Gestion des interactions médicamenteuses en routine
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Gestion des interactions médicamenteuses en routine
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Gestion des interactions médicamenteuses en routine clinique : avons-nous le bon outil ? Drug–drug interactions: Do we have appropriate tools for clinical practice? B. Charpiata,1,*, C. Bornetb,1, O. Bourdonc,2, J. Calopd,1,2, X. Dodee,2, J. Grassinf,1,2, M. Justeg,1,3, F. Lagrangeh,3 a Hôpital de la Croix-Rousse, 103, grande rue de la Croix-Rousse, 69004 Lyon, France b Hôpital Conception, 147, boulevard Baille, 13005 Marseille, France c Hôpital Robert-Debré, 48, boulevard Sérurier, 75935 Paris, France d CHU de Grenoble, BP 217, 38043 Grenoble, France e Groupement hospitalier est, 59, boulevard Pinel, 69677 Bron, France f CHU Tours-2, boulevard Tonnellé, 37044 Tours, France g Centre hospitalier Auban-Moët, 137, rue de l’Hôpital, 51205 Epernay, France h Centre hospitalier Pierre-Lôo, BP 137, 58405 La-Charité-sur-Loire, France Que le pharmacien exerce dans l’unité de soins ou depuis la pharmacie, derrière un écran d’ordinateur ou non, qu’il ait accès à l’ensemble des données patient ou seulement aux résultats des examens biologiques, qu’il participe à la relève infirmière ou bien au staff médical, il sera amené à faire des interventions pharmaceutiques. On peut définir ces dernières comme « toute action initiée par un pharmacien qui induit directement une modification de la prise en charge du patient » [1]. En pratique, cela consiste à formuler en quelques mots le problème identifié et ses conséquences potentielles pour le patient, puis de proposer une solution, l’ensemble se devant d’être appuyé par des références, qu’elles soient bibliographiques ou issues de bases de données. Ainsi, à titre d’exemple, pour une interaction médicamenteuse (IM), il convient de 1 Conseil d’administration de la Société française de pharmacie clinique. 2 Conseil d’administration du Centre national hospitalier d’information sur le médicament. 3 Rédacteurs en chef, le pharmacien hospitalier et clinicien. 282 Lettre à la rédaction citer les médicaments impliqués, d’en décrire l’effet, le délai de survenue et son intensité, d’en coter la gravité, d’en préciser le niveau de preuves à partir des données de la littérature. Il faut ensuite proposer la ou les mesures à mettre en œuvre. Il peut s’agir de diminuer ou d’augmenter la posologie d’un des médicaments concernés. Dans ce cas, il conviendra d’indiquer au médecin de combien devra être cette adaptation de posologie. Cela peut aussi consister à proposer une thérapeutique alternative ou encore à modifier le plan d’administration. L’intervention sera d’autant plus pertinente qu’elle sera concise et dépourvue d’ambiguı̈té [2]. Pour accomplir cette tâche, il convient donc d’avoir un ou des outil(s) adapté(s). Pour déterminer si les outils actuellement à notre disposition le sont, encore faut-il avoir dressé le tableau général de la problématique des interactions médicamenteuses. Tel est l’objet de cette lettre. Il est possible de décrire succinctement la problématique des interactions médicamenteuses de la manière suivante [3]. Les IM sont très nombreuses, diverses et leur nombre est sans cesse croissant. La publication de modèles validés permettant de prédire l’intensité d’une interaction entre deux substances dont l’association n’aura pas été étudiée chez l’homme va aussi contribuer à en augmenter le nombre [4–6]. Si l’on s’intéresse au CYP2D6, une recherche bibliographique portant sur 41 substrats et 15 inhibiteurs a permis de trouver 70 études expérimentales. Ainsi, sur les 615 combinaisons possibles de ces substrats et inhibiteurs, 545 non encore étudiées ont été modélisées. Parmi celles-ci, le modèle établi prévoit une augmentation d’un facteur 5 ou plus de l’aire sous la courbe des substrats pour 66 combinaisons [6]. Il faut donc dès maintenant s’interroger sur les conditions d’intégration de ce genre d’information dans les logiciels de prescription équipés d’un outil de signalement des interactions. L’analyse du contenu des bases documentaires met en évidence une grande diversité quant à la nature des informations délivrées et de très nombreuses divergences. Sont publiées des interactions qui n’existent pas, qui ne sont pas confirmées ou qui sont contestées [7]. Les délais de mise à jour du thésaurus des IM de l’Afssaps, en particulier, et des bases de données en général sont problématiques. Pour ce qui est du document produit par l’Afssaps, les critères de sélection Gestion des interactions médicamenteuses en routine clinique des interactions référencées soulèvent des interrogations au regard du contenu des bases néerlandaises ou encore scandinaves qui tendent à l’exhaustivité en référençant même les études qui mettent en lumière l’absence d’interaction [8,9]. De plus, le libellé des interactions tel qu’il apparaı̂t dans ce document donne parfois un faible éclairage sur les risques encourus. Concernant le contenu, le paragraphe « interaction » des résumés caractéristiques produit est très variable, de laconique à pléthorique, d’une spécialité à l’autre. Bien souvent, il ne donne pas une conduite à tenir. À tout cela, il faut rajouter le fait que les conséquences d’une interaction peuvent varier en fonction de la dose des médicaments concernés mais aussi des