Tumeurs rares du tube digestif et du péritoine

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Tumeurs rares du tube digestif et du péritoine
Tumeurs rares du tube digestif et du péritoine
J. Desramé, D. Béchade, T. Lecomte et B. Landi
Tumeurs stromales digestives
Les tumeurs stromales digestives sont les tumeurs mésenchymateuses les plus
fréquentes du tube digestif (1, 2). Elles ont été récemment caractérisées grâce
à l’immunohistochimie et à la biologie moléculaire. Les cellules tumorales de
type fusiforme et/ou épithélioïde expriment la protéine c-kit (CD 117), récepteur trans-membranaire ayant une activité tyrosine-kinase. Une mutation de
type « gain de fonction » du gène c-kit entraîne une activation constitutionnelle de cette protéine. La découverte d’un traitement ciblé des formes avancées
par un inhibiteur de tyrosine-kinase (Glivec®) en fait un modèle passionnant.
Classification, physio-pathogénie
La classification des tumeurs conjonctives reposait dans les années 1980 sur
leur histogenèse présumée (1). En fait, la majorité des tumeurs conjonctives
étaient peu différenciées. Avec l’essor de l'immunohistochimie, on a pensé
pouvoir déterminer l'origine des tumeurs conjonctives (expression de l'actine
en cas d’origine musculaire lisse, expression de la protéine S-100 en cas de
d’origine schwannienne), mais les marqueurs manquaient initialement de
spécificité. Certaines de ces tumeurs n'exprimaient aucun marqueur, d'autres
avaient un marquage hétérogène ou un aspect histologique typique d'un type
de tumeur, mais pas les marqueurs de la lignée présumée. En revanche, il a été
montré que la majorité des tumeurs mésenchymateuses digestives exprimaient
un marqueur commun, le CD 34. Le terme de tumeur stromale digestive a été
utilisé initialement pour ces tumeurs conjonctives qui exprimaient CD 34,
mais pas de marqueur de lignée (1).
Le terme de tumeur stromale digestive a évolué depuis la découverte de l'expression par les cellules tumorales de la protéine c-kit (1, 2). Il s’agit d’un
récepteur trans-membranaire ayant une activité tyrosine-kinase, dont le ligand
est un facteur de croissance (stem cell factor). Dans les cellules exprimant le gène
242 Les cancers digestifs
c-kit, la liaison protéine c-kit-ligand est responsable d’une activation d’effecteurs intracellulaires impliqués dans des fonctions variées telles que l’apoptose,
la prolifération, la différenciation et l’adhésion cellulaires. Chez l’adulte, la
protéine c-kit est exprimée normalement par les cellules hématopoïétiques
souches, les mastocytes, les cellules germinales, les mélanocytes et les cellules
interstitielles de Cajal (1). La protéine c-kit a une homologie structurale avec
d’autres protéines tyrosine-kinases, comme le PDGFr, le produit du gène
normal c-abl ou le complexe bcr-abl observé dans la leucémie myéloïde chronique. Dans le tube digestif normal, la protéine c-kit est, en dehors des
mastocytes, spécifiquement exprimée par les cellules interstitielles de Cajal. Ce
sont des cellules pace-maker de la paroi digestive, responsables de l’induction
et de la régulation de l’activité péristaltique de la musculature cellulaire lisse. Il
est probable que les cellules interstitielles de Cajal ou un de leurs précurseurs
soient à l’origine des tumeurs stromales (1, 2).
Les autres tumeurs conjonctives du tube digestif n’expriment pas c-kit
et sont beaucoup plus rares : léiomyomes (qui expriment des marqueurs
musculaires lisses tels que la desmine, la caldesmone ou la calponine),
léiomyosarcomes, et schwannomes (qui expriment la protéine S-100)
(tableau I) (1, 2).
Tableau I – Fréquence relative des tumeurs stromales digestives et données schématiques de l’immuno-histochimie, d’après Fletcher et al. (3).
Tumeur stromale
Léiomyome
Schwannome
Fréquente
Rare
Très rare
Principales localisations
Estomac
Intestin grêle
Œsophage
Rectum
Estomac
CD34
+(60-70 %)
+/-
+/-
+
-
-
Desmine
<5%
+
-
Protéine S100
< 10 %
rare
+
Fréquence relative
CD117 (c-kit)
L’activation constitutionnelle de la protéine c-kit a un rôle pathogénique
majeur (3). Il s’agit d’un phénomène fréquent (> 95 %) et précoce, déjà
présent dans les tumeurs de moins de 1 cm de diamètre de découverte fortuite,
considérées classiquement comme « bénignes » (4). Elle entraîne une phosphorylation de la protéine indépendante du ligand qui aboutit à une activation
de la protéine c-kit (1). Une mutation du gène sur l’exon 11, codant pour le
domaine cytoplasmique juxta-membranaire de la protéine et ayant une fonction régulatrice, a été décrite en 1998 (5). Des mutations plus rares sur l’exon 9
codant pour le domaine extracellulaire et l’exon 13 codant pour le domaine
kinase de la protéine c-kit ont été ensuite rapportées. Les mutations activatrices
sont variées et peuvent correspondre à des insertions, des délétions et/ou des
mutations ponctuelles (1, 2).
Tumeurs rares du tube digestif et du péritoine 243
Épidémiologie
L’incidence exacte des tumeurs stromales digestives est inconnue. La fréquence
des formes asymptomatiques rend délicate une estimation précise. Dans une
étude suédoise récente, leur incidence annuelle était estimée à 16 cas par
million d’habitants (6). Elle est estimée entre 2 000 à 5 000 cas par an aux
États-Unis. Les tumeurs stromales digestives surviennent chez les adultes de
tout âge, avec un pic de fréquence entre 40 et 60 ans, et un sex-ratio voisin
de 1 (1).
Des associations pathologiques sont décrites. Dans la triade de Carney,
survenant chez la femme jeune, il existe deux ou trois des tumeurs suivantes :
tumeurs stromales gastriques multiples, chondrome pulmonaire et paragangliome extra-surrénalien (7). Dans la neurofibromatose de type 1, 5 % des
patients développent des tumeurs stromales digestives symptomatiques et
souvent multiples. Enfin, des cas de forme familiale de tumeurs stromales
multiples ont été rapportés (7).
Anatomo-pathologie
Macroscopiquement, les tumeurs stromales se développent principalement à
partir de la musculeuse du tube digestif (1). Leur taille est très variable. Elles
sont de manière caractéristique bien limitées, formées d’un tissu fasciculé,
parfois entourées d’une pseudo-capsule. Elles peuvent avoir une croissance
endophytique vers la lumière, exophytique ou mixte « en sablier ».
La tumeur est constituée le plus souvent d’une prolifération de cellules
fusiformes (environ 80 % des cas), plus rarement épithélioïdes (1, 2). Les
tumeurs stromales ont des degrés de différenciation variables : tumeurs différenciées d’allure myoïde, neurogène ou de type plexus ganglionnaire,
tumeurs de différenciation incomplète ou indifférenciées (1, 2). Ces aspects
variés peuvent être mélangés au sein d’une même tumeur. Les tumeurs ayant
un aspect de différenciation de type système nerveux autonome sont dénommées par certains auteurs GANT (pour gastrointestinal autonomic nervous
tumors).
En cas d’aspect histologique compatible avec le diagnostic, un immunomarquage CD 34 (positif dans 50 à 80 % des cas) et CD 117 (protéine c-kit)
doit être recherché (2). L’expression, typiquement cytoplasmique, de CD 117
dans la tumeur est présente généralement dans la majorité des cellules. Les
marqueurs musculaires lisses (desmine…) et nerveux (protéine S-100) sont
généralement négatifs. Ces éléments permettent de distinguer les tumeurs stromales d’autres tumeurs conjonctives, comme les léiomyomes et les
schwannomes (tableau I). D’autres tumeurs digestives rares peuvent exprimer
c-kit, comme les métastases digestives de mélanome (exprimant aussi la
protéine S-100) ou les angiosarcomes. Certaines tumeurs extra-digestives ont
244 Les cancers digestifs
une positivité marquée pour le CD 117, comme les carcinomes pulmonaires à
petites cellules ou les séminomes (1). Si l’immuno-marquage est un outil
supplémentaire pour la caractérisation tumorale, il ne remplace donc ni l’analyse histologique ni la corrélation avec la clinique.
Facteurs prédictifs de malignité
Les tumeurs stromales digestives ont la particularité d’avoir un potentiel de
malignité variable (2, 8). L’invasion d’organes de voisinage ou la présence de
métastases affirme d’emblée la malignité. Dans les autres cas, les deux facteurs
prédictifs les plus puissants du potentiel de malignité sont l’index mitotique et
la taille de la tumeur (tableau II). De plus, les tumeurs stromales du grêle ont
une évolution maligne plus fréquente, à taille et index mitotique équivalents,
que les tumeurs de l’estomac (8). L’index mitotique est généralement apprécié
par le compte du nombre de mitoses pour 50 champs à fort grossissement
(x 400). Les tumeurs de moins de 2 cm de diamètre, sans mitose visible, ont
un très faible risque de dissémination à distance, alors que les tumeurs de plus
de 5 cm, avec un index mitotique élevé (> 5 mitoses pour 50 champs), métastasent fréquemment. Il n’existe cependant pas de critère formel de taille et
d’index mitotique pour clairement distinguer une tumeur stromale maligne
d’une tumeur à faible risque évolutif. En effet, l’évolution peut parfois être
inattendue en regard de l’aspect histologique. On considère donc maintenant
qu’il existe un continuum entre bénignité et malignité (2). Une cellularité
élevée, une nécrose intra-tumorale, des remaniements kystiques ou des atypies
nucléaires sont plus fréquents dans les tumeurs à fort potentiel de malignité.
