les centres - Comite armagnac bigorre

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les centres - Comite armagnac bigorre
Publication : NR 08 mars 2012 (jeudi) Rubrique : SPORTS
Page : sports 2 (Hautes-Pyrénées NR) Édition : Tarbes
10/03/2012 15:50h Utilisateur: ofayard
RUGBY
100 ans du comité A.B. :
élisez le XV du siècle
XV DU SIÈCLE. Les centres.
Jean Trillo : le rugby
en équation
I
l est pratiquement passé des
juniors d’Ibos à l’équipe de
France.
C’est dire l’extraordinaire potentiel de celui que l’historique
commentateur TV, Roger Couderc, avait affectivement surnommé « Petit Taureau furieux ».
Il possédait un démarrage foudroyant et une vitesse de course
ravageuse ainsi qu’un engagement physique exceptionnel autant en attaque qu’en défense
(peu de trois-quarts avant lui
avaient administré autant de
plaquages ravageurs).
D’une dureté exceptionnelle à
l’impact malgré un gabarit
moyen et seulement 80 kg sur la
balance (mais quelle qualité
musculaire !), il était une assurance tout risque pour affronter
les rugueux Springboks ou les
monstrueux Blacks mais aussi
un redoutable finisseur avec à
la clé 17 essais sous le maillot
frappé du coq.
S’il ne dégageait pas l’esthétisme et l’élégance d’André Boniface, de Jo Maso ou de Didier
Cordorniou (cela lui coûta un
surcroît de popularité à une époque où de nombreux journalistes se laissaient fasciner par un
certain romantisme), élève de
Jean Gachassin, il était irréprochable techniquement et maîtrisait admirablement le jeu de
ligne ainsi que les surnombres.
Un temps recordman des sélections (69), il fut pendant dix ans
l’incontestable titulaire du XV
tricolore.
Il multiplia aussi les exploits
avec le Stade bagnérais sur tous
les terrains de l’Hexagone. Il inspirait le respect et la crainte à ses
adversaires. Roland Bertranne
est l’une des figures prestigieuses et marquantes du rugby
français.
Il possède toujours le record de
matchs internationaux joués
consécutivement, 46 entre 1973
et 1979 !
VOUS POUVEZ
AUSSI VOTER POUR
André Ruiz (Stado, Carcassonne XIII ; 1 sélection en
1968) ; Arnaud Marquesuzaa
(Mauléon, Racing, FCL, Montauban ; 10 sélections de 1958 à
1960) ; Olivier Campan (Condom, Agen ; 6 sélections de
1993 à 96) ; Arnaud Mignardi
(Auch ; BO ; Brive ; 2 sélections
en 2007) ; Jacques Cimarosti
(FCL, Castres ; 1 sélection en
1976) ; Christian Coeurveillé
(FCL, Agen ; 2 sélections en
1992) ; Éric Artiguste (FCL, Toulouse ; 1 sélection en 1999).
Repères ▼
Maurice Prat : son prénom fait foi
Maurice Prat, né le
17 novembre 1928 à
Lourdes ; a joué au FC
lourdais ; 31 sélections
au centre de 1951 à
1958 ; 24 points : 6 E et 2
DG ; champion de
France en 1948, 1952,
1953, 1956, 1957 et
1958 ; 1,73 m et 75 kg.
Fallait-il avoir un caractère
d’acier et un tempérament de
gagneur hors norme pour aller
se faire une place au soleil dans
le gotha du rugby alors que votre frère aîné (de cinq ans) était
considéré comme un demi-dieu
par le milieu de l’ovalie et même
au-delà. Jean, ce frère, qui avait
amené le nom de Prat au firmament et qui était d’une terrible
exigence pour lui-même, ses
équipiers et encore plus pour
Maurice. Au point qu’au départ,
il ne croyait pas en son cadet. Il
le trouvait trop lent et sans disposition particulière pour le ballon ovale. Mais cela ne troubla
point Maurice, peut-être même
y piocha-t-il une motivation sup-
20.
plémentaire. Il possédait les trois
ingrédients de base du rugbyman : l’engagement physique,
un solide plaquage et la rage de
vaincre. Il commença par osciller entre le poste d’arrière (il
y sera champion de France en
1948) et celui de 3e ligne. Il apparaît parfois au centre de l’attaque et un déclic se fait lorsqu’il
se retrouve à côté de Roger Martine. Cette entente se révèle
comme évidente. Le nouveau
destin de Maurice est en route.
Le virulent défenseur s’imprègne rapidement de l’utilisation
du ballon, du « plus un » avec
l’arrière intercalé, de l’évitement
LA NOUVELLE RÉPUBLIQUE DES PYRÉNÉES.
