1 L`outsourcing des RH : opportunité ou menace
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1 L`outsourcing des RH : opportunité ou menace
L’outsourcing des RH : opportunité ou menace ? Jeroen Delmotte & Luc Sels ’Onderzoekscentrum Personeel & Organisatie’ Faculté des Sciences Economiques et des Sciences Economiques Appliquées, KU Leuven Dans le discours ambiant sur les Ressources Humaines, l’outsourcing (ou externalisation) des RH est une question largement controversée. Certains estiment que cette pratique ouvre surtout des opportunités. Selon eux, l’outsourcing permettrait à la fonction RH de se libérer des tâches de type transactionnel et opérationnel et de dégager du temps et des moyens pour jouer un rôle plus proactif et stratégique. D’autres, en revanche, sont un peu moins optimistes et voient surtout dans l’outsourcing une manière de réduire les coûts de la GRH. A leurs yeux, externalisation va de pair avec réduction des effectifs ou démantèlement des fonctions de support qui, à première vue, créent peu de valeur ajoutée directe. C’est la vision qui prédomine dans les scénarios catastrophes et qui considère l’outsourcing comme une menace. Quand on écoute les débats actuels sur les RH, on pourrait parfois croire que l’outsourcing est un phénomène nouveau, et pourtant c’est loin d’être le cas. Depuis toujours, les organisations ont dû se poser la question du ‘make or buy’, choisir entre faire soi-même ou acheter à l’extérieur. Mais il est vrai qu’au fil du temps, l’outsourcing est davantage devenu une évidence. Nettoyage, technologies de l’information, catering et gardiennage sont des exemples bien connus d’activités pour lesquelles le recours à des sociétés extérieures nous paraît depuis longtemps assez évident. Dans les RH aussi, il y a des domaines où l’outsourcing est implanté depuis relativement longtemps. On peut citer l’exemple de l’administration des salaires, du recrutement et de la sélection, ou de la formation et du développement des compétences. Mais, au cours de la dernière décennie, la tendance à l’externalisation, surtout dans le domaine des RH, semble avoir entamé une nouvelle progression. Dans la littérature comme sur le terrain, l’outsourcing des RH fait l’objet de jugements contrastés. Il n’existe pas en Belgique de synthèse complète des arguments pour et contre. Dans le cadre de notre projet, nous avons essayé de confronter la rhétorique à la réalité. Nous avons taché d’analyser les opportunités et les menaces liées à l’externalisation des RH de manière plus précise et plus 1 argumentée. L’étude est basée sur une analyse détaillée de la littérature et sur une étude empirique réalisée auprès d’entreprises établies en Belgique (PASO Flanders). Nous avons également sélectionné huit entreprises pour effectuer des études de cas plus approfondies. Dans la présente synthèse, nous passons brièvement en revue les résultats de l’étude, en examinant successivement les cinq volets qui constituent la structure de celle-ci. 1. L’OUTSOURCING DES RH. QUESTIONS DE TERMINOLOGIE. Les définitions de l’outsourcing sont légion, ce qui crée pas mal de confusions. Dans la littérature anglo-saxonne surtout, on s’en donne à cœur joie. Certaines définitions sont très larges et laissent une grande marge d’interprétation. Ainsi, on définit généralement l’externalisation en l’opposant à l’”exécution en interne”. Dans cette conception, externaliser revient à faire appel à une entreprise externe pour l’exécution, la gestion et/ou le soutien de certaines activités. Cette définition large suggère que l’outsourcing n’est rien de plus que l’achat d’un bien ou d’un service. L’outsourcing est toutefois plus qu’une simple décision d’achat. C’est le fruit d’une décision stratégique qui consiste à renoncer à l’exécution en interne d’une activité. Pour pouvoir parler d’outsourcing, il faut qu’il s’agisse d’une activité qui était auparavant réalisée au sein de l’entreprise ou d’une activité pour laquelle l’entreprise qui externalise dispose des capacités nécessaires en interne. En d’autres termes, une des caractéristiques essentielles de l’outsourcing, c’est que l’organisation a le choix entre deux options : produire en interne ou acheter à l’extérieur. La démarche d’externalisation doit donc être précédée par une décision sur la question du ‘make or buy’. C’est pourquoi, nous adoptons la définition suivante : “Transfert à une organisation externe, sur une base régulière, d’activités RH qui étaient auparavant exécutées en interne (ou que l’organisation a la capacité d’exécuter en interne)”. Les entreprises peuvent développer leur politique RH et leurs activités RH en interne ou faire appel à une