Cependant, ces différents critères ne sont pas des facteurs pronostiques indépendants en analyse multivariée. Les marqueurs immuno-histochimiques de
prolifération (Ki-67, MIB-1, PCNA) ne semblent pas être plus puissants que
les paramètres conventionnels (2). Sur le plan cytogénétique, des anomalies ont
Tableau II – Évaluation par un comité d’experts du risque évolutif après exérèse d’une tumeur stromale digestive en fonction de la taille et de l’index mitotique (3).
Diamètre maximal
Index mitotique
Très faible risque
< 2 cm
< 5/50 CFG*
Faible risque
2-5 cm
< 5/50 CFG
Risque intermédiaire
< 5 cm
5-10 cm
6-10/50 CFG
< 5/50 CFG
> 5 cm
> 10 cm
Quelconque
> 5/50 CFG
Quelconque
> 10/50 CFG
Risque élevé
*CFG : champs à fort grossissement.
Tumeurs rares du tube digestif et du péritoine 245
été décrites, en particulier sur les chromosomes 1p, 9q, 14q et 22q (pertes ou
gains chromosomiques). Le profil d’altération de l’ADN pourrait être différent
selon le stade évolutif de la tumeur (8).
Caractéristiques cliniques
Soixante pour cent environ des tumeurs stromales digestives siègent dans
l'estomac, 25 % dans l'intestin grêle (le plus souvent dans l’iléon), 5 à 10 %
dans le côlon-rectum (1, 7). Les autres localisations sont rares (œsophage,
pancréas, épiploon et mésentère). Les tumeurs stromales gastro-intestinales
sont initialement asymptomatiques, jusqu’à ce qu’elles deviennent volumineuses ou entraînent une complication. De ce fait, leur découverte fortuite est
relativement fréquente, par exemple lors d’une endoscopie digestive haute. Les
symptômes les plus fréquents sont un saignement digestif (lorsque la tumeur
est ulcérée) ou des douleurs abdominales non spécifiques, plus rarement une
masse palpable. Les autres symptômes possibles sont une anorexie, une
dysphagie, un syndrome obstructif, une perforation, de la fièvre ou un ictère
obstructif (7).
Diagnostic
Le diagnostic de tumeur stromale gastrique peut être évoqué lors d’une endoscopie devant une tumeur d’allure sous-muqueuse, parfois ulcérée. Au niveau
du grêle, le diagnostic est souvent fait à un stade plus tardif. Le diagnostic peut
enfin être porté au stade métastatique.
L’écho-endoscopie est le meilleur examen pour caractériser les tumeurs
sous-muqueuses du tractus digestif haut ou du rectum (9). L’aspect écho-endoscopique des tumeurs stromales digestives est souvent typique : lésion
hypo-échogène, souvent homogène, développée à partir de la quatrième
couche hypo-échogène, à limites régulières, d’aspect parfois fasciculé. Certains
critères écho-endoscopiques prédictifs de malignité des tumeurs stromales
ont été établis par plusieurs études rétrospectives (10) : la taille de la lésion
(> 3 cm), l'existence d'une nécrose centrale, des contours mal limités, l’envahissement d'organes de voisinage, la présence de zones kystiques intra-tumorales.
En revanche, la présence d’adénopathies est rare.
Le scanner abdominal permet de détecter les tumeurs de grande taille. Si
l’aspect n’est pas spécifique, certaines caractéristiques peuvent être évocatrices
de tumeur stromale. Il s’agit le plus souvent de tumeurs volumineuses, avec un
développement plutôt extraluminal, à rehaussement périphérique, avec un
centre volontiers nécrotique, et peu infiltrantes en périphérie (11). Le scanner
peut aussi révéler un envahissement d’organes de voisinage ou la présence de
métastases hépatiques. L’entéroscopie, l’entéro-scanner et la vidéo-capsule sont
les examens les plus sensibles pour visualiser une tumeur du grêle de petite
246 Les cancers digestifs
taille. Seule l’analyse histologique permet de confirmer le diagnostic de tumeur
stromale. Les biopsies endoscopiques sont généralement négatives. La sensibilité de la ponction sous écho-endoscopie pour le diagnostic de tumeur stromale
gastrique était encore récemment considérée comme décevante. Des données
récentes suggèrent que la ponction sous écho-endoscopie, réalisée par une
équipe expérimentée, permet de confirmer le diagnostic dans environ 80 % des
cas, grâce à l’utilisation d’aiguilles à ponction de gros calibre (22 gauge) et à la
réalisation de cytologie en milieu liquide et d’immuno-marquage c-kit sur les
micro-biopsies (12). En revanche, elle n’a pas de valeur histo-pronostique. Une
biopsie percutanée pré-opératoire est possible en cas de tumeur d’allure inextirpable ou métastatique, mais elle comporte un risque théorique d’essaimage
péritonéal.
Pronostic
L’histoire naturelle des tumeurs stromales reste mal connue, en particulier pour
les tumeurs de petite taille. La taille moyenne lors de la découverte d’une tumeur
stromale symptomatique est de 6 cm versus 1,5 cm pour une tumeur de découverte fortuite (13). On sait maintenant que les anciennes séries de léiomyomes et
de léiomyosarcomes gastriques correspondent essentiellement à des tumeurs stromales. Globalement, la survie à cinq ans varie de 28 % à 60 % dans la littérature.
Ces données doivent cependant être relativisées, car elles émanent de centres de
référence prenant en charge des patients avec des tumeurs évoluées. Environ
80 % des patients sans métastase peuvent bénéficier d’une exérèse complète
initiale (14, 15). Le risque de récidive postopératoire peut être estimé à partir de
la taille et de l’index mitotique (tableau II). La majorité des récidives postopératoires surviennent dans les cinq ans (14). Le risque est maximal dans les deux
premières années, mais des rechutes tardives, plus de dix ans après la résection,
ont été rapportées. Dans la série d’un centre anticancéreux, 80 patients seulement
sur 200 (40 %) avaient bénéficié d’une résection complète. Avec un délai médian
de suivi de deux ans, une récidive était observée chez 40 % des patients (32 sur
80). La survie spécifique à cinq ans était de 54 % (15). Dans une autre série, 60 %
des patients présentaient une récidive dans les deux ans suivant l’exérèse initiale.
Les métastases sont principalement hépatiques et péritonéales (15). Les métastases ganglionnaires sont rares (< 10 % des cas), comme dans les autres sarcomes.
Traitement
Chirurgie
La résection chirurgicale est le seul traitement potentiellement curatif des
tumeurs stromales localisées. Pour prévenir toute dissémination péritonéale, il
est essentiel d’éviter une perforation per-opératoire (16). Le curage ganglion-
Tumeurs rares du tube digestif et du péritoine 247
naire n’est pas systématique. Pour les tumeurs localisées, le geste chirurgical
dépend de leur siège. Pour une tumeur gastrique, de siège antral ou fundique,
une gastrectomie atypique sans interruption de la continuité digestive est indiquée avec une marge de sécurité. Une marge de sécurité de 1 à 2 cm est
considérée comme raisonnable (16). Ce geste est désormais souvent réalisé sous
cœlioscopie (17). L’énucléation est à proscrire car elle ne permet d’avoir ni
exérèse transmurale ni marge de sécurité. Même en cas de tumeur volumineuse, une gastrectomie partielle est préférable, si elle est possible, à une
gastrectomie totale qui n’apporte pas de bénéfice carcinologique. Les tumeurs
de siège péricardial ou pré-pylorique imposent une gastrectomie réglée. Pour
les tumeurs du grêle, une résection plus ou moins étendue de grêle avec un
rétablissement immédiat de la continuité est réalisée. Les tumeurs stromales de
l’œsophage sont rares (de 1 à 3 %), souvent volumineuses et à potentiel de
malignité élevé. Contrairement aux léiomyomes, l’exérèse ne peut être réalisée
par énucléation sous thoracoscopie. Une œsophagectomie doit être discutée.
Les tumeurs localement évoluées correspondent souvent à des tumeurs de
plus de 10 cm de diamètre, étendues à d’autres organes de voisinage dans plus
de la moitié des cas (18). Le caractère complet de la chirurgie n’est possible que
si on réalise l’exérèse d’un ou plusieurs viscères adjacents envahis. Ces exérèses
larges, parfois mutilantes, ne sont licites que si elles sont curatives. Cette attitude agressive est à moduler en fonction des organes concernés et du terrain.
L’alternative d’un traitement néo-adjuvant par imatinib est en cours d’évaluation. Cependant, il existe un risque d’hémorragie ou de perforation de la
tumeur primitive sous imatinib (14). De ce fait, en cas de carcinose péritonéale
et/ou de métastases hépatiques synchrones, l’exérèse de la tumeur primitive
semble préférable avant d’introduire l’imatinib. Le bénéfice de l’exérèse des
nodules de carcinose péritonéale ou de métastases hépatiques n’a pas été clairement établi. Ses indications seront à préciser dans l’avenir après traitement par
imatinib.
Chimiothérapie
La chimiothérapie palliative est peu active avec des taux de réponse de l’ordre
de 5 % (19). La plupart des études anciennes sont rétrospectives, avec de faibles
effectifs, et les tumeurs stromales digestives non individualisées parmi d’autres
sarcomes. Les protocoles de chimiothérapie systémique évalués sont ceux des
sarcomes des tissus mous. Les trois agents les plus utilisés seuls ou en association sont la doxorubicine, l’ifosfamide et la dacarbazine. Les taux de réponse
rapportés avec les anthracyclines seules ou en association sont inférieurs à
10 %. Ce résultat est comparable au taux de 7 % de réponse objective dans une
étude prospective associant doxorubicine et dacarbazine chez des patients
traités pour un sarcome digestif. L’ifosfamide seul ou associé à l’étoposide ou à
la doxorubicine n’a aucune efficacité dans les sarcomes digestifs. Dans un étude
plus récente de phase II ayant évalué l’association doxorubicine, dacarbazine,
mitomycine C et cisplatine, les taux de réponse étaient de 4,8 % (21) pour les
248 Les cancers digestifs
tumeurs stromales digestives contre 67 % pour les léiomyosarcomes (20).
