Licence Economie gestion 1 Grandes fonctions
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Licence Economie gestion 1 Grandes fonctions
Université Paris Ouest Nanterre La Défense - UFR SEGMI - Année universitaire 2015-2016 1 Licence Economie gestion 1 Grandes fonctions macroéconomiques FASCICULE Responsables du cours : Alain AYONG LE KAMA Dramane COULIBALY Patricia CRIFO Elena DUMITRESCU Michel MOUILLART 1 Ce cours présente une introduction aux grands concepts et 2 théories de la macro-‐économie, autour du programme indicatif suivant: Chapitre 1 : Objets et concepts de la macro-‐éoconomie Chapitre 2 : Le marché des biens et services (I): la consommation Chapitre 3 : Le marché des biens et services (II): l’investissement Chapitre 4 : Le marché du travail Chapitre 5 : Introduction au marché de la monnaie et à l’équilibre macro-‐économique Bibliographie indicative : O. Blanchard et D. Cohen, Macro-‐économie, Pearson Education , 2013 , 6e ed H. Kempf Macro-‐économie, Mémentos Dalloz , 2004, 2e ed G. Mankiw, Macroéconomie, De Boeck, 2013 , 6e ed 2 Université Paris Ouest Nanterre La Défense Licence Economie-Gestion 1 2015-2016 Grandes Fonctions Macroéconomiques Travaux dirigés n◦ 1 PIB, RICHESSE ET INDICATEURS DE DEVELOPPEMENT 1.1 Le PIB : un indicateur de richesse pertinent ? Les faiblesses du PIB On peut regrouper les faiblesses du PIB sous trois rubriques : • Le PIB ne valorise pas des types d’activité ou des temps essentiels pour la survie et le maintien des sociétés (“temps avec les proches” ou “temps démocratique”) : ils sont considérés comme improductifs, donc au sens propre du terme productifs de rien ; • Le PIB ne s’intéresse pas à la manière dont la contribution à la production et les revenus issus de celle-ci sont répartis entre les membres de la société (et ne peut donc pas donner de signaux sur d’éventuels facteurs de décohésion sociale) ; • Le PIB ne prend pas en compte les dégâts occasionnés à l’occasion de la production, la production d’externalités, les atteintes au patrimoine collectif dont est doté une société donnée à un temps t. En face de l’acte de production, en face de la valeur ajoutée produite, nulle soustraction (ou addition) sur un compte de capital ou de patrimoine sur lequel on a agi, qui a vécu des transformations. Autrement dit, notre comptabilité nationale n’est pas une comptabilité patrimoniale : elle ne prend pas en considération le patrimoine collectif : patrimoine humain, fait de compétences individuelles et collectives, patrimoine naturel, fait de degrés de qualité des ressources naturelles que nous utilisons au cours des opérations de production, patrimoine de relations sociales dans lequel nous puisons pour produire, patrimoine culturel. Dominique Méda, article “Richesse”, in Dictionnaire de l’autre économie, J.-L. Laville et A.D. Catani (dir.). 1. Définissez ou précisez les termes soulignés. 2. A la lumière du texte de Dominique Méda, idendifiez les activités qui, dans la journée de Dolorès et de Félix (cf. document ci-dessous), vont être (ou non) comptabilisées dans le PIB par les comptables nationaux. 3. Isolez clairement les différentes faiblesses soulignées par Dominique Méda. 3 Qu’est-ce qui compte (dans le PIB) ? Au volant de sa voiture, Dolorès est énervée. La journée a été exténuante au bureau, elle a mal au dos et cela fait vingt minutes qu’elle est bloquée derrière ce camion qui crache une fumée épouvantable. Pas moyen de fermer les fenêtres par cette chaleur. Il serait peut-être temps d’acheter une voiture avec la clim’ en profitant de la prime à la casse... En plus, elle va encore être en retard. Heureusement l’assistante maternelle qui garde son fils ne rechigne pas à faire des heures sup’. Quand elle arrive enfin chez elle, après avoir attrapé une pizza pour le dı̂ner, elle croise son voisin, tout souriant, et répond vaguement à son salut. Félix sourit, car il est enchanté de sa journée. Il se félicite de sa décision de passer aux quatre cinquièmes pour s’occuper des enfants le mercredi. Cette partie de foot au parc lui a fait un bien fou. Longtemps qu’il n’avait pas couru autant. Après ça, les devoirs ont été un jeu d’enfant ! Il a même eu le temps de faire une tarte avec les beaux fruits que tante Yvonne leur a ramenés de son jardin dimanche. Il aurait bien invité la voisine à en prendre une part, mais elle n’avait pas l’air de bonne humeur... Sandra Moatti, “PIB : Le compte n’est plus bon”, Alternatives Economiques n◦ 283 - septembre 2009. 4 1.2 Les nouveaux indicateurs de richesse et de développement Les données 2011 disponibles pour la France auprès du PNUD sont les suivantes : Indicateurs Espérance de vie à la naissance Durée moyenne de scolarisation Durée attendue de scolarisation RNB par habitant (en PPA en $) Valeur 81,5 10,6 16,1 30 462 1. En vous servant de la méthodologie disponible en annexe, calculez les différents indices dimensionnels, ainsi que l’indicateur de développement humain (IDH). 2. Sur le graphique 1, sont représentés par un nuage de points les 187 pays pour lesquels le PNUD a calculé l’IDH. Les abscisses correspondent au RNB par tête (en logarithme) et les ordonnées à l’IDH. Au regard de ce graphique, quels jugements pouvez-vous porter sur la pertinence globale de cet indicateur pour comparer des pays dont les écarts de RNB par habitant sont relativement élevés ? 3. Sur le graphique 2, sont représentés uniquement les 30 pays les mieux classés en termes d’IDH. Votre jugement précédent a-t-il évolué lorsque les comparaisons sont opérées entre pays homogènes d’un point de vue économique ? 5 6 Graphique 1 : IDH calculé pour 187 pays dans le monde. Source : PNUD. Note : Les abscisses correspondent au RNB par tête (en logarithme) et les ordonnées à l’IDH. Graphique 2 : 30 pays les mieux classés selon l’IDH. Source : PNUD. Note : Les abscisses correspondent au RNB par tête (en logarithme) et les ordonnées à l’IDH. 1.3 L’équilibre ressources-emplois La consommation des ménages est de 850 milliards d’euros, celle des administrations est de 350, la FBCF s’élève à 300 milliards, et la balance commerciale est déficitaire à hauteur de 150 milliards. La variation des stocks est nulle. 1. Calculer le niveau du PIB pour les données indiquées. 2. Si le pays importe pour une valeur totale de 200 milliards, à combien s’élève la valeur de la demande globale ? 3. Ecrire l’équilibre comptable (ressources-emplois) de cette économie. 1.4 Les contributions à la croissance du PIB en 2011 Les derniers chiffres diffusés par l’INSEE pour 2010 et 2011 (en base 2005) sont les suivants : Ressources Produit intérieur brut Importations Emplois Consommation FBCF (1) Variation de stocks Exportations 2010 (prix constants) 2011 (prix constants) 2010 (prix courants) 2011 (prix courants) 1 771,6 510,3 1 801,6 535,5 1 937,3 537,4 1 996,6 594,3 1 487,9 337,3 -7,8 468,3 1 492,0 349,0 6,7 493,0 1 606,2 377,4 -4,2 495,3 1 640,6 402,0 10,1 538,2 (1)= Dont acquisitions nettes de cessions d’objets de valeur. 1. Quel peut être l’intérêt pour les comptables nationaux de disposer de données en volume (prix constants) et de données en valeur (prix courants) ? 2. Posez l’équilibre ressources-emplois pour l’année 2011 (à prix courants). Vous exprimerez chaque agrégat en proportion du PIB. 3. Calculez le taux de croissance de chaque agrégat entre 2010 et 2011 (en utilisant les données en volume). 4. A partir du graphique 3, décrivez l’évolution de la contribution des principaux agrégats à la croissance du PIB en volume de 2007 à 2011. 7 8 Graphique 3 : Variation annuelle du PIB en France 2006‐2010. Source : INSEE. 1.5 Le rapport de la Commission Siglitz-Sen-Fitoussi Recommandations 2 et 4 Recommandation n◦ 2 : Mettre l’accent sur la perspective des ménages. S’il est intéressant de suivre les évolutions de la performance des économies dans leur ensemble, le calcul du revenu et de la consommation des ménages permet quant à lui de mieux suivre l’évolution du niveau de vie des citoyens. Les données disponibles de la comptabilité nationale montrent en effet que dans plusieurs pays de l’OCDE, la croissance du revenu réel des ménages a été très différente de celle du PIB réel par habitant, et généralement plus lente. La perspective des ménages suppose de prendre en compte les transferts entre secteurs tels que les impôts perçus par l’État, les prestations sociales qu’il verse, les intérêts sur les emprunts des ménages versés aux établissements financiers. Pour être exhaustifs, les revenus et la consommation des ménages doivent également inclure les services en nature fournis par l’État tels que les services subventionnés, notamment de santé et d’éducation. Un effort majeur devra aussi être réalisé pour réconcilier les sources statistiques aux fins de comprendre pourquoi certaines données, comme le revenu des ménages, évoluent différemment selon les sources statistiques utilisées. Recommandation n◦ 4 : Accorder davantage d’importance à la répartition des revenus, de la consommation et des richesses. Le revenu moyen, la consommation moyenne et la richesse moyenne sont des données statistiques importantes mais insuffisantes pour appréhender de façon exhaustive les niveaux de vie. Ainsi, une augmentation du revenu moyen peut être inégalement répartie entre les catégories de personnes, certains ménages en bénéficiant moins que d’autres. Le calcul de la moyenne des revenus, de la consommation et des richesses doit donc être assorti d’indicateurs qui reflètent leur répartition. La notion de consommation médiane (de revenu médian, de richesse médiane) offre un meilleur outil de mesure de la situation de l’individu ou du ménage “représentatif” que celle de consommation moyenne, de revenu moyen ou de richesse moyenne. Il importe aussi, pour de nombreuses raisons, de savoir ce qui se passe au bas de l’échelle de la répartition des revenus et de la richesse (tel que le montrent les statistiques de la pauvreté), ou encore au sommet de celle-ci. Dans l’idéal, ces informations ne devront pas être isolées mais liées entre elles, par exemple pour savoir comment sont lotis les ménages au regard des différentes dimensions du niveau de vie matériel : revenu, consommation et richesses. Un ménage à faible revenu possédant des richesses supérieures à la moyenne n’est, au fond, pas nécessairement plus mal loti qu’un ménage à revenu moyen ne possédant aucune richesse. (Nous reviendrons sur la nécessité de disposer d’informations sur la “répartition combinée” de ces dimensions du bien-être matériel des personnes dans les recommandations ci-après relatives à la mesure de la qualité de la vie.) 1. Quelle difficulté le PIB pose-t-il en tant qu’agrégat dans la manière dont il peut rendre compte 9 des différentes situations individuelles des ménages ? L’utilisation d’autres indicateurs de position tels que la moyenne ou la médiane permet-elle de solution cette difficulté ? 2. La recommandation n◦ 7 préconise que les indicateurs de la qualité de vie utilisés dans la mesure de l’évolution du bien-être fournissent une évaluation exhaustive et globale des inégalités. Quelles sont, selon vous, les principales inégalités qu’un agrégat comme le PIB est susceptible de masquer ? 1.6 Le revenu disponible brut (facultatif ) Au-delà du PIB, le revenu national disponible Le produit intérieur brut (PIB) est une mesure de l’activité productive sur le territoire d’un pays ; c’est à ce titre qu’il est privilégié dans le suivi de la conjoncture économique. Mais une partie de cette activité sert à rémunérer des capitaux étrangers, ainsi que le travail transfrontalier effectué en France par des non-résidents ; à l’inverse, une partie des ressources des résidents en France provient de revenus de placements à l’étranger, ainsi que de salaires reçus par des résidents qui travaillent à l’étranger. C’est la raison pour laquelle la commission “Stiglitz” sur la mesure des performances économiques et du progrès social a recommandé de mettre l’accent sur le revenu national brut (RNB) plutôt que sur le produit intérieur. Cette démarche peut s’étendre jusqu’au revenu national disponible brut (RNDB), qui prend également en compte d’autres flux de revenus avec l’extérieur (impôts versés à l’Union européenne, prestations sociales versées à des non-résidents, ou reçues par les résidents en provenance de l’étranger). Guillaume Houriez, Vladimir Passeron et Adrien Perret, “Les comptes de la Nation en 2010 : la croissance repart”, INSEE Première n◦ 1349 - mai 2011. 1. A la lecture du texte de Guillaume Houriez, Vladimir Passeron et Adrien Perret, précisez ce qu’ajoute la mesure du RNB par rapport à celle du PIB ? 