organisation externe. Cette distinction entre deux options ne dit toutefois pas grand-chose sur les nombreuses options intermédiaires, sur cette très large zone grise entre le ‘make’ et le ‘buy’. L’externalisation est rarement une formule du tout ou rien. Une organisation peut par exemple décider d’externaliser la totalité d’une activité (total outsourcing) ou seulement une partie (selective outsourcing), ou décider de recourir à l’outsourcing uniquement de manière temporaire (transitional outsourcing). On peut choisir de transférer une petite partie des activités RH ou bien, au contraire, la totalité du département RH à un prestataire externe (Business Process Outsourcing). On peut externaliser uniquement les éléments opérationnels des services RH (peripheral outsourcing), mais aussi des tâches RH plus transformationnelles et stratégiques (strategic outsourcing). Les relations d’externalisation peuvent tantôt s’inscrire sur le long 2 terme (comme dans le ‘transformational outsourcing’), tantôt avoir un caractère plutôt ponctuel (comme dans l’’outtasking’). Il ressort de l’étude que les organisations font surtout appel à l’outsourcing sélectif. De nombreuses activités RH ne sont en effet externalisées que partiellement. La ‘tête’ et la ‘queue’ de l’activité restent en interne, le ‘corps’ (l’exécution) est externalisé. L’outsourcing transitionnel est également fréquent. Là, on fait appel temporairement à l’outsourcing jusqu’à ce que l’activité puisse être réalisée en interne. D’autre part, on opte généralement pour une collaboration sur une période assez longue et sous la forme d’un partenariat avec un fournisseur (privilégié). 2. L’OUTSOURCING DES RH, OPPORTUNITE OU MENACE ? L’outsourcing devient une option quand on peut supposer que certaines activités peuvent être exécutées plus rapidement, mieux ou à moindre coût par une organisation externe. La littérature pointe plusieurs motifs qui incitent les entreprises à externaliser. Notre étude montre que la motivation est rarement en premier lieu financière. Le motif le plus souvent cité est avoir accès à des connaissances et à une expertise spécialisées. La volonté de se focaliser sur les activités fondamentales (afin de libérer du temps et des moyens pour les activités stratégiques) et le souci d’accroître la flexibilité (pour réagir rapidement à un environnement en mutation) sont aussi fréquemment évoqués. La réduction des coûts (grâce aux économies d’échelle réalisées par le fournisseur) n’est pas le premier objectif mais constitue souvent un avantage additionnel. Les motifs peuvent au demeurant varier fortement selon le type d’activité RH considéré. Ainsi, la réduction des coûts joue un rôle important dans l’externalisation de tâches de type administratif (par ex. l’administration des salaires), tandis que les motifs liés au besoin de connaissances spécialisées et à la qualité jouent plutôt pour des activités qui portent davantage sur le développement de compétences fondamentales (par ex. la formation). L’outsourcing présente de nombreux avantages potentiels. Mais, toute médaille a son revers. Certaines décisions d’externalisation ne tournent pas comme on l’espérait et entraînent des coûts imprévus. Les entreprises qui externalisent citent comme principal risque la perte de contrôle. Elles soulignent également que la ‘compatibilité culturelle’ entre le donneur d’ordre et le fournisseur est essentielle. D’autres risques importants sont la dépendance par rapport au fournisseur, la perte de connaissances et d’expertise et l’irréversibilité de la décision d’externalisation. Reste bien entendu la question fondamentale qui est de savoir si l’outsourcing des RH implique surtout des opportunités ou plutôt des menaces. Il est difficile de répondre directement à cette question. Nous avons donc fait un détour en analysant les données de l’étude flamande PASO et nous avons essayé de voir quelles sont les organisations qui externalisent davantage : celles qui ont surtout pour objectif de réduire les coûts de la GRH (l’externalisation au détriment de la fonction RH, 3 comme étape vers une ‘GRH sans managers RH’) ou bien celles qui mettent fortement l’accent sur la fonction stratégique de la GRH (l’externalisation comme moyen de renforcer la communauté RH et de libérer les fonctions RH internes pour leur permettre de jouer un rôle plus stratégique). De l’analyse des données de l’étude PASO, on peut retenir deux leçons. Tout d’abord, on constate qu’il existe une étroite corrélation entre une politique d’ancrage stratégique de la GRH et le degré d’externalisation. Les résultats suggèrent que l’outsourcing des RH n’est pas toujours, loin s’en faut, un instrument