Aucune réponse objective n’a été observée dans une étude de phase II ayant
évalué la gemcitabine chez 17 patients atteints d’une tumeur stromale digestive
maligne. La chimiorésistance de ces tumeurs s’explique par une forte expression des protéines de résistance aux anti-cancéreux (glycoprotéine-P et protéine
de résistance multidrogue-1), une étude ayant montré qu’elle était supérieure à
celle observée dans les léiomyosarcomes (19). La chimiothérapie n’a aucune
place en situation adjuvante.
La chimio-embolisation hépatique a été évaluée dans deux études de
phase II ayant inclus de faibles effectifs de patients avec des métastases hépatiques isolées et non résécables de léiomyosarcomes digestifs, avec des résultats
divergents en terme de taux de réponse (21). Les résultats des traitements intrapéritonéaux (péritonectomies associée à une chimiothérapie ou à une
chimio-hyperthermie intrapéritonéale) chez des patients ayant une récidive
péritonéale d’un sarcome ont été rapportés dans quelques séries (22). Ils ne
peuvent être actuellement discutés que dans le cadre d’essais thérapeutiques.
Radiothérapie
La radiothérapie a été peu évaluée dans les tumeurs stromales du fait d’un volume
tumoral souvent important et de la proximité d’organes qui ne tolèrent que de
faibles doses d’irradiation. Les données limitées dont on dispose suggèrent que la
radiothérapie est peu efficace, aussi bien en situation palliative qu’adjuvante (14).
Imatinib (Glivec®)
L’imatinib (sous forme de mesilate, anciennement STI 571) est un inhibiteur
sélectif des tyrosine-kinases c-kit, c-abl, bcr-abl et PDGFR qui agit au niveau
du site de fixation de l’ATP (14). Glivec® est administré par voie orale, en une
prise quotidienne du fait d’une demi-vie longue. Les gélules sont dosées à
100 mg. Son métabolisme est hépatique et son élimination essentiellement
biliaire. La biotransformation hépatique expose à un risque d’interactions avec
les médicaments inducteurs (phénitoïne) ou inhibiteurs (kétoconazole,
érythromycine) de l’iso-enzyme CYP3A4 du cytochrome P450 et avec ses
autres substrats (simvastatin) (14).
La première malade traitée par imatinib était une femme de 50 ans atteinte
d’une tumeur gastrique métastatique, multi-opérée, et résistante à plusieurs
lignes de chimiothérapie (23). Après deux semaines de traitement par imatinib
à la dose de 400 mg/j, la taille des métastases hépatiques avait diminué de
moitié. La patiente était toujours en réponse partielle et sous traitement avec un
recul de deux ans. Une étude de phase I a été réalisée chez 36 patients atteints
de tumeur stromale digestive en progression clinique (dont 30 avaient des
métastases hépatiques) et chez 4 patients ayant un sarcome n’exprimant pas la
protéine c-kit (24). 32 patients (89 %) atteints de tumeur stromale ont eu une
Tumeurs rares du tube digestif et du péritoine 249
réponse partielle ou une stabilisation, alors que 3 des 4 patients ayant un
sarcome ont progressé sous traitement. La dose toxique limitante était de
500 mg x 2/j et la dose maximale tolérée de 400 mg x 2/j. Une étude de phase II
multicentrique randomisée américaine a été réalisée chez des patients atteints
de tumeurs non résécables ou métastatiques (25). Elle a évalué la tolérance et
l’efficacité de l’imatinib administré à la dose de 400 ou de 600 mg/j. 147 patients
ont été inclus. Les patients avaient été préalablement opérés dans 98 % des cas,
traités par chimiothérapie dans 51 % des cas et par radiothérapie dans 15 % des
cas. Une réponse partielle a été observée chez 53,7 % des patients, une stabilité
chez 27,9 % et une progression d’emblée chez 13,6 % des patients (4,8 % des
patients n’étaient pas évaluables). Les taux et les durées de réponse n’étaient pas
significativement différents dans les deux groupes. Avec une médiane de suivi de
288 jours, 120 patients (81,6 %) étaient encore sous traitement.
L’efficacité de l’imatinib a été confirmée par deux essais randomisés de
phase III ayant inclus 1 692 patients (26-29). Le but de ces deux essais était de
comparer l’efficacité de l’imatinib à 400 mg/j et à 800 mg/j et d’évaluer l’intérêt de passer de 400 à 800 mg/j en cas de progression pour les patients traités
initialement à 400 mg/j. Les résultats préliminaires de ces études ont été
rapportés en 2003 et 2004. Dans une analyse intermédiaire de l’étude de
l’EORTC (26, 27), le taux de réponse objective était de 54 % à la dose de
400 mg/j versus 57 % à la dose de 800 mg/j. La survie et la survie sans progression à un an étaient respectivement de 90 % et 70 %, sans différence significative
dans les deux groupes. Chez 97 patients évaluables, le passage de 400 à
800 mg/j permettait d’obtenir un taux de contrôle de la maladie de 32 % avec,
à un an, 26 % des patients sans progression documentée. Dans l’étude américaine (28, 29), le taux de survie globale à deux ans dans le bras 400 mg/j était
de 78 % versus 73 % dans le bras 800 mg/j. Pour la survie sans progression, les
taux étaient respectivement de 50 et 53 %. Dans cette étude, pour les
68 patients évaluables parmi les 164 ayant bénéficié d’un cross-over, les
médianes de survie sans progression et de survie globale étaient respectivement
de quatre mois et de dix-neuf mois. Actuellement, la dose quotidienne de
400 mg, qui est celle de l’AMM, reste donc la dose standard. La dose quotidienne de 800 mg est utilisée en cas de progression à 400 mg. Globalement,
environ 90 % des patients tirent un bénéfice du traitement par imatinib et
70 % des patients sont toujours sous traitement à un an dans les différentes
études (30). Le traitement est actuellement administré jusqu’à progression ou
toxicité limitante. En effet, une étude qui comparait deux stratégies de traitement chez des patients traités depuis un an par imatinib (arrêt jusqu’à
progression ou poursuite) a été interrompue en raison de résultats significativement en faveur du bras dans lequel le traitement était poursuivi (31).
Des effets secondaires surviennent chez la majorité des patients. Ils sont le
plus souvent d’intensité modérée et régressent au cours du traitement (25). Les
trois effets secondaires les plus fréquents sont les œdèmes (péri-orbitaires et/ou
des membres inférieurs), l’asthénie et les troubles digestifs (nausées, douleurs
abdominales, syndrome dyspeptique, diarrhée). Parmi les autres effets secon-
250 Les cancers digestifs
daires fréquents, on peut citer les éruptions cutanées, les crampes musculaires,
les arthralgies et les céphalées. Les cytopénies sont le plus souvent modérées.
Elles sont plus marquées lors de l’utilisation de l’imatinib dans la leucémie
myéloïde chronique. Des toxicités plus sévères de grade III-IV sont survenues
chez 21 % des patients de l’étude de phase II américaine (25) : anémie (2 %),
neutropénie (4,8 %), toxicité hépatique (1,4 %), surcharge hydrosodée majeure
(2,1 %), et surtout hémorragie digestive, souvent d’origine tumorale (5,4 %).
L’imatinib n’a dû être interrompu que chez environ 5 % des malades du fait des
effets secondaires. Aucun cas d’hyperuricémie ou de syndrome de lyse tumorale n’a été rapporté.
La tomodensitométrie est l’examen standard pour évaluer la réponse tumorale. Néanmoins, le délai médian pour observer une réponse objective est de
quatre mois, et des réponses tardives (après six mois) ne sont pas rares (26). Le
taux de réponse objective est d’environ 50 %, mais le taux de réponse complète
n’est que de 5 %. 30 à 35 % des patients sont stables (26-29). La survie sans
progression de ces patients est similaire à celle des répondeurs. Les lésions hépatiques prennent souvent un aspect pseudo-kystique sous traitement. Elles
peuvent donc augmenter de taille ou sembler mieux visibles lors d’une tomodensitométrie ou d’une IRM de contrôle. Cet aspect ne doit pas être confondu
avec une progression de la maladie qui repose sur un faisceau d’arguments
cliniques, radiologiques, voire scintigraphiques. Un autre aspect original est le
nouveau concept de progression localisée : il s’agit de l’apparition de nodules
au sein de lésions hypodenses précédemment contrôlées par imatinib. Il a été
montré que la tomographie par émission de positons était une méthode plus
précoce et très sensible pour prédire la réponse au traitement par Glivec®. De
plus, ses résultats sont corrélés à la survie sans progression (32). Actuellement,
du fait de sa disponibilité limitée, elle est surtout utilisée dans les cas difficiles
où il existe un doute entre lésion active et cicatricielle. L’écho-Doppler avec
injection de produit de contraste pourrait en cas de métastases hépatiques
constituer une alternative actuellement en évaluation.