2. Quelle peut être la pertinence du RNDB par rapport au RNB pour un pays de l’Union européenne ? 10 Annexe Vous trouverez ci-dessous la méthodologie utilisée par le PNUD afin de calculer l’IDH. Cet indice est un indicateur synthétique composé de trois autres indices (l’indice d’espérance de vie - Ivie , l’indice de l’éducation - Ieduc , et l’indice de revenu - Irev ) qu’il est nécessaire de calculer au préalable. Calcul de l’IDH : méthodologie (PNUD, 2011) Le calcul de l’IDH se décompose en deux étapes. 1ère étape : Création des trois indices dimensionnels Des valeurs minimales et maximales sont définies pour permettre de convertir les indicateurs en indices compris entre 0 et 1. Les valeurs maximales sont les valeurs les plus élevées observées au cours de la période considérée (1980-2011). Les valeurs minimales sont celles que l’on est en droit de considérer comme des valeurs de subsistance. Nous avons défini les valeurs minimales suivantes : 20 ans pour l’espérance de vie, zéro pour les deux variables relatives à l’éducation, et 100 $ pour le revenu national brut (RNB) par habitant. La faible valeur du revenu peut s’expliquer par le volume considérable de subsistance non mesurée et de production hors marché dans les économies avoisinant les valeurs minimales, volume qui n’apparaı̂t pas dans les données officielles. Indicateurs Espérance de vie à la naissance Durée moyenne de scolarisation Durée attendue de scolarisation Indice combiné de l’éducation RNB par habitant (en PPA en $) Valeur maximale observée 83,4 (Japon, 2011) 13,1 (Rép. Tchèque, 2005) 18,0 (limitée) 0,978 (Nouv.-Zélande, 2010) 107 721 (Qatar, 2011) Valeur minimale 20,0 0 0 0 100 Valeurs extrêmes de l’indice de développement humain pour ce rapport Une fois définies les valeurs minimales et maximales, nous calculons les sous-indices de la manière suivante : Indice dimensionnel = valeur réelle − valeur minimale valeur maximale − valeur minimale (1) Pour l’éducation, nous utilisons l’équation (1) pour chacune des deux composantes, puis nous calculons la moyenne géométrique des indices résultants, et finalement nous appliquons de nouveau l’équation (1) à la moyenne géométrique des indices, en utilisant 0 comme valeur minimale et, comme 11 valeur maximale, la valeur la plus élevée des moyennes géométriques des indices obtenus pour la période considérée. Cette méthode revient à appliquer directement l’équation (1) à la moyenne géométrique des deux composantes. Chaque indice dimensionnel servant d’indicateur des capacités dans la dimension correspondante, la fonction permettant de convertir le revenu en capacités est susceptible d’avoir une forme concave (Anand et Sen 2000). Dans le cas du revenu, nous utilisons donc le logarithme népérien des valeurs minimales et maximales utilisées : Irev = ln(valeur réelle) − ln(valeur minimale) ln(valeur maximale) − ln(valeur minimale) 2e étape : Cumul des sous-indices pour obtenir l’indice de développement humain L’IDH représente la moyenne géométrique des trois indices : IDH = p 3 Ivie . Ieduc . Irev Calcul de l’IDH : un exemple (Viet Nam) Indicateurs Espérance de vie à la naissance Durée moyenne de scolarisation Durée attendue de scolarisation RNB par habitant (en PPA en $) Indice d’espérance de vie = Indice de la durée moyenne de scolarisation = Indice de la durée attendue de scolarisation = Indice de l’éducation = Indice de revenu = IDH = 12 Valeur 75,2 5,5 10,4 2 805 75, 2 − 20 = 0, 870 83, 4 − 20 5, 5 − 0 = 0, 478 13, 1 − 0 10, 4 − 0 = 0, 576 18 − 0 √ 0, 478 . 0, 576 − 0 = 0, 503 0, 978 − 0 ln(2 805) − ln(100) = 0, 478 ln(107 721) − ln(100) p 3 0, 870 . 0, 503 . 0, 478 = 0, 593 Université Paris Ouest Nanterre La Défense Licence Economie-Gestion 1 2015-2016 Grandes Fonctions Macroéconomiques Travaux dirigés n◦ 2 CONSOMMATION ET EPARGNE 2.1 La structure de la consommation des ménages Alimentation et tabac Logement (a) Transport Habillement et soins Santé Communication (b) Loisirs Services divers Solde territorial Total budget Coefficients budgétaires 1960 1975 1990 2007 37,6 29,7 27,1 ??? 16,4 19,6 18,2 ??? 11,3 15,0 18,3 17,6 14,3 13,2 11,5 9,0 2,4 2,4 3,4 4,2 1,9 2,9 4,0 5,9 8,0 9,0 9,2 9,7 7,3 8,3 9,3 11,1 0,9 0,0 -1,1 -1,2 100,0 100,0 100,0 100,0 Valeur 2007 219,8 164,9 154,5 79,5 36,7 52,2 85,6 97,2 -10,9 879,4 Evol. annuelle Vol/hab Prix 1,4 4,8 2,8 4,6 3,0 5,1 1,7 4,4 4,7 3,5 10,6 -0,5 2,2 5,3 2,1 5,9 2,5 4,6 (a): Dont loyers, énergie, gros oeuvre et entretien. (b): Dont services de communication et matériel électronique. 1. De combien s’est accru annuellement le volume de la consommation par habitant de 1960 à 2007 ? Déterminez le coefficient multiplicateur (facteur de croissance) correspondant (soit le rapport de la consommation de 2007 sur la consommation de 1960). 2. Calculez le coefficient budgétaire du poste alimentation-tabac pour l’année 2007. En déduire de deux manières différentes celui du poste logement. 3. Quels sont les trois principaux postes de dépenses en 1960 ? Sont-ce les mêmes en 2007 ? 4. Qu’est-ce que la loi d’Engel ? Cette loi est-elle vérifiée au niveau macroéconomique sur longue période ? 5. Au vu du tableau ci-dessus, quels besoins nouveaux semblent émerger depuis deux décennies ? 6. Sur les graphiques ci-dessous, spécifiez à quel secteur économique (primaire, secondaire ou tertiaire) sont associés chacun des coefficients budgétaires. Quelles conclusions en tirez-vous quant à l’évolution des dépenses des ménages depuis 50 ans ? Vos conclusions sont-elles identiques selon que vous utilisiez des grandeurs calculées en valeur ou en volume ? 13 14 Graphique1 : Coefficients budgétaires en valeur. Source :INSEE, comptes nationaux, base 2000 Graphique 2 : : Coefficients budgétaires en volumes. Source :INSEE, comptes nationaux, base 2000 2.2 Le pouvoir d’achat des ménages Rendez-vous sur la page : http://www.insee.fr/fr/publications-et-services/ default.asp?page=dossiers web%2Fpouvoir achat%2Fvideo.htm En vous aidant de la vidéo, répondez aux questions ci-dessous (il est fortement conseillé de les lire avant de visionner la vidéo) : 1. Définir la notion de pouvoir d’achat. Déterminez l’évolution du pouvoir d’achat des ménages (les données suivantes sont présentées en pourcentage par rapport à l’année précédente). RDB des ménages Indice des prix (*) Pouvoir d’achat du RDB Pouvoir d’achat RDB par pers. Pouvoir d’achat RDB par UC 2004 4,4 2,1 2005 3,1 1,8 2006 4,6 2,0 2007 5,1 2,1 2008 3,3 2,9 2009 0,6 -0,6 2010 2,0 1,2 1,6 1,6 0,5 0,6 1,8 1,9 2,4 2,4 -0,2 -0,3 0,7 0,6 0,2 0,1 (*): Attention, l’indice des prix utilisé pour calculer l’évolution du pouvoir d’achat des ménages n’est pas l’indice des prix à la consommation mais le déflateur des dépenses de consommation des ménages. Ce dernier intègre les services d’intermédiation financière (SIFIM) et les loyers imputés. L’autre différence fondamentale entre les deux est que l’IPC est un indice de Laspeyres (la pondération des produits dans le panier de consommation est celle de l’année de départ) alors que le déflateur est un indice de Paasche (la pondération est celle de l’année de d’arrivée). 2. Comment est calculé l’indice des prix à la consommation ? 3. Durant ces cinq à dix dernières années, les ménages français ont eu l’impression que leur pouvoir d’achat diminuait alors même que les donnée de l’INSEE (cf. ci-dessus) donnaient une évaluation inverse. Quatre arguments sont avancés dans ce document pour expliquer cette apparente contradiction : lesquels ? 15 2.3 La fonction de consommation keynésienne On suppose que la fonction de consommation agrégée peut être modélisée par la relation suivante : Ct = ln(Yt + eC0 ), où Ct et Yt représentent respectivement le niveau de consommation et de revenu à la période t. 1. Que signifie la notation C0 ? 2. Définissez les notions de propension marginale et de propension moyenne à consommer. Combien valent-elles dans le présent cas pour un niveau de revenu quelconque ? 3. Rappelez les hypothèses relatives à la propension marginale à consommer formulées par J.M. Keynes dans la Théorie générale de l’Emploi, de l’Intérêt et de la Monnaie. Ces hypothèses sont-elles respectées par la fonction de consommation proposée ? 4. Comment évoluent les propensions marginale et moyenne à consommer lorsque le revenu augmente ? Cela est-il compatible avec la théorie keynésienne ? 5. Calculez le revenu Ỹ , parfois appelé “revenu de rupture”, tel que les agents consomment la totalité de ce revenu. Quel sens économique peut-on donner aux situations telles que Y < Ỹ ? 6. Déterminez l’expression de la fonction d’épargne et la propension marginale à épargner correspondante. 2.4 Les motifs d’épargne des ménages A partir du texte de l’OCDE (cf. pages suivantes), intitulé “Les motifs d’épargne des ménages”, tiré du rapport sur Les déterminants de l’épargne, Théorie et études empiriques, répondez aux questions suivantes : 1. Explicitez les différents motifs d’épargne des ménages. 2. Pour chacun de ces motifs, citez et décrivez un produit financier (proposé, par exemple, par les banques ou par les sociétés d’assurance) qui réponde au besoin exprimé par les ménages. 3. Chacun de ces produits d’épargne répond-il nécessairement à la volonté de se couvrir contre un risque éventuel ? Si oui, lequel ? 16 17 INTRODUCTION Du point de vue comptable, le taux national d'épargne est égal à la moyenne pondérée des taux d'épargne des trois principaux secteurs de l'économie : les ménages, les entreprises et les administrations publiques. La pondération se fait en fonction des parts respectives des trois secteurs dans le revenu national disponible. Une étude complète du taux national d'épargne exigerait donc une analyse des facteurs qui déterminent les taux sectoriels d'épargne et les parts de revenu de chaque secteur. Néanmoins, la grande majorité des etudes du comportement de l'épargne sont axées sur l'épargne des ménages. La raison en est le rôle prépondérant que joue celle-ci dans la détermination de l'épargne nationale. Certaines études regroupent l'épargne des ménages et celle des entreprises sous le terme d'a épargne privée D. Cette méthode se fonde sur la considération théorique que le patrimoine global des ménages reste le même si le secteur des entreprises (privées) ne distribue pas les bénéfices réalisés, ce qui entraîne une augmentation de la valeur des actions (gains en capital pour les actionnaires), ou si tous les bénéfices sont distribués sous forme de dividendes puis réinvestis (c'est-à-dire épargnés) par les ménages qui les recoiventl . L'épargne publique est généralement exclue des analyses du comportement de l'épargne, étant admis qu'elle dépend des décisions des autorités et qu'elle est donc influencée par des considérations autant politiques qu'économiques2. De manière générale, cela s'applique a la composante structurelle comme à la composante cyclique ; cette dernière dépend de l'action des stabilisateurs automatiques, dont la mise au point est également fonction de mesures délibérées. I. MOTIFS D'ÉPARGNE DES DIFFÉRENTS MÉNAGES Du point de vue du ménage, la décision d'épargner consiste 6 ne pas consacrer tout le revenu courant aux dépenses de consommation. On peut distinguer trois grands motifs conduisant à prendre cette décision : i) l'épargne-retraite, c'est-à-dire la formation d'actifs qui permettront de financer la consommation après le départ a la retraite, lorsque le revenu courant de l'activité deviendra nul (ou négligeable) ; 162 ii) iii) l'épargne de précaution : en raison des aléas que comporte l'avenir, le ménage peut souhaiter constituer une réserve d'actifs pour faire 18 face à des situations d'urgence, telles que chômage, maladie, etc. ; l'épargne de solidarité : c'est-à-dire la formation d'actifs qui seront laissés en héritage 6 la génération suivante3. En outre, il y a l'épargne destinée 6 acquérir des actifs matériels. Naturellement, ces motifs ne s'excluent pas mutuellement ; et l'épargne effective est généralement déterminée par une combinaison des trois raisons énoncées ci-dessus, qui font l'objet d'une brève analyse dans les paragraphes suivants. Dans une société rationnelle, les décisions d'épargne doivent être fondées sur un comportement optimisant qui choisit le niveau de la consommation et celui de l'épargne de facon 5 égaliser les avantages marginaux de ces deux utilisations possibles du revenu4. A. L'épargne constituée en vue de la retraite L'épargne-retraite - considérée en général comme le motif d'épargne le plus important du point