AUTOBIOGRAPHIE

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AUTOBIOGRAPHIE
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AUTOBIOGRAPHIE
( 3ème édition )
Travail, Famille , Patrie
Biographie
Page
Mes origines
Enfance et adolescence
Saint Cyr
Angers 1
En Allemagne
L' Indochine
En France
L ' Algérie
En France, fonctionnaire
Chez le ministre
Retour dans la troupe , Strasbourg
Angers 2
La Polynésie
En retraite
Notes complémentaires
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Je n'ai pas eu le temps de faire court !
par le Colonel (er) VERLY
Chevalier de la Légion d'honneur
Officier de l ' Ordre National du Mérite
Croix de la valeur militaire
ème
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édition ,
mai 2002
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Biographie
L'ennui naquit un jour de l'uniforme ôté .
( vieux proverbe militaire français )
Mes origines
Par mes racines je suis un frontalier .Mes ancêtres vivaient aux
marches de la France .Pour être plus précis , ils n'étaient même pas Français . En fait, ils
étaient sujets des Habsbourg .Ceux du Nord étaient des gens des Pays Bas espagnols ,
ceux de l’Est des Alsaciens du sud, à la limite des pays où l’on parlait français et un patois
alémanique . Plus près de notre temps, du côté paternel, ils étaient du Nord : un arrièregrand-père Flamand flamingant , Belge des environs d'Ypres, une grand-mère flamande
gallophone des environs de Lille . Du côté de ma mère, on est des Sundgauviens; mes
arrières-grands-parents , installés à Mulhouse , ont opté pour la France en 1871 et sont
venus se fixer à la nouvelle frontière franco-allemande , côté français , près de Belfort , dans
le pays des trois Montreux dont ils étaient en fait originaires .L'une de mes arrière-grands
mères maternelles, la Phinele , ne parlait pratiquement pas le français.
Mobilisé en 1917 , mon père a rencontré sa femme à Montreux-Château dans le
Territoire de Belfort , en 1918 , à l'occasion d'un changement de cantonnement de son unité.
Il s'est marié plus tard , alors qu'il était employé des Chemins de fer de l'Est à Belfort. Sa
carrière l'a entraîné à Paris et je suis né à Pantin , dans la très proche banlieue est, en
1926 .Mes parents y avaient loué un appartement rue Sainte Marguerite .Par mon lieu de
naissance , je suis donc un titi parisien .
Enfance et adolescence
Mes parents se sont ensuite installés à Bondy , une commune pas très reluisante
de la Couronne rouge de Paris . C'était alors une ville pavillonnaire , pas loin de la capitale.
Une enfance sans histoire .Nous étions quatre enfants .Une éducation plutôt stricte, mais
sans excès , religieuse sans bigoterie, école communale, donc laïque et républicaine,
catéchisme, patronage Sainte Jeanne d'Arc pour les garçons , Ste Geneviève pour les filles
- Notez bien les noms , il y a de l'héroïsme dans l'air ! - puis scoutisme. Mon père était un
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militant d'action catholique et d'un groupement d' Anciens Combattants .Comme disait le
cantique d'alors: « Catholique et Français , toujours ! » J'ai donc été bercé dans les
souvenirs de la guerre de 14 et à l'église . De son côté ma mère nous parlait de ses parents,
de leur exil relatif et de cette période où l'on ne pensait qu'à la Revanche: Vous n'aurez pas
l'Alsace et la Lorraine et malgré tout nous resterons Français ! Parmi les livres que nous
ressortions le plus souvent L'histoire de l'Alsace de Hansi .
Ce n’était pas la richesse . Mon père pour acheter la maison de Bondy avait dû
emprunter à ses parents . Il avait vendu aux enchères des tas de choses provenant de la
maison de mon grand-père maternel , à Montreux-Château . On vivait donc plutôt
chichement , pas de domesticité sinon une femme de ménage qui ravaudait également nos
chaussettes ,réparait nos vêtements usagés et donnait un coup de main à ma mère pour les
gros travaux . Pas d’appareils électroménagers , cela n’existait pas . Il a fallu attendre 1934
pour avoir l’électricité dans la maison . En fait de modernisme nous avons eu vers 1935 un
poste de TSF à galène , il fallait des écouteurs pour écouter , puis nous avons eu en 1937
un poste à lampes avec une antenne qui traversait tout le jardin . Evidemment pas de
télévision , elle n’arrivera en France que dans les années 1950 . Lessive à la main pour ma
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Papa était président du Conseil paroissial, de la Conférence de Saint Vincent de Paul de la paroisse
Saint Pierre de Bondy, des Amis des Scouts de France . Maman rouspétait assez souvent parce qu’il
passait ses soirées en réunion !
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pauvre mère . Pas d’automobile bien sûr, d’autant que mon père étant employé des chemins
de fer nous avions le train soit gratuitement soit à très bon compte . Des vacances dans la
maison de Montreux , mes parents y avaient gardé une chambre et une mansarde ; donc
pas de frais de séjour.
Peu d'événements : l’Exposition coloniale en 1931 - j’étais bien jeune - les
grèves de 1936 - nous avons approché les désordres d'assez près ; cela marque un gamin l'exposition universelle de 1937 . Il y avait tellement de choses à voir !
Puis, les choses sérieuses ont commencé. Les événements de Tchécoslovaquie:
mon père nous a envoyés attendre la fin de la crise du côté d'Alès . Il était pessimiste , à
juste raison d'ailleurs .Ses copains l'appelaient « le pasteur » et quand il annonçait la guerre
pour très bientôt ils se moquaient gentiment de lui . « Allons , Léon , tu sais bien qu'il n'y
aura plus jamais de guerre! Nous avons fait la Der des Der » En 1939 nous avons eu droit à
des vacances dans l’ Allier, dans un village au nom charmant de Pouzy-Mésangy .Mon père
avait choisi cet endroit pour nous éloigner de Paris - on y attendait des bombardements dès
le début d’hostilités éventuelles – et Montreux était beaucoup trop proche de la frontière
allemande
Et la guerre est venue . En 1939 , la SNCF a envoyé le service de mon père à
Arcis-sur-Aube . Nous l'y avons rejoint . J'y ai vu la gloire de l'armée française encore
debout . Je me suis frotté aux zouaves et aux tirailleurs algériens de la 9 ème Division
d’Infanterie algérienne.. Au printemps 1940, la vraie guerre a commencé . Mon père,
toujours aussi pessimiste , nous a mis à l'abri dans l'Allier. Là j'ai assisté à la honteuse
débandade de nos soldats et à l'exode des pauvres gens de Belgique , des départements du
Nord de la France et de la région parisienne. Pendant une semaine nous avons vu des
fuyards civils et militaires .En chariots surchargés de matelas, de malles ,de vieilles et
d'enfants; les Parisiens avec des galeries à doubler le volume de leur misérables bagnoles,
en vélo, à pied poussant des voitures d'enfants. Au passage ils réclamaient de l'eau. Des
soldats belges, calot à pompon , en vélo,à peu près en bon ordre nous ont demandé leur
chemin; pour s'y retrouver ils utilisaient la carte d'un calendrier des P.T.T. La misère ! Puis
après quelques heures d'accalmie , nous avons vu quelques soldats français encore en
armes man uvrant dans les haies . Et Pan , Pan ! J'ai reçu le baptême du feu . Quelques
obus autour de nous! Une demi-heure plus tard j'ai vu mes premiers Boches , des motards
casqués, torses nus , un simple pistolet à la main . Même gamin, cela vous fiche un coup !
Au retour à Bondy en septembre 40, reprise de l'école et du scoutisme . A la
communale plus de politique .Le plus à gauche de nos instituteurs avait choisi les
Allemands. C'était encore l'époque du pacte germano-soviétique . Nos profs rasaient les
murs! C'était Maréchal , nous voilà!. Chez les scouts au contraire , sans faire d'imprudence ,
on nous remontait le moral : envoi des couleurs à chaque réunion , patriotisme , formation
du caractère , sens de l'honneur, respect des chefs , soutien religieux . Nous ne devions pas
perdre confiance.
Jusque fin 1943 , je n'ai guère vu de la guerre que le train-train de l'Occupation ,
la présence de la Wehrmacht en vert de gris, les laissez-passer -les ausweis - les contrôles
dans les trains, le métro et sur les routes, les interdictions, le couvre-feu, la peur des rafles .
Côté quotidien , c'était la disette - pas la faim , mais pas loin ! -, la pénurie: pas de
vêtements , ceux que nous portions étaient usés, parfois jusqu'à la corde , des chaussures
en carton et à semelles de bois , tout était trop petit - la guerre continuait et, nous, nous
grandissions! C'était le froid: pas ou peu de charbon -nous avons brûlé tous les arbres du
jardin et même des meubles - des coupures de gaz et d'électricité . Une vie plutôt rude !
A partir du début de 1944 , la guerre , la vraie , nous a rejoint . Mitraillage des
trains , bombardements énormes de nuit , mais aussi de jour . Avez vous vu 7 ou 800
avions en l'air mélangés à des centaines de traces d'éclatement d'obus de D.C.A.? C'est
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grandiose . A terre, les jeunes scouts que nous étions allaient aux résultats: fouiller les
ruines pour retrouver les corps des morts et les éventuels , mais rares, survivants , le plus
souvent dans un état déplorable . Et puis nous avons également été servis à Bondy . Un
bombardement de une heure et demi avec des bombes de 500 kg . C'est impressionnant
!Une anecdote pour montrer que l’on peut rire même quand cela ne va pas. Notre voisine,
80 ans bien sonnés, sourde comme un pot, avait un chien : Bouboule .En entendant le
bombardement et en sentant les vibrations du sol il était comme fou , pas la vieille qui
n’entendait rien et qui engueulait Bouboule pour qu’il se tienne coi . Ce n’est que le
lendemain matin qu’elle a compris les angoisses du toutou Et nous en avons eu d'autres
autour de chez nous: Chelles , La Chapelle ; Ce jour là autre histoire cocasse . Nous avions
mis des poules dans notre cave . Tout à coup ,.le bruit d’une bombe qui descend en sifflant..