Il existe une relation entre le type de mutation observé sur le gène c-kit et
la réponse au traitement. Dans l’essai américain de phase II, 83 % de réponses
ont été observées chez les 70 % des patients ayant une mutation sur l'exon 11,
seulement 46 % chez les 17 % de patients ayant une mutation sur l'exon 9 et
8 % chez les 13 % des patients chez lesquels aucune mutation du gène n'a été
détectée (33). Le type de mutation influence aussi la survie sans progression des
patients, significativement plus longue chez les patients présentant une mutation sur l’exon 11 du gène c-kit que chez ceux présentant une mutation sur
l’exon 9 ou aucune mutation identifiée (33). Néanmoins, même au sein du site
le plus fréquent de mutations (exon 11), une grande variété de délétions ou de
substitutions a été rapportée ; elles n’ont probablement pas toutes la même
valeur pronostique. Des mutations du gène codant pour un autre récepteur
tyrosine kinase, le PDGFRa, ont été récemment décrites dans les tumeurs stromales (34). L’imatinib a aussi une action inhibitrice sur ce récepteur et son
efficacité serait corrélée au type de mutation du récepteur PDGFRa. 30 % des
Tumeurs rares du tube digestif et du péritoine 251
tumeurs stromales sans mutation identifiée de c-kit auraient ce type de mutation. Environ 10 à 15 % des patients présentent une résistance primaire au
Glivec® (26-29). À long terme, l’évolution des patients traités par imatinib est
encore mal connue, mais environ 15 % ont une résistance secondaire après un
an de traitement.
Perspectives
L’imatinib a transformé la prise en charge et le pronostic des tumeurs stromales
à un stade avancé. Néanmoins, nos connaissances sont encore limitées. La dose
optimale à administrer, la durée du traitement, ont fait l’objet d’essais dont les
résultats définitifs ne sont pas encore disponibles. L’efficacité et la toxicité à
plus long terme sont encore inconnues. Sa place en situation adjuvante et néoadjuvante est en cours d’évaluation, ainsi que la place de la chirurgie dans le
traitement de lésions résiduelles. D’autres questions se posent telles que les
modalités optimales d’évaluation de la réponse tumorale et l’intérêt pratique
des résultats de biologie moléculaire. Pour les patients en échappement thérapeutique, un nouvel inhibiteur de kinase, le SU11248, a donné des résultats
très encourageants dans une étude de phase II et est actuellement en cours
d’évaluation dans un essai de phase III. Enfin, d’autres molécules inhibant
spécifiquement une voie de signalisation cellulaire impliquée dans le processus
de prolifération cellulaire sont à l’étude. Il s’agit de nouvelles voies thérapeutiques pour les tumeurs solides.
Les tumeurs desmoïdes
Les tumeurs desmoïdes sont des tumeurs constituées par une prolifération
fibroblastique monoclonale bien différenciée, associée à des amas de tissu collagène. Elles se développent à partir des fascias ou des structures
musculo-aponévrotiques et sont dépourvues de potentiel métastatique. D’un
point de vue histologique et évolutif, ces tumeurs sont donc de type bénin.
Cependant, le caractère monoclonal de la prolifération cellulaire, le comportement infiltratif local de ces tumeurs et leur tendance marquée à la récidive
locale après exérèse les apparentent à des néoplasies de bas grade à caractère
localement invasif (35).
Épidémiologie
Ce sont des tumeurs rares, avec une incidence estimée à 2 à 4 par million d’habitants et par an. Elles représentent environ 0,03 % de l’ensemble des tumeurs
et 3,5 % des tumeurs fibreuses. Elles touchent plus souvent les femmes que les
252 Les cancers digestifs
hommes et surviennent dans plus de 50 % des cas entre 20 et 40 ans. Elles ont
une topographie extra-abdominale (ceinture scapulaire, région cervicale, paroi
thoracique, membres) dans près de 50 % des cas. Au niveau de l’abdomen, elles
sont localisées dans la paroi ou au sein même de la cavité abdominale, en position intra- ou extra-péritonéale (35, 36). Dans le péritoine, elles peuvent être
localisées dans le mésocôlon, le ligament rond et le mésentère. La fibromatose
mésentérique (FM) est une forme clinique particulière, correspondant à une
tumeur desmoïde développée à partir du mésentère. Les tumeurs desmoïdes
sont fréquemment associées à la polypose adénomateuse familiale (PAF) et l’association tumeur desmoïde-PAF correspond au syndrome de Gardner. Au
cours de la PAF, des tumeurs desmoïdes abdominales et extra-abdominales sont
observées dans 3,5 à 32 % des cas (29 % dans la série de Gardner), les tumeurs
du mésentère représentant plus de 50 % de ces tumeurs (35-37).
Physiopathologie
L’étiologie reste inconnue. Cependant plusieurs facteurs semblent associés à
leur développement (35-38) :
– un traumatisme sur le site de développement de la tumeur est retrouvé une
fois sur quatre. Ainsi, dans la PAF, les tumeurs apparaissent le plus souvent au
décours d’une colo-proctectomie prophylactique ;
– la plus grande fréquence chez la femme en période d’activité génitale, des
observations de progression tumorale au cours de grossesses ou de traitements
contraceptifs, de régression spontanée lors de la ménopause suggérant un caractère hormono-dépendant, d’autant plus que 30 % de ces tumeurs expriment
des récepteurs aux œstrogènes ;
– l’association avec la PAF suggère le rôle du gène APC dans la genèse de ces
tumeurs. Une prépondérance de mutation sur l’exon 15 a été rapportée chez
les patients atteints de tumeurs desmoïdes et de PAF. Le phénotype serait d’autant plus sévère que le siège de la mutation serait proche de l’extrémité 3’, ce
type de mutation étant par ailleurs associé à un phénotype de polypose colique
atténuée.
Présentation clinique
Les tumeurs desmoïdes périphériques se présentent sous la forme de masses
tumorales sous-cutanées, fermes et plus ou moins mobiles à la palpation. Elles
ne sont jamais associées à des adénopathies dans le territoire lymphatique
correspondant. Les tumeurs desmoïdes abdominales sont souvent découvertes
tardivement lorsqu’elles ne sont pas recherchées dans le cadre du bilan d’une
PAF car elles ne sont symptomatiques que dans 25 à 42 % des cas. Les principales circonstances de découverte sont des douleurs abdominales, la palpation
Tumeurs rares du tube digestif et du péritoine 253
parfois fortuite d’une masse, un tableau de fistule digestive ou des signes
cliniques témoignant d’une compression d’une structure digestive, vasculaire,
urinaire ou nerveuse (35, 37, 38).
Lorsque le diagnostic de tumeur desmoïde est suspecté, une enquête rigoureuse doit être conduite qui visera à :
– préciser l’extension loco-régionale et la résécabilité éventuelle de la tumeur :
examen clinique, TDM, angio-IRM ;
– rechercher des arguments en faveur d’une PAF afin de déterminer s’il s’agit
d’une forme sporadique ou d’un syndrome de Gardner : antécédents familiaux
de tumeur desmoïde, de polypes coliques, de cancer colorectal ou du
duodénum. Les manifestations digestives et extra-digestives s’intégrant dans la
PAF seront systématiquement recherchées : kystes sébacés et épidermiques,
radiographie du crâne et de la mandibule à la recherche d’ostéomes et de dents
incluses, fond de l’œil à la recherche d’une rétinite pigmentaire, bien qu’elle
soit habituellement absente dans la PAF associée à des tumeurs desmoïdes,
examens endoscopiques (coloscopie et fibroscopie œso-gastro-duodénale, voire
duodénoscopie) à la recherche de polypes. Si le diagnostic de PAF est confirmé
ou suspecté, le patient doit alors être adressé en consultation d’onco-génétique.
La confirmation du diagnostic repose avant tout sur l’analyse histologique
d’une pièce opératoire. L’analyse cytologique de matériel recueilli par une
ponction percutanée est le plus souvent insuffisante pour porter un diagnostic
de certitude car la cytologie ne permet pas de différencier une tumeur
desmoïde d’un fibrosarcome de bas grade. Lorsque les données cliniques
(contexte de PAF, masse de croissance tumorale lente) et radiologiques (masse
infiltrante, mal limitée, prenant faiblement le produit de contraste) sont suffisamment évocatrices, il n’est pas indispensable pour certains auteurs d’obtenir
une preuve anatomo-pathologique en cas de localisation intra-abdominale, le
recours à une biopsie chirurgicale exposant à un risque d’accélération de la
croissance tumorale.
Histologie
Macroscopiquement, ces tumeurs se présentent comme une masse non encapsulée, adhérant et infiltrant les tissus de voisinage, de consistance fibreuse, de
couleur marron clair. La microscopie optique met en évidence, au sein d’une
trame collagène dense, de nombreux fibroblastes au cytoplasme éosinophile
abondant, avec une activité mitotique peu marquée, associés à un infiltrat
constitué de macrophages, de cellules géantes multi-nucléées et de lymphocytes. Le contingent cellulaire est majoritairement localisé en périphérie de la
lésion. Cet aspect histologique et le contexte clinique permettent de différencier ces tumeurs des autres formes de fibromatose et surtout d’un fibrosarcome.
En immuno-histochimie, outre les marqueurs habituels (vimentine), ces
tumeurs peuvent exprimer c-kit, PDGFr et PDGF (35, 39).
254 Les cancers digestifs
Évolution
Non traitée, l’évolution habituelle de ces tumeurs est marquée par une croissance lente avec un envahissement de proche en proche des structures de
voisinage ou une alternance de phases de stabilité et de croissance. Cependant,
des stabilisations, voire des régressions spontanées après plusieurs années d’évolution, ont été rapportées (35, 38). Après traitement chirurgical, le taux de
récidive varie de 30 à 50 %, en fonction notamment de l’existence ou non d’un
envahissement microscopique des marges d’exérèse. Les récidives surviennent
le plus souvent dans les trois premières années au décours de l’exérèse. Ainsi,
dans une série de 189 patients, les taux de récidive à cinq et dix ans pour les
patients traités par chirurgie seule sont respectivement de 34 et 38 %, avec un
taux de récidive à dix ans de 27 % en l’absence d’envahissement des marges et
de 54 % dans le cas contraire (36). La morbidité et la mortalité liées à ces
tumeurs sont très variables en fonction de leur localisation. Pour les tumeurs
périphériques, la mortalité est exceptionnelle, mais le retentissement fonctionnel peut être majeur. À l’inverse, pour les localisations intra-abdominales,
le taux de mortalité varie de 10 à 40 % dans les séries. Les tumeurs desmoïdes
intra-abdominales sont la première cause de mortalité au cours de la PAF après
colectomie prophylactique (38).