de vue quantitatif - forme la base des modèles de comportement de la consommation des ménages fondés sur l'hypothèse du cycle de vie (HCVI5. Les modèles HCV donnent le profil chronologique de la consommation pendant la durée de vie économique du ménage, l'hypothèse de base étant que le ménage maximise son utilisation du flux de consommation aux différentes périodes, dans la limite des ressources disponibles. Cette hypothèse exige qu'à tout moment, la valeur présente actualisée de la consommation future totale soit égale à la somme du patrimoine net actuel et de la valeur présente actualisée du total des revenus salariaux futurs. Pour plus de clarté, on peut représenter graphiquement les principales caractéristiques de ce modèle. Comme l'indique le graphique A, le ménage accroît son patrimoine par accumulation (économise) durant la période précédant le départ à la retraite, en consommant moins que son revenu disponible. Par conséquent, le patrimoine atteint son niveau maximal 6 l'âge de la retraite, après quoi, il diminue progressivement pour financer la consommation courante. Cela signifie que l'épargne est positive durant la phase précédant la retraite et négative durant la phase de retraite du cycle de vie du ménage, sa valeur moyenne étant nulle sur la vie entière lorsque des actifs ne sont pas donnés ou recus à titre gratuit (en héritage par exemple). Le profil chronologique de la consommation du ménage (et donc de l'épargne) dépend de différents facteurs, dont les plus importants sont : le taux d'intérêt sur le marché, le taux de preference temporelle de l'individu, le degré de crainte des risques e t le fonctionnement des marchés des capitaux6. En outre, le taux d'épargne du ménage durant la période active du cycle de vie sera fortement influencé par la 163 GRAPHIQUE A REVENU, ÉPARGNE, C O N S O M M A T I O N ET PATRIMOINE A U COURS DU CYCLE D E VIE 19 Revenu Consommation Patrimoine 1A, / / Patrimoine net \ / \ \ Temps t t Entrée dans la vie active Retraite t Décès Y Cycle de vie durée relative de la période de retraite par rapport a la période d'activité rémunérée. Ainsi, la durée de vie (prévue) et l'âge de Sa retraite sont sans doute des déterminants importants du comportement individuel d'épargne. Un principe majeur de la forme t( pure )) du modèle HCV de consommation des ménages, 5 savoir que les ménages la désépargnent pendant la période de retraite, n'est cependant pas mis en évidence dans les études du budget des ménages effectuées aux États-Unis (voir Mirer, 1979). De même, on s'est apercu que le modèle HCV ne peut pas rendre compte de la répartition observée des niveaux de patrimoine au Royaume Uni (voir Atkinson, 197 1) et aux États-Unis (voir Wolff, 198 1). II semble donc nécessaire de considérer 164 d'autres motifs d'épargne pour expliquer de manière satisfaisante le compor20 tement observé des ménages en matière d'épargne et de patrimoine. B. Le motif de solidarité des générations Une facon de rendre le modèle HCV compatible avec le comportement d'épargne observé des ménages consiste 3 prendre en compte la volonté des individus de laisser (( un héritage )), 6 leurs descendants, c'est-à-dire à supposer que les ménages accumulent une réserve d'actifs plus importante que celle dont ils ont besoin pour financer leur consommation en période de retraite. Comme c'est le cas de la plupart des autres facteurs, le désir de constituer un héritage ne modifie le taux d'épargne que lorsque l'économie est en expansion sous l'effet de la croissance démographique, de la progression de la productivité ou des deux à la fois. Dans une économie stationnaire, l'épargne de solidarité conduirait simplement à transférer un volume constant d'actifs d'une génération à l'autre, sans que cela ait d'effet sur le taux d'épargne (lequel serait nul). Dans une économie en expansion, l'héritage transmis de génération en génération s'accroît, ce qui exige que l'épargne de chaque génération soit positive sur l'ensemble de son cycle de vie pour que le rapport entre l'héritage recu par la génération suivante et son revenu initial soit constant. L'incidence quantitative de l'épargne de solidarité sur le taux d'épargne des ménages dépend du taux d'intérêt et de l'importance (par rapport au revenu) de l'héritage transmis. Des simulations faites par Farrell ( 1970), il ressort qu'une succession égale au revenu annuel d'un débutant qui entre dans la population active devrait accroître le taux d'épargne de 5 points, toutes choses égales par ailleurs, lorsque le taux d'intérêt réel est de 3 % et la progression des revenus réels de 4 % par an7. Les dons ou legs entre générations sont en fait fréquents, mais il est difficile de dire s'ils sont dus au désir de laisser un héritage, ou bien au fait qu'en raison de l'incertitude quant à la date du décès, ils représentent des économies constituées en vue de la retraite ou des économies de précaution qui n'ont pas été dépensées. C. Épargne de précaution Dans le modèle HCV de base, l'individu prend ses décisions en fonction d'événements et de faits dont la date et l'importance sont supposées connues avec certitude, à savoir son flux de revenu futur, la date de sa mort et le taux d'intérêt 6 chaque période de sa vie. Or, dans la réalité, le futur est incertain. II faut donc se demander si, et comment, le comportement individuel sera modifié par cette incertitude. A la fin d'une étude sur l'incertitude concernant la durée de vie (Yaari, 1965), l'auteur conclut que, si les ménages ont accès 6 un marché concurrentiel des annuités d'assurance, le plan optimal du cycle de vie 185 reste pratiquement inchangé, les décisions d'épargne étant basées sur 21 l'espérance de vie et l'épargne étant détenue sous forme de droits a des annuités. Dans le cas OU n'existe pas un marché concurrentiel des annuités ou s'il n'est pas utilisé, l'incertitude de la date de la mort entraînera un accroissement de l'épargne si le ménage préfère laisser involontairement un héritage plutôt que de s'exposer 2 une ((déconfiture)) dans ses vieux jours. L'incertitude relative aux flux futurs des revenus a été étudiée par Leland ( 19681, qui utilise un cadre consommation-revenu sur deux périodes. Dans ce modèle, l'incertitude accrue concernant les revenus entraîne une augmentation de la demande d'actifs de précaution (pour des fonctions d'utilité classiques) ; ces conclusions sont étayées par les données d'observation8. Un autre auteur (Nagatani 1972) a analysé l'incertitude touchant au revenu dans le cadre d'un modèle de cycle de vie 6 durée continue, et a trouvé que cette incertitude a le double effet suivant : a) b) le profil de consommation sur la vie entière varie en fonction du profil du revenu du ménage (au lieu d'augmenter 2 un rythme constant comme dans un modèle HCV où l'incertitude n'existe pas) ; le profil de consommation sur la vie entière est relevé 5 mesure que l'âge augmente, ce qui indique une accumulation d'actifs plus rapide (et un niveau de consommation plus élevé durant la retraite) qu'en l'absence d'incertitude. Dans une économie en expansion, ces deux effets impliquent un accroissement du taux global d'épargne, compte tenu de la prédominance des profils âge-revenu qui atteignent en général leur maximum dans les derniers temps de g la vie active des individus . Si l'on s'accorde en général sur le principe que l'incertitude accroît la demande d'actifs de précaution, et par conséquent l'épargne, il est difficile de quantifier cette relation. En premier lieu, on ne dispose pas de meusres quantitatives de l'incertitude qui soient utilisables directement. Dans les études concrètes, l'incertitude des revenus est en général mesurée indirectement par des variables auxiliaires telles que le taux d'inflation, le taux de chômage ou une dérivée de ces variables. Étant donné qu'il est difficile d'estimer directement et objectivement l'incertitude, il n'est guère facile d'estimer dans quelle mesure l'épargne de précaution contribue au niveau observé de l'épargne globale. L'incidence exercée sur l'épargne par l'incertitude concernant le taux d'intérêt dépend du signe affecté 5 l'élasticité-intérêt de l'épargne. Comme les données d'observation montrent que l'élasticité-intérêt est plutôt faible, il est peu probable que l'incertitude relative aux anticipations du taux d'intérêt entraîne un accroissement significatif de l'épargne de précaution1*. 166 D. Autres motifs 22 L'achat par un ménage de biens de consommation (( lourds )) est souvent précédé par une accumulation d'épargne. Bien que cette forme d'a épargne visant un objectif )) soit particulièrement fréquente pour les achats de biens de consommation durables, elle peut naturellement servir à financer des dépenses de consommation courante : célébration des mariages, vacances, enseignement des enfants, etc.' Pendant la période suivant la réalisation de l'achat prévu, le ménage réduira son épargne en proportion' 2. D'une manière générale, l'alternance, au cours de la vie de chaque ménage, de ces périodes d'épbgne axée sur objectif et de désépargne est due à la synchronisation imparfaite des entrées de revenus et des dépenses de consommation. Un autre moyen d'acquérir des biens de consommation durables consiste 6 commencer par acheter l'objet souhaité, en s'endettant si nécessaire, puis à réaliser ensuite l'épargne nécessaire, sous forme d'un remboursement progressif de la dette' 3. Ces modes de financement des achats de biens de consommation durables (ou du logement) peuvent avoir des incidences très différentes sur le taux global d'épargne des ménages, comme on le verra dans la partie II.Le fait que l'une ou l'autre méthode prédomine dans un pays donné dépend en partie des habitudes sociales et/ou du fonctionnement du marché des capitaux dans ce pays, un sujet qui sera étudié dans la partie 111 ci-après. La synchronisation imparfaite des entrées de revenus et des dépenses de consommation ne joue pas seulement dans le cas de biens durables. Elle donne lieu, de la part des ménages, à une demande de transaction portant sur des actifs (liquides) qui sont périodiquement reconstitués lorsque les revenus sont recus, puis progressivement épuisés pour financer fa consommation courante. Bien que les divers facteurs qui déterminent le niveau moyen des encaisses de transaction soient faciles à identifier, ils ne sont pas examinés en détail ici : la demande de transaction portant sur des actifs liquides détermine probablement la composition, mais non le niveau du patrimoine net des ménages et laisse par conséquent le taux d'épargne inchangé, bien que, durant la période de paiement des revenus (c'est-à-dire un mois), le patrimoine total s'écarte de facon prévisible de son niveau moyen. '. II. A. AGRÉGATION. DES MENAGES Incidence du taux de croissance Dans la section précédente, on a examiné les divers motifs d'épargne des ménages considérés isolément. En considérant l'ensemble des menages, on 167 . Université Paris Ouest Nanterre La Défense Licence Economie-Gestion 1 2015-2016 Grandes Fonctions Macroéconomiques Travaux dirigés n◦ 3 INVESTISSEMENT 3.1 La valeur actualisée des profits anticipés Afin de déterminer la rentabilité d’un investissement (l’achat d’une machine par exemple), une firme doit d’abord déterminer la valeur actuelle des profits futurs qu’elle compte réaliser grâce à cet investissement. Si l’investissement a lieu en t, il commence à générer des recettes à partir de t + 1. On note Πet+i le profit brut généré par l’investissement à la période t + i, anticipé à la période t. Cependant, le capital se déprécie au taux δ à partir de t + 2, si bien que le profit brut généré est amputé d’une part équivalente à la dépréciation du capital. On note rt le taux d’intérêt réel (connu), e qui sert de taux d’actualisation pour les profits de t + 1, et rt+j le taux d’intérêt réel anticipé, qui sert de taux d’actualisation pour les profits en t + j + 1 (avec j > 0). 1. Pourquoi et comment actualise-t-on les revenus futurs ? 2. Ecrire la valeur actuelle en t des profits anticipés pour les périodes t + 1 et t + 2. 3. Calculer V (Πet ), la somme des valeurs actuelles des profits futurs anticipés, évaluée à la période t. On suppose pour cela que les profits futurs anticipés sont identiques : Πet+1 = Πet+2 = ... = Π et que les taux d’intérêt anticipés sont constants : e e rt = rt+1 = rt+2 = ... = r. 4. Retrouver le coût d’usage du capital dans la valeur de V (Πet ) ? Expliquer la signification de ce coût d’usage. 5. Comment varie V (Πet ) si le taux d’intérêt augmente ? 