Nos têtes rentrent dans nos épaules .Le père Delorrme , le parrain de Marguerite , qui avait
été dégager morts et bléssés à Noisy le Sec ,devient vert .Et puis « hian ,, cocotte, cocotte
colette ». En fait de bombe c ‘était une poule heureuse d’avoir pondu son oeuf !.Et sous les
bombes nous avons bien rigolé . Les alertes se succédaient , arrêtaient nos activités y
compris les épreuves du Baccalauréat ; le jour où je l'ai passé pendant l’épreuve de Français
nous avons passé une heure aux abris
J'allais sur mes 18 ans, le Service du Travail Obligatoire se rapprochait . L'idée
de partir travailler en Allemagne , sous les tapis de bombes des Américains, n'avait rien de
bien engageant. Mes parents étaient franchement inquiets. Ils ont d'abord pensé à nous
envoyer mon frère André et moi chez l'oncle Lucien à Montreux ,puis ils se sont décidés
pour Alès , dans le Gard , chez un ami de mon père: Georges Roux . Nous sommes partis le
5 juin vers 19 heures . Pendant que nous étions dans le train à la gare de Lyon les Alliés
bombardaient la gare de triage de Villeneuve-Saint-Georges. A l'arrivée à Alès nous avons
appris le débarquement . Nous sommes devenus bûcherons-carbonisateurs . En fait , l'idée
n'était pas fameuse. Nous devions travailler dans les Cévennes , dans des forêts . Souvent
nous avons été coincés entre la Wehrmacht , en fait des Russes de l'armée Vlassow, et les
maquisards , dont la plupart dans cette région étaient des Républicains espagnols , des gens
pas tendres du tout .
En plus des Allemands nous avons eu droit aux miliciens .Ils opéraient contre
les maquis ; nous les voyions lors de nos déplacements dans la montagne où ils tenaient les
barrages routiers pendant que la Wehrmacht combattait. De vrais salauds. Le jour de la mort
de leur chef Philippe Henriot ils ont exigé que l’on salue sa photo . Comme nous ne faisions
pas le salut fasciste , ils nous ont collés face à un mur et pendant une bonne demi-heure ils
se sont amusés à tirer au pistolet sur un buste de Marianne en plâtre placé à côté de nous .
Ce n’est pas fait pour gagner l’affection des populations.
Le 15 août au matin , nous avons entendu des explosions , des coups sourds et
lointains .Les Alliés venaient, nous l'avons bien compris. Et puis la libération est arrivée à
Alès, fin août 1944, sous la forme d'un détachement de reconnaissance français :quelques
automitrailleuses et des camions , pas grand monde ; les Allemands et les miliciens ne les
avaient pas attendus et s'étaient repliés assez vite . Ce fut du délire! Mais le lendemain , j'ai
vu une réalité très dure , dont j'ai gardé un souvenir odieux et qui a engagé ma vie : la prise
en main de la ville d'Alès par les Communistes - F.T.P., Milices patriotiques et autres
bandes à brassards rouges -.Pendant deux jours j’ai été embrigadé dans la milice patriotique
. C’étaient les gros bras policiers de la C.G.T. Perquisitions chez les médecins , les avocats ,
les notaires , les commerçants , donc chez les bourgeois , avec vol de l'or, de la nourriture ,
de l'argent Je me suis tiré très vite de là à la demande de George Roux. En ville outre les
exactions dont j’ai parlé plus haut, c’étaient arrestations arbitraires , tonte des femmes
soupçonnées d'avoir couché avec des Allemands, jugements sommaires sur la place
publique suivis immédiatement d'exécutions . Ce sont des tirailleurs annamites qui
fusillaient
Evidemment il y avaient des réjouissances.populaires au milieu de tout ces evènements
barbares .Des bals ,des défilés de partis politiques , des défilés militaires :: les maquis des
républicains espagnols derrière leur drapeau violet-jaune-rouge, des maquis de toute sorte
FFI, FTPF,,et même une compagnie de Russes de Vlassow qui avait changé de camp, en
uniforme allemand , sans les insignes nazis, mais avec la croix de saint André bleue sur
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fond blanc Cela puait le désordre , la Révolution sourde .Tout cela n’était pas acceptable.
Le dégoût ! Comme disait Mao Zédong: La Révolution n'est pas une invitation à prendre une
tasse de thé .
En septembre 1944 , retour à Bondy , puis reprise des cours en classe de MathElem. au collège Notre-Dame du Raincy . Une normalisation n'est jamais bien agréable .
Mais il y avait des compensations , pour la première fois j'étais dans une classe mixte . Une
découverte ! Ces demoiselles de la bonne bourgeoisie raincéenne étaient , mon Dieu, bien
agréables à regarder et à fréquenter.
J'avais maintenant choisi ma voie: petit-fils de la guerre de 1870, fils de celle de
1914-1918, formé - Oh combien! - par celle de 1939-1945, je serai soldat . Pour l'instant , un
objectif : Saint-Cyr.
Je n'étais pas qu'une bête à concours . Je fréquentais assidûment et
probablement naïvement une jeune voisine ,Jacqueline . C'était une élève-maître donc une
future institutrice . Il y avait quelques difficultés : l'hostilité résolue de ma mère qui dénigrait
la famille de la belle , le métier de la fille - en France , les instituteurs sont antimilitaristes et
gauchisants - , l'éloignement qui résulterait de mes affectations , au moins dans les premiers
temps . C'était bien vu. Six mois après mon départ , elle m'annonçait son mariage . Les
absents ont toujours tort !
Bien que lisant beaucoup et étant passionné d'histoire et de géographie , je
n'étais pas un sujet brillant, tout juste un peu plus cultivé que la moyenne des gens de mon
âge et
encore , dans certain domaines seulement. La fréquentation de deux établissements de
premier ordre - les lycées Condorcet et Saint-Louis - n'a pas beaucoup amélioré mon score;
j'avais des failles en physique et en math
Saint-Cyr
. Je n'ai été reçu à Saint-Cyr qu'en 1948 , mais avec un bon rang: 45 ème sur 240. J'ai signé
mon engagement, le 9 septembre 1948 , à Coêtquidan , dans le Morbihan . J'en prenais
pour huit ans avec renouvellement par tacite reconduction.
Avant de suivre les cours à l'Ecole Spéciale Militaire Interarmes et de mettre
mon beau casoar, il m'a fallu faire mon service militaire comme tout un chacun . J'ai choisi
le 9ème Bataillon du Génie , à Bergzabern , en Allemagne , à 15 km au Nord de
Wissembourg .J’avais besoin d'assurer la garde au Rhin et de prendre une revanche
personnelle sur l'occupation ! Instruction militaire, corvées, man uvres de pontage sur le
Rhin autour de Spire, rien d'exaltant ni de particulièrement dur . J' y ai gagné mes galons de
sergent .
Au cours d'un exercice de parcours du combattant j'ai fait une chute
spectaculaire et j'ai retrouvé la tête de mon humérus gauche à hauteur de ma hanche , ce
qui est particulièrement douloureux . Plus tard cette luxation est devenue récidivante ,
jusqu'à douze fois , dans un tas de situations: en faisant des roulés-boulés, en plongeant , en
haut d'une pile de pont métallique ou en escaladant une demoiselle à Mont - Dauphin dans
les Alpes.
En mai 1949 ma promotion appelée Général Frère - un grand résistant tué par
les Allemands - s'est retrouvée à Coëtquidan . Nous étions là des jeunes issus du concours
direct , venant des lycées ou du Prytanée militaire et des anciens sous-officiers venant du
concours corps de troupe ,souvent de vieux briscards qui avaient fait une partie de la guerre
39-45 , ou la campagne d'Indochine , des légionnaires , des Pieds-noirs anciens de l'Armée
d'Afrique . Il y avait un amalgame à faire . Pour nous les plus jeunes c'était passionnant .
Nous entamons notre formation d'officiers . Les premiers mois sont très durs: rythme intense
de travail , exercices de jour comme de nuit alternant avec les cours , les conférences , le
sport, l'équitation , les marches d'endurance , les prises d'armes , les sanctions individuelles
et collectives au moindre manquement à la discipline, à la propreté ou à la rigueur dans
l'exécution du service et les coups de sifflets brefs en guise de repas . Nous tombions de
sommeil pendant les cours de langue ou de math . Les professeurs savaient; ils se
contentaient de nous réveiller en souriant. N'oublions pas le climat exécrable de la lande
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bretonne , le crachin et la boue , les vêtements qui refusent de sécher . En octobre la vie
est devenue plus douce après le départ des anciens .C'était presque les vacances . Tout au
moins le rythme était plus raisonnable . On nous avait dressé !
En fin d'année scolaire , camp au bord de la mer , à Penthièvre dans la
presqu'île de Quiberon , les activités militaires sont plus intéressantes; il y a le soleil et la
plage , les rochers à escalader et les petites touristes pas loin . Ensuite c'est le défilé sur les
Champs Elysées. Nous comparons notre allure guerrière et notre teint hâlé à
l'avachissement et au teint cachet d'aspirine de nos savants collègues de Polytechnique. En
août 1950,c'est notre Triomphe. C'est la cérémonie au cours de laquelle on nous remet notre
galette , c'est à dire nos galons de sous-lieutenant. Puis c'est le départ vers nos écoles
d'application. La rigueur de la vie dans cette école nous a soudés . Après soixante ans, nous
nous retrouvons toujours avec joie même si nous devons parler de nos soixante camarades
morts au combat et des nombreux autres qui nous ont quitté depuis la dernière campagne.
Angers 1
J'ai choisi d'être sapeur .Un coup de mon père qui fantassin trouvait que le
Génie était moins engagé que l’infanterie et qui cheminot estimait que le Génie était proche
de son métier à lui Je me retrouve donc en septembre 1950 à l'école d'application du Génie
à Angers . Célibataire , je suis logé dans la caserne . Le travail ne manque pas: résistance
des matériaux , électricité , chimie du traitement des eaux ,explosifs, minage , pontage et
navigation sur la Loire, etc... On n'arrête guère mais l'ambiance est détendue . Nos
lieutenants instructeurs arrivent de la frontière chinoise où ils ont fait une très belle guerre.
Ils nous donnent l'envie d'aller y voir . Le capitaine commandant notre division d'application ,
le capitaine Hovette, a fait les campagnes d'Italie et de France; il est formidable .Je le
retrouverai comme chef d’un bataillon du génie chargé de l’entretien de mon bout de
barrage électrifié en 1960 dans le sud algérien , ce fut un plaisir. Nous avons tous de la
sympathie pour nos chefs et cela va mieux ainsi .
Pour le sport , j'adopte le vol à voile et à moteur . Autant en profiter, c'est l'école
qui paye!
L'année scolaire se passe sans histoire. Elle s'achève par un voyage au
Luxembourg et en Allemagne pour la visite des formations du Génie qui y sont stationnées
puis par un stage de topographie dans les Alpes , à Mont-Dauphin , une forteresse signée
Vauban .
Au total une année heureuse .