Traitement
La prise en charge des tumeurs desmoïdes, notamment pour les localisations
intra-abdominales, reste très controversée et impose une compétence multidisciplinaire dans un centre référent.
Le traitement de référence est la chirurgie. Elle doit toujours être discutée
en cas de tumeur complètement résécable, surtout si elle est évolutive et qu’il
n’existe aucun sacrifice prévisible de structures vasculaires, nerveuses ou digestives potentiellement responsable de séquelles fonctionnelles invalidantes.
Cependant, l’appréciation de la résécabilité n’est pas toujours aisée, notamment dans les localisations mésentériques où les rapports avec les vaisseaux
peuvent être difficiles à évaluer et éventuellement imposer des résections iléales
et coliques associées étendues. Une indication chirurgicale première peut être
retenue pour une tumeur asymptomatique, de petite taille, mais qui pourrait
devenir non résécable en cas de progression en raison de sa localisation au
contact de structures vasculaires ou nerveuses (35, 36, 40). Lorsque la résection
a été complète, l’intérêt d’un traitement adjuvant reste débattu. En cas d’envahissement des marges de section, la radiothérapie pourrait diminuer le taux de
récidive locale. Dans la série de Ballo et al., chez les patients avec des marges de
résection envahies, le taux de récidive à dix ans était de 54 % dans le groupe
chirurgie seule versus 31 % dans le groupe chirurgie suivie d’une radiothérapie
adjuvante (p = 0,007). Par contre, en l’absence d’envahissement des marges, la
Tumeurs rares du tube digestif et du péritoine 255
radiothérapie adjuvante ne diminuait pas significativement le taux de récidive
locale à dix ans (27 % versus 15 % ; p = 0,442) (35, 36, 40). Les traitements
médicaux anti-hormonaux et anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
n’ont pas été évalués en situation adjuvante.
Pour le traitement médical de ces tumeurs, plusieurs options sont envisageables. Les deux classes médicamenteuses les plus utilisées et les mieux
évaluées sont les AINS et les anti-œstrogènes.
• traitements anti-hormonaux de type Tamoxifène® et/ou AINS de type
Sulindac, ou Indométhacine : des taux de réponse de 50 % environ avec des
réponses complètes ont été rapportés. Le délais d’obtention de la réponse avec
ces traitements peut être très long (de six à huit mois, notamment pour les
AINS). L’efficacité ne devra donc être évaluée qu’après dix-huit à vingt-quatre
mois de traitement (35, 40) ;
• chimiothérapie : les protocoles sont les mêmes que ceux utilisés dans le
traitement des sarcomes (isofosfamide-étoposide, cisplatine-doxorubicinemitomycine C, cyclophosphamide-doxorubicine, dacarbazine-doxorubicine,
cyclophosphamide-dacarbazine-doxorubicine, vinblastine-méthotrexate). Là
aussi, des taux de réponse d’environ 50 % avec des réponses complètes ont été
rapportés ; cependant, le caractère rétrospectif de ces séries et le faible nombre
de patients inclus rendent difficile l’interprétation de ces résultats. Une chimiothérapie hebdomadaire avec une association vinblastine-méthotrexate pourrait
également avoir une certaine efficacité (40, 41). Il convient de souligner que
l’indication d’une chimiothérapie « conventionnelle » est limitée dans ce type
de tumeur.
• radiothérapie : l’efficacité de la radiothérapie seule à forte dose (55-65 Gy)
reste très discutée. Par ailleurs, certaines localisations, notamment mésentériques, sont difficilement accessibles à ce traitement du fait du risque de
toxicité digestive. L’existence d’un reliquat tumoral après une exérèse incomplète pourrait être une indication (35, 40).
En pratique, lorsque le diagnostic de tumeur desmoïde est posé et qu’une
indication de chirurgie première n’est pas retenue (tumeur asymptomatique, de
topographie non menaçante ; tumeur non résécable ou à haut risque chirurgical), le premier temps consiste à apprécier l’évolutivité de la tumeur. En cas
de tumeur lentement évolutive, une hormonothérapie associée ou non à un
traitement par AINS est proposée en première intention. En cas d’échappement, une hormonothérapie de deuxième ligne (analogue de la LH-RH), un
traitement par analogue de la somatostatine ou une chimiothérapie peuvent
être proposés (40, 42). En cas de tumeur rapidement évolutive, une indication
de chimiothérapie première peut être retenue (35, 40-42). Quelle que soit la
réponse au traitement médical, la possibilité d’un traitement chirurgical doit
toujours être périodiquement rediscutée et, en cas d’échappement thérapeutique, une résection incomplète, voire une chirurgie palliative (dérivation
digestive) peuvent même être discutées (35, 40).
Pour les tumeurs exprimant c-kit, PDGF ou PDGFr, un traitement par
imatinib peut être discuté. En effet, deux cas de tumeur desmoïde exprimant
256 Les cancers digestifs
ces marqueurs et traités par imatinib ont été récemment rapportés, avec une
réponse clinique et radiologique après respectivement neuf et onze mois de
traitement (39).
Les adénocarcinomes de l’intestin grêle
Les cancers de l’intestin grêle sont rares, représentant moins de 2 % des cancers
digestifs. En France, leur incidence par million d’habitants a été évaluée à 12,5
chez l’homme et 10,5 chez la femme, alors que pour le cancer colo-rectal l’incidence est respectivement de 400 et 250. Dans les pays occidentaux, les
adénocarcinomes sont les plus fréquents, représentant environ 40 % de ces
tumeurs, suivis par les tumeurs endocrines (25 %), les lymphomes (20 %) et les
sarcomes (10 %) (43-48).
Épidémiologie
Les adénocarcinomes de l’intestin grêle seraient plus fréquents chez l’homme
(sex-ratio : 1,4) et chez les sujets noirs, l’âge moyen de découverte se situant
entre 60 et 70 ans. Les localisations duodénales représentent plus de 50 % des
cas, avec une prédominance des localisations ampullaires et péri-ampullaires,
suivies par le jéjunum (30 % environ, majoritairement situées dans la portion
proximale) et l’iléon (20 % environ) (43-48). Pour les localisations ampullaires,
la prise en charge des adénomes et des adénocarcinomes débutants posent des
problèmes spécifiques qui ne seront pas abordés dans ce chapitre.
Physiopathologie
Comme au niveau du côlon, les adénocarcinomes de l’intestin grêle se développent à partir de polypes adénomateux. Ils sont d’autant plus fréquents que
les polypes sont nombreux, de grande taille, avec un contingent villeux et une
localisation ampullaire. De nombreuses hypothèses ont été émises pour tenter
d’expliquer, d’une part, la prépondérance des localisations duodénales et,
d’autre part, la rareté de ces tumeurs, alors que l’intestin grêle occupe plus de
90 % de la surface du tube digestif (43, 49) :
– le caractère agressif des sécrétions bilio-pancréatiques pour la muqueuse
duodénale, favorisant la survenue de lésions dont la réparation aboutit à une
augmentation de l’activité mitotique cellulaire responsable de l’émergence de
cellules malignes ;
– la pauvreté de la flore intestinale anaérobie limitant la transformation des
acides biliaires en carcinogène ;
Tumeurs rares du tube digestif et du péritoine 257
– la richesse de la muqueuse en enzymes capables de détoxifier le contenu
luminal ;
– la rapidité du temps de transit, limitant le temps de contact entre la
muqueuse et d’éventuels carcinogènes ;
– la faible concentration des carcinogènes du fait de l’abondance du volume
liquidien qui protège par ailleurs la muqueuse de lésions traumatiques ;
– la richesse du tissu lymphoïde et des sécrétions en IgA qui jouent un rôle
dans l’identification et la destruction précoce de cellules malignes ;
– l’absence de contact entre les carcinogènes du contenu intestinal et les
cellules souches entérocytaires localisées au fond des cryptes ;
Le risque d’adénocarcinome de l’intestin grêle est augmenté :
– dans la maladie de Crohn : il augmente à partir de dix ans d’évolution de la
maladie. Les tumeurs surviennent le plus souvent dans l’iléon, sur des segments
digestifs lésés ;
– dans la maladie cœliaque ;
– dans la polypose adénomateuse familiale : le risque cumulé serait proche de
5 % pour les tumeurs duodénales, avec une topographie ampullaire et périampullaire préférentielle marquée ;
– dans le syndrome HNPCC (cancer colorectal héréditaire sans polypose) : la
tumeur de l’intestin grêle peut révéler la maladie ou même la résumer. Comme
pour le cancer colorectal, ces tumeurs touchent des patients plus jeunes que
dans la forme sporadique et semblent avoir un meilleur pronostic. En
revanche, ces tumeurs surviennent principalement chez l’homme (sex-ratio
3,0), alors que pour les tumeurs coliques, le sex-ratio est de 1,0 ;
– dans la forme sporadique du cancer colorectal : il a été mis en évidence à la
fois une augmentation du risque de tumeur ampullaire chez les patients
porteurs d’un cancer colorectal et une augmentation du risque de cancer colorectal chez les patients porteurs d’une tumeur ampullaire, confirmant ainsi les
données d’études où il existait des liens entre les adénocarcinomes du côlon et
de l’intestin grêle.