23 3.2 Calcul économique individuel et investissement Une entreprise envisage un investissement de 10000 euros. Elle établit des prévisions de recettes pour les deux années d’exploitation prévues: Année Recette anticipée 1 3000 2 5000 La valeur de revente de l’investissement au bout des 2 années est de 5000 euros. Le taux d’actualisation est de 10%. 1. Calculer la valeur actuelle nette (VAN) du projet. 2. Calculer le taux de rentabilite interne (TRI) du projet. Pour répondre à cette question, vous devrez d’abord poser le problème par écrit. Ensuite, vous pourrez au choix utiliser la fonction TRI sous Excel ou calculer la valeur à la main à partir de l’équation trouvée. 3. Pour un investisseur individuel, quelles sont les informations contenues dans le calcul de la VAN et du TRI ? Comment varie son investissement avec le taux d’intérêt. 4. Au niveau macroéconomique, comment peut-on utiliser les notions de VAN ou de TRI et les informations qu’elles apportent pour construire une fonction d’investissement agrégée qui serait décroissante avec le taux d’intérêt ? 24 3.3 Le modèle de l’accélérateur On considère une entreprise qui fait face à une demande caractérisée par l’évolution suivante : Période Demande 0 1000 1 1000 2 1100 3 1500 4 1600 5 1500 6 1000 7 700 8 700 9 900 10 1000 11 1000 A la période 0, les entreprises disposent d’un capital fixe d’une valeur de 4000. On fait l’hypothèse que leur technologie de production est telle que le coefficient de capital reste identique d’une période sur l’autre. Le capital se déprécie à chaque période au taux de 10%. La production s’adapte instantanément à la demande. 1. Définir et calculer le coefficient de capital. 2. Quelles hypothèses doit-on faire pour qu’il soit constant ? 3. Calculer l’investissement induit à chaque période lorsqu’il est possible de désinvestir ? 4. Représenter la demande et l’investissement sur un même graphique. Qu’observe-t-on ? 5. Répondre à nouveau aux deux questions précédentes lorsqu’il n’est pas possible de désinvestir ? Commenter. 3.4 Les déterminants de l’investissement : critique des approches traditionnelles A partir des pages 44-47 du rapport d’information n◦ 35 au Sénat de 2002-2003 (sous la direction de Joseph Kergueris), intitulé “Les déterminants de l’investissement”, et de l’article de Anne Epaulard, intitulé “A la recherche des déterminants de l’investissement des entreprises”, répondre à la question suivante : Montrer en quoi les approches traditionnelles − notamment celles abordées dans les exercices précédents − ont (partiellement) échoué à expliquer les variations de l’investissement, spécialement durant les années 90. Quelles explications alternatives peuvent-elles être mobilisées ? 25 - 44 26 A. UN INVESTISSEMENT RÉALISÉ PLUS FAIBLE QUE CELUI ANTICIPÉ La faiblesse de l’investissement depuis 1990 résulte essentiellement d’un déficit marqué d’investissement sur la période 1993-1998. Divers travaux réalisés par des chercheurs de l’INSEE 1 soulignent que l’atonie de l’investissement pendant cette période de cinq ans est mal expliquée par les modèles usuels. La spécification accélérateur-profit retrace convenablement la baisse de l’investissement sur la période 1990-1993. Après la forte croissance de la fin des années 1980, l’activité économique a considérablement ralenti, pour finalement déboucher sur une récession de près de 1 % en 1993. Le facteur demande était donc fortement orienté à la baisse. De plus, la persistance de taux d’intérêts réels élevés a contribué à détériorer la solvabilité des entreprises, et la profitabilité des projets d’investissement disponibles. Après la récession de 1993, les estimations rendent moins bien compte du profil de l’investissement. En particulier, la reprise de 1995 ne se traduit pas par une hausse de l’investissement conforme à ce que l’on aurait pu attendre du lien habituellement constaté entre l’investissement et la valeur ajoutée. La déconnexion se poursuit pendant les années 1996 et 1997. C’est seulement depuis 1998 que l’investissement redevient conforme au phénomène d’accélération vis-à-vis de la valeur ajoutée. L’approche par le Q de Tobin pose le même problème d’interprétation. Herbet et Michaudon2 ont montré que le taux d’accumulation et le Q de Tobin ont suivi, au cours de la période 1975-1991, des évolutions parallèles, ce qui semble confirmer la validité du modèle sur longue période. Mais la relation entre ces deux grandeurs n’est plus établie depuis 1993. Le Q de Tobin progresse en effet sensiblement, atteignant, à partir de 1995, des valeurs proches de 1,2, indiquant l’existence d’opportunités d’investissement non satisfaites. Pourtant, le taux d’accumulation reste faible pendant cette période. Graphique 9 : Q de TOBIN et taux d’accumulation 1 2 Herbet J.B., op. cit., 1995 ; Michaudon H. et Vannieuwenhuyze N., « Peut-on expliquer les évolutions récentes de l’investissement ? », Note semestrielle de conjoncture de l’INSEE, mars 1998 ; INSEE, L’Economie française, éd. 1999-2000, article « Faiblesse de l’investissement depuis 1990 et financement », p. 49-70. Herbet J.B et Michaudon H., « Y a-t-il un retard d’investissement en France depuis le début des années 1990 ? », Document de travail INSEE, 1999. - 45 27 Source : Herbet J.B. (1995). Alors que l’investissement productif français est resté faible sur la période 1993-1998, l’investissement américain a décollé à partir de 1992. La reprise de l’investissement français entre 1998 et 2000 a été trop brève pour permettre de rattraper le retard accumulé dans la période précédente. Les éléments avancés pour rendre compte de cet écart entre l’investissement réalisé et les prévisions des modèles tournent autour de la notion de contrainte financière. B. UN RENFORCEMENT DES CONTRAINTES FINANCIÈRES PESANT SUR LES ENTREPRISES ? Comme l’analyse des déterminants de l’investissement l’a montré, le rôle des contraintes financières est pris en compte dans les théories de l’investissement. Mais différents indices laissent à penser que le poids de ces contraintes se serait accru dans la période récente. Une actualisation des modèles en vue d’accroître le poids de ces facteurs permet d’améliorer leur représentation de l’investissement. Michaudon et Vannieuwenhuyze1 montrent que l’introduction d’une variable d’endettement améliore sensiblement les performances de l’équation d’investissement pour la période considérée. Ce résultat peut s’interpréter de la manière suivante : suite à une phase d’endettement excessif, 1 Op. cit. - 46 28 qui avait conduit à de nombreuses défaillances d’entreprises à la fin des années quatre-vingt, les entreprises françaises ont nettement privilégié leur désendettement, au détriment du financement de nouveaux projets. La contrainte d’endettement aurait été particulièrement forte pour les petites entreprises, celles-ci subissant plus durement l’impact de taux d’intérêt réels élevés, en raison du phénomène du canal du crédit. Cette hypothèse est confirmée par les observations de Duhautois 1, qui rappelle que « le ralentissement de l’investissement est plutôt le fait des petites entreprises tertiaires ». L’incapacité du ratio Q à appréhender convenablement le comportement des petites entreprises expliquerait la déconnexion entre Q de Tobin et investissement productif. Cependant, malgré la baisse des taux d’intérêt à partir de 1995, et l’assainissement de la situation financière des entreprises, perceptible au niveau macroéconomique, l’investissement est demeuré faible jusqu’au deuxième semestre 1997. P. Artus2 émet l’hypothèse que les entreprises, fortement marquées par la période passée de fragilité financière, ont pu continuer à se conformer à des normes d’endettement restrictives. Une autre interprétation de la faiblesse de l’investissement pourrait être trouvée dans les exigences accrues de rentabilité des actionnaires. L’internationalisation des marchés financiers aurait conduit à la diffusion de normes de rentabilité plus élevées, en l’occurrence celles en vi gueur dans les pays anglo-saxons (taux de rentabilité de 15 %). Les grandes entreprises françaises auraient ainsi été incitées à limiter leurs investissements à ceux offrant les meilleures perspectives de rentabilité. La sélection des investissements les plus rentables expliquerait à la fois la baisse de l’investissement, et la hausse du Q de Tobin. C. LE RÔLE DE L’INVESTISSEMENT EN CONSTRUCTION Selon une étude économétrique d’Irac et Jacquinot3, c’est l’investissement en construction qui expliquerait l’atypisme de l’investissement observé en France dans les années 1990. Une phase d’expansion vigoureuse de l’investissement en bâtiment s’est, en effet, produite de 1985 à 1992. Elle s’est achevée avec l’éclatement 1 2 3 Duhautois R., « Le ralentissement de l’investissement est plutôt le fait des petites entreprises tertiaires » », Economie et Statistique, n° 341-342, 2001, p. 47-67. Artus P., « Les entreprises françaises vont-elles recommencer à s’endetter ? », Revue d’Economie Financière, n° 46, 1998, p. 143-162. Irac D., et Jacquinot P., « L’investissement en France depuis le début des années 1980 », Note d’étude et de recherche, Banque de France, 1999. - 47 29 de la bulle immobilière. Il a fallu ensuite plusieurs années pour effacer la suraccumulation qui était intervenue, d’où une morosité prolongée de l’investissement en construction, qui ne s’achève qu’en 1999. La composante construction de l’investissement a donc diminué, pendant plusieurs années, la FBCF totale des entreprises. Pour ces auteurs, l’investissement hors construction a eu, dans les années 1990, un comportement conforme à la dynamique observée dans les années 1980, c’est-à-dire déterminé essentiellement par l’activité et le profit. 30 À la recherche des déterminants de l’investissement des entreprises es investissements des entreprises et la date de leur réalisation sont des éléments importants de la dynamique de court et de long terme des écoL nomies. La volatilité dans le temps des dépenses d’investissement est, en effet, la principale composante des cycles économiques de court terme de l’économie. Toutes les théories de la croissance, comme les travaux empiriques, placent par ailleurs les dépenses d’investissement au cœur du phénomène de croissance économique. Le comportement d’investissement des entreprises a donc naturellement fait l’objet d’un grand nombre de travaux théoriques et empiriques. Leur but est d’identifier les déterminants de l’investissement des entreprises et de mesurer la façon dont la politique économique – essentiellement à travers la fiscalité des entreprises et des ménages et le niveau des taux d’intérêt – influence ce comportement. En dépit des recherches consacrées à ce sujet, les résultats empiriques étaient encore assez limités au milieu des années 80 : sur données individuelles comme sur données agrégées, les principaux déterminants de l’investissement étaient la croissance de la production (ou de la valeur ajoutée) et le taux de profit. Ce résultat empirique était connu sous le nom de « modèle accélérateur-profit ». Ces résultats étaient insatisfaisants, non seulement pour aider à la mise en œuvre éventuelle de politiques économiques susceptibles de soutenir ou de ne pas peser sur l’investissement des entreprises, mais aussi pour leur manque de cohérence avec les modèles théoriques alors disponibles. Les 15 dernières années ont connu d’importantes avancées dans l’approche théorique et empirique de l’investissement. Ce numéro spécial d’Économie et Statistique est l’occasion de dresser un état des lieux de cette recherche et d’en dégager les principaux résultats. ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 341-342, 2001 - 1/2 3 Des résultats empiriques peu satisfaisants pour expliquer l’investissement 31 Jusqu’à la fin des années 80, le résultat empirique le plus robuste était la relation très forte et assez stable dans le temps entre l’investissement et la croissance de la production. Mais cette relation, connue sous le nom d’accélérateur, est davantage l’expression d’un lien technique incontournable (pour produire plus, il faut investir) que la révélation d’un comportement économique. Si l’on souhaite découvrir les déterminants de l’investissement, il ne faut donc pas s’arrêter au lien entre investissement et croissance, mais identifier aussi les raisons pour lesquelles les entreprises produisent davantage. La difficulté vient alors de ce que les résultats économétriques sur les déterminants de la croissance de la production étaient, et sont toujours, insuffisants (1). Un second résultat empirique bien connu de cette recherche empirique était que l’investissement des entreprises est positivement lié au taux de profit. À première vue, ce résultat est parfaitement cohérent avec l’idée selon laquelle la motivation des entreprises étant de réaliser des profits, un taux de profit élevé les incite à investir davantage. Malheureusement, l’interprétation de la présence du taux de profit courant parmi les variables explicatives de l’investissement n’est pas simple et cela pour au moins trois raisons. La première est que la variable pertinente pour juger de la rentabilité d’un investissement n’est pas le taux de profit courant, qui ne renseigne que sur le rendement brut de l’investissement, mais plutôt la différence entre le taux de profit et le coût d’opportunité des fonds. Ce dernier est approché par le taux d’intérêt réel ou mesuré idéalement par le « coût d’usage du capital » (2), lequel tient compte non seulement du taux d’intérêt mais aussi des prix des équipements, de leur obsolescence et de la fiscalité des entreprises et des ménages. Jusqu’à très récemment, les études empiriques ne parvenaient pas à rendre compte d’un quelconque lien négatif entre l’investissement et le coût d’usage du capital ou même entre l’investissement et le taux d’intérêt réel. La deuxième raison est que le profit courant ne renseigne pas sur les perspectives de profits futurs, seules susceptibles d’inciter les entreprises à investir. Enfin, la troisième raison est liée aux deux premières. Puisqu’il est difficile d’interpréter la présence du taux de profit dans une équation d’investissement comme le signe que le profit est la raison pour laquelle les entreprises investissent, pourquoi ne pas l’interpréter comme le signe que le profit est le moyen par lequel les entreprises investissent ? En effet, plus une entreprise fait de profits, plus elle dispose de capacités d’autofinancement de ses investissements ce qui lui évite d’avoir à recourir à des financements externes comme l’endettement. La difficulté de ce type de raisonnement est qu’il entre en contradiction avec le théorème de Modigliani et Miller (1961) selon lequel, dans un monde où les marchés financiers sont parfaits, les décisions financières et réelles des entreprises étant séparées, la capacité d’autofinancement, et donc le profit, ne devrait pas être une variable explicative de l’investissement (3). 1. Voir, par exemple, les résultats d’estimation de l’équation de la fonction d’investissement « notionnelle » proposée dans l’article de J.-B. Herbet, dans laquelle plutôt que d’écrire explicitement une relation entre l’investissement et la croissance de la production, on écrit une relation entre l’investissement et les déterminants théoriques de la croissance. 2. Voir l’encadré 2 de l’article de J.-B. Herbet et l’article de B. Crépon et Ch. Gianella. 3. Un exposé simple en francais du théorème de Modigliani et Miller peut être trouvé dans Collard (2000). 4 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 341-342, 2001 - 1/2 Le modèle accélérateur-profit ne rendait pas compte non plus de l’effet des coûts des facteurs de production sur la combinaison productive retenue par 32 les entreprises. Le modèle théorique de l’investissement le plus simple, celui que l’on doit à Jorgenson (1963), fait intervenir comme déterminant de l’investissement soit le coût du capital et le coût réel du travail, soit le coût relatif capital/travail. La prédiction du modèle théorique est que pour un niveau de production donné, l’investissement de l’entreprise sera d’autant plus faible que le coût d’usage du capital est élevé par rapport à celui du travail. L’effet global sur l’investissement, de la hausse du coût de l’un des facteurs de production dépend alors de l’élasticité de substitution entre les deux facteurs et de la nature de la concurrence (4). L’échec des études empiriques à rendre compte d’un effet négatif du coût d’usage du capital sur l’investissement a déjà été mentionné plus haut ; les résultats ont longtemps été aussi peu concluants quant à la mesure, et même au signe, de l’effet du coût du travail ou du coût relatif capital/travail sur le comportement d’investissement des entreprises. On pourrait se contenter de ces résultats, ou plutôt de cette absence de résultats, et conclure que les coûts des facteurs de production, c’est-à-dire les salaires et les taux d’intérêt, ne jouent aucun rôle dans les décisions d’investissement des entreprises. Peu d’économistes seraient prêts à signer un tel propos, ne serait-ce que parce que ces mêmes variables (les salaires et le taux d’intérêt) jouent sur le profit qui lui-même joue sur l’investissement. Ce n’est pas parce que l’on ne parvient pas à identifier précisément un effet que cet effet n’existe pas. Au milieu des années 80, les études économétriques sur le comportement d’investissement des entreprises n’étaient pas ainsi d’une grande aide pour les responsables de la politique économique : à des questions aussi cruciales que l’ampleur des effets d’une modification de la fiscalité ou d’une hausse des taux d’intérêt sur l’investissement des entreprises, l’économétrie de l’investissement n’avait pas de réponse claire à donner. L’apport des nouvelles théories et des nouvelles méthodes empiriques La stratégie suivie par les économistes pour modéliser le comportement d’investissement et donner des réponses aux questions de ceux qui ont la charge de la politique économique a été de repenser les modèles théoriques, collecter de meilleures données et mettre en œuvre des méthodes empiriques plus sophistiquées ou mieux appropriées aux questions posées. Les articles qui composent ce numéro d’Économie et Statistique sont les fruits de ce programme de recherche. Afin de les situer, il est nécessaire de dresser un rapide panorama des développements de la fin des années 80 et des années 90. Un premier changement a concerné la façon dont la dynamique du comportement d’investissement et les anticipations ont été envisagées. Pendant longtemps, essentiellement par commodité, on séparait en deux étapes la décision d’investissement des entreprises en déterminant tout d’abord, le stock de capital « désiré » par les entreprises et en imposant, dans un deuxième temps et de façon ad hoc, l’hypothèse que l’entreprise ne s’ajustait que lentement à ce niveau désiré du fait de l’existence de « coûts d’ajustement convexes ». Ces coûts d’ajustement convexes expriment deux choses. La première est que lorsqu’une entreprise investit, elle doit non seulement acheter les équipements mais subir aussi des coûts liés à l’installation 4. Les grandes lignes et les différentes variantes de ce modèle théorique sont rappelées dans l’article de J.-B. Herbet et dans celui de B. Crépon et Ch. Gianella. ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 341-342, 2001 - 1/2 5 des nouveaux équipements : arrêt momentané de la production, formation du personnel, etc. C’est à l’ensemble de ces coûts d’installation que font 33 référence les « coûts d’ajustement » des modèles théoriques. Les « coûts d’ajustement convexes » expriment aussi que les coûts d’installation croissent plus que proportionnellement avec l’investissement. Pour prendre un exemple, avec des coûts d’ajustement convexes, les coûts liés à l’installation de 10 nouvelles machines dans une entreprise donnée sont supérieurs à 10 fois les coûts liés à l’installation d’une seule nouvelle machine dans la même entreprise. La conséquence de cette hypothèse de coûts d’ajustement convexes est que les entreprises n’ajustent pas immédiatement leur stock de capital au niveau désiré et que l’investissement des entreprises doit être modélisé comme un processus dynamique. Pratiquement, pendant très longtemps, la dynamique était obtenue en différenciant un modèle autorégressif. C’est cette équation différenciée qui était soumise au test économétrique. Deux critiques différentes et complémentaires peuvent être adressées à cette façon de procéder. La première porte sur la différentiation de l’équation qui fait disparaître la relation de long terme existant entre le niveau de capital de l’entreprise et le niveau de sa production et les autres déterminants du stock de capital désiré. Une façon plus correcte de procéder – qui permet de garder la cohérence entre le modèle de long terme et l’ajustement de court terme – est d’utiliser les modèles à correction d’erreur proposés initialement par Hendry et Anderson (1977). Ces modèles distinguent la dynamique de court terme et celle de long terme : avec la dynamique de long terme, on retrace l’ajustement du stock de capital effectif de l’entreprise au niveau désiré (dont on peut ainsi identifier les déterminants) ; avec la dynamique de court terme, on prend acte du fait que les conditions courantes de l’entreprise peuvent modifier à la marge cet ajustement, par exemple, une hausse du taux de profit peut accélérer l’ajustement du stock de capital au niveau désiré sans affecter pour autant le niveau désiré (5). La seconde critique porte sur la séparation de la détermination du stock de capital désiré et de l’ajustement. Si les entreprises subissent vraiment des coûts d’ajustement convexes lorsqu’elles investissent, pourquoi ne pas les introduire explicitement dans le programme de maximisation de l’entreprise, l’entreprise décidant directement de l’investissement optimal ? Dans bien des cas, on ne sait pas résoudre entièrement le programme de l’entreprise ou, plus exactement, les décisions courantes de l’entreprise dépendent des anticipations faites pour l’ensemble des périodes futures. Ce résultat n’est guère surprenant dans la mesure où le comportement d’investissement est essentiellement tourné vers le futur. Le problème vient du fait que l’on n’observe pas les anticipations des entreprises. Comment faire alors pour obtenir une équation que l’on puisse soumettre à des tests économétriques ? Prendre en compte les anticipations des entreprises Une manière de résoudre le problème des anticipations des entreprises est de considérer que l’ensemble des anticipations pertinentes pour les firmes est résumé dans la valeur que le marché boursier accorde à leurs actifs (le fameux Q de Tobin). Les travaux théoriques de Abel (1979) et de Hayashi (1982) ont montré que cette approche, qui utilise l’information transmise par les marchés boursiers, est tout à fait cohérente avec le modèle néoclassique 5. L’encadré 4 de l’article de J.-B. Herbet fournit une introduction aux modèles à correction d’erreur, l’encadré 1 de l’article de J. Mairesse, B. Mulkay et B. Hall donne des précisions sur les implications de ces modèles dans le cas des données individuelles d’entreprises. 