En Allemagne
Au mois de septembre 1951 avant de rejoindre le 9ème Bataillon du Génie à Spire , en
Allemagne , j'effectue un stage de trois semaines de conduite et d'entretien des matériels du
Génie: bulldozers , niveleuses , grues, compresseurs, etc. , au 13 ème bataillon à Trèves .
ème
J'arrive au 9
,à Spire, en pleines man uvres « Jupiter » , une démonstration de force de l
'OTAN à destination des Soviétiques. On est en pleine guerre froide. La vie militaire a un
sens à cette époque. Nous nous préparons très activement : reconnaissance des itinéraires
de dégagement et des zones de déploiement initial , visites et évaluations des ouvrages
d'art à détruire , exercices de cadres avec les camarades des autres armes - cavaliers ,
artilleurs , fantassins ,... - de notre 5ème Division Blindée . Il y a de l'ambiance , nous
sommes engagés dans quelque chose de sérieux .Ce n’est pas l’ordre serré dans la cour de
la caserne. Par ailleurs , il y a la guerre en Corée . Cela chauffe les esprits , des camarades
biffins rejoignent le bataillon français de Corée , mais on n'a pas besoin de sapeurs . Nos
anciens , par contre, partent en Indochine . Notre tour ne va pas tarder.
En attendant , après avoir été chef de section d'une compagnie de combat du
Génie blindée , je me retrouve , avec mon deuxième galon , adjoint au commandant de
cette compagnie . On me confie une expérimentation de renforcement de nos portières
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Treadway qui ont une classe 32 et doivent accepter des chars Patton de 42 tonnes . En fait
de renforcement cela tient avec des fils de fer. En plein courant sur le Rhin c'est sportif .
Pour éviter des pertes inutiles en cas de rupture dès que le char Patton à faire franchir est
arrêté sur la portière, les équipages débarquent et je me retrouve seul pour commander la
man uvre. Dans chacune des deux vedettes de poussée un sapeur équipé d'une hache est
prêt à couper les amarres .Vivre dangereusement , c'est vivre deux fois! m'a crié plusieurs
fois depuis la rive le commandant Margueritat . Mon colonel, un certain Filarder, m'avait
choisi pour cette tâche parce que j'étais célibataire. Rassurant , n'est-ce pas ?
Pour la vie privée , nous , les célibataires , vivons chez l'habitant . J'ai été logé
chez le Roi des fous de Spire , le grand maître des fêtes du Carnaval de la ville , puis chez
une vieille toupie, archaïque et plutôt hostile et finalement dans une famille avec enfants des gens bien sympathiques - là, j'étais bien .Je me suis payé une voiture , pas du grand
luxe , une vieille Opel Kadet décapotable et très usagée. Elle durera bien autant que mon
séjour en Allemagne!. Cela permet de belles promenades dans le Palatinat , la Forêt Noire
et la vallée du Rhin jusqu'à Cologne .
Coté féminin , c'est maigre . Les Françaises que nous approchons sont les
femmes de nos camarades . Leurs filles savent que nous n'allons pas tarder à partir
guerroyer en Asie, elles nous ignorent. Je sors souvent avec une assistante sociale,
mademoiselle Liziard , bien agréable , mais - hélas - un peu mûre à mon goût. Nous avons
très peu de contact avec la société allemande . Depuis la réforme économique et financière
de 1948 , ces dames n'ont plus besoin des Français pour améliorer leur ordinaire , ce serait
plutôt le contraire . Restent quelques gourgandines inabordables .
Dès que je connais la date de mon départ pour l'Extrême-Orient, je me fais
opérer de l'épaule gauche qui s'était démise douze fois depuis 1948 . Inutile de me retrouver
au combat avec un tel handicap. Donc séjour à l’hôpital de Landau.
Le Journal Officiel , pas moins, m'apprend début mai 1953 que je suis au
tour de départ pour l ' Extrême-Orient au titre de la Légion Etrangère
L'Indochine
Il a donc fallu passer par l'Algérie avant d'embarquer pour l'Indochine . Le Dépôt
Commun de la Légion étrangère était à Sidi bel Abbès , la Mecque de la Légion . Accueil
initial glacial . Le colonel refuse de nous recevoir . Nous ne sommes pas en tenue . Nous
n'avions pas adopté les insignes légionnaires: képi à « cul » rouge., épaulettes à grenades
évidées et cravate verte. Un scandale vite corrigé . La suite fut beaucoup plus cordiale .En
une semaine , on nous a appris. ce qu'était la Légion , comment nous devions nous y tenir et
comment cela fonctionnait. Ensuite direction le camp de Nouvion dans la plaine du Sig , au
sud d’Oran, pour constituer le détachement de renfort .On nous a mis en condition , on a
vérifié notre état de santé . A ce sujet, je dois vous raconter ce qu'est une Schwanz Parad !
Tout le détachement , près de 500 hommes , officiers en tête , va se faire examiner la verge
par un médecin qui dispose d'une grande cuvette de permanganate et regarde avec soin ce
que nous n'aimons pas trop montrer Pas de vérole avant Saïgon !. Cela se passe sur la
place d ‘armes du camp. , le corps de santé est à l’ombre d’un boqueteau tandis que les
impétrants font la queue , c’est le cas de le dire; sous le doux soleil algérien du mois
d’août .. Quelques semaines avec ces gens là , ça vous change un bonhomme .
Nous embarquons le 30 août sur le Skaugum , un bateau norvégien , qui va nous
emmener à Saigon .Nous passons par le canal de Suez encore entre les mains des Anglais
et pendant deux jours nous faisons route avec un de leur porte-avions . A notre arrivée ,
surprise , nous les sauveurs de cet Etat branlant qu'est le Viet-Nam , nous devons nous
soumettre aux formalités douanières . Cela passe mal ! Nous savons bien que pas mal
d'entre nous ne reviendront pas .
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Nous nous présentons au commandement des unités du Génie de la Légion où
l'on nous affecte . Pour moi la 76/2 ème compagnie du Génie à Tourane (Danang) au Centre
Vietnam . On nous briefe aussi sur notre rôle . Je serai Adjoint-Légion ,c'est à dire chargé
des affaires strictement légionnaires de cette unité , ce qui ne doit pas m'empêcher de
prendre une section de travaux .Et hop ! dans l'avion , un D.C.3, pour Tourane où j'arrive
dans la queue d'un typhon: rivières toutes jaunes de boue , arbres déracinés, fils électriques
à terre , toitures arrachées ,...et pour accompagner cela la tourista et la bourbouille; on se
croirait atteint de la rubéole et ça gratte .
La Compagnie est spécialisée dans les travaux d'infrastructure aérienne . Elle a
pour mission l'agrandissement du terrain d'aviation ,la construction de routes et l'ouverture
de pistes dans la région et, bien sur, tous les travaux de terrassement que peut demander la
direction locale des Travaux du Génie .Elle est suréquipée en matériels de travaux publics
fournis par les Américains au titre du Programme d'Assistance Mutuelle .Elle est
commandée par le capitaine Mourot, qui vient du bureau « Officiers » de la Direction du
Génie Elle est composée de 50% de légionnaires , pour moitié des Allemands , de 40 % de
Jaunes , moitié Vietnamiens , moitié Cambodgiens de CochinChine , et 10% d'encadrement
français du Génie . Pas facile à coordonner . Chaque catégorie a ses traditions , ses m urs
, sa cuisine, et ses raisons d'être là.
Je prends mes fonctions et tout commence : désertions multiples et en groupe,
avec armes et postes radio , affaires de vol , de détournement de fonds au foyer et à
l'ordinaire , tripots dans les locaux de la compagnie et dans le camp des mariés
cambodgiens , décès de mon prédécesseur muté au Tonkin suite à une affaire de corruption
dont je devrai trouver les tenants et les aboutissants ; il s'est probablement suicidé dans un
accident de la route . La Légion ce n'est pas simple , sauf si on lui permet de faire la guerre ,
ce qui n'était pas notre cas .
Guerre? Oui et non . Pour visiter mes chantiers , je me déplaçais dans toute la
région , j'ai du parfois faire demi-tour en tombant sur une opération en cours , même très
près de Tourane . Par contre plusieurs fois j'ai fait des mauvaises rencontres avec des
Vietminhs en uniforme; ni eux ni moi n'avons eu envie de nous battre . Nous nous sommes
réciproquement éclipsés . Avaient-ils l'ordre de ne pas s'en prendre aux sapeurs? C'est
possible . Dans la journée , ils étaient nos ouvriers , ils travaillaient sur nos chantiers , nous
les payions, nous les nourrissions , nous équipions leur région en routes , pistes , ponts,
puits, etc. ..Le soir , ils devenaient partisans , ils attaquaient nos postes et détruisaient les
voies ferrées. Nous marquions nos véhicules des couleurs du Génie: noir et rouge . Etait -ce
un signal convenu à un autre échelon que le notre? Une convention tacite? En tous cas nos
chantiers n'étaient pas attaqués.
Nous logions en ville dans une cité sans garde ni patrouille . Notre popote n'était
pas gardée . D'ailleurs souvent nous n'y allions pas .Nous mangions une soupe chinoise
vendue par des marchandes ambulantes sur le trottoir . Le dimanche , en civil nous allions
visiter les environs: la montagne du Tien Cha , le cimetière des Espagnols , les pagodes des
Montagnes de marbre , le musée d’art Cham ou nous baigner sur l'immense plage au sud de
la ville . Inconscience? Imprudence?
Au début de janvier 54 , la Compagnie part pour Go Vap , une banlieue de
Saïgon , par le bateau - un liberty-ship - avec tout notre matériel il fallait bien ça. Nous
aurons pour mission la construction d'un terrain d'aviation à Bien Hoa puis d'un autre au
Cap Saint Jacques ( Vung Tau ) sans omettre les multiples travaux demandés par toutes les
autorités régionales: butte de tir de l'école d'officiers de l'armée vietnamienne de Thu-Duc ,
nettoyage des restes du dépôt d'explosifs et de munitions de Chi Hoa après sa destruction
par les Viet-Minh - un bien joli feu d'artifice -, récupération des matériels de pontage et de
travaux publics prêtés à l'armée cambodgienne - quand le petit roi Norodom Sihanouk
décide de dégager son pays du guêpier - et puis tous les grattages de terre du Sud Viêt-Nam
La vie à Go Vap est très détendue . Saïgon , c'est le vice et la débauche , la
corruption , la concussion , etc. .La population ne nous est pas hostile , loin de là . Nous la
faisons vivre et nous vivons avec elle .Nous logeons en ville . Je me trouve une femme ,
9
Phan Thi Sao ,avec la quelle je m'installe . Elle est jeune , gentille , assez jolie .Cela va
changer ma vie ! La belle est la veuve d’un soldat de la base aérienne de Than Son Nut. Il a
été tué dans une embuscade. Elle en a eu un fils , Dinh .Elle a ensuite vécu avec un officier
de l’Armée de l’air , le colonel Contestin dont elle a eu Hieu. Bon tout ceci ne me dérange
pas. Ici , la morale sexuelle n'est pas celle de la France et puis c'est la coutume chez les
coloniaux. Elle tombe enceinte .