Présentation clinique
Ces tumeurs sont longtemps asymptomatiques et se présentent souvent au
début sous la forme d’un tableau clinique non spécifique et peu évocateur, ce
qui explique que plus de 50 % sont diagnostiquées à un stade localement
avancé et/ou métastatique, avec un retard moyen au diagnostic de six à huit
mois (44-48, 50).
Les tableaux cliniques les plus fréquemment observés sont la douleur, l’hémorragie digestive, l’altération de l’état général et les syndromes sub-occlusifs ou
occlusifs. Ce dernier mode de présentation est surtout observé dans les localisations distales. Dans une série, un tableau aigu chirurgical révèle la tumeur dans
22 % des cas (46). Dans les localisations duodénales, et notamment de la région
ampullaire, la tumeur pourra être révélée par une cholestase anictérique, un
258 Les cancers digestifs
ictère parfois intermittent et fugace. Enfin, une anémie ferriprive est fréquemment présente et peut constituer à elle seule le mode de révélation (44-48).
La gastro-duodénoscopie est l’examen de référence pour le diagnostic des
localisations duodénales. Pour les autres localisations, le transit du grêle, mais
surtout la tomodensitométrie abdominale (TDM), sont les techniques de
choix, l’entéro-scanner semblant particulièrement prometteur. Ainsi, dans une
étude, l’entéro-scanner permettait d’identifier des tumeurs de 8 à 25 mm qui
n’étaient pas visibles dans 58 % des cas sur le transit du grêle (51). Cette
nouvelle technique va probablement devenir la technique de référence et
permettra sans doute un diagnostic plus précoce, notamment chez les patients
à risque, en permettant un dépistage systématique. Cependant, l’accessibilité
de l’entéro-scanner reste encore limitée et sa fiabilité, tant pour différentier les
différents types de tumeur de l’intestin grêle que pour leur bilan d’extension,
n’a pas encore été évaluée, la TDM classique s’étant montrée peu performante (51). La chirurgie garde donc encore une place encore importante dans
le diagnostic ; dans une série récente, le diagnostic est encore fait par la
chirurgie dans plus de 25 % des cas (44). La place de l’entéroscopie, de la
vidéo-capsule et de l’écho-endoscopie dans le diagnostic et le bilan d’extension
est mal définie, cette dernière technique ayant été surtout évaluée dans la prise
en charge des adénomes et des adénocarcinomes micro-invasifs (51).
Histologie
Le diagnostic de certitude repose sur l’analyse histologique de biopsies ou
d’une pièce opératoire. Dans 50 à 60 % des cas, ce sont des adénocarcinomes
bien ou modérément différenciés, les formes peu ou pas différenciées représentant plus de 30 % des cas (44, 45).
Pronostic
Ces tumeurs sont de mauvais pronostic avec une médiane de survie d’environ
vingt mois et un taux de survie à cinq ans inférieur à 30 % dans la plupart des
séries (44-48). Les localisations duodénales ont un plus mauvais pronostic que
les localisations jéjuno-iléales, avec une médiane de survie de respectivement
dix-sept mois versus trente mois. Trois facteurs semblent expliquer cette différence : un âge plus élevé des patients au diagnostic, des tumeurs plus évoluées
et une chirurgie plus complexe. Le principal facteur pronostique semble être la
possibilité d’une chirurgie curative. Les autres facteurs, qui sont inconstamment retrouvés dans les différentes séries de la littérature, sont l’âge
au diagnostic (supérieur ou inférieur à 75 ans), la localisation de la tumeur,
l’extension de la maladie, avec notamment l’envahissement ganglionnaire
(stade III dans la classification de l’AJCC), et la présence de métastases à
Tumeurs rares du tube digestif et du péritoine 259
distance (stade IV dans la classification de l’AJCC) (44-48, 52, 53). Ainsi, dans
une série récente, les patients avec une tumeur de stade IV avaient un taux de
survie à cinq ans (5 %) et une médiane de survie (onze mois) significativement
inférieurs à ceux des patients avec des tumeurs de stade I à III (taux de survie
à cinq ans : 36 % ; médiane de survie : vingt-neuf mois). De même, pour
les patients opérés, le taux de survie à cinq ans et la médiane de survie
étaient significativement inférieurs chez les patients avec un envahissement
ganglionnaire (respectivement 32 % versus 52 % et vingt-deux mois versus
soixante-dix-huit mois) (44).
Traitement
En l’absence d’études prospectives, la prise en charge thérapeutique des adénocarcinomes du grêle reste mal définie. Dans les recommandations de la
Fédération Francophone de Cancérologie Digestive, il est rappelé que « les
adénocarcinomes du grêle sont habituellement assimilés sur le plan thérapeutique aux cancers du côlon ».
La chirurgie reste le traitement de référence : résection segmentaire avec
curage ganglionnaire dans les localisations jéjunales et iléales, duodénopancréatectomie céphalique dans les localisations duodénales. L’ampullectomie
chirurgicale n’est actuellement recommandée que pour des petites tumeurs
avec une extension endo-canalaire limitée à l’ampoule et ne franchissant pas la
sous-muqueuse duodénale en raison du risque d’envahissement ganglionnaire
(0 % versus 30 %), ce qui correspond en pratique à des foyers d’adénocarcinome au sein de polypes adénomateux (stade 0 ou 1 sans franchissement de la
musculaire muqueuse de la classification AJCC) (52). Une chirurgie curative
est réalisable dans 40 à 65 % des cas. Elle permet d’obtenir des taux de survie
à cinq ans de 40 à 80 % chez les patients ayant bénéficié d’une exérèse
complète, en fonction de la présence ou non d’un envahissement ganglionnaire (44-48). Une récidive locale ou à distance survient dans environ 40 % des
cas, ce qui pose la question de l’intérêt d’un traitement adjuvant. Dans les plus
grandes séries de la littérature, plus de 25 % des patients bénéficient d’un traitement associé à la chirurgie, de type chimiothérapie ou radio-chimiothérapie,
par analogie avec ce qui est proposé dans le cancer colorectal (44, 45).
Cependant, l’impact de ces traitements sur la survie reste mal connu. Dans une
série où il a été évalué, la chimiothérapie adjuvante n’était pas un facteur
pronostique de survie (44). Une étude de phases I-II de radio-chimiothérapie
adjuvante ayant inclus 8 patients avec des tumeurs de la région ampullaire n’a
pas montré de résultats encourageants (54). Par contre, une autre étude de
phases I-II a montré de bons résultats chez 4 patients présentant des tumeurs
du duodénum et ayant bénéficié d’une radio-chimiothérapie néo-adjuvante.
Lors de l’intervention, il n’était pas retrouvé de résidu tumoral et, avec un suivi
moyen de 4,5 ans, tous les patients étaient vivants. Cependant, le staging préthérapeutique de ces tumeurs n’est pas précisé (55). En l’absence de résection
260 Les cancers digestifs
complète, la chirurgie ne semble pas améliorer la survie et, en situation palliative, elle garde essentiellement une place pour prévenir ou traiter la survenue
de complications (45, 47).
La place de la chimiothérapie dans la prise en charge palliative de l’adénocarcinome du grêle a été très peu étudiée. Dans une étude rétrospective récente,
elle améliore significativement la médiane de survie des patients qui en ont
bénéficié (douze mois versus deux mois ; p = 0,02) (44). Une seconde étude
suggère également un bénéfice de survie pour les patients recevant une chimiothérapie à base de 5-FU en situation métastatique (survie médiane de
10,7 mois chez 6 patients traités versus quatre mois pour 8 patients non traités)
ou en cas de récidive après une chirurgie curative (survie médiane de 11,5 mois
chez 6 patients traités versus 7,9 mois chez 21 patients non traités) (56). Dans
les études rétrospectives du M.D. Anderson (14 patients) et du. Royal Marsden
(8 patients), avec des chimiothérapies à base de 5-FU, les résultats sont
modestes avec, au total, une réponse complète, trois réponses partielles et des
médianes de survie de respectivement neuf et treize mois. Le protocole qui
semble le plus efficace dans ces deux séries est l’ECF (association de 5-FU
perfusion continue, cisplatine et épirubicine) (57, 58). Une série rétrospective
française publiée sous forme d’abstract a rapporté chez 20 patients traités par
une association 5-FU-cisplatine un taux de réponse objective de 20 %, un taux
de contrôle de la maladie de 65 % avec une médiane de survie de quatorze mois
et une médiane de survie sans progression de huit mois (59). Enfin, dans une
étude prospective comparant le 5-FU à l’association 5-FU/cisplatine dans le
traitement palliatif du cancer du pancréas, 9 tumeurs ampullaires sont incluse.
Une réponse objective est rapportée avec l’association 5-FU-cisplatine et, en
analyse multivariée, la localisation ampullaire était un facteur de bon pronostic
pour la survie (60). Aucun résultat n’a été rapporté avec les drogues de nouvelle
génération de type oxaliplatine ou irinotécan. La chimiothérapie à base de
5-FU semble donc améliorer la survie des patients en situation métastatique.
Cependant, on dispose de très peu d’éléments et, dans cette situation, en l’absence de données supplémentaires, la décision ne peut être prise qu’au cas par
cas, en fonction de l’état général du patient, eu égard à la toxicité potentielle
de toute chimiothérapie.
Les pseudomyxomes péritonéaux
Les pseudomyxomes péritonéaux (PP) sont dus à la présence de cellules sécrétant du mucus dans le péritoine. Ils s’associent souvent à une ascite mucineuse,
longtemps qualifiée de « gélatineuse ». Cependant, cette appellation de
« maladie gélatineuse du péritoine », qui correspondait à une dénomination
clinique imprécise, ne doit plus être employée, d’autant plus que les formes à
composante fluide « gélatineuse » sont moins fréquentes que les formes à
composante tumorale compacte. Le terme de PP est un terme général qui
Tumeurs rares du tube digestif et du péritoine 261
recouvre des états néoplasiques très variés sur les plans histologique, pronostique et thérapeutique. Le PP est une tumeur rare dont la fréquence est de
2 pour 100 000 laparotomies et qui serait deux fois plus fréquente chez
l’homme que chez la femme (61, 62).