6 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 341-342, 2001 - 1/2 de l’investissement pour peu que les marchés financiers soient parfaits et que les fonctions de production et de coûts d’ajustement vérifient certaines 34 propriétés (6). Sur données françaises comme sur données américaines, les résultats obtenus en utilisant le Q de Tobin comme variable explicative de l’investissement des entreprises n’ont cependant pas été très concluants. Les estimations économétriques conduisent, en effet, à des évaluations peu plausibles des coûts d’ajustement subis par les firmes qui investissent et ce, quelle que soit la forme retenue par ailleurs pour la situation concurrentielle dans laquelle se trouvent les entreprises (Epaulard, 1993). La modification à la marge de la méthode de calcul du Q de Tobin ne suffit pas à supprimer ce problème (Bloch et Cœuré, 1994). Une autre solution, pour traiter des anticipations des entreprises, consiste à estimer directement les conditions du premier ordre dérivées du programme de maximisation de la firme. Des méthodes économétriques développées au début des années 80 – Méthode des Moments Généralisés (Hansen et Singleton, 1982) – permettent de mener à bien l’estimation de ces équations, en tirant explicitement partie des conséquences de l’hypothèse sous-jacente d’anticipations rationnelles, et de tester la validité globale du modèle (7). La place des contraintes financières Parallèlement à ces travaux sur le traitement de la dynamique et des anticipations, d’autres économistes ont essayé d’éclaircir le rôle joué par le profit dans la détermination de l’investissement des entreprises. On a vu que la présence du profit à côté de l’accélérateur dans la liste des déterminants de l’investissement des entreprises ne recevait pas d’interprétation immédiate. À la fin des années 80, un article de Fazzari, Hubbard et Petersen (1988) a proposé un test de l’hypothèse de contraintes financières. L’idée est de grouper les entreprises en fonction d’une variable facilement observable, comme la taille, et dont on peut penser qu’il s’agit d’un bon indicateur de la probabilité que la firme soit financièrement contrainte (l’hypothèse étant que les plus petites entreprises, pour lesquelles l’information est plus difficile à collecter, et qui sont plus éloignées des marchés financiers, subissent davantage les contraintes financières que les plus grandes), puis d’estimer des équations d’investissement très simples : accélérateur/profit ou Q de Tobin/profit sur chaque population d’entreprises. Un coefficient élevé pour les variables des profits dans le cas des petites entreprises et, au contraire, faible pour les entreprises les plus grandes, est alors interprété comme le signe que les petites entreprises, dont l’investissement dépend fortement des ressources de financement internes, sont davantage contraintes financièrement que les autres. La conclusion des tests de Fazzari, Hubbard et Petersen est qu’on ne peut rejeter l’hypothèse selon laquelle certaines entreprises sont contraintes financièrement. À la suite de cet article, et à mesure que se développaient les modèles théoriques décrivant la relation entre les banques et les firmes, l’hypothèse des contraintes financières a été de plus en plus acceptée et affinée avec l’idée que leur poids varie probablement au cours du cycle économique. Des stratégies pour tester empiriquement la validité de ces modèles ont été élaborées (8). Une partie de la littérature théorique et empirique essaye maintenant d’aller au-delà de la simple mise en évidence de l’existence de ces contraintes financières, pour les relier aux effets de la politique monétaire sur l’économie. Dans ces 6. Voir l’encadré 4 de l’article de J.-B. Herbert. 7. L’encadré 1 de l’article de B. Crépon et F. Rosenwald présente rapidement cette méthode. 8. L’article de F. Rosenwald propose un panorama des modèles microéconomiques qui justifient, par l’imperfection de l’information, l’existence de contraintes financières pour certains types d’entreprises ainsi que les stratégies empiriques qui ont été développées pour identifier leur importance. ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 341-342, 2001 - 1/2 7 modèles théoriques et empiriques, la politique monétaire agit sur les comportements d’investissement des entreprises non seulement à travers la 35 répercussion sur les taux d’intérêt des variations décidées par les autorités en charge de la politique monétaire, mais aussi par un effet indirect supplémentaire sur le taux d’intérêt auquel chaque entreprise peut s’endetter : une hausse des taux d’intérêt se traduit par une baisse du prix des actifs des entreprises, diminuant ainsi la richesse que l’entreprise peut offrir en garantie à son prêteur, ce qui in fine réduit sa capacité d’emprunt ou détériore les conditions auxquelles elle peut s’endetter. Le risque et l’irréversibilité des décisions d’investissement Enfin, une troisième voie de recherche pour améliorer la compréhension du comportement d’investissement des entreprises a été suivie par d’autres chercheurs. Cette voie explore le lien entre l’incertitude et les choix des entreprises. La question centrale est de savoir si les décisions d’investissement des entreprises sont affectées par l’incertitude et, si c’est le cas, de quelle ampleur est cet effet. Si l’ensemble des actions des entreprises était réversible sans coût, il n’y aurait guère de raison pour que l’incertitude soit un élément central des décisions d’investissement des entreprises. Mais ce n’est sans doute pas le cas : une partie du capital est spécifique aux entreprises et ne peut être revendu sans perte pour celles-ci. MacDonald et Siegel (1986) analysent ces caractéristiques (risque et irréversibilité) des décisions d’investissement des entreprises. Ils écrivent un modèle de choix dans lequel l’entreprise doit déterminer le calendrier optimal pour investir dans un projet de taille donnée. Ils montrent alors que plus l’incertitude sur les revenus liés au projet d’investissement est forte, plus l’entreprise va exiger un rendement courant élevé du projet pour investir. Par la suite, Pindyck (1988) et Abel et Eberly (1994) ont proposé d’étendre les modèles théoriques d’investissement usuels (où la question n’est pas de savoir si un projet est ou non mis en route, mais plutôt de déterminer le niveau de l’investissement) pour y intégrer ces caractéristiques de risque et d’irréversibilité (9). Même si des résultats empiriques récents montrent la richesse de cette approche (voir, par exemple, Cooper et Haltiwanger (2000)), la validation empirique de ces modèles n’est pas encore achevée. Ils fournissent toutefois quelques prédictions testables et sont compatibles avec certains faits observés dont les modèles traditionnels ne rendent pas compte. Ils ouvrent ainsi des perspectives intéressantes à la recherche empirique. Une prédiction de ces modèles, que l’on trouve, par exemple, dans l’article de Pindyck (1988), est que la valeur boursière de la firme peut s’éloigner durablement au-dessus de la valeur comptable de ses actifs sans qu’il faille nécessairement incriminer l’irrationalité des marchés financiers. Dans les modèles d’investissement irréversibles en incertitude, l’apparente « surévaluation » du marché boursier peut être parfaitement rationnelle si l’entreprise intervient dans un marché où la demande est très volatile ou très incertaine. Ces modèles de choix irréversibles en incertitude sont, par ailleurs, compatibles avec le fait que les entreprises connaissent des périodes sans investissement. Une étude empirique sur données américaines menée par Doms et Dunnes (1998) montre, qu’au niveau de l’entreprise, des années sans investissement succèdent à des périodes où l’investissement est, au contraire, très important. Duhautois et Jamet (2001) ont montré récemment que cette succession de périodes avec et sans investissement se vérifie aussi pour les entreprises françaises mais n’est pas compatible avec 9. Pour une revue en français de ces modèles, on peut consulter Bourdieu, Cœuré et Collin-Sédillot (1994). 8 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 341-342, 2001 - 1/2 l’hypothèse d’ajustement régulier du stock de capital à un niveau désiré, hypothèse commune aux modèles à correction d’erreur et aux modèles à 36 coûts d’ajustement convexes. En revanche, ce fait est compatible avec les modèles d’investissement irréversibles en incertitude, dans lesquels, de façon optimale et indépendamment de l’existence de coûts d’ajustement, l’entreprise peut choisir de ne pas investir à certaines périodes. Ceci ne suffit évidemment pas à valider ces modèles puisque d’autres caractéristiques des projets d’investissement, comme l’indivisibilité, reproduisent eux aussi des sentiers d’investissement au niveau de l’entreprise compatibles avec les observations de Doms et Dunne (1998) et de Duhautois et Jamet (2001). Enfin, et c’est peut-être leur principal apport, ces modèles mettent l’accent sur l’hétérogénéité des situations dans lesquelles se trouvent les entreprises. L’hétérogénéité sur laquelle ils mettent l’accent n’est pas la même que celle sur laquelle reposent les modèles avec contraintes financières. Ici, l’hétérogénéité des firmes n’a rien à voir avec leur taille mais avec les chocs individuels que les firmes subissent en permanence et auxquels elles tentent de réagir : en investissant, en licenciant, en modifiant leurs prix. Chaque firme est alors en partie caractérisée par l’écart qui la sépare du stock de capital qu’elle souhaiterait détenir. Les chocs et l’irréversibilité de l’investissement font qu’une entreprise peut se trouver avec « trop » de capital. La réaction globale des firmes à une modification favorable de l’environnement macroéconomique (une baisse des taux d’intérêt, par exemple) dépend alors de la distribution des situations des entreprises par rapport à leur stock de capital désiré. Si nombre d’entre elles sont en surcapacité, la baisse des taux d’intérêt aura un faible impact sur l’investissement agrégé alors que l’impact sera élevé si la plupart d’entre elles détenaient juste la quantité de capital souhaité avant la baisse des taux d’intérêt. La principale difficulté empirique est alors d’identifier la distribution des écarts au stock de capital désiré. Caballero et Engel (1998) ont proposé et mis en œuvre une méthode empirique. Leur résultat est que la dynamique de l’investissement aux États-Unis est ainsi mieux retracée qu’avec des modèles qui font l’impasse sur l’hétérogénéité des situations individuelles des entreprises ou qui supposent un ajustement lent du stock de capital au niveau désiré sans prendre en compte l’existence d’irréversibilités. Les articles qui composent ce numéro se posent, de près ou de loin, la question du lien entre l’investissement et les variables financières. Avant de donner un bref aperçu du contenu de chaque article, on remarquera la diversité, résumée dans le tableau croisé ci-dessous, des méthodes, des modèles et des sources de données utilisées. De cette variété dans les stratégies empiriques adoptées, on peut espérer ou craindre des résultats qui se complètent ou se contredisent. Données individuelles d’entreprises Pseudo-panel Arnaud Sylvain : calcul de la rentabilité du capital dans six pays industrialisés (1965-1999) Approche comptable Modèle ad hoc sans spécification de la dynamique Élisabeth Kremp et Elmar Stöss sur les structures de financement en France et en Allemagne (1987-1995) Modèle ad hoc avec spécification de la dynamique Jacques Mairesse, Benoît Mulkay et Bronwyn Hall : modèle accélérateur-profit en France et aux États-Unis (1971-1979) et (1985-1993) Modèle théorique sans spécification de la dynamique Bruno Crépon et Christian Gianella sur le coût d’usage du capital et l’investissement (1990-1995) Modèle théorique avec spécification de la dynamique ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 341-342, 2001 - 1/2 Données agrégées Richard Duhautois sur les contraintes de financement (1985-1996) Jean-Baptiste Herbet : modèle accélérateur-profit en France et dans quelques autres pays (1980-2000) Bruno Crépon et Fabienne Rosenwald sur les contraintes financières (1984-1996) 9 La pérennité du modèle accélérateur-profit 37 Au niveau agrégé, rien ne semble avoir vraiment changé comme le souligne l’article de Jean-Baptiste Herbet : l’accélérateur et le taux de profit sont toujours les seules variables macroéconomiques explicatives du comportement d’investissement et toutes les autres variables dont la théorie laisse penser qu’elles sont pertinentes comme le taux d’intérêt ou le taux d’utilisation des capacités de production n’apparaissent pas significativement. Ce résultat n’est pas propre à l’économie française puisque les mêmes déterminants se retrouvent pour les États-Unis, le Canada, le Japon, l’Italie et l’Espagne. Le résultat surprenant est que la cible de long terme (le stock de capital désiré par les entreprises) dépend du taux de profit. Comment réconcilier ce résultat avec le modèle théorique puisque que c’est la cible de long terme et pas seulement la dynamique de l’ajustement qui est influencée par le profit ? On se serait plutôt attendu à ce que la profitabilité joue dans la cible de long terme et non le seul taux de profit. Comment réconcilier alors ces résultats avec ceux obtenus par Jacques Mairesse, Benoît Mulkay et Bronwyn Hall qui utilisent quasiment la même spécification mais concluent à la disparition de l’effet du profit de la liste des variables explicatives de l’investissement des entreprises françaises sur la période la plus récente ? Eux-mêmes fournissent un début d’explication : leur panel est composé de grandes entreprises, dont on considère toujours qu’elles sont moins susceptibles d’être contraintes financièrement. Ceci n’était pas nécessairement vrai sur la première période considérée (19711979) lorsque les marchés financiers étaient moins développés, ce qui permettrait d’expliquer que, sur cette période, le profit joue le même rôle pour ces entreprises. Lorsque l’on change la méthode d’estimation en utilisant la méthode des moments généralisés, le rôle de l’accélérateur ne change pas tellement, confirmant bien qu’il s’agit là d’un lien incontournable alors que l’effet du profit devient négatif. Des contraintes de financement plus fortes pour les petites entreprises Quatre articles traitent explicitement du lien entre l’investissement et son financement. Fabienne Rosenwald présente les principaux modèles théoriques de contraintes financières et les stratégies empiriques qui leurs sont associées. L’article de Richard Duhautois est une première illustration de ces méthodes. En utilisant une méthode empirique proche de celle proposée par Fazzari, Hubbard et Petersen (1988) appliquée à un pseudo-panel d’entreprises, Richard Duhautois aboutit à trois conclusions. Pour les plus petites entreprises, le taux de marge et le taux d’intérêt ne jouent pas de la même façon sur l’investissement dans la période de croissance (1985-1990), où leur rôle est limité, et dans la période de récession (1990-1996). D’une façon générale, le rôle de ces variables financières est d’autant plus fort que les entreprises sont petites. Ce rôle est enfin plus important pour les entreprises du secteur tertiaire que pour les entreprises du secteur industriel. L’ensemble de ces observations est cohérent avec l’hypothèse de contraintes financières. Il ne permet pas toutefois de se prononcer sur la validité de l’hypothèse de canal large du crédit qui voudrait qu’en période de taux d’intérêt élevé certaines entreprises (les plus petites ?) ne peuvent s’endetter qu’en payant des primes de risques élevées. Enfin, on trouve dans l’article de Richard Duhautois un résultat commun avec ceux de l’article de Jacques Mairesse, Benoît Mulkay et Bronwyn Hall : pendant les années 80, les grandes entreprises ont eu un comportement d’investissement dont ne peut rendre compte l’évolution des déterminants habituels. 