Des événements graves vont en effet bouleverser tout ce que j'aurais pu
organiser. Au Nord , la bataille de Dien Bien Phu est perdue et la conférence de Genève
organise notre retrait .
Les Catholiques tonkinois se réfugient en masse au Sud . La Compagnie
participe très activement à la préparation de leur installation: plates-formes pour la
construction de villages , construction de routes et de pistes , forage de puits , transport de
matériaux , etc.; tout cela en liaison avec les autorités sud-vietnamiennes , sans intervention
de notre hiérarchie qui nous placé à disposition et ne s'occupe plus de ce que nous faisons
.Par contre on s'occupe activement de notre départ vers la Métropole .
J'ai reçu mon avis de mutation pour Paris à l'Enseignement militaire supérieur
scientifique et technique , pour entrée en faculté en octobre 1955 . C'était un gros coup pour
moi. J’espérais pouvoir rester encore quelques années pour résoudre les difficultés dans les
quelles je m’étais collé .Mais j'étais soldat . J'ai obéi sans hésitation sinon sans murmures .
Le 23 avril, j'ai abandonné celle que je considérais comme ma femme et je suis monté sur l '
Athos II - un ancien paquebot allemand - pour arriver à Marseille le 19 mai 1955. En route, à
Singapour, j'ai reçu un télégramme m'annonçant la naissance de mon fils Thao .
En France
La Direction Centrale du Génie m'avait ramené à Paris pour me former comme
ingénieur du bâtiment et des travaux publics . Avant de passer à l ' Ecole Supérieure
Technique du Génie je devais faire une année de propédeutique de mathématiques physique - chimie ( M.P.C.) à la fac. de Paris. Dès mon arrivée en permission de fin de
campagne j'ai reçu des cours par correspondance destinés à me remettre dans le coup .
Excellente reprise en main ! En octobre , entrée en faculté à Jussieu comme un gamin .
Descendu de bien haut le guerrier !
Dans le même temps , j'ai fait venir ma femme et deux de ses enfants Hieu et
Thao , mon fils , du Viêt-Nam .Il était entendu que Dinh viendrait plus tard. Je me suis
marié . Mais je n'ai pu m'installer ailleurs que chez mon père , en raison de la crise du
logement qui sévissait encore.
En octobre 1956 muni de mon diplôme de M.P.C. j'entre à l' E.S.T.G. à
Versailles . Je n'ai pas du tout aimé cette école. Les méthodes d'enseignement et de
contrôle étaient archaïques , inadaptées à des hommes qui avaient déjà une expérience des
chantiers et qui auraient pu en remontrer dans certains domaines à leurs professeurs . Tout
était fait pour classer les élèves, pas pour les former. J'ai obtenu mon diplôme. Je suis
devenu Ingénieur de l'Ecole supérieure technique du Génie . Mon mauvais rang de sortie ne
m'a heureusement pas empêché de choisir le Matériel du Génie . J 'aurai fait un mauvais
bâtisseur !
1958, je réussis à loger ma famille en HLM, au 9ème étage, à Bondy. C’est loin
de Versailles, le logement est petit, mais j’ai besoin que ma femme puisse être épaulée par
ma famille surtout si je dois partir en Algérie et que mes enfants puissent avoir le soutien
scolaire de leur grand-père . Ils fréquenteront donc les mêmes écoles que moi à leur age .
En dépit des accords de Genève les Viet-minh ont continué la guerre. Ils
voulaient tout le pays. Nos quelques forces résiduelles encombraient le gouvernement
vietnamien, Il nous a mis dehors et s’est tourné vers les Américains. Dès lors nous ne
pouvions plus récupérer Dinh . Premier drame familial
A la sortie de l’ESTG je suis nommé à l'Etablissement de Réserve Générale du
Génie de Versailles , au camp des Mortemets ,à partir d'avril 1958 .Je suis chef des
Services techniques de cet établissement: des ateliers de mécanique ( 60 cadres et ouvriers
10
civils , 20 militaires ) , un atelier de tôlerie -forge - soudure ( 20 civils et 10 militaires ) , une
menuiserie de 25 civils . Je dois également assurer la surveillance technique des stockages
. Nous réparions et reconstruisions des matériels . Nous faisions des expérimentations au
profit de l'établissement d'achat des matériels et de la Section technique de l'Armée de
Terre .C’est ainsi que j’ai inventé et fabriqué une « machine à casser les manches de
pioche » pour tester les pelles-pioches articulées achetées par notre armée. En tôlerie-forge
nous fabriquions des quais en bout militaires pour équiper les gares S.N.C.F. , des potences
de phare ou d'éclairage pour les barrages électrifiés d'Algérie; nous fabriquions aussi des
palettes, des caisses de lots . Ces activités m'ont permis de connaître les entreprises usines et sièges - de nos fournisseurs et leur personnel technico-commercial; par exemple:
Jeumont, Nordest, Richier, Poclain puis PPM , Berliet , Continental, Caterpillar et bien
d'autres .Je retrouverai de nombreux cadres technico-commerciaux de ces sociétés à la fin
de ma carrière dans ma dernière affectation .
Parmi mes missions l' une était très particulière: avec mes groupes
électrogènes montés sur semi-remorque je fournissais du courant électrique à la Présidence
de la République , à l'Elysée et parfois à Rambouillet , au moment des grèves de l'E.D.F. ou
bien lors des grandes festivités. C'est ainsi que j'ai pu assister aux conférences de presse du
général De Gaulle. J'ai un souvenir précis de celle de « la paix des braves » . Mes lumières
ont accueilli Kroutchev , Eisenhower, la reine d'Angleterre et bien d'autres de moindre
envergure . Il y avait quelques avantages en nature adaptés à chaque niveau de la
hiérarchie: champagne, cigares et une petite enveloppe en fin d’année. Estimant que la
Présidence avait les moyens de se payer un groupe avec démarrage automatique j'ai voulu
faire des propositions d'installation . J'ai fait le tour complet de l'Elysée , caves et greniers
compris pour évaluer la charge et les conditions d'emploi; puis j'ai fait un projet chiffré que
j'ai remis , début 1960, au commandant de la garde , mon correspondant . Un jour de 1990
– donc vingt ans après -, je suis passé rue de Marigny, le long du mur des jardins élyséens .
Il y avait là deux groupes électrogènes sur roues et quelques soldats autour . La République
continue gaspiller ses sous !
Une expérience intéressante: Juge près le Tribunal des Forces Armées de Paris;
en fait il vaudrait mieux dire juré militaire , mais ce ne serait pas le titre exact . On siège
pendant 6 mois à raison d'une fois ou deux par semaine .Le Tribunal est composé d'un juge
civil, président de cour d'assise , de deux juges civils assesseurs et de six juges militaires
de différents grades .Tout ce beau monde est revêtu de ses plus beaux habits et fonctionne
comme une Cour d ' assises . C'était en 1959 .Nous avons jugé des insoumis, des
déserteurs, des Témoins de Jéhovah - accompagnés de leur ch ur de pleureuses -, des
collecteurs de fonds et des tueurs du F.L.N., des voleurs d'essence, des détourneurs de
caisse régimentaire et un officier S.S., d'origine alsacienne , chef de la Gestapo d ' Orléans .
L'histoire de ce dernier vaut la peine d'être racontée . Il était en fuite . Il avait été condamné
à mort par contumace . Il était devenu ministre des P.T.T. de la Guinée , pays alors dirigé
par Sékou Touré et en rupture avec la France . Il devait se rendre à une réunion de l'Union
Postale Internationale qui se tenait cette année là à Milan . Pris dans un très mauvais temps
son avion a dû faire escale à Grenoble où l'attendait la Police de l 'Air et des Frontières .
Contumace , il devait être rejugé , ce que nous avons fait . Même motifs, même peine ! Il
était défendu par Maître Vergès , un sacré bonhomme ,métis franco-vietnamien, très connu
pour ses opinions politiques communisantes .Il n'a pas hésité à nous dire , en nous nommant
individuellement , que nous étions désormais interdits de séjour en Guinée . Il faut oser le
faire !
La justice militaire n'est guère plus sévère ni expéditive que l 'autre . Les
militaires sont plus coulants que les juges pour les petites crapuleries , plus raides pour les
crimes .
En 1960 on me nomme enfin capitaine ! Capitaine de génie , Bien sûr ! On n’a
pas manqué de me la dire celle là .
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Hors de mes activités industrielles , je fais un stage d'échange au pair dans
l'armée anglaise . Une vingtaine de jours au 1st Training Engineer Regiment, à Coves près
de Farnborough, au Sud - ouest de Londres. J'en reviens très fier de mon armée française .
Ces Anglais claquent bien des talons , défilent remarquablement, mais ils manquent
totalement d'initiative, ils ignorent tout du système D (ce qui n’est pas dans le règlement ne
se fait pas ! ) . En plus ils sont affreusement snobs et paresseux .
Je me trouvais en Angleterre ,en avril 1960 lors du putsch des généraux d 'Alger
. Ce jour là , l'attaché d 'ambassade nous avait convoqués pour une séance d'évaluation de
notre stage . Venant de Coves, en arrivant à Londres j'ai été étonné du regard perplexe des
Londoniens voyant un militaire français se balader en tenue jusqu'au moment où j'ai lu les
gros titres des tabloïds : Coup in Algier. Dans les couloirs de l'Ambassade une foule
d'officiers de réserve venaient proposer leurs services pour faire quelque chose et une
dizaine d'officiers d'active stagiaires en tenue, plutôt neutres. L'attaché nous reçoit et nous
dit à dix heures du matin soit quatre heures après le démarrage du putsch : L'affaire est
terminée. Une nouvelle fois, la Marine a sauvé le Maréchal ! . Allusion évidente à l'attitude
des amiraux de 1940 à 1942. Il était donc très bien informé ! Il nous a demandé de rejoindre
nos régiments britanniques et de proclamer que tout allait bien. De retour à Coves j'ai donc
rendu compte au colonel, chef de corps. Puis j'ai été happé par les officiers . John , qu'allez
vous faire maintenant? Ils ont été très étonnés que je leur dise que je restais avec eux . Je
leur ai également raconté que j'avais demandé à la B.B.C. de passer un message aux
Français mais que n'étant pas Charlie on m'avait refusé ce droit . Les Anglais adorent
l'humour ! J'ai dû leur expliquer qu'en France on ne prêtait pas serment au Président . Nous
ne signons qu'un simple contrat de travail devant un Intendant militaire . Le reste , c'est
notre éthique professionnelle qui vaut bien celle des sujets de sa très gracieuse Majesté. Les
vieux, ceux qui avaient pratiqué la Birmanie , le Pendjab , l'Assam m'ont dit qu'ils
comprenaient le coup de sang des militaires d'Algérie . J'ai été une vedette bien involontaire
pendant le reste de mon séjour.
