Chapitre 43
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Chapitre 43
CHAPITRE 43 Don passa chercher Kevin à 8 h, comme prévu. Ils retrouvèrent Sarah au bureau du FBI de Houston quelques minutes plus tard. Le laboratoire avait été temporairement réaménagé pour leur permettre de travailler dans les meilleures conditions possibles. Herbert Hoover avait également fait le déplacement de Washington pour superviser les analyses et coller au plus prêt de l’enquête. Il voulait être au cœur de l’affaire afin de prendre les bonnes décisions le moment venu. Sur le chemin, Kevin en avait profité pour passer un coup de fil à Tony, histoire de le rassurer sur les questionnements qu’il avait émis la veille. Il tomba sur sa messagerie. En cette belle matinée ensoleillée, Tony devait probablement se rendre sur son lieu de travail en vélo. Il lui était impossible d’entendre la sonnerie de son téléphone portable au milieu du vacarme assourdissant des klaxons des voitures. Cet entraînement lui permettait de garder la forme lorsqu’il n’avait pas eu le loisir de faire suffisamment de sport durant son week-end. Le deuxième point non négligeable était le gain de temps par rapport à un trajet classique. Il ne mettait que quinze minutes pour venir à la NASA à la force de mollets, tandis qu’un transport en bus ou automobile lui prenait au mieux quarante minutes pendant les heures de pointe. Accessoirement, ça peaufinait son bronzage parfait tout au long de l’année. Les écouteurs dans les oreilles, son baladeur diffusait la musique pop-rock qu’il appréciait avant d’entamer une dure journée de labeur. Ça lui donnait également du tonus pour pédaler et slalomer entre les files de véhicules entassés les uns derrière les autres. Après une grosse demi-heure passée sur sa planche de surf à batailler contre les vagues, et une quinzaine de minutes de vélo, il se sentait prêt à affronter sereinement n’importe quel problème. Lorsqu’il arrivait à bon port, un message l’attendait sur son écran d’ordinateur. « Venez me voir dès votre arrivée. » signé du directeur Johnson. Tony se concentra quelques secondes, espérant ne pas avoir commis d’erreur. En embrassant la pièce du regard, il pensait avoir fait du bon boulot pendant l’absence de son chef. Il avait peut-être une chance d’obtenir une promotion, et de voir sa carrière évoluer positivement. En songeant à son supérieur direct, une pensée l’envahit subitement. - 173 - - Kevin !!! Je l’avais presque oublié ! Il ne m’a pas rappelé depuis son départ. Il regarda le cadrant de son téléphone portable et se rendit compte qu’il avait loupé l’appel de Kevin à deux minutes prêt. - Le directeur passe en priorité, je le contacterai plus tard. D’un pas sûr et énergique, il se dirigea vers le bureau de Jack Johnson. En approchant de la porte, il fit un petit signe de tête à la secrétaire qui lui annonça d’un hochement de menton qu’il pouvait entrer. - Bonjour Monsieur le Directeur. - Ah ! Tony ! Bonjour. Je vous en prie, asseyez-vous. Je ne sais pas si vous avez eu des nouvelles de Monsieur Klein, mais le FBI m’a demandé… je devrais même dire imposé son détachement quelques jours de plus ? - Il m’a laissé un message ce matin avant mon arrivée, mais je n’ai pas encore eu le temps de le rappeler, Monsieur. - Malgré mes objections, nous n’avons pas le choix. Ce n’est pas que je ne vous fasse pas confiance, mais le départ de la prochaine navette approche à grands pas et j’aurais aimé que tous nos effectifs soient au complet. Et puis, depuis qu’il est à ce poste, c’est toujours Kevin qui a supervisé le fonctionnement du programme de navigation. - J’ai une check-list très précise concernant ce programme, Monsieur. Ça ne me posera aucun problème de reprendre les validations à sa place. - C’est tout à votre honneur de prendre des initiatives, continua Jack Johnson. Seulement, aucune erreur et aucun oubli ne sont admis sur ce point. Les vies des astronautes sont en jeu. - J’ai parfaitement compris l’enjeu de ces contrôles, Monsieur. Vous pouvez compter sur moi. - Très bien. Nous aurons une réunion demain matin avec les différents responsables de services. Je veux que vous y participiez. - J’y serais, Monsieur. Tony s’éclipsa de la pièce et reprit le chemin de son bureau, fort ravi de son entretien. En quelques mots, il avait réussi à lui montrer sa détermination et son professionnalisme. La journée commençait plutôt bien finalement. Il lança des « bonjour » à toutes les personnes qu’il croisait, en profita même pour échanger quelques paroles avec certaines collègues féminines qu’il appréciait