Tarbes
et de la discipline collective.
Mieux, avec Roger, il devient le
pédagogue de ce jeu spectaculaire, millimétré et rigoureux du
FCL qui fait tant penser à celui
des footballeurs FC Barcelone
d’aujourd’hui. Neuf ans ensemble dans l’obsession du bon
geste, répété mille fois à l’entraînement, et de la recherche du
meilleur rendement. À travers
eux, l’équipe de France se forge
un style inimitable par les autres
nations. Pourtant, en 31 sélections, Maurice en jouera 20 sans
son alter ego mais 18 avec Jean
et sera capitaine pour son dernier match victorieux contre l’Irlande en 1958. Il a réussi à donner un deuxième prénom à Prat,
seul un joueur admirable doublé d’un homme d’exception
pouvait y arriver.
PAGE RÉALISÉE
PAR J.-C. G.
Jeudi 8 mars 2012.
Jean Trillo, né le 27 octobre 1944 à Condom ;
a joué à Condom et à
Bègles ; 28 sélections
au centre de 1967 à
1973 ; 19 points : 6 E ;
vainqueur du grand
chelem 1968 et champion de France avec
Bègles en 1969 ; 1,80 m
et 80 kg.
Jean Trillo est entré dans le concert international pratiquement
au moment où le rugby se donnait un élan de liberté en abolissant le dégagement direct en
touche et où la société française
s’affranchissait de quelques
vieux tabous bourgeois après
avoir battu le pavé. Le « il est interdit d’interdire » scandé par les
étudiants allait comme un gant à
l’enfant de Condom. « Quand je
jouais, on avait le pouvoir sur le
jeu, nous avions de la créativité, il
n’y avait pas de formatage, à chacun ses compétences. Aujourd’hui, les joueurs sont tous
pareils, ils ne peuvent exprimer
leur volonté. C’est une forme de
taylorisme de l’activité sportive »,
dira-t-il plus tard. Et cette année
1968 le combla certainement. Il
commença par faire partie de
l’aventure du premier grand chelem que connut l’équipe de
France, et la tournée en NouvelleZélande, si elle se solda par trois
courtes défaites en test-matchs,
elle a été une formidable aventure où le jeu offensif a été amené
à son paroxysme. Au bout du
monde est née une phalange de
joueurs penseurs, pas toujours en
odeur de sainteté avec les pontes
de la FFR, capables d’appliquer
leurs théories sur le terrain et qui
donnèrent une formidable image
du jeu. Jean Trillo était de ceux-là
avec Villepreux, Maso, Bérot, etc. Il
ne concevait pas de jouer sans
donner un sens à son action, le
joueur ressemblait à l’homme.
« Au-delà des succès et des
échecs, j’essayais toujours de savoir quels étaient les critères et
les facteurs de notre performance. Cela me séduisait », confiait-il dernièrement au journal
« L’Amphi Bordelais ». Mais attention de ne pas se méprendre, Jean
Trillo n’était pas seulement un cérébral obsédé de technique, de
combinaisons et détails. Avec son
1,80 m et ses 80 kg, il avait une
vraie présence physique et était
un rude défenseur. Il ne dédaignait pas le pressing, pour preuve
son interception victorieuse en
toute fin de partie offrant le Bouclier de Brennus à Bègles au détriment du voisin toulousain en
1969. Et s’il avait été l’attaquant le
plus complet de cette génération
dorée ?
Roger Martine : le don de soi
Repères ▼
Roland Bertranne, né
le 6 décembre 1949 à
Ibos ; a joué à Ibos, Bagnères et Toulon (19721973) ; 69 capes en
équipe de France de
1971 à 1981 (17 à l’aile et
52 au centre) ; 66 pts
(17 E) ; 1,76 m et 80 kg ;
sélectionné avec les
Barbarians britanniques et dans l’équipe
du monde pour les 100
ans de l’RFU (1971) ;
grand chelem 1977 (15
hommes pour l’éternité) et 1981 ; finaliste
du championnat de
France avec le Stade
bagnérais en 1979
et 1981.
Roger Martine, né le
3 janvier 1930 à Bellocq
(64) (décédé en 2005) ;
a joué à Puyoô, Lourdes, Lyon ; 25 sélections
de 1952 à 1961 (16 au
centre, 8 à l’ouverture
et 1 à l’arrière) ; 6
points : 1 E et un DG ;
champion de France
avec Lourdes en 1952,
1953, 1957, 1958, 1960 ;
1,73 m et 76 kg.