Je n'ai donc été affecté en Algérie qu'après le putsch des généraux . Avant mon
départ en Angleterre , il y avait eu des signes prémonitoires à cet évènement .
-Une grande réunion pour tous les officiers de la 1ère Région Militaire , à Versailles . Le
Chef d'état-major de l 'Armée de Terre nous y avait mis en garde. Vous avez vos
opinions . Gardez les et obéissez au gouvernement légal . Sinon....
-Une activité extraordinaire de la Sécurité militaire, à propos de tout et de rien . Ils étaient
sans cesse dans nos unités , dans les ateliers à poser des questions . Ils visaient sans le
dire l'O.A.S. et ne s'occupaient pas des musulmans qui faisaient leur service militaire
chez nous . Par contre, pour nous , le vrai problème c'étaient ces Algériens.
- Une activité foisonnante de l' O.A.S.: tracts, affiches à proximité des casernes , les
coups de klaxons Algérie française ( ti ti ti ta ta ) et , bien sûr ,ce que je n'ai pas vu à l’
époque
Là dessus je suis parti en Algérie. Avant mon départ, le père de ma femme
meurt .Pas question d’aller sur sa tombe . Second drame familial.
Pour moi , l'expérience indochinoise , dont j'avais beaucoup souffert , m'avait
convaincu . La France ne resterait pas plus en Algérie qu'elle ne l'avait fait au Viêt-nam .
J'étais sans illusion . Comme je n'ai jamais aimé amener mon drapeau je n'appréciais pas
de Gaulle . Avez vous vu les larmes du gouverneur de Hong - Kong au moment de la
descente de l ' Union Jack? Il était pourtant prévenu depuis 99 ans ! Et moi , en écrivant
cela j'en suis tout ému pour lui . Mais de là à faire un coup d'état , il y a un monde . Je n'ai
compris le gros bon sens du Grand Charles que lorsque l'immigration algérienne a envahi la
France , avec les rapprochements familiaux , en 1974 , sous Giscard . L 'Algérie Française
était une folie !
Tout va ainsi jusqu'à ma mutation à la 972 ème Compagnie d'électromécaniciens à El Ma El Abiod au sud de Tébessa en Algérie .
Ma famille restera à Bondy. El Ma el Abiod est dans le bled, il est régulièrement
soumis à des harcèlements par des tirs de mortiers ou d’artillerie. Il n’est pas question d’y
12
emmener les siens. Il m’est même arrivé de penser qu’en cas de malheur il valait mieux que
ma femme soit auprès de mon père.
L'Algérie
Je rejoint ma compagnie le 17 juillet 1961 et j'en prends le commandement
quinze jours plus tard . J'ai la charge d'électrifier les 180 km du barrage électrifié les plus au
Sud , côté tunisien . Ma compagnie compte 12 officiers , 60 sous - officiers et 180 sapeurs
tous Français , c'est plus sûr . Elle est répartie en 15 postes électriques et une portion
centrale sise à El Ma El Abiod où j'ai mes services techniques, mon administration et ma
section de commandement. Elle forme corps, j'en suis donc seul responsable. Pas de chef
de corps au-dessus de moi.
Nul en électricité sur les bancs des Facultés et des Ecoles du Génie qu'elles
soient d'application ou supérieure , cette affectation ne me gênait pas . Au fond il me fallait
savoir peu de choses:
-le courant électrique tue , même en 220/380 Volts pour peu qu'il pleuve .
-la loi d'Ohm U = RI , celle de Kirchoff: 1/R = Σ 1/r ,
-évaluer la distance l d'un retour , c'est à dire d'une coupure faite par les fellaghas ,
en fonction de la résistivité ρ et de la section s des barbelés: R = ρl/s
Moyennant ces 3 formules , 7 ou 8 ingénieurs centraliens ou I.C.A.M. et de 20 sous-officiers
réellement électriciens on arrive à s'en tirer fort convenablement.
Le barrage est un obstacle continu qui part de la mer et va jusqu'au Sahara, à
quelques kilomètres des grands chotts . Il est composé d'une haie électrifiée , sous haute
tension , longée par une piste routière pour assurer son entretien et bordée des deux côtés
par des réseaux de fils de fer barbelé et des champs de mines antipersonnel . Il faut ajouter
à ce système défensif quelques radars d'artillerie pour la recherche à distance , des
projecteurs sur des points très délicats et des patrouilles aériennes. Mes postes sont chargés
d'électrifier la haie et d'alerter les commandements locaux sur les incidents qui y surviennent
pour que cavaliers et artilleurs traitent les éléments ennemis qui chercheraient à franchir cet
obstacle .En fait sous mon règne l'ennemi ne s'y est pas risqué . Par contre il venait
régulièrement nous harceler . Quelques coups de canon de 75 mm sans recul, une trentaine
de coups de mortier de 81 mm ou de 106 mm, une coupure sur la haie électrifiée, deux ou
trois mines antichar sur la piste , et au revoir ! La fuite éperdue accompagnée par notre
artillerie. Nous étions tenus en haleine.
L'eau nous était apportée par camion-citerne de l'Intendance et stockée dans
des réservoirs métalliques montés sur échafaudages métalliques au dessus des salles de
douches et de lavabos . En tant que commandant de compagnie , seigneur et maître , j'avais
une installation personnelle jusqu'au soir où les artilleurs d'en face eurent un coup heureux .
Un obus de 75 mm sans recul a pulvérisé mon réservoir inondant mon lit , ma chambre ,
mon bureau et me privant de l'eau courante Je suis sympa mais je ne pouvais laisser passer
cet affront qui prouvait par ailleurs que ces messieurs devenaient de plus en plus efficaces .
Je les ai fait payer. Nous avons monté un piège de mon invention , installé dans un oued par
où ils passaient régulièrement pour venir se mettre en batterie : des mines bondissantes
commandées par un système électrique . Ce soir là , nous avons vu une grande lueur dans
le lointain , le bruit d'une explosion , mais nous n'avons pas été harcelés . Ils avaient eu 18
morts.
Un coup malheureux sur mon poste de transmission m'a conduit à enterrer ma
Compagnie dans des abris . Je me suis fait moquer de moi mais j'ai eu raison. Je n'ai eu que
deux blessés , deux fiers à bras qui n'avaient pas voulu descendre dans leurs abris après
une alerte . En creusant ces trous nous avons trouvé de magnifiques bifaces paléolithiques .
Je l'ignorais , mais nous étions installés sur un site archéologique bien connu . Il faut ajouter
que la région comptait de nombreux autres sites mais néolithiques, des escargotières
remplies d'outils très variés. Comme je passais pas mal de temps à les visiter , mes sousofficiers disaient que je cherchais les pierres des Gaulois . Je fouillais aussi les très
nombreux sites romains et byzantins de mon domaine .
13
Le commandement craignait plus le vol des armes et munitions par l'O.A.S. que
par le F.L.N. . Mon voisin , un brillant capitaine de chasseurs d'Afrique , promis à un très bel
avenir , s'est retrouvé civil , à la rue, en trois jours pour s'être fait voler deux mitrailleuses.
Un jour de gros orage, une de mes équipes a été prise dans un oued en crue ultra-rapide, le
mur d'eau . Leur jeep a été retournée et eux avec . Ils ont perdu un pistolet-mitrailleur mais
l'un d'eux a réussi à sauver son appareil de photo . Le colonel , commandant du secteur ,
m'a reproché le sauvetage d’un objet personnel et la perte du P.M. J'ai du utiliser 20
sapeurs équipés de détecteurs de mines pour retrouver l'arme à 500 m du lieu de l'accident ,
après quatre jours de recherche .Je craignais beaucoup pour la suite de ma carrière . Même
ma femme a porté des fleurs à l'autel de la Vierge à l'église de Bondy pour m'aider à régler
le problème.
.
Tout cela a duré jusqu'aux accords d'Evian , y compris les harcèlements. Ils sont
venus vider leurs caissons le dernier soir, par un temps épouvantable ! Nous avons
maintenu le barrage pendant trois mois encore . Ce fut une période assez particulière .
Notre système de protection disparaissait très vite . Régiments blindés de Chasseurs
d’Afrique , artilleurs de 155 mm puis de 105 , bataillons du Génie de combat , même les
légionnaires nous abandonnèrent pour aller se dissoudre en France . Il ne restait plus que
nous qui faisions passer le courant dans notre réseau. Outre notre activité
d’électromécaniciens nous devions désherber le barrage , le nettoyer, entretenir au mieux
les pistes. Pour que cela se fasse on a grossi ma compagnie jusqu'à 420 personnes sans
me renforcer en cadres. Tout ce monde il fallait le nourrir , l’ administrer ,le loger et surtout
lui trouver du travail. Une troupe inoccupée ne peut faire que des bêtises ! Période pénible
pour le commandant de la compagnie . Pas beaucoup plus de travail qu’avant, mais que de
soucis !
Puis il a fallu ouvrir barrage , laisser passer l'Armée de Libération Nationale et
même la recevoir . Lorsqu’on a coupé le courant et ouvert les portes j’ai été visiter mes
postes pour voir si tout allait bien. En un seul point j’ai trouvé un bataillon algérien qui voulait
occuper nos installations . J’ai fait la palabre avec leur chef pour lui expliquer que ce n’était
pas prévu et finalement ces Messieurs sont partis pour Tébessa . Là , j’ai voulu aller voir
l’ambiance. C’était la liesse populaire ! You–yous des femmes , applaudissements des
hommes , drapeaux blanc et vert . Une jeep avec 4 hommes et une mitrailleuse dans cette
foule dense, je ne me suis pas senti en sécurité et je me suis esquivé .Le surlendemain j’ai
été à Constantine auprès de notre Etat-major de Corps d’Armée pour avoir des
éclaircissements sur notre sort. En sortant de Tébessa j’ai rattrapé un convoi de l’ALN et je
l’ai suivi mais à l’entrée d’Aîn Beida leurs motards m’ont demandé de passer devant . J’ai
donc traversé cette ville au milieu de la liesse populaire avec les mêmes symptômes que
l’avant veille au soir . Heureusement j’étais en camionnette 2 CV , donc pas trop provocant.
