion sociale est un
facteur déterminant dans la santé d’une
population », que les risques
comportementaux sont principalement
déterminés par « l’ignorance, la pauvreté, les
inégalités sociales », et que la prise en charge
des patients pâtit de l’absence de formation
des médecins aux sciences humaines, comme
de l’assujettissement au « bluff technologique »
des techniques diagnostiques et
thérapeutiques, qui ôte aux professionnels
de soins et aux citoyens la liberté de choisir…
Claude Béraud
Professeur honoraire de
pharmacologie à l’université
de Bordeaux, cardiologue
puis gastroentérologue,
Claude Béraud, a été
médecin conseil national,
membre du Conseil médical
et scientifique permanent
de la Mutualité Française et
vice-président de la
Commission de la
transparence. Il est l’auteur
du rapport “La Non qualité
médicale et économique du
système de soins”, (1992
dans le Concours médical),
ainsi que de : Le Foie des
Français (Stock 1983). Le
Médicament sans tabou.
Pièges, mensonges et vérités
(Mutualité EJL Librio 2007)
et de la Petite Encyclopédie
critique du médicament (Ed.
de l'Atelier 2002). On peut
également le lire sur son
blog.
Anne Parian
(1) http://pharmacritique.20minutes-blogs.fr/
archive/2012/05/18/la-medicalisation-de-la-sante-et-du-maletre-i-par-le-pr-cla.html
(2) 250 000 appendicectomies par an, quand la Grande Bretagne
en pratiquait 60 000 pour appendicite aigue.
ESPACE SOCIAL EUROPÉEN - 1009 - DU 29 JUIN AU 12 JUILLET 2012 - 21
1009-22apmrBATOK_Mise en page 1 27/06/12 12:20 Page22
Agenda & Livres
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4 juillet
Séminaire national sur le mélanome
organisé par l'INCa, l'Arc et la Ligue
nationale contre le cancer.
Boulogne-Billancourt. Rens. et inscription :
[email protected]
5 juillet
Congrès d'été organisé par la FHF IDF ;
Maison de l'Aveyron - Paris.
Rens. et inscription : [email protected]
ou 01 45 73 69 25.
5 juillet
Quels moyens et quelle coordination
pour développer l’e-santé ? Conférences
Les Echos. Salons de la Maison des Arts et
Métiers, Paris.
Rens. : www.lesechos-conferences.fr
6 - 7 septembre
Parcours de soins, parcours de santé.
2es États généraux de la santé en région,
organisés par Nile, en partenariat avec
la Gazette Santé Social.
Abbaye de Fontenay (21).
Rens. : 01 40 46 78 00 ou
www.etatsgenerauxsanteregions.fr
Inscriptions : 100 €/assos 2000 €/entreprises - gratuits étudiants.
11 - 15 septembre
Tuberculosis 2012 - conférence organisée
par l'Institut Pasteur sur les dernières
avancées et les perspectives de traitement.
Siège, à Paris.
Rens. : [email protected]
20 septembre
Nouveaux enjeux économiques et
sociaux des politiques de couverture
santé. Dans le cadre du 4e cycle de
formation de l'Institut des hautes Études en
cadrage global des enjeux et perspectives du
système de santé français, qui se déroule du
20/06 au 20/09, iheps - Paris.
Rens. : [email protected]
Rapport sectoriel – Édition 2012
La FHP publie
son 3e rapport
sectoriel des
cliniques et
hôpitaux privés,
en partenariat
avec le Groupe
Montaigne,
cabinet
indépendant
spécialisé en
santé,
intervenant
pour les secteurs privés et publics,
ainsi que celui du cabinet Mazars
pour la partie financière.
Avec un quart de l’offre, les cliniques
et hôpitaux privés assument un tiers
de l’activité hospitalière. Le secteur
connaît une baisse tendancielle de
rentabilité. Reposant sur les données
2010, issues de sources officielles
(PMSI, Drees, Insee,…), ce troisième
rapport sur l’hospitalisation privée
dresse avec rigueur, objectivité et
impartialité un panorama du secteur,
offrant tout à la fois des informations
d’ensemble et des éclairages
régionalisés.