10 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 341-342, 2001 - 1/2 Bruno Crépon et Fabienne Rosenwald utilisent le modèle néoclassique de l’investissement avec coûts d’ajustement convexes. Ils introduisent un 38 taux d’intérêt qui varie pour chaque entreprise en fonction de son taux de l’endettement et du taux d’intérêt ambiant de l’économie. La façon dont le taux d’intérêt varie avec l’endettement de l’entreprise peut dépendre de sa taille (les modèles de contraintes financières voudraient que l’effet soit plus fort pour les petites entreprises que pour les grandes) et de l’année considérée (les mêmes modèles voudraient que l’effet soit plus fort lorsque la politique monétaire est restrictive). Leur but est de tester l’hypothèse de canal large du crédit. Leurs résultats sont cohérents avec cette hypothèse. Seul point d’interrogation : les estimations des paramètres de coûts d’ajustement n’ont pas toujours le signe prédit par la théorie. L’article d’Élisabeth Kremp et Elmar Stöss sur les structures de financement des entreprises françaises et allemandes complète utilement cette approche. Identifier les déterminants de l’évolution des taux d’endettement des entreprises est une autre façon d’aborder la question de l’existence des contraintes financières que subissent les entreprises. Deux résultats font écho à ceux obtenus par Richard Duhautois et par Bruno Crépon et Fabienne Rosenwald. Le premier concerne les taux d’intérêt apparents auxquels se financent les entreprises. En 1995, les petites entreprises françaises avaient un coût de financement apparent de 7 %, contre 4,4 % pour les plus grandes ; pour l’Allemagne, ces chiffres sont respectivement de 8 % et 5,8 %. L’ampleur de la « prime » que paieraient les plus petites entreprises est donc conforme à celle mise en évidence par l’estimation du modèle théorique estimé par Bruno Crépon et Fabienne Rosenwald. Le second résultat intéressant est celui selon lequel le taux d’endettement des entreprises françaises serait indépendant de la taille des entreprises : les contraintes financières que subiraient les plus petites entreprises passeraient donc essentiellement par les conditions de financement auxquelles elles ont accès et pas nécessairement par des plafonds d’endettement plus bas que ceux pratiqués pour les plus grandes entreprises. La lecture de ces trois articles empiriques sur l’investissement et le financement des entreprises suggère que l’estimation d’un modèle d’équations simultanées qui décriraient l’investissement et la politique d’endettement pourrait éclaircir encore le rôle des contraintes de financement dans le comportement des firmes. Ce modèle permettrait peut-être de mieux décrire les périodes pendant lesquelles les entreprises investissent peu et se désendettent. Les coûts des facteurs de production et la décision d’investir Invité à commenter un article de Shapiro (1986) sur l’investissement, Olivier Blanchard (1986) avait eu ce commentaire désabusé quant à la possibilité d’expliquer un jour une partie de l’investissement des entreprises par le coût d’usage du capital : « … tout le monde sait bien que pour que le coût d’usage du capital apparaisse dans l’équation d’investissement, il faut déployer bien plus d’ingéniosité économétrique que d’habitude, ce qui revient la plupart du temps à choisir une spécification qui contraigne l’effet voulu à apparaître, … ». Bruno Crépon et Christian Gianella proposent une méthode originale pour étudier l’effet du coût d’usage du capital sur l’investissement. Ils utilisent un système d’équations dérivé d’un modèle standard de maximisation, combinant les mêmes éléments qu’utilisait Jorgenson (1963) dans ses premiers travaux sur l’investissement au début des années 60 (à la différence près que les entreprises sont ici en concurrence monopolistique). On ne peut donc les suspecter d’avoir contraint ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 341-342, 2001 - 1/2 11 l’effet qu’ils recherchent, celui des coûts des facteurs sur la décision d’investissement, à apparaître. Deux bonnes idées dans la mise en œuvre 39 des tests empiriques de cette relation expliquent le succès de leur entreprise. La première est de ne considérer que le moyen terme : seules les années 1990 et 1995 sont prises en compte, ce qui résout le problème de la modélisation de la dynamique de court terme sur laquelle on ne sait pas grand chose. La seconde est de mener les estimations sur une période où le coût d’usage du capital a beaucoup varié du fait des changements de la fiscalité et d’utiliser ces changements – dont on peut penser qu’ils ne sont pas anticipés par les entreprises – comme variables instrumentales. Ils trouvent que les coûts des facteurs de production expliquent les comportements de demande de travail et d’investissement des entreprises. Leurs résultats vont même un peu plus loin puisqu’ils permettent de quantifier les effets d’une modification de la fiscalité des entreprises en simulant, en équilibre partiel, l’effet qu’aurait eu sur l’investissement, la production et l’emploi, une hypothétique augmentation du taux d’imposition des sociétés de 36,7 % à 50 % en 1995. La difficile comparaison internationale des rentabilités des investissements Dans son article, Arnaud Sylvain calcule, pour six pays industrialisés, la rentabilité et la profitabilité (10) du capital depuis 1965. La difficulté de l’exercice vient du fait que les données de stock de capital, indispensables pour calculer la rentabilité des investissements, sont construites selon des méthodologies qui diffèrent entre les pays. Pour comparer la rentabilité du capital entre les pays, l’auteur reconstruit des séries de capital avec une méthode homogène, même si on peut remarquer que les différences, dans le temps et dans l’espace, des systèmes fiscaux sur cette rentabilité n’ont pas été pris en compte. L’intérêt de l’article réside surtout dans la présentation de données de rentabilité et de profitabilité sur longue période. L’article illustre non seulement le caractère cyclique de la profitabilité dans chacun des pays mais aussi la convergence des niveaux et des fluctuations de cet indicateur entre les différents pays depuis le début des années 90. Quelles perspectives pour la recherche future ? La compréhension du comportement d’investissement des entreprises a beaucoup progressé depuis 15 ans. Ces progrès sont, en grande partie, liés à l’utilisation de données individuelles d’entreprises. Une dernière étape consisterait à passer des résultats obtenus au niveau individuel à l’explication de l’investissement agrégé. La difficulté vient de ce que l’on ne peut se contenter d’additionner les règles observées au niveau des entreprises dès lors qu’existent des comportements stratégiques ou des externalités (11). Par exemple, les articles qui composent ce numéro d’Économie et Statistique fournissent des éléments statistiques laissant penser que, pendant certaines périodes, les entreprises, et principalement les plus petites d’entre elles, subissent des contraintes financières qui réduisent leur investissement. Ce résultat, assez robuste, est obtenu sur données 10. La profitabilité, qui mesure la différence entre le taux de rentabilité des investissements et le taux d’intérêt, est théoriquement la bonne mesure de ce que rapporte effectivement un investissement puisqu’il prend compte du coût d’opportunité des fonds (le taux d’intérêt). 11. On peut, par exemple, considérer le cas où en présence d’incertitude, chaque entreprise observe les autres, espérant trouver dans leur comportement d’investissement des informations sur le niveau de la demande ou la rentabilité des investissements (cf. Chamley et Gale, 1993). 12 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 341-342, 2001 - 1/2 individuelles d’entreprises. Toutefois, l’effet de ces contraintes sur l’investissement agrégé et sur la croissance n’est pas encore connu avec précision. 40 La stratégie empirique qui permettrait de mesurer cet effet reste à élaborer. De même, des mesures statistiques très simples ont montré que les entreprises ne s’ajustent pas graduellement à un stock de capital désiré mais procèdent à des ajustements pas à-coups. Quelles sont les conséquences pour l’investissement agrégé de ces ajustements ? Des méthodes empiriques ont été élaborées, notamment par Caballero et Engel (1998), pour répondre à cette question. Sur données francaises, ce travail reste à faire, et les méthodes empiriques peuvent, sans doute, être améliorées. Anne Epaulard FMI* * Cette préface a été en partie rédigée lorsque Anne Epaulard était professeur à l’Ensae. Les vues exprimées dans cet article sont les siennes et ne représentent pas nécessairement celles du Fonds Monétaire International. ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 341-342, 2001 - 1/2 13 BIBLIOGRAPHIE 41 Abel A. (1983), « Optimal Investment under Uncertainty », American Economic Review, vol. 73, mars, pp. 228-233. Abel A. et Eberly J. 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Shapiro M.D. (1986), « Investment, Output, and the Cost of Capital », Brookings Papers of Economic Activity, 1, 1986, pp. 111-152. 14 ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 341-342, 2001 - 1/2 Université Paris Ouest Nanterre La Défense Licence Economie-Gestion 1 2015-2016 Grandes Fonctions Macroéconomiques Travaux dirigés n◦ 4 MARCHE DU TRAVAIL, EMPLOI ET CHÔMAGE 4.1 Le marché du travail néoclassique Soit un marché du travail schématiquement représenté par le graphique 1 en page suivante. 1. Qui demande le travail ? Comment la demande de travail est-elle obtenue ? 2. Qui offre le travail ? Expliquer la forme de cette fonction d’offre de travail ? 3. Quels sont les quantités de travail et le salaire réel d’équilibre ? 4. Définir les notions de chômage volontaire et de chômage involontaire. Pour un salaire nominal prédéterminé, peut-on représenter le chômage volontaire sur le graphique ? Le chômage involontaire ? 5. Pourquoi cette forme d’offre de travail est-elle rarement retenue par les économistes (néo)classiques dans leurs modèles ? 42 43 Graphique 1 : Fonctions d'offre de travail (Ls) et Fonction de demande de travail (Ld) 4.2 Le marché du travail néoclassique : application Soit un ménage dont les préférences peuvent être représentées paar la fonction d’utilité suivante : U (C, `) = C 1/2 `1/2 , où C est la quantité de biens consommée par le ménage et ` est le temps de loisir. Le ménage partage son temps disponible T entre travail (noté L) et loisir. Le taux de salaire est w. En outre, le ménage dispose d’un revenu non salarial R > 0. Le prix du bien de consommation est supposé égal à 1. 1. Ecrire la contrainte budgétaire du ménage. 2. On définit le salaire de réserve wr comme le taux marginal de substitution du loisir à la consommation au point (C, `) = (R, T ), où le ménage consomme la totalité de son revenu non-salarial et choisit de consacrer tout son temps disponible au loisir. Calculer wr . 