Avant notre départ vers la France j’ai eu quelques contacts avec des cadres de
l’ALN .Je les ai approvisionnés en eau - aux franges du Sahara on se doit ça -mais j'ai
refusé de les éclairer et de leur donner de la literie . Ce n'était pas prévu dans mes ordres et
j'aurais eu de grosses difficultés avec ma troupe. Le jour de mon départ j’ai fait brûler
matelas et couvertures , en gros 400 de chaque , mais je n’ai admis aucune destruction dans
les bâtiments ; j’ai même exigé qu’on les laisse propres . Cela m’a valu quelques réflexions
désagréables de la part de mes sous-officiers mais il faut savoir se tenir devant l’ennemi.
Vers le 1er août 1962 j'ai ramené ma compagnie en France au camp de
Sissones pour la dissoudre . Ce fut bâclé et achevé dans la tristesse générale le 14 août .Je
suis retourné en Algérie , à Constantine , dans un Etat-major où nous ne brassions plus que
du vent . Une seule mission en un mois : reconnaître la statue de Mgr La Vigerie, à Biskra ,
en vue de préparer son démontage et son envoi en Métropole . J'ai quitté définitivement ce
pays le 20 octobre 1962 sans une larme .
14
.
En France, fonctionnaire
A partir de cette date commence une phase toute nouvelle de ma carrière: Je
deviens un fonctionnaire ! La Direction Centrale du Génie souhaite informatiser ses
procédures de travail et, ce, sans demander l'aide des organismes spécialisés du Ministère .
J'ai été choisi pour faire partie de l'équipe d'organisateurs-maison .J'ai donc suivi les cours
de l'Institut des Etudes Supérieures des Techniques d 'Organisation au Conservatoire des
Arts et Métiers à Paris . J'ai fait ensuite un stage d'informatique au Service
mécanographique de l' Armée de Terre; puis j 'ai été intégré à la Section Organisation et
Méthodes de la Direction Centrale du Génie à Versailles dans la caserne des Récollets à
proximité immédiate du château.
Notre première mission est l'informatisation de la gestion des rechanges des
engins du Génie stockés à Moulins . Le problème est simple et classique . Il nous met en
jambe pour la suite . L'application doit être mise sur un ordinateur IBM 1410, un matériel qui
est actuellement totalement. obsolète, moins puissant que celui sur le quel je tape en ce
moment .Mais à l'époque nous sommes de vrais pionniers . Seconde mission , pendant que
les autres membres de la Section s'occupent d'automatiser la comptabilité du Service des
Travaux du Génie et de ses procédures de passation des marchés , je traite la gestion du
Domaine militaire en liaison avec la Direction des Impôts que cela intéresse pour une
généralisation à l'ensemble du domaine de l'Etat . L'analyse de cette application est
particulièrement complexe et délicate . J' aurai un troisième chantier: la gestion automatisée
des personnels Sous - Officiers du Génie où j'aurai le culot de faire préparer leur
avancement par un ordinateur .Heureusement , ils ne sont pas syndiqués . Je suis devenu
un spécialiste connu. Le directeur du Service du Matériel me demande de venir le voir , il
veut me recruter mais j'en ai assez de ce métier . Je ne suis plus un soldat . Rien de ce que
je fais n'est vraiment militaire.
Sur une période aussi longue j'ai enfin pris un quatrième galon . Me voilà enfin
officier supérieur en avril 1967 . Enfin! Avant, j'ai eu , en 1964, une petite fille: Hélène
.Maintenant je gère cinq enfants . Je tente aussi de bien les éduquer, ce n'est pas toujours
facile !
J'effectue un stage de logistique à Metz , au CIEL , le centre interarmes d'études
logistiques , pour me rappeler que je suis encore militaire. Jamais je n'ai autant détesté un
stage. On a voulu me faire apprendre par c ur le nombre d'ambulances et de lits dans un
hôpital de campagne , le nombre de litres d'essence détenus par une Compagnie du service
des essences et autres fadaises . En outre on nous a fait faire des exercices de contrôle
surveillés comme s'il s'agissait d'un examen officiel . L' angelot est revenu dégoutté du Ciel .
Le diplôme de I' I.E.S.T.O. est l'un des titres qui permettent moyennant un stage
de quelques mois à l'Ecole de guerre d'obtenir le Brevet Technique . J'ai donc fait la
demande pour ce brevet . Comme lorsque j'ai demandé à préparer l'Ecole de guerre on m'a
gentiment mais fermement dit non. Je crois que c'est à cause de ma femme , car dans la
suite j'ai toujours eu une affectation où l'on avait prévu un breveté , mais sans relation avec
l'extérieur. On ne fait pas ce métier pour gagner de l'argent , je me suis tu , mais je n'ai pas
apprécié.
Là bas , dans le Sud-Est asiatique la guerre continue . Dinh a été appelé .Il est
dans les commandos , c’est une Panthère noire , un soldat d’élite de l’armée sudvietnamienne. Pour les fêtes du Têt 1968 Il obtient une permission pour aller à Go Vap voir
son grand-père. Les Viet-Congs déclanchent la grande offensive du Têt; ils s’emparent de la
moitié de Saîgon , dans la bataille Dinh est tué chez lui. Troisième drame familial .Cette
guerre me poursuit ! Je comprend et je pardonne les sautes d’humeur de ma Thi Sao .
15
En 1969 à l'occasion d'un stage chez un fabricant d'ordinateurs , j'ai retrouvé un
camarade de ma promotion de Saint-Cyr qui est devenu contrôleur d'armée .Un sacré grade
et une sacrée fonction! Il est au Centre de Prospective et d ' Evaluations , la partie technique
et stratégique du Cabinet du ministre, Mr Messmer . Il s'occupe de la planification , de la
programmation et de la préparation du budget, méthode connue aux Etats - Unis sous le
nom de Planing-Programming -Budgeting System imposée au Department of the Defence
par Mac Namara . Il cherche un officier supérieur de l'armée de terre , informaticien et
angliciste . A part mon niveau que je trouve un peu faible pour cette aventure , je réponds
aux critères . Eh bien , me voilà!
Je suis embauché quelques jours plus tard par l'Ingénieur en Chef de l'Armement
de l'Etoile . Nous sommes une équipe de douze officiers de la Marine , de l ' Armée de l ' Air
, de l ' Armée de Terre, et de la Gendarmerie ,moitié administratifs, moitié opérationnels .
Nous sommes chargés de mettre au point un système permettant de donner aux décideurs
politiques et stratégiques les moyens de faire des choix dans les programmes militaires
tenant compte de leurs coûts , de leur efficacité , de leur cohérence réciproque et des
options stratégiques .C'est une affaire toute simple dans l'énoncé des objectifs et
extrêmement complexe dans la réalisation parce que considérant la défense comme un tout
, ignorant totalement l'esprit de bouton qui règne dans les Armées , touchant les politiques
budgétaire et financière et s'affranchissant du rythme annuel des budgets . Nous arrivons à
participer à la rédaction du Livre Blanc de 1971 et à la Loi de Programmation de 1972, et
nous transformons le budget de 1972 selon nos critères . Cela n'ira pas plus loin! Les
politiques ne veulent absolument pas que l'on rationalise leurs choix . Ils veulent pouvoir
continuer à utiliser le budget de la Défense comme une tirelire pour boucher les trous des
autres ministères .Pour mémoire j'aurai servi deux ministres: Messmer et Debré , le bien
surnommé Michou la colère.
Nous sommes allés nous informer pour les uns aux U.S.A., pour les autres , dont
moi-même, en Suède . J'y ai été avec le futur amiral Lacoste qui sera chef de la D.G.S.E.,
celui de l'affaire du Rainbow Warrior ( ce fameux bateau de Green Peace coulé dans le port
de Auckland en Nouvelle Zélande par des espions français ) .
Tout cela ne manque pas d'intérêt mais j'avoue avoir surestimé mes moyens . Je
me lasse à essayer de faire admettre mes méthodes . Le bout du chantier n'est pas en vue
mais je me décide à quitter le C.P.E. .
Retour dans la troupe: Strasbourg
A compter du 1er septembre 1972 , je suis affecté à Strasbourg . Nous
déménageons de notre 9ème étage de Bondy pour nous installer dans une appartement
situé en pleine ville , à l'entrée de la Petite France , au bord de l'Ill .L'appartement est grand
.Je pense que mes enfants ne perdront rien à ce changement. Nous arrivons le 23 juillet
1972
Le 1er régiment du Génie dont je vais être le chef des Services Techniques est
un régiment de pontonniers. Sa mission : assurer les franchissements du Rhin entre Kembs
et Lauterbourg. Il est composé de deux compagnies de pontage , l'une de trente engins
Gillois , l'autre de matériel de pont U.S. M4 (200 m) , de trois compagnies de combat, sans
engin blindé, d'une compagnie d'instruction , sans aucun intérêt pour moi, d'une compagnie
de commandement et des services qui compte outre le service des ateliers , une section de
20 vedettes de poussage F1 et une section de plongeurs de combat . Cela fait beaucoup de
matériels .Tout cela est réparti en deux casernements l'un à Neudorf , un faubourg sud de
Strasbourg, l'autre à Illkirch et dans le fort Hoche au bord du Rhin .Pour compléter , ajoutez
un camp en forêt de Haguenau , à Neubourg , où nous avons un centre mobilisateur assez
important , les gardiennages de deux ponts alertés -des ponts Bailey sur pontons -à
Markolsheim et Gambsheim , des dépôts de fil de fer barbelés , environ 1000 tonnes , et un
dépôt de ponts Bailey à Belfort .Comme chef des services techniques je dois vérifier tout le
matériel du Régiment tous les deux ans .J'ai également à me préoccuper des comptabilités
des munitions , des carburants , des matériels d'optique , de guerre chimique et nucléaire ,
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etc... Je suis aidé par une forte équipe spécialisée, par des ateliers et par l'établissement du
Matériel de Gresswiller . Avec mes tâches propres , je n'ai pas le temps de m'ennuyer . Je
tiens en plus à faire les man uvres du Régiment , que ce soit sur le Rhin - nous couvrons
toute l'Alsace - ou en Camp , à Bitche .Je vais visiter tous les chantiers de travaux au profit
des unités des autres armes ou des municipalités alsaciennes qui aiment bien nous faire
travailler . Je navigue des jours et des nuits sur le Rhin . Bref j'estime que mon devoir est d '
être là où les matériels s'usent et se cassent.