de réduction des coûts et que la démarche d’externalisation est plutôt dictée par une vision plus stratégique du rôle de la fonction RH. Deuxièmement, on observe que l’internalisation (délégation de responsabilités RH à la ligne hiérarchique) et l’externalisation sont fortement corrélées, sans toutefois que les attributions du département RH soient vidées de leur contenu. La conjugaison de ces deux mouvements semble plutôt renforcer l’orientation stratégique du département RH. En externalisant les tâches RH opérationnelles et en déléguant le plus possible le management des hommes à la ligne hiérarchique, on peut libérer davantage de temps et d’espace pour se concentrer sur des tâches plus stratégiques. En d’autres termes, internalisation et externalisation conjuguées permettent à la fonction RH d’évoluer davantage vers un rôle de ‘strategic business partner’. C’est l’usage combiné de l’externalisation, de l’internalisation (délégation de tâches aux line managers) et de la digitalisation (recours aux systèmes d’information RH) qui doit permettre cette évolution. Si l’on veut ‘revitaliser’ le département RH, il est très important de conjuguer ces trois leviers. 3. MAKE OR BUY, UNE QUESTION DIFFICILE … Les organisations sont souvent confrontées à la question de savoir quelles activités peuvent/doivent ou non être externalisées. L’outsourcing est-il envisageable uniquement pour les tâches transactionnelles (administration des salaires, traitement des plaintes, gestion des dossiers, etc.) ou peut-on aller un peu plus loin vers les tâches transformationnelles (formation, développement de carrière, etc.) ? Faut-il limiter l’outsourcing à la GRH opérationnelle ou bien peut-il également jouer un rôle dans le développement de compétences stratégiques fondamentales ? Dans la brochure, nous donnons quelques lignes directrices pour répondre à ces questions épineuses. Notre analyse est basée sur une évaluation des activités RH en fonction de deux dimensions : la ‘valeur’ et l’’unicité’. Une activité a de la valeur si elle est importante pour la compétence fondamentale de l’organisation. Une activité est unique si elle est rare sur le marché externe et/ou si la manière dont elle est mise en œuvre est très spécifique à l’entreprise. Lorsqu’une activité combine véritablement ces deux attributs, valeur et unicité, il est probable que l’externalisation ne sera possible que moyennant un suivi intensif, et partant très coûteux. 4 Sur base de la dimension ‘valeur’, nous avons distingué trois types de GRH : La GRH transactionnelle regroupe les activités RH administratives, telles que par exemple l’administration des salaires et du personnel, le ‘benefits management’, la gestion des expatriés et la tenue des dossiers du personnel. Dans la GRH transformationnelle, l’accent est mis plutôt sur les outils RH qui soutiennent les processus RH. La GRH transformationnelle est axée, d’une part, sur les processus (formation et développement, recrutement et sélection, classification et évaluation des fonctions), mais aussi, d’autre part, sur les hommes (évaluation, décisions en matière de promotions, gestion des relations avec les travailleurs). La GRH stratégique, quant à elle, englobe les activités qui visent à harmoniser les décisions RH en fonction des stratégies de l’entreprise. Citons par exemple la gestion stratégique des connaissances, la traduction de la stratégie de l’organisation en priorités RH ou la formulation de la stratégie RH. Tout ce qui relève de la GRH stratégique sera de préférence développé en interne, même si les organisations peuvent s’appuyer dans ce cadre sur l’expertise de consultants en stratégie. Il vaut donc mieux ne pas externaliser l’élaboration de la stratégie RH. Cette activité a en effet de la valeur pour l’organisation et a (espéronsle) un caractère assez unique. Dans le cadre de la GRH transformationnelle, on peut déjà externaliser un peu plus. Toutefois, lorsque le degré d’unicité est grand (comme dans la GRH transformationnelle axée sur les hommes), il est préférable de ne pas opter pour l’outsourcing. Ainsi, la concertation avec les syndicats ne nous semble pas être une tâche pour un partenaire externe. Les décisions en matière de sélections et de promotions, la réalisation des évaluations et le feedback au travailleur concerné, les décisions en matière de rémunération, etc. sont des éléments trop fondamentaux dans le cadre de la gestion des performances pour pouvoir être externalisés facilement. Les activités RH transformationnelles axées sur les processus (comme la formation et le développement, le recrutement et la sélection), si elles ne sont pas uniques, peuvent en revanche être