caractéristiques génétiques du sujet. Concernant les systèmes d’information, il est démontré qu’un système informatisé fait mieux qu’un professionnel de santé entraı̂né pour détecter une série d’IM dans une prescription [10]. Il est aussi démontré que ces systèmes en font trop [11–13]. Les systèmes informatiques sont donc contraints à tenter de résoudre l’équation suivante : éviter une faible sensibilité (faible capacité à générer une alerte en situation potentiellement dangereuse) qui peut donc entraı̂ner une erreur médicamenteuse par absence d’alerte, mais aussi une faible spécificité (incapacité à éviter des alertes non pertinentes) pouvant ainsi conduire à un déluge d’alertes [2]. Ce déluge conduit les professionnels de santé à ignorer ces alertes [14–16]. Un professionnel de santé réagira à une alerte en fonction des représentations qu’il a du risque, elles-mêmes issues de son expérience passée mais aussi en fonction de la spécialité médicale qu’il exerce. Ainsi, il a été montré que chirurgiens et médecins ne réagissent pas de la même manière à des alertes identiques [17]. Compte tenu de tous ces éléments, et malgré les nombreux travaux entrepris dans ce domaine, le mode optimal de transmission de l’information relative à une IM au prescripteur par un programme informatique ou par un autre professionnel de santé n’est pas connu. Des recherches incluant la qualité des relations interprofessionnelles entre médecins, personnel infirmier et pharmaciens doivent être mises en œuvre [18]. Cette complexité du monde des IM explique certainement en partie le fait que 3,6 % des hospitalisations en France sont dues à un effet indésirable médicamenteux [19] et que, parmi les effets indésirables observés, 30 % ont été imputés à une IM [20,21]. En partie seulement car d’autres facteurs explicatifs sont à rechercher dans la formation initiale des professionnels de santé, mais aussi dans l’organisation même du système de santé, ainsi que dans la nature et la qualité des relations des différents professionnels qui le composent [22,23]. L’analyse et la validation pharmacothérapeutique des prescriptions par le pharmacien sont des activités qui tendent à se développer dans les établissements de santé en France. Elles peuvent se faire à partir de prescriptions manuscrites ou bien informatisées. Il semblerait que l’informatisation de la prescription en favorise le développement. Différentes études ont montré que les interactions médicamenteuses représentent une part significative, variant selon les études de 11,6 et 30,9 %, de l’ensemble des interventions pharmaceutiques réalisées [24–28]. Néanmoins, dans aucune de ces études, les auteurs ne donnent de détails sur les outils documentaires dont ils se servent et la manière avec laquelle ils s’en servent pour détecter les interactions médicamenteuses. Il est donc impossible d’expliquer pour quelles raisons la part des interactions médicamenteuses dans la masse totale des interventions pharmaceutiques varie d’un facteur 3 selon les travaux considérés. On en est donc réduit à émettre l’hypothèse que cette variabilité est due en partie aux connaissances personnelles des pharmaciens impliqués, elles-mêmes dépendantes de leur travail de lecture et de formation continue. Elle est aussi liée en partie aux outils documentaires à leur disposition, sous réserve qu’ils s’en servent. Des études observationnelles montrent que ce n’est pas toujours le cas [29]. D’autres travaux montrent que leur emploi nécessite l’acquisition de compétences [30]. C’est donc dans ce contexte que le conseil d’administration de la Société française de pharmacie clinique (SFPC), le conseil d’administration du Centre national hospitalier d’information sur le médicament (CNHIM) et le comité de rédaction du journal ont décidé d’inviter leurs adhérents respectifs et ses lecteurs à une réflexion sur la problématique de la gestion des interactions médicamenteuses en routine clinique. La première étape de ce travail va donc consister à connaı̂tre la perception qu’ont les pharmaciens, qu’ils soient officinaux ou hospitaliers, de cette problématique. Il faudra parallèlement analyser les performances des différents outils existants dans le cadre de leur emploi en routine clinique. Cela devrait alors aboutir à la définition des caractéristiques que devrait avoir l’outil présentant des performances optimales, étape indispensable à sa conception et à sa réalisation. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] [2] [3] Dooley MJ, Allen KM, Doecke CJ, et al. A prospective multicentre study of pharmacist initiated changes to drug therapy and patient management in acute care government funded hospitals. Br J Clin Pharmacol 2004;57:513–21. Van der Sijs H, Aarts J, Vulto A, Berg M. Overriding of drug safety alerts in computerized physician order entry. J Am Med Inform Assoc 2006;13(2):138–47. Charpiat B, Allenet B, Roubille R, et al. Facteurs à prendre en considération pour la gestion des interactions médicamenteuses en pratique clinique. Presse Med 2008;37:654–64. 283 B. Charpiat et al. [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] [15] [16] [17] [18] [19] [20] 284 Ohno Y, Hisaka A, Suzuki H. General framework for the quantitative prediction of CYP3A4-mediated oral drug interactions based on the AUC increase by coadministration of standard drugs. 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