Je me dois également de connaître à fond le secteur où mes unités vont agir et
je sillonne l'Alsace dans tous les sens, en ajoutant à cette note guerrière la note touristique .
Des difficultés d'ordre comptable me rendent malade . J'ai égaré 110 tonnes de
barbelés à Markolsheim . J'aurai beaucoup de difficultés à trouver la solution . Une véritable
enquête de police va me promener dans toute l'Alsace , à Metz , à Sarrebourg et même à
Paris . Elle met en cause un comptable-matières de l'Etablissement du Matériel de
Sarrebourg et un marchand de ferraille juif , déjà poursuivi pour vol et escroquerie , réfugié
en Israël où il est devenu député à la Knesset . Après avoir mis à plat toute la filière , je
confie mon dossier à la Gendarmerie et je porte plainte . Mais je dois entrer à l'hôpital,
j'atteins 22 de tension artérielle .
.
On m'a nommé lieutenant – colonel ; comme je ne peux pas être d'un rang égal
au nouveau chef de corps qui lui est, en plus , breveté , je dois m'en aller . Je suis affecté à
l'Ecole d'Application du Génie à Angers . Nous partons pour Angers le 23 Juillet 1974 , soit
deux ans jour pour jour après notre arrivée à Strasbourg . J'ai beaucoup de peine . Rien à
faire , il faut obéir! Avant de partir, je vais noyer mon képi de commandant dans le Rhin.
Angers 2
J'installe ma famille en ville , dans un appartement . C'est le moment où les
enfants commencent à nous quitter . L'aîné, Hieu , rejoint à Lille son école d'ingénieur; le
numéro trois , Philippe, part en apprentissage chez les Compagnons du tour de France, à
Bordeaux . L'année suivante , le numéro deux , Thao , ira en Institut Universitaire de
Technologie à Saint-Nazaire et l ' aînée des filles, Agnès, qui a laissé son c ur à
Strasbourg, ira y tenter sa chance en faculté de médecine . En 1980 quand nous quitterons
Angers il ne nous restera plus qu'une fille lycéenne, Hélène , à la maison.
A l ' E.A.G. , je serai chef du Bureau Etudes et Recherches .Mon employeur est
le général inspecteur du Génie . C'est lui qui fixe mes missions . L 'école m'administre, m '
héberge et me prête ses moyens , hommes ou matériels . J'ai un programme d 'études à
fournir , par exemple: mise en uvre du Génie dans les conditions climatiques extrêmes,
franchissement d'un grand fleuve par temps de brouillard -mon expérience rhénane sera
précieuse -, emploi des générateurs de fumée au combat, etc..Je suis également chargé de
réviser les règlements du Génie et quelques règlements toutes armes .Je dispose pour cela
d'un groupe d'officiers supérieurs en service dans toute la France et en Allemagne que je
réunis à Paris périodiquement .Nous réécrivons les règlements de franchissement, de
navigation et de pontage , d'explosifs , de manoeuvres de force (un livre qui aura un grand
succès auprès des ingénieurs élèves officiers de réserve , il se vendra, comme des petits
pains ), de mise en uvre des engins de pose de mines , de lance-flammes, etc. A chaque
fois ce sont des nouvelles lois sur la sécurité ou des textes officiels d 'autres ministères qui
nous imposent la réédition de nos propres règlements . Dans le cas où des matériels
nouveaux sont apparus , il faut nous livrer à des expérimentations pour préciser les
méthodes pour les mettre en uvre.
Je fais aussi partie de groupes de travail où je suis simple consultant ou
rédacteur . Il s'agit de préparer les caractéristiques de matériels en cours de définition ou de
développement . J'ai même participé à un groupe de travail prospectif sur les matériels de
pontage avec les ingénieurs de l'Armement . Il n'en sortira que du vent !
Et puis j'ai aussi mes manies . Je me suis mis en tête de modifier notre façon de
considérer les mines . Pour moi , il faut que nos élèves soient instruits sur le plus grand
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nombre possible de mines , pas seulement les nôtres , qu'ils sachent au moins les détecter ,
les reconnaître et , mieux ,éventuellement les neutraliser . Ce sera un succès . En 1979, je
publierai le premier nouveau document sur le sujet depuis les années 50 .Et ce ne sera
qu'un début , actuellement , sur cette lancée , l ' E.A.G. forme des démineurs que l'on trouve
à l' uvre dans le monde entier. Mais on ignore maintenant que c’est le colonel Verly qui a
relancé l’étude des mines dans le Génie français . Ce n’est pas grave ! On trouvera bien un
général inspecteur du génie pour s’ attribuer ce mérite .On est toujours récompensé dans la
personne de ses chefs
Autre dada. Lorsqu'au 9ème bataillon du Génie , en 1952 ,nous devions rejoindre
nos zones de déploiement initial nos différents lots de matériels en caisse occupaient tout le
volume de nos half-tracks et ils étaient protégés par le blindage . Quant aux hommes ils
étaient assis à l'extérieur, en équilibre instable et à la merci de toutes les ferrailles du champ
de bataille . Idiot ! J'ai réussi à faire admettre que les caisses ne devaient servir qu'au
stockage et qu'il fallait que chaque chef de section ou chef de groupe - notre clientèle à l '
E.A.G.- connaisse l'ensemble des multiples moyens dont il dispose et la façon de les
ranger, au mieux, dans les coffres de ses véhicules de l'avant blindés ou de ses engins
blindés du génie . Cela pourrait passer pour une évidence, mais c'est sur des problèmes
simples que l'on butte le plus souvent !
Je me préoccupe également d'apprendre les méthodes et les moyens des
sapeurs des armées étrangères par la documentation ouverte , par mes relations avec les
officiers de liaison étrangers dans nos écoles , par des man uvres O.T.A.N. ,etc. ..
A l 'E.A.G., plus qu ' à Strasbourg , j ' ai pu faire du sport . Chaque semaine
j'allais à la piscine une ou deux fois, pour nager pas moins du kilomètre à chaque fois .; et
tous les mercredi une marche de quinze kilomètres . Passé la cinquantaine , cela entretient
son homme!
Je me plais à ce travail très varié et plus ou moins solitaire . En 1979 au
moment de la présentation des proposables au grade supérieur , le général directeur du
Génie me dit que je serai nommé au grade supérieur , colonel , et qu'il compte me garder
quand même car je suis devenu la mémoire du Génie . Huit jours plus tard , l'inspecteur du
Génie , une étoile de plus , prend une décision opposée . On n'a pas toujours été gentil avec
vous . Pour votre fin de carrière vous allez voyager . Vous connaîtrez la Polynésie . Je suis
effectivement muté à la Direction des Centres d'Expérimentations Nucléaires ( DirCEN ) à
Villacoublay pour rejoindre en septembre 1980.
La Polynésie
Je me loge à Versailles , à 4 km de mon travail . Nous n'avons plus qu’Hélène
avec nous; un petit appartement suffira . Je vais à Villacoublay en car, j'en reviens le plus
souvent à pied par les bois .
Je suis Adjoint-Matériels du général directeur tes Travaux et Services ( D.T.S.)
de la Direction des Centres d 'expérimentations nucléaires . Ce dernier organisme
comprend en France un état-major , une direction des Services , un service logistique. En
Polynésie , c'est une grosse affaire de 8 000 personnes civils du Commissariat à l 'Energie
Atomique et militaires , Métropolitains et Polynésiens confondus . A Tahiti, un état-major et
des services dont une direction de travaux du Génie , un établissement du Matériel et une
base de transit qui seront mes correspondants sur place . A 1500 km de là , le groupe des
atolls de Mururoa et Fangataufa (ce dernier est vide) . Il y a là 3 500 personnes , groupés
dans une base interarmées ,à faire vivre et travailler .Je ne m'occupe pas de leurs activités
strictement nucléaires, mais de tout le reste . A 800 km de cette île , un autre atoll, une
autre base interarmées à prédominance Air de 400 personnes; c'est Hao ,une piste aérienne
susceptible d'accueillir tous les types d'avions y compris les navettes de la NASA . . C'est
sur cette île que stationneront les faux Suisses , les époux Turenge , lorsqu'ils seront sortis
des geôles néo-zélandaises . Un séjour paradisiaque . Chaque état-major, chaque base est
bicéphale: un officier flanqué à rang égal d'un ingénieur de la Direction des Applications
Militaires (D.E.A.) du Commissariat à l ' Energie Atomique ( C.E.A.) .
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Mon rôle est grosso-modo celui d'un directeur central des services du Matériel et
de l' Intendance réunis. Je dois approvisionner tout ce monde en matériels automobile de
tous les niveaux de la bicyclette aux autocars de transport en commun en passant par toute
la gamme des camions . Je leur dois aussi les engins de construction et de travaux publics:
bétonnières de toutes dimensions , bulldozers, niveleuses , concasseurs , tracto-pelles , etc.;
il leur faut également des engins de manutention de tous poils: des grues , des chariots
élévateurs , des porte-conteneurs portuaires , etc. Parallèlement je dois leur fournir ce qui
permet de vivre: les moyens de l'hôtellerie ,du mobilier adapté à leur niveau hiérarchique du
lit à la petite cuillère, des ballons de recherche météorologique à la morgue multiplace en
acier chromé et même des carburants que mon équipe fait mettre en place en Polynésie , à
Montréal , Los Angeles et en Guadeloupe pour nos transports un peu curieux. Par contre les
marins ,qui ne sont pas idiots , ont gardé l'approvisionnement en nourriture . Que ce soit à
Tahiti , à Muruoa ou à Hao et même à Villacoublay nous mangions donc comme des rois et
les vins étaient de première qualité.
Le sommet alpestre de Mururoa est à 2,50 m au dessus du niveau de la mer; ce
qui veut dire que l'atoll baigne dans les embruns . En un an la tôlerie d'un camion est
transformée en dentelle, le châssis d'une Méhari est complètement rongé et plie au moindre
nid de poule , les sécurités électriques d'une grue sont anéanties , vous voyez d'ici les
manifestations du Syndicat des Travailleurs Polynésiens. Le corail , l'élément constitutif de
l'atoll , qui par extraction et concassage nous fournit le sable et les graviers aux bonnes
granulométries pour nos bétons , est un abrasif remarquable surtout qu'il est mêlé à l'eau de
mer. Il transforme les pelles des bulldozers en lames Gillette , trous compris; il mange en un
mois les meilleurs outils de nos engins de forage; il détruit les mâchoires pourtant
puissantes de nos concasseurs . Véhicules et engins ne cessent de tomber en panne .