Il a tapé dans l’œil des dirigeants
lourdais lors d’une rencontre de
coupe de l’Avenir entre les juniors
de la Côte Basque/Béarn et des
Pyrénées. Le jeune homme déborde de talent, au point qu’il
sera international à trois postes
différents, mais jamais il n’ira
chercher la gloire en se la jouant
perso. Il a été immédiatement
conquis par la philosophie du
club de la cité mariale. Le seul à
oser mettre en place l’attaque de
ligne alors que les règles en vi-
gueur poussaient essentiellement les centres à défendre rugueusement et à réaliser des exploits personnels. C’est dans cette
école lourdaise, qui prônait le travail acharné, le perfectionnement
raffiné de la technique, l’exigence
rigoureuse du respect des principes collectifs établis, que Roger
Martine s’est totalement épanoui. Mieux, il en était un rouage
essentiel, pas seul évidemment…
Il formait une association hors série avec Maurice Prat. Quand on
se plonge dans les ouvrages de
cette époque, on découvre qu’elle
fut l’une des plus créatrices dans
le domaine des trois-quarts grâce
à ces deux frères siamois de terrain. Ils ont été aussi des précurseurs des incontournables séances vidéo d’aujourd’hui. Tous les
lundis, à l’Auberge de Maurice,
dont Roger était pensionnaire, ils
analysaient, mémoires encore
fraîches, les rencontres de la veille
et s’attardaient longuement sur
les fautes qu’ils avaient commises. On ne peut pas parler du plus
Lourdais des Béarnais sans faire
référence à son immense palmarès. Au-delà de 5 boucliers de
Brennus, de 2 challenges Du-Manoir et d’une coupe de France
conquis avec le FCL, il fut le premier joueur français à avoir battu
toutes les nations de l’IRB en 25
sélections dont 10 au côté de
Maurice. Il a également participé
aux deux premières victoires historiques de 1954 sur les All Blacks
et de 1958 en Afrique du Sud, où il
assommera les Springboks par un
drop-goal en fin de partie.
Joël Pécune : l’insaisissable
Repères ▼
Repères ▼
Roland Bertranne :
une bombe atomique
Repères ▼
XV DU SIÈCLE. Les centres.
Joël Pécune, né le 3 mars
1951 à Ibos ; a joué au
Stado ; 10 sélections de
1974 à 1976 (7 au centre
et 3 à l’aile) ; 16 points : 4
E ; champion de France
avec le Stado en 1973 ;
1,68 m et 72 kg.
À 16 ans, il faisait déjà lever les
foules. Les supporters tarbais et
les amoureux du beau jeu ne rataient jamais les rencontres de la
phénoménale bande de cadets à
Pierrot Barthe. Joël Pécune en
était le prodige. Mis dans les
meilleures conditions par son
compère du centre de l’attaque,
Fernand Marin, il était capable de
courses prodigieuses, de crochets
déconcertants, de feintes imprévisibles, d’accélérations foudroyantes et de marquer des essais de 100 mètres. L’enfant
d’Ibos, pas haut mais bien posé
sur les jambes harmonieusement
musclées, rendait fous les plus ardents plaqueurs. Il était insaisis-
sable. Le journal « France-Soir » lui
attribuera d’ailleurs son prix GuyBoniface désignant le meilleur
joueur de rugby cadet de l’Hexagone. À 17 ans, il intègre l’équipe I,
après avoir enflammé le vieux
stade de la route de Sarrouilles, il
embrase le froid Maurice-Trélut.
Aucun complexe face aux
« grands », ses jambes en or continuent à faire d’impitoyables ravages. Mais certains puristes se lèvent contre cet intégriste de l’attaque. On lui reproche un
individualisme forcené et un certain laxisme défensif. Parfois déplacé à l’aile, il continue à faire
basculer maintes rencontres sans
changer son registre. Gérard
Fournier, l’entraîneur apôtre du
pressing, aura les mots justes
pour que Joël le rebelle se fonde
dans le moule de ce jeu cadré qui
amènera Tarbes au titre suprême
en 1973. Mais vous vous doutez
bien que ce bon diable sortira de
sa boîte. Deux fois, en particulier
en marquant un essai décisif en
quarts contre La Voulte et en assénant, lors de la finale, le premier
coup gagnant aux Dacquois. Le
nouveau Pécune ne laisse pas indifférents les sélectionneurs, il est
appelé pour affronter les Gallois
pour le 2e match du Tournoi en
1974. Il y reviendra encore à 9 reprises dont 3 fois à l’aile et les 5
dernières associé au centre à son
camarade Iboscéen Roland Bertranne. Il aplatira 4 essais et son
terminus se fera contre les ÉtatsUnis à Chicago (juin 1976). Joël a
tout juste 25 ans, le meilleur de
son aventure rugbystique est derrière lui… Le Stado ne connaîtra
plus un attaquant aussi spectaculaire.