particulièrement. Arrivant à la porte de son antre, il souffla un bon coup en pensant au travail qui l’attendait. - 174 - Cette situation était nouvelle pour lui. Pour la première fois depuis qu’il avait été engagé à la NASA, il était maître de ses actes. En temps normal, Kevin lui dictait ses actions quotidiennement. Aujourd'hui, il avait un réel pouvoir de décision. Ce sentiment le gonfla d’orgueil. Il était pendant quelques jours le seul maître à bord ! Soudain, son téléphone portable sonna. - Comment ça va patron ? lança-t-il à son interlocuteur en voyant le nom s’afficher sur le cadran. - Salut Tony ! Bien, dis-moi, tu es difficile à contacter en ce moment. J’ai essayé d’appeler au bureau à plusieurs reprises, mais en vain ! - J’étais avec le directeur. Étant donné que vous nous avez lâchement abandonnés pour aller draguer les agents du gouvernement… - Si seulement ça pouvait être aussi simple, le coupa Kevin. Je préfèrerais être à mon poste en train de faire mon boulot plutôt que d’être ici à faire le Guignol, lui dit-il en faisant un énorme clin d’œil à Don qui se tenait juste à ses côtés. - Et où êtes-vous ? - Pas très loin. Je suis dans les bureaux du FBI pour encore deux ou trois jours. Nous avons des… analyses à terminer. Don venait de lui faire comprendre qu’il ne devait surtout pas en dire trop, même à Tony. La confidentialité de leur enquête restait de rigueur. - Bon, je dois te laisser. Si tu as des problèmes, cette fois-ci je serais joignable facilement. - Parfait, je vous rappellerai sûrement pour la finalisation des contrôles avant le lancement de la navette. - Sans soucis ! À plus tard. Don et Kevin entrèrent dans le laboratoire qui allait les accueillir pendant ces quelques jours. Malgré une ventilation continuelle, une odeur de brûlé flottait dans l’air. Le matériel informatique avait été soigneusement installé sur les différents plans de travail durant la nuit. Les deux techniciens qui devaient prêter main-forte à Kevin étaient arrivés très tôt pour préparer les lieux. - Oh ! Ça sent encore le cramé là-dedans, lança Don qui se frottait le nez pour tenter de faire passer les effluves désagréables. - C’est une odeur tenace qui risque de perdurer un bon moment, reprit Kevin. - 175 - - Bon, je crois que vous avez du pain sur la planche mon ami, alors je vous laisse quelques instants. J’ai une réunion avec notre directeur. Si vous avez besoin de quelque chose, nos deux rats de laboratoire Tom et Jerry sont à votre disposition. Kevin lança à Don un regard interrogateur… Tom et Jerry ??? - Notre duo de techniciens peut vous sembler être une blague, mais je vous assure qu’ils sont tout à fait capables. Quoi que ! Laissez-moi vous présenter Tomas Tate et Jerry Jones. Les deux compères approchèrent pour saluer l’ingénieur de la NASA. En réalité, il avait plus de choses en commun avec « Laurel et Hardy » qu’avec les animaux de Disney. Tom était le stéréotype parfait de l’informaticien : un amateur de bière et pizza bien en chair, qui arborait une paire de lunettes à double foyer. Extrêmement bavard, il adorait taquiner son collègue Jerry qui restait de marbre aux blagues potaches de son envahissant binôme. Contrairement à lui, Jerry était grand, mince à la limite du squelettique, et très discret. - Pour le moment, je vais effectuer un inventaire rapide de ce que nous avons récupéré, leur dit Kevin. Ensuite, nous pourrons entrer dans le vif du sujet et toutes les bonnes volontés seront bienvenues. Kevin entreprit sa tâche de façon précise et méthodique. Il lista le matériel et annota des informations sur l’état visuel des différents composants. Les disques durs et autres supports de sauvegarde l’intéressaient plus particulièrement. Lorsque son tour d’horizon fut terminé, il donna ses indications aux deux techniciens. - Nous allons procéder par ordre, leur lança-t-il. Nous commencerons par analyser les médias de stockage des machines que j’ai repérées. On les démonte et on leur passe tous les logiciels de tests qui sont présents sur le serveur du fond. En premier lieu, une analyse physique du disque va être effectuée. Ensuite, une copie complète est faite pour éviter toute perte de données, involontaire ou pas. Nous finirons cette première étape avec une batterie de trois d’antivirus et antispywares. Si tout va bien après tout cela, nous brancherons le disque sur le deuxième serveur pour un contrôle des fichiers susceptibles de nous intéresser. Messieurs, au travail ! À l’autre bout de la ville, Tony relisait pour la trois ou quatrièmes fois la check-list qu’il devait vérifier, en vue du prochain