L'activité des approvisionneurs en rechange est incessante! Pour faire tout cela j'ai une forte
équipe: 2 officiers supérieurs , 6 subalternes , une vingtaine de sous-officiers et autant de
civils .Je dois également avoir dans les entreprises des correspondants technicocommerciaux bien avertis de nos besoins et surtout de nos urgences. C'est que je dois
veiller à ce que le C.E.P. ne manque de rien .
.Les demandes se font par messages radio , généralement urgents; les
commandes aux entreprises par téléphone ou par téléscripteurs; les expéditions par avion .
On a vu des avions partir vers la Polynésie chargés de sac de ciment ! Les coûts ont peu
d'importance. Ce qui compte ,c'est que jamais, au grand jamais , Mururoa ne doit faire appel
en vain à la D.T.S. Tout et tout de suite !
Pour y parvenir je mettrai en place un système de gestion automatisée
des rechanges et des potentiels des véhicules et engins à Villacoublay, à Papeete et à
Mururoa . Trouver un fournisseur d'ordinateurs susceptible de travailler sur ces trois points
là bas en Polynésie n'a pas été chose facile .Seul un Chinois de Tahiti , correspondant de la
société Inter-Technique a pu m'aider à monter cette affaire .
Deux types de voyages pour remplir ma mission . En Métropole , je vais chez
les fournisseurs pour visiter leurs installations - cela figure au code des marchés publics -,
pour voir les nouveaux matériels , ou pour leurs recettes . En Polynésie, je vais évaluer les
besoins et vérifier la bonne utilisation de ce que j'ai envoyé . J'irai huit fois en près de trois
ans , des séjours de trois semaines y compris les voyages par avions , 24 heures à l'aller
comme au retour . Sur place , les déplacements entre Tahiti et les atolls se font également
par avion , à Mururoa en hélicoptère .Il ne faut pas négliger l'aspect touristique de tous ces
voyages . Hao et Mururoa sont des sites épatants pour la plongée sous-marine et pour la
voile . Tahiti est toujours un enchantement et , là aussi , il y a la mer. Des sorties dans une
île magnifique: Moorea. Par moment c'est le Club Méditerranée !
Ce n'est plus un secret , dans les années 60 une extrémité de Mururoa a été
contaminée par une explosion thermonucléaire atmosphérique foireuse . Pour limiter la
diffusion des radionucléides sur le reste de l'atoll par l'action des marées ou des tempêtes ,
après l'avoir nettoyée au maximum , on a confiné la zone contaminée sous une dalle de
béton ancrée profondément dans le corail du platier .Il a fallu utiliser des engins de forage ,
des bétonnières , des compresseurs , des bulldozers , ... tous engins condamnés , une fois
contaminés , à rester rouiller sur place . Fallait-il utiliser des engins tous neufs pour éviter les
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réparations sur place ou des matériels très usagés à ne plus réparer? A moi de faire le choix
. J'ai donc été voir sur place . La zone contaminée était close par une haie grillagée . Elle
était placée sous la surveillance du Service mixte de surveillance radiologique . Pour y
pénétrer il fallait passer par une baraque où l'on nous a mis entièrement nus et où l'on nous
a rhabillés complètement;: slip, maillot de corps , chaussettes , combinaison en plastique ,
masque à gaz , casque , bottes, gants blancs en filoselle surmontés de gants en caoutchouc;
gants , casque , masque et bottes scotchés pour que pas un souffle d'air ne puisse passer .
On nous a fixer un compteur Geiger sur la poitrine et donner 2 heures pour remplir notre
mission . Par 35°C, ainsi vêtu, tout travail , même contemplatif , est épuisant . Au retour
déshabillage progressif par une équipe de martiens - on ne touche à rien! - douche avec
utilisation d'un savon spécial - sous surveillance - et pour finir avant de revêtir nos uniformes
recueil de nos urines aux fins d'analyse . Tout ce cérémonial probablement excessif venait à
n'en pas douter du Comité d'Hygiène et de Sécurité du C.E.A. dominé par F.O. pour les
Métropolitains et par le Syndicat des Travailleurs Polynésiens pour les Tahitiens .
Après cela , les images télé de Tchernobyl étaient surréalistes . Voir ces
pauvres types se démener dans une centrale à c ur éclaté avec un masque en papier tenu
par un élastique , à 5 Fcs pièce chez Castorama , il y avait de quoi frémir . J'ai compris dès
ce jour là que les Soviétiques étaient incapables de mener une campagne nucléaire . Ils n'en
maîtrisaient pas du tout la technique et n'en avaient pas les moyens de protection
indispensables . Nous nous étions fait blouser par des menteurs . La désinformation
soviétique a été efficace .
C'est en menant cette vie active que je suis arrivé au terme de mon parcours
militaire . Une dernière prise d'armes au cours de laquelle on me décore de la rosette de
l'ordre du Mérite , devant des légionnaires. Dernière fierté! Le retour en France , la retraite
est là et le 27 août 1983, ayant atteint la limite d'âge de 58 ans je dois partir . Avant de partir
en retraite j’enterrerai mon père .
En retraite
Et maintenant , après bien des années de retraite que dire? Les débuts de ma
nouvelle vie m'ont paru pénibles: plus de responsabilité , plus d'activité , une autorité
permanente sur mon dos , qui ne me pardonne pas de l'avoir trop souvent abandonnée avec
nos enfants pour mon métier et veut me garder à sa botte . Dur !
Ensuite viennent les pannes mécaniques du bonhomme , ses pannes du
système hydraulique .Le c ur qui ne va pas bien , le pancréas qui n’en peut plus et vous
colle le diabète . L’hypertension artérielle qui ne cesse de monter ; les ulcères aux jambes .
Il faut se ranger . Que faire? J'ai choisi l'étude: la cosmologie . Il m'a fallu revoir mes cours
de math. et de physique de faculté ,étendre mes connaissances: algèbre linéaire , algèbre
vectorielle, calcul matriciel, relativité restreinte et , cerise sur le gâteau, relativité
généralisée, physique quantique , astrophysique , etc..
Mais j'ai dû renoncer aussi à ces choses amusantes qui nécessitent un minimum
de mémoire. J'en suis réduit à lire des ouvrages de géopolitique ou de géostratégie pour
garder mes neurones en état .Une occupation , je deviens le rédacteur en chef – chef par
antiphrase - d’un bulletin départemental de la Société d’entraide des membres de la Légion
d’honneur. Je trouve quelques sujets intéressants : un ordre de chevalerie créé par le Roi
René , la vie de Robert d’Arbrissel , le fondateur de Fontevrault , etc . Cela prend du temps
et exige un travail intellectuel . Je ne m’ennuies pas et l'important n'est-il pas de tuer le
temps avant que celui-ci ne nous tue.
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Notes complémentaires
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Religion
-Catholique , mais ni bigot ni mariolâtre.
Ni traditionaliste , ni intégriste
Notre Pape n’a pas à nous enseigner comment mettre des capotes anglaises pour éviter
le Sida ni à nous expliquer comment nous débarrasser d'une progéniture inattendue! ! C
'est une autorité morale , la seule sérieuse à notre époque.
Politique
-A droite.
-Libéral , l'état doit assumer ses fonctions et rien que cela .
-Certainement pas chiraquien (en démocratie , on ne vote pas pour le meilleur, mais pour
ce qu'il y a de moins mauvais sur le marché électoral )
-Nationaliste . L'Europe, oui; mais celle des nations .J'aime mon drapeau . Je ne souhaite
pas en changer
-Ex- colonialiste aussi ( Regardez ce qui advient à ces pauvres gens qui se sont dégagés de
l'affreux joug colonial : ils crèvent de faim et s’entretuent)
-Pas raciste , je l'ai prouvé! Il faut garder les étrangers que nous avons chez nous mais que
l'on cesse de nous en amener d'autres . Il y en aurait de trop!
-Nullement antisémite , sous réserve que les Israélites ,1,2 % de la population française,
laissent aux Goïs , 98,8 % ,l'utilisation des médias et ne se fassent pas protéger par des lois
liberticides
-Partisan de l'ordre. Les manifestations me révulsent. Défilés braillards , banderoles ineptes
. Même et surtout si le populo a raison de se plaindre. Une formule: Pour l'ordre, pour son
maintien , pour son rétablissement!
Mon père disait: Oignez Maraud , il vous poindra . Poignez Maraud , il vous oindra !
Sports
Autrefois!
Un peu de vol à voile et à moteur
Beaucoup de footing , de marche et , surtout , de natation .
Une répulsion très vive pour la plus noble conquête de
l'homme . ça pue et c'est vicieux - donc pas d'équitation .
Aucun goût pour la compétition ni pour les sports d'équipe
Distractions
Autrefois:
Peinture et dessin au fusain et à la plume appris à l'école
Boule , à Paris
Depuis 20 ans:
Lecture: histoire , politique , géopolitique , géostratégie ,
vulgarisation scientifique . En aucun cas des fictions ou des
romans , ça me file des boutons!
La presse
Les Westerns surtout spaghetti . Aucun film de guerre, ils
sont tous idiots
Voyages
Inutile d'en parler , j'ai eu mon compte .et je ne peux plus
Qualités foncières
Grande faculté d'adaptation
Excellent sens de l'organisation
Sérieux au travail
Humilité et discrétion
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Défauts (ceux que l’on m’a signalés)
Brutal (mais celui qui m'a affublé de ce qualificatif n'a pas osé dire que c'était pour lui
que je me salissais -un tout petit peu - les mains )
Officier gaulois, Rabelaisien ( cela doit être relatif à la couleur de mon langage )
Inadapté aux fonctions de relations publiques
Préfère le travail solitaire au travail d'équipe ( faux! J'aime le travail
d'équipe quand j'en suis le Chef )
Santé
Malformations -Héritages
auriculaires crochus - héritage Lemaire-Verly
obésité - héritage Thiébaud - Stulsatz
acide urique (crises de goutte ) - héritage Thiébaud -Stulsatz
hypertension artérielle +arythmie cardiaque + fibrillations auriculaires + tout
ce qui est cardiaque -héritage Thiébaud -Thiébaud
autres héritages probables des Thiébaud-Thiébaud: hypospadias et
appendice rétrocoecal et sous-hépathique
Ma part
Diabète (a/c 55 ans )
Sténoses à la verge (lichen scléro-atrophique .)
Professionnel
(réforme militaire documentaire: Pas un sou de pension! ) pour surdité
luxation récidivante de l 'épaule gauche

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