Physiopathologie
Quatre-vingt pour cent des PP sont d’origine appendiculaire (rupture d’un
mucocèle appendiculaire qui est une lésion kystique de taille variable, secondaire à une accumulation de mucus produit par une lésion bénigne ou maligne
mucineuse de l’appendice), et non d’origine ovarienne (extension péritonéale
d’une tumeur ovarienne mucineuse primitive à faible degré de malignité ou
« borderline » (TOMFM)) (61-63). En effet, les profils immuno-histochimiques des PP sont le plus souvent de type colo-rectal (antigène CK7 et
HAM-56 négatifs) ; par ailleurs, l’étude des mutations du gène K-ras et des
pertes alléliques des chromosomes 18q, 17p, 5q et 6q signant une origine
colique a montré qu’elles sont le plus souvent présentes dans les PP alors
qu’elles ne sont pas retrouvées dans les TOMFM (63). On admet donc actuellement que les PP sont le plus souvent secondaires à un ensemencement de la
cavité péritonéale par des cellules mucineuses provenant d’un adénome ou
d’un adénocarcinome mucineux de l’appendice, la rupture de la paroi appendiculaire par la mucine permettant l’issue de mucine et de cellules mucipares
dans la cavité péritonéale. Plus rarement, l’origine de l’ensemencement peut
être la rupture d’une tumeur mucineuse ovarienne (TOMFM), pancréatique
ou d’autre origine. Ces distinctions sont importantes sur le plan pronostique,
la survie à cinq ans observée dans les TOMFM étant de 95 à 100 %, alors
qu’elle n’est que de 75 à 80 % dans les PP peu agressifs et qu’elle est inférieure
à 10 % dans les PP agressifs (61-64).
Classification histo-pronostique
Au sein des PP, deux entités de pronostic très différent ont été individualisées
à partir de l’étude des « coques » tumorales correspondant aux zones d’implantation des cellules épithéliales mucineuses sur le péritoine (62-64) :
– l’adénomatose mucineuse péritonéale disséminée (AMPD), correspondant
au grade 1 de la classification de Ronnet et al., est constituée par de la mucine
extracellulaire abondante, contenant un épithélium mucineux simple ou prolifératif très localisé, avec peu d’atypies cellulaires et une faible activité
mitotique. Elle est secondaire à un adénome mucineux appendiculaire. Sur le
plan macroscopique, le péritoine recouvrant l’intestin grêle est souvent épargné
et il n’existe jamais d’envahissement lymphatique ou de métastases. La survie à
cinq ans est de 80 % ;
262 Les cancers digestifs
– la carcinose péritonéale mucineuse (CPM), correspondant aux grades 2 et 3
de la classification de Ronnet et al., est constituée par de la mucine extracellulaire en quantité modérée à abondante, contenant de l’épithélium mucineux très
prolifératif, des glandes mucineuses ou des cellules cancéreuses isolées ou en
amas, avec une architecture et une cytologie de carcinome. Elle est secondaire à
un adénocarcinome mucineux appendiculaire. L’aspect macroscopique correspond à celui d’une carcinose péritonéale. Les métastases sont essentiellement
lymphatiques, hépatiques et pulmonaires. La survie à cinq ans est de 10 %.
Diagnostic
Les symptômes révélateurs sont le plus souvent des douleurs et/ou une distension abdominale en rapport avec de l’ascite, des nausées, des vomissements ou
un tableau évocateur de carcinose péritonéale. Cependant, le diagnostic est
souvent fait, soit fortuitement à l’occasion d’une chirurgie réglée, soit au cours
d’une laparotomie ou d’une coelioscopie motivée par un tableau pseudochirurgical évoquant une appendicite aiguë ou une pathologie ovarienne. Il
peut s’agir également d’une découverte fortuite sur un examen d’imagerie.
L’échographie abdominale montre typiquement une ascite « immobile », dont
la ponction peut être non contributive ou ramener un liquide riche en mucine.
Les aspects TDM sont très évocateurs : la mucine, qui a une densité voisine de
celle de la graisse, apparaît souvent hétérogène. Un aspect de carapace (scalloping)
est souvent observé au niveau du foie et de la rate, entraînant parfois des
compressions hépatiques dans certains cas de PP agressifs. Le grêle est refoulé
en arrière ou sur les côtés. La réalisation d’une ponction cytologique avec ou
sans biopsie n’est pas recommandée car elle est le plus souvent peu contributive. Au total, le diagnostic repose sur l’aspect scannographique associé ou non
à la présence d’un liquide riche en mucine sur une ponction d’ascite ou sur la
découverte fortuite d’un aspect macroscopique évocateur lors d’une laparotomie ou d’une coelioscopie exploratrices. En cas de découverte chirurgicale
fortuite, une exérèse incomplète des lésions ne doit pas être réalisée, ce type de
geste pouvant entraîner une poussée évolutive de la maladie et une majoration
des difficultés opératoires lors de la réintervention (61, 62, 65).
Traitement
La chirurgie d’exérèse reste le traitement de référence. C’est une chirurgie
palliative, de réduction tumorale, toujours associée à une appendicectomie de
principe ; elle est plus difficile et délabrante en cas de CPM. Elle est proposée
en cas de symptômes invalidants, mais expose au risque de résections itératives
techniquement de plus en plus difficiles et de moins en moins efficaces en
raison du développement de cloisonnements et de fibrose. Aucune des études
publiées ne permet d’apprécier son bénéfice réel. Dans la majorité des cas,
Tumeurs rares du tube digestif et du péritoine 263
l’exérèse ne concerne que la partie centrale et gélatineuse des lésions, alors que
les lésions du péritoine périphérique viscéral et pariétal où est localisé le contingent cellulaire sont laissées en place : les prélèvements ne ramènent que la
composante amorphe paucicellulaire voire acellulaire de la tumeur, ne permettant pas ainsi de typer le PP sur le plan histologique (61, 62, 65). Chez la
femme, les formes ascitiques à composante gélatineuse fluide très prédominante doivent être considérées en première intention comme secondaires à une
TOFMF et bénéficier si possible d’une chirurgie de résection complète. Ce
n’est qu’en cas de récidive que le diagnostic de PP d’origine appendiculaire
devra être évoqué (62).
La chimiothérapie systémique, avec ou sans sel de platine, semble inefficace
et pourrait même diminuer la survie (61, 65, 66). Dans la série de la Mayo
Clinic, la chimiothérapie systémique est un facteur de mauvais pronostic. Dans
celle du Memorial Sloan Kettering Cancer Center, il n’y a pas de différence de
survie entre les patients recevant ou non une chimiothérapie en complément
d’une chirurgie.
La radiothérapie utilisée en complément de la chirurgie ou en cas de récidive n’a montré aucune efficacité, mais une morbidité certaine (65).
La chirurgie ultra-radicale associée à la chimiothérapie intrapéritonéale
immédiate (CIPI) ou à une chimio-hyperthermie intrapéritonéale (CHIP)
consiste à réaliser des péritonectomies étendues ou à détruire par électrofulguration la totalité des lésions macroscopiquement visibles. Elle concerne surtout
les PP de grade 2-3 (CPM) et, de manière moins formelle, les PP de grade 1
(AMPD) (62). La CIPI permet de détruire le résidu tumoral microscopique
constitué par des cellules tumorales libres dans la cavité péritonéale qui peuvent
secondairement se réimplanter sur les zones dépéritonisées. Cette technique est
potentialisée par une hyperthermie comprise entre 42 °C et 43 °C (CHIP) (62,
67, 68). Malgré une mortalité voisine de 3 à 8 % retrouvée dans toutes les
séries, les premiers résultats de l’équipe de Sugarbaker et al., portant sur
288 patients, faisaient état d’une survie à cinq ans de 69 % (111). Sur une série
de 36 malades traités par CIPI ou par CHIP, Elias et al. retrouvent une survie
sans récidive à cinq ans de 55 % et une survie à cinq ans de 66 %, malgré une
mortalité postopératoire de 13,8 % (62). Ce type de traitement maximaliste
doit être proposé précocement, alors que l’extension de la maladie est limitée,
afin de diminuer la morbi-mortalité opératoire. Un second look systématique
dans les trois ans ou en cas de récidive est proposé, la survie à cinq ans étant
significativement améliorée chez les patients réopérés (74 % versus 68 %) (69).
Pronostic
Les deux facteurs pronostiques sont le caractère complet ou non de l’exérèse et
le grade histologique de la tumeur (62) : l’étude de Sugarbaker et al., concernant 550 patients, a montré que l’exérèse complète des lésions, ne laissant
aucun résidu tumoral supérieur à 2,5 mm, suivie de CHIP ou de CIPI, permet-
264 Les cancers digestifs
tait d’obtenir une survie de 72 % à cinq ans versus 20 % en cas d’exérèse incomplète, même suivie de CHIP ou de CIPI. Le grade histologique était également
déterminant, avec une survie à cinq ans de 80 % pour les grades 1 et de 30 %
pour les grades 2-3, chez des patients traités par chirurgie maximaliste suivie de
CHIP ou de CIPI (69).
Conclusion
Le PP correspond à une pathologie maligne rare et englobe différentes entités
histologiques et pronostiques. La précocité du diagnostic est fondamentale
pour améliorer la survie et la morbi-mortalité des traitements maximalistes
associant une chirurgie complète à une CHIP ou une CIPI.