externalisées. Quant aux activités transactionnelles, elles prennent généralement la forme de services fortement standardisés et sont de ce fait faciles à imiter. De plus, elles se rencontrent dans toutes les entreprises et ont une importance moindre sur le plan stratégique. Ces activités se prêtent donc bien à l’externalisation. Les données de l’étude PASO nous fournissent des informations sur l’ampleur de l’externalisation, c’est-à-dire sur le nombre de domaines pour lesquels il est fait appel à des organisations externes. Il ressort des analyses que 89,2% des sièges d’exploitation flamands (10 travailleurs ou plus) font appel à des prestataires externes pour exécuter une ou plusieurs activités RH. Le top trois des activités qui sont (partiellement) externalisées est le suivant : administration des salaires (71,8%), formation (60,5%) et travail intérimaire (52,6%). Dans notre étude qualitative réalisée auprès de huit entreprises, nous avons également analysé la profondeur de 5 l’externalisation. La profondeur peut se définir comme le critère qui permet de voir dans quelle mesure une organisation externalise une activité déterminée. Beaucoup d’activités RH ne sont en effet externalisées que partiellement. L’administration et le calcul des salaires sont externalisés, mais la conception de la politique salariale reste d’ordinaire en interne. L’assessment des candidats est fréquemment externalisé, mais l’établissement du profil et la sélection finale sont effectués par l’entreprise ellemême. Pour la formation proprement dite, on peut facilement se tourner vers le marché, mais là aussi, la ‘tête’ (identification des besoins, planning) et la ‘queue’ (mise en pratique sur le lieu de travail) de l’activité restent de la responsabilité de l’organisation. On recourt donc la plupart du temps à l’outsourcing sélectif. La phase préliminaire et la phase finale de l’activité sont généralement gérées en interne, et l’exécution en elle-même est externalisée. 4. GESTION DES RELATIONS D’EXTERNALISATION Plusieurs études internationales indiquent que bon nombre de contrats d’outsourcing se soldent par un échec. En outre, il semblerait que le personnel RH interne ne consacre qu’une fraction de son temps disponible à la gestion des relations externes et au monitoring des fournisseurs. L’outsourcing a encore trop souvent la connotation de ‘céder à des tiers’. Cela signifie que l’on ne porte pas une attention suffisante à la relation d’externalisation. Une gestion efficace de la relation d’externalisation est donc une condition indispensable au succès de la collaboration. Dans le processus d’externalisation, on peut distinguer cinq phases : (1) la décision d’externalisation, (2) la sélection et la négociation avec les fournisseurs, (3) la gestion de la transition du ‘faire soi-même’ au ‘faire faire’, (4) la gestion des relations avec le partenaire externe et (5) l’évaluation de la collaboration. La bonne gestion de chacune de ces phases est très importante pour le succès de la relation d’externalisation. Ce parcours est analysé en détail dans la brochure. Dans le présent résumé, nous nous limitons à énoncer dix règles pratiques. Nous nous basons pour cela sur les propos des managers RH qui ont collaboré à l’étude. Ils sentent en effet au quotidien ce que signifie l’outsourcing et ils savent quels sont les facteurs de succès et les écueils à éviter. 1. “Sachez ce que vous externalisez. Ne faites pas exécuter par d’autres ce que vous ne comprenez pas vous-même.” 2. “Décrivez le plus précisément possible les objectifs que vous voulez atteindre dans le cadre de l’externalisation.” 3. “Ne laissez pas l’objectif de la réduction des coûts l’emporter sur tout le reste. C’est un objectif important, mais qui vient au second plan.” 4. “L’externalisation ne signifie pas que vous êtes déchargé de l’activité, bien au contraire.” 6 5. “Tenez compte du fait que presque toutes les relations d’externalisation coûtent nettement plus cher dans la période initiale que si l’entreprise exécutait ellemême l’activité.” 6. “Le contrat est un instrument qui doit être utilisé très activement, pendant toute la durée de l’externalisation.” 7. “Vous pouvez avoir le meilleur contrat du monde, si vous ne gérez pas l’externalisation au quotidien, cela ne vous apportera rien.” 8. “Investissez dans une communication très régulière avec le fournisseur. Evaluez régulièrement ses prestations.” 9. “La personne que vous avez de l’autre côté est déterminante pour la réussite ou l’échec de la relation d’externalisation.” 10. “Le partenaire doit avoir le sentiment qu’il doit faire constamment des efforts pour mériter son client. Il ne doit pas ‘s’endormir’.” 7