C’est un secteur dynamique en termes
d’emplois de proximité non
délocalisables.
Publication de la FHP – contact :
[email protected] (rapport
consultable en ligne sur www.fhp.fr).
▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲
l’hôpital est-il une entreprise ?
Rencontres Dauphine Santé - séminaire
d'été. Paris Dauphine.
Rens. et inscription obligatoire :
[email protected]
Cliniques et hôpitaux
privés au cœur du
système de santé.
Santé et conditions
de vie des étudiants
Enquête nationale et synthèses
régionales.
26 - 27 septembre
es
3 Assises nationales de l'aide
à domicile, Paris.
Rens. : [email protected]
Cet ouvrage
présente les
résultats de la
troisième enquête
nationale sur la
situation sanitaire
et sociale des
étudiants, menée à
l’initiative de la
Mutuelle des étudiants (LMDE) et
conduite par l’observatoire Expertise
et Prévention pour la santé des
étudiants (EPSE) avec l’Ifop. Près de
8 500 étudiants ont répondu à 134
questions autour de 4 grands thèmes :
- la situation économique des étudiants
- l’état sanitaire et social ;
- l’accès aux soins ;
- le regard des étudiants sur la société.
Cette enquête exceptionnelle est un
véritable état des lieux national et
régional, un outil de travail
indispensable, une base essentielle
pour accompagner la réflexion et une
aide à la décision.
Rens. : FNMF – [email protected]
▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲
3 juillet
L’action sociale a-t-elle
encore un avenir ?
Pierre Savignat
L’action sociale est,
avec le système de
protection sociale, un
élément structurant de
ce que l’on appelle
parfois « le modèle
social français »,
lequel est
profondément inscrit
dans l’histoire, dans
l’imaginaire et dans le quotidien de la
population. Ces trente dernières
années, la prévalence et la force des
problèmes sociaux n’ont pas diminué.
Les tensions et contradictions,
notamment politiques, qui peuvent
exister s’inscrivent indiscutablement
dans un contexte de diffusion des
idées et des politiques néolibérales,
mais ne s’y réduisent pas. Il en ressort
que l’avenir de l’action sociale,
comme celui de la protection sociale,
reste encore ouvert. La question de
l’avenir de l’action sociale fera peutêtre partie du débat sur la phase 3 de
la décentralisation, promise par
François Hollande…
Pierre Savignat est directeur d’hopital
et membre du conseil scientifique de
l’Ansem.
Éditions Dunod et La Gazette santé-social
▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲▲
Sarl au capital de 86 000 € RCS Paris B 480
706 159 (2005B02166) - Principal associé :
Pascal Beau - 5, rue Geoffroy-Marie,
75009 Paris - Tél. : 01 53 24 13 00 Fax. : 01 53 24 13 06
Administration /abonnements :
Patricia Chinon (01 53 24 13 05)
[email protected]
Directeur de la publication
et de la rédaction : Pascal Beau
[email protected]
Famille - action sociale :
Florence Pinaud
Santé - assurance maladie :
Pierre-Yves Poindron - Pierre Perrier
22 - ESPACE SOCIAL EUROPÉEN - 1009 - DU 29 JUIN AU 12 JUILLET 2012
Reportage : Émilie Guédé
Ont collaboré à ce numéro : Paul Aube.
Philippe Dulaurier.
Secrétaire de rédaction - Débat -À lire :
Anne Parian (01 53 24 13 17)
Rédacteur graphique :
Michel Ramos (01 53 24 13 23)
[email protected]
Documentation - livres - agenda :
Carine Koépé (01 53 24 13 00)
Impression : RAS, 6, avenue des Tissonvilliers 95400 Villiers-le-Bel
Iconographie : cocktailsanté.com
(01 53 24 13 24) admin@cocktail-santé.com
Commission paritaire : N° 0316 T 87714
ISSN : N° 0999-7822.
Tous droits de reproduction réservés.
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La Banque
Fédérale
Mutualiste (BFM)
est la Banque
des Agents
de la Fonction
publique et du
Service public