lancement de navette. - 176 - La pression se faisait de plus en plus forte. Il essayait toutefois d’afficher un sentiment de sérénité que Kevin aurait apprécié en pareilles circonstances. Mais la date de départ approchant à grands pas, il se sentait de moins en moins à l’aise. Tous les tests montraient que les différents systèmes informatiques étaient sains, mais une petite voix intérieure lui rappelait sans cesse que rien n’était joué d’avance. Une mission était toujours un enjeu technologique et humain, qui demandait la plus grande concentration et une rigueur sans faille. Aussi, les évènements de la semaine passée n’ayant pas encore été élucidés, il commençait à stresser. Sarah et Don venaient d’avoir une réunion avec le directeur Fitzgerald. Plusieurs points avaient été évoqués, mais il était clair pour tous les protagonistes que le résultat des analyses du matériel ayant appartenu à Durand était primordial pour la poursuite de l’enquête. Toutes les autres pistes détaillées au cours de cet entretien devraient être approfondies le moment opportun. Mais en cet instant, les recherches de Kevin Klein restaient leur principal atout dans cette affaire. - J’ai sondé Anthony Alessandro hier soir, dit Liz à son assistant. Je pense qu’on peut en tirer quelque chose. Débrouille-toi pour en savoir un maximum sur lui, sa famille, ses habitudes, ses hobbies, tout ! - C’est comme si c’était fait, promit Georges Goranovic. Élisabeth McCarthy avait un flair infaillible dans ce genre de situation. Depuis sa rencontre avec Tony quelques heures auparavant, elle sentait qu’il avait des choses à lui apprendre, qu’il n’avait pas été franc avec elle. Sa proie enfin trouvée, elle allait s’arranger pour ne pas la laisser s’échapper. Le jeune homme ne serait pas à la fête lorsqu’elle en aurait fini avec lui. Au cours de la journée, Klein accompagné de ses deux acolytes était sur une bonne piste. Les premiers tests montrèrent que certains disques durs avaient bien résisté à l’explosion et aux courts-circuits. Le virus n’avait été détecté que sur un seul d’entre eux, ce qui laissa penser que Durand avait trouvé le moyen de le canaliser, ou qu’il en était l’auteur et savait parfaitement comment s’y prendre pour sécuriser le reste de son matériel. L’optimisme était de rigueur dans le laboratoire, ce qui n’avait pas débridé Jerry Jones, contrairement à son collègue Tom Tates - 177 - devenu hilare. Les blagues à deux sous fusaient sans discontinuer, du plus soft au plus graveleux. Kevin qui n’était pas habitué à travailler sous ce régime, appréciait malgré tout cette humeur joyeuse et agrémentait le monologue de Tates comme il le pouvait en lançant des réparties piquantes entre deux rires. En début de soirée, la première phase était terminée et la suite des évènements s’annonçait prometteuse. Le jour suivant serait décisif pour leurs investigations. Ils allaient enfin rentrer dans le vif du sujet, à savoir l’étude des fichiers à proprement parler. Kevin était très excité par ce qui l’attendait. Sa vie, somme toute monotone, venait de s’agrémenter d’un peu de piquant. Il avait le sentiment de revivre des émotions connues durant son passé. Il n’avait pas encore de montée d’adrénaline fulgurante comme il en avait vécue pendant certaines missions effectuées pour le FBI, mais l’enjeu était suffisamment important pour le maintenir dans un état d’excitation permanente. Bien qu’il n’ait pas une grande envie de quitter les lieux, Sarah réussit à le faire changer d’avis. - Kevin, vous êtes encore là ? - Oui, j’aimerai finaliser quelques tests avant de partir. - Vous savez que vous n’êtes pas obligé de faire des journées de vingt heures. Notre directeur ne vous en tiendra pas rigueur si vous rentrez chez vous, lui lança-t-elle avec un large sourire. - Vous savez ce que c’est… Lorsqu’on est pris dans un travail intéressant, il est parfois difficile de s’arrêter avant d’avoir atteint son but. - Allez, venez. Vos machines seront encore là demain. Nous allons boire un verre avec Don, accompagnez-nous ! Ça vous changera les idées. Kevin n’hésita pas vraiment longtemps. Même si la compagnie des deux énergumènes qui l’avait épaulé durant cette journée était vivifiante, une présence féminine lui ferait le plus grand bien. Il voyait cela comme une purge de l’esprit pour contrebalancer les blagues machistes de Tom. Sarah fut ravie de cette décision. Depuis leur virée en Europe, un sentiment d’amitié grandissait à son encontre. Elle s’était également rendue compte que la froideur qu’il dégageait à la première impression était toute relative. - 178 -