Le mésothéliome péritonéal
Le mésothéliome péritonéal est une tumeur développée à partir des cellules
mésothéliales bordant la cavité péritonéale. La localisation péritonéale ne représente environ qu’un cinquième à un tiers de toutes les localisations, la plus
fréquente étant la plèvre. Sa pathogénie est difficile à préciser, compte tenu de
la variabilité du pouvoir carcinogène des différentes amiantes et fibres minérales et de la très longue latence de la maladie. Si l’exposition à l’amiante
constitue un facteur de risque classique, elle n’est retrouvée que dans 30 à 50 %
des cas ; d’autres carcinogènes, comme les radiations ionisantes et l’exposition
au béryllium ou au thorotrast, ont été individualisés. Plus récemment, un virus
à ADN, le virus Simian 40 (SV40) et des facteurs génétiques, tels que les mutations p16, p14ARF et NF2, ont été isolés comme facteurs déterminants dans
la carcinogenèse, seuls ou en association. Le mésothéliome est responsable de
10 000 décès par an et la mortalité augmentera de 5 à 10 % par an dans la
plupart des pays industrialisés, au moins jusqu’en 2020. L’usage non réglementé de l’amiante dans les pays les moins industrialisés fait que cette épidémie
persistera pendant tout le siècle en cours. La médiane de survie spontanée de
la maladie est de cinq à douze mois (70, 71).
Diagnostic
À partir d’une série de 51 patients, Sugarbaker et al. ont dégagé les caractéristiques cliniques du mésothéliome péritonéal. L’âge moyen au diagnostic est de
53 ans, avec des extrêmes allant de 16 à 78 ans. Trois modes de révélation principaux de la maladie sont individualisés :
– une forme « humide » correspondant à l’ascite maligne responsable d’une
augmentation du volume abdominal ;
Tumeurs rares du tube digestif et du péritoine 265
– une forme douloureuse, « sèche », se présentant sous la forme d’une masse
abdominale focalisée visible au scanner ;
– une forme combinée regroupant les douleurs abdominales et l’ascite, ainsi
qu’un ensemble de symptômes associant amaigrissement, dyspnée, fièvre et
sueurs nocturnes.
À noter que la forme bénigne du mésothéliome, le mésothéliome multikystique bénin, est typiquement révélée par un tableau douloureux abdominal
isolé et ancien.
Plus rarement, le mésothéliome malin est découvert fortuitement à l’occasion d’une laparotomie réalisée dans un contexte d’urgence de type appendicite
aiguë. La cœlioscopie conduit au diagnostic dans 64 % des cas des formes ascitiques, la ponction de l’ascite avec analyse cytologique étant rarement
contributive (72). L’inconvénient de la cœlioscopie est l’ensemencement sur le
trajet des trocarts avec un possible échappement thérapeutique de ces localisations, alors que la maladie péritonéale peut être parfaitement contrôlée par le
traitement. Dans les formes « humides », le scanner abdominal peut montrer
des nodules sur le péritoine, en particulier sous l’hémi-coupole droite. Dans les
formes « sèches », une masse isolée, en général aux dépens du grand épiploon,
associée à plusieurs autres masses de plus petite taille, constitue le mode de
présentation habituel (72).
Même si les aspects scannographiques sont évocateurs, le diagnostic de
certitude est histologique. Typiquement, l’examen du tissu tumoral avec
une coloration HES montre des cordons de cellules épithéliales cuboïdes et
polygonales au sein d’une matrice mucineuse. Cependant, les aspects architecturaux sont très hétérogènes, incluant notamment des aspects papillaires. Les
immunomarquages, qui doivent toujours être utilisés de façon combinée,
permettent de différencier les carcinoses péritonéales secondaires aux cancers
du côlon, de l’estomac, du pancréas, de l’ovaire, notamment dans sa forme
papillaire, des mésothéliomes péritonéaux : la négativité du marqueur B72.3
combinée à la positivité de la calrétinine affirment quasiment le diagnostic. En
dehors du mésothéliome multikystique bénin, six types anatomo-pathologiques sont individualisés : le mésothéliome de bas grade, le mésothéliome
papillaire bien différencié, le mésothéliome épithélial, le mésothéliome biphasique, le mésothéliome sarcomateux et le mésothéliome décidoïde (72).
Traitement
En monothérapie, les chimiothérapies les plus actives sont les anthracyclines
(taux de réponse : de 3 à 26 %), les sels de platine (taux de réponse : de 11 à
18 %), le méthotrexate haute dose (taux de réponse : 37 %) et la vinorelbine
(taux de réponse : 24 %). Parmi les nouveaux antimétabolites, la gemcitabine,
le raltitrexed et le pemetrexed ont montré, en association avec des sels platine,
des résultats très prometteurs, avec des taux de réponse de 20 à 50 %, malgré
des résultats très modestes en monothérapie (taux de réponse : de 0 à 15 %),
266 Les cancers digestifs
notamment pour la gemcitabine (72, 73). Dans les études de phase II, les taux
de réponse pour l’association gemcitabine-cisplatine varient de 6 à 48 % et les
médianes de survie sont comprises entre 7,5 et 10 mois (73, 74). Cependant,
ces résultats sont obtenus au prix d’une toxicité hématologique notable (de 30
à 40 % de neutropénie de grade 3, de 15 à 20 % de thrombopénie de grade 4).
L’association raltitrexed-oxaliplatine semble aussi efficace, mais beaucoup
moins toxique. Les meilleurs résultats ont été obtenus avec l’association pemetrexed-cisplatine qui est actuellement considérée comme le traitement standard
du mésothéliome malin pleural. Dans un étude de phase III ayant inclus
448 patients et comparant cette association avec le cisplatine en monothérapie,
le taux de réponse (41 % versus 17 % ; p < 0,001), la survie sans progression
(5,7 mois versus 3,9 mois ; p = 0,001) et la survie globale (12,1 mois versus
9,3 mois ; p = 0,02) étaient significativement supérieurs dans le bras pemetrexed-cisplatine. Moyennant une supplémentation en vitamine B12 et en
acide folique, la toxicité de cette chimiothérapie était acceptable. Par ailleurs,
l’association permettait d’obtenir un bénéfice clinique notable sur la symptomatologie pulmonaire. Cependant, la place de ce protocole dans la prise en
charge du mésothéliome péritonéal n’est pas encore définie (75).
Une stratégie de traitement agressif associant une chirurgie combinée à une
chimiothérapie intrapéritonéale, chez des patients sélectionnés, a été proposée
pour tenter de contrôler la progression de la maladie. La chirurgie de réduction
tumorale est complétée par une CHIP ou une CIPI, à condition qu’aucune adhérence ne limite la diffusion de la chimiothérapie sur la surface péritonéale (72, 76).
Dans le bilan pré-thérapeutique, deux critères scannographiques sont prédictifs de
la possibilité de chirurgie de réduction tumorale et de chimiothérapie intrapéritonéale : l’intestin grêle et son mésentère doivent pouvoir être isolés de la tumeur et
aucun signe d’occlusion ne doit être présent. Les antécédents de chirurgie de
réduction tumorale sont une contre-indication. La chirurgie optimale repose sur
une omentectomie avec péritonectomie sous-phrénique droite et gauche
complétée par une péritonectomie pelvienne complète (72). Les protocoles de
CHIP utilisent, pendant quatre-vingt-dix minutes, le cisplatine (50 mg/m2) et la
doxorubicine (15 mg/m2) chauffés à 41-41,5 °C. Une chimiothérapie intrapéritonéale postopératoire précoce par paclitaxel (20 mg/m2/j pendant cinq jours) est
proposée par certaines équipes. Un second look chirurgical est réalisé à six mois et
peut être associé à une CHIP. Dans la série de Sugarbaker et al., ce traitement a
permis d’obtenir une survie médiane de cinquante-six mois après le diagnostic et
un taux de survie projetée à trois ans de 60% (120).
Pronostic
Dans l’ensemble des séries publiées, les facteurs prédictifs de survie sont le sexe
féminin, un stade précoce au diagnostic et un âge inférieur à 60 ans (77, 78).
Dans des équipes très spécialisées, un index péritonéal de cancer est établi par
le chirurgien lors de l’exploration abdominale. La cavité péritonéale est divisée
Tumeurs rares du tube digestif et du péritoine 267
en 13 régions et un score est attribué à chacune des régions en fonction de la
masse tumorale : score de 0 en l’absence de cancer visible ; score de 1 en
présence de nodules < 0,5 cm ; score de 2 en présence de nodules de 0,5 à
5 cm ; score de 3 en présence de nodules > 5 cm. La survie moyenne est de
trente-quatre mois en présence d’un score de 0 à 28 et de seize mois en présence
d’un score de 29 à 39. À ce score pré-thérapeutique est associé un score reflétant la qualité de la réduction tumorale : score de 0 en l’absence de tumeur
résiduelle visible ; score de 1 en présence de nodules < 0,25 cm ; score de 2 en
présence de nodules de 0,25 à 2,5 cm ; score de 3 en présence de nodules
> 2,5 cm ou de nodules confluents. Avec ce score, la survie estimée est de
quarante-et-un mois pour des valeurs comprises entre 0 et 2, treize mois pour
une valeur de 3 (79). L’impact pronostique du type histologique est très variable
suivant les séries, mais paraît faible (72, 76).
Conclusion
Le mauvais pronostic du mésothéliome péritonéal semble amélioré par des traitements agressifs associant une chirurgie de réduction tumorale à des
protocoles de CHIP ou CIPI, réalisés par des équipes très spécialisées chez des
malades sélectionnés. En dehors de ces traitements locaux, la chimiothérapie
systémique reste basée sur différentes combinaisons de sels de platine, l’association pemetrexed-cisplatine semblant particulièrement efficace.
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