3. Calculer l’offre de travail du ménage (il conviendra de distinguer le cas où R ≤ wT et R > wT ). Montrer notamment que si le taux de salaire w est inférieur au salaire de réserve, alors le ménage choisit de ne pas travailler. 4. Que se passe-t-il lorsque le revenu non-salarial augmente ? 5. Quel est l’effet d’une variation du taux de salaire ? 44 4.3 Productivité et emploi A partir du texte de Pascal Combemale (retranscrit dans l’annexe) et des données de l’INSEE cidessous (les trois dernières colonnes représentent les taux de croissance annuels moyens), répondre aux questions suivantes : Valeur ajoutée brute (En milliards) Volume total d’heures travaillées (En millions) Emploi intérieur total1 (En milliers) Durée annuelle effective (En heures) Productivité apparente du travail (En milliers) Productivité horaire apparente du travail 1949 221,51 41834,68 19 435,42 2 152,50 11 397,02 5,29 1974 800,67 40 121,28 21 250,28 1 888,04 37 678,31 37,68 2010 1 599,98 38 378,64 25 081,82 1 530,14 63 790,54 41,69 49-74 +5,27% −0,17% +0,36% −0,52% +4,90% +5,45% 74-98 +2,16% −0,32% +0,27% −0,59% +1,89% +2,49% 98-10 +1,51% +0,28% +0,85% −0,57% +0,65% +1,23% 1. Définir les notions de “productivité apparente du travail” et de “productivité horaire apparente du travail”. Retrouver les valeurs calculées pour 1949. 2. Pour les deux périodes, faire apparaı̂tre la relation décrite par Pascal Combemale entre taux de croissance de la valeur ajoutée, de la PAT et de l’emploi. 3. Quelle relation existe-t-il entre les taux de croissance de la valeur ajoutée, de la PHAT et du volume d’heures travaillées ? Entre les taux de croissance de la valeur ajoutée, de la PHAT, de l’emploi intérieur total et de la durée annuelle effective ? 4. Calculer le taux de croissance annuel moyen de l’emploi intérieur et de la durée annuelle effective du travail entre 1949 et 2010. Pourquoi la diminution de la durée du travail ne s’est-elle pas accompagnée d’une création proportionnelle d’emplois ? 5. En s’appuyant sur les relations établies à la question 3, expliquer pourquoi l’emploi a pu progresser entre 1949 et 1974. 6. De la même manière, comment expliquer la décélération du rythme de création des emplois (en nombre d’équivalents temps plein) entre 1974 et 1998 ? Puis son accélération entre 1998 et 2010 ? 1 En nombre d’équivalents temps plein. 45 4.4 Le rôle des prix sur la demande et sur l’emploi Ce petit dialogue est tiré de l’ouvrage Introduction à Keynes de Pascal Combemale. L’auteur met en confrontation deux personnages, un keynésien (Monsieur K) et un (néo-)classique (Monsieur C). Il est conseillé de lire le dialogue dans son intégralité, puis de le reprendre encadré par encadré afin de répondre aux questions. C. − Si rien ne vient entraver le fonctionnement du marché, le plein emploi est réalisé, au sens où il n’y a pas de chômeurs involontaires ; les keynésiens ne remettent pas radicalement en cause cette conclusion puisqu’ils se contentent d’introduire comme hypothèse supplémentaire la rigidité à la baisse des salaires nominaux, ce qui bloque bien sûr le processus d’ajustement. K. − Non, il y a du chômage involontaire ; des chômeurs sont disposés à travailler pour un salaire réel qui permettrait de les employer, mais ils ne peuvent pas atteindre ce salaire réel par la négociation des salaires nominaux ; ce n’est pas la rigidité du salaire nominal qui pose véritablement problème, c’est la rigidité du salaire réel ; elle est due au fait que le niveau des prix n’est pas “négocié” sur le marché du travail ; il faut donc prendre en compte l’interdépendance avec le marché des biens ; or, une baisse des salaires nominaux telle que la souhaitent les classiques en période de chômage se traduit par une baisse de la demande, donc par une baisse des prix qui contrebalance l’effet de la baisse des salaires nominaux sur les salaires réels... 1. Soit une économie dans laquelle il n’y a qu’un seul bien, représentée schématiquement par le graphique en annexe. On note w/p le salaire réel, p le prix du bien, Y la production et L les quantités de travail. On part d’une situation de rigidité à la baisse du salaire nominal (avec w = w̄). Décrire chacun des trois quadrants déjà renseignés. Puis, montrer graphiquement l’effet d’une baisse du salaire nominal (de w̄ à w̄0 ) : • sur la fonction de demande (de bien) • sur la relation entre w/p et p • sur l’équilibre sur le marché des biens • sur l’équilibre sur le marché du travail. Cela confirme-t-il les propos de Monsieur K ? 2. Vos conclusions auraient-elles été identiques si la baisse de la demande avait été significativement plus faible que précédemment ? 46 C. − Même si l’on admettait ce point, la baisse des prix produirait des effets favorables à la reprise économique et par conséquent à l’emploi ; d’abord, un effet fondé sur un mécanisme exposé par Keynes lui-même, car la baisse des prix se traduit par une augmentation de la valeur réelle de la quantité de monnaie en circulation, ce qui équivaut à une augmentation de l’offre de monnaie, avec pour conséquence une baisse du taux d’intérêt qui relance l’investissement... K. − Keynes ne croit pas à l’impact de cet effet : d’une part, parce que l’investissement est peu élastique au taux d’intérêt en période de dépression ; d’autre part, si l’on se trouve en situation de trappe à liquidité, parce que l’offre de monnaie supplémentaire ne fera plus baisser le taux d’intérêt... 3. Définir le concept d’élasticité (de l’investissement au taux d’intérêt). Pourquoi serait-elle faible en période de récession ? 4. En quoi le principe de la trappe à liquidité laisse la demande inchangée (donc le niveau de l’emploi) ? C. − D’où l’importance du deuxième effet, mis en avant par Pigou et systématisé par Patinkin, l’effet d’encaisses réelles, ainsi dénommé parce que la baisse des prix accroı̂t le pouvoir d’achat des encaisses monétaires, donc enrichit les ménages et les incite à consommer plus, ce qui relance la demande... ; il n’y a d’ailleurs rien d’extravagant à supposer qu’une baisse des prix stimule la demande ! K. − L’argument est fort mais il néglige un certain nombre d’effets désastreux des processus déflationnistes ; d’abord, si l’on prend en compte les anticipations des agents, il néglige le fait que la baisse des prix peut tout aussi bien inciter les ménages à différer leurs achats, dans l’attente de prix encore plus bas, comportement qui provoque la baisse des prix qu’il appelait, donc valide les anticipations et incite à persévérer dans la même direction, d’où une spirale à la baisse ; mais la déflation a surtout pour effet, comme l’a montré Fisher dans un article remarquable de 1933, de renchérir les dettes en valeur réelle, tout en renchérissant aussi le taux d’intérêt réel, ce qui contraint les débiteurs, pris à la gorge, à liquider des actifs pour se procurer la monnaie requise par les remboursements, donc accroı̂t l’offre sur les marchés, ce qui aggrave la déflation et fait basculer l’économie dans un gouffre sans fin (plus les emprunteurs remboursent, plus la valeur réelle de leur dette augmente !), comme ce fut le cas pendant la grande crise... 5. Expliquer les mécanismes de l’effet d’encaisses réelles : en quoi cela affecte-t-il positivement la demande ? 6. En se servant de la réponse de Monsieur K., préciser la notion de prophéties (ou d’anticipations) auto-réalisatrices ? 47 C.− L’argument se retourne car l’appauvrissement des débiteurs a pour contrepartie l’enrichissement des créanciers... K. − Non, car l’effet n’est pas symétrique, l’impact négatif sur les débiteurs étant plus destructeur, ceux-ci étant soit de jeunes ménages qui s’étaient endettés pour consommer ou acquérir un logement, soit des entreprises qui s’étaient endettées pour investir ; ce sont donc les forces vives de l’économie qui sont frappées par la déflation ; de plus ce processus cumulatif finit par atteindre aussi les créanciers, les faillites des uns entraı̂nant la faillite des autres, surtout si les banques sont touchées à leur tour... 7. La réponse de Monsieur K. s’accorde-t-elle avec la théorie du cycle de vie d’Ando et Modigliani ? 48 Annexe :La relation croissance / productivité / emploi La relation croissance / productivité / emploi Au niveau d’une entreprise ou d’une branche, la productivité apparente du travail (PAT) peut être mesurée par le rapport de la valeur ajoutée (VA) sur les effectifs employés (N), soit VA/N. Au niveau de l’économie dans son ensemble, la PAT est alors mesurée par le raport PIB en volume sur N (ici, la population active employée). Soient RP AT , RP IB et RN les taux de croissance de la PAT, du PIB et de l’emploi. Puisque P AT = P IB/N , on a : 1 + RP AT = (1 + RP IB )/(1 + RN ). En effet, 1 + R sont les multiplicateurs correspondant aux différents taux de croissance (et si a = b/c, alors le fait de multiplier b par 4 et c par 2 revient à multiplier a par 2=4/2). Si l’on développe cette petite équation en faisant passer RN à gauche et tout le reste à droite, on obtient : RN = RP IB − RP AT − (RN × RP AT ). Si les R sont des taux de croissance annuels (souvent des taux de croissance annuels moyens), leur valeur est faible et leur produit est négligeable (exemple : 2% × 3% = 0,06%). C’est la raison pour laquelle on s’autorise généralement à le... négliger, ce qui donne : RN ' RP IB − RP AT (approximativement égal pour des petites valeurs de R, car comme vous le savez, on ne devrait pas soustraire des taux de croissance...). On obtient ainsi une relation comptable en les taux de croissance de trois grandeurs macroéconomiques : • Comptable : elle est vérifiée par définition puisqu’elle est déduite de la définition de la PAT ; elle exprime un lien nécessaire entre les trois variables mais elle ne nous dit rien sur la façon dont ce résultat est obtenu ni sur la ou les relations causales qui la déterminent (une relation comptable n’est pas une explication). • Taux de croissance : on s’intéresse à des vitesses, donc sur plusieurs années à des accélérations ou des ralentissements. • Macroéconomiques : il s’agit ici du résultat de l’intéraction d’une multitude de comportements microéconomiques ; à ce niveau d’abstraction on perd beaucoup d’informations significatives (par exemple, on additionne des emplois comme s’ils étaient homogènes, alors qu’ils correspondent à des qualifications requises très différentes). Pascal Combemale, in Nouveau manuel de SES, P. Combemale et J-.P. Piriou (dir.), La Découverte. 49 50 Graphique 2 : Le rôle des prix sur la demande et sur l’emploi Université Paris Ouest Nanterre La Défense Licence Economie-Gestion 1 2015-2016 Grandes Fonctions Macroéconomiques Travaux dirigés n◦ 5 INTRODUCTION A LA MONNAIE et l’EQUILIBRE KEYNESIEN 5.1 L’équilibre sur le marché de la monnaie On suppose que la demande de monnaie est une fonction L définie par : L(Y, r) = 1 Y + , 2 r − 1/10 où Y ≥ 0 et r ≥ 0 désignent respectivement le revenu national et le taux d’intérêt. 1. Comment varie la demande de monnaie en fonction du revenu et du taux d’intérêt ? Isoler les différents motifs de demande de monnaie (selon Keynes). 2. La fonction de demande de monnaie est-elle définie pour r ≤ 1/10 ? Quelle hypothèse économique peut-on avancer pour l’expliquer ? 3. Si l’on note M l’offre de monnaie, définir et tracer la courbe LM, soit l’ensemble des couples (Y, r) assurant l’équilibre sur le marché de la monnaie (i.e. tels que l’offre soit égale à la demande de monnaie). Vérifier que la courbe est croissante. 5.2 L’équilibre Keynésien et le multiplicateur On considère une économie caractérisée par les équations suivantes C = cY + C0 et I = bY + I0 (dépenses publiques et impots nuls) 1. Décrire les relations caractéristiques de ce modèle. 2. Donner l’expression du multiplicateur keynésien et interpréter. 3. Application numérique. On prend c = 0, 6, C0 = 100, b = 0, 2 et I0 = 200. Calculer l’équilibre et le représenter graphiquement. Que se passe-t-il si l’investissement autonome augmente de 30% ? et si la consommation autonome baisse de 50%? 51 5.3 L’équilibre IS-LM On considère une économie caractérisée par les équations suivantes C = 0, 8Yd + 100 ; I = −1000i + 500 ; G = 700 ; T = 1000 M0 = 1000 ; L1 (Y ) = 0, 5Y ; L2 (i) = 9750 − 75000i 1. Déterminer l’équation de la droite (IS) représentant l’équilibre sur le marché des biens et des services. 2. Déterminer l’équation de la droite (LM) représentant l’équilibre sur le marché de la monnaie. 3. Montrer que le couple d’équilibre de cette économie est (Y ∗ = 2000 ; i∗ = 1%). 52